LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE LA SÉCURITÉ NATIONALE ET DE LA DÉFENSE
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le lundi 30 mai 2022
Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd’hui, à 14 h 1 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi S-7, Loi modifiant la Loi sur les douanes et la Loi sur le précontrôle (2016).
Le sénateur Tony Dean (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bienvenue à la réunion d’aujourd’hui du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. Je suis Tony Dean, président du comité et représentant de l’Ontario. Je suis accompagné aujourd’hui par les autres membres du comité : le sénateur Jean-Guy Dagenais, du Québec, qui est vice-président du comité; la sénatrice Margaret Dawn Anderson, représentant les Territoires du Nord-Ouest; le sénateur Peter Boehm, représentant l’Ontario; le sénateur Pierre Dalphond, représentant le Québec; la sénatrice Donna Dasko, représentant l’Ontario; la sénatrice Marty Deacon, représentant l’Ontario; la sénatrice Mobina Jaffer, représentant la Colombie-Britannique; le sénateur David Richards, du Nouveau-Brunswick; le sénateur Larry Smith, du Québec; le sénateur David Wells de Terre-Neuve-et-Labrador; et le sénateur Hassan Yussuff, de l’Ontario. Nous aurons aussi avec nous aujourd’hui la sénatrice Gwen Boniface, de l’Ontario, qui est la marraine du projet de loi, et la sénatrice Paula Simons, représentant l’Alberta.
Chers collègues, nous commençons aujourd’hui notre étude sur le projet de loi S-7, Loi modifiant la Loi sur les douanes et la Loi sur le précontrôle (2016). Ce projet de loi modifie la Loi sur les douanes et la Loi sur le précontrôle de 2016 afin d’établir des normes pour l’examen des documents conservés dans un appareil numérique personnel, pour faire suite à la décision rendue en 2020 par la Cour d’appel de l’Alberta dans les affaires R. c. Canfield et R. c. Townsend, où la cour a conclu que l’article sur lequel les agents de l’Agence des services frontaliers du Canada, l’ASFC, s’appuient pour fouiller les appareils numériques aux frontières est inconstitutionnel. Dans la décision, il est souligné qu’il revient au Parlement d’établir un seuil pour la fouille des appareils numériques par les agents de l’ASFC.
Chers collègues, si vous souhaitez proposer des modifications au projet de loi pendant les délibérations, je vous encourage à consulter le bureau du légiste du Sénat pour vous assurer que toutes les modifications sont rédigées de la bonne façon et dans les deux langues officielles.
Merci aux témoins d’être avec nous aujourd’hui. Tout d’abord, j’inviterais M. Mendicino à nous présenter sa déclaration préliminaire, puis nous passerons aux questions des membres du comité. Monsieur le ministre, vous pouvez commencer dès que vous êtes prêt.
L’honorable Marco E. L. Mendicino, c.p., député, ministre de la Sécurité publique, Sécurité publique Canada : Merci, monsieur le président. Je souhaite bonjour aux honorables sénateurs et sénatrices. Je suis ici aujourd’hui pour discuter du projet de loi S-7, Loi modifiant la Loi sur les douanes et la Loi sur le précontrôle de 2016.
Je suis accompagné de deux représentants de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC). M. Millar est à ma droite et Mme Aceti, à ma gauche.
Le projet de loi S-7 propose de créer un cadre juridique régissant l’examen des appareils numériques personnels, tels que les téléphones intelligents, les ordinateurs portables et les tablettes à la frontière, qui soit conforme à la Charte.
Comme vous le savez, la Cour d’appel de l’Alberta a statué en 2020 que l’examen des appareils numériques personnels en vertu de l’alinéa 99(1)a) de la Loi sur les douanes était inconstitutionnel, car il n’imposait aucune limite à l’examen de ces appareils. Cette décision a été reprise par la suite dans un jugement rendu en avril 2022 par la Cour supérieure de l’Ontario. Jusqu’à ces décisions, les tribunaux avaient toujours confirmé les pouvoirs d’examen sans seuil de l’ASFC à cet égard.
En réponse à ces décisions, le projet de loi S-7 propose trois principaux changements législatifs. Le premier est l’établissement d’un nouveau seuil d’examen pour les appareils numériques personnels, celui des « préoccupations générales raisonnables », qui offre une protection de la vie privée des voyageurs et tient compte du contexte frontalier, dont je parlerai plus en détail plus tard. Il s’agit d’un terme unique pour un seuil unique.
Deuxièmement, il crée des limitations à des objectifs précis afin de garantir que les appareils numériques personnels ne sont examinés qu’à des fins réglementaires liées aux frontières.
Enfin, il autorise la création de règlements et d’instructions ministérielles visant à établir des limites spécifiques pour guider la conduite des examens sur les appareils numériques personnels.
Le nouveau seuil des « préoccupations générales raisonnables » est censé être plus élevé qu’un simple soupçon ou une intuition, mais moins restrictif que celui des « motifs raisonnables de soupçonner ». Étant donné qu’il s’agit d’un nouveau seuil juridique, j’aimerais fournir plus de détails sur son intention.
Permettez-moi de détailler chacun de ces éléments.
Premièrement, « raisonnable » signifie que les indicateurs factuels de non-conformité relevés doivent être objectifs et vérifiables. Un nouveau seuil ne donne pas carte blanche aux agents pour examiner des appareils numériques personnels. La décision d’examen nécessitera toujours des indicateurs fondés sur des faits et soumis à une vérification sérieuse.
Deuxièmement, « générale » vise à faire une distinction avec les seuils plus élevés qui peuvent exiger que les agents déterminent une contravention spécifique avant de commencer l’examen.
[Français]
Dans le contexte de la frontière, les agents disposent d’informations limitées avant l’arrivée et sont restreints à une brève interaction avec le voyageur et ses marchandises. Bien qu’il existe des indicateurs qui pourraient indiquer un non-respect de la législation frontalière, il peut être difficile de déterminer une contravention particulière.
[Traduction]
Enfin, l’intention derrière l’utilisation de la « préoccupation » plutôt que du « soupçon » est de différencier le seuil proposé du « soupçon raisonnable » et des commentaires judiciaires sur le « soupçon généralisé ». Il s’agit d’un nouveau seuil plus flexible que celui du « soupçon raisonnable ». En même temps, il n’autorise pas les agents à examiner les appareils sans préoccupations individuelles comme les tribunaux ont suggéré qu’un seuil du « soupçon généralisé » pourrait le faire. Une « préoccupation générale raisonnable » exige que la préoccupation soit individualisée et qu’elle soit attribuable à une personne spécifique ou à son appareil.
[Français]
Je vous rappellerai que dans l’affaire Canfield, la cour n’a volontairement pas recommandé de seuil spécifique pour l’examen des appareils numériques personnels. Elle a plutôt invité le gouvernement à déterminer si un seuil inférieur aux motifs raisonnables de soupçonner pourrait être approprié étant donné la nature unique de la frontière. C’est exactement ce que nous avons fait ici.
[Traduction]
Bien qu’un seuil établi tel que les « motifs raisonnables de soupçonner » ait été envisagé, je pense qu’il est trop restrictif pour l’examen des appareils numériques personnels à des fins réglementaires à la frontière, étant donné les diverses contraventions qui peuvent être trouvées, comme, pour ne citer que quelques exemples concrets, le défaut de déclaration, la pornographie juvénile, la propagande haineuse ou les preuves d’importation de drogues.
En outre, les « motifs raisonnables de soupçonner » sont utilisés à la frontière pour les fouilles à nu, qui ont été reconnues par la jurisprudence comme étant plus intrusives — et plus invasives — que l’examen des appareils numériques personnels.
J’aimerais souligner que nous avons maintenant des statistiques qui prouvent à quel point il est difficile de respecter le seuil plus élevé dans ce contexte. Nous avons déjà commencé à constater une forte baisse du nombre d’examens d’appareils numériques personnels en Alberta et en Ontario depuis l’entrée en vigueur des décisions des tribunaux.
Malheureusement, du matériel interdit est importé chaque jour. La mise en œuvre à l’échelle nationale d’un seuil plus élevé compromettrait l’intégrité des frontières et réduirait considérablement la capacité de l’ASFC à intercepter la contrebande illégale. Depuis le 29 avril, les agents doivent s’en remettre à l’alinéa 99(1)e) de la Loi sur les douanes, qui exige des « motifs raisonnables de soupçonner », pour déclencher un examen. Prolonger l’obligation d’utiliser ce seuil plus élevé compromettra incontestablement la sécurité publique et l’intégrité de la frontière, du fait de la diminution des interceptions de matériel interdit dans les appareils numériques personnels.
Les modifications proposées à la Loi sur le précontrôle (2016) continueront d’harmoniser les pouvoirs d’examen entre les agents de précontrôle des États-Unis et les agents de l’ASFC, et veilleront à ce qu’ils soient conformes à la Charte.
Je tiens également à souligner que ces nouvelles exigences de la Loi sur les douanes permettent uniquement aux agents désignés de l’ASFC de procéder à l’examen des appareils numériques personnels. Les agents devront réussir une formation spécifique sur ces examens afin d’être désignés.
Le règlement connexe est rédigé en même temps afin qu’il puisse entrer en vigueur le plus tôt possible après que le projet de loi S-7 aura reçu la sanction royale.
Le seuil prévu par la loi — qui fixe une limite au déclenchement de l’examen — et les contrôles juridiques contraignants prévus par le règlement, qui régissent le déroulement de l’examen, s’associent pour créer des limites nécessaires et utiles.
Ces limites répondent aux préoccupations constitutionnelles soulevées par les tribunaux et permettent à l’ASFC d’effectuer en toute légalité des examens à des fins réglementaires légitimes et importantes liées à la frontière.
Les nouveaux éléments réglementaires formaliseront plusieurs exigences de politique interne existantes, notamment la désactivation de la connectivité du réseau avant de procéder à un examen et la prise de notes en temps réel sur des points précis.
Ces mesures garantiront que seuls les documents contenus dans l’appareil au moment du passage sont soumis à l’examen. Les exigences en matière de prise de notes remplissent une fonction importante en matière de responsabilité et feront en sorte que chaque examen puisse faire l’objet d’une vérification sérieuse.
Laissez-moi vous donner quelques exemples : un voyageur canadien célibataire revient d’un long séjour dans un pays connu pour son trafic sexuel, sans explication raisonnable pour son voyage. Le voyageur devient de plus en plus agité et nerveux au fur et à mesure que l’examen progresse, évite constamment le contact visuel, déplace son poids d’avant en arrière, bégaie et transpire. De multiples appareils numériques sont trouvés lors de l’examen des bagages, sans que l’on sache pourquoi ils sont nécessaires au voyage. L’examen des appareils permet de découvrir de multiples images de pornographie juvénile. Dans ce cas, nous pensons que le seuil des préoccupations générales raisonnables aurait été atteint, autorisant ainsi l’agent à examiner les appareils numériques personnels. Cependant, il n’est pas certain que le seuil plus élevé des « motifs raisonnables de soupçonner » aurait été atteint, permettant ainsi à ce matériel dangereux de traverser la frontière et d’entrer au pays.
[Français]
Sénateurs, je comprends que vous soyez préoccupés par la protection de la vie privée et c’est de la plus haute importance pour moi aussi.
[Traduction]
Il est essentiel d’équilibrer ce besoin avec la sécurité publique et l’intégrité des frontières. C’est précisément ce que fait ce nouveau seuil, qui est adapté au contexte frontalier. Il permettra à nos agents de continuer à intercepter le matériel interdit à nos frontières et à appliquer d’autres exigences réglementaires à la frontière sans compromettre le droit à la vie privée des voyageurs, protégé par la Charte.
Je pense que cela atteint l’équilibre approprié entre ces deux impératifs.
J’aimerais également attirer votre attention sur le projet de loi C-20, que j’ai récemment déposé à la Chambre des communes et qui vise à établir une nouvelle commission d’examen des plaintes du public contre l’ASFC et la GRC. Cette nouvelle commission d’examen civil indépendant permettrait de s’assurer, pour la première fois, que les responsabilités des agents de l’ASFC puissent faire l’objet d’un examen à la suite d’une plainte du public ou d’une enquête, et nous sommes impatients de voir l’entrée en vigueur de cette loi également.
Mes fonctionnaires et moi-même serons heureux de répondre à toutes vos questions. Merci encore.
Le président : Merci beaucoup, monsieur le ministre. Avant de passer aux questions, j’aimerais présenter les fonctionnaires qui vous accompagnent aujourd’hui : M. Randall Koops, directeur général, Direction des affaires internationales et frontalières, Sécurité publique Canada; Mme Julia Aceti, directrice générale, Politiques relatives aux voyageurs, au secteur commercial et aux échanges commerciaux, et M. Scott Millar, vice-président, Politique stratégique, de l’Agence des services frontaliers du Canada; et enfin, du ministère de la Justice, Me Scott Nesbitt, avocat général, Services juridiques de l’ASFC.
Nous allons commencer la période de questions. Comme d’habitude, j’offre la première question au vice-président, le sénateur Dagenais.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Monsieur le ministre, permettez-moi de vous dire que je trouve dommage que vous ayez choisi la fin de cet après-midi, à la suite de votre comparution devant notre comité, pour annoncer ce que vous entendez faire pour contrer l’entrée des armes de poing illégales au Canada. J’espère que nous aurons l’occasion de vous recevoir à nouveau pour en parler.
Ce matin, le quotidien La Presse dénonçait ce que l’éditorialiste a appelé la « complaisance » du Canada dans la surveillance de nos frontières. Cela étant dit, comment pouvons-nous vous prendre au sérieux lorsque les amendes pour entraves à des agents de nos frontières lors d’une fouille passent de 50 000 $ à 10 000 $ pour une infraction sommaire et de 500 000 $ à 50 000 $ pour un acte criminel?
Pourquoi accorder tant d’avantages à ceux qui ne respectent pas nos agents des services frontaliers?
M. Mendicino : Je vous remercie de cette question. Au sujet des armes à feu et de notre combat pour en restreindre l’usage, j’espère que nous aurons beaucoup à dire plus tard cet après-midi. Je suis toujours prêt à débattre vigoureusement de cette question avec vous ainsi qu’avec tous les membres du Sénat et, bien sûr, de la Chambre des communes.
En ce qui concerne le projet de loi S-7, le gouvernement estime qu’il est très important de répondre aux décisions de la Cour d’appel de l’Alberta et de la Cour supérieure de justice de l’Ontario. Il s’agit d’un nouveau test juridique que nous suggérons pour aider à éviter la contrebande. Je peux vous donner quelques exemples précis.
Il existe un système qui permet une reddition de comptes et qui pénalise ceux qui enfreignent la loi. Il s’agit donc d’une proposition très importante qui fournira aux agents de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) les outils nécessaires pour qu’ils puissent effectuer leur travail à la frontière.
Le sénateur Dagenais : La pornographie juvénile est une question compliquée pour les policiers — elle l’était aussi lorsque j’étais policier. Les agents frontaliers disposeront-ils d’une banque de données de suspects potentiels qui leur permettrait de fouiller leurs ordinateurs?
M. Mendicino : Monsieur le sénateur, l’un des outils sera les techniques que les agents de l’ASFC utiliseront et utilisent certainement à l’heure actuelle dans le cadre de toutes les interactions aux frontières. C’est un défi, car le temps qu’ils ont pour interagir avec les voyageurs à la frontière est effectivement bref. Ils doivent travailler rapidement. C’est une autre raison pour laquelle nous présentons ce projet de loi : pour essayer de relever les défis dans le contexte du travail à la frontière et pour aider nos agents à faire du bon travail avec un test pratique qui respecte néanmoins la nécessité de rester conforme à la Charte et de respecter les droits des personnes à la vie privée. À mon avis, nous avons trouvé un équilibre entre les deux impératifs.
Le sénateur Dagenais : J’ose espérer que les agents des services frontaliers recevront la formation nécessaire pour fouiller ces appareils, car il faut de la formation.
[Traduction]
Le sénateur Richards : Merci d’être avec nous, monsieur le ministre. Selon moi, tout ceci est arbitraire et intrusif. Vous n’avez rien dit aujourd’hui qui m’a vraiment convaincu du contraire. Vous savez, j’ai vu le même genre de fouilles en Espagne pendant le franquisme. Qui décide de qui sera fouillé, et comment pouvons-nous même être justes et impartiaux pendant ces fouilles, bon sang? Je ne pense pas que vous m’avez convaincu que c’est possible.
M. Mendicino : Laissez-moi essayer de vous convaincre, monsieur le sénateur.
D’abord, je reconnais que nous devrions tous être fermement résolus à protéger les protections prévues dans la Charte, y compris le droit d’être protégé contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives. À titre indicatif, je veux que vous sachiez, honorables sénateurs et sénatrices, que j’ai travaillé aux premières lignes du système de justice pénale en tant que procureur pendant près d’une décennie. Je comprends très bien, tout comme le comprennent notre gouvernement et nos fonctionnaires, qu’il faut veiller à protéger les droits des gens. Nous prenons cette responsabilité très au sérieux.
Pour répondre à ce que vous avez dit précisément, que vous trouviez cela arbitraire, le nouveau seuil des « préoccupations générales raisonnables », d’abord et avant tout, restreint à la frontière le pouvoir conféré par la Loi sur les douanes. Ce n’est pas un pouvoir qui peut être utilisé à l’extérieur du contexte frontalier; il est spécifiquement conçu pour être utilisé dans des circonstances particulières, et la Cour suprême du Canada a précédemment statué que, dans ce contexte, les attentes en matière de respect de la vie privée sont plus faibles, parce que les frontières sont des points d’entrée vulnérables.
Il est aussi prévu que la fouille soit spécifique à un voyageur. Cela veut dire que les motifs doivent être fondés sur des facteurs objectifs et vérifiables qui sont recueillis par l’agent à propos du voyageur au point de contrôle ou à l’appareil que le voyageur porte sur lui ou qui voyage avec lui.
Donc, selon ces facteurs, nous essayons à la fois de respecter la Charte et de veiller à ce que les agents recueillent des faits objectivement perceptibles qui peuvent être vérifiés avant d’examiner l’appareil numérique personnel.
Le sénateur Richards : Merci.
Rapidement, j’ai une question complémentaire. La décision revient tout de même à l’agent qui effectue le contrôle. Il pourrait y avoir un aspect très subjectif, comme l’heure du jour ou de la nuit, qui fait qu’il décide de procéder. Il n’y a pas de vraies règles de base ici qui prévoient toutes les situations et s’appliquent à toutes les personnes. Voilà ce qui me préoccupe vraiment, monsieur.
M. Mendicino : Encore une fois, monsieur le sénateur, vous avez tout à fait raison de demander comment nous, à l’ASFC, avons l’intention de circonscrire ce pouvoir. J’ai déjà expliqué que l’on détermine que le seuil est atteint en fonction de facteurs objectifs et vérifiables. Aussi, je soulignerais que les agents qui peuvent effectuer ce genre de fouille doivent être désignés par le président de l’ASFC. Les agents doivent obligatoirement suivre une formation avant d’être désignés, et ils doivent obligatoirement prendre des notes, à des fins de transparence et d’examen, si nécessaire.
Donc, vous avez raison de demander au gouvernement de faire preuve de retenue avant de mettre en œuvre une norme flexible, mais d’un autre côté, nous sommes très préoccupés par l’importation de contrebande, comme la pornographie juvénile, qui pourrait représenter une menace pour la sécurité publique.
La sénatrice Jaffer : Monsieur le ministre, c’est toujours un plaisir de vous accueillir au Sénat. Je m’ennuie du temps où nous travaillions ensemble, quand vous étiez ministre de l’Immigration.
Monsieur le ministre, je vous ai écouté très attentivement. J’ai de la difficulté à accepter ce que vous dites. Quand vous avez parlé de la prise de notes, je comprends : la personne se présente, et l’agent des services frontaliers prend des notes détaillées. Par contre, si l’agent ne trouve rien, on ne prendra pas de notes, ce qui veut dire que vous n’aurez aucune façon de savoir combien de personnes ont été contrôlées.
Je vais vous expliquer précisément ce que je veux dire.
Au cours des 20 dernières années, j’ai travaillé pour mettre fin au profilage racial, surtout de la part de l’ASFC. Je pourrais vous donner des tonnes d’exemples — et aussi des exemples personnels —, mais ce n’est pas ce que je vais faire. Je ne peux m’empêcher de penser que cela va donner lieu à du profilage racial et à du racisme systémique à la frontière. La possibilité d’empirer le profilage racial, au titre du critère des « préoccupations générales raisonnables », me préoccupe énormément. Je ne vois pas comment cela pourrait ne pas mener à du profilage racial et à de la discrimination systémique.
J’ai déjà mentionné que vous avez parlé de la prise de notes, mais je ne suis pas convaincue, parce que, si on ne trouve rien, on ne prendra pas de notes. Vous ne saurez jamais combien de personnes ont subi l’indignité d’un examen secondaire.
Donc, monsieur le ministre, je tiens à vous dire que cela ne va qu’empirer le profilage racial à la frontière. Je suis au courant des indicateurs — je vais en discuter avec les fonctionnaires —, mais j’aimerais savoir comment vous, personnellement, vous allez garder un œil là-dessus pour éviter que des personnes qui me ressemblent n’aient pas à subir inutilement un examen secondaire.
M. Mendicino : D’abord et avant tout, je tiens à vous assurer que nous accordons la plus grande importance au problème du racisme systémique et du profilage racial, pas seulement à l’ASFC, mais aussi dans tous les organismes chargés de l’application de la loi. D’ailleurs, les fonctionnaires de tous les organismes d’application de la loi reconnaissent, et c’est à leur honneur, qu’il s’agit d’un problème qui existe et qui doit être éradiqué. Nous devons tous être unis dans cette lutte.
Je tiens aussi à vous assurer, madame la sénatrice, que les lettres de mandat que j’ai délivrées, après que le premier ministre m’a confié mon mandat, exigent bel et bien, en termes très clairs, que les organismes poursuivent leurs efforts importants pour éradiquer le racisme systémique sous toutes ses formes. Vous voulez savoir ce que ça veut dire? Ça suppose d’améliorer la formation, d’être sensible à la culture et d’être conscient des préjugés qui ont infiltré la façon dont nous travaillons.
La semaine dernière, comme je l’ai dit, j’ai présenté le projet de loi C-20, qui, pour la première fois, crée une nouvelle commission en mesure d’examiner les plaintes du public contre l’ASFC. Il exige également que la nouvelle commission recueille des données sur la race afin que nous puissions mieux orienter nos politiques et éradiquer le genre de préjudices dont vous avez parlé.
Vous avez donc absolument raison de soulever cette préoccupation, mais je peux vous assurer, ici et maintenant — et je sais que mes fonctionnaires sont du même avis —, que nous ferons tout, fondamentalement, pour éradiquer les inégalités systémiques de notre système.
La sénatrice Jaffer : Monsieur le ministre, je n’ai aucun doute quant à ce que vous dites ni quant à votre engagement. Cependant, il demeure que la prise de notes, quand on ne trouve rien, n’aide pas la personne qui a subi l’indignité d’un examen secondaire. On ne prendra pas de notes si on ne trouve rien, et la personne va poursuivre sa route, mais le monde entier l’aura quand même vue subir cet examen secondaire.
En privé, je vous parlerais de tout ce que ma famille et moi-même avons subi, mais pas maintenant. Je veux que vous compreniez que c’est là où le bât blesse. Vous avez parlé de prise de notes, mais cela n’atténue pas le problème du profilage racial de la personne, quand on ne trouve rien.
M. Mendicino : Madame la sénatrice, je vous assure que nous sommes prêts à relever le défi. Je veux aussi vous assurer que les agents de l’ASFC sont tenus de prendre des notes dans tous les cas, même s’ils ne trouvent rien pendant l’examen.
Enfin, madame la sénatrice, je veux souligner que je suis conscient de l’importance de ces efforts. C’est pour cette raison que nous avons lancé la commission la semaine dernière. Même dans les cas où on se demande si on n’a pas pris assez de notes sur l’interaction entre une personne et l’ASFC, le mécanisme de plaintes de la nouvelle commission va permettre plus de transparence et de reddition de comptes. Nous croyons que cela nous donne un moyen d’accroître l’équité et la justice dans le système.
La sénatrice Jaffer : Merci.
Le sénateur Yussuff : Merci d’être avec nous, monsieur le ministre.
Pour commencer, je reconnais que les gens qui travaillent à nos frontières n’ont pas un travail facile. Ils sont là pour protéger notre sécurité et, dans une grande mesure, pour s’assurer que les gens qui ont de mauvaises intentions n’entrent pas au pays.
Plus pertinemment, j’ai dû représenter d’anciens membres au Congrès du travail du Canada, alors j’ai un certain parti pris. Mais cela dit, je reconnais qu’ils n’ont pas un travail facile.
Vous avez dit que les nouvelles normes qui vont s’appliquer aux agents de l’ASFC seront plus élevées et qu’elles doivent être objectives, mais l’objectivité, cela reste tout de même subjectif, parce que, pour être objectif, il faut avoir l’esprit clair, un jugement solide et aucun préjugé.
Vous avez donné un très bon exemple : une personne qui revient est contrôlée par un agent, et cette personne possède toutes les caractéristiques qui feraient qu’on voudrait pousser plus loin l’examen. Mais il y a beaucoup de gens qui me ressemblent — qui ont le teint foncé — et qui auront aussi toutes les caractéristiques que vous avez données en exemple. Je crois que ce serait raisonnable de dire qu’il va devoir y avoir une formation approfondie, parce que, comme vous le savez, les gens qui doivent coopérer avec les responsables de l’application de la loi ne le font pas toujours. Je parle surtout de gens qui viennent de pays où il y a de la pornographie juvénile et de l’exploitation d’enfants. Ils reviennent de ces pays, parce qu’ils sont d’anciens citoyens.
Donc, encore une fois, pour donner suite à la question de ma collègue, de quelle façon pourrons-nous comprendre les données recueillies par l’ASFC dans le cadre de l’examen d’une personne qui transportait du matériel violant nos lois?
Aussi, en ce qui concerne les gens qui n’ont commis aucune infraction, comment pourrons-nous comprendre les données et cerner les préjugés que pourraient avoir les agents de l’ASFC lorsqu’ils décident de qui doit faire l’objet d’un examen plus poussé lorsqu’ils appliquent la loi à la frontière?
M. Mendicino : Merci de la question, monsieur le sénateur et merci de vous soucier de nos intérêts et de reconnaître les difficultés du travail de nos agents de première ligne à la frontière. Vous avez tout à fait raison : ce n’est pas un travail facile, mais dans l’ensemble, les agents s’acquittent de leurs responsabilités du mieux qu’ils le peuvent.
Je voulais aussi vous remercier d’avoir fait cette mise en garde par rapport à l’établissement d’un nouveau seuil. C’est quelque chose de nouveau, et j’accepte ce que vous dites.
En réponse à votre question et à celle de la sénatrice Jaffer sur les préjugés institutionnels qui pourraient entraîner des traitements différents selon la race ou selon d’autres caractéristiques immuables, j’ai discuté avec le président de l’ASFC et nos fonctionnaires, et je sais que c’est quelque chose qu’ils prennent très au sérieux. Nous recueillons des statistiques, à l’ASFC, et, sous le régime du projet de loi que j’ai présenté la semaine dernière, la commission, une fois qu’elle sera établie, aura la nouvelle obligation de recueillir des données sur la race pouvant être désagrégées et ventilées d’une façon à les rendre très transparentes, ce qui nous permettra de cerner et de corriger les points où il se peut que des préjugés institutionnels surviennent, malgré nos meilleures intentions.
Vous avez tout à fait raison — à l’instar de la sénatrice Jaffer et de tous nos collègues — d’insister pour que nous prenions cette question au sérieux et que nous y accordions beaucoup d’attention, et c’est pourquoi les agents devront être formés avant d’être désignés. Je suis tout à fait convaincu que, une fois que ce nouveau régime entrera en vigueur, ce sera l’un des problèmes qui seront visés dans la formation, afin que les gens qui interagissent avec les agents de l’ASFC soient traités de la meilleure façon et le plus équitablement possible dans leurs interactions avec l’ASFC.
Le président : Merci, monsieur le ministre.
La sénatrice Anderson : Ma question porte sur l’article 3, ajoutant le paragraphe 110(3.1) à la Loi sur les douanes. Le paragraphe 110(3.1) est libellé ainsi :
L’agent qui exerce le pouvoir prévu au paragraphe (3) peut faire une copie électronique d’un document s’il est impossible ou problématique de procéder à la saisie d’un élément dans lequel ce document est conservé […]
Dans quelles circonstances cela se ferait-il?
Deuxièmement, comment les services judiciaires feront-ils pour s’assurer que l’information copiée électroniquement est protégée, qu’elle n’est pas compromise et qu’elle est une copie conforme du document ou du dossier?
M. Mendicino : Vous posez une excellente question, madame la sénatrice, et je ne le dis pas seulement parce que j’ai posé ces mêmes questions à mes fonctionnaires pour me préparer à mon témoignage d’aujourd’hui devant votre distingué comité.
Pour répondre à la première partie de votre question, avant de faire une copie, l’agent désigné doit donner les raisons pour lesquelles il croit qu’il serait impossible de maintenir l’accès à l’information qu’il fouille ou il croit que l’examen entraînerait la dégradation ou la destruction de l’information. Il y aurait ce premier seuil à franchir avant de faire une copie, et mes fonctionnaires pourront vous donner plus de détails à ce sujet.
Deuxièmement, je veux vous assurer — et j’ai moi-même demandé des confirmations à ce chapitre — que la Loi fédérale sur la protection des renseignements personnels déclenche effectivement des mesures de protection, une fois qu’une copie est faite, pour veiller à ce qu’elle soit préservée et qu’elle ne soit pas gardée plus longtemps que la loi ne le permet. C’est une mesure de protection importante énoncée dans la Loi sur la protection des renseignements personnels, et bien sûr à l’article 8 de la Charte.
La sénatrice Anderson : Pourriez-vous me dire combien de temps serait conservé un dossier avant d’être supprimé?
M. Mendicino : Je suis désolé, madame la sénatrice. Je crois que la Loi fédérale sur la protection des renseignements personnels prévoit un délai de deux ans, mais j’aimerais être aussi précis que possible, alors je vais renvoyer la balle à Mme Aceti ou à M. Millar, pour confirmation.
Julia Aceti, directrice générale, Politiques relatives aux voyageurs, au secteur commercial et aux échanges commerciaux, Agence des services frontaliers du Canada : Sous le régime de la Loi sur la protection des renseignements personnels, quand on prend une mesure administrative, l’exigence est que le matériel soit conservé pendant deux ans. Cette durée peut être prolongée si il y avait une enquête qui durait plus de temps, et le matériel pourrait être conservé pour la durée de l’enquête. Dans le cas contraire, cela s’arrête là.
Le président : Merci beaucoup.
Le sénateur Boehm : Merci beaucoup d’être parmi nous aujourd’hui, monsieur le ministre. J’ai une question sur le partenariat; je parle de celui entre le Canada et les États-Unis, bien sûr. Dans mon ancienne carrière, j’ai participé à certaines des négociations sur le précontrôle, et nous voulions faire en sorte que tout soit fait équitablement.
Comment un agent de précontrôle aux États-Unis interpréterait-il les « préoccupations générales raisonnables »? Comment savons-nous qu’il a suivi une formation suffisante, dépendamment de son ancienne affectation? Peut-être qu’il ne s’est pas acculturé à nous complètement, et peut-être que cela n’arrivera jamais, si on se fie aux médias sociaux, qui sait? Ce que je demande, c’est comment le gouvernement coopérera avec les Américains dans ce contexte? Comment est-ce que ça se passera?
Cela fait environ 20 ans que nous discutons de projets pilotes sur le précontrôle entre le Canada et les États-Unis, et il n’y en a pas eu. Aussi, tous les agents de précontrôle américains sont bien sûr ici au Canada, ce qui veut dire qu’il y a une certaine inégalité, ou du moins une perception d’inégalité.
Qu’arrive-t-il si un agent américain des services frontaliers demande à un Canadien son mot de passe, et que le Canadien refuse? Quelles seraient les conséquences?
M. Mendicino : Monsieur le président, je commence à croire que vos collègues assis à la table ont vu toutes les questions que j’ai posées à mes fonctionnaires en préparation à mon témoignage d’aujourd’hui.
Encore une fois, je veux vous remercier, monsieur le sénateur, de poser une question sur la relation et le partenariat avec les États-Unis. Pour commencer, je souligne que, aux États-Unis, il n’y a actuellement aucun seuil juridique applicable à la fouille des appareils numériques personnels, mais dans le contexte du précontrôle effectué en sol canadien les agents américains devront, pour déterminer si une personne peut entrer aux États-Unis, appliquer le seuil que nous avons établi, c’est-à-dire celui des « préoccupations générales raisonnables ».
Je soulignerais aussi — et peut-être que je vais ensuite devoir dire à mes collègues de fournir un peu plus de détails — que, selon le traité sur le précontrôle, les agents américains du précontrôle sont autorisés à effectuer des fouilles, même s’ils n’ont pas la qualification canadienne. Cependant, les agents américains de précontrôle, avant d’être affectés au Canada, doivent réussir une formation obligatoire afin de comprendre comment les fouilles se font au Canada, en vertu des lois canadiennes, y compris ce projet de loi — s’il est adopté, et espérons-le — ainsi que de la Charte.
Je vais demander à M. Millar d’approfondir.
Scott Millar, vice-président, Politique stratégique, Agence des services frontaliers du Canada : Au sujet des mots de passe, vous êtes tenu par la loi de fournir votre mot de passe au titre de l’article 13 de la Loi sur les douanes. Dans le cas contraire, nous vous retirons l’appareil et nous devrons essentiellement briser le code pour accéder à l’information.
Voilà pour les mots de passe, mais, en ce qui concerne les aspects plus généraux que vous avez soulevés par rapport au précontrôle, monsieur le sénateur, je note que mon collègue, M. Randall Koops, de Sécurité publique Canada, est avec nous. Il était responsable du dossier de précontrôle.
Monsieur Koops, je ne sais pas si vous avez quoi que ce soit à ajouter.
Randall Koops, directeur général, Direction des affaires internationales et frontalières, Sécurité publique Canada : Monsieur le sénateur, seulement pour ajouter à ce que le ministre a dit, la loi exige que les agents américains de précontrôle qui travaillent au Canada soient formés selon les normes canadiennes. C’est une des responsabilités du ministre de la Sécurité publique. La formation est fournie par l’ASFC, ce qui veut dire que des Canadiens vont former les agents américains pour qu’ils comprennent le seuil applicable au Canada. Les agents américains sont tenus par la loi et par le traité de respecter ce seuil canadien.
Contrairement à l’ASFC, où des agents seront désignés pour effectuer ce genre de fouilles, et où d’autres agents ne le seront pas, l’intention est que tous les agents américains de précontrôle au Canada suivent obligatoirement la formation sur la fouille d’un appareil numérique personnel.
Le sénateur Boehm : L’ASFC jouera-t-elle un rôle dans cette formation?
M. Koops : Oui.
Le sénateur Boehm : Cela touche au cœur de la question posée par la sénatrice Jaffer et par le sénateur Yussuff, pour la suite des choses.
La sénatrice M. Deacon : Merci d’être avec nous, et merci à toute l’équipe des services frontaliers. Votre travail a été particulièrement difficile au cours des trois dernières années, et on dirait qu’il devient de plus en plus complexe, en plus d’être scruté à la loupe par le public.
Je vous remercie d’avoir expliqué la différence entre l’expression « préoccupations générales raisonnables » et « motifs raisonnables de soupçonner », qui remonte au comité de la Chambre des communes de 2017. Cela m’a été utile.
Je ne sais pas si ma question a fait partie de votre répétition, mais je m’intéresse à la partie du projet de loi où il est dit que l’agent des services frontaliers peut examiner les documents conservés sur un appareil numérique personnel. Comme nous le savons tous, beaucoup de ces informations peuvent être facilement effacées de nos téléphones, puis conservées ailleurs. Par exemple, je peux délibérément me déconnecter de mon compte Apple, et effacer mes messages avant d’entrer à l’aéroport, mais j’y aurais accès plus tard dans le nuage.
J’y ai réfléchi, et ma question aujourd’hui est donc la suivante : ce projet de loi habilite-t-il les agents des services frontaliers à accéder aux documents qui sont conservés sur un serveur infonuagique, ou est-ce que le libellé, qui dit « conservés dans un appareil numérique personnel », fait que la fouille se limite à ce qui reste sur l’appareil, précisément au moment, à la seconde, où l’appareil est pris à la personne?
M. Mendicino : La réponse courte, à une bonne question, est que, si le seuil des « préoccupations générales raisonnables » est atteint, alors les agents de l’ASFC sont habilités à fouiller les documents — et on donne des exemples de ce dont il s’agit : documents, courriels, photos — qui sont conservés effectivement dans le téléphone. Dans le cadre du protocole de la fouille, les agents auront l’instruction — et ils seront formés à cette fin — de désactiver l’antenne et tout signal sans fil qui permettraient d’accéder au nuage. Donc, c’est pour nous une autre façon, si vous me permettez de faire un lien avec une autre préoccupation que les sénateurs ont soulevée, de circonscrire la fouille pour atteindre un équilibre avec ce seuil particulier des « préoccupations générales raisonnables ».
La sénatrice M. Deacon : Merci. J’aimerais faire un commentaire, rapidement, plutôt que de poser une question. Je suis très optimiste et j’espère — je réclame, même — que, grâce à ce projet de loi, à la commission et aux efforts louables qui sont prévus, toutes ces discussions sur le profilage racial, sur la discrimination et sur l’exclusion ne seront plus bientôt un sujet de la discussion. Voilà ce que j’espère réellement.
M. Mendicino : Madame la sénatrice, je crois que nous partageons tous votre prière, et nous savons tous que vous, vos collègues et les parlementaires, vous attendez tous à ce que les interactions des gens avec l’ASFC et tous les organismes d’application de la loi soient fondamentalement axées sur le respect, la confiance et l’intégrité. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons perfectionné la formation offerte aux agents qui seront désignés pour effectuer les fouilles sous le régime de cette nouvelle loi, et c’est aussi pourquoi nous créons et établissons une nouvelle commission qui va recueillir des données sur la race pouvant être désagrégées. Grâce à ces mesures, nous voulons régler les difficultés qui surviennent depuis beaucoup trop longtemps dans nos institutions en ce qui a trait au racisme systémique. Nous sommes tout à fait d’accord avec vous.
Le sénateur Wells : Bienvenue, monsieur le ministre. J’ai une question à propos de la formation spéciale pour certains agents de l’ASFC. Est-ce que cette formation spéciale s’appliquera à l’inspection primaire ou à l’inspection secondaire?
M. Mendicino : Eh bien, je vais sans doute devoir demander à mes fonctionnaires d’approfondir. La formation pour ce seuil spécifique, dans le contexte particulier de la fouille d’un appareil numérique personnel, sera donnée dans le contexte de l’inspection secondaire.
Le sénateur Wells : Je comprends, monsieur le ministre. Ça, c’est clair. Mais la formation spécialisée, pour apprendre à reconnaître les gens qui font partie de la catégorie des « préoccupations générales raisonnables » — vous avez parlé de se balancer, de suer ou des considérations liées au pays d’origine —, j’imagine que cela s’appliquerait à l’inspection primaire, parce que, à l’inspection secondaire, les sacs sont ouverts. Je me demandais simplement à quelle étape la formation spécialisée entre en jeu. Est-ce que ce sera pour les gens qui sont formés à reconnaître les « préoccupations générales raisonnables », ou pour les agents d’inspection secondaire qui vont fouiller les appareils et les sacs?
M. Mendicino : J’essaie de mon mieux de décortiquer votre question, mais je crois que je comprends. De façon générale, les agents de l’ASFC suivent une formation rigoureuse avant d’être affectés à un poste où ils apprendront en cours d’emploi les différents seuils. Donc, ils apprendront le seuil des « motifs raisonnables de soupçonner » avant d’effectuer une fouille à nu, disons, pour une personne qui a été renvoyée à l’inspection secondaire. La formation montrera comment effectuer une enquête de base lors de l’inspection primaire afin qu’ils puissent déterminer si, oui ou non, il y a des « préoccupations générales raisonnables » en ce qui a trait aux appareils numériques personnels, puis, si le seuil est atteint à l’inspection primaire ou secondaire, alors les agents pourront fouiller l’appareil numérique personnel.
Le sénateur Wells : J’ai assisté à deux séances d’information où vos fonctionnaires nous ont dit que, conformément aux politiques, la connectivité des appareils numériques est désactivée pour l’examen. Je ne veux pas dire qu’on utilise le mode avion, parce que vous pouvez quand même avoir accès au WiFi avec le mode avion. On nous a dit que [Difficultés techniques] et, spécifiquement, personne ne m’a dit que je pouvais désactiver ma connectivité quand j’ai offert de payer le supplément pour mes achats.
Vous avez dit dans votre exposé, ou peut-être que c’était en réponse à quelqu’un d’autre, que l’agent spécialement formé désactiverait la connectivité, ou est-ce que c’est le passager qui aurait le droit de désactiver la connectivité?
M. Mendicino : Les instructions dans la formation seront que, quand l’appareil a été remis à l’agent de l’ASFC pour un examen à la lumière de « préoccupations générales raisonnables », une fois que le mot de passe est entré, l’agent doit immédiatement désactiver le signal cellulaire, ou signal antenne, afin que la fouille soit limitée à l’information qui est conservée effectivement sur l’appareil seulement.
Le sénateur Wells : On m’a dit qu’on espérait que cette politique deviendrait loi. Est-ce qu’il sera prévu dans la loi que l’agent désactive la connectivité, ou est-ce que le passager aura le droit de désactiver la connectivité? Comment les choses vont-elles se passer? C’est une considération importante au regard de la protection des renseignements personnels.
M. Mendicino : C’est une question de nature très pratique. Les instructions seront que l’agent est responsable de désactiver le signal antenne. Je tiens pour acquis — et encore une fois, mes fonctionnaires pourront approfondir — que, même dans une situation où le voyageur offre de le désactiver lui-même, il incombera tout de même à l’agent de vérifier que le signal a été désactivé, puisque c’est conforme à la formation.
J’aimerais souligner que vos questions sont tout à fait pertinentes, parce que c’est précisément ce qui oriente le module de formation obligatoire pour la désignation des agents de l’ASFC, et j’ajouterais tout de suite que c’est aussi pour faire directement suite aux recommandations du commissaire à la protection de la vie privée, notamment celle d’établir un cadre juridique avant d’établir ce nouveau seuil.
Le sénateur Dalphond : Je vous remercie, monsieur le ministre, d’être présent. Ma préoccupation concerne ce nouveau seuil que vous souhaitez inscrire dans la loi. La Loi sur les douanes actuelle exige un soupçon raisonnable pour avoir accès au courrier afin de vérifier s’il contient du matériel illégal — il peut s’agir de pornographie juvénile ou d’autre chose. La Cour suprême a statué que, pour que les chiens renifleurs de l’aéroport viennent renifler vos bagages, l’agent doit avoir un soupçon raisonnable. La Chambre des communes, dans son rapport de décembre 2017, a recommandé d’opter pour un soupçon raisonnable. Cependant, vous refusez d’aller dans cette direction. Vous proposez à la place un nouveau seuil, qui n’est pas défini et qui sera défini par les tribunaux au fil des ans et finalement par la Cour suprême, et qui apportera une certaine incertitude dans le système pendant peut-être deux, trois ou cinq ans. Pourquoi est-il si avantageux de créer une telle situation d’incertitude plutôt que d’opter pour un seuil qui apporte de la certitude?
M. Mendicino : Je suis heureux de répondre à cette question. Avant de le faire, j’ai eu l’occasion de rencontrer certains de nos chiens qui travaillent pour l’ASFC, leurs entraîneurs et eux font un travail remarquable.
Je comprends vos préoccupations quant à l’établissement d’un seuil approprié qui, comme j’ai tenté de l’expliquer, consiste à trouver un juste équilibre entre les deux impératifs, à savoir le préjudice social lié à l’importation potentielle de contenu très nuisible comme la pornographie juvénile ou le contenu et le discours haineux — que nous voyons malheureusement s’infiltrer de plus en plus dans notre discours public et d’autres contenus potentiellement nuisibles — et la nécessité de protéger les droits de la personne contre les fouilles et les saisies abusives. Je pense que la Cour l’a envisagé. Nous avons examiné l’éventail des seuils juridiques existants et ce qu’ils permettent aux agents de l’ASFC de faire en matière de fouilles, et nous nous sommes trouvés au milieu; c’est un heureux compromis entre les bagages, pour lesquels il y a un seuil de zéro — n’importe qui peut faire l’objet d’une fouille à l’entrée sans qu’il y ait de motifs, et c’est une loi bien établie suite à la décision de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Simmons, étant donné la situation unique à la frontière —, et le seuil plus élevé requis, comme les « motifs raisonnables de soupçonner », pour des fouilles plus invasives, y compris la fouille corporelle. Je dirais que la fouille d’un téléphone n’est pas aussi invasive que la fouille du corps d’une personne, et nous avons donc créé cette nouvelle norme qui se situe en plein milieu de ce continuum.
Le sénateur Dalphond : Je souligne que le contrôle de votre ordinateur est plus invasif que le reniflement de votre valise par un chien, et néanmoins, la Cour suprême a déclaré qu’un soupçon raisonnable était nécessaire.
M. Mendicino : C’est normal. Au cours de cette enquête, si le chien devait détecter quelque chose comme de la contrebande sur une personne, cela pourrait conduire à une fouille très invasive.
Nous pensons avoir trouvé le bon endroit sur le continuum pour ce nouveau seuil, et j’ai expliqué que les facteurs qui permettent à l’agent de procéder à la fouille doivent être objectifs, doivent se situer dans le contexte frontalier, doivent être axés sur la personne, doivent être axés sur l’application générale de la Loi sur les douanes ou sur d’autres responsabilités d’application de la loi exécutées par l’ASFC.
Le président : Merci, monsieur le ministre.
La sénatrice Dasko : Merci, monsieur le ministre, d’être ici. Je voulais revenir sur l’exemple que vous avez donné concernant la personne hypothétique qui se présenterait à un poste frontalier, qui éviterait tout contact visuel, qui se balancerait et serait en sueur et qui aurait les autres caractéristiques que vous avez mentionnées. Pourquoi ne seriez-vous pas en mesure de fouiller ce type de personne si vous aviez un seuil plus élevé? Ne pourriez-vous pas fouiller cette personne si le seuil, « motifs raisonnables de soupçonner », était plus élevé? Si une personne se comporte de manière douteuse, ne serait-elle pas ciblée en fonction de ce seuil plus élevé? Pourquoi avez-vous besoin d’un seuil inférieur pour examiner une personne qui présente les caractéristiques que vous avez décrites?
M. Mendicino : Pour commencer, si le seuil supérieur est atteint, nous aurions le droit de procéder à une fouille plus invasive, comme un examen secondaire ou une fouille corporelle. J’ai présenté ce scénario hypothétique en partie parce que l’affaire Canfield, qui s’est déroulée en Alberta, a souligné que ce seuil n’était pas atteint. Le scénario hypothétique indique qu’il peut y avoir un doute au moment d’établir que le seuil plus élevé est atteint ou pas. Plutôt que de continuer à permettre à cette contrebande, à ce contenu nocif, d’entrer au Canada, nous avons établi ce nouveau seuil qui se distingue du critère supérieur des « motifs raisonnables de soupçonner » en n’exigeant pas le même genre de préoccupations relatives aux dispositions spécifiques de la Loi sur les douanes, qui seraient autrement requises pour le critère supérieur.
C’est pourquoi nous disons que ce nouveau seuil est plus flexible et reflète la nécessité de s’attaquer aux préjudices sociaux que j’ai mentionnés.
La sénatrice Dasko : J’ai une autre question concernant la collecte de données que vous proposez. Nous avons entendu dire que vous alliez recueillir des données sur la race. Allez-vous recueillir d’autres types de données, par exemple des données sur le sexe et l’âge, et qu’en est-il des données sur les Autochtones, qui ne sont pas la même chose que les données sur la race? Il s’agit de mesures différentes dans la manière dont les données de base sont collectées. De même, en ce qui concerne l’origine nationale ou la nationalité, quel type de données recueillez-vous déjà? Et, si vous ne recueillez pas ces données maintenant, quels types de données recueillerez-vous en plus de ces types de données démographiques de base?
M. Mendicino : Merci, madame la sénatrice. Premièrement, j’imagine que la nouvelle commission qui sera créée lorsque le projet de loi C-20, que j’ai déposé la semaine dernière, entrera pleinement en vigueur, recueillera exactement les catégories de données fondées sur la race que vous avez fournies dans vos exemples, afin que nous puissions établir de façon très proactive s’il y a ou non des préjugés inconscients ou institutionnels dans les interactions entre l’ASFC et les voyageurs.
Je suis heureux de laisser à M. Millar le soin de préciser si nous recueillons ou non maintenant certaines de ces données.
M. Millar : De façon constante, nous examinons cette question. Évidemment, en ce qui concerne la Loi sur la protection des renseignements personnels, les ministères ne peuvent recueillir que les renseignements conformes à leur mandat et aux pouvoirs qui leur sont conférés par leurs propres lois habilitantes. En même temps, nous voulons nous assurer d’avoir les renseignements qui éclairent notre travail et de ne pas toucher par inadvertance une certaine population de voyageurs. Il s’agit d’un travail continu. Nous pourrions vous donner plus tard une réponse plus détaillée à ce sujet.
La sénatrice Boniface : Bienvenue, monsieur le ministre. En ce qui concerne les normes qui seront mises en place avec la formation, ai-je raison de supposer que la formation inclura la Loi sur la protection des renseignements personnels et les protections qu’elle prévoit? Les agents sont déjà formés à la collecte d’éléments de preuve, mais je suppose qu’ils le seront dans le contexte d’une « préoccupation générale raisonnable ». Est-ce exact?
M. Mendicino : Oui, et aussi dans le cadre de la formation générale qu’ils reçoivent.
La sénatrice Boniface : Vous avez indiqué que, dans chaque cas, un dossier serait créé et conservé pendant une période de deux ans, que la personne soit accusée ou non. Ai-je bien compris?
M. Mendicino : Permettez-moi de clarifier. Dans le cas où on fait une copie d’un document saisi dans un appareil numérique personnel, comme vous l’a dit Mme Aceti, la Loi sur la protection des renseignements personnels exige que cette copie soit conservée pendant deux ans. Il pourrait y avoir des circonstances qui conduisent à une prolongation. C’est une clarification.
D’autre part, on s’attend à ce que les agents de l’ASFC conservent des notes sur toutes leurs interactions dans le cadre de leurs fonctions. Je laisse à M. Millar le soin de dire combien de temps ces notes doivent être conservées.
M. Millar : Les notes sont là pour soutenir l’examen, à la fois la surveillance de la direction et l’examen externe. Elles sont conservées tant et aussi longtemps qu’elles sont pertinentes.
En ce qui concerne la destruction des dossiers, ils sont certainement conservés en tant que preuve lorsqu’il y a une infraction au règlement, mais, lorsqu’il n’y en a pas, Mme Aceti ou M. Nesbitt pourront peut-être en parler.
Mme Aceti : Pour clarifier, le délai de deux ans dont nous parlons suppose qu’une action administrative est prise — une mesure, disons. Sinon, cela ne s’appliquerait pas. Mais nous devrons peut-être vous confirmer plus tard, pour toutes les notes, quelle serait la période de conservation.
La sénatrice Boniface : Il serait utile pour le comité de comprendre que vous avez examiné d’autres administrations. Je pense aux États-Unis et au Royaume-Uni; aucun de ces pays n’a mis en place cette norme. La norme que vous mettez en place serait plus élevée que celle de ces deux administrations. Est-ce exact?
M. Mendicino : C’est exact.
La sénatrice Boniface : Merci.
Le président : Nous tenons à vous remercier chaleureusement d’avoir pris le temps de nous rencontrer aujourd’hui et de nous aider à mieux comprendre les changements proposés et leurs répercussions concrètes. Nous vous souhaitons beaucoup de succès. Nous passerons plus de temps avec vos collègues de la fonction publique.
M. Mendicino : Merci beaucoup.
Le président : Nous poursuivons maintenant avec M. Koops, Mme Aceti, M. Millar et M. Nesbitt. Ils seront avec nous pour le reste de la réunion, car ils ont accepté de rester et de continuer à répondre à nos questions.
Pour la suite, je demanderais aux membres de préciser à qui ils adressent leurs questions, dans la mesure du possible.
La sénatrice Jaffer : Je veux poursuivre sur ce que le ministre a dit. Plus précisément, je sais qu’il y a des indicateurs. Nous le savons tous. J’ai eu trop de temps pour apprendre ce que vous faites. Mon inquiétude est que les indicateurs ne couvrent pas vraiment les problèmes de profilage racial. Malheureusement, nous sommes tous le produit de notre naissance, de notre éducation et de nos stéréotypes.
Je veux vous entendre tous les deux, ainsi que M. Koops. Quelles mesures spécifiques allez-vous mettre en place et en quoi seront-elles différentes? Ce critère est à son plus bas, alors quelles mesures supplémentaires allez-vous mettre en place pour vous assurer qu’il n’y a pas de profilage racial?
Je ne parle pas de l’exemple donné par le ministre. C’est évidemment très légitime. Je parle de personnes qui, comme moi, ont subi l’indignité d’un examen secondaire alors que ce n’était pas nécessaire.
M. Millar : Je peux commencer. Il y a plusieurs choses. La première est que le profilage racial est illégal. Cela existait déjà en tant qu’interdiction. Comme le ministre l’a évoqué, les valeurs de l’ASFC...
La sénatrice Jaffer : Je m’excuse. Je ne veux pas être impolie et vous interrompre, mais nous savons tous que c’est illégal. Cela ne me rassure pas quand on m’envoie passer un examen secondaire. Je ne veux pas en parler ici, parce que je ne veux pas en faire un problème plus important et dire à mes collègues qu’on m’envoie tout le temps passer un examen secondaire, car cela ne me fait pas plaisir.
C’est illégal. Je le sais. J’ai travaillé dur pour cela. Pendant 20 ans, j’ai travaillé au Parlement pour cela. Ça ne veut pas dire que ça ne se fait pas. Mais laissons cela.
M. Millar : Bon, je vais peut-être parler de deux ou trois choses. La première, c’est que la politique qui existe en ce moment sera inscrite dans la loi. Il s’agit donc de la manière dont nous effectuons ces examens et des seuils ainsi que des indicateurs objectifs requis. La race n’est pas un de ces indicateurs sur lesquels les gens sont formés, parce que, encore une fois, nous ne sommes pas autorisés, et nous ne devrions pas l’être, à recueillir des données en fonction de cela. Les indicateurs objectifs sont donc inscrits dans la loi.
La formation est obligatoire. Les agents doivent être désignés. Il y aura un examen, non seulement de ce qui existe maintenant, disons, sous l’égide du Commissariat à la protection de la vie privée, mais aussi sous l’égide de la nouvelle commission d’examen des plaintes qui a été proposée, comme l’a dit le ministre. Si le Parlement l’adopte, cela sera également prévu. Il y a aussi la prise de notes.
Ce sont donc tous les éléments. Bien franchement, certains de ces éléments existent dans les politiques depuis 2015 et ils deviendront des exigences aux termes de la loi. Ensuite, un examen est également possible lorsque les tribunaux examinent les cas respectifs. Ce sont quelques-unes de ces mesures.
La seule autre chose est peut-être que, en ce qui concerne les examens que nous effectuons, en 2021, jusqu’à 19 millions de voyageurs sont entrés au Canada et en sont sortis. Nous avons mené environ 1 700 examens d’appareils numériques personnels. Nous avons eu un taux de résultat de 27 %. Pour d’autres types d’examens, il est de 4 %. Certains mois, il est de 40 ou de 47 %.
Tout cela pour dire que non seulement le racisme est illégal et contraire à nos valeurs, mais il est également stupide d’un point de vue opérationnel, si je peux être franc. Il ne nous aide pas à obtenir le genre de résultats et de taux dont nous parlons ici. Ce sont ces indicateurs objectifs sur quelqu’un qui a menti ou qui a fourni des renseignements incohérents, ou peut-être que nous avons des renseignements d’un autre partenaire ou que nous avons examiné leurs biens. Nous voyons là un problème, une incohérence. C’est donc l’autre élément. Il y a non seulement un incitatif juridique ou moral, mais aussi, sur le plan opérationnel, un incitatif à ne pas faire de profilage racial.
La sénatrice Jaffer : Vous avez dit toutes ces choses, mais vous ne m’avez pas dit quels indicateurs vous alliez mettre en place.
M. Millar : Je vois.
La sénatrice Jaffer : Peut-être que je n’ai pas été claire. Je m’en excuse. Donc, quels indicateurs particuliers allez-vous utiliser?
M. Millar : Il existe une multiplicité d’indicateurs. Certains seront comportementaux, et le ministre en a donné quelques exemples. Il s’agira de personnes qui transpirent et de personnes qui n’établissent pas de contact visuel. Rien de tout cela ne serait suffisant pour le seuil. Il y a les autres éléments, comme l’itinéraire de voyage et la quantité de bagages que les gens apportent. Une partie de cela concerne également les marchandises non déclarées et sous-évaluées. Ainsi, si une personne part et revient avec sept valises, c’est intéressant.
Il existe certains indicateurs que je ne vais pas énumérer de manière exhaustive dans un espace public, car ils sont utiles pour nous permettre d’écarter les marchandises interdites ou de traiter correctement les marchandises non déclarées. Mais ce sont des indicateurs objectifs, et ce ne sont pas des indicateurs liés à la race de quelque manière que ce soit.
Les agents recevront une liste exhaustive. Tous ces indicateurs ne seront pas tous publics. Il y a peut-être des renseignements défavorables qui seraient communiqués à des partenaires internationaux au sujet d’une certaine personne qui pourrait avoir mené certaines activités dans son pays et dont nous devrions être au courant, ou qui pourrait être visée par une alerte.
Le président : Merci, monsieur Millar.
Le sénateur Wells : Je veux poser une question au représentant qui avait parlé du « code déchiffré » après les confiscations pendant que nous posions nos questions au ministre. Je ne suis pas sûr de qui c’était. Je n’ai pas pu lire son nom sur mon écran.
M. Millar : C’était moi, monsieur le sénateur.
Le sénateur Wells : Merci.
Donc, si l’appareil numérique est confisqué parce que quelqu’un ne veut pas donner son mot de passe et que ce code est déchiffré, pour reprendre les mots utilisés... la fouille serait-elle effectuée avec la connectivité activée ou désactivée? La politique ou la règle sera-t-elle toujours respectée?
M. Millar : La règle sera toujours que la première chose qu’un agent doit faire est de couper la connectivité de l’appareil.
Le sénateur Wells : Je comprends cela. Mais après cela, si je dis que je ne vais pas vous donner mon mot de passe et que vous prenez mon téléphone et qu’il est envoyé à un endroit quelconque où le code est déchiffré, la recherche sera-t-elle effectuée avec la connectivité activée ou désactivée? Parce que je présume qu’elle sera faite en dehors du site.
M. Millar : Désactivée.
Le sénateur Wells : Y a-t-il une garantie pour le passager — ou pour les Canadiens — que cela sera désactivé?
M. Millar : Eh bien, la loi et les règlements, mais je vais peut-être me tourner vers Scott Nesbitt, qui est notre avocat. Je vais lui demander son avis sur cette question.
Le sénateur Wells : J’ai une autre question sur la connectivité, alors n’allez pas trop loin.
Me Scott Nesbitt, avocat général, ministère de la Justice, Services juridiques de l’ASFC, Agence des services frontaliers du Canada : Il s’agit toujours du même pouvoir d’examen qui serait utilisé après le déchiffrement du mot de passe, donc les mêmes limites s’appliqueraient, y compris le fait que l’agent ne peut accéder à rien d’autre qu’aux données stockées sur l’appareil lui-même. Donc la connectivité au réseau devrait être désactivée après que le mot de passe a été déchiffré.
Le sénateur Wells : Maître Nesbitt, le passager n’a toujours pas de garantie que cela sera fait, car je suppose qu’il ne sera pas dans la pièce lorsque ce sera fait.
Me Nesbitt : Pas si l’appareil...
Le sénateur Wells : Alors qu’à l’examen secondaire, le passager se tenait juste là.
Mme Aceti : Puis-je ajouter quelque chose à cette réponse? Dans ces cas où le mot de passe n’est pas fourni et que l’ASFC, en vertu de la Loi sur les douanes, retient l’appareil pour qu’il soit déverrouillé, l’appareil sera envoyé à notre laboratoire. Il serait déverrouillé là-bas, puis il serait remis à l’agent pour qu’il reprenne l’examen. L’examen ne serait pas effectué par le laboratoire en dehors du site. Il serait remis à l’agent, et il serait soumis aux règlements qui prescrivent que la connectivité du réseau soit désactivée.
Le sénateur Wells : Merci. J’ai une question sur la connectivité, parce que j’ai entendu quatre termes, et je veux bien les utiliser. J’ai entendu le ministre mentionner le « signal antenne ». C’est la première fois que j’entends ce terme. J’ai entendu « désactiver le WiFi et le signal cellulaire ». J’ai entendu « mode avion » — nous le connaissons bien — et il y a eu une discussion en deuxième lecture sur la « connectivité numérique ».
Quel est le bon terme à utiliser pour nous assurer de bien dire les bonnes choses? Parce que je peux mettre mon appareil en mode avion tout en accédant à Internet, par exemple, au moyen du WiFi. Quel est donc le terme correct que nous devrions utiliser? Qu’est-ce que cela englobe?
M. Millar : « Connectivité ». Il s’agit au final de ne rechercher que ce qui se trouve dans l’appareil. Donc, selon le déroulement des choses, ce n’est que ce qui est sur l’appareil et non un langage imprécis qui nous permet d’aller plus loin que cela.
Le sénateur Wells : Serait-ce la connectivité numérique ou la connectivité réseau? Nous faisons une loi, et nous devons être précis, alors j’aimerais le savoir.
M. Millar : La connectivité réseau, oui.
Le sénateur Wells : Très bien, super. Quelqu’un a dit — et je pense que c’était le ministre, en fait — que les règlements sur le projet de loi S-7 sont en cours de rédaction. Est-ce exact?
M. Millar : C’est exact.
Le sénateur Wells : Comme cette loi accorde le droit de rédiger des règlements, le comité peut-il obtenir une copie des règlements provisoires?
M. Millar : Je voudrais revenir, monsieur le sénateur, sur le moment approprié pour le faire. Il s’agit en fin de compte de quelque chose qui sera approuvé par le Comité du Cabinet du Conseil du Trésor, mais il exposera tous les éléments de la façon dont nous le ferons.
Nous pourrions fournir plus de renseignements sur ce qui est envisagé dans le règlement, qui serait conçu pour entrer en vigueur au moment de l’entrée en vigueur de cette loi, vu qu’il s’agit d’un élément clé des mesures de responsabilité pour ce nouveau seuil.
Le sénateur Wells : Bien sûr, merci.
La sénatrice Boniface : Je remercie les fonctionnaires d’être ici. Je vais me concentrer sur quelques points, en particulier sur la formation. Je veux bien comprendre le niveau et le type de formation que doivent suivre les agents de l’ASFC, en particulier ceux qui seront chargés de cette question. Pourriez-vous nous fournir un peu plus de détails?
M. Millar : Oui, je vais commencer, puis je demanderai à mes collègues d’ajouter quelque chose.
Comme le ministre y a fait allusion, il s’agit d’une formation intensive. Nous avons notre Collège de l’ASFC, où un agent des services frontaliers apprend tous les outils de son métier. Les agents sont maintenant formés dans le cadre de notre politique actuelle concernant la fouille des appareils numériques personnels, y compris les indicateurs utilisés, l’interruption de la connectivité réseau, etc. De plus, comme cela a déjà été évoqué ce matin, il existe une formation sur la diversité et les relations raciales.
Puis, évidemment, il y a la formation en cours d’emploi après l’obtention du diplôme du Collège de l’ASFC. Évidemment, les superviseurs et la direction jouent un rôle en les guidant dans cet aspect de la formation en cours d’emploi.
Tout cela pour dire que ce que signifie être un agent de sécurité est un mélange d’éléments plus large que ce qui est énoncé ici dans la loi, mais cela comprend déjà bon nombre des éléments qui sont couverts par la loi. Cependant, manifestement, l’inscription du seuil dans la législation va enrichir notre formation sur les indicateurs. Ils seront formés sur le règlement lui-même, ce qui couvrira la prise de notes et tous les éléments relatifs à des choses comme le moment où l’appareil a été fouillé et dans quel but, ce qui a été trouvé sur l’appareil, ce qu’on en a fait, quelles applications ont été examinées et quelle a été la durée, donc un certain nombre de ces différents éléments. Il est évident que la formation sera renforcée par la législation.
La sénatrice Boniface : Merci. J’essaie d’être rapide. Le ministre a fait référence aux fouilles et au résultat des décisions de l’Alberta et de l’Ontario. J’imagine que vous êtes en train de suivre quelque chose. Pouvez-vous nous éclairer à ce stade sur les répercussions de ces deux décisions judiciaires? Êtes-vous déjà à cette étape?
M. Millar : Pour ces deux provinces, il s’agit maintenant des « motifs raisonnables de soupçonner » pour pouvoir entreprendre cet examen. Les premières données montrent que nos examens ont diminué de 60 % en raison de ce seuil plus élevé. C’est ce que nous constatons jusqu’ici, et c’est inquiétant.
La sénatrice Boniface : Merci.
Le sénateur Yussuff : Mesdames et messieurs, merci encore une fois d’être ici.
Le ministre a indiqué que le règlement est en cours de rédaction. Mais le règlement sera-t-il soumis au même processus public de publication dans la Gazette et de commentaires du public? Des modifications ou des recommandations supplémentaires pourraient-elles découler du processus public?
Mme Aceti : Merci, monsieur le président. Je dirais que nous avons déjà publié une intention de réglementer pour commencer à solliciter les commentaires du public sur le règlement afin de soutenir la transparence que vous recherchez. C’est donc ce que nous avons fait. C’était censé être pour une période de 30 jours, et ensuite nous procéderons au processus de réglementation avec nos collègues du Conseil du Trésor.
Le sénateur Yussuff : Lorsque vous aurez publié le règlement proprement dit, le public sera-t-il toujours en mesure de le voir? Nous ne savons pas ce que vous êtes en train de rédiger. Nous ne l’avons pas encore vu. De toute évidence, cela est guidé par la législation et par ce que le ministre a indiqué, mais quand le public aura-t-il la chance de voir réellement le règlement et pas seulement de faire des commentaires sur le fait que vous êtes en train de rédiger le règlement?
Mme Aceti : Exact, il y a donc une certaine urgence pour achever le règlement afin qu’il puisse entrer en vigueur en même temps que la loi. Nous devons nous demander si le délai de publication sera pris en considération, et c’est pourquoi nous avons publié l’avis de consultation et que nous pouvons décrire ici aujourd’hui la façon dont le règlement devrait contenir l’obligation que les agents désactivent la connectivité réseau et prennent des notes détaillées dans le contexte de l’examen. Le règlement est conçu de manière à créer des limites au déroulement de l’examen et à fonctionner conjointement avec la loi, qui prévoit des limites au déclenchement de l’examen. Encore une fois, les deux éléments fonctionnent ensemble pour créer des limites et mettre en place les contrôles demandés par le tribunal.
Le sénateur Yussuff : Vous dites que nous allons manifestement avoir une nouvelle commission d’examen des plaintes du public. Il me semble que cela complète la législation que le ministre propose ici. L’autre aspect de la chose, bien sûr, est qu’elle survient après l’adoption de la loi qui nous est présentée.
Encore une fois, je suppose que lorsque le projet de loi sera renvoyé au Sénat, nous devrons nous pencher sur la cohérence, sur la façon dont les éléments se complètent en ce qui concerne certains des points qui ont été soulevés par moi-même et par d’autres sénateurs du comité.
Quel est le calendrier? Je ne devrais pas vous poser cette question. Nous saurons tôt ou tard quand cette loi sera adoptée par le Parlement et ici, afin que nous puissions voir l’aspect complémentaire de la commission des plaintes du public pour combler certaines lacunes que nous pourrions vouloir corriger, mesdames et messieurs les sénateurs, en ce qui concerne ce nouveau texte de loi.
M. Millar : Absolument. Comme vous le dites, je ne peux pas me prononcer sur la volonté du Parlement pour ce qui est du niveau et de la durée de l’examen et de ce qui pourrait être modifié, mais de toute évidence, c’est un élément important pour garantir un examen solide et pour que nous soyons tenus responsables de la façon dont nous appliquons cette loi. Il y a aussi le commissaire à la protection de la vie privée et les tribunaux.
Sécurité publique Canada s’occupe de la commission d’examen. Il serait inapproprié que nous soyons responsables de la loi pour laquelle nous sommes soumis à un examen.
Monsieur Koops, je ne sais pas si vous voulez ajouter quelque chose, mais je pense qu’il est difficile de se faire une idée du calendrier.
M. Koops : En effet, monsieur Millar. Le projet de loi a été présenté il y a deux semaines. Il est en attente de la deuxième lecture à l’autre endroit. Le ministre a demandé à ses collègues députés là-bas d’adopter rapidement le projet de loi.
Je tiens à souligner, pour les besoins du comité, que le projet de loi qui vous est présenté et le projet de loi C-20 ne sont pas coordonnés pour ce qui est de leurs amendements. Ils modifient des choses différentes. Les types de fouilles dont il est question ici pourraient, bien sûr, être examinés par la nouvelle commission, soit en réponse à une plainte particulière au sujet d’un cas particulier, soit en vertu du pouvoir plus large de la commission d’examiner ce que nous désignons comme un « sujet précis » ou ce qui serait un examen stratégique plus large.
En attendant, ils ne se coordonnent pas entre eux. Ils sont évidemment alignés, mais ils modifient des choses différentes.
Le sénateur Yussuff : Je remercie le témoin.
Le sénateur Dalphond : Si j’arrive à poser toutes mes questions, j’aimerais demander au ministère de faire un suivi.
Le ministre a dit qu’il n’y avait pas de critères et que nous acceptons d’avoir des critères plus élevés qu’aux États-Unis et au Royaume-Uni. J’ai sous les yeux la loi de 1979 sur la gestion des douanes et de l’accise. L’article 163A fait référence au pouvoir de fouiller des articles. Il est conféré aux agents frontaliers s’ils ont des motifs raisonnables de soupçonner. L’article 164 confère le pouvoir de fouiller des personnes s’ils ont des motifs raisonnables de soupçonner.
Le ministère va-t-il confirmer qu’il a examiné la législation au Royaume-Uni, en particulier, et aux États-Unis, et que ce ne sont pas les « motifs raisonnables de soupçonner » qui sont utilisés au Royaume-Uni?
Je demande, monsieur le président, si le ministère peut faire un suivi auprès du comité et nous le faire savoir, car le ministre semble avoir dit qu’il n’y avait pas de critères, pas de seuil, au Royaume-Uni.
Mon autre question découle de ce que le ministre a dit et de ce que vous avez dit, monsieur Millar, auparavant. Il s’agit de la pratique actuelle en Alberta et en Ontario. Vous avez dit que les répercussions de l’utilisation des « motifs raisonnables de soupçonner » ont réduit le nombre de fouilles de 60 %. Pouvez-vous nous parler des 40 % de fouilles qui ont été effectuées? Quel était le taux de réussite?
M. Millar : Je ne pourrais pas le faire de mémoire. Ce que je disais, c’est qu’il y a eu une réduction de 60 % des examens. Il s’agit de tout examen, qu’il soit réussi ou non. C’est une première indication que nous avons de ce côté-là.
Le sénateur Dalphond : Soixante pour cent de moins?
M. Millar : Moins d’examens.
Le sénateur Dalphond : Des ordinateurs, des iPads ou de façon générale?
M. Millar : Des appareils numériques personnels. Tout ce qui stocke des données numériques que nous considérons comme la propriété de quelqu’un.
Le sénateur Dalphond : Pourriez-vous nous fournir des renseignements sur les 40 % qui ont été effectués, le plus petit nombre, s’il a eu plus de succès que d’habitude parce que les motifs étaient plus ciblés?
M. Millar : Je vais demander à Mme Aceti de répondre à cette question ainsi qu’à votre question sur l’aspect international.
Mme Aceti : Merci. Je vais peut-être commencer par le Royaume-Uni. Nous croyons comprendre que le traitement des appareils numériques personnels au Royaume-Uni relève du pouvoir d’examen sans seuil qui s’applique aux marchandises, un peu comme le modèle canadien actuel. Les appareils numériques personnels sont considérés comme des biens inclusifs au Royaume-Uni, et ils sont donc soumis à un pouvoir d’examen sans seuil. Je crois que l’article 164, qui concerne la fouille de la personne, est semblable à notre fouille à nu, qui est assujettie à un seuil plus élevé ici aussi au Canada.
Le sénateur Dalphond : L’article 163 concerne la fouille d’articles.
Mme Aceti : Il faudrait que je regarde cela pour le confirmer, mais encore une fois, nous croyons savoir que la définition d’« articles » ne comprend probablement pas les appareils numériques personnels, que ceux-ci feraient partie de la catégorie des biens non assujettis à un seuil.
Le sénateur Dalphond : Vous pourrez également vérifier les données concernant le taux de réussite associé aux motifs plus ciblés?
Mme Aceti : Certainement.
M. Millar : Si vous le permettez, par rapport au taux de réussite, nous ferons un suivi sur ce point.
Il demeure important de souligner que ce n’est pas que les motifs raisonnables de soupçonner ne mèneront pas au pouvoir d’examiner. Il s’agit plutôt d’un délai très court dans lequel les agents des services frontaliers ne disposent que de peu de renseignements : ils ont la personne et ce qu’elle transporte. Il se peut que nous sachions qu’une contravention particulière et que certains indicateurs soient présents, mais il s’agira aussi très souvent d’une situation où il y a des réponses incohérentes, des indicateurs comportementaux, des bagages incohérents, et tout le reste. Le seuil inférieur offre à l’agent la possibilité de ne pas devoir anticiper et de faire une pause ou de s’arrêter s’il ne sait pas précisément s’il y a une infraction réglementaire particulière. Il permet l’escalade de l’examen jusqu’à ce point. Je ne veux pas supposer que quelque chose nous échappe si nous ne faisons pas plus d’examens, mais je ne veux pas supposer que tout était négatif non plus. Cependant, nous savons qu’un processus d’examen réussi jusqu’ici — à un niveau bien supérieur à d’autres types d’examens — n’a plus lieu.
Maître Nesbitt, pour ce qui est de l’exemple du Royaume-Uni, afin que nous n’ayons pas trop de suivis à faire ici, vous pouvez peut-être répondre à toutes les questions pendant la réunion du comité. Avez-vous quelque chose à ajouter à ce sujet?
Me Nesbitt : Je n’ai rien à ajouter au-delà de ce que Mme Aceti a déjà dit. D’après ce que nous comprenons, les agents frontaliers du Royaume-Uni examinent les appareils en vertu du pouvoir d’examen sans seuil qu’ils utilisent pour les marchandises, un peu comme l’ASFC le faisait en vertu de l’alinéa 99(1)a). Ils ont une norme du soupçon raisonnable pour la fouille de personnes, mais cela est conforme aux dispositions de l’article 98 de la Loi sur les douanes concernant les fouilles à nu ou autres fouilles personnelles.
Le président : Merci. Nous vous serions reconnaissants de fournir tout document de suivi en réponse aux questions soulevées par le sénateur Dalphond.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Ce qui m’inquiète dans tout cela, c’est qu’on donnera une responsabilité supplémentaire à l’Agence des services frontaliers du Canada, alors qu’on sait qu’il y a un manque flagrant de personnel et que certains postes frontaliers doivent fermer plus tôt. On se rabat sur les postes frontaliers principaux où il y a des files d’attente interminables. J’ai hâte de voir le résultat entraîné par les responsabilités supplémentaires et les agents des services frontaliers non formés.
Comme d’habitude, le ministre n’a pas répondu à ma question sur la justification de la diminution très significative des amendes à ceux qui entravent le travail des agents de la paix au moment de la fouille. J’aimerais connaître les réactions des agents des services frontaliers qui, eux, ne sont pas ici à la table pour s’exprimer.
Selon vous, qu’est-ce qui justifie, encore une fois, de donner un nouvel avantage à ceux qui ne respectent pas les agents des services frontaliers? Quant à moi, une diminution significative des amendes ne donne pas d’outils aux agents des services frontaliers. On leur donne des responsabilités supplémentaires, mais on leur enlève des outils; j’aimerais vous entendre sur le sujet.
M. Millar : Merci de votre question, monsieur le sénateur.
Acceptez-vous que je vous réponde en anglais pour être plus précis?
Le sénateur Dagenais : Bien sûr, monsieur, nous avons la traduction.
[Traduction]
M. Millar : La responsabilité pour l’ASFC de mener ces examens existe bel et bien maintenant, et les politiques et les bulletins opérationnels qui ont guidé notre travail nous guident depuis 2015 et ont été examinés par le Commissariat à la protection de la vie privée et ont été améliorés et guidés par ces examens, et, évidemment, seront inscrits dans la loi.
Je pense qu’une chose importante que je voudrais souligner, cependant, c’est que, comme vous le dites, monsieur le sénateur, les agents de l’ASFC sont très occupés, et il se passe beaucoup de choses. Nous appliquons 90 lois et règlements qui ne sont pas les nôtres. Ce dont nous parlions ici concerne les infractions réglementaires. Cela n’est pas du tout lié aux infractions pénales. Il s’agit de marchandises non déclarées, de marchandises sous-évaluées — il y a une réelle composante économique à ce dont nous parlons ici — ainsi que de marchandises interdites où l’on trouve, comme dans les exemples qui ont été donnés, de la propagande haineuse, de la victimisation sexuelle des enfants et de la pornographie infantile.
Tout ça pour dire que cela se retrouve dans cet espace réglementaire. Si quelque chose — comme la pornographie infantile, qui en est l’exemple le plus clair — s’assortit d’une infraction au Code criminel, l’information contenue sur cet appareil est remise à la police, qui entre alors dans l’espace du seuil criminel et des exigences qui lui sont propres pour poursuivre l’examen. Tout ce qui s’inscrit dans un espace criminel, comme des amendes, les déclarations de culpabilité par procédure sommaire et les déclarations de culpabilité par mise en accusation, se retrouve dans un espace criminel distinct où la police enquêtera.
En fin de compte, oui, il y a l’obligation de répondre honnêtement à un agent des services frontaliers, de mettre à sa disposition un appareil numérique personnel qui nous aidera à déterminer si nous devons calculer les droits d’une certaine manière en fonction de ce qui a été donné... ou, encore une fois, le suivi d’une infraction réglementaire résulte d’autres choses. Il s’agit d’empêcher l’entrée de marchandises qui ne devraient pas entrer ou d’évaluer correctement les marchandises, celles qui devraient être évaluées.
Madame Aceti, souhaitez-vous ajouter quelque chose à ce sujet?
Mme Aceti : Certainement, si je peux juste ajouter quelque chose au premier point... encore une fois, comme le souligne M. Millar, ce que nous faisons dans cette proposition, c’est créer des limites et des mesures de contrôle là où il y avait auparavant un pouvoir d’examen qui n’était assorti d’aucun seuil. L’ASFC était autorisée à effectuer ces examens auparavant, et cela a été confirmé par les tribunaux dans beaucoup de cas de jurisprudence différents. Dans cet exercice, nous créons des mesures de contrôle et une limite. Cela ne représente pas un nouveau pouvoir ou le prolongement du pouvoir des agents de l’ASFC.
Par rapport au deuxième point, je crois, monsieur le président, que nous faisons allusion à l’amendement relatif à la pénalité pour faire obstacle à un agent. Je peux donc simplement dire que cet amendement est conçu pour s’aligner sur une infraction similaire qui existe en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, et que l’effort consiste simplement à aligner ces deux infractions similaires dans ces deux textes de loi importants pour l’ASFC. En fait, il s’agit non pas d’une atténuation, mais bien d’un moyen de s’assurer qu’il y a à la fois une déclaration de culpabilité par procédure sommaire et une déclaration de culpabilité par mise en accusation afin que ces deux lois soient harmonisées.
Merci.
Le président : Merci beaucoup de ces réponses utiles.
Le sénateur Richards : Merci aux témoins.
Je sais que c’est une déclaration générale, mais je vais la faire. Si vous ne pouvez pas me convaincre que cela ne sera pas arbitraire ou autoritaire, alors je ne peux pas le soutenir en toute conscience.
L’idée du profilage va au-delà de la race ou du sexe. Elle relève d’une opinion personnelle des agents frontaliers à certains moments, et je ne suis pas sûr que quiconque puisse avoir une formation suffisante pour mettre fin à ses propres préjugés à cet égard.
Je me demande simplement si vous êtes convaincus que le projet de loi est bien pensé, ou pensez-vous que des modifications devraient lui être apportées par le Sénat lorsqu’il lui sera renvoyé?
M. Millar : Sénateur, je veux laisser aux décideurs l’espace nécessaire pour élaborer des politiques et les défendre, et m’assurer que je suis dans l’espace nécessaire pour répondre à ce que cette législation fait et a été conçue pour faire. Je peux peut-être formuler quelques commentaires généraux.
Le premier, c’est que même si l’attente en matière de vie privée à la frontière est réduite, elle n’est pas inexistante. Un téléphone ou un appareil personnel n’est plus ce qu’il était il y a 20 ans. Votre vie entière peut se retrouver sur votre appareil, en particulier lorsqu’il y a une connectivité réseau. Même si la cour a clairement indiqué que, compte tenu de cette mosaïque des circonstances, l’absence de seuil n’est pas conforme à l’article 8 de la Charte, elle reconnaît qu’il y aura un espace, peut-être en dessous du niveau des « motifs raisonnables de soupçonner », et c’est quelque chose dont, encore une fois, avant cette loi, avant ces opinions de la cour, l’ASFC a tenu compte. Encore une fois, c’est pourquoi nous avons aujourd’hui ces politiques et c’est pourquoi le Commissariat à la protection de la vie privée les a examinées. Nous avons circonscrit la politique et mis en place certaines protections, mais, absolument, nous respectons le tribunal. Pour ce qui est de la nécessité de légiférer sur le seuil, absolument, c’est excellent de légiférer et d’inscrire ce qui, dans la pratique, est maintenant une exigence à l’ASFC. Absolument, nous sommes heureux de devoir rendre des comptes, et au-delà des autres types d’examens externes qui ont eu lieu, l’organisme d’examen des plaintes est quelque chose qui est important pour nous. La prise de notes et d’autres éléments viendront appuyer cela. Il y aura l’obligation législative pour nos agents de suivre le processus.
Ce que je peux dire, c’est que, d’après ce que je comprends, la façon dont cela a été conçu et la façon dont cela a été abordé dans la déclaration de la Charte, c’est qu’il s’agit d’aborder à la fois la sécurité et la protection des renseignements personnels et de mettre à jour la législation, la Loi sur les douanes, pour refléter l’environnement actuel.
Le sénateur Richards : Merci. Rapidement, je dirai qu’il s’agit toujours d’une interaction personnelle entre l’agent frontalier et le passager, et si le passager se sent nerveux, mais n’a aucune raison de l’être et qu’il transpire, il peut être emmené et fouillé à nu, et son téléphone, identifié, et je pense que c’est un indicateur plausible de dépassement.
Je vais m’arrêter là.
Le président : Merci, monsieur le sénateur Richards. Nous allons prendre cela comme un commentaire plutôt que comme une question.
La sénatrice Dasko : Ma question suit celle du sénateur Richards en ce qui concerne les problèmes de protection des renseignements personnels. J’aimerais approfondir un peu plus les questions.
Certains des documents de référence que nous avons reçus donnent à penser que le commissaire à la protection de la vie privée cherchait un seuil plus élevé que ce que nous voyons dans la loi, alors je veux vous demander ce qu’il en est et quelle est la réaction du commissaire à la vie privée face à cette loi. Si le commissaire souhaitait un seuil plus élevé, qu’est-ce que cela veut-il dire? Cela augure-t-il bien pour l’avenir de la législation si le commissaire à la protection de la vie privée n’est pas entièrement satisfait?
Je veux juste poser une toute petite question concernant la réduction de 60 % des examens. Je veux m’assurer que nous ne parlons pas d’une réduction qui pourrait être liée à la COVID, à la diminution générale des voyages à cause de la COVID, mais plutôt que la réduction de 60 % est liée au bassin de voyageurs qui se présentent, à la réduction de la taille de ce groupe, plutôt qu’être liée à la COVID.
Voilà mes questions, et merci.
M. Millar : Absolument. Malheureusement, la COVID dure depuis un certain temps déjà, et l’application du seuil des « motifs raisonnables de soupçonner » en Alberta et en Ontario est assez récente, vu l’applicabilité de cette décision. Elle est entrée en vigueur le 28 avril, si ma mémoire est bonne. J’espère avoir répondu à votre question sur ce point.
Pour ce qui est de la protection des renseignements personnels, je suis désolé. Quelle était la question?
La sénatrice Dasko : Je crois savoir que le commissaire à la protection de la vie privée...
M. Millar : Oui, le commissaire à la protection de la vie privée. Merci. Désolé.
Absolument. Je ne veux pas parler pour le commissaire à la protection de la vie privée, et il est certain que nous l’avons informé des éléments du projet de loi, mais je lui laisse le soin d’en parler.
Dans le rapport de 2019, il était recommandé d’exclure les appareils numériques personnels en tant que « bien ». La loi en fait une catégorie spéciale avec certaines limites, car un appareil numérique est un bien. Nous avons des importations d’iPads et de tout le reste. C’est l’examen lui-même, et c’est l’application de l’article 8 de la Charte qui introduit le seuil. Cela exigeait l’élaboration d’un cadre juridique, que vous avez devant vous, ainsi que le fait de passer d’une multiplicité d’indicateurs à des « motifs raisonnables de soupçonner ».
Encore une fois, comme le précise l’Énoncé concernant la Charte, l’intention de la loi est de refléter le caractère unique de la frontière et les attentes réduites en matière de protection de la vie privée, mais aussi les exigences opérationnelles, si vous le voulez, concernant la façon dont cela nous a aidés jusqu’ici avec le seuil réduit, sous les « motifs raisonnables de soupçonner », à maintenir un niveau d’examen qui continue d’avoir un bon taux de résultats par rapport aux autres types d’examens.
La sénatrice Dasko : Je crois savoir que le commissaire à la protection de la vie privée n’approuvait pas le seuil ici, donc je veux confirmer que c’est le cas. Je me demandais vraiment si cela allait poser un problème avec la loi lorsqu’elle sera présentée aux tribunaux ou par la suite. Je me trompe peut-être. Si je me trompe dans mon interprétation de ce que j’ai lu, alors je serai heureuse d’être corrigée.
M. Millar : Si j’ai bien compris, le commissaire à la protection de la vie privée continue de suggérer le seuil des « motifs raisonnables de soupçonner ». En ce qui concerne la mesure dans laquelle une situation peut poser problème, je laisse le soin à la Chambre des communes et au Sénat de l’établir. Encore une fois, je vous renvoie à l’Énoncé concernant la Charte. Je sais qu’il vient de paraître vendredi, mais il traitera de la cohérence de tout cela avec l’article 8.
La sénatrice Dasko : Merci.
La sénatrice M. Deacon : Ma question comporte deux parties, et elle porte sur les aspects pratiques et fonctionnels de ce travail. Vous avez parlé de la prise de notes qui est indiquée dans le règlement. Est-ce qu’un agent frontalier devrait noter les détails de la raison pour laquelle il entre dans chaque application d’un appareil numérique personnel en fonction de son raisonnement objectif? Est-ce quelque chose qui est déjà fait?
Mme Aceti : Oui, le règlement précisera que la prise de notes devra inclure un certain nombre de facteurs, comme vous l’avez décrit : la durée de l’examen, les applications auxquelles on a accédé, les indicateurs qui ont permis d’atteindre le seuil. Tous ces détails figureraient dans les notes.
Pour établir ces paramètres, nous avons examiné l’affaire Therens, une autre affaire qui décrit la prise de notes par la police, juste comme un guide, en essayant de trouver des éléments d’information précis qui devraient être inclus dans les notes, encore une fois sous réserve de cet examen concret pour montrer ces facteurs objectifs et raisonnables qui ont fait en sorte que le seuil a été atteint.
La sénatrice M. Deacon : Merci. Cette question a été soulevée de plusieurs façons cet après-midi, mais je pense aux frontières et, bien sûr, à l’eau, à la terre et à l’air, à toutes nos différentes frontières.
Pouvez-vous me parler un peu plus? Disons que je suis un citoyen et que je suis arrivé — je pars, j’arrive — et que je suis dans ce moment — je vais l’appeler le « feu de l’action » — où je me sens peut-être injustement ciblé par ces nouvelles mesures, ou je sens peut-être que les autorités — soyez indulgents avec moi — abusent de leurs pouvoirs pour jeter un coup d’œil à mes photos ou à mes messages. Pouvez-vous nous parler un peu de ce à quoi cela ressemble?
M. Millar : Deux ou trois choses. La première est que, encore une fois, il y aura des exigences légales où vous devrez présenter des biens. Vous devez répondre sincèrement aux questions posées. Vous devez rendre disponible, dans ce cas, le mot de passe. Encore une fois, le Commissariat à la protection de la vie privée peut recevoir des plaintes. L’organisme proposé d’examen des plaintes sera en mesure de recevoir les plaintes. Certainement, nous pouvons aussi recevoir des plaintes en tant qu’organisation et, du point de vue de la surveillance de la gestion, chercher à réagir aux préoccupations. Il y a là une sorte de mosaïque.
Mme Aceti : Je vais peut-être vous présenter brièvement un processus type. Comme M. Millar y a fait allusion, tous les voyageurs doivent faire leur déclaration de douane, répondre à cet égard et déclarer leurs marchandises. Ils passent par l’inspection primaire pour ce processus.
La grande majorité des voyageurs sont traités assez rapidement à l’inspection primaire. Ils font preuve de conformité; Canadiens de retour au pays, visiteurs, etc. C’est là que nous soulignons le fait que, en 2021, moins de 1 % des voyageurs ont été soumis à un examen de l’appareil. La grande majorité des voyageurs qui passent par le processus primaire se conforme aux exigences et à la législation frontalières.
Les voyageurs peuvent être renvoyés à un examen secondaire pour diverses raisons. L’une d’entre elles peut être la présence d’indicateurs à l’inspection primaire, c’est-à-dire des renseignements incohérents qui, selon l’agent, doivent être explorés davantage. La personne peut être ciblée en raison d’un contrôle préalable à l’arrivée. Il peut s’agir de mandats en suspens contre une personne, d’antécédents criminels, etc. Ou il pourrait y avoir un renvoi aléatoire à l’inspection secondaire.
En ce qui concerne les voyageurs faisant l’objet d’un examen secondaire, l’agent responsable continuerait de poser des questions. La vérification d’appareils surviendrait seulement lors de l’examen secondaire, mais encore une fois, l’agent devrait s’en tenir aux indicateurs qui atteignent le seuil en fonction de questions supplémentaires. Il pourrait poser une série de questions s’il était d’avis que de l’information était incohérente ou confuse. La plupart du temps, la fouille est progressive; donc, on fouillerait d’abord les bagages avant de procéder à la vérification des appareils — encore une fois, seulement lorsque l’agent peut justifier les faits raisonnables et objectifs qui font en sorte que le seuil est atteint.
La sénatrice M. Deacon : Vous avez dit qu’un aspect important de cette procédure est la communication. De façon générale, les gens pensent : « oh, cela se fait de façon aléatoire » ou « je fais juste partie de 100 personnes chanceuses » — et que, respectueusement, vous tentez d’atteindre un quota.
Tout le monde a son histoire, je pensais que quelqu’un cherchait un sandwich dans mon sac à dos, et pas un pistolet. Lorsqu’ils ont dit « nous pensons que vous avez un pistolet »..., vous savez ce qui arrive à votre corps et les réponses que vous allez donner.
J’essaie juste de penser à tous ces aspects, pendant que nous abordons le sujet, qui atténue les conséquences, comme une bonne communication et une bonne compréhension. Parce que présentement, le niveau de stress lié aux voyages est plus élevé que jamais. La perception liée au fait d’être « choisi au hasard » ou « d’être choisi parce que... », est complètement erronée.
Mme Aceti : Certainement. En ce qui concerne l’aiguillage aléatoire vers un examen secondaire, le seuil devrait être établi et expliqué par l’agent chargé de l’examen secondaire, qui tient, encore une fois, à ces indicateurs.
La question relative aux indicateurs comportementaux a été soulevée quelques fois cet après-midi. Il est évident que les agents comprennent que différentes personnes puissent agir différemment face à des personnes chargées de faire respecter la loi en raison de divers facteurs : nervosité, longs déplacements, frustration. Évidemment, tous les voyageurs peuvent comprendre le fait d’être peut-être impatient, frustré et nerveux. Un indicateur comportemental similaire n’atteindrait pas le seuil. Les agents veulent déceler des indicateurs qui vont au-delà de ces indicateurs comportementaux. Il s’agit d’un point important. Cela prévient aussi le fait de traiter différemment ceux qui pourraient interagir différemment avec les personnes responsables de faire respecter la loi. Les agents sont aussi formés dans le cadre de leurs cours axés sur la diversité et les relations raciales de façon à comprendre que différents groupes pourraient agir différemment en présence de personnes chargées de faire respecter la loi.
Le sénateur Boehm : Pour faire suite au commentaire du sénateur Deacon concernant la communication... alors que nous entamons notre 30e année de collaboration entre le département de la Sécurité intérieure, l’ASFC et la Customs and Border Protection, ou CBP, ainsi qu’avec toutes les instances touchées, comment qualifieriez-vous le niveau de communication quotidienne, et pensez-vous que les États-Unis comprennent ce que nous essayons d’accomplir dans le cadre de ce projet de loi par exemple?
M. Millar : Absolument, monsieur le sénateur. À la lumière des échanges survenus concernant la relation entre les agences, c’est très clair — en fait, mercredi, je serai à Washington pour participer à une réunion bilatérale avec mon homologue qui travaille à la CBP. Nous avons toujours entretenu une relation solide avec nos homologues américains, surtout en ce qui concerne la COVID, la situation dynamique en matière de santé et les exigences respectives devant être respectées à la frontière, ainsi que la façon de gérer la situation en Ukraine. Des crises et des situations surviennent toujours. La situation notamment en Syrie et les [Difficultés techniques], et manifestement la situation en Afghanistan et l’Ukraine, ont fait en sorte qu’il a fallu échanger constamment de l’information sur le plan opérationnel; mais aussi, fait plus important encore, des décisions en matière de politiques ont été prises, des lois ont été adoptées des deux côtés pour tenter, autant que possible, de présenter le processus aux voyageurs afin de s’assurer que les voyageurs comprennent les exigences pour qu’ils ne soient pas nerveux pour rien, comme ma collègue l’a mentionné. Nous travaillons en très étroite collaboration avec nos collègues des États-Unis.
Le sénateur Boehm : J’aimerais être plus précis. L’Association du Barreau canadien et le Barreau du Québec ont recommandé qu’un groupe de travail axé sur le secret professionnel soit présent aux frontières. Bien évidemment, cela a une influence précisément sur tous les documents que les agents voudraient examiner qui se trouvent dans des appareils électroniques personnels. Est-ce que ce groupe a été formé? S’agit-il d’une préoccupation que vous abordez aussi avec les Américains?
M. Millar : Comme il s’agit d’appareils numériques personnels, si une vérification est effectuée et que le secret professionnel semble entrer en jeu ou que les documents se trouvent sur le téléphone cellulaire d’un avocat ou d’un juge, nous arrêtons la vérification à ce moment-là. Nous le prenons en note. Nous nous en remettons à un conseiller juridique qui pourrait renvoyer la question à un juge.
J’invite mon collègue, M. Nesbitt, à ajouter des commentaires pour confirmer si le secret professionnel existe vraiment. L’objectif est de ne pas enfreindre le secret professionnel en ce qui a trait à cette loi.
Me Nesbitt : Dans le but de confirmer ce que vous venez de dire, je vais ajouter que le projet de loi en lui-même ne mentionne aucunement le secret professionnel. La jurisprudence reconnaît l’importance fondamentale du secret professionnel, et exige une disposition précise afin qu’il soit possible d’accéder à l’information; c’est clairement défendu en vertu de l’article 7 de la Charte, ce qui explique l’approche expliquée par M. Millar.
Le sénateur Boehm : Donc, aucun groupe de travail n’a été formé?
M. Millar : Pas précisément à cet égard. Avons-nous abordé tous les aspects de la politique à différents moments? Évidemment. J’effectuerai un suivi pour savoir si un groupe de travail précis a été formé à ce sujet. Mais comme nous touchons à de nombreuses choses, il s’agit davantage de tables de discussions où nous abordons différentes questions.
Le sénateur Boehm : Merci.
La sénatrice Jaffer : Je vous remercie d’avoir apporté toutes ces précisions.
Tout d’abord, je ne sais pas si je suis la seule exception au Canada, mais j’ai fait l’objet de beaucoup de fouilles aléatoires. Oh, les fouilles aléatoires — savez-vous combien de fouilles aléatoires j’ai subies? Donc, lorsque vous dites qu’il n’y a pas de fouilles aléatoires, je peux vous assurer qu’il y en a. J’en ai fait l’objet. Oublions cela pour le moment.
J’aimerais que vous me disiez quelle est la durée de votre formation axée sur la diversité, ainsi que la fréquence à laquelle elle est offerte. Vous avez dit quelque chose de très intéressant, et je l’ai apprécié. En ce qui concerne l’Afghanistan et l’Ukraine, je présume que vous faisiez allusion à davantage de formation axée sur la diversité. Tout d’abord, en ce qui concerne la formation de base, combien de temps dure votre formation axée sur la diversité? Pouvez-vous fournir de l’information au comité quant à son contenu?
M. Millar : Il existe plusieurs cours obligatoires destinés à l’ASFC, et certains cours portent sur la partialité inconsciente qui concerne plus précisément ce type de pouvoir. Notre cours axé sur la diversité et les relations raciales durent, si je ne m’abuse, une heure. Des tests sont administrés au cours de la formation.
La sénatrice Jaffer : Une durée de une heure?
M. Millar : Le cours dure une heure, mais il ne s’agit pas de la seule formation, et je crois que, ce que je veux dire, c’est qu’il existe d’autres aspects.
La sénatrice Jaffer : À quelle fréquence l’autre formation est-elle offerte?
M. Millar : Afin que je sois en mesure de vous fournir la fréquence, nous pourrions effectuer un suivi à cet égard.
Mme Aceti : Je ne sais pas quelle est sa fréquence, mais je sais qu’il s’agit d’une formation obligatoire. Les agents doivent s’assurer de terminer ces cours.
En ce qui concerne le contenu du cours axé sur la diversité et les relations raciales auquel fait allusion M. Millar, je peux vous donner des exemples : définir des concepts et des notions liés à la diversité, étudier l’incidence des stéréotypes, de préjugés, de la discrimination et de la partialité au moment d’interagir avec différentes cultures, et cerner les stratégies pour fournir un service équitable à une clientèle diversifiée. Voici un échantillon du contenu.
La sénatrice Jaffer : Tout ce contenu est passé en revue en une heure.
Mme Aceti : Je devrais confirmer la fréquence et la durée.
La sénatrice Jaffer : Pourrais-je vous demander de fournir le contenu de votre formation axée sur la diversité, ainsi que sa durée et sa fréquence?
M. Millar : Bien sûr.
La sénatrice Jaffer : Parce que notre population change, comme vous l’avez si bien souligné, et je le comprends; et lorsqu’il est question d’une population diversifiée, je suis sûre que davantage de formation est offerte, et j’aimerais savoir à quelle fréquence. Merci.
[Français]
Le sénateur Dagenais : J’aimerais avoir une clarification pour m’aider à comprendre. On dit que depuis 2015, on vérifie déjà les appareils numériques, mais que le projet de loi S-7 va donner plus d’outils. Expliquez-moi, parce que j’ai de la difficulté à comprendre qu’on puisse mettre en application quelque chose qui n’avait pas force de loi. J’aimerais bien comprendre.
[Traduction]
M. Millar : Je vais voir si je comprends le nœud du problème de votre question, monsieur le sénateur, mais sentez-vous bien à l’aise de m’aiguiller dans la bonne direction.
Encore une fois, depuis 2015, des indicateurs figurent dans les exigences liées à la politique que doivent suivre les agents, comme nous l’avons mentionné; leur but est de cerner la connectivité réseau et d’autres choses. Encore une fois, ce projet de loi incorporera ce qui précède dans la loi, précisera d’autres limites, et soulignera les éléments à prendre en note. Il établira un nouveau seuil, qui n’existe pas encore actuellement qui est plus élevé qu’une simple présomption, mais qui est plus faible que « des motifs raisonnables de croire », en raison du contexte changeant touchant non seulement les attentes en matière de vie privée réduites à la frontière, mais aussi du fait que les appareils numériques ont changé comparativement à ce qu’ils étaient par le passé.
Est-ce que j’ai bien compris la question, monsieur le sénateur? Y ai-je bien répondu?
[Français]
Le sénateur Dagenais : Ce que je comprends, c’est que maintenant, les agents des services frontaliers pourront aller plus loin en matière de vérification des appareils numériques. C’est ce que le projet de loi leur permettra. Vous comprendrez que parfois, lorsqu’on applique des lois, cela devrait faire force de loi avant. Je comprends qu’avant ils pouvaient le faire, mais que ce projet de loi renforcera la fouille de l’objet numérique. J’aurais été mal à l’aise d’appliquer une loi qui ne fait pas nécessairement force de loi.
Aujourd’hui, grâce au projet de loi S-7, cela va les aider. Je serais curieux d’entendre les représentants des agents des services frontaliers pour savoir ce qu’ils pensent de cette loi — je parle des représentants, je parle du chef syndical.
[Traduction]
M. Millar : Il s’agit d’un seuil qui n’existait pas avant. Les tribunaux soulignent qu’ils n’ont aucun seuil. L’Énoncé concernant la Charte aborde l’ajout d’un seuil qui est fondé sur des indicateurs objectifs, et précise que les indicateurs et les autres limites discutées seront inclus dans la loi, et constitueront une exigence juridique que devront respecter nos agents de services frontaliers. Je crois que le fait que le seuil ne soit pas seulement prévu dans la politique, mais qu’il doive aussi être respecté selon la loi et le règlement est très clair. Je ne devrais pas dire « je crois », mais un seuil très clair a été établi, et celui-ci ne se trouve certainement pas au-dessus d’un autre. Il reflète effectivement notre pratique actuelle qui vise à utiliser des indicateurs, mais le fait que ceux-ci doivent être objectifs est très clair. Encore une fois, tout sera revu par le nouvel organisme proposé, ce qui n’a pas été fait jusqu’à aujourd’hui.
Le président : Merci, monsieur Millar.
Chers collègues et témoins, cela met fin à notre réunion. J’aimerais remercier de tout cœur nos témoins experts de nous avoir aidés à comprendre le modèle existant, et la façon dont il pourrait être modifié en raison de ces amendements. Cela nous a grandement aidés à comprendre ce à quoi nous pouvons nous attendre.
Pendant que j’y suis, j’aimerais vous offrir mes remerciements les plus sincères concernant le travail que vous effectuez pour les Canadiens dans tous les aspects de votre travail lorsque vous ne pensez pas au projet de loi S-7. Nous vous sommes reconnaissants pour tout, et nous vous souhaitons beaucoup de succès.
Notre prochaine réunion se tiendra le mercredi 1er juin à midi, heure de l’Est, et nous continuerons d’étudier le projet de loi S-7, et achèverons notre étude des sections 19 et 20 de la partie 5 du projet de loi C-19, la Loi d’exécution du budget.
Sur ce, bonne soirée tout le monde.
(La séance est levée.)