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RIDR - Comité permanent

Droits de la personne


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le lundi 13 juin 2022

Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne se réunit aujourd’hui, à 17 h 1 (HE), avec vidéoconférence, pour examiner les questions qui pourraient survenir concernant les droits de la personne en général; le projet de loi S-224, Loi modifiant le Code criminel (traite de personnes); et à huis clos, les questions qui pourraient survenir concernant les droits de la personne en général.

La sénatrice Salma Ataullahjan (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Je m’appelle Salma Ataullahjan, sénatrice de Toronto et présidente de ce comité. Nous tenons aujourd’hui une réunion du Comité sénatorial permanent des droits de la personne.

J’aimerais prendre le temps de présenter les membres du comité qui participent à cette réunion, soit la sénatrice Boyer, de l’Ontario, la sénatrice Gerba, du Québec, la sénatrice Jaffer, de la Colombie-Britannique et la sénatrice Omidvar, de l’Ontario. Il y a également le sénateur Arnot, de la Saskatchewan, qui est en ligne.

Bienvenue à chacun de vous et aux gens qui suivent nos délibérations sur SenVu.

Avant que nous commencions, j’aimerais informer les honorables sénateurs de l’ordre du jour proposé pour notre réunion d’aujourd’hui. La réunion est divisée en trois parties selon un horaire serré. Nous commencerons par notre étude sur l’islamophobie au Canada, qui comprendra deux segments de 30 minutes durant lesquels des témoins comparaîtront. Une période sera réservée aux questions pour chacun des deux groupes de témoins.

Ensuite, nous procéderons probablement à l’étude article par article du projet de loi S-224, Loi modifiant le Code criminel (traite de personnes). Pour terminer, nous étudierons une ébauche de rapport.

Nous commençons aujourd’hui notre étude sur l’islamophobie au Canada, notamment la question de la violence en ligne et hors ligne contre les musulmans, ses sources et les solutions possibles.

Si j’ai proposé cette étude, c’est parce que nous observons une forte augmentation de la haine en ligne et des actes de violence contre les musulmans. De plus, ce qui m’a choquée pendant mes recherches, c’est d’apprendre que le Canada est le pays du G7 qui compte le plus de meurtres de musulmans. J’ai pensé que puisque les musulmans représentent 3 % de la population, nous devions réaliser cette étude très importante.

Je vais maintenant vous présenter les témoins de notre premier groupe. Nous accueillons M. Peter Flegel, directeur général du Secrétariat fédéral de la lutte contre le racisme du ministère du Patrimoine canadien. Nous accueillons également des représentants de Sécurité publique Canada : M. Dominic Rochon, sous-ministre adjoint principal du Secteur de la sécurité nationale et de la cybersécurité; M. Chad Westmacott, directeur général de la Sécurité communautaire des services correctionnels et de la justice pénale; et M. Robert Burley, directeur principal du Centre canadien d’engagement communautaire et de prévention de la violence.

J’invite maintenant M. Flegel a faire son exposé.

[Français]

Peter Flegel, directeur général, Secrétariat fédéral de la lutte contre le racisme, Patrimoine canadien : Bonjour à toutes et à tous.

Je m’appelle Peter Flegel et je suis le directeur exécutif du Secrétariat fédéral de lutte contre le racisme au ministère du Patrimoine canadien (PCH).

[Traduction]

J’aimerais tout d’abord souligner que la terre sur laquelle je travaille et je vis est le territoire traditionnel de la nation algonquine anishinabe.

Je remercie les honorables membres du Comité sénatorial permanent des droits de la personne de m’avoir invité à m’exprimer sur une question aussi importante et pressante.

Pas plus tard que lundi dernier, je me suis joint à des centaines de membres de communautés musulmanes de partout au Canada, qui se sont réunis dans la capitale nationale. Ensemble, nous avons marché au cœur du centre-ville d’Ottawa pour souligner le premier anniversaire de l’attentat terroriste qui a coûté la vie à quatre membres d’une famille musulmane à London, en Ontario.

Plus tôt dans la journée, j’ai été gracieusement accueilli par plusieurs dizaines de leaders musulmans lors de la journée de sensibilisation du Conseil national des musulmans canadiens. Pendant plus d’une heure, des représentants de diverses organisations nationales, régionales, locales et étudiantes m’ont parlé directement des obstacles considérables auxquels ils sont confrontés quotidiennement. Ces personnes ont également abordé les moyens par lesquels le gouvernement peut travailler avec les communautés musulmanes pour combattre l’islamophobie systémique dans le cadre des efforts plus larges que nous déployons pour combattre toutes les formes de racisme — et personne n’a mâché ses mots.

On a confirmé que l’islamophobie est une réalité concrète et quotidienne pour les communautés musulmanes au Canada. Les personnes présentes ont déclaré que chaque jour, elles craignent pour leur vie. Elles ont ajouté que le gouvernement a la responsabilité de prendre toutes les mesures nécessaires pour éradiquer ce fléau de notre société. Et ceci n’est pas du tout une surprise.

[Français]

Car depuis nos tout débuts, la lutte contre l’islamophobie a fait partie des priorités du Secrétariat fédéral de lutte contre le racisme, à PCH, alors que nous dirigeons et coordonnons une approche pangouvernementale de lutte contre la discrimination raciale.

Pour vous offrir un peu de contexte, le Secrétariat fédéral est la pierre angulaire de la stratégie canadienne de lutte contre le racisme 2019–2022.

[Traduction]

Créé en 2019 par le gouvernement du Canada, le Secrétariat fédéral de lutte contre le racisme est un centre d’expertise au sein du ministère du Patrimoine canadien qui travaille directement avec les ministères et les organismes fédéraux pour cerner les obstacles systémiques, les lacunes en matière de politiques et les répercussions des décisions fédérales.

Nous travaillons sous la direction de l’honorable Ahmed Hussen, ministre du Logement et de la Diversité et de l’Inclusion. Nous faisons notre travail pour aider ensuite les organisations fédérales à élaborer et à mettre en œuvre des programmes, des politiques, des lois et des services de manière à éliminer le racisme systémique, y compris l’islamophobie.

Pour jouer ce rôle, le Secrétariat fédéral de lutte contre le racisme a établi une voie de communication de politiques qui va des communautés au gouvernement, ce qui nous a mis en contact avec près de 4 millions de personnes partout au pays. Cela nous permet de placer au centre les voix des populations visées par l’équité ayant une expérience vécue du racisme dans le cadre du travail que nous accomplissons pour aider les institutions fédérales dans leur travail d’élaboration de politiques.

Avec une équipe qui est sans doute l’une des plus diversifiées du gouvernement, nous nous efforçons de développer des relations durables et de confiance avec les communautés musulmanes. Pour ce faire, nous avons organisé le tout premier sommet national sur l’islamophobie au Canada — du gouvernement du Canada. Nous avons organisé une assemblée publique avec des centaines de dirigeants de la communauté musulmane sur l’élaboration de solutions liées à la pandémie. Nous avons organisé des rencontres directes entre ces dirigeants et les ministères fédéraux afin de trouver des moyens d’améliorer la conception et la mise en œuvre des initiatives fédérales. De plus, nous avons élaboré et dirigé la création d’une optique ou d’un cadre de la lutte contre le racisme offrant aux ministères de meilleurs outils pour éliminer les obstacles systémiques, y compris l’islamophobie, de leurs secteurs d’activité.

[Français]

Plus récemment, nous avons organisé 21 tables rondes avec divers partenaires et intervenants, sous la direction du ministre du Logement et de la Diversité et de l’Inclusion, y compris avec des leaders des communautés musulmanes ayant des identités intersectionnelles.

[Traduction]

Je vais vous dire ce que nous avons entendu. L’islamophobie entraîne des répercussions sur la santé mentale des membres des communautés musulmanes, en particulier des jeunes. Les personnes victimes de la haine se heurtent à de sérieux obstacles pour signaler les crimes haineux et obtenir un recours. Les préoccupations sont nombreuses quant à l’infiltration potentielle de groupes militant pour la suprématie blanche au sein de nos institutions ou à leur partialité à leur égard, notamment à la suite des manifestations du convoi de janvier de cette année.

Les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux et les municipalités auraient avantage à mieux coordonner leurs efforts pour combattre la haine, notamment dans le domaine de l’éducation. Les gens qui déploient des efforts au pays pour combattre la haine, en particulier à l’échelle locale, ont besoin d’un financement accru pour s’attaquer aux problèmes de haine et assurer la sécurité.

L’islamophobie systémique, y compris la surveillance des communautés musulmanes, demeure une grave préoccupation, étant donné que la plus grande menace pour la sécurité nationale provient des groupes militant pour la suprématie blanche.

Il est possible d’améliorer la cohérence et l’incidence des lois fédérales pour intenter des poursuites contre des auteurs de crimes haineux et des groupes haineux.

La vie des musulmans au Canada est stigmatisée et menacée par la répétition de stéréotypes islamophobes sur une variété de plateformes et de médias internationaux, nationaux, régionaux et locaux.

Le gouvernement est à l’écoute des communautés musulmanes. L’une des recommandations du sommet de l’année dernière était de créer un poste de représentant spécial pour la lutte contre l’islamophobie...

La présidente : Monsieur Flegel, puisque nous sommes vraiment pressés par le temps, pourriez-vous conclure? Certains des sujets dont vous voulez parler pourraient être abordés pendant la période réservée aux questions. Merci.

M. Flegel : Absolument.

Donc, pour l’essentiel, le Secrétariat fédéral de lutte contre le racisme travaillera avec plusieurs ministères et parties prenantes au renouvellement de la Stratégie canadienne de lutte contre le racisme et à la publication du tout premier Plan d’action national de lutte contre la haine.

[Français]

Encore une fois, merci de m’avoir invité et je me réjouis à l’avance d’en discuter avec vous.

[Traduction]

La présidente : Merci. Je vais maintenant céder la parole à M. Dominic Rochon. La parole est à vous.

Dominic Rochon, sous-ministre adjoint principal, Secteur de la sécurité nationale et de la cybersécurité, Sécurité publique Canada : Merci, madame la présidente.

Bonjour aux membres du comité. Je m’appelle Dominic Rochon. Je suis le sous-ministre adjoint principal du Secteur de la sécurité nationale et de la cybersécurité à Sécurité publique Canada.

[Français]

Je vous remercie de me donner l’occasion de prendre la parole devant vous aujourd’hui. J’espère sincèrement que notre comparution et notre discussion pourront aider à orienter l’étude du comité sur l’islamophobie.

Comme l’a mentionné mon collègue Peter Flegel, le 6 juin a marqué le premier anniversaire de l’attentat mortel contre une famille musulmane à London, en Ontario. Cet attentat, et d’autres, dont la fusillade à la mosquée de Québec, survenue en 2017, et plus récemment l’attentat contre une mosquée à Mississauga, en mars 2022, souligne le besoin urgent d’adopter des mesures supplémentaires pour contrer cette menace.

[Traduction]

Pour mettre les choses en contexte, le mandat de Sécurité publique Canada est de protéger les Canadiens. Nous remplissons ce mandat en collaborant étroitement avec d’autres ministères et organismes pour jouer un rôle de chef de file au sujet des politiques et des programmes en matière de sécurité nationale, de stratégies frontalières, de lutte contre la criminalité et de gestion des urgences.

En décembre 2021, le ministre de la Sécurité publique a reçu sa lettre de mandat de la part du premier ministre, dans laquelle ce dernier lui demandait d’appuyer l’élaboration d’un plan d’action national de lutte contre la haine, dont mon collègue, M. Flegel, vous a parlé plus tôt.

De plus, nous appuyons activement l’engagement du gouvernement à combattre l’islamophobie et d’autres formes de violence xénophobe et extrémiste partout au pays.

[Français]

L’un de nos principaux programmes à ce sujet est le Programme de financement des projets d’infrastructure de sécurité pour les collectivités à risque. Il aide les collectivités susceptibles d’être la cible de crimes haineux en fournissant un financement pour améliorer les mesures de sécurité dans leurs lieux de rassemblement communautaire.

Depuis sa création, le programme a fourni plus de 11 millions de dollars pour financer plus de 380 projets partout au Canada. Les évaluations ministérielles ont montré des résultats positifs, les bénéficiaires du financement convenant que le programme avait accru leur sentiment de sécurité et réduit l’incidence des crimes motivés par la haine dans leurs établissements. Sécurité publique Canada envisage des améliorations éventuelles au programme, fondées sur la rétroaction des intervenants.

[Traduction]

Nous étudions également des moyens de lutter contre l’extrémisme violent à caractère idéologique. Le premier ministre a aussi demandé au ministre, dans sa lettre de mandat, de proposer des mesures de lutte contre la montée de l’extrémisme violent à caractère idéologique, dont mes collègues ont parlé devant le Comité permanent de la sécurité publique et nationale le mois dernier.

En matière d’extrémisme violent à caractère idéologique, la prévention est une composante essentielle de l’intervention pangouvernementale et pansociétale face à cette menace. Le Centre canadien d’engagement communautaire et de prévention de la violence, ou Centre canadien, a été mis sur pied il y a six ans pour mener les efforts du gouvernement fédéral visant à prévenir l’extrémisme violent et à lutter contre celui-ci.

[Français]

Orienté par la Stratégie nationale de lutte contre la radicalisation menant à la violence, le Centre canadien d’engagement communautaire et de prévention de la violence collabore avec des partenaires canadiens et étrangers au sein du gouvernement, de la société civile, de l’industrie et du milieu de la recherche pour acquérir et communiquer des connaissances sur les pratiques efficaces en matière de prévention.

Dans le cadre de son programme de subventions et de contributions, le Fonds pour la résilience communautaire, le centre canadien fournit aussi un appui financier aux chercheurs et aux praticiens de première ligne afin de mieux comprendre et prévenir la radicalisation menant à la violence et de savoir comment y réagir.

[Traduction]

Toutefois, la menace est très complexe, car le fait d’avoir des opinions extrémistes ne garantit pas que des gestes très violents seront posés. Des outils en matière de sécurité nationale et de renseignement sont disponibles pour faire face à l’extrémisme violent à caractère idéologique lorsque certaines activités représentent des menaces pour la sécurité du Canada et atteignent le seuil établi dans la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité en matière de violence grave.

À Sécurité publique Canada, nous travaillons activement pour faire face à l’extrémisme violent à caractère idéologique et aux organisations qui atteignent ces seuils, dont celles qui ont des opinions extrémistes de nature xénophobe ou sur la suprématie blanche. Fait important, huit organisations liées à l’extrémisme violent à caractère idéologique et un individu sont visés par les dispositions sur les entités terroristes du Code criminel du Canada.

Enfin, j’aimerais parler des efforts que déploie Sécurité publique Canada pour accroître la sensibilité aux préjugés et la compétence culturelle des praticiens de la sécurité nationale, en partie au moyen d’une mobilisation du public auprès des Canadiens et des communautés diverses.

Notamment, en mars 2022, nous avons organisé notre troisième symposium annuel sur les questions liées aux préjugés et à l’intersectionnalité sur le thème de la sécurité nationale, de l’islamophobie et de la haine envers les Asiatiques. Des représentants de la société civile ont expliqué comment les politiques et les opérations en matière de sécurité nationale ont touché les communautés musulmanes et asiatiques du Canada, et que le milieu de la sécurité nationale doit améliorer la mobilisation en interagissant consciemment avec les communautés pour s’assurer qu’elles ne sont pas perçues comme étant des menaces pour la sécurité, ou traitées comme si elles en étaient.

[Français]

En conclusion, j’aimerais souligner le fait que le travail que nous faisons à Sécurité publique Canada pour lutter contre l’islamophobie fait partie d’un engagement beaucoup plus global du gouvernement du Canada à créer un Canada plus sécuritaire et plus inclusif pour tous.

Je vous remercie de votre attention.

[Traduction]

Je répondrai à vos questions avec plaisir.

La présidente : Je vous remercie beaucoup de vos exposés.

Nous allons maintenant passer aux questions. J’ai déjà une liste. C’est la sénatrice Jaffer qui commence. Elle sera suivie de la sénatrice Omidvar.

La sénatrice Jaffer : Merci beaucoup, madame la présidente.

Je vous remercie tous de votre présence.

La présidente : Nous avons un programme chargé. Les interventions seront de trois minutes plutôt que de quatre minutes comme c’est habituellement le cas.

La sénatrice Jaffer : Merci.

Ma question s’adresse à vous deux, messieurs Flegel et Rochon. Comment consultez-vous les communautés, concrètement? Le faites-vous régulièrement?

M. Flegel : Merci. Je peux commencer.

Au Secrétariat fédéral de lutte contre le racisme du ministère du Patrimoine canadien, nous consultons une variété de communautés différentes et nous communiquons avec elles régulièrement, y compris les communautés musulmanes. J’ai parlé du sommet national qui a été organisé en 2021.

Nous avons organisé l’assemblée publique sur l’islamophobie dans le contexte de la pandémie avec des dirigeants de la communauté musulmane.

La sénatrice Jaffer : Monsieur Flegel, je ne veux pas être impolie. Comme je dispose de très peu de temps, j’aimerais que vous parliez de vos consultations directes, et non pas des conférences que vous organisez, car j’ai lu à ce sujet et vous en avez parlé.

Quelles consultations menez-vous individuellement? Par exemple, le Conseil national des musulmans canadiens est une organisation très connue au sein de nos communautés. Que faites-vous? Comment les consultez-vous pour mettre fin à l’islamophobie au Canada?

M. Flegel : En plus, comme je l’ai mentionné, des sommets, des assemblées publiques et des autres événements que nous organisons, nous avons des entretiens téléphoniques avec des dirigeants musulmans de différentes organisations.

Nous organisons des rencontres entre les ministères et la communauté musulmane afin d’améliorer les politiques et les programmes fédéraux qui touchent les communautés musulmanes.

Nous souhaitons continuer à travailler avec les communautés musulmanes pour combattre l’islamophobie.

La sénatrice Jaffer : Merci. Voulez-vous répondre, monsieur Rochon?

M. Rochon : Je vais répondre très rapidement, parce que c’est une question très vaste. Comme vous pouvez le comprendre, je représente le ministère de la Sécurité publique du Canada, mais la communauté de la sécurité et du renseignement est beaucoup plus vaste que cela.

La sénatrice Jaffer : Il ne s’agit pas d’une question vaste, monsieur Rochon. Je vous demande ce que vous faites — vous représentez votre ministère et...

M. Rochon : En effet.

La sénatrice Jaffer : ... votre ministre concernant ces questions. Il ne s’agit pas d’une question vaste.

Je vous demande de nous parler de vos consultations avec les communautés? Que faites-vous? Je ne parle pas des grandes conférences que vous tenez. Quelles consultations menez-vous?

M. Rochon : Si j’ai répondu comme je l’ai fait, c’est parce que je ne peux pas parler au nom de l’Agence des services frontaliers du Canada, du SCRS et de la Gendarmerie royale du Canada. Je vais parler au nom du ministère de la Sécurité publique.

Comme je vous l’ai mentionné, nous avons tenu un symposium sur l’islamophobie et la haine envers les Asiatiques auquel divers représentants ont été invités. Voilà un exemple.

Mon collègue, Robert Burley, est responsable du Centre canadien d’engagement communautaire et de prévention de la violence et il aimerait peut-être soulever quelques points. Nous disposons de divers programmes d’engagement.

Nous avons également un autre groupe que je vais mentionner rapidement, le Groupe consultatif sur la transparence de la sécurité nationale, que je copréside et qui regroupe un certain nombre de personnes.

La sénatrice Jaffer : Monsieur Rochon, je n’ai plus de temps. Puis-je vous demander à tous les deux, messieurs Flegel et Rochon, de fournir à la présidente des renseignements sur les efforts que vous déployez précisément pour consulter les communautés? Cela vous donnera l’occasion, monsieur Rochon, de demander à tous les différents organismes relevant du ministre de nous dire ce que vous faites exactement — et je ne parle pas des grands sommets, du sommet sur l’islamophobie, etc. — pour soutenir les communautés en cette période très difficile. Merci beaucoup. Veuillez communiquer l’information à la présidente.

La sénatrice Omidvar : Madame la présidente, j’ai une brève question à poser à M. Flegel, puis j’en aurai une autre qui s’adressera à M. Rochon si j’ai assez de temps.

Monsieur Flegel, d’après ce que vous avez dit dans votre exposé, j’ai compris que votre organisme est principalement tourné vers l’extérieur. Vous communiquez surtout avec les communautés.

Je veux savoir comment vous intervenez à l’interne, au sein du gouvernement, car nous savons que la discrimination et l’islamophobie existent peut-être aussi au sein du gouvernement. C’est la question que je vous pose.

M. Flegel : Merci beaucoup de cette question. Absolument. L’un des éléments clés de nos stratégies est d’appuyer le Secrétariat du Conseil du Trésor dans son travail de lutte contre le racisme systémique au sein de la fonction publique, ce qui inclut l’islamophobie. Au sein du Secrétariat fédéral de lutte contre le racisme, nous nous sommes assurés d’embaucher des membres du personnel musulmans qui apportent non seulement leur expérience, mais aussi leur expertise pour mener à bien ce travail essentiel de lutte contre toutes les formes de racisme, y compris l’islamophobie.

Nous continuerons à soutenir le Secrétariat du Conseil du Trésor et le Bureau du Conseil privé pour combattre et éradiquer le racisme, y compris l’islamophobie, au sein de la fonction publique.

La sénatrice Omidvar : Travaillez-vous avec la Commission de la fonction publique?

M. Flegel : Oui, je travaille aussi avec la commission.

La sénatrice Omidvar : Avez-vous remarqué si, en ce qui concerne l’embauche, il y a une tendance dans un sens ou dans l’autre?

M. Flegel : Nous serions heureux de vous envoyer les dernières données désagrégées par écrit.

La sénatrice Omidvar : Je vous remercie. Monsieur Rochon, j’ai une question très simple à vous poser. J’ai écouté avec intérêt lorsque vous avez parlé du financement pour améliorer la sécurité dans les mosquées. Sans sécurité, les fidèles sont des cibles faciles. En général, comment évalueriez-vous la sécurité dans les mosquées au Canada?

M. Rochon : Si vous me le permettez, j’aimerais transmettre cette question à mon collègue, Chad Westmacott, car il est responsable du Programme de financement des projets d’infrastructure de sécurité qui, je pense, est directement lié à votre question.

Chad Westmacott, directeur général, Sécurité communautaire, Affaires correctionnelles et justice pénale, Secteur de la prévention du crime, Sécurité publique Canada : Je vous remercie beaucoup de votre question. Je dirais qu’il est difficile pour nous d’évaluer la sécurité des mosquées au pays. En ce qui concerne notre programme, comme M. Rochon l’a souligné, des évaluations ont révélé que les personnes qui ont participé à ce programme se sont senties plus en sécurité après que des investissements aient été faits pour renforcer la sécurité dans les mosquées.

La sénatrice Omidvar : Combien de mosquées ont participé au Canada? Combien sont inscrites?

M. Westmacott : Plus de 380 projets d’infrastructure ont été lancés. Je peux obtenir pour vous les chiffres exacts en ce qui concerne les mosquées.

La sénatrice Omidvar : Je vous remercie. Nous aimerions connaître le ratio. Par exemple, s’il y a 1 000 mosquées, est-ce que 10 ou 20 % d’entre elles participent au programme? Je vous remercie.

Le sénateur Arnot : Bonjour, messieurs les témoins. Ma question s’adresse à M. Flegel.

Monsieur Flegel, vous avez indiqué que lors de vos consultations, l’éducation a été soulignée comme faisant partie de la solution. Seriez-vous d’accord avec moi pour dire que des ressources énergiques, de la maternelle à la 12e année, qui mettent l’accent sur les droits liés à la citoyenneté, mais surtout sur les responsabilités qui accompagnent la citoyenneté canadienne et sur la responsabilité fondamentale de respecter chaque citoyen, sont des mesures que la communauté accueillerait favorablement à titre de mécanisme de prévention en amont dans le système scolaire, de la maternelle à la 12e année, afin de créer une bien meilleure compréhension que celle qui existe actuellement?

M. Flegel : Je vous remercie de votre question. Des centaines d’intervenants dans tout le pays ont soulevé ce point précis, c’est-à-dire le pouvoir de l’éducation et de la citoyenneté pour changer les points de vue et pour combattre la haine et l’islamophobie. C’est certainement une chose que nous avons entendue et dont nous tenons compte dans l’élaboration de deux initiatives, à savoir le tout nouveau et tout premier Plan d’action de lutte contre la haine, ainsi que la nouvelle Stratégie fédérale de lutte contre le racisme au Canada.

Le sénateur Arnot : Je vous remercie. Je vous suis reconnaissant de la réponse et de la voie empruntée par Patrimoine canadien.

[Français]

La sénatrice Gerba : Ma question s’adresse à M. Flegel. On note que l’islamophobie est plus importante au Canada que dans la plupart des pays du G7. Le plan d’action du Canada dont vous nous avez parlé s’inspire-t-il de ce qu’il se passe dans les autres pays? J’aimerais savoir ce que font les autres pays pour faire en sorte que le taux de crimes haineux contre les musulmans ne soit pas si important. C’est ma première question et j’en aurai une autre pour M. Westmacott.

M. Flegel : Merci beaucoup pour votre question. Le Plan d’action national de lutte contre la haine est en cours d’élaboration. Bien sûr, nous nous penchons non seulement sur les recommandations des communautés, mais aussi sur ce qui se fait à travers le monde pour nous inspirer des meilleures pratiques. Nous serons ravis, une fois que le plan sera prêt, de venir vous le présenter.

La sénatrice Gerba : Quand prévoit-on que ce plan sera prêt?

M. Flegel : Nous pourrons vous donner des détails et des confirmations par écrit.

La sénatrice Gerba : En attendant, qu’est-ce qui se fait? Je reviens à la question de ma collègue la sénatrice Jaffer. Qu’est‑ce qui se fait concrètement, au jour le jour, pour faire en sorte que les musulmans ne soient pas confrontés à cette haine au quotidien? Qu’est-ce qui se fait en attendant que le plan soit mis en place?

M. Flegel : Je vous remercie de cette question. Des investissements de plusieurs millions de dollars sont versés aux communautés musulmanes pour les appuyer dans le travail de lutte contre l’islamophobie.

[Traduction]

Par exemple, l’Institut canado-arabe a reçu 184 000 $ pour lancer des projets de lutte contre l’islamophobie, et le Centre des femmes afghanes de Montréal et bien d’autres ont également reçu du soutien. Pour Patrimoine canadien, il est essentiel d’être en mesure de financer et de soutenir les organismes communautaires pour qu’ils jouent un rôle de leadership.

J’invite mes collègues de Sécurité publique, qui participent aussi très activement à ces efforts, de vous parler plus en détail du travail qu’ils soutiennent.

Robert Burley, directeur principal, Centre canadien d’engagement communautaire et de prévention de la violence, Sécurité publique Canada : Je vous remercie beaucoup. Bonjour.

Le Centre canadien d’engagement communautaire et de prévention de la violence a certainement, comme outil principal, le Fonds pour la résilience communautaire, qui finance des projets et des recherches, y compris des organismes communautaires. Même si nous n’avons pas de projets qui visent précisément l’islamophobie, nous avons des projets qui visent toute la gamme des problèmes liés à l’extrémisme violent à caractère idéologique.

La sénatrice Omidvar : Monsieur Flegel, j’ai entendu dire que vous êtes en train d’élaborer un plan, et cela m’intéresse beaucoup. En effet, nous menons une étude sur l’islamophobie et il faut donc que vous nous parliez de ce plan et de son calendrier, car autrement, nous fonctionnerons en vase clos. Pouvez-vous nous assurer qu’un tel plan sera communiqué à la présidente du comité?

M. Flegel : Certainement. Nous nous engageons à vous communiquer ce plan dès qu’il sera prêt.

La sénatrice Omidvar : Quand sera-t-il prêt, selon vous? Il faudrait que notre calendrier corresponde d’une manière ou d’une autre.

M. Flegel : Certainement. Et nous ferons un suivi par écrit pour nous assurer que tout correspond, comme vous l’avez suggéré.

La sénatrice Jaffer : Monsieur Flegel et monsieur Rochon, je dois vous avouer que c’est très décourageant de vous écouter tous les deux, car vous parlez tous les deux de plans qui seront mis en place, et vous nous dites que vous nous enverrez ces plans.

Vous saviez que vous veniez ici. Vous saviez que vous comparaissiez dans le cadre d’une étude sur l’islamophobie, et vous parlez de manière générale sans nous donner des idées précises. J’espère que vous nous direz exactement ce que vous faites très bientôt.

Par ailleurs, monsieur Flegel, je sais que vous participez très activement à l’analyse ASC et à l’inclusion des communautés dans l’Analyse comparative entre les sexes Plus. Que faites-vous exactement pour aider la fonction publique et la Commission de la fonction publique à comprendre l’islamophobie? Pouvez-vous fournir au comité les documents exacts que vous utilisez pour parler de l’islamophobie?

Vous avez fait une excellente présentation au groupe afro‑canadien. Nous l’avons beaucoup aimée. J’aimerais que vous fassiez parvenir au comité les ressources précises que vous utilisez dans le dossier de l’islamophobie.

La présidente : J’aimerais ajouter une autre question. Avez‑vous l’impression de faire peser une responsabilité supplémentaire sur les épaules des employés musulmans, car ils doivent participer aux efforts en matière d’éducation en plus de faire leur travail?

Je comprends si vous ne pouvez pas répondre. Nous aimerions avoir des réponses à certaines questions. Je vais vous poser d’autres questions. Vous pouvez toujours nous envoyer les réponses par écrit puisque nous manquons de temps.

Vous avez dit que vous aviez observé des résultats positifs. Pouvez-vous nous parler de ces résultats positifs?

Comment choisissez-vous les intervenants?

Nous avons également parlé des priorités. Quelle est la priorité lorsqu’il s’agit de l’islamophobie? Quatre millions de personnes sont en communication au sein de la communauté. Veuillez nous envoyer par écrit les réponses aux questions suivantes. Comment communiquez-vous entre vous? Comment ces personnes ont‑elles été choisies? Je tiens à savoir comment les intervenants sont choisis. Veuillez donc nous expliquer ce processus.

Le temps imparti est presque écoulé, mais nous constatons que les sénateurs manifestent un grand intérêt pour le sujet et qu’ils continuent de poser de nombreuses questions. J’aimerais profiter de cette occasion pour vous dire que je pense que nous aimerions vous inviter à comparaître à nouveau. Mais je pense que nous vous donnerons une heure au lieu d’une demi-heure.

Messieurs, je vous remercie beaucoup d’avoir comparu aujourd’hui. Nous vous sommes reconnaissants de vos témoignages, et nous espérons vous revoir bientôt.

Avant d’accueillir le deuxième groupe de témoins, je vais demander à la sénatrice Boyer d’assumer la présidence du comité. En effet, je joue un rôle consultatif auprès du Conseil national des musulmans canadiens. Je devrai donc me récuser et, par conséquent, je ne présiderai pas la partie de la réunion avec le deuxième groupe de témoins. La vice-présidente du comité, la sénatrice Bernard, ne pouvant être présente, la sénatrice Boyer a gracieusement accepté d’assumer la présidence de cette partie de la réunion d’aujourd’hui sur l’étude et la partie sur le projet de loi S-224, dont je suis la marraine.

La sénatrice Yvonne Boyer (présidente suppléante) occupe le fauteuil.

La présidente suppléante : Avec notre deuxième groupe de témoins, nous poursuivons notre étude sur l’islamophobie au Canada. J’aimerais donc présenter nos prochains témoins. Du Conseil national des musulmans canadiens, nous accueillons Mustafa Farooq, chef de la direction, Me Daniel J. Kuhlen, avocat et Me Nusaiba Al-Azem, avocate.

J’invite maintenant M. Farooq à faire une déclaration.

Mustafa Farooq, chef de la direction, Conseil national des musulmans canadiens : Madame la présidente et honorables sénateurs, je vous remercie beaucoup de nous avoir invités à comparaître devant votre comité pour vous faire part du point de vue du Conseil national des musulmans canadiens sur cette étude extrêmement importante qui porte sur la question de l’islamophobie. Je tiens à souligner que je me joins à vous aujourd’hui à partir du territoire non cédé et non soumis de la nation algonquine anishinabe, et qu’il est impossible de s’attaquer au problème de l’islamophobie sans aborder aussi la question du racisme envers les Autochtones.

En bref, le Conseil national des musulmans canadiens est un organisme à base populaire indépendant, non partisan et sans but lucratif. Notre mission consiste à protéger les droits de la personne et les libertés civiles, à lutter contre la discrimination et l’islamophobie, à favoriser la compréhension mutuelle et à faire connaître les préoccupations publiques des communautés musulmanes canadiennes.

Je voudrais commencer aujourd’hui par lire les noms de mes frères et sœurs pour le compte rendu: Ibrahima Barry, Mamadou Tanou Barry, Khaled Belkacemi, Aboubaker Thabti, Abdelkrim Hassane, Azzeddine Soufiane, Mohamed-Aslim Zafis, Yumna Afzaal, Madiha Salman, Salman Afzaal, Talat Afzaal. Ce sont les noms des musulmans enlevés à notre nation par des actes islamophobes au cours des cinq dernières années, c’est-à-dire lors de l’attaque à la mosquée de Québec, de l’attaque terroriste à Londres et de l’attaque à la mosquée de l’International Muslim Organization of Toronto​.

En effet, comme l’a fait remarquer la sénatrice Ataullahjan, le Canada est devenu la première nation du G7 en ce qui concerne les assassinats ciblés de musulmans causés par l’islamophobie. C’est sans parler des survivants. C’est sans parler d’Aymen Derbali, le héros qui s’est jeté devant les balles lors de l’attaque à la mosquée de Québec et qui est resté paralysé par la suite. C’est sans parler des enfants de Mohamed-Aslim Zafis, à qui j’ai parlé au début du mois et qui, aujourd’hui encore, craignent de marcher dans les rues d’Etobicoke. C’est sans parler d’un jeune homme courageux qui a grandi à Londres sans sa sœur et sans ses parents. C’est sans compter les autres attaques qui se sont produites au Canada et qui auraient pu facilement faire des victimes, qu’il s’agisse de l’attaque qui s’est produite cette année à la mosquée Dar Al-Tawheed, à Peel, où un homme a brandi une hache et a tenté de tuer des « terroristes musulmans », des attaques au couteau contre des femmes musulmanes noires à Edmonton ou des agressions vicieuses dans les rues de Montréal.

Le problème de l’islamophobie violente au Canada est extrêmement dangereux et nécessite une approche pangouvernementale. C’est sans parler de l’islamophobie systémique. C’est sans parler de la façon dont nos organismes de sécurité nationale ont l’habitude de cibler de façon disproportionnée les musulmans canadiens. C’est sans parler des lois provinciales, par exemple le projet de loi no 21, qui tente d’exclure les femmes musulmanes portant le hidjab de la plupart de certains postes du secteur public. C’est sans parler des problèmes à la frontière avec l’ASFC ou des problèmes éprouvés par les organismes de bienfaisance musulmans avec l’ARC.

Le problème de l’islamophobie est donc un problème qui est étudié, à juste titre, par votre comité comme étant l’un des principaux défis auxquels notre nation fait face aujourd’hui. Je tiens donc à remercier votre honorable comité de s’être engagé dans une étude plus approfondie de l’islamophobie.

L’étude précédente sur l’islamophobie qui avait été entreprise dans l’autre lieu avait suscité des craintes importantes et non fondées. Il suffit de penser à la tristement célèbre M-103 sur l’islamophobie en 2017, qui a entraîné des menaces de mort à l’encontre de parlementaires et des manifestations ici-même sur la Colline du Parlement.

Je tiens à souligner que l’étude de votre comité devrait également commencer par une lecture exhaustive du rapport du Comité permanent du patrimoine canadien, intitulé Agir contre le racisme systémique et la discrimination religieuse, y compris l’islamophobie. Il s’agit notamment d’aider votre comité à définir le mot « islamophobie », que le Canada a généralement défini comme suit :

L’islamophobie comprend ce qui suit : racisme, stéréotypes, préjugés, peur ou actes d’hostilité envers des personnes musulmanes ou les adeptes de l’islam en général. En plus de motiver des actes d’intolérance et de profilage racial, l’islamophobie mène à considérer, aux niveaux institutionnel, systémique et sociétal, que les musulmans constituent une menace accrue pour la sécurité.

En guise de recommandations concrètes pour votre comité, le Conseil national des musulmans canadiens propose que les actions et les mesures politiques suivantes soient entreprises. Premièrement, bien qu’on se soit engagé à l’égard d’un grand nombre des 61 recommandations formulées lors du Sommet national sur l’islamophobie en 2021, comme la création du bureau du représentant spécial chargé de la lutte contre l’islamophobie ou d’un fonds national de soutien aux victimes de crimes motivés par la haine, nous encourageons les deux Chambres à donner la priorité à la mise en œuvre de modifications législatives et réglementaires, afin d’opérationnaliser davantage toutes les recommandations formulées lors du sommet.

Deuxièmement, nous recommandons au comité d’accepter et de mettre en œuvre la recommandation selon laquelle la violence et l’islamophobie systémiques méritent non seulement de faire l’objet d’une étude, mais aussi de mesures supplémentaires de la part de cette chambre.

Troisièmement, à titre de mesures concrètes immédiates visant à combattre l’islamophobie de manière significative, nous encourageons le comité à présenter les recommandations suivantes : la création d’une disposition autonome dans le Code criminel afin d’établir un processus spécial pour traiter les crimes haineux, y compris des peines plus sévères pour les contrevenants violents et une voie de réadaptation pour les jeunes contrevenants ou ceux qui pourraient en bénéficier; une réforme du Programme de financement des projets d’infrastructure de sécurité pour permettre aux mosquées et aux organismes communautaires de mieux se protéger en rationalisant le financement des lieux de culte; et un investissement du gouvernement du Canada dans des messages d’intérêt public qui visent à lutter contre l’islamophobie, afin d’éduquer les gens et de provoquer des changements de comportement.

Sous réserve des questions des membres du comité, voilà ce que nous proposons. Je vous remercie.

La présidente suppléante : Je vous remercie de votre déclaration détaillée, monsieur Farooq. Nous allons maintenant passer aux questions. Je tiens à informer les sénateurs que vous avez trois minutes chacun pour vos questions et que cela comprend les réponses.

La sénatrice Jaffer : Je tiens à remercier les témoins d’être ici.

As-Salaam-Alaikum, monsieur Farooq. J’ai tellement de questions à vous poser que je devrai vous inviter à comparaître à nouveau. Je ne sais pas si vous avez entendu la discussion avec le gouvernement, mais c’était extrêmement frustrant, parce que les intervenants ne font qu’affirmer qu’un programme est en cours et qu’ils se penchent sur la question et qu’ils travaillent sur ce programme. Mais plutôt que de simplement me fâcher, je vais vous poser ma première question. Est-ce que le gouvernement a discuté avec vous? Le Conseil national des musulmans canadiens est l’un des plus grands organismes musulmans du pays. Le gouvernement a-t-il discuté avec vous? Vous a-t-il consultés sur la suite des choses?

M. Farooq : Je vous remercie de votre question, sénatrice. Avant de dire quoi que ce soit d’autre, il serait négligent de ma part de ne pas vous remercier, tout d’abord, pour les nombreuses années où vous avez défendu les communautés minoritaires, non seulement la communauté musulmane, mais de nombreuses communautés diverses, surtout à des moments où il était plus difficile de le faire. Je vous remercie donc de votre travail.

Pour répondre à votre question, le gouvernement nous a visiblement rencontrés et nous a consultés. Je tiens également à souligner, en particulier, que des personnes comme M. Peter Flegel font beaucoup de travail à titre individuel et personnel pour tenter de faire avancer les choses. Toutefois, je dois également préciser que le rythme du changement n’est pas assez rapide ou approfondi. J’espère que cela répond à la question.

La sénatrice Jaffer : Monsieur Farooq, je suis irritée, parce que, quand je songe à ce qui est arrivé à la mosquée de Québec, à London et ailleurs, tout de suite après, tous les dirigeants — le premier ministre du Canada, les ministres, les députés, le premier ministre de la province — tous viennent manifester leur appui, mais j’ai l’impression que, après, ils disparaissent, et que rien ne change pour nous, les musulmans du Canada. Ce ne sont que des paroles.

Je sais que vous devez être prudent, parce que vous continuerez de travailler avec des organismes gouvernementaux et, si vous ne pouvez vous exprimer en public, je comprends, mais pouvez-vous nous donner des idées de ce qu’on devrait faire quand les journaux ont disparu? Faute de médiatisation, le premier ministre et tous les acteurs me semblent disparaître. Que pourraient faire exactement les politiciens pour appuyer notre communauté?

M. Farooq : Votre question est importante, et je vous en remercie. Honnêtement, je partage avec vous beaucoup de vos sentiments. Malheureusement, on a presque le sentiment que ce n’est qu’après une mortalité ou une attaque horrible que les esprits semblent mieux disposés à agir efficacement et à faire avancer les choses. L’attaque de la mosquée de Québec, la pire contre un établissement religieux dans l’histoire moderne du Canada, aurait dû être le dernier épisode. Nous n’aurions jamais dû être obligés de retourner en demander davantage au gouvernement. Le gouvernement aurait dû montrer l’exemple en s’attaquant à la violence et à l’islamophobie systémique et en y mettant fin.

J’ai deux observations. D’abord, à la suite de l’attaque de London, avant le sommet, nous avons mené d’importantes consultations d’un bout à l’autre du pays, auprès de milliers de musulmans canadiens, pour connaître leur avis sur des recommandations stratégiques importantes pour l’avenir. Nous avons adressé 61 recommandations stratégiques au gouvernement fédéral, aux provinces et municipalités. Jusqu’à maintenant, même si beaucoup d’entre elles ont été instituées ou que le gouvernement s’est engagé à les mettre en œuvre, beaucoup ne l’ont pas encore été. Enfin, beaucoup de questions importantes restent sans réponse. Par exemple, dans quelle mesure nos agences de sécurité nationale surveillent-elles les groupes suprémacistes blancs par rapport aux groupes autochtones, de Noirs, de musulmans et d’écologistes? Voilà de simples questions de transparence posées dans nos recommandations et pour lesquelles nous attendons toujours une réponse. Voilà ce que nous aimerions qu’il arrive, de même que l’institutionnalisation de ces recommandations.

La sénatrice Jaffer : J’ai pris plus que mon droit de parole. Puis-je vous demander de nous communiquer par écrit plus de détails? Cher frère, merci beaucoup pour vos gentilles observations. Vous m’avez vraiment touchée. Merci.

La sénatrice Omidvar : Monsieur Farooq, je vous remercie de votre apport à notre étude. Ma question porte sur une expression précise du racisme systémique dans les politiques de l’État, et je renvoie au rapport de la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles, sur le fait que six des organismes de charité visés par des mesures de révocation étaient musulmanes. La coalition a conclu au racisme systémique de l’Agence du revenu du Canada.

Quels progrès ou changements avez-vous constatés et qu’aimeriez-vous que l’Agence du revenu du Canada fasse pour réfuter précisément cette accusation?

M. Farooq : Je vous remercie de cette question importante. Soyez également félicitée pour votre examen des difficultés qu’éprouvent des communautés marginalisées du secteur des œuvres de charité dans leurs relations avec l’Agence du revenu du Canada. Nous avons appris de récentes mobilisations sous la direction et le contrôle impulsé par votre initiative. Merci donc de votre travail acharné sur cette question.

La coalition a publié son rapport — le Conseil national des musulmans Canadiens et l’Université de Toronto aussi, immédiatement avant, sur l’islamophobie systémique de l’agence. Le gouvernement, bien sûr, s’est engagé à examiner l’influence de l’islamophobie dans les pratiques d’audit fiscal des œuvres de charité musulmanes. C’est une mesure importante, mais soyons clairs : alors que cet examen aura lieu et que le gouvernement a admis qu’il pourrait y avoir des problèmes, nous ne voyons aucune raison pour ne pas interrompre les pratiques de révocation, vu que l’examen est en cours pour les œuvres de charité musulmanes assujetties aux vérifications de la Division de la revue et de l’examen de l’agence. C’est une simple suggestion au gouvernement d’une décision importante à prendre pendant cet examen.

La sénatrice Omidvar : Je reviendrai pour un suivi sur le même sujet. Merci.

[Français]

La sénatrice Gerba : Merci beaucoup, monsieur Farooq, pour vos témoignages et pour vos recommandations; nous vous en sommes très reconnaissants. Ils nous aideront à mieux appréhender cette question.

Les fonctionnaires de Sécurité publique Canada viennent de nous dire qu’il y a des programmes de financement qui sont mis en place pour aider à lutter contre l’islamophobie. Comment ces programmes se manifestent-ils dans le cadre de vos institutions, dans le cas des mosquées, notamment? Est-ce que vous êtes au courant de cela? Est-ce que vous les avez reçus et comment se manifeste cette sécurité renforcée?

[Traduction]

M. Farooq : Merci pour cette importante question. Je répondrai précisément à la question sur le Programme de financement des projets d’infrastructure de sécurité. Ce programme agit comme un fonds géré par l’entremise de Sécurité publique Canada, pour que les organismes exposés puissent demander d’être l’objet de mesures de sécurité et l’obtention de dispositifs comme des caméras, des portes renforcées, des barrières, la formation de bénévoles, etc.

Ce que je dirai maintenant, je l’ai déjà dit publiquement : ce programme, essentiellement, ne fonctionne plus. En effet, la mosquée de London vient seulement de recevoir son admission au programme, un an après l’attaque terroriste survenue dans cette ville, dont l’auteur a été appréhendé à quelques pâtés d’immeubles de distance.

La mosquée de l’Organisation internationale musulmane à l’extérieur de laquelle Mohamed-Aslim Zafis a été tué n’a pas encore reçu de financement du programme.

C’est un programme incroyablement bureaucratique, un labyrinthe, le siège d’un processus simplement inefficace. De plus, de par son fonctionnement, qui exige de faire sa demande à l’intérieur du cycle de financement, des mois plus tard, ça signifie que, par exemple, à la mosquée de Peel, maître Nusaiba Al-Azem, de mon groupe de témoins, et moi, nous étions littéralement là, quand quelqu’un est arrivé armé de poivre de Cayenne et d’une hache, et nous avons dû littéralement essuyer le poivre, avec nos mains, qui dégouttait sur le sol de la mosquée, parce que, pour le dire simplement, pour être admissible au financement, il faut attendre des mois, et le programme n’est pas rétroactif.

Nous l’avons signalé à Sécurité publique Canada, qui est informé tout comme il l’est, depuis plus d’un an, des problèmes fondamentaux de ce processus.

La mosquée de Québec — je suis désolé, je ne peux en parler tellement ça me fait rager — doit encore recouvrir toutes ses fenêtres de métal, n’ayant pas encore reçu tout le financement qui lui permettrait de la remettre entièrement en état.

[Français]

La sénatrice Gerba : Autour de moi, il y a des gens, soit des fidèles musulmans, qui ont peur d’aller dans les mosquées. Ils ont peur d’aller dans les mosquées parce qu’ils pensent qu’il n’y a pas de sécurité, disons. Est-ce que vous pensez qu’il faudrait élargir les mesures de sécurité en dehors des mosquées et faire en sorte que ce soit beaucoup plus ciblé à l’échelle des communautés qui sont dans le besoin de manière générale?

[Traduction]

M. Farooq : Oui, c’est juste. Nous aspirons notamment à ce que le gouvernement investisse dans la diffusion de messages publics qui expliqueront que les musulmans, qu’ils soient dans une mosquée ou qu’ils se déplacent pour aller travailler ou qu’ils prennent les transports en commun, méritent de se sentir en sécurité.

Le vrai problème de notre pays est simplement l’existence de certains groupes suprémacistes blancs ou des individus isolés qui attaquent les gens sur la route du travail ou de l’école. C’est véritablement un problème d’attitude. Régulièrement, des sondages semblent montrer que 40 % des Canadiens sont dans cette fourchette.

La présidente suppléante : Désolée de vous interrompre, monsieur Farooq, mais nous disposons de si peu de temps. Nous avons une autre question, du sénateur Arnot.

Le sénateur Arnot : Merci, monsieur Farooq. Votre réponse m’amène à vous questionner sur ce problème d’attitude dans la société canadienne. Je remarque certaines recommandations du sommet pour l’examen des programmes de cours, sous le prisme de l’islamophobie. Il s’agirait, intégralement, de créer des ressources robustes pour la citoyenneté canadienne, la mise en relief des responsabilités de tous les Canadiens, notamment la plus fondamentale de toutes, celle de respecter ses concitoyens. Pourriez-vous faire des observations sur cet aspect de votre travail et faire part de l’opinion du Conseil national des musulmans Canadiens sur le pouvoir de l’éducation pour corriger ce problème d’attitude qui, j’en conviens avec vous, existe?

M. Farooq : Je vous remercie de votre question. J’essaierai de vous répondre très brièvement. Merci pour votre défense, depuis de nombreuses années, des droits de la personne et de votre participation à cette étude et à la résolution de cette question importante.

Nous croyons très simplement que l’éducation est un atout essentiel. Tous les auteurs d’attaques mortelles contre des musulmans canadiens étaient de jeunes hommes, certains ayant à peine terminé leurs études secondaires. Il faut agir sur l’éducation, bien sûr. Cette éducation, dans une certaine mesure, du point de vue pédagogique, est de compétence provinciale. C’est en partie la raison pour laquelle le modèle de loi que nous avons proposé en Ontario, qui a reçu un certain appui des deux partis, privilégie la réforme de l’éducation. Mais j’estime également que le gouvernement a un rôle dans la publication d’annonces d’utilité publique. Nous avons changé les attitudes des Canadiens sur le tabagisme et diverses autres questions de santé publique. Nous pouvons le faire également contre l’islamophobie.

Le sénateur Arnot : Je me demande, monsieur Farooq, si vous connaissez les ressources pédagogiques de la Concentus Citizenship Education Foundation. Sachant que votre prédécesseur en était un partisan convaincu, je me demande si vous avez des observations à ce sujet. Sinon, je suppose que Me Kuhlen pourrait le savoir.

M. Farooq : Me Kuhlen vous répondra.

Me Daniel J. Kuhlen, avocat, Conseil national des musulmans Canadiens : Bonjour et merci beaucoup, sénateur Arnot et mesdames les membres du comité. Merci beaucoup d’avoir pris le temps de nous rencontrer. La question est incroyablement importante. Je voudrais souligner ce que vient de dire M. Farooq et à quoi j’adhère totalement.

Quand il s’agit particulièrement de la question de l’éducation, je suis très fier d’affirmer que la fondation, basée en Saskatchewan, a créé des outils pédagogiques pour la maternelle à la 12e année, spécialisés selon l’âge des élèves et axés sur les responsabilités citoyennes. L’avocat que je suis reconnaît l’importance des droits des citoyens, mais il est également incroyablement important que tous nos concitoyens, des plus jeunes aux plus âgés, sachent que l’exercice de leurs droits exige de se faire de façon responsable. La fondation a créé des outils pédagogiques qui aideront à renseigner et à informer les jeunes Canadiens pendant leur parcours scolaire.

Je conseille vivement au comité d’examiner ces ressources. La fondation a un site Web. Elle possède une profusion de ressources axées sur les chefs ou les dirigeants, les enseignants et les éducateurs pour les conseiller sur la pédagogie qui convient pour combattre la discrimination, l’islamophobie, diverses xénophobies, la haine et l’intolérance.

Notre pays en a désespérément besoin pour ses rapports avec la communauté musulmane et tous les groupes marginalisés de notre société.

La présidente suppléante : Merci, maître Kuhlen. J’ai une très petite question pour M. Farooq ou pour qui voudra répondre. Une étude récente, au Royaume-Uni, a montré que plus de 69 % des musulmans exerçant une activité rémunérée pour le compte d’un tiers risquaient d’être victimes de discrimination religieuse au travail. Un tel sondage a-t-il déjà eu lieu au Canada, et quels en seraient les résultats?

M. Farooq : Merci pour cette importante question. Oui, des études semblables ont été réalisées au Canada. Je devrais trouver les renseignements précis. Je vous les communiquerai pour les besoins de votre étude.

Une étude qui aurait été faite en 2015 a constaté un sous‑emploi chronique chez les musulmans canadiens. Il suffit de voir ce qui se passe au Québec, où, même en dépit d’une pénurie d’enseignants, on s’est acharné à chasser les candidats visiblement musulmans, du fait du port du hidjab ou de la calotte. Les conséquences ont été catastrophiques. Je connais tellement de jeunes qui, essentiellement, ont décidé que ça ne valait pas la peine de devenir enseignant si on était musulman.

La présidente suppléante : Merci beaucoup. Je remercie également les sénateurs.

La sénatrice Omidvar : J’ai une question pour Me Al-Azem. Je souhaiterais obtenir d’elle une réponse, s’il vous plaît.

La présidente suppléante : Posons la question. Peut-être pourra-t-elle répondre par écrit.

La sénatrice Omidvar : Quelles sont notamment les conséquences de l’islamophobie sur les musulmanes? Nous attendrons avec impatience votre réponse écrite.

Me Nusaiba Al-Azem, avocate, Conseil national des musulmans Canadiens : Je m’empresserai de la communiquer. Merci beaucoup.

La présidente suppléante : Je remercie tous les témoins de leur participation. Nous vous savons particulièrement gré de votre apport à notre étude. C’est ici que se termine la première partie de la réunion consacrée à l’étude de l’islamophobie au Canada.

Notre prochaine réunion sur cette question importante est prévue pour le lundi 20 juin.

Chers collègues, le 28 avril, le Sénat a adopté un ordre de renvoi pour l’examen, par notre comité, du projet de loi S-224, Loi modifiant le Code criminel (traite de personnes).

Je vous rappelle que la sénatrice Ataullahjan, la présidente de notre comité, a décidé de ne pas présider ces travaux, étant la marraine du projet de loi, et, comme la vice-présidente Bernard est absente, elle m’a demandé de présider cette partie de la réunion, ce à quoi j’ai consenti.

En ce moment même, la sénatrice Hartling remplace la sénatrice Jaffer, pour cette partie de la réunion.

Plaît-il au comité de procéder maintenant à l’étude article par article du projet de loi S-224, Loi modifiant le Code criminel (traite de personnes)? Dites-le, si vous n’êtes pas d’accord. Adopté.

Le titre est-il réservé? Veuillez le dire, si vous n’êtes pas d’accord. Adopté.

L’article 1 est-il adopté? Si vous n’êtes pas d’accord, veuillez le dire. Adopté.

Le titre est-il adopté? Si vous n’êtes pas d’accord, veuillez le dire. Adopté.

Le projet de loi est-il adopté? Si vous n’êtes pas d’accord, dites-le. Adopté.

Le comité souhaite-t-il annexer des observations au rapport? Il ne semble pas y en avoir. Plaît-il au comité de faire rapport du projet de loi S-224 au Sénat? Êtes-vous d’accord? Adopté.

La sénatrice Hartling : D’accord.

La présidente suppléante : Chers collègues, merci. Voilà qui met fin à la partie publique de la réunion. Pendant quelques secondes, les travaux seront suspendus et nous prononcerons le huis clos pour l’examen d’un projet de rapport. Je suspends les travaux.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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