LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE LA SÉCURITÉ NATIONALE ET DE LA DÉFENSE
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le lundi 16 mai 2022
Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd’hui, à 14 h 1 (HE), avec vidéoconférence, pour examiner la teneur des éléments des sections 19 et 20 de la partie 5 du projet de loi C-19, Loi portant exécution du budget déposé au Parlement le 7 avril 2022 et mettant en œuvre d’autres mesures; et pour examiner, afin d’en faire rapport, les questions relatives à la sécurité et à la défense dans l’Arctique.
Le sénateur Tony Dean (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. Je m’appelle Tony Dean, et je suis sénateur de l’Ontario et président du comité. Je suis accompagné aujourd’hui de mes collègues du comité : le sénateur Jean-Guy Dagenais, sénateur du Québec et vice-président; la sénatrice Dawn Anderson, des Territoires du Nord-Ouest; le sénateur Peter Boehm, qui représente l’Ontario; le sénateur Boisvenu, qui représente le Québec; le sénateur Dalphond, qui représente aussi le Québec; la sénatrice Donna Dasko, de l’Ontario; la sénatrice Marty Deacon, de l’Ontario; la sénatrice Mobina Jaffer, qui représente la Colombie-Britannique; le sénateur David Richards, qui représente le Nouveau-Brunswick; le sénateur Larry Smith, du Québec; et le sénateur Hassan Yussuff, de l’Ontario.
Nous commençons aujourd’hui notre examen de la teneur des éléments des sections 19 et 20 de la partie 5 du projet de loi C-19, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 7 avril 2022 et mettant en œuvre d’autres mesures.
Pour notre premier groupe de témoins, avec lequel nous nous pencherons sur la section 19, qui comprend des modifications à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, nous accueillons M. Chad Westmacott, directeur général, Sécurité communautaire des services correctionnels et de la justice pénale, Secteur de la prévention du crime, de Sécurité publique Canada; et M. Luc Bisson, directeur général, Politiques et planification stratégiques, de Service correctionnel Canada. Pour aborder la section 20, qui comprend des modifications à la Loi sur les douanes, nous accueillons M. Doug Band, directeur général, et M. Alex Lawton, directeur exécutif, tous deux de la Direction des programmes commerciaux et antidumping de l’Agence des services frontaliers du Canada.
Merci à vous tous de vous joindre à nous aujourd’hui par vidéoconférence. Nous allons maintenant commencer en vous invitant à faire vos observations liminaires, qui seront suivies des questions des membres du comité. Nous allons commencer par les commentaires de Sécurité publique Canada sur la section 19. Monsieur Westmacott, vous pouvez prendre la parole si vous êtes prêt.
Chad Westmacott, directeur général, Sécurité communautaire des services correctionnels et de la justice pénale, Secteur de la prévention du crime, Sécurité publique Canada : Je vous remercie de me donner l’occasion de m’adresser à vous aujourd’hui. Je suis accompagné aujourd’hui de mon collègue, Luc Bisson, directeur général, Politiques et planification stratégiques, au Service correctionnel du Canada. Je me trouve actuellement sur les terres non cédées de la nation algonquine anishinabe. Je suis reconnaissant d’avoir l’occasion de comparaître par vidéoconférence depuis leur territoire.
Je suis heureux de faire des observations liminaires pour présenter cette initiative en vertu de la section 19 de la partie 5 du projet de loi C-19, qui vise à assurer que l’utilisation des cellules nues est conforme à la Charte canadienne des droits et libertés.
Les cellules nues sont l’un des nombreux outils utilisés par Service correctionnel du Canada pour prévenir l’introduction d’objets interdits, par exemple des drogues ou des armes, dans les pénitenciers fédéraux. Pour référence, les cellules nues sont des cellules sans équipement sanitaire ni eau courante. Les détenus placés dans des cellules nues sont constamment surveillés afin d’empêcher toute contrebande d’être cachée, détruite ou manipulée.
Nous savons que l’introduction d’objets interdits dans les établissements peut avoir de graves répercussions sur la santé et la sécurité de l’individu. La présence de contrebande constitue également une menace importante et omniprésente pour la sécurité de l’établissement, mettant en danger la sécurité de tous les détenus et du personnel.
Selon l’article 51 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition telle qu’elle existe aujourd’hui, le directeur peut, s’il est convaincu qu’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un détenu a dissimulé dans une cavité corporelle ou ingéré un objet interdit, autoriser l’isolement en cellule nue.
Aucune limite de temps n’est prescrite par la loi et la politique pour le placement en cellule nue, mais en pratique, les placements dans des cellules nues ont rarement dépassé cinq jours et sont habituellement plus courts. Des garanties procédurales sont en place en ce qui concerne les cellules nues, notamment l’obligation pour le directeur d’examiner le placement sur une base quotidienne. Le sous-commissaire adjoint, Opérations correctionnelles, à l’administration régionale, est informé de tout placement dépassant 72 heures.
À titre d’information, dans sa décision rendue le 12 novembre 2021, la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse a conclu que l’alinéa 51b) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, la LSCMLC, contrevenait à l’article 15 de la Charte parce que celui-ci est discriminatoire à l’égard des détenus soupçonnés de transporter des objets interdits dans leur vagin. Étant donné que les objets interdits dans le vagin ne sont pas expulsés de la même façon ou au même rythme que les objets interdits dans le tube digestif, il est possible que les détenus ayant un vagin fassent l’objet d’un placement plus long dans une cellule nue, soit au-delà de la durée pour les détenus qui ont peut-être ingéré de la contrebande ou qui l’ont dissimulée dans leur rectum. Par conséquent, la cour a conclu que cette utilisation de cellules nues était inconstitutionnelle, a déclaré que l’alinéa 51b) était inopérant en Nouvelle-Écosse et a donné au Parlement six mois pour modifier la loi afin de régler la question.
Afin de préserver l’utilisation des cellules nues comme outil important à l’appui de la sécurité en établissement, Sécurité publique Canada et le Service correctionnel du Canada cherchent à modifier les dispositions de la LSCMLC relatives aux cellules nues pour s’assurer que leur utilisation est conforme à la Charte.
Les modifications proposées visent à restreindre la détention dans les cellules nues afin qu’elle ne soit permise que lorsque le directeur de l’établissement a des motifs raisonnables de croire qu’un détenu a ingéré des objets interdits ou que des objets interdits sont transportés dans le rectum du détenu. Comme je l’ai mentionné plus tôt, sans ces modifications, les cellules nues pouvaient également servir lorsqu’il y avait des motifs raisonnables de croire que de la contrebande était dissimulée dans le vagin. Ce ne serait plus le cas à l’avenir. Cela garantit que, lorsque des cellules nues sont utilisées, on peut raisonnablement s’attendre à ce que la contrebande soit expulsée. En outre, les modifications prévoient que tout détenu placé dans une cellule nue recevra la visite d’un professionnel de la santé agréé une fois par jour.
L’utilisation appropriée, et conforme à la Charte, des cellules nues dans toutes les régions du Canada aidera le Service correctionnel du Canada à continuer de prévenir l’entrée d’objets interdits dans ses établissements, favorisant ainsi un environnement sûr et sécuritaire pour les détenus et le personnel.
Le Service correctionnel du Canada continue de chercher et d’explorer de nouvelles technologies et pratiques, comme l’utilisation de scanneurs corporels, afin de mieux faciliter la détection et la saisie d’objets interdits tout en exerçant le contrôle raisonnable, sécuritaire et humain qui est au cœur de son mandat. Merci.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Westmacott.
Nous passons maintenant à M. Band de l’Agence des services frontaliers du Canada. Monsieur Band, vous pouvez procéder lorsque vous êtes prêt.
[Français]
Doug Band, directeur général, Direction des programmes commerciaux et antidumping, Agence des services frontaliers du Canada : J’ai le plaisir d’être parmi vous aujourd’hui pour vous présenter des modifications législatives proposées à la Loi sur les douanes. Je suis accompagné de mon collègue, Alex Lawton, comme il a été mentionné. Il est directeur exécutif responsable de l’application de la conformité dans nos programmes commerciaux et antidumping.
Il y a deux groupes distincts de modifications dont j’aimerais vous parler aujourd’hui. Tous deux modernisent l’administration, par l’agence, du régime des droits de douane du Canada.
[Traduction]
Certains sénateurs seront peut-être étonnés d’apprendre que, contrairement à l’Agence du revenu du Canada, les fonctions d’évaluation et de gestion des revenus de l’Agence des services frontaliers du Canada, l’ASFC, sont aujourd’hui largement basées sur le papier et traitées manuellement. Le premier groupe de modifications y répond en changeant la Loi sur les douanes pour permettre à l’ASFC d’administrer et d’appliquer les processus douaniers du Canada liés aux recettes par voie électronique. Ce faisant, l’industrie gagnerait également la possibilité d’envoyer électroniquement à l’ASFC de nombreux documents relatifs aux douanes, par exemple des documents comptables.
[Français]
Ces modifications répondent directement aux nombreuses demandes que l’agence a reçues de la part d’intervenants pour s’éloigner du traitement papier afin d’améliorer l’efficacité de la gestion des frontières.
[Traduction]
Le deuxième groupe de modifications vise à clarifier la responsabilité du paiement des droits et taxes, en particulier pour les envois découlant du commerce électronique aux consommateurs individuels, lorsque les intermédiaires, souvent des courtiers en douane, prennent la responsabilité de déclarer les droits et taxes dus et de soumettre les documents comptables requis.
L’ambiguïté entourant la responsabilité du paiement dans ces situations est apparue en raison de l’évolution rapide des modèles commerciaux du commerce électronique et a été soulignée par une décision rendue en 2020 par le Tribunal canadien du commerce extérieur.
Les modifications fournissent une clarté juridique et une prévisibilité tant pour l’ASFC que pour les entreprises en ajoutant un nouveau type d’importateur, appelé « importateur officiel », comme étant celui qui est conjointement et solidairement responsable des droits et taxes dus. L’importateur officiel sera tout simplement l’entité qui se désigne comme l’importateur sur les documents comptables soumis à l’ASFC.
Je tiens à souligner pour les sénateurs que les modifications ne concernent que la responsabilité en matière de droits et de taxes et ne modifient pas les responsabilités existantes en matière de santé, de sûreté et de sécurité, ou les responsabilités existantes en vertu du Code criminel.
Honorables sénateurs, ces modifications sont essentielles à la stratégie de modernisation du régime des droits de douane du Canada.
[Français]
Je vous remercie beaucoup de votre temps aujourd’hui et j’ai hâte de répondre à vos questions.
[Traduction]
Le président : Merci beaucoup pour votre déclaration liminaire, monsieur Band.
Nous passons maintenant aux questions. Je mentionne que nous pourrons discuter avec ce groupe de témoins jusqu’à 14 h 55. Pour pouvoir poser le plus de questions possible et écouter les réponses, les sénateurs disposeront chacun de quatre minutes. Je vous demande d’être brefs et de nommer le témoin à qui vos questions s’adressent. J’aimerais d’abord donner la parole à notre vice-président, le sénateur Dagenais. Vous avez la parole.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Ma première question s’adresse à M. Band. Monsieur Band, j’aimerais vous parler de l’impact du commerce électronique sur le contrôle des marchandises commerciales. Comme vous le savez, Amazon, Wayfair et le service postal n’ont jamais été autant sollicités. Les moyens techniques et la capacité de vérification des marchandises de l’Agence des services frontaliers ont-ils été ajustés ou corrigés pour être efficaces ou est-ce que beaucoup de marchandises peuvent échapper au contrôle à cause du volume quotidien?
M. Band : Merci beaucoup pour la question, sénateur. C’est absolument le cas.
[Traduction]
Il ne fait aucun doute que nous avons assisté à une explosion des volumes et, par conséquent, des revenus associés aux grandes entités de commerce électronique, comme celles que vous venez de mentionner.
Comme toute agence douanière dans le monde, celle du Canada a du mal à suivre le rythme. Il n’y a pas de honte à l’admettre. Nous avons mis sur pied le Programme des expéditions de faible valeur par messagerie, ou Programme des EFVM, dont les règles permettent le mouvement rapide des marchandises par messagerie. Dans la proposition à l’étude, nous voulons nous assurer que ces modèles commerciaux et ces acteurs, qui continuent de croître et d’étendre leurs capacités et leurs intérêts en matière de commerce électronique, sont pleinement conscients que certaines de ces activités comportent des responsabilités et des risques sur le plan des revenus. En proposant cette modification précise, nous disons que, selon nous, l’importateur est celui qui se déclare comme tel au moment de la déclaration en détail et que cette entité, de même que le propriétaire — dans de nombreux cas, le consommateur — et l’importateur officiel peuvent tous être tenus solidairement responsables des droits de douane et des taxes.
Cela nous permet d’éliminer une certaine ambiguïté juridique découlant d’une décision rendue en 2020 par le Tribunal canadien du commerce extérieur, selon laquelle l’ASFC ne pouvait pas tenir une entité, un courtier ou un transitaire conjointement responsables des droits de douane et des taxes lorsqu’ils utilisaient leur numéro d’entreprise pour dédouaner les marchandises et déclarer les sommes dues. Cela n’était pas suffisant en soi.
Ainsi, grâce à cette modification, lorsqu’une entité — dans bien des cas, un courtier — utilise son numéro d’entreprise et offre des services de dédouanement et de comptabilité, comme le font bon nombre de ces entités, nous pourrons faire en sorte que le contribuable canadien et le gouvernement canadien obtiennent les revenus qui sont dus à la suite de cette importation.
Le président : Merci de cette réponse très claire et utile, monsieur Band.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Ma question s’adresse à M. Westmacott. Dans son rapport 2019-2020, l’enquêteur correctionnel du Canada soulève qu’un détenu peut être isolé en cellule nue jusqu’à l’expulsion d’objets interdits soupçonnés, ce qui vient dissiper toute attente raisonnable. L’enquêteur correctionnel recommande que des placements en cellules nues qui excèdent une période de 72 heures soient explicitement interdits au sein des services correctionnels fédéraux. Je sais, pour avoir moi-même visité des établissements fédéraux, que cela se fait de manière relativement respectueuse. Êtes-vous d’accord avec la recommandation de l’enquêteur qui est de limiter à 72 heures l’isolement en cellule nue alors que, actuellement, cela peut excéder les 72 heures?
[Traduction]
M. Westmacott : Je vous remercie de la question. Il est rare que l’isolement en cellule nue excède une période de 72 heures. Cependant, la raison pour laquelle on maintient la possibilité de dépasser les 72 heures, c’est dans des circonstances particulières où cela pourrait prendre plus de temps.
Je vais me tourner vers mon collègue, Luc Bisson, pour voir s’il souhaite également se prononcer là-dessus.
[Français]
Luc Bisson, directeur général, Politiques et planification stratégiques, Service correctionnel Canada : Merci pour la question, sénateur Boisvenu. Essentiellement, imposer un maximum de jours, surtout une limite de 72 heures, est problématique, puisqu’il n’y a pas de consensus auprès des experts dans le domaine de la santé en ce qui a trait au nombre de jours maximum pour des substances ou des biens qui devraient être expulsés du système digestif. Dans plusieurs cas, cela a lieu à l’intérieur de deux jours, mais il est très commun que les matières prennent plus que 72 heures, même au-delà d’une semaine, pour être expulsées du système digestif. C’est la raison pour laquelle il n’y a pas de limite et qu’essentiellement, on s’assure de répondre à l’ensemble des scénarios. Il est important de noter la mesure qui est mise de l’avant avec l’ajout de vérifications tous les jours, soit des visites de professionnels de la santé qui s’assurent que le détenu qui est maintenu en isolement peut avoir les soins et les suivis nécessaires sur le plan médical. J’espère que cela répond à votre question.
Le sénateur Boisvenu : Oui, merci. Ma prochaine question s’adresse aux représentants de l’Agence des services frontaliers du Canada. Monsieur Band, le Canada a beaucoup innové sur le plan de l’informatisation. Je songe entre autres au contrôle des passeports qui était une lacune du service. On pouvait attendre de longues minutes à Dorval avant de passer au contrôle parce que tout était fait à la main. Maintenant, c’est rapide. En quoi ce processus d’informatisation indiqué dans la loi va-t-il améliorer les services offerts aux citoyens? Je comprends que les grandes sociétés d’importation ont une procédure différente, mais pour les citoyens, en quoi cela va-t-il changer leur vie lors de leur retour au Canada?
[Traduction]
Le président : Pourrions-nous avoir une réponse très brève à cette question, s’il vous plaît? Notre temps est écoulé, alors celui qui veut répondre devra faire vite.
M. Band : Je serai très bref. La réponse courte, c’est que ces modifications visent en grande partie les activités commerciales à la frontière et, en particulier, les activités liées aux recettes. Les bénéficiaires seront les entreprises.
Cela s’inscrit dans le cadre d’une transformation plus vaste et d’une automatisation de nos fonctions de gestion des recettes. Nous menons en ce moment un grand projet informatique pour automatiser la plupart des tâches effectuées actuellement sur papier. Par conséquent, l’automatisation de ces activités aura pour avantage de réduire la paperasserie pour les entreprises et d’améliorer les délais, car on n’aura plus à envoyer les documents par courrier et à y répondre manuellement.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Merci beaucoup.
[Traduction]
La sénatrice Anderson : Merci aux témoins. Ma question porte sur la LSCMLC.
Monsieur Westmacott, vous avez déclaré que les placements en cellules nues dépassent rarement une période de cinq jours, mais vous venez de dire qu’il est rare qu’ils excèdent une durée de trois jours.
Dans le cas qui nous occupe, la femme est restée en cellule pendant 16 jours. Vous avez affirmé que les cellules nues sont un outil important pour modifier la LSCMLC. Pouvez-vous me dire quelles sont les pratiques de gestion de cas que vous utilisez, ou cherchez-vous à les modifier en même temps que les changements apportés à l’utilisation des cellules nues? Le cas échéant, en quoi consistent ces pratiques?
Merci.
M. Westmacott : Merci de la question. Je vais me tourner vers mon collègue, Luc Bisson, qui a des informations plus opérationnelles à ce sujet.
M. Bisson : Bonjour. Je vous remercie de la question.
Le Service correctionnel du Canada a apporté des changements à la politique, ce qui garantit essentiellement une révision de la décision chaque jour où un détenu se trouve dans une cellule nue pour s’assurer qu’il est nécessaire que le détenu y reste.
Les modifications apportées à la LSCMLC visent à assurer des visites quotidiennes, ce qui sera inscrit dans la loi; ainsi, tout détenu placé dans une cellule nue recevra chaque jour la visite d’un professionnel de la santé. Par l’entremise d’une politique, nous avons également institué une plus grande surveillance à l’échelle de l’administration centrale et des administrations régionales. Ainsi, après 48 heures, nous demandons au directeur de l’établissement de fournir des mises à jour quotidiennes à notre administration régionale afin de déterminer si le placement est toujours justifié et de veiller à ce que toutes les mesures de protection soient en place. Au-delà de 72 heures, il faudra également transmettre des renseignements à l’échelle de l’administration nationale.
Ce sont là des mesures de protection supplémentaires que nous mettons en place, en plus des modifications importantes apportées à la loi pour faire en sorte que les professionnels de la santé visitent les détenus chaque jour.
Le président : Merci, monsieur Bisson.
La sénatrice Anderson : Vous avez dit que la durée dépasse rarement cinq jours. Pouvez-vous me dire s’il y a une différence entre les hommes et les femmes au chapitre du nombre de jours de placement en cellule nue? Merci.
Le président : Monsieur Bisson?
M. Bisson : Merci de la question.
Essentiellement, les modifications ne permettront le recours aux cellules nues que si l’on soupçonne qu’un produit de contrebande se trouve dans le tube digestif. Par conséquent, l’utilisation de cellules nues, comme ce fut le cas dans l’affaire entendue par la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse, ne sera plus autorisée par la loi.
En ce qui concerne la surveillance, comme je l’ai mentionné, elle sera la même dans les deux cas pour les hommes et les femmes. Les mesures de protection s’appliqueront dans chaque cas. Nous avons institué des mesures pour garantir que les directeurs d’établissements fournissent ces mises à jour quotidiennement.
En ce qui a trait aux conditions de détention, nous veillons à ce que les détenus placés en cellule nue disposent d’une literie, d’une alimentation, de vêtements et d’articles de toilette adéquats et, essentiellement, d’un soutien tant médical que spirituel.
Le sénateur Yussuff : Merci aux témoins d’être là.
J’ai deux questions : compte tenu de la décision du tribunal et de la modification apportée à la loi par le ministère, êtes-vous absolument certains que cette mesure répond maintenant aux exigences de la Charte canadienne des droits et libertés? C’est la première question.
M. Westmacott : Merci beaucoup de la question.
Oui, notre examen juridique nous permet de conclure que cette mesure répond aux exigences de la Charte, parce qu’elle empêche la discrimination entre les femmes et les hommes et qu’elle prévoit un traitement égal en ce qui concerne le recours aux cellules nues.
Le sénateur Yussuff : Le ministère conserve-t-il des données concernant les personnes qui sont détenues en cellules nues lorsqu’il s’avère qu’elles ne dissimulent pas de produits de contrebande? Le ministère conserve-t-il régulièrement des données à cet égard afin que nous disposions de certains renseignements? Les données révèlent-elles une distinction entre les sexes et les races?
M. Westmacott : Je vais demander à M. Bisson de répondre à cette question.
M. Bisson : Je vous remercie de la question.
En fait, les cellules nues constituent une méthode importante pour assurer la sécurité des établissements. Nous conservons des données sur les saisies qui résultent des placements en cellules nues. Au cours de la dernière année financière seulement, soit en 2021-2022, l’utilisation de cellules nues a permis de procéder à quatre saisies distinctes de drogues et à trois saisies distinctes d’armes.
Comme vous le savez, les drogues et les produits de contrebande introduits dans nos établissements posent un risque important pour la sécurité des détenus eux-mêmes, du personnel et des visiteurs, et les cellules nues sont un outil important pour garantir que nous saisissons les produits de contrebande qui entrent dans nos établissements.
Le sénateur Yussuff : J’ai une autre question sur la nouvelle procédure électronique qui sera utilisée pour s’occuper des droits de douane à la frontière. Comment cette douane numérique empêchera-t-elle la criminalité transfrontalière, notamment celle liée à la fraude, au crime organisé et au terrorisme international?
M. Band : Merci de la question, sénateur.
Je pense que cela concerne les dispositions et les initiatives en matière de sécurité qui seront mises en place surtout dans le cadre du grand projet d’investissement en informatique que j’ai décrit, à savoir le système canadien de gestion des cotisations et des recettes. À titre de grand projet de l’État, il fera l’objet d’un examen de sécurité très rigoureux à chaque étape importante de sa mise en œuvre. Nous avons déjà terminé notre première version — ou la version zéro — et nous avons franchi les barrières de sécurité, pour ainsi dire.
Par ailleurs, j’ajouterais que l’agence a intensifié ses efforts, de manière générale, dans le dossier du blanchiment d’argent par voies commerciales. Je sais que cela ne cible pas tout à fait le terrorisme que vous avez mentionné, mais on reconnaît qu’il existe des points d’intersection entre ces intérêts malveillants et les activités commerciales légitimes. Grâce à ces deux moyens, l’agence en souligne l’importance et renforce sa capacité à s’y attaquer.
Le président : Je vous remercie tous les deux de vos réponses.
Le sénateur Boehm : J’ai deux questions. La première s’adresse à M. Band, de l’ASFC.
La tendance consiste, bien entendu, à simplifier par des moyens électroniques ce que nous appelons commodément les « formalités administratives » et d’autres mesures. Je me demande si, dans le cadre de votre réflexion sur la meilleure façon de procéder et de rendre le tout opérationnel, vous avez également examiné les solutions adoptées par d’autres pays, en particulier les États-Unis et le Mexique, car ce sont nos partenaires de l’ALENA, après tout. À mesure que nous nous engageons dans d’autres accords commerciaux — qu’il s’agisse de l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste, ou PTPGP, ou de l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne, ou AECG —, il faut un moyen de mettre en commun les pratiques exemplaires et d’assurer une certaine conformité.
M. Band : Je pense que c’est un point très pertinent. La réponse courte est « oui ». Dans mes fonctions antérieures, j’ai eu le plaisir de m’occuper de la réduction des formalités administratives dans l’ensemble du système fédéral de réglementation en ma qualité de directeur général chargé de la politique de réglementation pour le Canada et dans le cadre de mon travail au sein du Conseil de coopération en matière de réglementation Canada—États-Unis. C’était un impératif absolu.
Pour ce qui est de l’agence, en bref, dans le contexte des modifications législatives présentées au comité aujourd’hui, cela ne fait que créer une capacité juridique. C’est l’assise qui nous permet, sur le plan juridique, de demander et de recevoir des renseignements par voie électronique. Ce dont parle le sénateur — avec beaucoup d’éloquence, d’ailleurs —, c’est de la façon dont on doit s’y prendre pour miser sur les possibilités que promet d’offrir cette capacité.
Je voudrais maintenant aborder la question des autres modifications liées à la responsabilité. En l’occurrence, nous nous sommes fortement inspirés de l’exemple américain. Grâce à cette modification, nous nous alignons essentiellement sur le modèle américain de responsabilité de l’importateur officiel. Il y a des différences, bien sûr, et vous en entendrez peut-être parler par les membres de l’industrie qui témoigneront plus tard. Ces différences découlent presque entièrement du fait que nos seuils de minimis, comme le sénateur le sait, sont très différents dans ces pays, même dans le cadre de l’Accord Canada—États-Unis—Mexique, ou ACEUM. Le seuil de minimis aux États-Unis est de 800 $, alors que celui au Canada est de 40 $ pour les taxes et de 150 $ pour les droits de douane et taxes, tous deux payables. C’est donc un seuil très différent du point de vue des recettes. Le nôtre est très bas. Le leur est très élevé. Je crois que cela se manifeste dans la façon dont les différents régimes peuvent être et seront mis en œuvre, mais nous sommes en communication très étroite avec nos homologues américains. D’ailleurs, la semaine dernière, nous nous sommes entretenus avec les responsables de la réglementation des courtiers.
Nous nous assurons d’essayer, dans la mesure du possible, d’harmoniser nos règles. Nous respectons la souveraineté canadienne et la capacité de notre pays à prendre ses propres décisions, mais nous reconnaissons qu’il existe un marché nord-américain et qu’il y a des gains d’efficacité qui peuvent et doivent être réalisés, notamment sur le plan de la gestion des risques et des coûts commerciaux de la responsabilité.
Le sénateur Boehm : Merci, monsieur Band. J’ai une petite question pour M. Bisson ou M. Westmacott, celui qui voudra bien y répondre. Vous avez dit que tout détenu placé dans une cellule nue recevrait la visite d’un professionnel de la santé une fois par jour. Ces professionnels auraient-ils également une formation en santé mentale?
M. Bisson : Merci de la question. En ce qui concerne les services offerts aux détenus, ces derniers continuent d’avoir accès à des soins de santé, que ce soit de nature psychologique ou médicale, et rien ne changera à cet égard. Évidemment, la visite quotidienne d’un professionnel de la santé vise à faire en sorte que le détenu dispose systématiquement d’un moyen d’exprimer ses préoccupations sans devoir passer uniquement par le personnel correctionnel. Cela permettra d’assurer une surveillance supplémentaire du point de vue des soins de santé.
Comme vous le savez, les cellules nues constituent un outil essentiel, car nous disposons de moyens très limités pour saisir les produits de contrebande. L’ajout de ces mesures de protection nous permettra de le faire en toute sécurité.
Le président : Merci de votre réponse.
La sénatrice M. Deacon : Merci à nos témoins d’être des nôtres cet après-midi. J’ai trois questions assez courtes à poser, et je vais les adresser au représentant du Service correctionnel pour le moment. L’une d’entre elles porte sur le libellé actuel. Il est déjà question de motifs raisonnables dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, ou LSCMLC. Je me demande si nous avons une application générale ou une description de ce que sont les motifs raisonnables. Lorsqu’on a recours aux cellules nues, la justification utilisée est-elle consignée et rendue accessible dans le cadre de toute enquête qui pourrait mettre en évidence des problèmes potentiels après coup?
M. Bisson : Merci de la question, sénatrice Deacon. Essentiellement, le directeur de l’établissement doit documenter les motifs pour un placement en cellule nue. Cela devient la base de la décision à cet égard, et cette information reste disponible pour vérification future et fait partie du dossier qui est examiné quotidiennement par nos administrations à l’échelle nationale et régionale. Tout cela est documenté. Je crois que vous aviez d’autres questions, alors je vais m’arrêter là.
La sénatrice M. Deacon : Je vous en remercie. Bien entendu, nous connaissons l’incidence de la décision rendue par la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse. Ma question porte là-dessus. Si un établissement soupçonne une détenue de dissimuler un objet interdit dans son vagin, et que cette détenue ne consent pas à une prise de radiographie, que se passe-t-il dans ce cas?
M. Bisson : Dans ces cas, nous considérerons toutes les façons d’encourager la détenue à comprendre les risques qu’elle court et à travailler avec les professionnels de la santé pour assurer que nous serons en mesure de saisir en toute sécurité le produit de contrebande et pour limiter les risques pour elle-même. Nous examinerons toutes les options possibles pour travailler avec la détenue et nous assurer que nous limitons le risque pour elle et le risque que le produit de contrebande se retrouve dans l’établissement. Dans certains cas, en dernier recours, nous pouvons utiliser des unités d’intervention structurées pour constituer un environnement contrôlé où nous pourrons surveiller les détenues de plus près et nous assurer de garder le produit de contrebande en dehors de l’établissement et de préserver la sécurité des détenues.
La sénatrice M. Deacon : Merci. Pour terminer, et pour compléter ce que disait mon collègue, le sénateur Boehm — c’est formidable de voir que les professionnels de la santé sont mieux intégrés et qu’ils jouent un rôle important dans ce processus —, si un professionnel de la santé estime qu’une cellule nue nuit à un détenu, a-t-il le pouvoir à lui seul d’en faire sortir le détenu — je vous ai entendu aborder ce sujet — ou doit-il se contenter de relayer l’information au directeur de l’établissement, qui prendra cette décision?
Le président : Monsieur Bisson, si cela est possible, veuillez donner une courte réponse.
M. Bisson : En ce qui concerne les professionnels de la santé, les modifications apportées à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition en 2019 mettaient de l’avant de manière explicite l’indépendance des professionnels de la santé en ce qui a trait à la formulation de recommandations et pour ce qui est de forcer des interventions pour assurer la sécurité des détenus. Par conséquent, lorsque les circonstances nécessitent d’autres services de santé ou un transfert vers un hôpital, ils ont la capacité de faire ces recommandations dans le contexte des soins de santé.
La sénatrice M. Deacon : Je vous remercie.
La sénatrice Dasko : Merci aux témoins. Je vais poser trois questions à M. Westmacott et à M. Bisson. Tout d’abord, il n’est pas rare que le gouvernement fédéral interjette appel des décisions des tribunaux provinciaux devant la Cour suprême — du moins cela arrive-t-il parfois, selon la situation, évidemment. J’aimerais savoir pourquoi le gouvernement fédéral ne le fait pas dans cette situation. Deuxièmement, les cavités corporelles sont-elles la principale façon de faire entrer du matériel de contrebande — surtout des drogues — dans les établissements correctionnels? Ma troisième question est la suivante : je ne suis pas tout à fait certain du statut de l’utilisation des radiographies. Pouvez-vous m’éclairer à ce sujet? Je ne sais pas si elles sont censées être interdites ou si on les tolère sur une base régulière. Je cherche simplement à obtenir des éclaircissements à ce sujet. C’est tout pour moi, merci.
Le président : Une minute par réponse. C’est à vous.
M. Westmacott : Merci de la question, sénatrice. Nous avons décidé de ne pas faire appel de la décision parce que nous avons estimé qu’il y avait un moyen de répondre aux préoccupations liées à la Charte. C’est là l’essentiel des mesures que nous présentons aujourd’hui.
Pour ce qui est de savoir si les cavités corporelles sont le principal moyen de faire entrer des produits de contrebande dans les établissements, je vais me tourner vers mon collègue, M. Bisson.
M. Bisson : C’est une excellente question.
Nous avons un certain nombre d’outils qui nous permettent de détecter la contrebande. Nous avons parlé des scanneurs. Nous avons des rayons X, des chiens détecteurs et des détecteurs de métaux, entre autres. Les options pour saisir les produits de contrebande en toute sécurité sont assez limitées. Une fois que l’objet se trouve dans le tube digestif, les cellules nues sont l’un des seuls outils dont nous disposons pour récupérer en toute sécurité les produits entrés illégalement et les empêcher de circuler ou d’être utilisés au sein de l’établissement.
Pour répondre à votre troisième question, le recours aux radiographies justifierait le transfert vers un hôpital extérieur. Cela nécessiterait évidemment un peu plus de logistique et de coordination avec les professionnels de la santé externes. Il faut des escortes de sécurité, et cetera. C’est beaucoup plus compliqué.
Il est important de noter qu’au cours des cinq dernières années, les cellules nues à elles seules nous ont permis d’effectuer 281 saisies de drogue et 10 saisies d’armes. Il s’agit donc d’un outil très important qui nous permet de saisir les produits qu’un détenu tenterait de faire entrer en cachette et d’empêcher la circulation de ces produits au sein de l’établissement, ce qui est encore plus important en cette ère de drogues dangereuses qui entraînent des surdoses, comme le fentanyl. Il est essentiel que nous ayons cet outil pour nous permettre d’intercepter en toute sécurité les produits de contrebande.
Le président : Merci beaucoup de ces réponses.
[Français]
Le sénateur Dalphond : Ma question s’adresse à Service correctionnel du Canada et à Sécurité publique Canada.
Les personnes qui sont assujetties à cela sont des prisonniers, ce qui veut dire que la drogue s’est rendue à l’intérieur de la zone sécurisée et on tente ensuite de l’intercepter.
Combien choisissent de faire une radiographie ou un autre processus électronique plutôt que d’aller dans la cellule nue? L’équipement est-il facilement disponible? Est-ce offert aux personnes pour lesquelles on a un motif raisonnable de soupçonner qu’ils ont de la drogue sur eux?
M. Bisson : Merci pour votre question, sénateur. Nous n’avons pas beaucoup de moyens pour récupérer la drogue. Les outils que vous avez mentionnés, comme l’utilisation de scanneurs à ions, l’utilisation des chiens détecteurs ou l’utilisation de détecteurs de métal, sont tous des moyens qui nous permettent de déterminer s’il y a de la contrebande.
Cependant, la cellule nue est le seul moyen qui nous permet de récupérer la contrebande à l’intérieur de nos murs, mis à part la possibilité d’aller plus loin au moyen d’une intervention médicale où on irait chercher la contrebande dans le système digestif qui, évidemment, présenterait des risques beaucoup plus élevés. La cellule nue est donc le moyen le plus sécuritaire pour récupérer la contrebande qui se trouverait dans le système digestif.
Le sénateur Dalphond : Ma question est cependant plus ciblée. Offrez-vous systématiquement à toute personne que vous soupçonnez de faire de la contrebande d’utiliser le système électronique plutôt que d’aller en cellule nue?
M. Bisson : C’est une très bonne question. Je suis désolé, j’avais peut-être mal compris votre question.
C’est sûr qu’on travaille avec le détenu pour essayer de l’encourager à nous remettre la contrebande de son propre chef et de travailler avec le personnel de la santé pour permettre une surveillance pour éviter des problèmes de santé. On explore tous les autres moyens avant le recours à l’utilisation de la cellule nue, mais si le détenu ne veut pas collaborer et remettre la contrebande de son propre chef ou admettre même qu’il y aurait de la contrebande dans son système digestif, la cellule nue demeure le seul moyen d’y arriver.
[Traduction]
Le sénateur Smith : Ma question s’adresse à M. Band. Lors de votre exposé, vous avez dit que le Canada est en retard sur d’autres pays en ce qui concerne son infrastructure et la gestion de sa frontière et des questions internationales.
Quelles sont vos attentes à l’égard des modifications proposées aux termes de la section 20? Ces modifications et les autres que vous comptez faire pour améliorer notre système et renforcer notre position à l’internationale doivent-elles être considérées comme une première étape? Pourriez-vous nous donner un aperçu des idées qui ont nourri votre réflexion à ce sujet?
M. Band : Merci de cette question. Pour être plus précis, mes observations sur le retard que nous avons pris concernaient notre capacité à travailler avec l’industrie par voie électronique; elles s’inscrivaient dans ce contexte bien restreint. À maints égards, nous faisons un excellent travail.
Il reste que j’aime bien cette question, car elle fait référence à la tâche à plus long terme qui nous attend et que nous avons entreprise. Cette tâche consiste à trouver un meilleur équilibre entre les impératifs de facilitation et de conformité que nous avons, en tant qu’agence, lorsqu’il s’agit du traitement commercial des marchandises et, en particulier, dans mon monde, de veiller à ce que les droits et les taxes soient payés.
Si vous examinez nos accords commerciaux, comme l’Accord Canada—États-Unis—Mexique et d’autres accords qui ont été mentionnés, cette tension dynamique ou cet équilibre se trouve dans l’accord proprement dit. Vous devez faciliter le commerce et assurer le respect des règles. Il est juste de dire que ces modifications nous permettent de nous renforcer, et d’ailleurs, nous nous sommes effectivement renforcés depuis 2017, c’est-à-dire depuis le moment où le vérificateur général a publié un rapport qui critiquait le relâchement du régime en ce qui a trait à l’argent que nous percevons et contrôlons. Le rapport a révélé que malgré les meilleurs efforts de l’industrie, nous étions à la traîne. Ce changement de responsabilité apporte une clarté sur le plan juridique.
Nous entreprenons d’autres réformes afin de renforcer notre capacité à garantir la conformité volontaire de l’industrie. Mes collègues de l’industrie sont bien conscients de ces réformes et ils y ont contribué. J’ai mentionné la transformation du système informatique, le système de gestion des évaluations et des recettes. Ce système change la donne pour nous, car il nous donne la possibilité, pour la première fois, d’avoir tous ces renseignements comptables dans un système auquel nous pourrons intégrer des analyses de données afin de réaliser des analyses de risque vraiment approfondies. Cela n’était pas possible auparavant. Nous étions dans un monde fondé sur le papier où les papiers étaient classés avec cinq jours de décalage. Sans cette transformation, nous ne pourrions pas avoir cette capacité de pointe.
Nous avons fait d’autres choses. Par exemple, nous avons augmenté les sanctions pécuniaires afin de répondre à certaines des critiques formulées à l’endroit de ce régime. Je pense que nous sommes sur la bonne voie, avec un grand soutien des intervenants de l’industrie. Ces derniers comprennent très bien de quoi il retourne et ils travaillent fort pour obtenir des résultats en matière de conformité, car leur réputation, en tant que bons partenaires douaniers, est en jeu.
Je vous remercie donc de m’avoir donné l’occasion de mentionner ces éléments, sénateur Smith.
Le sénateur Smith : Merci, monsieur Band.
Le sénateur Richards : Les sénateurs Yussuff et Deacon ont posé les questions que je me réservais, mais je vais tout de même en poser une à M. Westmacott.
Je suppose que par « personnes ayant un vagin », vous voulez dire « femmes ». Je pense que la plupart d’entre elles seraient dans des établissements pour femmes.
Si les cellules nues ne fonctionnent pas — et je ne pense pas que les cellules nues soient la meilleure chose pour qui que ce soit —, est-ce que le personnel procède à une fouille physique de la détenue s’ils sont certains que cette dernière a quelque chose qui est caché dans sa cavité et qui pourrait la blesser ou nuire à la population de l’établissement?
Je me souviens qu’à mes débuts, le tueur en série Allan Legere avait caché une arme dans une cavité corporelle et qu’il avait fini par s’échapper. Par la suite, quatre autres personnes allaient être tuées. J’aimerais savoir s’il existe une fouille, autre que les cellules nues ou les rayons X, qui pourrait être appropriée dans certaines circonstances.
M. Bisson : Merci, sénateur Richards. Comme vous l’avez noté, il est évidemment important d’empêcher l’introduction d’objets interdits dans les établissements — qu’il s’agisse d’armes ou de drogues — pour assurer la sécurité du personnel et des détenus.
En ce qui concerne les autres moyens, nous pouvons utiliser les fouilles afin d’essayer de trouver les produits de contrebande qu’une personne aurait dissimulés dans ses vêtements ou ce qu’elle transporte. Cela peut se faire au moyen de fouilles par palpation ou de fouilles à nu.
Une fois que l’on soupçonne la présence d’un produit de contrebande dans le système digestif, à part l’utilisation d’une radiographie ou d’un autre scanneur, la cellule nue reste le seul moyen dont disposent nos établissements pour intercepter ce produit. C’est ce qui explique pourquoi ces cellules sont conçues comme elles le sont. Il faut s’assurer que le produit de contrebande ne peut être dissimulé, évacué ou utilisé. C’est le seul moyen dont nous disposons pour nous assurer que nous puissions observer le détenu et saisir le produit de contrebande en temps opportun.
Le sénateur Richards : Comme nous le savons, cela ne fonctionne pas toujours pour les détenues qui dissimulent le produit de contrebande dans leur vagin. Y a-t-il un autre moyen de régler ce problème? En fait, faites-vous quelque chose pour tenter de le régler? C’est ma seule question.
M. Bisson : Merci, sénateur. En ce qui concerne votre deuxième question, si nous soupçonnons qu’un produit de contrebande se trouve dans la cavité vaginale de la détenue, nous encourageons cette dernière à collaborer avec le personnel de soins de santé et son équipe de gestion de cas pour se départir volontairement dudit produit et s’éviter tout problème de santé. Notre plus grande inquiétude dans ces cas-là, c’est qu’elles se blessent elles-mêmes en gardant des produits de contrebande dans leur vagin ou dans toute autre cavité corporelle.
Notre première réaction est toujours d’essayer de travailler avec la détenue et de résoudre la situation sans avoir recours aux cellules nues. Dans les cas de produit de contrebande dissimulé dans la cavité vaginale, nous travaillons avec la détenue par l’intermédiaire de notre personnel de soins de santé et de gestion des cas. Si cela ne réussit pas, nous utilisons, en dernier recours, des moyens tels que les unités d’intervention structurées pour nous assurer d’exercer une surveillance plus serrée de la détenue et d’être en mesure de surveiller ses mouvements de façon appropriée...
Le sénateur Richards : Merci, monsieur. C’est ce que je voulais savoir.
La sénatrice Jaffer : Merci aux témoins. J’ai trouvé cela très intéressant. Je suis allée plusieurs fois dans des pénitenciers dans le cadre de visites. Dernièrement, toutes les lois appellent un changement positif et un renforcement des droits des détenus. C’est quelque chose dont nous pouvons tous être fiers.
Cependant, lorsque vous allez dans ces établissements, les choses ne fonctionnent pas de cette façon. Ce que nous avons déjà adopté n’est pas en place. J’ai si peu de temps et d’autres vont vous dire toutes ces choses. Toutefois, ce que je veux savoir de vous, monsieur Bisson, c’est si vous formez les gardiens? Est-ce que vous fournissez — je ne veux pas dire au sens littéral — un policier qui suivra cela? Lorsque je me suis rendue dans des pénitenciers, ce que j’ai constaté, c’est que même ce que nous avons adopté depuis environ un an n’a pas été mis en œuvre. J’ai été choquée d’entendre le directeur d’un de ces établissements déclarer : « Oh, ils sont là. Nous ferions mieux de faire ceci et cela. Ils viennent de passer ça. »
Que mettez-vous en place pour vous assurer que les gardiens respectent ces règles?
M. Bisson : Merci de la question. Lorsque tout changement d’importance est proposé, nous nous assurons de fournir une formation à notre personnel. Plus important encore, nous donnons des encouragements soutenus au personnel à l’égard de ses responsabilités et nous nous efforçons de le sensibiliser à ces dernières. Nous surveillons aussi la conformité. Nous nous sommes engagés à le faire à la suite de la mise en œuvre du projet de loi C-83, auquel vous faites référence dans ce cas-ci, je crois. Nous allons continuer à le faire. Nous sommes déterminés à nous assurer que nous fournissons les soins et les services. Comme vous le savez, nous avons la très grande responsabilité d’assurer la garde et la sécurité des détenus, ainsi que la sécurité publique. Nous sommes résolus à le faire, et nous suivons la situation de près.
Le président : Merci beaucoup. Permettez-moi d’abord de remercier mes collègues de leurs questions qui, à mon avis, ont permis d’aller chercher une quantité importante de renseignements très utiles. Cela ne se produit que lorsque les témoins fournissent des réponses, ce que les témoins d’aujourd’hui ont fait. Nous leur en sommes reconnaissants. Je suis également heureux de constater que nous avons eu un bel équilibre entre les deux sections. Je vous remercie beaucoup.
Distingués collègues, nous allons maintenant passer à notre deuxième groupe d’experts. Pour la section 19, nous accueillons Emilie Coyle, directrice générale de l’Association canadienne des Sociétés Elizabeth Fry, et Catherine Latimer, directrice générale de la Société John Howard du Canada. Pour la section 20, nous accueillons Kim Campbell, présidente de l’Association canadienne des importateurs et exportateurs, et Candace Sider, vice-présidente, Affaires gouvernementales et réglementaires de Livingston International. Merci à vous toutes de vous joindre à nous.
Je vous invite à présenter vos déclarations liminaires, qui seront suivies des questions de nos membres. Je vous rappelle que pour vos exposés, vous disposez chacune de quatre minutes. Nous allons commencer par la section 19, avec Mme Emilie Coyle. Madame Coyle, soyez la bienvenue. Veuillez commencer quand vous serez prête.
Emilie Coyle, directrice générale, Association canadienne des Sociétés Elizabeth Fry : Merci de votre invitation, sénateurs. Je suis enchantée d’être ici aujourd’hui. L’Association canadienne des Sociétés Elizabeth Fry vous est reconnaissante de lui permettre ainsi de comparaître devant vous.
Nous connaissons tous le projet de loi C-83 et le régime d’isolement préventif qui était alors en vigueur au Canada, régime qui a été remplacé par des unités d’intervention structurée en 2019. Le gouvernement nous a répété qu’il n’y avait plus d’isolement cellulaire au Canada. Pourtant, nous savons que c’est faux, car notre organisation se rend dans les prisons pour femmes partout au pays et en surveille les conditions d’isolement. Nous pouvons donc vous affirmer qu’il y a des formes soutenues d’isolement cellulaire, ce qui comprend les cellules d’observation, le confinement aux cellules et les unités de garde en milieu fermé.
Aujourd’hui, je vais vous entretenir de la fameuse pratique de la « cellule nue ». Il s’agit d’une forme d’isolement cellulaire où une personne soupçonnée de dissimuler un objet interdit est surveillée 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, dans une cellule éclairée en permanence et sans eau courante durant une période indéterminée.
Je souhaite mettre en lumière cette pratique en vous racontant l’expérience de Mme Lisa Adams, qui m’en a donné l’autorisation. Je vous préviens toutefois que son histoire comporte des détails difficiles à entendre.
Mme Adams a été détenue dans une cellule nue pendant 16 jours au cours de son incarcération à l’Établissement Nova pour femmes parce qu’elle était soupçonnée d’avoir dissimulé un objet interdit dans son vagin, ce qui a finalement été réfuté. Mme Adams avait nié à maintes reprises que c’était le cas.
Mme Adams a fait des tentatives de suicide, ce que Service correctionnel Canada savait puisqu’il était noté à son dossier qu’elle avait tenté de s’enlever la vie à au moins cinq reprises avant d’être mise en cellule nue. Comme nous l’indiquent diverses études, mettre des personnes ayant de graves troubles mentaux dans un tel environnement vient exacerber ces troubles.
Imaginez être sous surveillance constante grâce à un mur de verre, les mains au-dessus de la tête chaque fois que vous allez à la toilette. Mme Adams a porté son cas devant la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse. En novembre 2021, le juge John Keith a tranché que l’alinéa 51b) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition contrevient à l’article 15 de la Charte et qu’il n’est ni raisonnable ni justifié au titre de l’article 1. Voici un point important de la décision :
Les notes prises par le personnel pénitentiaire indiquent que Mme Adams vivait également une « grande souffrance morale » en raison de l’absence d’espace privé pour uriner ou tenter de faire ses besoins. Plus tard dans la journée, la santé mentale de Mme Adams s’est dégradée encore plus. Les notes du personnel indiquent que Mme Adams « avait du mal à articuler des réponses claires et qu’elle semblait dépassée par l’interaction; son regard était perdu au loin, son corps oscillait, elle s’empoignait les cheveux et ne répondait pas quand on lui demandait si elle voulait voir quelqu’un pour des raisons de santé mentale ».
Dans le cadre du présent projet de loi d’exécution du budget, vous constaterez qu’un amendement est proposé. Il interdit à Service correctionnel Canada, ou SCC, de recourir à la cellule nue quand on soupçonne qu’une personne a dissimulé un objet interdit dans son vagin, utilisant explicitement le mot « rectum » dans le libellé, une mesure qui, dit-on, permettra maintenant à SCC d’être conforme à la Charte.
Vous pouvez comprendre notre scepticisme, puisque les données sur le recours à la cellule nue sont remplies de mystère. Nous ne les avons pas et elles n’existent peut-être même pas. Peut-être ne veut-on tout simplement pas nous les transmettre. De plus, les conditions des cellules nues sont atroces. Cet amendement vise à minimiser les préjudices subis par les personnes en cellule nue et non à arrêter cette pratique.
S’il est toujours possible de recourir à la cellule nue dans certains cas, nous sommes persuadés que SCC trouvera des façons de l’utiliser dans presque toutes les circonstances. Nous avons toutefois l’occasion d’en discuter aujourd’hui et d’améliorer graduellement les conditions des personnes qui sont incarcérées en modifiant le libellé proposé. Bien que nous recommandions de mettre un terme à la détention en cellule nue pour tous, nous vous proposons pour l’heure des amendements qui, nous l’espérons, seront adoptés par le comité afin de modifier un peu plus la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.
D’abord, nous proposons d’interdire le recours à la cellule nue si des méthodes moins intrusives sont possibles. Ensuite, nous demandons que, préalablement à la détention en cellule nue et avec le consentement libre et éclairé du détenu, SCC procède à une fouille par balayage corporel afin d’établir la présence d’un objet interdit. Nous recommandons également des visites et évaluations médicales quotidiennes effectuées par quelqu’un qui ne relève pas de SCC, n’est pas sous contrat avec SCC et s’avère donc indépendant. Nous aimerions également vous demander d’interdire l’interruption des traitements ou de la médication sur ordonnance durant la détention en cellule nue; d’imposer une durée stricte; et, enfin, de permettre le suivi et l’évaluation de la santé mentale qui sont actuellement fournis aux personnes dans les unités d’intervention structurée, tel qu’établi aux articles 37.1 à 37.11 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Je crois que mon temps est écoulé.
Le président : Merci énormément de nous avoir transmis ces renseignements, madame Coyle. Il est important que nous les obtenions.
Passons maintenant à Mme Catherine Latimer.
Catherine Latimer, directrice générale, Société John Howard du Canada : Merci beaucoup. C’est un plaisir de comparaître devant les sénateurs pour leur communiquer le point de vue de la Société John Howard sur les amendements proposés en matière de détention en cellule nue qui figurent dans le projet de loi d’exécution du budget.
Comme vous le savez, la Société John Howard est une œuvre de bienfaisance qui s’engage à agir de façon efficace, juste et bienveillante face aux causes et aux conséquences de la criminalité. Nous estimons qu’il n’y a rien de bienveillant dans la détention en cellule nue. Beaucoup d’hommes à qui j’ai parlé ont affirmé que cette expérience est dégradante, insalubre et qu’elle anéantit l’âme. Elle est généralement vue comme la forme la plus sordide d’isolement cellulaire. Bien que nous soyons d’accord pour dire que la contrebande n’a pas sa place en prison, recourir à la détention en cellule nue pour empêcher la circulation de drogues et autres substances illicites en prison est cruel pour tout détenu qui la subit. Les détenus sont confinés pendant des jours dans une cellule qui peut être contaminée par les excréments, l’urine, le vomi et le sang de leurs prédécesseurs.
Les détenus sont assujettis à des fouilles à nu. En cellule nue, le détenu n’a pas le droit de sortir prendre l’air, de prendre une douche, d’accéder à ses biens ou de communiquer avec un avocat ou des membres de sa famille. Les évaluations médicales exigées par la loi ne permettent pas de cerner l’incidence de cette forme d’isolement cellulaire sur la santé mentale et physique ni de protéger les détenus contre celle-ci. En fait, les traitements et la médication sur ordonnance sont souvent interrompus durant la détention en cellule nue, ce qui ne fait qu’aggraver les affectations sous-jacentes.
Les détenus en cellule nue sont constamment observés par le personnel de SCC et obtiennent des vêtements inadéquats qui les obligent souvent à se dévêtir pour aller à la toilette. Ils doivent uriner ou déféquer sous surveillance. La quantité de papier de toilette est souvent inadéquate. Il est impossible de se laver les mains après avoir utilisé la toilette ni avant de manger. L’impact culturel est colossal chez les musulmans, qui doivent être propres et bien habillés pour prier. Les détenus ont un régime de sandwichs au fromage, ce qui n’est guère propice à une élimination rapide.
Ma collègue Emilie Coyle vous a déjà fait part de l’histoire de la courageuse Lisa Adams qui a fait connaître ses préoccupations par rapport à son isolement. Toutefois, le tout aussi courageux Michael Farrell poursuit SCC dans la foulée de son horrible expérience en cellule nue à l’Établissement de Joyceville, expérience qui s’est traduite par un trouble physique dû au refus de lui donner ses médicaments, ainsi que par des tentatives de suicide et un traumatisme.
J’invite le comité sénatorial à lire la déclaration de M. Farrell et à regarder la vidéo de son isolement pour mieux comprendre la cruauté inhérente à cette pratique. Les détenus me disent que la cellule nue peut servir de punition quand ils ne dissimulent pas d’objet interdit ou qu’ils l’ont déjà expulsé, mais sont forcés de rester en cellule nue.
La Société John Howard est déçue que le gouvernement choisisse de traiter de cette importante question liée aux droits de la personne dans le cadre d’un projet de loi d’exécution du budget où les impératifs financiers peuvent nuire à l’adoption d’amendements qui empêcheraient des abus graves et des violations de la Charte.
Néanmoins, nous invitons le comité à tenir compte des amendements suivants : interdire le recours à la cellule nue si des méthodes moins intrusives de prévention de la contrebande sont possibles. Si le détenu y consent, exiger que SCC effectue une fouille par balayage corporel afin d’évaluer la présence d’un objet interdit avant la détention en cellule nue. Exiger que des visites et évaluations médicales quotidiennes soient effectuées par un professionnel de la santé indépendant qui n’est pas sous contrat avec SCC et qui est n’est donc pas lié aux préoccupations de celui-ci en matière de sécurité et de fiscalité. Interdire l’interruption des traitements ou de la médication sur ordonnance durant la détention en cellule nue. Imposer une durée stricte d’au plus 72 heures en cellule nue, voire moins si l’objet interdit est expulsé, si un balayage corporel ou une radiographie ne confirme pas la présence d’un tel objet ou si un professionnel de la santé indique que la détention continue en cellule nue serait néfaste pour la santé physique ou mentale de la personne.
J’ai été frappée par la remarque de la sénatrice Jaffer voulant que la primauté du droit ne soit pas nécessairement perceptible dans les institutions où s’appliquent les politiques et programmes. Toutefois, s’il y a des prescriptions, il est beaucoup plus facile d’exiger que les responsables rendent des comptes et qu’ils se conforment à ces prescriptions.
Nous vous exhortons à envisager la voie législative pour éviter des violations à la Charte et davantage d’abus envers des personnes qui sont assujetties à cette forme particulièrement dégradante d’isolement. Merci.
Le président : Merci, madame Latimer. Nous passons maintenant aux déclarations sur la section 20. Nous commençons par Mme Campbell.
Kim Campbell, présidente, Association canadienne des importateurs et exportateurs : Monsieur le président et membres du comité, merci d’avoir inscrit l’Association canadienne des importateurs et exportateurs à l’ordre du jour pour ainsi lui permettre de se prononcer sur ce sujet important.
L’association est un organisme national du commerce qui s’exprime au nom de milieu commercial canadien depuis près de 90 ans. Ses membres comprennent des importateurs, des exportateurs et des fabricants canadiens qui importent ou exportent des produits, des grossistes, des importateurs-détaillants et des fournisseurs de services à la chaîne d’approvisionnement. Elle représente certains des principaux importateurs et exportateurs canadiens, de même que des PME.
Ses membres importent et exportent la plupart des produits et gammes de produits commercialisés. L’association se veut une intermédiaire de confiance entre le milieu des affaires et le gouvernement, et tente de contribuer aux politiques et à leur application concrète en ce qui a trait au mouvement des marchandises à la frontière nationale.
Le secteur privé a besoin de transparence, de prévisibilité et de commodité dans toutes ses interactions avec le gouvernement, ce qui est particulièrement vrai à la frontière. Les dernières années ont été fort difficiles pour nos membres, puisque deux de ces piliers, soit la transparence et la prévisibilité, ont été ébranlés par des guerres commerciales qui sont caractéristiques de notre époque.
Nous craignons que le nombre de changements proposés à la Loi sur les douanes dans le projet de loi C-19 ait une incidence directe sur ces abus. Nous saluons l’excellent travail de l’Agence des services frontaliers du Canada, non seulement durant la pandémie, mais aussi face aux diverses perturbations majeures de la dernière année, notamment les inondations en Colombie-Britannique, les manifestations aux postes frontaliers et la grève dans le transport ferroviaire, pour ne citer que celles-là. Nous avons montré que, quand elles unissent leurs efforts, l’industrie et l’Agence des services frontaliers du Canada, c’est-à-dire l’ASFC, peuvent travailler efficacement ensemble afin d’obtenir les meilleurs résultats possible, tout en assurant la santé et la sécurité de nos concitoyens. Ces événements ont aussi montré toute l’importance des activités frontalières pour notre économie et pour notre subsistance.
Dans l’ensemble, les changements proposés dans le projet de loi C-19 semblent logiques, mais certains pourraient avoir des conséquences malheureuses qui préoccupent vivement nos membres. Nous sommes face à de nombreux changements clés qu’il faut parfaitement saisir. Les postulats et intentions de l’ASFC doivent être remis en question, et nous devons veiller à ce que les changements proposés à la Loi sur les douanes ne lui permettent pas d’imposer un système et des processus invraisemblables qui vont perturber nos activités à la frontière.
J’aimerais porter à votre attention quelques aspects préoccupants propres à la section 20. L’industrie doit avoir des choix. Nous sommes les spécialistes du mouvement transfrontière des marchandises et devons être des partenaires reconnus dans ces démarches. L’ASFC est très franche avec le milieu commercial depuis cinq ans déjà quant à son intention d’imposer ce système et à notre obligation de s’y adapter.
Le projet de loi C-19 fait référence à un système précis, soit la gestion des cotisations et des recettes de l’ASFC, ou la GCRA, qui devait moderniser et remplacer le système de déclaration et de versement des droits et taxes. Les modifications législatives devant nous constituent la prochaine étape du projet et sont nécessaires au déploiement du système conformément aux exigences de l’ASFC.
L’industrie estime qu’il y a plusieurs décisions clés qui feront complètement dérailler sa chaîne d’approvisionnement, lui imposeront des coûts supplémentaires et auront des répercussions sur sa compétitivité. Nos appréhensions sont telles qu’une coalition vient d’être créée au sein de l’industrie pour faire entendre nos préoccupations communes.
Les modifications proposées au paragraphe 8.6(1) de la Loi sur les douanes dans le projet de loi C-19 donnent à l’ASFC des pouvoirs étendus lui permettant d’appliquer les dispositions à sa guise. Elle aura aussi la capacité d’imposer un fardeau financier aux entreprises. Ces amendements permettent à l’ASFC d’obliger les importateurs à directement garantir des importations pour lesquelles aucune somme n’a encore été versée à la frontière. Aujourd’hui, des fournisseurs de services, plus précisément des courtiers en douanes, s’en chargent, ce qui ne sera éventuellement plus possible. En outre, les importateurs devront consigner une garantie financière applicable à la TPS. Ce n’est pas exigé en ce moment, et il n’y a actuellement aucune exigence quant à la consignation d’une garantie applicable à la TPS à l’échelle nationale.
Le gouvernement du Canada n’a jamais entrepris de projet d’infonuagique de cette ampleur. Il y a de nombreux risques inhérents qu’il faut pleinement saisir, puisque le système hébergera des données commerciales canadiennes portant la cote Protégé B. De plus, ce système permettra à l’ASFC d’évaluer les droits et les taxes. À l’heure actuelle, nous effectuons nous-mêmes cette évaluation. C’est donc un autre changement fondamental.
L’ampleur des préoccupations de l’industrie est raisonnable. Ce projet phare est trop risqué pour y inclure les données commerciales les plus sensibles des entreprises canadiennes. Notre sécurité nationale est-elle en péril quand nous transférons toutes nos données sur l’importation cotées Protégé B dans un nuage géré par des tiers? Le système ne fournit pas assez de niveaux de contrôle d’accès aux importateurs, ce qui ne fait qu’amplifier les risques associés à son utilisation forcée.
Dans ces amendements, l’ASFC tente d’obtenir le pouvoir nécessaire pour imposer aux importateurs le système qu’ils devront utiliser pour que leur marchandise passe la frontière. Le seul autre choix qui s’offre à eux n’est ni plausible ni désirable.
Pendant de nombreuses années, nous avons demandé à l’ASFC d’échanger avec nous et de discuter des modifications aux textes législatifs qui figurent dans le projet de loi C-19. L’ASFC ne partage pas ces renseignements et ne mène aucune consultation sur ce qui est proposé pour soutenir ce changement de système.
Nous sommes extrêmement reconnaissants au comité de procéder à l’examen en cours. J’ai hâte de répondre à vos questions. Merci.
Le président : Je vous remercie, madame Campbell. Nous avons enfin Mme Candace Sider, de Livingston International. Madame Sider, allez-y dès que vous serez prête.
Candace Sider, vice-présidente, Affaires gouvernementales et réglementaires, Livingston International : Bonjour. J’aimerais commencer par remercier le président et tous les membres du comité de nous donner l’occasion d’être ici aujourd’hui.
En tant que plus grand courtier en douane du Canada, nous représentons environ 25 % de toutes les marchandises importées au Canada, par l’intermédiaire de milliers d’importateurs qui couvrent un large éventail de secteurs industriels. Nous avons toujours considéré nos relations avec les gouvernements des deux côtés de nos frontières comme un partenariat actif et engagé. Nous attachons beaucoup d’importance à l’esprit de collaboration et à l’engagement des intervenants.
Vous avez tous entendu parler, j’en suis certaine, de la loi des conséquences imprévues. Ces conséquences peuvent ne pas être prévisibles ou même immédiatement observables, et elles peuvent être bénéfiques, nuisibles ou neutres.
Les changements proposés visant à lier la responsabilité des droits et des taxes au courtier en douane — la partie autorisée à faire une déclaration en détail ou provisoire de marchandises pendant toute la durée de la transaction — auront des répercussions négatives sur le flux du commerce électronique pour les clients occasionnels. Si le courtier choisit de ne pas utiliser son numéro d’entreprise, il n’existe actuellement aucun mécanisme permettant aux clients occasionnels d’obtenir le leur.
Ces questions seront particulièrement problématiques, étant donné que notre modèle d’entreprise a dû évoluer rapidement au cours des deux dernières années. Le volet du commerce électronique de nos activités a connu une croissance exponentielle en raison de la pandémie de COVID et du fait que les clients utilisent Internet pour commander des marchandises. Ils ne sont pas revenus de leurs habitudes d’achat d’avant la COVID.
Ces changements comportent un élément de risque accru pour nous, car nous nous associons à des plateformes de commerce électronique et à des détaillants en ligne afin de faciliter les échanges pour les clients occasionnels. Dans la pratique, les changements proposés se traduiront également par des coûts commerciaux nettement plus élevés et, dans de nombreux cas, par un ralentissement ou un blocage du commerce.
Nous pouvons nous interroger sur les événements récents et les décisions des tribunaux qui ont pu conduire à de tels changements.
En regardant vers l’avenir, et en adoptant une attitude aussi constructive que possible, j’aimerais ajouter enfin que la question centrale de la responsabilité des importateurs officiels représente un changement important qui pourrait nuire au commerce. Les clients occasionnels seront plus difficiles à retracer si l’on estime qu’il y a un problème de non-conformité et qu’une mesure d’exécution s’impose. La responsabilité ne sera pas partagée, mais plutôt attribuée à 100 % au courtier en douane. Il n’y a pas de définition du terme « importateur officiel » dans la Loi sur les douanes. Toutefois, cette modification indique que la partie autorisée à faire une déclaration pour la transaction sera, en fait, considérée comme l’importateur officiel, même si elle n’est pas propriétaire des marchandises et n’est pas partie à la transaction; elle a plutôt agi à titre de mandataire pour faciliter le commerce.
Le résultat final de ces changements accroît donc le risque pour l’industrie à un moment où la minimisation du risque est essentielle pour relever les défis du commerce transfrontalier et de la chaîne d’approvisionnement.
Nos homologues américains ont une politique très différente en ce qui concerne l’importateur officiel dans le volet occasionnel, car aucune responsabilité n’est imposée au courtier.
En tant qu’entreprise qui travaille en étroite collaboration avec le gouvernement et qui a toujours joué un rôle actif dans le processus d’élaboration des politiques publiques, nous respectons et comprenons le besoin d’assurer la confidentialité des documents confidentiels du Cabinet et le fait que les décisions nécessitent un processus de délibération qui ne peut être divulgué avant le dépôt. Nous sommes heureux d’avoir la possibilité d’entamer un dialogue constructif avec l’ASFC, l’Agence des services frontaliers du Canada, pour promouvoir le commerce et adopter des pratiques respectueuses de la loi. Cependant, nous nous sommes rendu compte, par des agissements plutôt que des actions, qu’il semble y avoir un changement de position de la part de l’ASFC concernant l’engagement des intervenants. Nos récentes conversations de travail sont maintenant caractérisées par moins de collaboration et, en fait, moins de transparence.
Dans les circonstances actuelles, pourquoi faire courir des risques indus à cette industrie alors que nous devrions travailler ensemble pour faciliter l’amélioration du commerce légitime?
Je serai heureuse de répondre à vos questions sur nos préoccupations liées à la perception de responsabilités partagées et de vous expliquer plus en détail notre point de vue sur les répercussions de ce projet de loi sur Livingston et notre industrie. Je vous remercie encore une fois du temps que vous m’avez accordé cet après-midi.
Le président : Je vous remercie, madame Sider, et je remercie tous les témoins de leurs exposés très utiles. Nous allons maintenant passer aux questions. Nous avons peu de temps et une longue liste de sénateurs qui veulent en savoir plus. Je vais donc limiter le temps pour les questions et les réponses à trois minutes pour le moment. Chers collègues, je vous demande encore une fois de mentionner à qui s’adressent vos questions et d’être brefs pour permettre le plus grand nombre d’interventions possible. Moins de temps pour la question veut dire plus de temps pour la réponse.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Ma question s’adresse à Mme Latimer. On sait que lutter contre la contrebande d’objets interdits par d’autres moyens que les cellules nues n’est pas facile. Auriez-vous des suggestions positives qui pourraient être acceptées par les détenus et qui mèneraient au même résultat, soit la découverte d’objets interdits? On ne peut quand même pas fermer les yeux sur ces situations qui peuvent être dangereuses pour les autres détenus et aussi pour le personnel carcéral.
[Traduction]
Mme Latimer : Je vous remercie, sénateur Dagenais.
Il serait bon que les prisonniers puissent opter pour un balayage, ou scan, corporel. Il s’agit du même type d’appareil qu’on trouve dans les aéroports et dans lequel nous passons avant de prendre l’avion. On peut voir presque instantanément si une personne cache quelque chose sur elle ou dans une de ses cavités. Il devrait s’agir d’une condition préalable à leur placement. Le balayage devrait révéler la présence de quelque chose avant qu’il puisse être placé dans une cellule nue. Puis, une fois qu’on sait que le détenu cache quelque chose, on devrait lui offrir des options pour l’expulser.
Je pense que cela ferait une grande différence.
Le président : Madame Coyle, aimeriez-vous ajouter quelque chose? Vous pouvez ajouter quelque chose rapidement, si vous le souhaitez.
Mme Coyle : Oui, je vous remercie beaucoup. Je veux simplement dire que je suis tout à fait d’accord avec ce qu’a dit Catherine Latimer. Nous pouvons vous faire parvenir le libellé que nous avons préparé si vous souhaitez prendre connaissance de nos recommandations d’amendement.
Comme les cellules nues sont une forme de punition scandaleuse, les détenus à qui j’ai parlé préféreraient avoir l’option de consentir à un balayage corporel ou à une radiographie si c’était une possibilité.
Le sénateur Richards : Encore une fois, le sénateur Dagenais a été plus rapide que moi, mais je vais dire rapidement que j’approuve l’idée que les cellules nues sont scandaleuses. Comme l’affirmait Sophocle, la justice n’est pas toujours juste.
Comme le sénateur Dagenais l’a mentionné, le problème demeure et nous ne pouvons pas fermer les yeux. Madame Latimer, croyez-vous que les méthodes dont vous avez parlé donneraient les résultats espérés par les gardiens et les autorités carcérales, ou y aurait-il d’autres méthodes disponibles?
Mme Latimer : Je pense que ce serait un très bon début. Je pense aussi qu’il faudrait prévoir dans la loi une période de temps limite qu’un détenu peut passer dans une cellule nue, et on devrait leur offrir des options pour sortir avant les 72 heures aux conditions que j’ai mentionnées. Je pense que cela ferait toute une différence.
Si on pouvait rendre les cellules nues plus hygiéniques, ce serait un gros avantage également.
Le sénateur Richards : Je vous remercie. J’ai terminé et je vais céder le reste de mon temps.
Le sénateur Boehm : Ma question s’adresse à Mme Campbell. Mme Sider pourrait aussi souhaiter intervenir. Vous avez sans doute entendu les échanges que j’ai eus avec M. Band dans le groupe de témoins précédent.
En vous écoutant toutes les deux, j’ai l’impression que le processus de consultation avec l’ASFC sur les mesures aux douanes et sur leur simplification laisse à désirer. Si je me fie à mon expérience au sein du gouvernement, on a toujours tendance à réinventer la roue, que cela passe par un changement de gouvernement ou dans la haute direction. C’est la raison pour laquelle je m’informe des leçons apprises ailleurs.
Madame Campbell, vous avez parlé des postulats et des intentions qui ne conviennent pas nécessairement à la communauté des intervenants, et vous avez parlé de l’utilisation du iCloud et de tierces parties.
D’après vous, qu’est-ce qui pourrait être fait concrètement pour améliorer les consultations?
Mme Campbell : Je vous remercie beaucoup de cette excellente question.
Je pense qu’il y a plusieurs choses. On a sans doute dit aujourd’hui qu’on abordait la question en partant du principe que les problèmes à la frontière étaient dus aux documents papier. Je dois vous dire honnêtement que nous sommes très informatisés depuis longtemps. Nous espérions que la prochaine étape de la transformation consisterait simplement à finir d’éliminer le papier, car il en reste encore. Il ne fait aucun doute que cela doit être informatisé.
Nous avons fini par trouver quelques raisons, notamment le fait que, à l’époque, il y avait beaucoup de mouvement de personnel à la direction de l’ASFC, de même qu’un exode de professionnels qui géraient la mise en place des systèmes depuis de nombreuses décennies.
À ce moment-là, la décision — bonne ou mauvaise — a été prise de sous-traiter cette initiative. Concrètement, donc, nous avons des gens du secteur privé, plus précisément Deloitte et Accenture, et la décision a été prise de stocker toute l’information dans le nuage d’Amazon, le AWS. Tout de suite en partant, nous avons donc de tout nouveaux systèmes que le gouvernement n’a jamais utilisés à une si grande échelle, et un secteur privé qui essaie aussi de s’y retrouver.
Comme ces gens sont arrivés à la table sans comprendre vraiment la frontière, il y a eu, à mon point de vue, un manquement pour favoriser notre compréhension commune. Il y a eu aussi une série de mandats à propos de ce qu’ils pensaient être la meilleure façon de régler le problème. Je crois donc que c’était la tempête parfaite qui nous a menés là où nous sommes aujourd’hui.
De plus, la décision a été prise il y a cinq ans et le monde a changé depuis. À ce moment, nous étions partants pour commencer la transition vers le nuage. Toutefois, nous avons beaucoup appris au cours des trois dernières années, et nous savons maintenant que des acteurs mal intentionnés dans des États voyous ciblent ce genre d’information.
Le sénateur Boehm : Seriez-vous d’accord pour dire qu’il ne s’agit pas seulement de la frontière? Le gouvernement a mentionné vouloir s’engager dans la différenciation commerciale beaucoup plus sérieusement. On parle ici de plusieurs frontières, et je présume que nous examinons divers moyens et éléments dans divers pays dont nous pourrions nous inspirer.
Mme Campbell : Oui, je suis d’accord. Je dois être honnête avec vous et vous dire que j’ai travaillé directement avec la U.S. Customs and Border Protection, et j’ai siégé en tant que ressortissante étrangère à certains de leurs comités. Ils ont une approche très différente. Ils voient vraiment les entreprises commerciales comme des partenaires et travaillent avec elles pour créer des solutions, et nous avons beaucoup à apprendre de cette façon de procéder. Nous n’avons pas la même approche au pays à l’heure actuelle.
De plus, ils s’attendent à ce que les entreprises participent et tirent parti des systèmes commerciaux. Le gouvernement a décidé dernièrement — au cours des cinq dernières années — que nous ne sommes pas en mesure de le faire; il se charge donc du calcul des droits et des taxes. Nous sommes en fait le seul pays dans le monde à avoir adopté ce point de vue. Donc, encore une fois, il y a beaucoup à apprendre ici et beaucoup de changements qui vont avoir une incidence sur nous à court et à long terme si nous continuons d’emprunter cette voie.
Le sénateur Boehm : Je vous remercie.
La sénatrice Jaffer : Je remercie tous les témoins d’être avec nous. Ma question s’adresse à Mme Coyle et à Mme Latimer. Avant de dire quoi que ce soit, je veux vous dire que je respecte beaucoup ce que vous faites. Madame Latimer, je ne sais pas qui de nous deux prendra sa retraite en premier. À force de nous rencontrer si souvent dans divers rôles, nous sommes presque devenues des amies.
Je l’ai mentionné plus tôt et je le répète, j’avais fondé beaucoup d’espoir sur le projet de loi C-83. Ce que j’ai remarqué — je veux avoir votre opinion à toutes les deux dans le peu de temps que nous avons —, ce que je leur ai entendu dire c’est que les règles sont là et qu’il faut les suivre. Toutefois, ce n’est pas ce dont il est question.
Quand je veux parler à des prisonniers noirs, je remarque toujours qu’ils sont amenés menottés et traités d’une façon différente, et j’ai souvent demandé pourquoi il en était ainsi et on m’a répondu que je ne comprenais pas, qu’ils étaient dangereux. Je rencontre les deux, des prisonniers blancs et des prisonniers noirs, et ils sont traités différemment. Est-ce seulement ma façon de voir les choses? Pourriez-vous toutes les deux me dire ce que vous en pensez? Je vous remercie. Je vais commencer par Mme Latimer.
Mme Latimer : Bien sûr. Je crois que les données sont assez claires. Quand on regarde les taux de récidive chez les prisonniers noirs, ces taux sont très bas, mais ils sont placés dans des établissements à haut niveau de sécurité, et il leur faut beaucoup de temps pour obtenir leur libération conditionnelle et leur mise en liberté. Je pense qu’il y a beaucoup de malentendus culturels. Un prisonnier noir m’a déjà dit qu’on tentait de le réadapter pour qu’il cadre dans un environnement urbain ou suburbain de Blancs de la classe moyenne et que ce n’était pas le milieu d’où il venait et où il allait retourner. Il disait qu’on ne comprenait pas sa culture et ce qui constitue un comportement à risque dans cette culture.
Je pense qu’il reste encore beaucoup à faire du côté culturel. Il n’y a sans doute pas de données pour le confirmer, mais je pense qu’on est beaucoup plus sensible aux enjeux culturels concernant les peuples autochtones. Quand on regarde les autres sous-populations, je pense qu’on ne comprend pas dans les établissements correctionnels ce qui constitue un risque et ce qui n’en constitue pas un.
La sénatrice Jaffer : Quelle est la situation après le projet de loi C-83?
Mme Latimer : C’est terrible. On nous avait dit que ce serait la fin de l’isolement cellulaire. En fait, il y a plus d’isolement cellulaire, tel que défini par les Nations unies, dans le système carcéral canadien actuel qu’avant le projet de loi C-83. La bataille concernant l’isolement préventif a abouti, assurément, à une victoire à la Pyrrhus, et il faut donc continuer à se battre.
Mme Coyle : Reste-t-il du temps pour que je réponde, monsieur le président?
Le président : Oui, mais soyez très brève, s’il vous plaît.
Mme Coyle : D’accord, bien sûr. J’ai hâte aussi de mieux vous connaître, sénatrice Jaffer. Je dois dire que je me suis jointe à l’organisation au début 2020, après l’adoption du projet de loi C-83 — et juste après la mise en place des unités d’intervention structurées. Ces unités sont les anciennes unités d’isolement. Ce sont exactement les mêmes. On peut les avoir repeintes, les avoir rebaptisées, mais rien n’a changé. Les pratiques se poursuivent et ont été particulièrement graves pendant la COVID-19.
J’ai une question au sujet des cellules nues, une forme d’isolement cellulaire scandaleuse. On présume qu’elles accroissent la sécurité dans les prisons, mais a-t-on demandé à Service correctionnel Canada de fournir des données qui prouvent que c’est le cas? S’il ne l’a pas fait, alors pourquoi présume-t-on encore que cela accroît la sécurité? Je dirais que ce n’est pas le cas, et que cela empire même la situation.
Le président : Je crois que vous allez nous en dire plus avant la fin.
La sénatrice M. Deacon : Je remercie nos témoins d’être avec nous cet après-midi. Ma question s’adresse à Mme Coyle et à Mme Latimer. Vous avez toutes les deux proposé que l’on procède à un balayage corporel des prisonniers avant qu’ils soient envoyés dans une cellule nue. Il y a un élément que je ne comprends toujours pas. Je vais lire rapidement une note d’information avant de poser une question.
Le paragraphe 51(3) de la LSCMLC serait aussi modifié afin de conserver l’option pour un directeur d’établissement d’autoriser, avec le consentement écrit du détenu et le consentement d’un médecin compétent, la prise de radiographies [...]
J’espère que vous pourrez m’éclairer à ce sujet. Est-ce qu’un balayage corporel du type qui se fait à l’aéroport présente un avantage par rapport à une radiographie? Les prisonniers seraient-ils plus enclins à consentir à un balayage corporel qu’à une radiographie?
Mme Latimer : Les scanneurs corporels coûtent moins cher. Ils ne nécessitent pas l’intervention d’un technicien spécialisé et ne requièrent pas le transport des détenus vers un hôpital local. Le fait de disposer de scanneurs corporels dans les prisons permet de réaliser des gains d’efficience importants. Je crois savoir qu’un grand nombre de prisons provinciales en sont dotées. Rien ne nous empêche d’en installer dans les prisons fédérales. Nous pourrions ainsi épargner bien des désagréments à un grand nombre de détenus.
Mme Coyle : C’est tout à fait exact. Sénatrice Deacon, au cas où cela vous serait utile, et si vous le souhaitez, nous pourrions vous communiquer un texte que nous avons ajouté et que nous pourrions proposer comme amendement, qui inclut les mots « scanneur corporel » et « radiographie ».
La sénatrice M. Deacon : Je vous remercie.
Vous n’êtes manifestement pas favorables aux cellules nues. Pourriez-vous nous parler d’autres administrations internationales qui présentent, selon vous, un équilibre un peu plus satisfaisant?
Mme Coyle : Des études ont été réalisées sur l’utilisation des scanneurs corporels au Royaume-Uni, par exemple, et dans d’autres pays. Je ne sais pas si je qualifierais ces pratiques d’exemplaires, mais notre pays a ici une occasion de faire figure de pionnier. Nous nous targuons d’être un pays qui offre des services correctionnels humains, ce que, bien sûr, Mme Latimer et moi-même contestons. Nous pourrions ainsi nous montrer à la hauteur de cette réputation que nous espérons maintenir.
Le président : Merci beaucoup.
Le sénateur Dalphond : Ma question s’adresse à Mme Latimer et à Mme Coyle. Selon vous, le nouvel article 51(3) — Radiographies — constitue-t-il une amélioration? Étant donné qu’il fait partie du projet de loi d’exécution du budget, il est difficile de le modifier, mais je crois comprendre qu’il ne va pas assez loin.
J’ai été consterné de lire dans l’arrêt rendu par la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse que le 12 mai, soit 10 jours avant sa libération définitive, Mme Adams a demandé une radiographie et que le médecin la lui a refusée, car il estimait qu’elle ne donnait pas un consentement éclairé.
Je comprends que l’article 51(3) n’est pas suffisant. Vous souhaitez que le détenu ait le droit absolu de demander un scanneur corporel ou une radiographie et qu’à partir de là, on soit tenu de les fournir. Estimez-vous encore que l’article 51(3) constitue une amélioration?
Mme Coyle : Le problème, dans le cas de Mme Adams, est qu’elle se trouvait, comme vous l’avez lu dans la décision, dans une situation réellement sans issue, dans laquelle elle avait consenti à la radiographie, mais, parce qu’elle était toujours prise entre la radiographie et le fait de demeurer dans la cellule nue, le médecin de l’hôpital local a estimé qu’il serait contraire à l’éthique de lui fournir cette radiographie. Si une radiographie ne peut être effectuée dans la prison, nous espérons modifier le projet de loi pour y inclure les scanneurs corporels, car le système provincial offre déjà cette possibilité, et la loi le permet. Comme l’a mentionné Mme Latimer, il n’est pas nécessaire de faire appel à un technicien particulier pour lire les scanneurs corporels. Nous espérons ainsi empêcher ce genre de situation de se produire à l’avenir.
Le sénateur Smith : Selon Mme Campbell et Mme Sider, il semble que beaucoup de changements aient été apportés à l’administration frontalière depuis 2017. Étant donné que vous avez formulé quelques commentaires sur la pertinence de ces changements, pourriez-vous nous suggérer deux mesures susceptibles d’améliorer les relations avec les entreprises tierces?
Mme Campbell : Je suggère un programme commun. Actuellement, en raison d’un accord mondial de l’Organisation mondiale du commerce, nous sommes tenus de disposer d’un organisme national de coordination, ce qui est le cas depuis 30 ans. Cependant, ce qui a à mon avis réellement changé au cours de la dernière décennie, alors que nous sommes passés du dixième rang mondial... et maintenant au 51e rang, est que nous avons perdu le programme commun. Je siège à cette table depuis 30 ans, et nous avons établi deux plans stratégiques solides, mais cela fait 10 ans que nous n’en avons plus. Je pense que l’une des meilleures choses à dire serait : « Établissons un programme commun, une vision stratégique. » C’est ce que font les États-Unis, mais pas le Canada. Cela fait longtemps que nous ne l’avons pas fait.
Nous sommes également à la traîne pour ce qui est de suivre les tendances. Mme Sider en a déjà parlé. Les entreprises ont désespérément essayé de dialoguer avec l’ASFC pour savoir comment s’adapter à la tendance du commerce électronique. Le travail forcé est un autre thème sur lequel nous essayons désespérément de tenir des discussions. Voilà mes deux recommandations.
Mme Sider : Je suis d’accord avec ce qu’a suggéré Mme Campbell au sujet du positionnement et du programme commun. Il est essentiel pour nous, au sein de l’industrie, de disposer d’une vision et d’une empreinte documentées de l’orientation de l’ASFC, et de savoir comment nous pouvons concentrer et partager ce programme. Nous avons parlé un peu de transparence. Il est essentiel à ce stade de faire preuve d’ouverture et de transparence, et de travailler ensemble.
Le sénateur Smith : Ouah. Merci. Ce que vous dites semble un peu choquant. Existe-t-il un moyen de motiver les dirigeants à s’engager?
Mme Campbell : Dans tous les cas, qu’il s’agisse du secteur privé ou du secteur public, le ton au sommet est important. Si la direction estime que notre relation est fondée sur la collaboration et le respect, et que nous constatons les avantages que chacun peut tirer de la création de résultats optimaux, cela constituerait certainement l’une de mes recommandations. Une autre recommandation importante, et je sais que le service des douanes et de la protection des frontières des États-Unis l’appuierait de tout cœur et nous aiderait à la mettre en œuvre, serait d’observer ce qu’ils font et comment ils communiquent et travaillent avec leur communauté d’affaires, car vous seriez très étonnés de constater la différence. Nous pourrions en tirer de nombreux enseignements et peut-être bénéficier de leur leadership.
Le sénateur Smith : Je remercie nos témoins.
Le sénateur Yussuff : Merci énormément aux deux témoins de la Société John Howard du Canada et de l’Association canadienne des Sociétés Elizabeth Fry pour leurs présentations.
Les scanneurs corporels sont utilisés dans les aéroports pour assurer notre sécurité et pour veiller à ce que les gens n’emportent pas de substances nocives lorsqu’ils passent la sécurité de l’aéroport. J’aimerais que vous soumettiez toutes les deux au comité vos recommandations pour étayer l’argument que vous avez avancé. Je trouve qu’il est assez difficile de comprendre pourquoi cela ne fait pas partie de nos mesures correctives à l’égard des détenus. Merci beaucoup de votre présence.
Mme Latimer : Je suis certaine que nous serions toutes deux disposées à soutenir tous les arguments qui pourraient vous être utiles. Merci.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Ma question s’adresse à Mme Sider. Madame Sider, on sait que l’approvisionnement est difficile pour plusieurs entreprises canadiennes qui dépendent de produits en provenance de l’étranger. Cela semble être devenu un passage obligé et plusieurs se plaignent, notamment, des délais dans les ports canadiens pour obtenir ces marchandises.
Je vois que Livingston est établie dans plusieurs pays. Est-ce que le gouvernement du Canada pourrait investir davantage pour améliorer et accélérer la vérification commerciale des services de la douane? Le cas échéant, pourriez-vous nous donner un exemple de pays?
[Traduction]
Mme Sider : C’est une excellente question. Ces dernières années, en particulier depuis le début de la COVID, la dynamique des échanges commerciaux est très différente de ce qu’elle était auparavant. Les répercussions ont été importantes. Mme Campbell l’a mentionné. Les inondations en Colombie-Britannique et un certain nombre de perturbations qui sont survenues au sein de l’industrie ont eu un effet sur les chaînes d’approvisionnement — les marchandises ne pouvant pas être transportées efficacement depuis l’étranger. Prenons le cas du port de Long Beach. À un moment donné, on y trouvait 153 conteneurs dans l’eau. Aujourd’hui, il n’y en a plus que 53.
Les délais de dédouanement, de déchargement et d’introduction dans la chaîne d’approvisionnement et dans les magasins sont encore très longs. Nous le constatons tous. Nous sommes tous confrontés à des étagères de magasins vides et à un manque d’approvisionnement.
Je veux me concentrer sur le commerce électronique parce que je pense que c’est le secteur de l’industrie dans lequel les volumes ont augmenté de façon exponentielle, et ils vont continuer sur cette voie. L’ASFC met en œuvre une validation de principe. Elle teste actuellement un nouvel outil d’analyse des données qui l’aidera à mieux évaluer les risques et à garantir la santé, la sûreté et la sécurité, c’est-à-dire à comprendre quels produits entrent dans le pays avant leur arrivée, mais ce n’est pas pour tout de suite. Il semble que cet outil ne sera pas disponible avant 2023 ou 2024. Il existe un écart important entre aujourd’hui et cette date en ce qui concerne la gestion des marchandises.
Nous essayons de travailler en collaboration. Cette relation est essentielle du point de vue de l’industrie, mais aussi du point de vue des secteurs privé et public, pour déterminer quelles mesures doivent être prises pour faire avancer nos programmes.
En ce qui concerne les mesures prises par les autres pays, il existe plusieurs modèles. Nous avons analysé environ 20 modèles de pays différents en préparation du projet de Gestion des cotisations et des recettes. Ils sont tous, je dirais, semblables, mais différents. Leur but est de faciliter le commerce et d’évoluer vers un environnement beaucoup plus électronique, afin de déterminer facilement et rapidement ce qui entre dans le pays, d’évaluer plus efficacement les risques et de percevoir les recettes, ce qui constitue toujours une préoccupation pour le secteur.
Du point de vue des courtiers, cela fait des décennies que nous percevons des recettes au nom de l’ASFC. Nous sommes l’intermédiaire qui facilite le commerce, perçoit les recettes au nom des importateurs et les verse chaque mois au receveur général.
Je ne peux pas vraiment parler de l’érosion des recettes. Nous avons été clairs sur ce qui doit être fait pour faciliter le commerce.
Le président : Merci beaucoup. Sur ce, nous arrivons à la fin de notre discussion avec le groupe de témoins. Je tiens à vous remercier sincèrement d’avoir partagé avec nous votre sagesse, votre expertise et votre expérience relativement à ces deux sections. Vos témoignages nous ont été très utiles et nous avons beaucoup appris sur tous les enjeux liés à ces sections. Encore une fois, nous avons trouvé un bon équilibre entre les deux. Je tiens à tous vous remercier.
Chers collègues, dans la perspective de la préparation de la version préliminaire du rapport, veuillez envoyer vos observations à la greffière du comité pour qu’elles soient prises en compte lors de la prochaine séance. Bien entendu, cela s’applique également à nos témoins. Je pense que vous le savez déjà. Merci beaucoup.
Mme Coyle : Merci beaucoup de nous avoir reçus aujourd’hui.
Le président : Merci.
Chers collègues, vous devriez tous avoir reçu une copie du budget proposé pour les déplacements liés à notre étude sur la sécurité et la défense dans l’Arctique, qui couvre notamment les infrastructures militaires. Le budget propose deux missions d’étude.
Avant de vous en donner un aperçu, je vais lire la motion proposée pour que vous en preniez connaissance.
Est-il convenu que les demandes de budget de voyage pour des missions d’études dans le Nord du Canada — soit à Iqaluit et Cambridge Bay au Nunavut; à Yellowknife et Inuvik dans les Territoires du Nord-Ouest; et à Anchorage en Alaska — ainsi qu’à Colorado Springs, Colorado, pour l’exercice se terminant le 31 mars 2023, soient approuvées et présentées au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration?
Chers collègues, vous avez devant vous le budget proposé pour ces déplacements. Comme vous le savez, dans le cadre de notre étude sur la sécurité et la défense dans l’Arctique et compte tenu du processus budgétaire, le calendrier est très important. Notre calendrier est serré et nous devons donc prendre une décision dès aujourd’hui.
Lorsque nous avons lancé cette étude, nous étions déjà convaincus de son importance, puis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en l’a accentuée. Les témoins et, en particulier, ceux qui connaissent bien le Nord du Canada, nous ont fait part de l’urgence de la situation. Nous savons que les déplacements dans le Nord sont très coûteux pour des raisons de logistique, mais nous savons aussi que des budgets de l’ampleur de ceux que nous suggérons ont été approuvés dans le passé.
Vous ne serez pas surpris d’apprendre que la majorité des coûts correspond aux billets d’avion et aux vols nolisés, et que nous avons engagé des coûts supplémentaires pour la part des déplacements en raison de la nécessité de recourir à des services de traduction en inuktitut. Nous avons travaillé dur pour réduire les coûts au minimum.
Pour terminer, je dirai que la partie liée au Nord, qui constitue bien entendu la part du lion, a fait l’objet de nombreux conseils de la part de la sénatrice Anderson, qui a consulté le brigadier-général J.P.P. Godbout, commandant de la Force opérationnelle interarmées du Nord, en vue de cerner les meilleurs lieux possible pour nous. Toutes ces suggestions figurent dans le document. Je ne vais pas vous les exposer. Elles sont toutes dans la note d’information.
Nous avons ensuite ajouté, sur la recommandation du sénateur Boisvenu, Anchorage, Alaska, pour examiner ce qui se passe du côté américain de la base interarmées d’Elmendorf-Richardson.
Comme vous le savez, l’activité B propose une visite du quartier général du NORAD à Colorado Springs.
À titre de comparaison, nous savons que dans le passé, des voyages ont été effectués dans le Nord qui reflétaient également le coût de ces déplacements. En juin 2019, nous disposions d’un budget de 349 000 $ pour un voyage dans les régions du Nord, qui comprenait certaines des activités que nous suggérons. En juin 2018, le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones a effectué un voyage pour effectuer des recherches dans l’Arctique de l’Ouest et en Colombie-Britannique, dont le coût s’est élevé à 433 000 $. Il y en a eu un autre qui portait sur le projet de loi C-69 et dont le coût était encore plus élevé.
C’est un endroit où les déplacements sont difficiles et coûteux. La majorité d’entre nous a pensé qu’il était important, étant donné l’urgence, de procéder à un examen aussi large que possible pour approfondir notre étude autant que possible. Vous avez la motion devant vous. Avez-vous des questions ou souhaitez-vous en discuter?
Le sénateur Boehm : J’ai des observations à formuler au sujet du voyage, puis d’autres observations à formuler au sujet de la stratégie de communication. Je ne sais pas si nous allons discuter des deux sujets.
Tout d’abord, en ce qui concerne le voyage, je pense qu’il est utile que nous l’entreprenions. Je crois que cela montrera que le Sénat suit le rythme des questions géopolitiques très importantes, ce que notre comité est censé faire. J’accueille favorablement la suggestion d’inclure Anchorage que notre collègue, le sénateur Boisvenu, a faite, mais j’aimerais soulever une question qui, bien sûr, entraînerait également des coûts supplémentaires.
Ces dernières années, nous avons assisté à une plus grande décentralisation du Royaume du Danemark vers le Groenland et, en fait, l’avant-dernier secrétaire général de l’OTAN était danois, ce qui explique que le Danemark s’intéresse grandement à la sécurité du Nord, lui aussi.
Je me demande — et la sénatrice Anderson a peut-être aussi une observation à formuler à ce sujet — s’il est sensé d’envisager la possibilité de visiter rapidement Nuuk, la capitale du Groenland, ou si cela est trop coûteux d’un point de vue logistique. Il ne s’agit pas vraiment d’une suggestion, mais plutôt d’une observation qui pourrait devenir une suggestion.
Le président : Malheureusement, la sénatrice Anderson n’est pas parmi nous en ce moment, mais posons-lui la question. Je pense que vos observations sont importantes, sénateur Boehm, et nous vous en remercions.
La sénatrice M. Deacon : Je suis tout à fait d’accord. Ma question était la suivante : compte tenu de certaines des dernières informations que nous avons apprises au cours des derniers mois, l’inclusion du Groenland est-elle possible, si nous nous déplaçons dans la direction opposée de l’Alaska tout en essayant d’inclure certaines de ces destinations? J’appuie entièrement l’idée que le sénateur Boehm propose que nous envisagions aujourd’hui.
En ce qui me concerne, cela s’est résumé à ce que nous cherchons à accomplir, à ce que nous voulons voir. Le côté géopolitique de notre mission comporte aussi un élément d’établissement et d’entretien de relations, et j’ai essayé de prendre cela en considération en même temps.
Le président : Merci. Nous réexaminerons cette question plus tard. En fait, nous conclurons la séance en parlant de cette question.
Le sénateur Yussuff : Premièrement, je remercie mes collègues du travail important qu’ils ont accompli jusqu’à maintenant en élaborant ce budget. Bien sûr, il n’y a pas de moyen plus économique de se rendre là-bas. L’auto-stop n’est pas une option. La seule façon de se rendre dans le Nord est, bien sûr, d’en assumer le coût.
Je pense que ce voyage est essentiel, compte tenu du travail que nous avons accompli jusqu’à maintenant. La guerre en Ukraine a énormément changé les choses. Le Canada, qu’il le veuille ou non, cherchera évidemment à renouveler son partenariat avec le NORAD et à renforcer son perfectionnement afin de mieux assurer sa sécurité et celle de l’Amérique du Nord, qui sont au cœur de ses préoccupations en ce moment.
Deuxièmement, si l’on considère notre propre question de souveraineté à la lumière de la situation en Ukraine, ce que le gouvernement pourrait produire dans son livre blanc et son examen de la politique de défense attirera, bien sûr, beaucoup d’attention. Je crois que nous pouvons, évidemment, contribuer de manière très significative aux réflexions du gouvernement, mais nous devrons conclure notre étude pour pouvoir influencer leur orientation.
La seule chose que je voudrais dire — et c’est strictement mon opinion —, c’est que même si j’aimerais participer au voyage en entier, je ne suis pas obligé de le faire en entier. Je propose simplement cela comme moyen de réduire en partie les coûts. Il s’agit uniquement de mon point de vue.
Le président : Nous partageons cette impression et ses désirs. Je vous remercie donc de les avoir exprimés.
On m’informe que nous n’aurons probablement pas le temps de nous pencher sur la logistique d’une visite du Groenland. En ce qui concerne les contraintes de temps, je crois comprendre que nous devons adopter un budget pendant la séance actuelle. La question du Groenland est un sujet sur lequel nous pourrions revenir plus tard. Il est évident que nous nous pencherons sur cette question pendant une bonne partie de l’automne et probablement après cette période, étant donné le travail supplémentaire que nous avons entrepris.
Pour ce qui est d’aujourd’hui, j’ai bien peur que le budget doive demeurer tel qu’il est et que nous devions l’adopter dans sa forme actuelle. Cela étant dit et en gardant à l’esprit le fait que nous pourrons réexaminer la question du Groenland à l’avenir, est-il convenu que le budget... sénateur Boehm, voulez-vous intervenir de nouveau? Veuillez prendre la parole.
Le sénateur Boehm : Je mentionne très rapidement qu’à mon avis, il est bien sûr tout à fait raisonnable d’aller de l’avant, mais si nous pouvons trouver un moyen d’inclure cette destination, que ce soit en prenant des mesures de réduction des coûts, comme le sénateur Yussuff et vous-même l’avez suggéré ou autrement, n’hésitons pas à le faire. Il y a peut-être un moyen d’insérer dans l’itinéraire une brève visite de Nuuk. Je ne sais pas quelle est la logistique, mais il me semble qu’il serait logique d’envisager ce déplacement dans l’ensemble du tableau. Toutefois, je partage votre avis et le désir d’aller de l’avant.
Le président : Je vous remercie de votre intervention et de vos conseils. Votre idée est excellente, et j’aurais aimé que nous y pensions plus tôt. Nous ferons de notre mieux pour planifier ce voyage.
Cela étant dit, est-ce que j’observe un consentement? Je cherche une preuve de soutien. Il semble que nous soyons parvenus à un accord. Merci beaucoup. Le budget est appuyé.
Merci, chers sénateurs. Le budget va maintenant être présenté au Comité permanent de la régie interne des budgets et de l’administration. Il sera examiné par le sous-comité SEBS, c’est-à-dire le Sous-comité du budget des dépenses du Sénat et des budgets de comités, au cours de sa prochaine réunion.
Ceci conclut la réunion d’aujourd’hui. Notre prochaine réunion aura lieu le lundi 30 mai 2022, à l’heure habituelle de 14 heures, heure de l’Est. Sur ce, je souhaite à tous une bonne soirée.
(La séance est levée.)