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RIDR - Comité permanent

Droits de la personne


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le lundi 12 février 2024

Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne se réunit aujourd’hui, à 16 h 2 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier la réponse du gouvernement au quatrième rapport du Comité sénatorial permanent des droits de la personne, intitulé Droits de la personne des personnes purgeant une peine de ressort fédéral, déposé au Sénat le 16 juin 2021 durant la deuxième session de la quarante-troisième législature.

La sénatrice Salma Ataullahjan (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bonjour. Je m’appelle Salma Ataullahjan. Je suis sénatrice de Toronto et présidente du comité.

Nous tenons aujourd’hui une audience publique du Comité sénatorial permanent des droits de la personne. Je vais profiter de l’occasion pour demander à mes honorables collègues de se présenter.

Le sénateur Arnot : Je m’appelle David Arnot. Je suis sénateur de la Saskatchewan. Je vis sur le territoire visé par le Traité no 6.

[Français]

La sénatrice Gerba : Amina Gerba, du Québec.

La sénatrice Clement : Bernadette Clement, de l’Ontario.

[Traduction]

La sénatrice Cordy : Je m’appelle Jane Cordy. Je suis sénatrice de la Nouvelle-Écosse. Je remplace quelqu’un aujourd’hui, mais j’ai participé à cette étude. Je suis donc heureuse d’être de retour ici.

La présidente : Je vous souhaite un bon retour, sénateurs. C’est la première fois que le Comité des droits de la personne se réunit cette année. Je vous souhaite tous une bonne année. Bienvenue à toutes les personnes qui suivent nos délibérations.

Pour notre première audience publique de l’année, le comité étudiera la réponse du gouvernement à son rapport intitulé Droits de la personne des personnes purgeant une peine de ressort fédéral. Ce rapport a été déposé le 16 juin 2021 durant la deuxième session de la quarante-troisième législature, à la suite d’une étude approfondie lancée au début de 2017 et qui s’est poursuivie pendant trois législatures. Les membres du comité ont visité 28 pénitenciers fédéraux et ont tenu 30 audiences publiques à Ottawa. Après le dépôt du rapport, qui comprenait 71 recommandations, une motion a été présentée le 23 juin 2021 pour demander une réponse du gouvernement.

Les élections fédérales canadiennes ont suivi, le 20 septembre. Après les élections, aucune réponse du gouvernement n’a été transmise ou déposée.

Le comité a décidé de renouveler sa motion pour demander une réponse du gouvernement le 9 mai 2023, et il a reçu la réponse du ministre de la Sécurité publique le 4 octobre de la même année. C’est cette réponse que notre comité a décidé d’étudier aujourd’hui.

Cet après-midi, nous allons entendre deux groupes de témoins. Pour chacun d’eux, nous allons d’abord entendre les témoins, et les sénateurs leur poseront ensuite des questions.

Je vais maintenant présenter notre premier groupe de témoins. On leur a demandé de faire une déclaration de cinq minutes. Je souhaite la bienvenue à Kathy Neil, sous-commissaire, Services correctionnels pour Autochtones, à France Gratton, commissaire adjointe, Opérations et programmes correctionnels, et à Marie Doyle, commissaire adjointe, Services de santé, qui représentent le Service correctionnel du Canada. Et de Sécurité publique Canada, nous avons Chad Westmacott, directeur général, Sécurité communautaire des services correctionnels et de la justice pénale, Secteur de la prévention du crime. Les témoins comparaissent tous en personne.

J’invite maintenant Mme Neil à faire sa déclaration liminaire.

Kathy Neil, sous-commissaire, Services correctionnels pour Autochtones, Service correctionnel Canada : Madame la présidente, distingués membres du comité, j’aimerais vous remercier de nous avoir donné l’occasion de prendre la parole aujourd’hui pour discuter des nombreuses mesures que prend le Service correctionnel du Canada afin d’aborder plusieurs des questions et des thèmes que vous avez soulevés dans votre rapport sur les droits de la personne des personnes purgeant une peine de ressort fédéral.

Je m’appelle Kathy Marie Neil. Je suis la fille de Mary Theresa Lanigan, qui s’est battue pour la justice et l’équité, et la petite-fille de Marie Laurette Delia Gagnon, dont la gentillesse et la générosité ont marqué tous ceux qu’elle a connus. Je suis l’arrière-petite-fille de Marie Rose Delima Ledoux, dont le père et les grands-pères se sont battus dans la rébellion des Métis de 1885. Mon inspiration me vient de la force et de la détermination de mon arrière-grand-mère, qui a surmonté les expériences traumatisantes qu’elle a vécues dans les pensionnats autochtones.

Je suis l’arrière-arrière-arrière-petite-fille de Cecile Desjarlais et de Marie Brazzeau, des femmes qui ont été forcées de quitter la rivière Rouge, incapables de mener une vie pacifique dans leurs terres ancestrales en raison de l’afflux de Canadiens en provenance de l’Ontario à la suite de la rébellion des Métis de 1869. Leur force et leurs valeurs sont imprégnées dans la mémoire de mon sang, et font de moi celle que je suis aujourd’hui.

Je suis fière d’être la première sous-commissaire des Services correctionnels pour Autochtones au Service correctionnel du Canada.

Dans l’exercice de mes fonctions, je collabore étroitement avec la commissaire afin que soient prises des mesures concrètes pour remédier à la surreprésentation des Autochtones au sein du système de justice pénale et de nos pénitenciers fédéraux.

En ce qui concerne votre rapport, j’aimerais réitérer que les droits de la personne constituent un élément essentiel dans toutes les activités du Service correctionnel du Canada. Une approche fondée sur les droits de la personne est enchâssée dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Elle est aussi en avant-plan dans l’élaboration de politiques, de programmes et de pratiques qui favorisent la surveillance sécuritaire et humaine des délinquants. Cela comprend l’élaboration de politiques et la prestation de programmes à l’intention des groupes vulnérables et marginalisés dont nous avons la charge et la garde.

Ces programmes et politiques tiennent compte des besoins particuliers et complexes de chaque délinquant. Par exemple, parmi les nouvelles directives du commissaire ayant été mises en œuvre, l’une d’entre elles a été conçue spécialement pour répondre aux besoins particuliers des détenus de diverses identités de genre. De plus, on a entrepris de nouvelles initiatives telles que la stratégie visant les délinquants noirs, qui permet de faire ressortir les occasions d’aborder les expériences uniques des personnes noires purgeant une peine de ressort fédéral et les obstacles auxquels elles font face. Ce ne sont là que deux des plus récentes mesures prises par le Service correctionnel du Canada pour répondre aux besoins de sa population diversifiée.

Il est essentiel que nous soutenions pleinement la réhabilitation de tous les délinquants sous responsabilité fédérale. Au fond, la plupart d’entre eux seront remis en liberté dans la collectivité une fois qu’ils auront purgé leur peine. Il est dans l’intérêt de toute la population canadienne que les délinquants quittent nos établissements en étant mieux outillés que lorsqu’ils y sont arrivés, et qu’ils puissent vivre le reste de leur vie en tant que citoyens respectueux des lois.

Depuis que je suis devenue sous-commissaire des Services correctionnels pour Autochtones il y a plus de neuf mois, je m’emploie activement à aborder un certain nombre d’enjeux que vous avez soulevés dans votre rapport. Mon mandat et mon travail consistent à collaborer avec des partenaires pour trouver des solutions concertées sur les meilleurs moyens à la disposition du Service correctionnel du Canada de donner suite aux appels à la justice issus de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées et aux appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation qui relèvent de notre compétence. De plus, je continuerai d’appuyer la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.

Avant de vous céder la parole pour la période de questions, j’aimerais attirer votre attention sur certains domaines dans lesquels nous continuons à réaliser des progrès.

Premièrement, vous avez soulevé dans votre rapport que les femmes se heurtaient à des obstacles quant à l’accès au Programme mère-enfant. Pour veiller à ce que le programme soit le plus inclusif possible, nous revoyons entre autres la définition du mot « mère » afin qu’elle tienne compte des variétés de cultures et de structures familiales, de la parentalité intergénérationnelle et du soutien de la parenté. Nous élaborons également une campagne de sensibilisation visant à augmenter la participation.

Deuxièmement, en ce qui concerne les accords visés à l’article 81, nous poursuivons notre travail auprès des collectivités pour nous assurer que les Autochtones purgeant une peine de ressort fédéral ont accès à des programmes et à des formes de soutien adaptés à leur culture pour leur permettre de retourner dans la collectivité en toute sécurité. Au cours de l’exercice 2022-2023, on a constaté une augmentation de 28,95 % du nombre de personnes autochtones purgeant une peine de ressort fédéral qui ont été transférées vers un pavillon de ressourcement par rapport à l’exercice précédent. On a aussi constaté une augmentation de 10,5 % du nombre de transfèrements réussis vers des établissements de niveau de sécurité inférieur. Ce sont des données prometteuses, et nous espérons poursuivre sur cette lancée.

Troisièmement, nous convenons que réaliser des investissements dans les collectivités et collaborer avec des organisations locales nous aidera à atteindre notre objectif d’assurer la réhabilitation en toute sécurité des délinquants.

Je suis fière des investissements importants que nous réalisons dans le cadre du Programme de contributions pour la réinsertion sociale des délinquants autochtones. Appuyé par un financement de 5,5 millions de dollars, ce programme vise à allouer des fonds directement à des partenaires autochtones de la collectivité. L’objectif consiste à faciliter le soutien à la réinsertion sociale des délinquants autochtones en renforçant les partenariats communautaires et en améliorant la mobilisation de la collectivité.

Je vous remercie, cher sénateur et chères sénatrices, pour tout le travail de sensibilisation que vous avez accompli dans ces dossiers importants. En tant que sous-commissaire des services correctionnels pour Autochtones, je me réjouis à l’idée de collaborer avec vous.

La présidente : Merci pour votre exposé, madame Neil. Avant de poursuivre, je signale que deux sénateurs se sont joints à nous. J’aimerais leur demander de se présenter.

La sénatrice Omidvar : Ratna Omidvar, sénatrice de l’Ontario.

La sénatrice Jaffer : Mobina Jaffer, sénatrice de la Colombie-Britannique.

La présidente : Nous allons maintenant passer aux questions des sénateurs. Chers collègues, vous avez cinq minutes pour poser vos questions et entendre les réponses.

Le sénateur Arnot : Je remercie les témoins d’être parmi nous aujourd’hui. J’ai une question d’ordre général pour tous les témoins.

En 2021, le rapport a donné des recommandations concernant une santé mentale adéquate pendant l’incarcération, en tenant compte de la surreprésentation des Autochtones et en offrant des mesures de soutien pour la réinsertion sociale. Je demande simplement à Mme Doyle, à Mme Gratton et à M. Westmacott ce que leur organisation a fait pour donner suite à ces préoccupations?

J’ai plus particulièrement une question pour Mme Neil. Les régions des Prairies, c’est-à-dire la Saskatchewan, le Manitoba et l’Alberta, font face à des défis importants en ce qui a trait à la surreprésentation des Autochtones. Vous avez l’objectif déclaré de créer un système correctionnel plus équitable et adapté aux réalités culturelles. Je me demande quels défis vous devez relever pour atteindre cet objectif. Où en êtes-vous à présent?

Mme Neil : Voulez-vous commencer par moi?

Le sénateur Arnot : Oui.

Mme Neil : Vous savez que la surreprésentation des Autochtones présente un défi de taille. Je pense que c’est un défi de taille en tant que société, ainsi que pour tous les ordres de gouvernement avec lesquels nous devons travailler. Certaines des recommandations concernant les solutions de rechange aux services correctionnels et les investissements en amont sont des facteurs importants lorsque nous avons un taux d’admission des Autochtones de 33 % dans les services correctionnels.

Cela dit, je pense que l’un des principaux facteurs et domaines que je veux améliorer consiste vraiment à nouer un dialogue avec ces collectivités pour qu’elles fassent partie de la solution. Il faut du temps pour se conformer à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et tenir compte de l’importance de ce dialogue.

Parmi les mesures prises récemment par le Service correctionnel du Canada, je pense que je suis notamment fière du Programme de contributions pour la réinsertion sociale des délinquants autochtones, grâce auquel nous investissons dans ces collectivités pour fournir certaines de ces mesures de soutien aux délinquants en réinsertion, pour renforcer la capacité des collectivités et contribuer ainsi à leur plan de sortie structuré de même que pour offrir les services lorsque les délinquants sont en réinsertion sociale.

Le sénateur Arnot : Le jury du coroner dans l’affaire James Smith a récemment formulé un certain nombre de recommandations. Comment proposez-vous d’y donner suite précisément lorsqu’il est question du défi auquel le Service correctionnel du Canada fait face?

Mme Neil : Tout d’abord, je tiens à dire que nous sommes de tout cœur avec toutes les victimes de ce drame en Saskatchewan. Nous examinons actuellement les recommandations, et nous allons élaborer une réponse. Cela dit, quelques-unes de ces recommandations correspondent à une partie du travail que nous faisons déjà, surtout en ce qui concerne les aînés.

Nous avons terminé récemment un audit sur les aînés dans lequel nous avons dialogué avec tous nos aînés pour obtenir leurs commentaires quant à la façon de mieux les soutenir et de les entendre davantage au Service correctionnel du Canada, en recueillant leurs points de vue sur la manière de nous attaquer à certains problèmes de recrutement et de maintien en poste auxquels nous faisons face.

En octobre 2023, nous avons eu la chance de rassembler environ 120 des 160 aînés avec qui nous travaillons au Service correctionnel du Canada à l’occasion du Rassemblement national des aînés à Edmonton. En fait, nous avons ainsi pu obtenir leurs commentaires sur ce qu’ils estiment être les principales préoccupations, sur la façon pour nous de les entendre davantage et de les appuyer dans le travail très difficile qu’ils font. Par conséquent, nous avons élaboré un plan d’action national, qui comprend, encore une fois, la présentation régulière de rapports et une rétroaction auprès des aînés. Cela comprend l’examen et la mise à jour de la Directive du commissaire 702 sur les interventions auprès des Autochtones, dans laquelle nous allons inscrire dans une politique une partie de la participation directe ou du renforcement direct de cette position de respect envers les aînés ainsi que des choses comme la responsabilité de donner un protocole et la personne qui en est responsable.

De plus, nous rédigeons une ligne directrice sur une façon de travailler avec les aînés qui parle vraiment de ce que les cérémonies signifient et de l’incidence de ces cérémonies pour pouvoir informer les membres de notre personnel afin de leur faire comprendre pas nécessairement ce qui se fait exactement à une danse du soleil, mais plutôt quelles sont les répercussions de l’activité. Quels sont certains des enseignements des aînés? Comment pouvons-nous dialoguer et leur poser respectueusement des questions pour recueillir cette information?

Le sénateur Arnot : Merci pour votre réponse.

La sénatrice Jaffer : Merci beaucoup de votre présence ici aujourd’hui et de votre déclaration liminaire. Je suis désolée d’en avoir raté une partie.

J’ai quelques questions sur le rapport, en commençant par le taux de rémunération quotidien et la recommandation 13 sur le coût de la vie. Notre étude a révélé que le maximum qui peut être gagné par les détenus est 6,90 $ par jour, dont on retire 30 % pour le logement et les repas et 8 % supplémentaires pour avoir accès au téléphone, ce qui laisse un peu plus de 4 $. C’est loin d’être suffisant pour satisfaire à leurs besoins, et cela ne leur permet certainement pas d’épargner pour se bâtir une vie meilleure à leur sortie. La réponse du gouvernement n’aborde pas précisément la recommandation.

Voici ma question : que fait le gouvernement pour tenir compte du coût de la vie. Sauf erreur, je pense que ce montant est demeuré inchangé depuis un bon moment. Je peux me tromper. Vous pouvez me corriger, mais c’est ce que je crois comprendre. Merci. Je vous prie de répondre.

France Gratton, commissaire adjointe, Opérations et programmes correctionnels, Service correctionnel Canada : Merci de poser la question. Oui, le montant est le même depuis un moment, mais pour ce qui est de l’argent des détenus, nous avons apporté des changements considérables depuis le rapport. Après avoir mené des consultations, surtout auprès de détenus, on a décidé d’abolir les frais de logement et de repas ainsi que les autres frais pour le système téléphonique. Les détenus n’ont donc plus à les payer. Je dirais que cela leur permet d’avoir plus d’argent.

Nous avons également apporté des changements aux mécanismes de la rémunération des détenus, y compris en leur permettant de transférer plus d’argent. Nous avons également ajouté à notre politique l’obligation pour les détenus d’épargner de l’argent afin de se préparer à leur libération.

Ce sont des mesures concrètes qui ont été prises concernant l’argent des détenus. À propos du coût de la vie, puisque le coût de nombreuses choses a augmenté, d’autres mesures concrètes ont été prises relativement aux achats des détenus. Nous avons notamment conclu une entente avec différents fournisseurs, ce qui signifie que les délinquants ont plus de choix au moment d’acheter de la nourriture, au besoin, ce qui leur permet d’épargner un peu plus lorsqu’on tient compte du coût de la vie.

La sénatrice Jaffer : Merci. Au bout du compte, chaque jour, combien reste-t-il d’argent aux prisonniers? Avant, c’était 4 $. Je n’ai pas pu calculer aussi rapidement que vous avez parlé. Que leur reste-t-il à la fin de la journée?

Mme Gratton : Moi non plus. Je ne peux pas le calculer. Ce serait plus en fonction de la période de rémunération.

La sénatrice Jaffer : Je n’essaie pas de vous poser une question piège. Vous pouvez peut-être nous fournir l’information.

Dans ma question, j’ai dit qu’il leur restait 4 $ par jour selon mes calculs et ce que j’en comprends. Que leur resterait-il alors? Vous n’avez pas besoin de faire le calcul maintenant, mais je vous saurais gré de fournir une réponse au greffier.

J’ai une question complémentaire. J’ai visité de nombreuses prisons avec d’autres sénateurs. Les produits capillaires figuraient parmi les articles les plus difficiles à obtenir pour les détenus noirs. Les produits capillaires que fournissent vos fournisseurs leur coûtent toujours plus cher que ceux des autres détenus. La situation a-t-elle changé?

Mme Gratton : Des efforts ont également été déployés à cette fin. Entre autres choses, la stratégie visant les délinquants noirs qui a été mise en place — encore une fois, depuis le rapport — visait à leur garantir ces services.

D’après les délinquants noirs que nous avons consultés, c’était une de leurs préoccupations. Notre politique indique que tous les établissements doivent fournir ces produits pour que les délinquants puissent se les procurer.

La sénatrice Jaffer : À un meilleur prix?

Mme Gratton : Oui, le prix sur le marché. Au moins, il est maintenant disponible pour les délinquants noirs qui souhaitent l’acheter.

La sénatrice Jaffer : Auriez-vous l’obligeance de dire au greffier le coût exact? Dans toutes les prisons où je suis allée, les délinquants noirs m’ont dit qu’ils payaient toujours plus que la valeur marchande du produit hors site.

Mme Gratton : D’accord.

La sénatrice Cordy : Je vous remercie. J’aimerais revenir sur ce point, car je me souviens — plus particulièrement à la prison pour femmes de Truro que nous avons visitée — qu’il ne s’agissait pas seulement du coût des produits capillaires pour les Noirs, mais du coût de tout, parce qu’il fallait les commander dans un catalogue spécial. Ils ne pouvaient pas les commander chez Walmart. Je sais que si vous les commandez de n’importe quel endroit, ils seront contrôlés à leur arrivée. Ils ont estimé que le coût était nettement plus élevé.

La situation a-t-elle changé au cours des dernières années, depuis que nous avons rencontré les prisonnières à l’institut des femmes?

La présidente : Avant que vous répondiez à la question, j’aimerais ajouter, sénatrice Cordy, que nous avons entendu dire que si quelqu’un recevait la mauvaise taille, et pas ce qu’il avait demandé, il n’avait aucun recours pour changer ou retourner les produits.

La sénatrice Cordy : Oui. La qualité est souvent très médiocre, qu’il s’agisse d’un t-shirt ou peu importe; la qualité était très mauvaise.

Mme Gratton : Nous avons désormais plus d’un fournisseur, ce qui nous permet d’être plus flexibles. Nous avons également conclu un accord avec Amazon. C’est une option qui offre plus de possibilités, si le produit ne convient pas ou s’il faut retourner ce qui a été acheté. Ils peuvent obtenir exactement ce qu’ils ont acheté.

Je répondrai à votre question en disant que des changements ont été apportés depuis le rapport. Aujourd’hui, il n’y a plus qu’un seul fournisseur; il y en a plusieurs, ce qui donne plus de flexibilité et de possibilités aux délinquants d’acheter des produits.

La sénatrice Cordy : Je sais que dans le rapport que vous avez renvoyé, vous avez fait des amalgames. Ce mot existe-t-il? Vous avez fait des regroupements plutôt que d’énumérer les recommandations et décrire ce que vous avez fait.

Je suis une adepte des listes. J’aime cocher oui, inscrire un X ou bien encercler les choses qui restent à faire. Y a-t-il une raison pour laquelle vous avez procédé ainsi? J’ai trouvé qu’il était plus difficile de comparer des pommes avec des pommes.

Chad Westmacott, directeur général, Sécurité communautaire des services correctionnels et de la justice pénale, Secteur de la prévention du crime, Sécurité publique Canada : Merci de cette question.

Oui, il y a une raison pour laquelle nous avons procédé de cette manière. En fait, c’est à cause du nombre de recommandations qui y sont incluses.

En règle générale, les réponses des gouvernements aux rapports dépendent du nombre de recommandations qu’ils renferment. Si la réponse devient trop complexe, il devient difficile pour les Canadiens de la lire parce qu’elle est trop longue. Dans ce cas-ci, nous voulions saisir les grands thèmes et l’orientation des recommandations contenues dans le rapport et y répondre.

L’autre problème est qu’un certain nombre de recommandations étaient transversales. Les activités en cours répondent à une ou plusieurs de ces recommandations, et c’est pourquoi nous avons pensé que l’approche la plus appropriée serait cette approche thématique.

La sénatrice Cordy : Cela a compliqué les choses.

Ma prochaine question porte sur l’accès aux services communautaires de santé mentale. C’est, bien entendu, une recommandation qui a été formulée à la suite du décès d’Ashley Smith. Je sais que ceux d’entre nous qui faisaient partie du comité se trouvaient dans la cellule où cette jeune fille s’est suicidée devant des gens. Je pense que nous n’oublierons jamais cet acte commis par une jeune personne et le traumatisme qu’il a provoqué.

Que fait le SCC depuis la publication de ce rapport concernant les environnements communautaires pour les évaluations de santé mentale? Lorsque nous avons parcouru le pays et visité différentes prisons, je me souviens d’être entrée dans une prison en me disant que ces personnes ne devraient pas être en prison, mais plutôt dans un hôpital ou un établissement médical. Nous les gardions en prison alors qu’elles avaient besoin d’une aide médicale. Qu’a-t-on fait dans ce domaine pour améliorer la situation?

Marie Doyle, commissaire adjointe, Services de santé, Service correctionnel Canada : Merci de la question.

Depuis 2019, nous avons eu l’occasion d’obtenir 74 millions de dollars supplémentaires par année pour soutenir la force et les soins, y compris les soins de santé mentale.

En 2020, nous avons mis en œuvre une approche de prévention du suicide fondée sur des données probantes. Une partie des 74 millions de dollars nous a permis de nous connecter à des soutiens et services psychiatriques externes, soit environ 9,2 millions de dollars.

Par ailleurs, nous avons également été en mesure d’accroître notre capacité interne en augmentant le nombre de travailleurs sociaux cliniques et d’infirmières afin de mieux prendre soin des gens, y compris les besoins en matière de santé mentale des délinquants dont nous avons la charge.

En ce qui concerne le volet du partenariat, nous travaillons en étroite collaboration avec des leaders d’opinion et des experts en services de santé mentale — le Centre de toxicomanie et de santé mentale, ou CTSM, l’Hôpital Royal Ottawa — pour ce qui est de nos modèles et de nos approches. Nous cherchons également à explorer ce qui pourrait être disponible en dehors du Service correctionnel du Canada, ou SCC, en ce qui a trait aux possibilités de soins.

Nous avons pu accroître la capacité à Pinel, un établissement provincial, pour ce qui est du nombre de lits. Nous allons continuer à travailler avec les autorités provinciales pour essayer de tirer parti des soutiens et des services disponibles dans leurs établissements.

Notre accès à ces établissements dépend entièrement des critères d’admission clinique de ces hôpitaux, ainsi que de la volonté des patients de participer à ces programmes. Cela peut être fait grâce à un travail continu visant à élargir l’offre en dehors du SCC, mais aussi à renforcer l’offre au SCC, en comptant sur des partenaires externes pour informer ces programmes et ces services. Voilà une partie du travail que nous avons entrepris.

La sénatrice Cordy : Combien y a-t-il de lits?

Mme Doyle : Vous parlez de places à l’externe?

La sénatrice Cordy : Oui.

Mme Doyle : Il y a actuellement 16 lits à Pinel en tout, ainsi que quelques lits additionnels pour des femmes.

Les chiffres concernant la capacité restent faibles. Encore une fois, nous continuons à travailler pour élargir les établissements qui pourraient accepter des patients du SCC afin de leur fournir des soins.

La sénatrice Cordy : Je vous remercie.

La sénatrice Clement : Bonjour, chers collègues. Je suis ravie d’être ici. Je voudrais revenir sur toutes les questions que j’ai entendues jusqu’à présent.

Je n’utilise pas le terme « regroupé »; j’utilise le terme « thématique ». Je comprends exactement ce que vous voulez dire.

J’aimerais d’abord vous remercier, madame Neil, de votre présentation personnelle. Il est important de prononcer le nom de ces femmes, et je vous en suis reconnaissante. Je vous remercie.

J’attends également la réponse à la question de la sénatrice Jaffer concernant les délinquants noirs et les produits destinés aux Noirs. J’ai également visité des établissements. Je comprends maintenant que les délinquants noirs doivent mettre de côté une portion de ces 4 $ par jour pour contribuer à la célébration du Mois de l’histoire des Noirs, par exemple. Il est important de comprendre combien ils ont pour pouvoir faire ce genre de choses qui sont importantes.

Pour revenir à la question de la sénatrice Cordy, dans le passé, lorsqu’il y avait des études — et j’utiliserai l’exemple du rapport de 2018 du Comité permanent de la condition féminine de la Chambre sur les prisons fédérales qui renfermait 96 recommandations. Il y avait une réponse précise à chacune d’entre elles. Qu’avez-vous fait pour répondre à chacune de ces recommandations depuis la publication du rapport en juin 2021? Lorsque vous avez une réponse thématique, nous avons du mal à suivre. J’aimerais revenir sur cette question et vous demander précisément ce que vous avez fait depuis la publication du rapport pour répondre à ces 71 recommandations.

Je sais que les thèmes sont appropriés, mais chaque recommandation a fait l’objet d’une étude, d’un débat et de renseignements détaillés.

M. Westmacott : Merci de ces remarques. Un certain nombre d’activités ont eu lieu depuis la publication du rapport — et elles avaient déjà lieu avant le rapport — pour répondre à un certain nombre de recommandations précises. Je n’ai pas de liste de ces recommandations, car nous avons adopté une approche thématique. Toutefois, je peux souligner un certain nombre d’activités qui ont eu lieu. Mes collègues ont déjà soulevé un certain nombre d’entre elles dans le cadre de la sécurité publique. Par exemple, nous avons publié le Cadre fédéral visant à réduire la récidive, qui présente une activité importante quant à l’approche que le gouvernement souhaite adopter pour essayer de garantir que les personnes qui ont été dans le système de justice criminelle puissent s’en sortir et réintégrer la société tout en reconnaissant certains des principaux obstacles, y compris l’accès au logement, à l’éducation, à l’emploi et à ce type d’activités. En novembre dernier, nous avons publié un plan de mise en œuvre concernant les mesures précises qui peuvent être adoptées pour soutenir le Cadre fédéral visant à réduire la récidive. C’est un exemple.

Un certain nombre d’activités ont eu lieu pour améliorer l’accès au Programme de suspension du casier qui, une fois de plus, permet une meilleure réinsertion et réhabilitation des personnes qui sortent du système de justice criminelle. Nous avons élargi l’accès à la suspension du casier. Dans le cadre de ce programme, par exemple, 18 millions de dollars ont été alloués à 18 organisations pour aider les personnes qui essaient d’obtenir une suspension de leur casier.

La sénatrice Clement : Vous dites que toutes ces initiatives ont été prises depuis la publication du rapport. Cette liste pourrait-elle être fournie au comité?

M. Westmacott : Il y a un certain nombre d’initiatives que nous pourrions présenter. Bon nombre d’entre elles figurent dans le rapport, mais d’autres activités ont eu lieu. Comme je l’ai dit, nous n’avons pas les recommandations une à une.

La sénatrice Clement : Je m’intéresse davantage aux nouvelles initiatives qui ont été prises depuis la publication de la réponse au rapport. Qu’avez-vous fait en réponse au rapport? Je n’ai pas nécessairement besoin de 71 exemples, mais j’aimerais voir ce que vous avez fait. Si vous pouviez les associer à des recommandations précises, ce serait utile.

J’aimerais revenir aux observations du sénateur Arnot concernant les articles 81 et 84 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous conditions, ou LSCMLC. Existe-t-il également une liste des façons dont vous répondez au besoin accru d’accès à ces options? Cela peut-il également faire partie de cette liste?

Mme Neil : Nous avons un plan d’action pour l’article 81 que nous mettons en œuvre afin d’augmenter le recours à l’article 81 et de l’étendre aux secteurs qui manquent de ressources. Nous pourrions vous faire part de ce plan d’action.

La sénatrice Clement : Est-ce depuis ou avant le rapport?

Mme Neil : Il a été achevé depuis le rapport. Il a été achevé récemment, oui. C’est quelque chose qui s’est passé depuis, et c’est un secteur prioritaire important pour nous.

Par ailleurs, nous avons du financement en place pour offrir du soutien à la transition urbaine et à la réintégration dans les communautés d’origine. Ce financement était en place avant la publication du rapport, mais nous y avons accordé une attention toute particulière et pensons qu’en 2024-2025, nous aurons épuisé tous les fonds disponibles pour ces soutiens auprès des organisations communautaires autochtones, alors qu’historiquement, nous ne les avons pas tous utilisés.

Encore une fois, il y a eu des progrès dans des secteurs qui étaient peut-être déjà là, mais aussi des progrès depuis que le rapport a été rendu public.

La sénatrice Clement : Je vous remercie.

[Français]

La sénatrice Gerba : Je crois que nous attendons tous la réponse quant au chiffre précis concernant les produits. Si le temps me le permet, je reviendrai sur les recommandations.

Dans la réponse qui nous a été transmise, à la page 20 de la version française et à la page 16 de la version anglaise, il est indiqué que le Modèle d’engagement et d’intervention pour régler des situations qui pourraient menacer la sécurité des personnes dans vos établissements a été évalué au cours des années 2020 et 2021.

Vous avez parlé d’un plan d’action. Quelles actions concrètes ont été prises et, à ce jour, quels résultats concrets ont été obtenus?

Mme Gratton : Je vous remercie de votre question; je peux y répondre.

Le Modèle d’engagement et d’intervention a été mis en œuvre officiellement en 2018. Par suite de sa mise en œuvre, plusieurs mesures ont été prises afin de revoir le modèle pour s’assurer que c’était le bon. Comme vous le savez, ce modèle est axé sur la personne et il repose sur des principes. L’un de ces principes, c’est de toujours évaluer la situation pour s’assurer que nous utilisons l’intervention appropriée.

Depuis la mise en œuvre, beaucoup de formation a été donnée au personnel. Par la suite, il y a eu une première révision ainsi qu’une évaluation. Ces étapes ont permis de montrer que le modèle était approprié et qu’il fallait continuer de faire un suivi de chaque recours à la force, pour s’assurer que le Modèle d’engagement et d’intervention est bien appliqué et que, s’il y a des préoccupations, elles soient communiquées afin que des mesures soient prises.

Sur la base des résultats de l’évaluation, on continue de donner de la formation. On a développé différents scénarios qui sont utilisés dans le cadre de la formation, pour aider les différentes populations qui ont des besoins particuliers. Cela permet aux agents correctionnels de suivre une formation continue fondée sur des scénarios réels et des situations susceptibles de survenir.

Plus récemment, on a réclamé une recherche pour examiner plus spécifiquement les cas d’usage de la force sur les personnes racialisées. Sur la base des résultats de cette recherche, on a déjà engagé notre Comité consultatif national ethnoculturel pour qu’il tienne des discussions sur les résultats de cette recherche; nous souhaitons également obtenir des avis et des conseils de sa part, ce qui nous permettra de faire les ajustements s’ils sont nécessaires.

La sénatrice Gerba : Nous avons aussi noté que la recommandation no 30 n’est pas abordée de manière spécifique dans la réponse du gouvernement. Elle recommande à Service correctionnel Canada d’annuler sa politique permettant aux agents correctionnels de porter sur eux des agents inflammatoires et d’offrir de la formation.

Vous avez parlé de la formation, mais est-ce qu’il y a une raison pour laquelle cette recommandation n’est pas abordée de façon spécifique dans la réponse du gouvernement?

Mme Gratton : Je pense en premier lieu que cet élément n’est pas abordé de façon spécifique, parce que la réponse est donnée par thèmes. Par ailleurs, pour ce qui est plus précisément de la question des agents inflammatoires que les agents correctionnels portent sur eux, il s’agit d’une pièce d’équipement utilisée lorsque c’est nécessaire. Comme je l’ai expliqué plus tôt, cet outil est utilisé sur la base du Modèle d’engagement et d’intervention. Il n’est pas utilisé autrement que dans un contexte de gestion d’incidents qui requiert son utilisation de manière spécifique.

La sénatrice Gerba : Merci beaucoup.

[Traduction]

La sénatrice Omidvar : Tant de questions, mais si peu de temps. Je vous remercie d’être ici avec nous. Je suis portée à être d’accord avec la sénatrice pour dire qu’alors que notre rapport est très détaillé et précis, votre réponse thématique revient à chercher de la paille dans le vent. Permettez-moi donc d’essayer d’être plus précise, en particulier en ce qui concerne le genre et les femmes condamnées à une peine fédérale.

Nous avons formulé une recommandation assez précise — la recommandation 6 — visant à classifier toutes les femmes condamnées à une peine fédérale au niveau de sécurité minimale. Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez?

Mme Neil : Je peux me prononcer sur la classification des femmes condamnées à une peine fédérale. La recommandation de classer toutes les femmes au niveau de sécurité minimale ne respecte pas l’exigence législative de garder la sécurité de l’institution, des délinquants et du personnel au premier plan de toutes nos décisions.

Cela dit, nous utilisons des outils fondés sur des preuves pour attribuer une classification de sécurité aux délinquants dont nous avons la charge, qui a récemment été validée pour les femmes et les hommes autochtones. Cet outil fondé sur des données probantes — l’Échelle de classement par niveau de sécurité — permet d’évaluer le risque et est ensuite combiné au jugement professionnel de notre personnel pour donner lieu à un classement de sécurité fondé sur l’adaptation institutionnelle, la sécurité publique et le risque d’évasion.

La sénatrice Omidvar : Vous avez donc un outil, et vous êtes dans les opérations, alors vous devez connaître la réponse à cette question. En vous appuyant sur ce nouvel outil, pourriez‑vous me donner une idée du pourcentage de femmes qui sont classées au niveau de sécurité maximale ou minimale?

Mme Neil : Je n’ai pas les chiffres devant moi.

La sénatrice Omidvar : Voyez-vous une tendance?

Mme Neil : Nous surveillons les tendances. Mais vous savez quoi? Je ne connais pas le nombre de femmes classées au niveau de sécurité maximale. La plupart des femmes sont classées au niveau de sécurité moyenne. Nous exerçons ensuite notre jugement professionnel pour nous assurer que nous prenons en considération tous les facteurs dynamiques, y compris l’histoire sociale des Autochtones, afin de prendre la meilleure décision possible à partir des renseignements à notre disposition.

Le personnel est également formé et doit être certifié avant d’appliquer cet outil et de formuler des recommandations de classification de sécurité au directeur de l’établissement.

La sénatrice Omidvar : Puis-je supposer que toutes les femmes condamnées à une peine fédérale ont été assujetties à ce nouvel outil d’évaluation, ou est-ce un travail en cours?

Mme Neil : L’outil est appliqué à toutes les femmes qui sont passées par le processus d’évaluation initiale. Une fois que nous aurons compilé tous les renseignements, cet outil sera appliqué à toutes les femmes qui purgent une peine fédérale de plus de deux ans.

La sénatrice Omidvar : Laissez-vous entendre que la plupart des femmes sont classées au niveau de sécurité moyenne?

Mme Neil : C’est ce que je crois.

La sénatrice Omidvar : C’est ce que vous croyez. D’accord. Merci.

La présidente : Je vous remercie. J’ai une question. La recommandation 55 du rapport a demandé que le Service correctionnel du Canada, ou SCC, mette fin aux fouilles à nu systématiques des femmes condamnées à une peine fédérale. Cette recommandation a été notée, mais on n’y a pas donné suite. Cela signifie-t-il que le SCC a éliminé ou réduit le recours aux fouilles à nu?

Pouvez-vous nous fournir des données sur le nombre de fouilles à nu qui ont été faites au cours des cinq dernières années?

Mme Gratton : Merci de votre question. Nous procédons à des fouilles à nu lorsque cela est nécessaire et en fonction des renseignements que nous avons et des risques. Les fouilles sont effectuées de la manière la plus discrète, la plus humaine et la plus sensible possible. Elles sont effectuées par du personnel formé du même sexe dans des établissements pour femmes.

Une chose a changé depuis le rapport : nous avons mis à l’essai des détecteurs à balayage corporel dans deux établissements : l’Établissement de Bath, qui est un établissement pour hommes en Ontario, et l’Établissement d’Edmonton pour femmes. L’un des objectifs de la mise à l’essai de détecteurs à balayage corporel et de l’acquisition éventuelle de certains d’entre eux est de réduire le nombre de fouilles à nu, le cas échéant. Là encore, cela fait partie des initiatives mises en place.

La présidente : Vous avez dit que les fouilles à nu sont effectuées de manière discrète. Qu’est-ce que cela signifie? Qu’y a-t-il de discret dans une fouille à nu?

Mme Gratton : En fonction de la situation à laquelle nous sommes confrontés, nous veillerons à ce que la fouille soit effectuée d’une manière et dans un espace où l’on protège le plus possible la vie privée. Nous veillons à ce que les fouilles se déroulent de cette manière. Comme je l’ai dit, le personnel est formé. Nous avons une manière précise de procéder à ces fouilles, et le personnel est formé lorsqu’il doit procéder à une fouille à nu ou à tout autre type de fouille.

La présidente : Pourquoi cette recommandation n’a-t-elle pas été prise en compte? La recommandation 55 n’a pas été traitée de manière précise. Quelle en est la raison?

Mme Gratton : Dans la réponse?

La présidente : Oui.

M. Westmacott : Je ne suis pas sûr qu’il y ait une raison précise pour laquelle une recommandation a été prise en compte ou non. Comme je l’ai mentionné, il s’agissait d’une approche plus thématique, qui ne consistait pas à dire telle ou telle recommandation.

Je n’ai pas de souvenir précis de la raison pour laquelle les renseignements concernant cette recommandation précise n’ont pas été inclus dans la réponse.

La présidente : Je vous remercie.

La sénatrice Jaffer : Pour faire suite à la question de la sénatrice Omidvar, puis-je vous demander si pouvez nous dire exactement combien de femmes appartiennent à des catégories différentes, étant donné que vous étiez — à mon avis — en train de deviner. Madame la présidente, je ne sais pas ce qu’en pensent les autres membres du comité, mais il a été extrêmement difficile de se préparer en vue d’interroger les témoins aujourd’hui. Nous avons passé infiniment de temps sur ce rapport — si je peux me permettre cette remarque — et nous avons méticuleusement préparé nos questions. Et voilà que vous, monsieur Westmacott, et votre équipe avez décidé d’établir des thèmes. Je ne sais pas si c’est possible, madame la présidente, mais j’aimerais que vous et le comité directeur vous demandiez si nous pouvons leur demander de répondre de nouveau aux questions comme nous les avons préparées, car il est très difficile de poser des questions quand on parle d’oranges et de pommes. Je pense que nous devrons revenir là-dessus parce que nous avons passé des heures sur ce rapport. Nous ne recevons pas les réponses dans l’ordre.

Je laisse au comité directeur le soin d’en décider. J’ai une question à poser. Dans toutes les prisons que j’ai visitées, l’une des plus grandes difficultés touchait les délinquants musulmans, tant les femmes que les hommes. Tout d’abord, le fait qu’ils ne consomment pas de porc n’était souvent pas respecté. Je ne répéterai pas ce qu’on leur répondait quand ils posaient des questions à ce sujet, mais j’ai été choquée par les réponses qu’ils recevaient. La foi n’est donc pas respectée. On nous a souvent affirmé que leurs tapis étaient soit découpés — par qui, ils ne pouvaient pas dire — soit jetés par les préposés à l’entretien. C’est ce que les délinquants m’ont indiqué. Ce ne sont pas les préposés à l’entretien qui découpaient les tapis. Les musulmans avaient très rarement l’occasion de prier ensemble. Vous n’avez peut-être pas de réponse à cette question maintenant, monsieur Westmacott, mais je peux vous dire que dans chaque prison que nous avons visitée, nous avons trouvé très difficile d’entendre des délinquants musulmans — hommes et femmes — dire que leur foi n’était pas respectée.

Ce n’était pas dans le rapport, mais c’est un fait que nous avons découvert lorsque nous avons visité les prisons à cause de ce rapport. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ou nous fournirez-vous une réponse?

La présidente : Je tiens à préciser que le tapis dont parle la sénatrice Jaffer est le tapis de prière. Certains sikhs nous ont également dit qu’ils éprouvaient de la difficulté à obtenir des livres religieux.

La sénatrice Jaffer : Oui.

M. Westmacott : Je vous remercie de cette précision. Je laisserai mes collègues du SCC répondre à cette question.

Mme Gratton : Je peux traiter d’un ou deux points. En ce qui concerne le régime alimentaire et le menu, on vous a probablement indiqué au cours de votre visite qu’un délinquant peut demander un régime alimentaire précis et que sa demande passe par un processus établi. Je ne sais pas si on vous en a informée. J’ignore s’il y a eu des exceptions, mais les délinquants ont la possibilité de demander un régime alimentaire précis pour des questions de santé ou des motifs religieux ou spirituels. Cette procédure est déjà en place. Cela répond à la première partie de la question.

Pour la deuxième partie de la question...

La sénatrice Jaffer : Avec tout le respect que je vous dois, madame Gratton, je ne vois pas cela comme une affaire de régime alimentaire, mais comme une question de religion. Lorsque le délinquant se présente et dit qu’il est musulman, il ne devrait pas avoir à demander un régime alimentaire spécial. C’est ainsi que mangent les musulmans, d’accord? Voilà pour le premier point.

Pour le deuxième point, si les délinquants ont demandé un régime spécial, quand l’obtiendront-ils? Pouvez-vous vous renseigner et dire au comité si les normes alimentaires religieuses sont respectées, ou ce qui se passe avec les tapis de prière et les salles pour prier ensemble?

Je comprends qu’il y a des raisons de sécurité. Lorsque nous sommes allés visiter certaines prisons, les gens n’étaient pas dans des cellules prévues à cette fin. Ils n’étaient pas isolés. Ils étaient dans un espace ouvert, dont le nom m’échappe. On nous a souvent dit qu’il y avait d’importantes restrictions au chapitre de la pratique de la foi, et ce, tant pour les musulmans que pour les sikhs. Veuillez vous renseigner et en informer le greffier.

La sénatrice Cordy : Pour revenir aux 16 places pour les services de santé mentale communautaires, où se trouvent-elles? Sont-elles toutes au même endroit ou sont-elles réparties un peu partout?

Mme Doyle : Merci. Je tiens à rectifier les faits : il y a 15 places pour hommes et 5 places pour femmes, soit 20 au total. À l’heure actuelle, ces places sont toutes situées à l’Institut national de psychiatrie légale Philippe-Pinel, l’établissement psychiatrique médico-légal, mais comme je l’ai indiqué, nous continuons d’évaluer la volonté d’autres hôpitaux et établissements de santé de conclure des protocoles d’entente avec nous. C’est ainsi que nous pouvons obtenir des soins pour les délinquants à l’extérieur des établissements carcéraux.

Comme je l’ai souligné, le problème vient du fait que tout dépend des critères d’admission clinique des établissements et, bien entendu, de la volonté du patient de participer. C’est certainement un domaine que nous continuerons d’explorer alors que nous cherchons à renforcer nos services.

Comme je l’ai dit, nous avons été en mesure d’augmenter la capacité au sein du SCC. Nous voulons en même temps nous assurer de faire tout ce que nous pouvons pour accroître les services offerts à l’extérieur, mais nous ne contrôlons pas la volonté des établissements externes de s’associer à nous. C’est certainement un domaine de priorité permanent.

La sénatrice Cordy : Je vous remercie. Au cours de nos périples, nous avons beaucoup entendu parler de racisme et de sexisme. Nous avons certainement eu vent de prisonniers et de prisonnières mal traités en raison de leur race ou de leur genre féminin. Et c’est sans parler des transgenres, pour qui la situation est très difficile.

Quand nous avons voyagé, des membres du personnel nous ont également demandé si nous pouvions les rencontrer en privé, ce qui m’a étonnée. Ils voulaient parler de racisme et de sexisme. Partout au pays, nous avons entendu des gens nous demander s’ils pouvaient rencontrer le comité le soir, et nous les avons amenés ailleurs pour les rencontrer.

Certes, ce ne sont pas tous les employés qui étaient visés, mais il suffit d’un, deux ou trois pour rendre la vie très difficile aux collègues qui travaillent avec eux ou aux prisonniers. Avez-vous des statistiques à ce sujet? Êtes-vous au courant du problème? Que se passe-t-il?

Mme Gratton : Je n’ai pas de statistiques précises. Je n’en ai pas avec moi, mais nous réalisons régulièrement un sondage auprès des fonctionnaires. Nous pourrions extraire des renseignements des résultats du sondage.

La sénatrice Cordy : Ces sondages sont-ils confidentiels ? Les gens ne voulaient certainement pas parler publiquement avec nous. Comme je l’ai dit, nous les avons rencontrés ailleurs.

Mme Gratton : Ils sont confidentiels. Nous avons récemment mené un sondage au sein du SCC dans la foulée de la vérification sur la culture. Les résultats de ce sondage nous éclaireront et nous aideront à établir les mesures à prendre.

Je pourrais peut-être parler des mesures qui ont été prises depuis la publication du rapport, comme l’élaboration du cadre de lutte contre le racisme. Le SCC prend la question très au sérieux. Il a instauré une nouvelle direction, élaboré un cadre de lutte contre le racisme et consulté tous les membres du comité de direction au sujet des différentes mesures. À l’heure actuelle, nous travaillons avec notre secteur de la vérification et de l’évaluation pour élaborer des mesures du rendement afin de disposer de mesures et d’indicateurs concrets.

Ces démarches font suite à la consultation réalisée auprès des délinquants. Depuis le rapport, des formations ont été offertes au personnel, notamment sur les préjugés inconscients et la lutte contre le racisme.

La présidente : Je vous remercie. Comme le temps file, vous pourriez peut-être nous faire parvenir une réponse écrite à la question de la sénatrice Cordy. Je pense que cela nous intéresserait tous. Nous entendons parler de formation, et nous aimerions savoir ce qui se fait à ce chapitre et dans quelle mesure cette formation est efficace.

La sénatrice Clement : Je soutiens sans réserve la demande d’informations supplémentaires et plus précises, en particulier sur les nouvelles initiatives lancées depuis la publication du rapport.

Madame Neil, dans votre déclaration préliminaire, vous avez parlé de l’augmentation du nombre de personnes autochtones transférées dans des pavillons de ressourcement. Je veux citer des données tirées du plus récent rapport de l’enquêteur correctionnel.

En 2012-2013, il y a eu 72 mises en liberté en vertu de l’article 81, pour un taux d’occupation de 84 %. En 2022-2023, il y a eu 92 mises en liberté, le taux d’occupation étant de 66 %.

Il y a donc eu 92 mises en liberté en 2022-2023 alors qu’il y a plus de 4 000 Autochtones en prison. Pouvez-vous traiter de la question? Les choses ne semblent pas s’améliorer. Les mesures sont en place, mais la désincarcération des Autochtones ne s’effectue pas.

Mme Neil : Je peux parler de l’attention que nous portons actuellement aux placements effectués en vertu de l’article 81 et à l’utilisation des places et des pavillons de ressourcement en vertu de l’article 81. Il existe environ 450 places et, à l’heure actuelle, je crois que le taux d’occupation est de 75 %. J’examine ces chiffres assez régulièrement et j’ai créé un rapport trimestriel sur les résultats qui fait état de l’utilisation de ces places à tous les sous-commissaires régionaux tous les trimestres. Si les chiffres commencent à diminuer, je m’entretiendrai avec les sous-commissaires régionaux afin de les faire augmenter.

J’ai le plaisir de dire que l’utilisation de ces places a augmenté de 28 %. Je crois que cette augmentation est en partie attribuable à la structure pilote de la division des initiatives autochtones dans la région des Prairies, où des ressources améliorées ont été affectées pour mettre exclusivement l’accent sur l’utilisation des places en vertu de l’article 81.

La sénatrice Clement : Et ces rapports trimestriels sont publics? Vous les publiez?

Mme Neil : Ils ne sont pas publics. Nous publions un rapport annuel sur le Cadre de responsabilisation des services correctionnels pour Autochtones, un document public diffusé chaque année. Il sera publié à la fin de l’année. Nous accusons du retard à cet égard, mais nous nous serons entièrement rattrapés d’ici la fin de l’exercice.

La sénatrice Clement : Vous comprendrez que nous avons besoin d’obtenir plus d’information et de réponses en ce qui concerne le rapport.

Mme Neil : Je comprends. Je vous remercie.

La présidente : Je voudrais remercier les témoins d’avoir accepté de participer à cette étude. Votre aide dans le cadre de notre étude est grandement appréciée.

Honorables sénateurs, je vous présenterai maintenant notre deuxième groupe de témoins. Chacune des témoins a été invitée à faire une déclaration préliminaire de cinq minutes. Nous les entendrons, puis nous passerons aux questions des sénateurs.

Je souhaite la bienvenue à Catherine Latimer, directrice générale de la Société John Howard du Canada, et à Nyki Kish, directrice générale associée de l’Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry. J’invite maintenant Mme Latimer à faire sa déclaration, suivie de Mme Kish.

Catherine Latimer, directrice générale, Société John Howard du Canada : Merci beaucoup, honorables sénateurs. C’est un plaisir de témoigner. La Société John Howard du Canada est reconnaissante de pouvoir commenter la réponse du gouvernement à l’important rapport du Sénat intitulé Droits de la personne des personnes purgeant une peine de ressort fédéral. Je tiens d’abord à remercier les sénateurs des efforts qu’ils ont déployés pour consulter un large éventail de parties prenantes, y compris des prisonniers, dans le cadre de cette étude.

La réponse du gouvernement est caractéristique des réactions aux recommandations proposant des changements aux pratiques correctionnelles. Il s’agit d’une approche thématique plutôt que d’une évaluation par recommandation. La réponse est générale, l’accent étant largement mis sur ce qui est déjà fait. On s’attarde lourdement sur l’intention ou le résultat escompté des lois et des politiques au lieu de traiter des mesures et des résultats concrets. Le gouvernement se dit vaguement d’accord avec toutes les recommandations, mais ne prend aucun engagement quant au moment où elles pourraient être mises en œuvre.

Les personnes qui formulent des recommandations sont de plus en plus frustrées de voir que le SCC ne met pas ces recommandations en œuvre. L’enquêteur correctionnel et la vérificatrice générale ont tous deux comparu devant un comité parlementaire et se sont plaints qu’ils étaient forcés de répéter les mêmes recommandations et qu’elles n’étaient pas mises en œuvre. Pas plus tard que la semaine dernière, l’enquête de la coroner sur le décès de Terry Baker a révélé que le SCC n’avait pas donné suite aux recommandations formulées trois ans avant le décès de Mme Baker dans le cadre d’une enquête du coroner sur le décès d’Ashley Smith, qui est décédée dans la même cellule dans des circonstances semblables à celles de Mme Baker. Le jury du coroner sur le décès de Terry Baker a recommandé que 27 des recommandations antérieures soient mises en œuvre plus de 10 ans après leur dépôt.

Cette résistance au changement est une source de frustration pour ceux d’entre nous qui cherchent à garantir le respect des droits des prisonniers. Même si le rapport du Sénat contient quantité de recommandations importantes, j’aimerais attirer votre attention sur l’isolement cellulaire abusif, dont il est question dans les recommandations 33 et 34 de ce rapport.

Des cours d’appel ont conclu que les dispositions relatives à l’isolement préventif de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition violaient les droits que la Charte confère aux prisonniers de ne pas être soumis à des peines cruelles et de bénéficier du respect des principes de justice fondamentale lorsqu’ils sont placés en isolement. Les tribunaux ont également fait une mise en garde contre le placement en isolement préventif des personnes atteintes de troubles de santé mentale préexistants.

Nous avons transmis au comité un rapport de recherche publié en août dernier indiquant que les lacunes en matière d’isolement préventif par rapport à la Charte n’ont pas été corrigées par les unités d’intervention structurée, ou UIS. Les violations de la Charte ont trait à la cruauté de l’isolement prolongé, lequel est interdit par les Nations unies qui le considèrent comme une forme de torture et qui a été limité à 15 jours par la Cour d’appel de l’Ontario, et à l’incapacité des décideurs externes indépendants de préserver les principes de justice fondamentale dans les décisions de placement.

Compte tenu des préoccupations soulevées au sujet de la mise en œuvre des réformes législatives, une très solide disposition d’examen parlementaire a été instaurée. Dans le projet de loi C-83, l’article 40 exige que le Parlement effectue un examen approfondi du projet de loi au début de la cinquième année suivant la proclamation de la disposition d’examen, qui a eu lieu le 21 juin 2019. Le projet de loi exige en outre le dépôt d’un rapport recommandant toutes les réformes législatives jugées nécessaires dans un délai d’un an. L’examen aurait dû commencer en juin dernier, et un rapport devrait être publié dans environ quatre mois.

En conclusion, lorsque des recommandations portent sur le non-respect de la loi ou des mesures de protection de la Charte, une norme différente de surveillance et de responsabilisation s’impose. Après avoir admis qu’ils avaient constaté des abus dans les unités d’intervention structurée, ni le ministre de la Sécurité publique ni le ministre de la Justice, qui a l’obligation législative de veiller à ce que l’administration publique se conforme à la loi, n’ont décidé d’agir. Le Parlement n’a pas non plus donné suite à son obligation législative d’entreprendre l’examen approfondi du projet de loi C-83, qui aurait dû commencer en juin 2023.

Certes, respecter les droits des prisonniers, c’est comme ne pas gagner en politique. C’est pourquoi nous sommes extrêmement reconnaissants envers le Sénat de relever le difficile défi de promouvoir la primauté du droit et de veiller au respect des droits des prisonniers. Un organisme de l’État ne devrait pas être autorisé à faire fi de de la Charte et des lois, surtout lorsque cela entraîne une détérioration de la santé mentale de nos concitoyens et les expose à de la cruauté, voire à de la torture.

La Société John Howard espère que le Sénat exigera de meilleures réponses à certaines des recommandations qu’il a formulées dans son rapport, avec des engagements par rapport aux délais, aux résultats et aux paramètres. La Société John Howard du Canada espère également que les sénateurs poursuivront leur important travail de surveillance en visitant les prisons.

Je tiens vraiment à remercier les sénateurs de leur excellent travail à cet égard. C’est avec plaisir que je répondrai à vos questions.

Nyki Kish, directrice générale associée, Association canadienne des Sociétés Elizabeth Fry : Merci de m’avoir invitée à témoigner aujourd’hui.

L’Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry, ou ACSEF, surveille les conditions dans les pénitenciers désignés pour les femmes et appuie 22 organismes nationaux qui offrent des services essentiels aux personnes criminalisées avant, pendant et après leur incarcération.

Chaque jour, nous travaillons à résoudre les problèmes très réels décrits dans le rapport des sénateurs. Les appels de notre organisation cadrent avec vos excellentes recommandations et, en fait, avec une panoplie de rapports et d’organismes de surveillance qui affirment tous que bien des choses vont mal sur le terrain dans les pénitenciers et que cela entraîne beaucoup de souffrances et de pertes humaines.

Malheureusement, dans sa réponse, le gouvernement manque une occasion réelle de répondre aux importantes préoccupations et recommandations qui ont été formulées. Le gouvernement décrit plutôt ce qu’il fait de bon.

Je ne veux pas sous-estimer ou nier les efforts positifs. Nous apprécions les engagements continus du gouvernement. Cependant, la réponse ne tient pas compte de la réalité dans les pénitenciers où les violations des droits de la personne et de la loi continuent d’être monnaie courante et ont dans les communautés de nombreux effets cascade qui aggravent la situation sur le plan de la sécurité publique pour tout le monde.

Si les programmes et initiatives énumérés dans la réponse du gouvernement n’ont pas réglé les problèmes dont il parle et ne sont pas capables de les résoudre, c’est parce que, fondamentalement, ils ne permettent pas d’apporter les changements dont on a tant besoin et qui sont réclamés depuis des lustres.

Les pénitenciers sont remplis de détenus qui n’ont pas besoin d’être incarcérés. S’ils sont là, c’est en raison de la pauvreté, de problèmes de santé mentale, de la discrimination et de la toxicomanie. Nous imposons à des gens de longues peines d’emprisonnement, pratiquement sans accès à la technologie.

Peu de programmes préparent adéquatement les gens à travailler. Les bons programmes cités par le gouvernement dans sa réponse ne bénéficient qu’à une infime partie de la population carcérale. Pourtant, toute personne incarcérée doit se conformer à des processus extrêmement coûteux et semés d’embûches pour demeurer en contact avec sa famille. Donc, même si les programmes conçus pour inciter des liens familiaux forts seront utiles à certaines personnes incarcérées, la création de programmes ne constitue pas la solution systématique dans le cas présent. C’est vers des tarifs téléphoniques abordables, des visites accessibles et la remise en liberté qu’il faut se tourner.

Les parloirs des pénitenciers pour femmes sont pour la plupart vides, c’est connu, et ce n’est pas parce que ces femmes n’ont pas de famille ou de proches qui les aiment, mais bien parce qu’il y a de nombreux obstacles à une visite.

Les femmes et les personnes de diverses identités de genre sont involontairement transférées d’un bout à l’autre du pays à un taux alarmant, incarcérées à des milliers de kilomètres de leur famille, de leur collectivité, de leur culture, surtout dans les Prairies, ce qui est signalé dans le rapport du Sénat.

Le gouvernement réagit toutefois en citant le Programme de visites familiales privées comme exemple de réussite. Je suis d’accord qu’il s’agit d’un programme essentiel. Toutefois, en pratique, les personnes incarcérées sont gardées loin de leur famille, il n’y a pas assez d’espaces spécialement aménagés ou construits pour les visites familiales privées pour tous et, durant la pandémie, ils étaient tous utilisés comme espaces d’isolement. Aujourd’hui, l’Établissement d’Edmonton pour femmes n’a toujours pas d’espace opérationnel pour les visites familiales privées.

Selon le gouvernement, la solution, dans le cas des personnes marginalisées en pénitencier, serait de comprendre les risques et d’intégrer une plus grande intersectionnalité dans la planification carcérale, ce qui ne changera pas grand-chose si on fait fi des conditions punitives qui, par essence, les englobent. La malnutrition, l’isolement, les confinements, l’intense restriction de mouvement, le travail manuel pour quelques dollars par jour versés à des soutiens de famille, voilà des problèmes fondamentaux quand on marginalise des personnes qui veulent mener une bonne vie, des personnes vulnérables qui vivent un cycle d’incarcération. C’est contraire aux objectifs de réinsertion.

La réponse du gouvernement cite peu de recommandations, y compris la recommandation 38, qui traite du système de plaintes tout à fait dysfonctionnel. Les personnes incarcérées ne savent pas comment s’en servir, elles ont peur de s’en servir et, bien souvent, quand elles y ont recours, c’est aux tout premiers échelons, ce qui fait que les employés qui répondent ne saisissent pas bien la loi ou les politiques. Pourtant, c’est le seul mécanisme en matière de violation des droits, comme ceux liés aux soins de santé, un autre aspect qui a désespérément besoin d’attention.

Les personnes incarcérées vieillissent plus rapidement et leur espérance de vie est radicalement plus courte que celle du reste de la population.

Je pourrais vous donner des exemples précis pendant des jours sur chacun des quatre thèmes abordés par le gouvernement, mais tous les mois, l’Association canadienne des sociétés Élizabeth Fry publie des lettres qui documentent les problèmes vécus par les femmes et les personnes de diverses identités de genre derrière les barreaux. Nous traitons de ces questions dans le cadre de la loi et des politiques, alors je vais soumettre un exemple récent qui illustre bien le gouffre entre les initiatives citées et la réalité sur le terrain.

Avec tout le respect que je vous dois, tout le monde est bien au courant des obligations et des engagements du Service correctionnel du Canada et du gouvernement, mais c’est en respectant l’ensemble des voix qui s’expriment et les recommandations précises qui exposent clairement les besoins et la voie à suivre que nous remédierons aux problèmes de longue date.

Merci.

La présidente : Merci. Nous passons maintenant aux questions.

La sénatrice Jaffer : Merci à vous deux.

Madame Latimer, je n’en reviens tout simplement pas du nombre d’années... Je voudrais dire que c’est depuis que je suis au Sénat, mais je n’en suis pas certaine. Bref, comment faites‑vous? Vous n’avez pas à me répondre. Je n’ai qu’une chose à vous dire : bravo! Vous êtes une femme remarquable. Merci de faire tout ce que vous faites. J’ai le plus grand respect pour vous.

Ce qui ne veut pas dire que je ne vous respecte pas, madame Kish. Je vous respecte, vous aussi. Vous devez être une personne bonne et spéciale pour faire ce travail. Merci.

Ma première question s’adresse à vous, madame Kish. Voici ce que me chicote : dans notre rapport, nous recommandons que le Service correctionnel du Canada cesse le recours aux fouilles à nu des femmes purgeant une peine de ressort fédéral compte tenu de la nature dégradante de cette pratique souvent superflue qui revictimise les femmes, surtout celles qui ont vécu une agression sexuelle. Nos recommandations là-dessus n’ont pas été retenues.

Vous avez entendu parler du thème. Il ne m’impressionne pas. M. Westmacott est présent, donc je vais le répéter : je ne suis pas impressionnée. Il n’en demeure pas moins qu’on n’a pas remédié à la question.

Pourriez-vous parler des conséquences d’une telle inaction? Croyez-vous qu’il y a d’autres façons de mieux soutenir ces femmes, vu que notre recommandation ne semble pas encore avoir été mise en œuvre?

Mme Kish : Tout à fait.

La publication de rapports précisant ce qui est trouvé grâce aux fouilles à nu a prouvé leur inefficacité. Quand on procède à de telles fouilles sur la population des pénitenciers pour femmes, on trouve du mascara et des articles inoffensifs traités comme de la contrebande. Il s’agit de cas très rares. Toutefois, les répercussions sont majeures.

Je souhaite revenir sur les propos du groupe de témoins précédent voulant que les fouilles à nu ne soient utilisées que dans des circonstances strictes, soit quand il y a un risque pour le personnel, ce qui veut essentiellement dire n’importe quand. C’est un autre obstacle. Les gens ne veulent pas recevoir la visite des membres de leur famille parce qu’ils savent que, à la fin de celle-ci, même si elle s’est déroulée sous la supervision du personnel et qu’un agent en uniforme est assis là à les observer, ils devront se soumettre à une fouille à nu faite par une personne en uniforme. C’est affreux.

Récemment, pendant l’enquête publique sur la mort de Terry Baker, le jury a formulé la même recommandation au Service correctionnel du Canada, soit arrêter cette pratique dans les pénitenciers pour femmes. Espérons que certains changements seront apportés.

La sénatrice Jaffer : Merci.

Ma prochaine question s’adresse à vous, madame Latimer. Vous m’avez entendue dire cela à maintes reprises : je ne suis vraiment pas satisfaite de la réponse du gouvernement à notre rapport. En fait, je veux dire officiellement que je suis plus que déçue, car nous avons consacré énormément de temps à ce rapport. La réponse s’est fait attendre. Il est à espérer que l’on peut amener le gouvernement à nous revenir avec une réponse adéquate.

Il y a des lacunes majeures, surtout quand on sait que l’on a fait fi de nombre de nos recommandations et qu’elles n’ont pas été adéquatement mises en œuvre.

Comment interprétez-vous la réponse du gouvernement? Selon vous, sur quelles recommandations devrions-nous exiger une réponse du gouvernement? C’est une question fort chargée. Vous ne voudrez peut-être pas y répondre officiellement aujourd’hui.

Mme Latimer : J’aime toutes les recommandations. Bon nombre d’entre elles vont améliorer les politiques et le fonctionnement au sein du Service correctionnel du Canada tandis que beaucoup d’autres vont vraiment contribuer à éviter toute discrimination en plus de soutenir plus fermement les droits de la personne.

Les droits de la personne sont souvent violés dans les pénitenciers. Il va sans dire que je suis d’accord avec Mme Kish. Le système de plaintes est absolument dysfonctionnel et s’avère un obstacle pour les personnes qui souhaitent accéder à d’autres moyens légaux. C’est extrêmement mauvais pour les détenus qui ont une cause d’action et qui veulent y donner suite. Voilà sur quoi j’insisterais.

Je crois qu’il ne faut pas sous-estimer l’ampleur de la négligence du bien-être physique et mental, les soins étant d’une qualité et d’une rigueur inférieures à ce qui est offert dans la collectivité. Le dernier groupe de témoins a parlé des efforts pour envoyer les gens dans un institut psychiatrique et de la nécessité d’avoir un protocole d’entente, ce genre de choses. Je ne comprends pas pourquoi la Loi canadienne sur la santé exclut expressément les personnes purgeant une peine d’emprisonnement dans un pénitencier, donc les personnes qui purgent une peine d’au moins deux ans, de la définition d’assuré. À mon sens, c’est de la discrimination pure et simple. Si ces personnes étaient des assurés, l’État serait tenu de leur donner accès aux soins de santé universels. Je ne comprends pas pourquoi une peine viendrait priver quelqu’un déjà assuré dans le système de santé provincial de sa couverture. Ce n’est pas une conséquence de la sentence pénale, mais bien des restrictions artificielles qui leur sont imposées.

J’insisterais vraiment sur toutes vos recommandations en matière de santé physique et mentale. Les pénitenciers vivent une véritable crise en santé mentale. Quand Howard Sapers a témoigné à l’enquête publique sur la mort de Terry Baker, il a souligné que 80 % des femmes et 73 % des hommes qui purgent une peine de ressort fédéral ont besoin d’un suivi psychiatrique, ce qui veut dire qu’il y a environ 8 000 hommes et bien plus de 600 femmes qui ont besoin d’un suivi psychiatrique. À l’époque, l’Établissement pour femmes Grand Valley comptait probablement 150 ou 160 femmes qui avaient besoin d’un suivi psychiatrique, et il n’avait prévu qu’un contrat de 3 heures par semaine en services psychiatriques. Cette approximation des besoins ne correspond en aucune mesure à celle des besoins.

Je ne sais pas pourquoi le Service correctionnel du Canada ne passe pas à l’action, ne demande pas plus de ressources et n’avoue pas devoir faire mieux, au lieu de s’efforcer de nous dire que tout va bien, qu’il a plus d’argent et que ces légères augmentations permettent de remédier à ses problèmes.

Le sénateur Arnot : Ma question s’adresse aussi à Mme Latimer. Le rapport publié par la Société John Howard en août, le rapport de Rebecca Rabinovitch, est très détaillé. Il semble mettre en lumière que rien n’a vraiment changé en matière d’isolement cellulaire et d’isolement préventif, ce qu’on appelle désormais les unités d’intervention structurée. Les problèmes sont toujours les mêmes, que ce soit une surveillance limitée, un manque de reddition de comptes et l’apathie des gouvernements. Avez-vous obtenu une réponse à votre rapport de n’importe quel des gouvernements, provincial ou fédéral?

Plus important encore : j’aimerais creuser la question avec vous afin que vous nous disiez ce que le Sénat pourrait faire à votre avis. Que doit-il se produire, selon vous, pour amener le Service correctionnel du Canada à répondre de façon positive à des violations des droits fondamentaux?

Mme Latimer : En ce qui concerne les unités d’intervention structurée, j’estime qu’une réforme législative s’impose. Le Service correctionnel du Canada peut se conformer au cadre législatif, ce qui n’empêche pas diverses violations de la Charte. Le cadre est trop laxiste. Il doit être rigoureusement resserré pour veiller à ce qu’on remédie à ces problèmes.

Le Service correctionnel du Canada s’amuse entre autres à jouer au plus fin. Il dira ne pas recourir à l’isolement cellulaire ni à l’isolement préventif, ne pas recourir à ceci ou cela. L’une des recommandations que nous avons faites dans le cadre de l’enquête publique sur la mort de Terry Baker, et qui a été retenue, était de demander au gouvernement d’établir une définition de l’isolement cellulaire qui soit conforme à celle des Nations unies, soit 22 heures par jour dans une cellule sans contact humain réel, puis de l’appliquer dans l’ensemble des établissements.

C’est la prolifération de l’isolement cellulaire sous différents noms qui est le plus troublant pour les personnes dans les unités d’intervention structurée et pour certains d’entre nous. Un phénomène qui semble découler du projet de loi C-83. Je crois sincèrement qu’il faut procéder à un examen complet. Si les sénateurs pouvaient exhorter tous les parlementaires à se pencher sur l’article qui exige qu’ils procèdent à un examen complet, j’estime que ce serait extrêmement utile.

La sénatrice Clement : Merci à vous deux pour votre travail. Je suis d’accord avec les commentaires de la sénatrice Jaffer à propos de votre travail, madame Latimer.

Je voudrais revenir à ce dont parlait le sénateur Arnot. Dans sa réponse, le gouvernement affirme que la pratique de l’isolement préventif a été abolie et remplacée par les unités d’intervention structurée en 2019. Il est catégorique là-dessus. Pourtant, nous savons qu’il y a des versions contradictoires. Que dire à ceux qui pourraient nous écouter en ce moment sur ces versions contradictoires? Qui doit-on croire?

Mme Latimer : L’isolement cellulaire n’est pas un endroit, mais une série de conditions vécues par une personne dans un établissement correctionnel, c’est-à-dire l’isolement pendant 22 heures par jour dans une cellule sans contact humain réel. L’idée de ne pas traiter de front cette question est un problème quand on sait ce qu’elle cause au mieux-être et à la santé mentale des détenus et aux possibilités de réforme carcérale. Ce n’est tout simplement pas un mécanisme très utile pour gérer les gens.

Nos points de vue diffèrent légèrement là-dessus parce que, de notre côté, nous croyons qu’il faut séparer les détenus de temps à autre. Dans les établissements pour hommes, il y a des affrontements au couteau. Si vous ne pouvez pas séparer les détenus rapidement pendant un court laps de temps, quelqu’un va subir des blessures. Ce doit toutefois être une mesure temporaire, le temps qu’on cerne le problème et qu’on le règle. Ce ne devrait pas être un rajustement permanent imposé aux personnes qui vivent dans des circonstances si nuisibles à leur santé mentale.

La sénatrice Clement : Je voulais vous entendre sur le projet de loi S-230, surtout sur le volet consacré à la santé mentale. La réponse du gouvernement traite surtout de la prestation de services en santé mentale par le Service correctionnel du Canada dans les pénitenciers. Comment cette réponse se compare-t-elle aux mesures recommandées par ce comité et, désormais, dans le projet de loi S-230, soit le transfèrement dans un établissement de soins provincial? Pourriez-vous commenter le projet de loi S-230?

Mme Latimer : Comme je l’ai déjà dit au jury dans mes conclusions finales, on ne peut pas en vouloir au chien de ne pas pouvoir grimper aux arbres. Le Service correctionnel du Canada ne peut pas offrir des services de santé mentale de façon efficace. Il est aveuglé par les exigences en matière de sécurité. Il perçoit les questions de santé mentale comme un comportement antisocial ou une recherche d’attention, et il n’est tout simplement pas bien équipé pour les gérer. Je crois qu’il doit y avoir une surveillance indépendante qui sort du système carcéral les personnes qui ont une mauvaise santé mentale. Avant toute chose, elles ne devraient pas se retrouver par défaut dans le système carcéral, mais la détérioration de leur santé mentale pendant leur incarcération exige une certaine surveillance indépendante des détenus. Il est bien difficile de dire avec certitude ce que sont les troubles mentaux de l’Axe I. Les gens n’ont aucune idée de ce qui se passe.

La sénatrice Clement : Quand vous dites « indépendante », voulez-vous dire « à l’extérieur de »?

Mme Latimer : Oui, tout à fait. Selon la Société John Howard, les soins de santé sont la responsabilité des fournisseurs provinciaux et non du Service correctionnel du Canada.

La sénatrice Clement : Qu’avez-vous à dire sur le projet de loi S-230?

Mme Latimer : Je crois que de pouvoir transférer des personnes hors de l’établissement est un pas dans la bonne direction. Le problème du protocole d’entente demeure toutefois entier, selon moi. Comme on l’a dit dans l’enquête publique sur la mort de Terry Baker, ces personnes ne sont pas toujours prises en charge. Ce sont des personnes qui viennent d’un pénitencier. Les soins de santé devraient être fournis en fonction des besoins. Si la personne a des besoins en santé mentale, le fournisseur de soins responsable de la prestation auprès de tous les résidants d’un territoire donné devrait lui fournir les soins de santé nécessaires. Il ne devrait pas y avoir les obstacles artificiels actuels.

La sénatrice Clement : J’ai une question pour Mme Kish sur les obstacles aux articles 81 et 84 en particulier. Vous avez souligné les obstacles dans l’obtention de diverses choses, mais qu’en est-il de ceux-là?

Mme Neil a parlé de campagnes de sensibilisation. Croyez‑vous que c’est approprié? Croyez-vous que c’est suffisant?

Mme Kish : Nous n’avons pas encore vu les résultats. La plupart des personnes incarcérées ne sont pas au courant des procédures de remise en liberté. Je me rappelle que, il y a des années, Kim Pate a fait une tournée des prisons pour tenter de les faire connaître. Or, même si les détenus sont au courant, lorsqu’ils en parlent avec leur agent correctionnel, il leur donne de mauvais renseignements. Les intervenants de première ligne qui sont chargés de leur dossier et même la population en général n’y connaissent rien. Les gens ne savent pas du tout que la loi prévoit des solutions. Je pense que le Service correctionnel du Canada n’a aucun problème à imposer des exigences très précises à cet égard dans les plans correctionnels. Ce ne devrait pas être aux détenus d’apprendre la procédure de recours à l’article 81 afin de s’en prévaloir.

La sénatrice Clement : Merci.

La sénatrice Cordy : Comme les autres, je vous remercie de tout cœur de vous être engagée sur cette nouvelle voie, madame Kish, et de faire ce que vous faites depuis de longues années, madame Latimer. Ce n’est pas souvent que vos suggestions suscitent des réactions positives. Nous vous sommes très reconnaissants d’être venues nous aider à faire le point sur la réponse du gouvernement.

Je pense comme vous qu’il y a une crise de la santé mentale dans les prisons et je suis curieuse de savoir comment on entend la résorber. Nous avons accueilli le panel du gouvernement un peu plus tôt. Le ministère a reçu 74 millions de dollars par année, alors il a prévu 15 lits pour les hommes et 4 ou 5 pour les femmes, dans une région du pays. On est très loin d’un plan national. Il y a une crise, alors on s’en occupe.

Les 74 millions sont-ils employés judicieusement? Avez-vous eu le temps d’analyser la question?

Mme Latimer : Je ne sais pas au juste où vont ces 74 millions de dollars. Je pense que ce serait bon de le savoir. Je soupçonne qu’on pourrait en faire un usage plus judicieux, mais je ne peux pas vraiment me prononcer, car j’ignore ce qu’on en fait.

La sénatrice Cordy : C’est difficile de savoir s’ils sont employés judicieusement si on ignore à quoi ils le sont.

Mme Latimer : En effet.

La sénatrice Cordy : Sur la santé en général, lorsque nous sommes allés dans des prisons, s’il y a un problème qui m’a interpellée — et il n’est pas le propre de la Nouvelle-Écosse, c’est partout au pays —, c’est bien la santé mentale, mais aussi la santé buccodentaire. Des prisonniers nous ont dit ne pas arriver à manger parce qu’ils avaient une infection et que le dentiste venait rarement. Il y avait une longue liste d’attente pour obtenir des soins.

Mme Latimer : Ce n’est vraiment pas idéal. Le gouvernement devrait sans doute élargir son régime de soins dentaires aux prisonniers, car ils en ont besoin, c’est indéniable. Ils n’ont pas les moyens.

Je me rappelle une mère. Les autorités ne proposent que l’ablation. C’est impossible d’obtenir un traitement de canal. Elle aurait été ravie de payer un traitement de canal à son fils, car elle voulait préserver sa dent. Nous nous sommes informés, et cela lui aurait coûté les yeux de la tête, car elle aurait dû payer pour le déplacement du garde qui l’aurait accompagné. La facture devient colossale.

La sénatrice Cordy : Merci beaucoup de toute cette information. Vous avez par ailleurs évoqué l’isolement cellulaire, C’est censé ne plus être employé, mais qu’en est-il vraiment? Disons que c’est discutable. Nous venons tout juste de traverser la crise de la COVID.

Mme Latimer : En effet.

La sénatrice Cordy : Y a-t-il des plans de contingence dans le système carcéral dans l’éventualité d’une autre pandémie? Ce pourrait être n’importe quoi. A-t-on pris des dispositions pour éviter de revenir au confinement en isolement parce qu’il n’y aurait apparemment pas d’autre solution?

Mme Latimer : Beaucoup d’entre nous ont été scandalisés que les autorités carcérales aient imposé un isolement profond aux détenus pendant la crise de la COVID, sur les conseils de Santé publique Canada. C’était vraiment épouvantable. J’ai d’ailleurs dit à la secrétaire parlementaire en matière de sécurité publique que la préparation des autorités carcérales aux situations d’urgence devait être ajoutée au plan.

Nous sommes d’ailleurs en train de réaliser des recherches sur les effets des changements climatiques et des températures extrêmes dans les prisons. Les détenus me signalent que les unités résidentielles ne sont pas climatisées. Le dôme de chaleur en Colombie-Britannique, l’été dernier, a dû être très pénible dans les établissements concernés. Les conséquences peuvent être très graves.

Oui, il faut parer aux éventualités.

La sénatrice Cordy : À long terme.

Mme Latimer : En effet.

La sénatrice Cordy : Merci.

[Français]

La sénatrice Gerba : Merci de votre présence ici. Je salue aussi votre travail à toutes les deux, surtout Mme Latimer.

Vous avez toutes deux parlé du système de réclamation des détenus — qui est largement dysfonctionnel, selon les termes que vous avez utilisés. Pourtant, il s’agit d’un dispositif assez important et d’un moyen pour ces gens de faire valoir leurs droits. Selon vous, quelle est la manière dont on pourrait améliorer ce système pour qu’il remplisse son rôle essentiel?

[Traduction]

Mme Kish : Actuellement, une disposition du Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition oblige les personnes incarcérées à tenter de résoudre les problèmes de façon informelle avec un membre du personnel avant de porter plainte. Quand elles veulent déposer un grief, elles se font donc plus ou moins répondre de discuter avec les gens en situation de pouvoir avec qui elles sont en conflit. Conséquence : elles s’en abstiennent. Elles ont très peur.

Dans notre organisme, nous allons tous les mois rencontrer des détenus pour servir de courroie de transmission en agissant comme intermédiaires à cet effet, en toute confidentialité, mais malgré tous nos efforts, le problème n’en reste pas moins entier. Il est systémique et il requiert des changements à la loi.

En l’absence de preuves concrètes, les organismes externes comme les commissions des droits de la personne refusent la plupart du temps de prendre les dossiers en charge. Par ailleurs, puisque le ministère évalue le rendement en fonction du nombre de griefs retenus, les chiffres donnent une impression très trompeuse.

Mme Latimer : Je dirais en outre que l’accès à un avocat et aux autres moyens de faire valoir des droits est très restreint. Les services comme l’aide juridique ne suffisent pas à la demande, et de loin, pour que les problèmes se règlent.

Pour revenir à ce que disait Mme Kish, il y a aussi des représailles. La sénatrice Jaffer a évoqué la consultation des détenus. Or, un détenu musulman que j’ai aidé à témoigner pendant la tournée des établissements m’a raconté que les agents correctionnels lui avaient ensuite dit qu’il était dans le pétrin pour les avoir dénoncés au comité sénatorial. Il a par la suite été placé en isolement préventif, comme on disait alors, dans un autre établissement. J’ai du mal à ne pas y voir une relation de cause à effet, vu qu’il s’était plaint d’atteintes aux droits de la personne.

La sénatrice Gerba : Que faudrait-il faire? Avez-vous des suggestions pour améliorer les choses pour eux?

Mme Latimer : Il faut faciliter les démarches, oui. Consulter un avocat ne devrait pas être aussi difficile. Par exemple, un détenu noir m’a téléphoné la semaine dernière. Les autorités veulent resserrer sa cote de sécurité parce qu’elles le soupçonnent d’appartenir à un gang. C’est courant quand on est Noir. Il était vraiment bouleversé. C’est très difficile d’y faire quelque chose. J’ai même écrit au ministère, mais j’ignore si cela donnera quelque chose.

Je serais très curieuse qu’on jette un œil aux cotes de sécurité qui ont été revues pour savoir qui sont les personnes dont elle a été resserrée et pourquoi. Il y a sans doute une bonne part de subjectivité là-dedans.

Mme Kish : Excellent point. Actuellement, 27 % de tous les détenus sous responsabilité fédérale purgent une peine à perpétuité, et la cote de chacun d’entre eux a été resserrée au niveau maximal, sans exception. L’an dernier, l’Établissement d’Edmonton pour femmes a accueilli, si je ne m’abuse, sept Autochtones condamnées à perpétuité, ce qui se traduit d’office par une cote de sécurité maximale durant deux ans.

Vous avez raison. Pour revenir à l’idée des choix, on sait que les femmes et les personnes de diverses identités de genre ont des cotes de sécurité excessives. Il y a ces 10 % discrétionnaires que le panel précédent a évoqués. Le régime d’attribution d’une cote n’est un outil ni impartial ni fiable; le revoir devrait engendrer des changements systémiques très positifs.

La sénatrice Gerba : Je vous remercie.

La sénatrice Omidvar : J’estime que les gouvernements, quels qu’ils soient, entendent améliorer les choses, quoique les changements soient habituellement plus graduels que transformationnels.

Madame Kish, vous avez dit qu’il y avait eu des améliorations. Pourriez-vous en évoquer quelques-unes parmi cet océan de ce qui m’apparaît, vu la réponse du gouvernement, comme du camouflage destiné à semer la confusion?

Mme Kish : Je pense pas mal comme vous. Je garde un optimisme prudent. Mon organisme a des équipes qui se concertent chaque mois avec la direction des prisons, sur le terrain, en vue de régler des problèmes. Nos intervenants relaient les problèmes soulevés par les personnes détenues et ils essaient autant que possible de les régler.

La plupart du temps, le résultat ne correspond pas aux attentes, même si les programmes reflètent des intentions louables. Il y en a donc plein qui sont axés sur les personnes marginalisées en milieu carcéral ou le racisme systémique. Cependant, ce que nous répétons continuellement aux responsables, quand nous leur proposons des solutions et qu’ils nous disent : « D’accord, c’est quelque chose qui nous tient maintenant à cœur », c’est que leurs interventions n’opèrent pas les changements nécessaires. On tourne en rond.

Nous représentons un secteur et nous consacrons nos ressources et notre temps — notre carrière —, sans les compter, à mettre au point ces solutions. En tant que partie prenante et que partenaire, nous voulons que notre collaboration fasse évoluer les choses.

La sénatrice Omidvar : Merci.

Mme Latimer : Je dirais que la Société John Howard compte vraiment sur le cadre fédéral en vue de contrer le récidivisme. Nous faisons connaître beaucoup d’organismes qui offrent des services à la population et nous travaillons de concert avec eux. Selon nous, s’ils pouvaient intervenir, en milieu carcéral, dans la planification de la réinsertion sociale des gens afin qu’ils ne soient pas démunis à leur libération, cela ferait toute la différence. Nous tenons vraiment à ce que les choses évoluent dans ce sens.

Nous appuyons les cinq piliers à consolider, c’est-à-dire le logement — quand la personne relâchée se retrouve forcément dans la rue, la pente ne peut qu’être difficile à remonter —, l’emploi, l’éducation, la santé et les réseaux de soutien positif.

La sénatrice Omidvar : [Difficultés techniques] se conclure par un rapport au gouvernement, quelles recommandations voudriez-vous que nous formulions dans notre rapport final sur cette mini-étude, pas forcément en fonction de ce qui a déjà été dit, mais de la réponse du gouvernement?

Mme Latimer : Je pense que vous êtes déjà partis pour demander une réponse recommandation par recommandation, et ce serait une bonne chose. Le gouvernement pourrait légitimement ne pas être d’accord. Il pourrait décider de dire : « Nous ne répondons pas à celle-là, car nous pensons que ce n’est pas réaliste étant donné que bla-bla-bla », en invoquant des motifs de sécurité. Pas de problème, mais au moins vous saurez à quoi vous en tenir.

Cependant, quand il amalgame le tout, sa réponse a des airs quelque peu passifs-agressifs : « Nous aimons toutes vos recommandations. Nous les appliquerons toutes, à un moment donné, mais nous ne vous dirons ni quand ni lesquelles. »

La sénatrice Ataullahjan : Madame Latimer, vous avez dit au début — et je pense qu’il convient d’en prendre bonne note — que sa réponse devrait contenir des données, des paramètres, un échéancier et des points de référence, en toute transparence. Qu’entendez-vous au juste par là?

Mme Latimer : Comme je viens de le mentionner, j’aime le cadre fédéral visant à réduire la récidive. Cependant, le gouvernement n’a pas encore défini ce qu’il entend par « récidive ». Il est donc difficile de savoir si on la réduit quand on n’a pas de base de référence.

Par exemple, je soupçonne que les taux de récidive chez les Autochtones sont probablement plus élevés que chez d’autres groupes. Fait intéressant, ils sont moins élevés chez les prisonniers noirs, ce qui donne à penser que l’étalonnage des risques en ce qui concerne les prisonniers noirs est incorrect. Toutefois, il serait bon de savoir quelles mesures de soutien supplémentaires sont nécessaires pour les personnes qui ont de la difficulté à se réinsérer dans la société.

Je soupçonne que si nous pouvions obtenir des données détaillées, nous constaterions que les personnes qui bénéficient d’une libération conditionnelle font beaucoup mieux que celles qui sont libérées d’office, et beaucoup mieux que celles qui sont libérées à l’expiration de leur mandat. Cependant, nous n’avons pas les données ni les paramètres. Nous nous intéressons à la sécurité des collectivités. Nous ciblerions les personnes les plus à risque. Si une personne sort après l’expiration de son mandat et qu’on pense qu’elle commettra immédiatement une infraction grave avec violence, c’est notre genre de personne. Nous devons travailler avec elle pour essayer de voir ce que nous pouvons faire pour changer cette perspective.

La sénatrice Omidvar : Je vous remercie.

La présidente : Merci à vous deux de votre travail. Comme vous pouvez le constater, vous suscitez beaucoup d’admiration dans cette salle.

Votre tâche consiste à surveiller ce qui se passe. Nous avons siégé au cours de trois législatures différentes. Nous avons effectué 28 visites et avons tenu 30 audiences publiques. Certains d’entre nous, voire tous, se sont dits déçus de la réponse du gouvernement. Elle était presque irrespectueuse — nous avions 71 recommandations, qui ont en quelque sorte été regroupées.

Mme Latimer : Et irrespectueuse pour toutes les personnes qui ont comparu devant vous, les prisonniers et toutes les autres qui ont témoigné et qui ont pris un certain risque en le faisant.

La présidente : C’est une question que nous soulèverons à la réunion du comité directeur. Comme vous l’avez dit, si on n’a pas de réponse à une recommandation, on n’a qu’à le dire si c’est une question qu’on n’a pas examinée ou sur laquelle on n’a pas travaillé, au lieu de tout mettre ensemble.

Peut-être qu’à la suite de la décision du comité directeur, nous pourrons faire quelque chose. Nous nous réservons le droit de rappeler les représentants du gouvernement.

Je ne sais pas qui l’a évoqué, mais l’an dernier, alors que j’étais en Colombie-Britannique, nous avons parlé à certaines personnes incarcérées. Plus précisément, les hommes sud‑asiatiques ont dit : « Chaque fois que nous voyons un autre Sud‑Asiatique, nous savons qu’il y a une certaine familiarité liée au fait d’être avec les siens, de parler sa propre langue. » Il a ajouté : « Lorsque nous commençons à parler, on nous dit automatiquement : “Vous appartenez tous à un gang. Passez à autre chose. Passez à autre chose.” » Ils trouvaient cette réaction très difficile à gérer.

Nos prisons tiennent-elles compte des différences culturelles? Parce que le Canada a changé. On y trouve des gens de toutes les origines, de toutes les races et de toutes les religions. Nous avons entendu parler de problèmes liés à la prière et à la nourriture. Constatez-vous un changement depuis toutes ces années où vous travaillez sur ce dossier?

Mme Latimer : J’ai vu des changements. Je traite avec beaucoup de prisonniers musulmans qui ont vécu des moments difficiles. Je pense qu’ils sont de plus en plus en mesure de célébrer et de souligner leurs fêtes et d’obtenir leur nourriture. Ils aiment que les frères fassent la nourriture pour les frères. Il y a quelque chose en place, mais qui ne donnent pas de bons résultats. Les établissements ont tous des conseillers ethnoculturels, des comités et tout le reste, mais les renseignements qu’on en retire ne sont pas intégrés dans la façon dont les prisons fonctionnent réellement, alors le changement est très lent. Je dirais qu’il y a eu des améliorations.

Mme Kish : La raison pour laquelle l’incarcération doit être une mesure de dernier recours, c’est qu’elle va devenir problématique à bien des égards. Il y a 20 ou 30 ans, on accordait beaucoup plus d’importance à la liberté de la personne et à la satisfaction de ses besoins. Maintenant, lorsqu’on constate la diversité des gens, on voit qu’elle est intégrée à la logique de sécurité et de punition, de sorte que, dans de nombreux cas, elle devient presque une arme qui se retourne contre eux.

Le Service correctionnel du Canada dit souvent à l’Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry qu’il n’est pas responsable des populations dont il prend soin et dont il a la garde. Cependant, il existe un certain nombre de mécanismes législatifs pour permettre aux gens de réintégrer la société beaucoup plus tôt, si ce n’est au début de leur peine. Cet argument vaut pour toutes les communautés, parce qu’en prison, lorsqu’on catégorise les gens, toutes les bonnes intentions se perdent dans les résultats. La seule solution qui fonctionnera, ce sera de recourir à l’incarcération comme mesure très limitée, puis de transférer les gens dans des milieux communautaires appropriés.

La sénatrice Jaffer : Étiez-vous dans la salle pendant que les commissaires donnaient leur réponse?

Mme Latimer : Le groupe qui nous a précédés? Oui.

La sénatrice Jaffer : Une de mes questions portait sur le salaire quotidien de 6,90 $. Mme Gratton a dit qu’ils n’avaient plus à payer pour leur logement et leurs repas. Est-ce que c’est aussi ce que vous avez entendu?

Mme Latimer : J’ai entendu dire que, pendant la pandémie de COVID, ils sont revenus sur cette décision. Je m’inquiétais lorsque la COVID a pris fin, mais je pense qu’ils ont décidé de renoncer complètement aux frais pour leur logement et leurs repas, ce qui est une bonne chose. Je dirais, sénatrice Jaffer, que seuls les prisonniers d’élite reçoivent 6,90 $. La plupart d’entre eux reçoivent 5,80 $.

Mme Kish : Maximum. L’échelle commence à 2,50 $.

La sénatrice Jaffer : Je ne comprends pas ce que vous entendez par « élite ».

Mme Latimer : La crème de la crème, les travailleurs de CORCAN.

Mme Kish : Il y en a très peu, un très faible pourcentage.

Mme Latimer : Oui, ce n’est pas un salaire moyen.

La sénatrice Jaffer : Qu’est-ce qu’un prisonnier élite?

Mme Latimer : C’est un prisonnier qui occupe un des meilleurs emplois. Ils sont payés pour leur travail, non?

Mme Kish : Oui. Ils n’ont aucune infraction disciplinaire à leur dossier.

La sénatrice Jaffer : Notre étude a révélé une prévalence incroyablement élevée de maladies infectieuses dans les pénitenciers fédéraux. Bien que dans votre réponse vous reconnaissiez la nécessité de meilleurs services de santé, vous n’abordez pas le besoin de soins préventifs visant à prévenir les infections et la propagation de telles maladies.

On a évoqué une absence totale de soins dentaires. On n’a pas eu de réponse. La réponse disait : « Nous y travaillons », mais il n’y a pas eu de réponse au sujet des soins dentaires. Vous avez déjà répondu à la sénatrice Cordy à ce sujet. Je tenais simplement à ce que ce soit consigné dans le compte rendu, et faute de temps, je vais m’arrêter.

La sénatrice Clement : J’aimerais revenir sur une question que la sénatrice Cordy a soulevée au sujet de la COVID. Je me demande si le comité pourrait envisager de demander qu’on fasse le point sur la COVID. Dans les prisons que j’ai visitées au cours des derniers mois, beaucoup de restrictions n’avaient pas encore été levées. Il pourrait être intéressant pour le comité qu’il y ait un suivi à ce sujet.

Je reviens aux femmes autochtones. J’essaie de comprendre ce que vous voulez dire par « corriger les systèmes de classement par niveau de sécurité ». La sénatrice Omidvar a demandé plus tôt pourquoi nous ne commençons pas à embaucher des femmes dans des établissements à sécurité minimale.

Nous savons que certaines femmes autochtones sont étiquetées comme dangereuses et violentes. Ensuite, elles se heurtent à des obstacles en ce qui concerne toutes les options prévues aux articles 81 et 84. Pouvez-vous nous parler de ces obstacles? Que devrions-nous envisager pour y remédier?

Mme Kish : On leur attribue une cote de sécurité fondée sur des points. Plus une personne a de points, plus sa cote est élevée. Si on regarde les critères utilisés pour donner des points, on constate qu’ils sont liés à la marginalité et à la défavorisation. On pose les questions suivantes : une personne a-t-elle accès à sa famille? On ne se demande pas si une personne a une famille qui l’aime. On demande si cette personne a une famille qui dispose des ressources nécessaires pour se rendre à la prison. Si la réponse est non, c’est un point. Cette personne a-t-elle terminé une huitième année? Quel est son niveau de scolarité?

Tous ces facteurs sociaux dont nous savons qu’ils sont liés à des causes sociales d’intégration sont utilisés dans cette échelle précise pour augmenter les cotes de sécurité des gens. La pauvreté, la marginalité et la défavorisation se traduisent directement par des risques. Ces points sont attribués à des femmes qui sont alors classifiées dans un niveau de sécurité trop élevé. Lorsque les femmes et les personnes de diverses identités de genre sont maintenues dans des niveaux de sécurité plus élevés, leur santé mentale se détériore. C’est traumatisant d’être gardée dans une cage et de vivre ainsi, alors que toutes les prisons pour femmes ont été régionalisées à la suite des leçons apprises de la prison pour femmes de Kingston, la P4W, en vue d’éviter cela. C’est très problématique.

La sénatrice Clement : Merci.

La présidente : Comme il n’y a pas d’autres questions, je profite de l’occasion pour vous remercier d’avoir comparu devant nous. Nous vous sommes reconnaissants de votre aide dans le cadre de notre étude. Vous avez également soulevé des questions auxquelles les sénateurs pourraient consacrer plus de temps que nous avions initialement prévu. Je vous en remercie infiniment.

Sénateurs, nous allons conclure nos audiences publiques. Je vous remercie de votre présence.

(La séance est levée.)

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