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SECD - Comité permanent

Sécurité nationale, défense et anciens combattants


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE LA SÉCURITÉ NATIONALE, DE LA DÉFENSE ET DES ANCIENS COMBATTANTS

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le lundi 21 novembre 2022

Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants se réunit aujourd’hui, à 16 h 3 (HE), avec vidéoconférence, pour examiner les questions liées à la sécurité et à la défense dans l’Arctique et en faire rapport.

Le sénateur Tony Dean (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Chers collègues, je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants. Je m’appelle Tony Dean et je suis sénateur de l’Ontario et président du comité.

Sont également présents aujourd’hui le sénateur Peter Boehm, qui représente l’Ontario, la sénatrice Donna Dasko, qui représente l’Ontario, la sénatrice Pat Duncan, qui représente le Yukon, le sénateur Clément Gignac, qui représente le Québec, le sénateur Victor Oh, qui représente l’Ontario, le sénateur David Richards, qui représente le Nouveau-Brunswick, le sénateur Larry Smith, qui représente le Québec, et le sénateur Hassan Yussuff, qui représente l’Ontario.

Pour ceux qui suivent la séance d’aujourd’hui, nous poursuivons notre étude sur la sécurité et la défense dans l’Arctique, en nous intéressant notamment à l’infrastructure militaire et aux capacités de sécurité. Le sujet sera la modernisation du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord, ou NORAD.

Pour notre premier groupe de témoins, nous accueillons Andrea Charron, directrice et professeure agrégée au Centre d’études sur la défense et la sécurité de l’Université du Manitoba, par vidéoconférence; James Fergusson, directeur adjoint au Centre d’études sur la défense et la sécurité de l’Université du Manitoba, également par vidéoconférence; et, ici-même, nous avons M. Ross Fetterly, associé à l’Institut canadien des affaires mondiales.

Merci beaucoup à tous d’être ici aujourd’hui. Nous avons très hâte d’entendre vos réflexions. Nous allons commencer la séance en vous invitant à faire un exposé, après quoi les membres du comité vous poseront des questions. Madame Andrea Charron, vous avez la parole.

Andrea Charron, directrice et professeure agrégée, Centre d’études sur la défense et la sécurité, Université du Manitoba, à titre personnel : Merci beaucoup de votre invitation.

La modernisation du NORAD va bien au-delà du NORAD. Il s’agit de repenser la défense continentale dans son ensemble. Jusqu’ici, la défense de l’Amérique du Nord passait par le NORAD, par la surveillance aérienne, puis par des systèmes maritimes d’approche de l’Amérique du Nord dans le cadran de 10 à 14 heures. Les menaces conventionnelles d’aujourd’hui restent principalement des menaces aériennes, bien que les menaces maritimes deviennent de plus en plus préoccupantes dans le contexte arctique. Les cybermenaces y sont moins nombreuses, surtout parce que, dans une grande partie de l’Arctique nord-américain, il y a peu d’actifs cybernétiques. Les menaces non conventionnelles, c’est-à-dire non militaires selon la définition classique, sont des préoccupations liées à la sécurité humaine, par exemple le manque de logements et d’infrastructures, deux enjeux aggravés par les changements climatiques. Nous sommes à l’ère de la dissuasion par le déni, puisque des sanctions sont impensables, du moins sous la forme d’une première frappe par l’Occident. Comme l’indique la nouvelle stratégie américaine pour l’Arctique, il y a aujourd’hui téléscopage entre les menaces conventionnelles et les menaces non conventionnelles. Il faut donc aussi adapter notre perspective.

J’aimerais parler de cinq enjeux susceptibles de nuire à la capacité du Canada de s’assurer que les plans de modernisation du NORAD se concrétisent. Il y a d’abord la capacité budgétaire, ensuite le manque d’information sur les projets des États-Unis, troisièmement le manque d’intégration nationale, quatrièmement les réunions incohérentes des principaux organes consultatifs et commandements et, enfin, la capacité à porter une attention durable au NORAD.

Le gouvernement du Canada a promis de consacrer 87 milliards de dollars, ou l’équivalent en espèces, à la défense continentale. C’est un montant sans précédent pour le Canada. Nous affichons un bilan lamentable du point de vue des budgets et des délais. Qui plus est, l’ensemble de systèmes dont on aurait besoin et qui sont envisagés suppose que le Canada planifie l’ordre des éléments des projets. Par exemple, les nouveaux systèmes radar seraient inutiles s’il n’y a pas de réseau de communication pour recevoir l’information, pas d’analystes pour interpréter l’information et pas d’intercepteurs pour coder. Je ne suis pas au courant des détails concernant les liens entre les projets ou l’ordre des mesures à prendre, mais je crois que ce sera difficile pour les entreprises et pour les militaires canadiens.

J’ajouterais que les détails de certains projets — par exemple, l’installation de radars transhorizon — devraient être examinés et ne sauraient être laissés aux seules forces armées. Ces radars devraient faire l’objet de questions comme les suivantes : quelles seront leurs sources de carburant? Leur fréquence aura-t-elle une incidence sur d’autres systèmes? Les sites seront-ils touchés par la fonte du pergélisol? Les titulaires de droits élaboreront-ils ensemble les plans de localisation, d’entretien et de formation? La météo spatiale aura-t-elle une incidence sur le fonctionnement des radars?

Par ailleurs, nous en savons peu sur la contribution et les projets des Américains. Si le Canada est responsable du cadran de 10 à 14 heures, on doit supposer que les Américains sont responsables du cadran de 14 à 10 heures, y compris du littoral canadien et des approches méridionales de l’Amérique du Nord. Ces renseignements seront-ils partagés? À combien se monte le financement? Quels seront les coûts d’entretien? On peut présumer que tous les systèmes basés au Canada relèveront de la responsabilité exclusive du Canada.

Troisièmement, l’intégration des mesures entre les autres ministères et les FAC fait généralement défaut. Alors que les exercices GIDE ou Global Information Dominance Exercises de l’USNORTHCOM commencent à intégrer l’information entre les commandements et alliés de combat des États-Unis, il y a très peu d’échanges d’information entre les communautés de l’Arctique et les organismes fédéraux qui fournissent et diffusent les différentes images opérationnelles. Par exemple, le Centre des opérations de la sûreté maritime de Halifax, qui fournit le portrait des opérations maritimes dans l’Arctique à partir de renseignements provenant de divers ministères fédéraux, mérite des éloges. Les renseignements des alliés y sont ajoutés, et une image commune de la situation maritime dans l’Arctique est créée par NAVNORTH pour le NORAD à la fin de la chaîne du renseignement. Mais il n’y a pas d’apport local direct dans cette image, et cette dernière n’est pas communiquée aux collectivités locales. Ainsi, il arrive que des collectivités ne sachent qu’un navire de croisière se dirige vers elles que lorsqu’elles le voient arriver. Les collectivités locales disposent de renseignements essentiels qui pourraient améliorer l’image commune, mais ce sont elles qui ont de plus en plus besoin de ces renseignements, d’autant plus qu’elles sont souvent les premières à intervenir en cas de crise ou de catastrophe. Elles peuvent aussi fournir des renseignements sur l’évolution des habitudes migratoires d’espèces sauvages et sur les tendances en matière de pollution, et avertir les navires concernés comme cela a déjà été le cas. La reconnaissance des obligations fondamentales du Canada et des États-Unis comme signataires de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et l’établissement et le maintien de relations avec les Autochtones de l’Arctique exigent une attention vigilante. La cogestion et l’élaboration conjointe de projets et l’intégration de données d’information sont essentielles.

Quatrièmement, même si je suis ravie que la Commission permanente mixte de défense se réunisse, elle devra probablement se réunir plus d’une fois par an. Je serais également curieuse de connaître le point de vue d’Affaires mondiales Canada et du Département d’État américain, étant donné que le NORAD est limité par un accord international. Les trois commandements — le NORAD, l’USNORTHCOM et le COIC — ne semblent pas non plus se réunir régulièrement. Surtout dans le contexte de l’Arctique, le COIC a un rôle important à jouer compte tenu de l’importance des Rangers, de la Force opérationnelle interarmées (Nord) et de la Marine royale canadienne, qui ne relèvent pas du NORAD.

Cinquièmement et enfin, je pense que la plus grande difficulté sera de garder la priorité de la modernisation du NORAD, compte tenu des enjeux mondiaux et du déplacement des intérêts. Le NORAD est loin des yeux et du cœur depuis 64 ans. Compte tenu de l’horizon budgétaire de 20 ans du Canada pour la modernisation du NORAD, comment être sûr que le Canada et les États-Unis pourront continuer de s’intéresser au NORAD à mesure que les gouvernements s’y succéderont? Les radars transhorizon et les autres projets du NORAD sont essentiels, mais il sera difficile pour le gouvernement de garantir un financement et de garder l’œil sur le NORAD, d’entretenir des relations et de tenir la Commission permanente mixte de défense et les commandements responsables, et ce sont les premières choses qu’on néglige généralement.

Merci.

Le président : Merci beaucoup, madame Charron.

James Fergusson, directeur adjoint, Centre d’études sur la défense et la sécurité, Université du Manitoba, à titre personnel : Je serai bref et je mettrai l’accent sur certaines considérations générales relatives à la modernisation du NORAD et sur certaines considérations particulières liées à l’Arctique.

Sur le plan général, la Déclaration conjointe Canada-États-Unis d’août 2021 maintient le NORAD dans son cadre désuet de la guerre froide compte tenu de l’accord du NORAD et de son mandat, même si le monde et les menaces ont radicalement changé et dictent un réexamen de ses missions du point de vue de menaces multiples. Deuxièmement, la modernisation du NORAD a également des répercussions politiques plus vastes dont on ne parle pas, notamment en ce qui a trait à son expansion vers le Groenland et l’Islande et aux relations entre le NORAD et l’OTAN. Enfin, l’évolution récente aux États-Unis en matière d’intégration des systèmes de défense aérienne et de défense antimissile a des répercussions sur la question de la défense antimissile balistique au Canada, notamment en ce qui a trait aux nouvelles menaces hypersoniques et, par extension, à l’espace.

Quant à l’Arctique, le déploiement de l’une des deux lignes de radars transhorizon dans l’Extrême-Arctique, la mise à niveau et l’expansion possible des emplacements d’opérations avancés et les exigences en matière de communication entraînent à la fois des avantages et des coûts pour les collectivités autochtones et locales. Du côté des avantages, ces investissements créeront de nouveaux secteurs d’emploi, de perfectionnement et de formation pour les collectivités directement concernées. Les nouveaux systèmes de communication essentiels au transport de grandes quantités de données, y compris peut-être les lignes de fibre optique, sont susceptibles d’améliorer considérablement l’accès des collectivités à toutes sortes de choses que le Sud tient pour acquises, notamment de leur garantir un meilleur accès aux services de santé. Du côté des coûts, il y a la question de la viabilité des possibilités économiques après la fin des investissements. Par ailleurs, le gouvernement et la Défense nationale devront être très prudents dans la planification et la mise en œuvre de ces investissements, compte tenu de l’accès limité et des moyens de transport. Troisièmement, le processus aura probablement des répercussions sociales et culturelles qu’il convient d’analyser attentivement, ce qui suppose des consultations probablement longues et parfois difficiles. Enfin, le gouvernement du Canada n’est pas structuré de façon à ce que les investissements en matière de défense tiennent compte de tous les intervenants ayant des points de vue et des intérêts différents en matière de sécurité dans l’Arctique.

Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions et d’expliciter mes propos et d’autres réflexions liées à l’Arctique et à la modernisation du NORAD. Merci.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Fergusson.

Ross Fetterly, associé, Institut canadien des affaires mondiales, à titre personnel : Je vous remercie de votre invitation.

Dans le cadre de mes fonctions comme contrôleur et planificateur opérationnel de l’ARC pendant cinq ans jusqu’en 2017, j’ai appris que, pour gérer une organisation complexe durant une période de changement institutionnel important, particulièrement dans le cas d’organisations importantes et complexes comme les Forces armées canadiennes et le ministère de la Défense nationale, il faut être systématiquement attentif aux fondements de la gestion.

La gestion des ressources de défense consiste à les transformer en capacités militaires utiles et conformes à la politique gouvernementale. Le processus décisionnel appliqué à la défense est un processus complexe, avec des éléments de rationalité entremêlés de concurrence pour des ressources limitées, et des négociations qui aboutissent à des solutions qui, même si elles ne sont pas toujours fondées sur la logique, puissent être acceptées par les principaux intervenants. Cela oblige les institutions de défense nationale à constamment choisir entre des demandes de ressources à court et à long terme. La modernisation du NORAD entre certainement dans cette catégorie.

Le sujet d’aujourd’hui est le NORAD. Le rapport de Recherche et Développement pour la défense qui vous a été ou vous sera distribué conclut que l’alliance binationale du NORAD entre les États-Unis et le Canada, les premiers étant beaucoup plus importants sur les plans économique et démographique, est une alliance asymétrique. Dans les alliances de cette nature, le pays le moins important n’est pas aussi enclin à partager le fardeau avec son voisin en raison de la domination de la grande puissance. Cela dit, compte tenu des menaces croissantes qui pèsent sur l’Amérique du Nord, la priorité accordée à la défense continentale en raison de la menace que représentent la Chine et la Russie pour sa sécurité pourrait favoriser une collaboration plus étroite et une augmentation des investissements entre le Canada et les États-Unis.

Les discussions sur le partage du fardeau au sein d’une alliance ou d’une organisation de défense binationale comme le NORAD doivent faire de la disponibilité opérationnelle une priorité institutionnelle. La capacité de mesurer l’état de préparation est d’une importance primordiale. Autrement dit, si on peut exprimer l’état de préparation en chiffres quantifiables, on prouve qu’on comprend et qu’on applique les principes de préparation. Inversement, si on n’est pas en mesure de quantifier l’état de préparation, on démontre un manque de connaissance du sujet. De ce point de vue, les débats sur le budget de la défense sont, à bien des égards, des débats sur la disponibilité opérationnelle.

La disponibilité opérationnelle renvoie à trois questions fondamentales qui ont des répercussions sur l’ARC et sur le NORAD. Premièrement, l’état de préparation à quoi? Quels types de conflits le NORAD doit-il pouvoir affronter? Deuxièmement, l’état de préparation pour quand? Quel est l’intervalle de temps nécessaire pour réagir aux menaces qui pèsent sur l’Amérique du Nord? Troisièmement, l’état de préparation de quoi? Cela suppose de savoir quelles parties des forces armées américaines et canadiennes doivent être prêtes — y compris dans le cadre du NORAD — et à quel niveau de disponibilité opérationnelle.

La préparation structurelle est un élément essentiel de la modernisation du NORAD. Ce type d’état de préparation est nécessairement axé sur l’extérieur et vise à avoir l’infrastructure, le matériel et les systèmes d’armes qui conviennent, ainsi que les équipages et le personnel dûment formés pour les utiliser en cas d’attaque. Ce qui est particulièrement important pour le NORAD, c’est le temps qu’il faut pour élaborer une préparation structurelle, car il en faut beaucoup plus que pour la préparation opérationnelle. De plus, la modernisation technique de l’infrastructure ou des systèmes d’armes, comme nous allons le voir dans le cadre de la modernisation du NORAD, augmente le temps nécessaire à l’opérationnalisation des nouvelles unités ou des unités modernisées. Il faut donc envisager un certain niveau de préparation structurelle comme condition préalable à la disponibilité opérationnelle dans l’environnement opérationnel du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord.

L’asymétrie de l’information à divers niveaux du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes met en cause la planification des activités et en fait un élément central et intégré du processus de gestion des ressources. Comprendre le processus de modernisation du NORAD dans l’alliance défensive combinée des États-Unis et du Canada au cours des prochaines années sera probablement une préoccupation des deux gouvernements dans un environnement stratégique international de plus en plus litigieux.

Enfin, les discussions concernant la modernisation des capacités du NORAD ne sont pas encore terminées. Cela remet en question la fiabilité du Canada à l’égard d’une capacité ayant une incidence directe sur la sécurité de l’Amérique du Nord. Pour le Canada, la modernisation du NORAD augmentera la taille de la vague de projets du ministère, compte tenu des travaux qui s’ajouteront au programme d’immobilisations actuel, accentuant davantage la tension du côté de la capacité du gouvernement à affecter des dépenses à d’autres projets de biens d’équipement de défense et à régler divers problèmes de recrutement de personnel ou de capacité. Il faudra du personnel supplémentaire dans la fonction publique, dans les forces armées et chez les entrepreneurs pour gérer le programme de biens d’équipement de la défense.

Merci.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Fetterly.

Nous allons maintenant passer aux questions. Je demanderais aux participants dans la salle de ne pas se pencher trop près des micros ou de retirer leur oreillette dans ce cas; cela évitera les échos sonores susceptibles de gêner le personnel du comité. Je vous demande également de poser des questions brèves et d’indiquer à quel témoin votre question s’adresse.

Le sénateur Gignac : Merci à nos témoins.

En 2005, le gouvernement canadien a refusé de se joindre aux États-Unis pour la défense antimissile balistique. Le Canada devrait-il reconsidérer cette prise de position? Est-ce que, d’après vous, cela crée un handicap au sein du NORAD à l’heure actuelle? Ces questions s’adressent à n’importe lequel des trois témoins. Nous pouvons commencer par M. Fetterly.

M. Fetterly : Les projets ou les nouvelles initiatives comme celle dont vous parlez exigent beaucoup de temps et d’activités de développement. Ce sont des activités à long terme qui doivent commencer assez tôt dans le processus, alors que, dans la situation actuelle, nous avons un système NORAD construit en grande partie pour les générations précédentes. Nous devons travailler en collaboration avec les États-Unis, puisqu’il s’agit d’une organisation binationale, pour établir les capacités que nous voulons obtenir d’un système modernisé, et il s’agit ensuite de déterminer les conditions de partage du fardeau. Il peut s’agir des coûts, des installations ou d’autres éléments de cette nature.

Le sénateur Gignac : Merci. Monsieur Fergusson, avez-vous des commentaires à ce sujet?

M. Fergusson : Oui. Pour être juste envers le gouvernement et le ministère, je signale que, dans son annonce de juin dernier, la ministre de la Défense a bien dit que la politique de défense antimissile, et non la participation, reste en place, mais qu’on garde un œil dessus, si je puis m’exprimer ainsi. Cette prise de position devrait en effet être réexaminée, et ce pour deux raisons. Pour mettre les choses en contexte, à ma connaissance, aucune explication n’a jamais été fournie par le gouvernement. Il dit simplement qu’il ne participera pas. On ne nous explique pas les raisons de cette politique ni ses répercussions.

Il y a deux grands enjeux : la question de savoir où les États-Unis ont décidé de déployer un troisième site dans le Nord de l’État de New York et où les études environnementales ont été effectuées. Rien ne permet de savoir quand et où ils interviendront. Et, s’ils interviennent, cela aura des répercussions directes sur le territoire canadien, surtout du côté de la valeur potentielle des radars pour l’évaluation de la frappe et le soutien aux intercepteurs américains. Cela pourrait se faire dans le cadre du NORAD sans modifier grand-chose. Quoi qu’il en soit, tant que les États-Unis ne croient pas avoir besoin du Canada pour leur système de défense antimissile balistique, le Canada ne peut rien faire d’autre que d’indiquer aux États-Unis qu’il souhaite participer, puis d’entamer des discussions et des négociations.

Qui plus est, c’est une question qui concerne l’avenir du NORAD et la possibilité qu’il reste la pièce maîtresse de la coopération canado-américaine en matière de défense de l’Amérique du Nord. Il y a aussi le flou de l’aérospatial, notamment depuis le développement de véhicules hypersoniques, qui ne sont pas des missiles de croisière, et l’intégration en cours aux États-Unis des capacités de défense aérienne et antimissile. Ce qui était des systèmes distincts est maintenant fusionné et intégré pour permettre de faire face à un ensemble complexe de menaces simultanées. Cela soulève des questions pour le Canada. Si les véhicules hypersoniques brouillent la ligne de démarcation entre les missiles de croisière et les avions, d’une part, et les missiles balistiques, d’autre part, et c’est ce qui se passe aux États-Unis, la question centrale se pose de savoir si le NORAD et, donc, le Canada jouent un rôle du côté défaite de l’équation cruciale d’une dissuasion crédible par le déni. Je suis convaincu que cela doit être réexaminé. Le Canada n’est pas au courant de certains enjeux parce que les États-Unis se demandent d’abord s’il y a nécessité ou droit de savoir. Tant que le gouvernement n’aura pas pris de mesures, il ne pourra pas répondre à ces questions.

Le sénateur Gignac : Je pense que le monde a changé depuis février, quand la Russie a envahi l’Ukraine. On voit bien que la Russie utilise des missiles. J’espère que la ministre nous écoute. Merci.

Le président : Madame Charron, c’est une question cruciale. J’ai l’impression que vous voulez intervenir.

Mme Charron : En effet. Merci.

Le NORAD est la fonction d’alerte; l’USNORTHCOM est, pour l’instant, la fonction de défaite.

Le système de défense terrestre à mi-parcours, auquel nous n’avons pas acquiescé, est en réalité conçu pour les missiles nord-coréens. Il faut prendre garde de ne pas oublier la défense antimissile balistique et de ne pas la geler en fonction des exigences et des capacités actuelles. C’est un sujet brûlant pour les États-Unis. Je sais qu’ils consacrent beaucoup de temps et d’argent, comme l’a dit M. Fergusson, à examiner également les armes hypersoniques.

En fait, il faudrait rouvrir l’accord binational. Je vous recommanderais de faire attention au moment où vous le ferez, à la manière dont vous le ferez et à la question de savoir si c’est seulement pour cette raison que vous le ferez. Il y aurait peut-être d’autres enjeux à examiner.

Le président : Merci.

Le sénateur Richards : Merci aux témoins.

Nous en avons beaucoup parlé, et on vous a probablement posé la question une dizaine de fois, mais pensez-vous que les États-Unis doivent encore nous faire confiance comme partenaire apte et disposé en Amérique du Nord, puisque nous n’avons pas encore de F-35, que nos frégates ont pris beaucoup de retard et que notre Nord est quasiment une frontière ouverte à bien des égards? Dans la négative, n’avons-nous pas la responsabilité, avec ou sans l’aide des États-Unis, de protéger ou de nous donner les moyens de protéger nos frontières et de mettre en œuvre des mesures qui nous permettront de le faire? Monsieur Fetterly, si vous voulez bien commencer.

M. Fetterly : Merci.

Je pense que les États-Unis souhaitent effectivement que le Canada participe à bon nombre de leurs activités, simplement pour pouvoir dire aux Américains que le Canada est de leur côté, qu’il y a une organisation binationale et qu’ils ont un allié.

Les Américains veulent aussi une couverture relativement complète des approches de l’Amérique du Nord. Une approche binationale permet un portrait opérationnel commun avec des hauts gradés militaires du Canada et des États-Unis engagés dans le processus décisionnel. Cela permet aux deux pays de coordonner leurs opérations et d’agir comme une seule et même organisation.

Le sénateur Richards : Le gros du travail est fait par les États-Unis, n’est-ce pas, monsieur? C’est de cela que je parle. Ce sont nos frontières, mais ils assument le gros du travail. C’est toujours une préoccupation pour moi, et peut-être aussi pour d’autres Canadiens. Y a-t-il quelque chose que nous puissions faire pour corriger cette situation ou en sera-t-il toujours ainsi?

M. Fetterly : Pour utiliser un terme économique, le Canada « parasite » la défense américaine depuis des décennies.

Mais j’ai servi à Kandahar pendant neuf mois dans le cadre du conflit en Afghanistan et j’étais extrêmement fier du personnel militaire canadien engagé et du travail qu’il faisait. Le problème, c’est qu’il n’y en a tout simplement pas assez.

Le sénateur Richards : Oui, monsieur. Je suis également très fier des militaires canadiens. Merci beaucoup.

La sénatrice Duncan : J’aimerais remercier tout particulièrement nos témoins d’aujourd’hui. Vos exposés ont été très instructifs. Merci.

Je siège également au Comité des finances nationales, et mes questions porteront donc sur l’argent dans cette discussion. Vous voudrez peut-être reporter vos réponses ou répondre tout de suite, mais nous avons obtenu beaucoup d’information sur les ressources des États-Unis et leur contribution à la sécurité dans le Nord. Nous savons que la contribution du Canada comprend des ressources financières et du personnel. Ce n’est évidemment pas au même niveau. L’un d’entre vous a-t-il un tableau ventilé de cette contribution financière? Je m’intéresse particulièrement à la contribution financière de l’Alaska par rapport au Nord canadien.

Mme Charron : En bref, nous n’en connaissons pas toute l’ampleur ou, du moins, ce n’est pas rendu public, et nous ne savons pas non plus ce qui pourrait être négocié entre le Canada et les États-Unis.

La seule chose qu’il faut accepter, par exemple, c’est le Système d’alerte du Nord qui, à l’époque, dans les années 1970, a été négocié à raison de 60 % des coûts pour les États-Unis et 40 % pour le Canada, après quoi le Canada a assumé tous les coûts d’entretien. Nous ne savons pas si ce genre d’arrangement se poursuivra. Nous nous attendons à ce que le Canada assume la totalité des coûts d’entretien pour la suite des choses, et, compte tenu de l’étendue des systèmes dont nous parlons, ce n’est pas rien.

M. Fetterly : Ayant travaillé dans le domaine de l’établissement des coûts au ministère de la Défense nationale et comme contrôleur de la force aérienne et planificateur des activités, je peux vous dire qu’il est difficile d’en arriver à un coût exact. Est-ce qu’on tient compte du coût du carburant utilisé par les F-18 pour se rendre dans le Nord, du coût horaire des F-18 et du coût de ravitaillement en vol? Tous ces coûts ont été absorbés par la force aérienne dans le cadre de son budget. Pour calculer la contribution réelle du Canada, il faut avoir des règles et des lignes directrices fermes sur ce qui est inclus et ce qui ne l’est pas, parce que les pays ont tendance à mettre absolument tout dans leurs estimations, même l’évier de cuisine, pour essayer d’impressionner.

La sénatrice Duncan : Je comprends ce que vous dites au sujet de la difficulté d’obtenir des données détaillées. Grosso modo, nous savons qu’il y a plus de 35 F-35 stationnés à Anchorage et que les F-18 les plus proches se trouvent à Cold Lake, en Alberta, et c’est pourquoi nous, au Yukon, dépendons beaucoup de l’Alaska. Ma question est de savoir si nous connaissons la contribution approximative des Américains à la défense de l’Alaska. J’aimerais savoir dans quelle mesure les Américains accordent plus d’importance que les Canadiens à la défense et à la sécurité dans l’Arctique.

M. Fergusson : Si vous permettez, je dirais qu’il est difficile de savoir jusqu’à quel point ils y accordent plus d’importance que nous. Cela nous ramène à la question précédente sur le partage du fardeau et la contribution du Canada, à savoir si les États-Unis pensent que notre contribution est équitable. Rappelons-nous que cela se mêle aussi à la question de l’OTAN et des contributions plus générales à la paix et à la sécurité internationales. Les États-Unis et le Canada sont depuis longtemps à la traîne en matière de défense continentale, il faut le reconnaître.

Pour répondre à votre question, il est difficile de faire la distinction entre ce qu’est la modernisation du NORAD et ce qu’est la modernisation de la défense continentale. Il y a d’autres services publics ou d’autres utilisations que leurs forces, comme celles qui sont déployées en Alaska, emploient pour d’autres éléments de la stratégie américaine, comme leur position de frappe rapide et mondiale, à laquelle nous ne participons pas du tout.

La communication entre le gouvernement et le ministère au sujet des chiffres et des objectifs n’est pas claire du tout. Ils doivent vraiment être un peu plus transparents pour que les analystes et les sénateurs comme vous aient une meilleure idée de la situation. En fait, 10 à 14 représente la contribution du Canada à la modernisation du NORAD, et on pourrait même penser que, en réalité, compte tenu de la situation géopolitique du Canada, c’est aussi notre contribution à la défense continentale, alors que 14 à 10 représente la contribution des États-Unis. Autrement dit, nous allons payer un tiers et les États-Unis, les deux tiers.

Selon les chiffres avancés — et il est difficile d’analyser ce qu’est le NORAD et ce qui ne l’est pas par rapport aux intérêts nationaux du Canada — et compte tenu des 40 milliards de dollars annoncés et plus ou moins expliqués par la ministre de la Défense en juin dernier, si l’on s’en tient strictement à cela, en théorie, nous allons investir 40 milliards de dollars, et ils vont investir 120 milliards de dollars. Je ne connais pas les chiffres; ce n’est qu’une hypothèse.

Ces chiffres sont effectivement difficiles à clarifier, et ce en partie parce que la modernisation du NORAD n’est qu’un élément de la modernisation de la défense continentale, mais il semble que le Canada soit surtout concerné par la modernisation du NORAD et non de la défense continentale, mais c’est une autre histoire.

Mme Charron : Si vous le permettez, j’aimerais ajouter que le NORAD a très peu d’actifs. Tout est coupé, donc aussi le contrôle sur le commandement opérationnel.

On dirait que des tonnes de F-35 attendent en Alaska. La plupart d’entre eux sont en fait réservés à l’INDOPACOM. Ils ne sont pas là pour le NORAD. Nous pouvons bien croire qu’ils pourraient venir nous aider dans l’Arctique, mais, à moins d’être affectés à des missions du NORAD, ils ne seront pas nécessairement sous le commandement de l’USNORTHCOM, puisqu’ils relèvent de l’INDOPACOM.

C’est l’une des choses que nous avons vraiment du mal à comprendre. L’USNORTHCOM est chargé de la défense militaire de l’Arctique pour l’armée américaine, mais je ne sais toujours pas ce que cela signifie. Je ne sais pas ce qui relève de l’USNORTHCOM dans l’Arctique par rapport à ce qui relève de l’INDOPACOM. Vous avez trois commandements de combat qui ont tous une zone de responsabilité dans l’Arctique, et on ne sait pas vraiment à qui vont les ressources ni ce qui se passerait en situation de crise. D’où, je crois, l’importance accordée à des choses comme les GIDE, les Global Information Dominance Exercises, pour, au moins, mieux partager l’information entre les commandements de combat.

Le sénateur Boehm : Ma première question s’adresse à Mme Charron, mais j’aimerais aussi entendre les autres témoins.

Je crois que nous pouvons tous convenir que la réforme et la modernisation du NORAD sont très importantes. En pratique, quand j’y songe, il y a eu beaucoup de conversations entre militaires. Il y a eu également la politique étrangère. Si je me souviens bien, comme haut fonctionnaire responsable des États-Unis à ce qui était, en 2005, le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international — le sénateur Gignac y a fait allusion —, je peux dire que la décision concernant la défense antimissile balistique a été prise rapidement parce que nous allions dans une autre direction, et puis cela a changé. Il y avait un manque de communication entre tous les intervenants. Maintenant, qu’il s’agisse des relations de militaires à militaires ou entre militaires et responsables de la politique étrangère, je ne sais pas, mais cela existait également aux États-Unis, où le Département de la Défense et le Pentagone ne communiquaient pas nécessairement avec le Département d’État.

L’un des commentaires de Mme Charron portait sur le manque d’attention. Si c’est tellement important, nous devons vraiment assurer des communications dans toutes les directions pour que, quand il s’agit de finances, les contribuables comprennent ce qui se passe réellement. Les planificateurs des politiques, que ce soit au Département d’État ou à Affaires mondiales Canada, auront également une meilleure idée de la situation.

Cela nous amène aussi à l’aspect de la planification parce que, si souvent — et l’un des témoins l’a dit —, il y a un conflit entre le besoin de savoir, ou l’aspect secret, et ce qu’il serait bon de savoir. L’équilibre parfait se situe probablement quelque part entre les deux pour s’assurer qu’il y a suffisamment d’éléments pour convaincre le corps politique que c’est important et que c’est une bonne chose.

Madame Charron, je vais commencer par vous. Je suppose que ce n’était pas une bonne question.

Mme Charron : J’essaie de comprendre la question.

Le principal conseil consultatif pour l’hémisphère occidental est le Conseil permanent mixte de défense, ou CPMD, Canada—États-Unis. Je dirais qu’il est dans le coma depuis de nombreuses années. Il semble soudainement sortir de sa léthargie, mais il ne se réunit qu’une fois par année. Il ne concerne pas seulement la défense continentale, mais aussi des questions comme ce que les États-Unis et le Canada vont faire avec Haïti, par exemple. Qu’allons-nous faire des drogues et des réfugiés qui arrivent d’Amérique du Sud? Quelle sera la place de l’Amérique du Nord dans ce monde en déchirement avec la menace dynamique que représente la Chine et la menace immédiate persistante de la Russie? Fait important, le CPMD est en quelque sorte un conseil civil consultatif, et il englobe beaucoup plus de dossiers que la modernisation du NORAD. Je pense vraiment qu’il doit se réunir plus souvent.

De plus, nous devons nous assurer que les dirigeants civils posent les questions difficiles. Les choses deviennent tellement compliquées sur le plan technique que l’on suppose que nous allons simplement comprendre ce qui se passe ou faire confiance au processus, mais il y a des questions vraiment fondamentales et importantes à poser, par exemple, au sujet des fonds d’infrastructure que nous avons dépensés. C’est une chose d’avoir des radars qui permettent de voir au-delà de l’horizon, ce qui semble fabuleux, mais si vous ne pouvez toujours pas tirer la chasse d’eau des toilettes dans la plupart des bases parce que le réseau d’égout est tellement vieux et en train de se désagréger, cela ne fera qu’aggraver d’autres problèmes, alors nous devons commencer à poser des questions fondamentales très importantes. Je ne critique pas les militaires, qui ont des connaissances très techniques, mais ils doivent être en mesure de ramener le problème au niveau de base afin que nous puissions nous assurer de poser des questions vraiment difficiles qui pourraient être négligées.

Le sénateur Boehm : Si je comprends bien — et prenons l’exemple du CPMD —, au lieu de se concentrer sur un événement annuel pour ce qui est de la planification, nous devrions plutôt mettre l’accent sur un processus continu. Il n’est pas nécessaire de tout examiner lors de la réunion annuelle, nécessairement, et s’il y a des facteurs positifs et négatifs entre les deux, il est possible de les aborder également, n’est-ce pas?

Mme Charron : Oui. Par exemple, je me demande si les comités de la défense de notre Sénat et de leur Sénat se sont déjà réunis afin de discuter de divers dossiers. Ce serait peut-être nécessaire. La Chambre des représentants et la Chambre des communes devraient peut-être entretenir un dialogue. Je sais qu’il y a des comités parlementaires qui mènent des missions de recherche, mais nous devons vraiment commencer à tenir ces débats non partisans qui aident à informer et à instruire les militaires. Après tout, nous sommes censés exercer une surveillance civile.

Le sénateur Boehm : J’en ai justement discuté avec des sénateurs américains à Halifax la fin de semaine dernière.

Monsieur Fetterly, vous avez la parole.

M. Fetterly : C’est une excellente question.

Il y a quelques années, je me plaignais et je disais à un haut fonctionnaire du ministère de la Défense nationale que le gouvernement fédéral ne nous donnait pas assez d’argent pour faire notre travail efficacement. Ce fonctionnaire m’a répondu : « Ross, la plupart des Canadiens ne s’intéressent pas à la défense. Ils s’intéressent aux politiques fédérales qui les avantagent. » Dans une certaine mesure, c’est le cas aujourd’hui, mais je dirais que nous sommes dans un environnement différent avec la Russie et la Chine. Il y a beaucoup de menaces dans le monde, et nous avons besoin de cet intérêt.

Le problème, c’est que les décideurs doivent être plus engagés et travailler avec le gouvernement fédéral pour proposer des options et des idées sur ce que nous pouvons faire avec l’argent, s’ils parviennent toutefois à l’obtenir. Si vous remontez aux années de fabrication des flottes que nous pilotons maintenant — les F18 et les frégates de patrouille canadiennes —, c’est un gouvernement libéral qui a décidé qu’il devait faire quelque chose, puis c’est le gouvernement Mulroney qui est arrivé après, et qui a reçu beaucoup de mérite dans les médias à leur mise en service, mais ce sont deux de nos grands partis au Canada qui, à différents moments, ont décidé que nous devions nous concentrer sur la défense. Nous avons besoin du même élan à l’heure actuelle, et les partis doivent collaborer pour appuyer un budget de défense plus important afin d’aider le Canada dans un monde de plus en plus menaçant.

M. Fergusson : Je vais en parler très brièvement parce qu’il y a beaucoup de questions en jeu ici. Si j’avais plus de temps, je parlerais certainement de la saga de la défense antimissile, qui a commencé dans les années 1960.

Je vais poursuivre dans la même veine que Mme Charron. C’est très précis ou général, selon l’angle sous lequel vous l’envisagez. Les relations militaires sont très étroites dans le cadre du NORAD. Lorsque vous vous éloignez du NORAD pour vous tourner vers les ministères et les autres services, ils sont moins stricts et moins réguliers. Ensuite, si vous examinez la structure des relations, les institutions et les relations entre les services de l’autre côté de la frontière, ceux-ci demeurent ancrés dans les années 1960 et 1970. Cela n’a pas changé. On ne tient tout simplement pas compte de toute la structure de notre relation en matière de défense continentale, dont le NORAD est un élément important et qui démontre les avantages d’approfondir et de restructurer la relation.

Comme l’a dit Mme Charron, il ne semble pas y avoir d’intérêt de part et d’autre à rouvrir l’accord du NORAD et son mandat, mais je ne sais pas s’il y a eu des pressions pour le faire ou si on a vraiment compris que, compte tenu de la façon dont le monde a changé et de la technologie qui a changé, il faut se pencher sérieusement sur cette question. Cela comprend la position et le rôle du CPMD lorsque tout se fait à la pièce. Tout le monde parle de la nécessité d’intégrer les efforts de défense entre nous, mais ce n’est pas ce que nous faisons. C’est d’une importance vitale, à mon avis.

La sénatrice Dasko : Merci à nos témoins d’être ici aujourd’hui.

Monsieur Fetterly, je peux vous dire, pour avoir sondé l’opinion publique pendant 30 ans, que vous avez entièrement raison. La défense n’a jamais figuré en tête de liste de nos priorités. En fait, si vous interrogez les Canadiens sur une vingtaine de secteurs de dépenses et sur ce que nous devrions faire de plus, la défense n’a jamais été mentionnée au fil des ans. Je ne sais pas si cela a changé ou non, parce que je n’ai rien vu à ce sujet récemment. Quoi qu’il en soit, vous avez certainement raison.

Ma question porte sur les priorités du NORAD. Monsieur Fetterly, vous avez parlé de ce que vous estimiez être une priorité : la disponibilité opérationnelle. J’aimerais toutefois demander à Mme Charron et à M. Fergusson quelles devraient être, selon vous, les priorités du NORAD aujourd’hui, compte tenu de l’environnement dans lequel nous nous trouvons, de l’évolution du contexte géopolitique, des nouvelles menaces et des nouvelles technologies. Madame Charron, vous avez parlé de différents sujets. Vous avez parlé de consultation, d’une part, et des systèmes, d’autre part. Selon vous, sur quoi le NORAD devrait-il se concentrer à l’avenir? Quelles sont les priorités?

Mme Charron : Je peux commencer.

Parce que nous sommes à une époque de dissuasion par interdiction, cela signifie que nous devons être en mesure de voir et de savoir ce qui se passe, ce qui est un véritable défi au Canada parce que notre territoire est si vaste. Nous avons le plus long littoral. Je pense que les États-Unis nous ont dit très clairement que nous devons être en mesure de voir davantage ce qui se passe. La priorité du NORAD sera de s’assurer que ces systèmes de radar sont en place et de pouvoir les relier, mais si vous demandez aux gens de l’Arctique quelles sont leurs priorités, elles sont très différentes. Il s’agit du logement de base, de l’eau potable, de l’infrastructure, des systèmes de communication et d’Internet.

À l’avenir, si nous disposons de ces systèmes compliqués pour pouvoir détecter les menaces et qu’ils ont tous besoin d’un réseau de communication, nous devons nous assurer que ces progrès ne se feront pas à l’exclusion des services à ceux qui se trouvent dans l’Arctique et trouver un moyen d’assurer leur double usage, leurs usages multiples ou, à tout le moins, nous assurer que si nous réalisons des progrès pour les militaires, nous en ferons autant pour les collectivités.

M. Fergusson : J’ajouterais simplement qu’il est très clair dans mon esprit, du moins, pour avoir lu la fiche d’information du ministère de la Défense nationale en juillet dernier, l’allocution de la ministre à Trenton en juin dernier et la déclaration conjointe d’août 2021, qu’ils ont déterminé la priorité, tout d’abord, en tant que système de surveillance et de reconnaissance, parce que le Système d’alerte du Nord est non seulement désuet et dépassé, mais aussi parce que notre vulnérabilité est urgente, parce qu’il y a certaines menaces que nous avons de la difficulté à suivre en raison de leur évolution.

Le problème, c’est que si vous pensez aux 4,9 milliards de dollars engagés pour les cinq ou six prochaines années, ils visent à construire des lignes de stations radar. On ne peut pas se contenter de construire des lignes de stations radar parce que, comme l’a souligné Mme Charron, même si ces nouvelles lignes sont très importantes, à moins d’avoir des systèmes de communication — des systèmes sécurisés et redondants —, ces lignes ne seront pas très utiles. On ne peut pas avoir cela à moins de moderniser également les ententes de commandement et de contrôle — les divers centres d’opérations aériennes combinées et les commandements régionaux du NORAD par rapport au quartier général du NORAD. Ce sont trois priorités simultanées parce que chacune d’elles est inutile sans les deux autres.

La priorité absolue par rapport à ces trois éléments est simple : le temps. Le temps ne joue pas en notre faveur. Il s’agit d’un long processus de développement qui est maintenant urgent. Vingt ans, c’est un beau délai, mais il faut que ça bouge. Bien sûr, il y a des forces politiques et bureaucratiques en jeu, tant au Canada qu’aux États-Unis, qui posent problème.

M. Fetterly : Nous avons beaucoup parlé du financement du NORAD en tant que tel, mais il y a beaucoup d’éléments habilitants qui doivent être mis en place. Le projet d’immobilisations du ministère de la Défense nationale, le futur chasseur, nécessitera beaucoup de temps et d’efforts de la part des gens du quartier général de la Défense nationale pour la mise en service de la prochaine génération de chasseurs. Il y a un certain nombre d’autres projets, comme la technologie de l’information et ainsi de suite. Ce que je veux dire, c’est que le Canada a du pain sur la planche pour faire du ménage et mettre à niveau l’équipement et les gens. Il nous manque plus de 10 000 militaires. Le Canada doit s’efforcer de recruter des militaires et de veiller à ce que les programmes de biens d’équipement respectent les délais et les budgets. Nous devons remettre de l’ordre dans nos affaires afin de pouvoir fournir les capacités auxquelles nous nous engageons en vertu de l’accord du NORAD.

Le sénateur Yussuff : Je remercie les témoins d’être ici aujourd’hui. Merci de votre contribution jusqu’à maintenant. Je ne sais pas si nous aidons les Canadiens à comprendre la complexité et le défi auxquels nous sommes confrontés ou si nous les confondons encore plus.

Cela dit, le gouvernement s’est engagé à renouveler le NORAD, et chacun peut comprendre différemment de quoi il est question exactement, selon la position qu’il adopte. En notre qualité de sénateurs, nous nous sommes rendus dans le Nord. Nous avons vu des stations radar et certaines bases. Nous avons vu le manque de préparation et les défis auxquels nous faisons face. C’est un fait indéniable que le pays doit accepter de renforcer les systèmes dans le Nord, car il y aura beaucoup plus d’accès à ces systèmes pendant cette partie de notre vie que jamais auparavant dans l’histoire de l’humanité. Plus important encore, nous devons composer avec beaucoup de menaces existentielles venant d’autres pays.

Vous avez tous parlé de la défense continentale et du renouvellement du NORAD comme s’il s’agissait de deux choses distinctes, et c’est peut-être le cas, mais peut-être pas non plus. Sans équipement radar adéquat et sans disponibilité opérationnelle des avions au sol, nous ne pouvons pas intervenir. D’un autre côté, nous n’avons pas la capacité dans notre pays de nous défendre contre des missiles dirigés vers nous parce que nous n’avons pas de système de défense antimissile au Canada. Les Canadiens veulent comprendre en quoi ces aspects sont si différents, étant donné que notre gouvernement va dépenser beaucoup d’argent.

Le troisième point que je tiens à souligner et qui est tout aussi important, c’est que les collectivités du Nord ont des attentes différentes quant à ce que les dépenses signifient pour elles. Elles attendent depuis des générations des investissements dans leurs collectivités. Elles sont prêtes à accueillir des bases dans leurs collectivités, et elles voient tout cela comme une occasion de développement.

Rien de tout cela n’est facile, et monsieur Fetterly, vous avez dit que les Canadiens ne se réveilleront pas soudainement en encourageant leur gouvernement à investir dans la défense militaire, compte tenu de tous les autres problèmes sociaux auxquels nous faisons face. Comment pouvons-nous donc amener les Canadiens à prendre conscience des défis auxquels nous faisons face?

Le dernier point que j’aimerais soulever, c’est que nous traitons d’un dossier qui ne faisait pas partie de notre histoire jusqu’ici. Il existe maintenant des missiles hypersoniques qui se déplacent à une vitesse telle qu’ils arrivent avant même que vous puissiez les détecter pleinement.

Tout cela change la réalité à laquelle nous sommes confrontés et représentera un défi énorme pour le gouvernement en matière de défense. Si nous voulons que les Canadiens en prennent conscience et y adhèrent, comment expliquer tout cela?

M. Fetterly : C’est une bonne question.

Les collectivités du Nord ont une grande contribution à apporter. Ils sont nos yeux sur le terrain. Ils connaissent le terrain et le territoire. Les Forces canadiennes font du bon travail avec les Rangers dans le Nord. Les Rangers ont formé la Force régulière et les réservistes pour qu’ils puissent travailler dans cet environnement.

L’autre question est celle de l’infrastructure de la défense. L’infrastructure dans le Nord coûte plusieurs fois plus cher que dans le Sud. Il faut composer avec le pergélisol. Il s’agit de faire venir tout ce qu’il faut pour construire des structures dans le Nord. Il y a le climat froid. Il y a aussi le coût plus élevé de la construction dans le Nord. De mon point de vue, l’infrastructure de la Défense doit avoir la priorité dans le Nord parce que, si nous voulons avoir une plus grande empreinte dans le Nord, il faut impérativement y établir notre infrastructure.

Mme Charron : Lorsque nous considérons ce que Whitney Lackenbauer appelle les « menaces à travers, sur et dans l’Arctique », puisque les Forces armées canadiennes n’ont pas de contrôle sur bon nombre des vrais problèmes dans l’Arctique, nous avons vraiment besoin d’une approche pangouvernementale. Voici pourquoi, par exemple, nous avons besoin de systèmes radar polyvalents parce que cette information est importante non seulement dans le contexte du NORAD, mais aussi pour la Garde côtière canadienne, Transports Canada et d’autres ministères au Canada. Plutôt que d’insister pour que les Forces armées canadiennes occupent toujours la position de chef de file dans l’Arctique — elles ne sont pas censées et ne devraient jamais l’occuper —, ce sont vraiment les autres ministères qui devraient le faire. C’est pourquoi nous devons commencer à intégrer nos efforts et à partager l’information avec les autres ministères afin de nous assurer que ces systèmes polyvalents profitent également aux gens de l’Arctique.

Je ne dis pas que nous avons besoin de nouvelles bases dans l’Arctique, parce que franchement, je pense que les membres des Forces armées canadiennes s’y tourneraient les pouces. Ce dont nous avons vraiment besoin, c’est d’un plus grand nombre de dentistes, de médecins, de personnel de Santé Canada et d’employés de l’Agence des services frontaliers du Canada, l’ASFC, pour s’occuper des voyageurs qui passent par l’Arctique. C’est sur ce point que je me dissocie en quelque sorte de M. Fetterly.

M. Fergusson : Permettez-moi d’ajouter deux choses.

Premièrement, et je ne critique pas le savoir autochtone, le savoir local, la valeur des Rangers, et ainsi de suite, mais reconnaissons que, dans la défense de l’Amérique du Nord, l’enjeu clé dans le contexte de l’Arctique, ce sont les menaces qui passent par l’Arctique. Ces systèmes sont de plus en plus complexes en raison des missiles de croisière à longue portée avancés, des missiles hypersoniques, ainsi que des missiles balistiques, qui passent tous par là. Nous ne pouvons nous contenter de belles paroles, et nous devons reconnaître quelles sont les limites de notre capacité. Il est peut-être très important que les Autochtones sachent où installer les stations radar, mais ce n’est pas l’élément clé ici.

Pour répondre à votre question plus générale, et je le dis depuis des années, personne n’aime parler de ce sujet. Je suis un hérétique de la politique démocratique. Laissons le public à l’écart. Cet enjeu ne concerne pas le public. Depuis des décennies, depuis que je suis jeune, j’entends dire : « Comment pouvons-nous éduquer le public? Si seulement le public comprenait. C’est très compliqué. Si seulement nous pouvions les intéresser. » Je vais vous dire une chose, c’est un débat voué à l’échec, encore et encore.

Je ne parle pas seulement du public canadien. Oui, le public américain est beaucoup plus attaché à la sécurité nationale et aux forces armées que nous, mais si vous lui posez des questions au sujet du NORAD, le public américain n’en sait pas plus que le public canadien, parce qu’il est obsédé — comme notre pays est obsédé, ainsi que les ministères et les gouvernements — par l’idée que la défense de l’Amérique du Nord commence par un engagement à l’étranger.

La vraie question consiste à savoir comment sensibiliser et attirer l’attention des décideurs, des décideurs politiques, tant au Canada qu’aux États-Unis, ainsi que dans les services, au quartier général de la Défense nationale et au Pentagone, à l’importance et à la priorité de ce problème de défense. Il est là le véritable enjeu. J’en suis toujours venu à la conclusion que lorsqu’on parle de sensibiliser le public, cela devient une excuse pour ne rien faire. C’est ce qui se passe ici.

Bien sûr, il y a des intérêts divergents qui se font la lutte pour les ressources, et ainsi de suite, mais il s’agit surtout d’une question de leadership du gouvernement. C’est le nœud du problème. Sinon, comme Mme Charron l’a souligné dans son exposé, il y a un danger réel que les gouvernements et les ministères perdent intérêt avec le temps et négligent la défense nord-américaine, ce qu’ils font assez bien depuis les années 1950, sauf pour une modernisation mineure. Il faut en faire beaucoup plus.

Oui, vous pouvez me retirer ma citoyenneté canadienne, si vous voulez.

Le président : Nous sommes à la fin de la première série de questions. Y a-t-il d’autres questions pour nos témoins cet après-midi? Il semble bien que non. Je vais donc mettre fin à la séance de ce premier groupe de témoins.

Au nom des autres membres du comité, je vous remercie sincèrement, madame Charron, monsieur Fergusson et monsieur Fetterly, pour le temps que vous avez passé avec nous aujourd’hui, pour la réflexion que vous avez apportée à vos mémoires et pour vos réponses réfléchies à des questions très importantes. Je m’attends à ce que ces questions soient répétées au cours de notre séance de l’après-midi, lorsque nous entendrons les chefs supérieurs du NORAD. Pour l’instant, nous vous remercions. Nous ne pourrions pas faire ce travail sans vous. Nous comptons sur les témoignages, l’expertise et le jugement de nos témoins, et vous nous avez beaucoup aidés aujourd’hui. Au nom du comité et du Sénat du Canada, je vous remercie beaucoup de vos conseils et du travail que vous faites chaque jour au nom des Canadiens dans vos importants rôles universitaires.

Pour notre deuxième groupe de témoins, nous accueillons par vidéoconférence, du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes, le lieutenant-général Alain Pelletier, commandant adjoint du NORAD; le major-général Iain Huddleston, commandant de la Région canadienne du NORAD, Forces armées canadiennes; et Jonathan Quinn, directeur général, Politique de défense continentale.

Merci à tous de vous être joints à nous aujourd’hui. Nous allons commencer cette séance en vous invitant à faire une déclaration préliminaire, après quoi les membres vous poseront des questions. Je crois comprendre que le lieutenant-général Alain Pelletier prononcera le discours d’ouverture aujourd’hui. Vous pouvez commencer dès que vous serez prêt.

Lieutenant-général Alain Pelletier, commandant adjoint, Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord, ministère de la Défense nationale et Forces armées canadiennes : Bonjour, monsieur le président et membres du comité. Je vous remercie de l’invitation à participer à la réunion d’aujourd’hui.

Comme l’a dit le président, je suis le lieutenant-général Alain Pelletier et je suis le commandant adjoint du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord, bien connu sous le nom de NORAD, ici à notre quartier général de la base des forces spatiales Peterson, à Colorado Springs, au Colorado.

[Français]

Je suis accompagné cet après-midi par le major-général Iain Huddleston, commandant de la première Division aérienne canadienne et de la Région canadienne du NORAD, et par M. Jonathan Quinn, directeur général, Politique de défense continentale au sein du ministère.

[Traduction]

En tant que commandant adjoint du NORAD, je suis le commandant en second et j’appuie le commandant du NORAD, le général américain Glen D. VanHerck, dans l’exécution de nos missions, de nos responsabilités et de nos fonctions, conformément à l’accord et au mandat du NORAD.

[Français]

L’Accord NORAD établit trois missions primaires pour le NORAD en Amérique du Nord, soit l’avertissement aérospatial, le contrôle aérospatial de même que l’avertissement maritime.

[Traduction]

Dans le contexte de nos missions du NORAD, l’Amérique du Nord englobe l’Alaska, le Canada, les États-Unis continentaux, Porto Rico et les îles Vierges américaines, y compris les zones d’identification de la défense aérienne autour de nos pays, les approches aériennes, les zones maritimes et les approches maritimes.

Il convient de signaler que le NORAD exécute également ce qu’on appelle l’Évaluation intégrée des avertissements de menaces et d’attaques pour tous les types de missiles, une mission qui s’étend sur le monde entier.

Le commandant du NORAD, ou moi-même en tant que commandant adjoint du NORAD en l’absence du commandant, relève du gouvernement du Canada et du gouvernement des États-Unis pour l’exécution de nos missions. Les organisations subordonnées du NORAD comprennent la Région canadienne du NORAD, ou RC NORAD; la Région continentale américaine du NORAD, connue sous le nom de CONR; et la Région de l’Alaska du NORAD, connue sous le nom d’ANR, toutes dirigées par leurs commandants respectifs de la région du NORAD, avec des membres intégrés des Forces canadiennes et américaines.

Le NORAD a évolué de sorte que le commandement soit en mesure de réagir efficacement aux changements dans l’environnement de sécurité et aux progrès technologiques. Au cours de son histoire, la menace qui pesait sur l’Amérique du Nord dans l’approche du Nord est passée de l’avion à long rayon d’action à une menace tous azimuts provenant de tous les domaines.

[Français]

Pour la première fois dans notre histoire collective de défense binationale, nous avons maintenant deux compétiteurs stratégiques, soit la Russie et la Chine, tous deux dotés d’armes nucléaires, et un troisième acteur, soit la Corée du Nord.

Avec les changements climatiques en cours, la Russie, la Chine et d’autres États sont de plus en plus intéressés par l’Arctique. Par conséquent, l’Arctique continue d’évoluer en une région interconnectée de plus en plus globalisée et contentieuse.

[Traduction]

Du point de vue du NORAD, la préoccupation réside dans le fait que l’Arctique représente le chemin le plus court pour attaquer l’Amérique du Nord. Nos adversaires ont déjà modernisé leur infrastructure dans l’Arctique. Ils ont déployé de nouveaux systèmes de missiles de défense côtière et aérienne, modernisé leurs forces maritimes et accru leurs opérations militaires d’entraînement avec une nouvelle organisation de commandement qui se consacre à l’Arctique.

Pour exécuter efficacement la mission du NORAD qui nous est assignée, nous devons devancer nos concurrents mondiaux, dissuader nos adversaires, vaincre les menaces par la connaissance de tous les domaines, la domination de l’information, la supériorité des décisions et être intégrés à l’échelle mondiale avec nos alliés.

[Français]

En juin dernier, la ministre de la Défense nationale a annoncé un financement pour la capacité canadienne de défense continentale, ce qui inclut la modernisation du NORAD.

[Traduction]

La modernisation du NORAD contribuera à la défense de l’Amérique du Nord et nous aidera à faire face aux menaces changeantes liées aux missiles et aux alertes maritimes, conformément à l’accord du NORAD, ce qui fera en sorte que notre continent soit une base sûre pour projeter la puissance et s’engager à l’étranger.

[Français]

Le quartier général du NORAD collabore d’ailleurs étroitement avec le quartier général de la Défense nationale et le Pentagone afin de synchroniser et coordonner la modernisation du NORAD dans une perspective de projets d’acquisitions.

[Traduction]

À mesure que les menaces continuent d’évoluer rapidement et que l’Arctique devient de plus en plus accessible, il est important que les deux pays déploient le plus tôt possible des capacités essentielles qui amélioreront notre connaissance du domaine, favoriseront la continuité des opérations et donneront aux décideurs nationaux suffisamment de temps pour prendre des décisions clés.

[Français]

Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de m’adresser à votre comité. Nous sommes prêts à répondre à vos questions.

[Traduction]

Le président : Merci beaucoup pour cet exposé. C’est un excellent début pour nous.

[Français]

Le sénateur Gignac : Merci, monsieur Pelletier. Nous vous remercions pour tout ce que vous faites avec votre équipe au sein du NORAD. Nous sommes bien fiers de vous.

J’ai envie de poursuivre la discussion que nous avons entamée avec le panel précédent. Je revenais sur la décision du gouvernement du Canada, en 2005, de ne pas joindre ses efforts à l’élaboration du bouclier antimissile. Or, le monde a changé et la technologie a évolué. Nous voyons maintenant que les Russes peuvent utiliser des missiles hypersoniques.

Le fait que le Canada ne soit pas partie prenante au bouclier antimissile est-il un handicap? Dans l’affirmative, le Canada ne devrait-il pas joindre cet effort puisque, comme vous l’avez mentionné, les menaces ont changé depuis plusieurs décennies?

Lgén Pelletier : Je vais commencer, puis M. Quinn poursuivra sur les questions liées à la politique.

Comme vous l’avez dit, et j’en ai parlé dans mon allocution initiale, la menace évolue. Présentement, ce qui préoccupe le NORAD, c’est l’évolution de la menace. Les choses ont évolué au-delà du problème des missiles balistiques. Nous devons désormais être conscients de la menace dominante, en ce moment, que constituent les missiles de croisière fournis à la Russie. Nous devons aussi être conscients de l’évolution des missiles hypersoniques, qu’ils soient de croisière ou d’autres types. Ces missiles ont la capacité d’être déployés et munis de têtes multiples. Cette évolution fait en sorte que notre système de défense doit aussi évoluer et être en mesure de percevoir, détecter et caractériser la menace qui évolue au-delà du profil traditionnel des missiles balistiques.

Nous poursuivons cette mission, malgré notre déficience aérienne attribuable au manque de capteurs. Nous faisons de notre mieux sur le plan de la détection des missiles, ce qui fait partie de la mission du NORAD pour ce qui est de l’avertissement aérospatial.

Monsieur Quinn, aimeriez-vous ajouter quelque chose pour ce qui est de la politique?

Jonathan Quinn, directeur général, Politique de défense continentale, ministère de la Défense nationale et Forces armées canadiennes : Merci de la question.

[Traduction]

Je n’ai pas grand-chose à ajouter, si ce n’est pour affirmer que la politique du Canada n’a pas changé dans la foulée des investissements annoncés en juin dans la modernisation du NORAD. Je dirais que pour les rôles que joue le NORAD, comme le lieutenant-général Pelletier l’a dit, un rôle actif dans l’évaluation intégrée des avertissements de menaces et d’attaques contre toutes les catégories de menaces aérospatiales et aussi une contribution active à la défense contre les menaces aérospatiales non balistiques — les initiatives de modernisation du NORAD en matière de surveillance, de commandement et de contrôle, la modernisation de l’infrastructure du Nord et l’amélioration de la contribution et des capacités de soutien du Canada, ainsi que les nouveaux investissements dans la recherche et le développement au cours de la période du plan de modernisation du NORAD, étalé sur 20 ans, amélioreront collectivement la contribution du Canada à la défense antimissile en général et contribueront à faire de nous un partenaire à valeur ajoutée pour ce qui est de défendre notre continent commun contre ces menaces aérospatiales. Merci.

[Français]

Lgén Pelletier : Comme l’a mentionné M. Quinn, nous continuons d’évoluer. Les radars transhorizon vont nous permettre d’améliorer notre système de détection à longue distance. Nous travaillons de concert avec ceux qui nous fournissent ces capacités aérospatiales afin de les moderniser, d’élargir notre temps de décision et de réduire le temps de détection.

Le sénateur Gignac : Merci, monsieur Pelletier, pour vos informations. Je crois avoir posé la question à un de vos collègues au printemps dernier, mais j’aimerais m’assurer d’avoir bien compris sa réponse. En ce moment, le Canada n’a pas les capacités de détecter les missiles hypersoniques et encore moins de les intercepter. Est-ce bien le cas?

Lgén Pelletier : En tant que commandant adjoint du NORAD, je parle de la capacité qui nous est fournie, au NORAD, et non de la capacité unique du point de vue canadien. La décision d’aller vers la détection aérospatiale remonte à 1958 et nous la mettons en pratique depuis ce temps. En tant que commandement binational, je ne peux pas dire que dans le « silo » canadien nous n’avons pas cette capacité. L’union fait la force et c’est cette union qui nous permet de remplir un élément de détection.

Le défi se pose non seulement pour ce qui est de la détection initiale, mais aussi pour le suivi du missile dans sa trajectoire. C’est ce sur quoi nous travaillons présentement, du côté canadien et américain de l’espace, afin de nous assurer que les systèmes sont en place pour effectuer un suivi de cette évolution de la menace.

[Traduction]

La sénatrice Duncan : Merci à nos témoins qui ont présenté leur exposé ce soir.

J’aimerais poursuivre avec une question. Le lieutenant-général Pelletier a parlé de tous les domaines et de leur interdépendance, et du fait que le Nord représente le chemin le plus court. Vous avez également parlé de l’Alaska et du sigle du NORAD à cet endroit. Comme je viens du Yukon, je suis évidemment très proche et très reconnaissante de la présence de l’Alaska dans le Nord. Pouvez-vous nous en dire davantage sur tous les domaines et sur ce que vous entendez par là? Je pense notamment à la cybersécurité.

Lgén Pelletier : Je vous remercie de la question.

Évidemment, quand on regarde le NORAD, on a tendance à penser à l’aérospatiale et à la marine parce que c’est très spécifique à notre mission. La réalité, c’est que pour être en mesure de fournir une information complète non seulement au commandant ici, mais aussi aux décideurs nationaux, tant au Canada qu’aux États-Unis, nous examinons ce qui entre dans l’espace d’information, le cyberdomaine, et ce qui peut se trouver dans le domaine maritime, le domaine aérospatial et le domaine terrestre et qui pourraient nous éclairer, ainsi que le domaine spatial, qui est très cher au domaine terrestre du NORAD. L’agrégation de l’information disponible dans tous ces domaines peut en fait informer le commandant et les décideurs nationaux de l’intention d’un ou de plusieurs adversaires d’employer des forces contre l’Amérique du Nord. C’est ce que nous entendons par tous les domaines. Notre mission demeure axée sur le domaine aérospatial, au chapitre de l’exécution, et sur le domaine maritime en ce qui a trait à l’alerte, mais nous demeurons intéressés par tous les autres éléments d’information qui peuvent se trouver dans les autres domaines pour effectuer notre évaluation.

La sénatrice Duncan : Pour poursuivre dans la même veine, par exemple, nous avons vu des reportages selon lesquels des Alaskiens dissuadaient des chasseurs russes de pénétrer dans la zone aérospatiale nord-américaine. Nous avons vu des Russes débarquer récemment en Alaska, à la lumière de la conscription forcée rendue nécessaire par l’invasion de l’Ukraine. Comment ces événements sont-ils interprétés dans le cadre de votre travail? Comment cette information, ou les différentes versions de cette information, est-elle interprétée dans le dialogue canadien sur la défense?

Lgén Pelletier : Je vous remercie de la question.

Vous avez mentionné la région de l’Alaska du NORAD, l’ANR. Ils interceptent assez régulièrement des menaces, comme nos chasseurs de la Région canadienne du NORAD qui sont déployés dans nos sites d’opérations avancés dans le Nord, parce que l’aviation russe à long rayon d’action peut arriver de la chaîne aléoutienne comme du nord de l’Arctique. Nous sommes en mesure d’effectuer la détection lorsque nous en avons l’occasion. Nous sommes limités là-bas, surtout sur les flancs nord. Nous allons donc élaborer un plan d’intervention en cas d’incursion en Alaska et dans les régions canadiennes du NORAD en fonction de ce qui est connu, de ce qui est détecté et de ce qui doit être fait. Ces deux régions ont une incidence sur ce secteur.

Comment cela se traduit-il dans le cadre du dialogue canadien? Nous avons le mandat de faire rapport. Évidemment, nous relevons des deux entités nationales. De plus, nous ferons rapport, à l’aide des affaires publiques, des événements qui se produisent en Alaska et dans les régions canadiennes du NORAD, ou dans la région continentale du NORAD, sur les interceptions qui ont lieu dans l’une ou l’autre des régions en ce qui a trait aux menaces potentielles pour le NORAD et les deux pays. Nous faisons rapport. Le NORAD a une équipe des affaires publiques. Nous avons également une équipe d’affaires publiques dans chacune des régions pour veiller à ce que ce message soit communiqué au public canadien. Ce que je ne contrôle pas, évidemment, c’est la prise en compte de ce message dans l’espace public.

Monsieur Quinn, ou major-général Iain Huddleston, vous qui êtes responsable de la Région canadienne du NORAD, avez-vous quelque chose à ajouter?

Major-général Iain Huddleston, commandant, Région canadienne du NORAD, Forces armées canadiennes, ministère de la Défense nationale et Forces armées canadiennes : Merci, monsieur, de votre question et de l’occasion que vous me donnez d’y répondre.

Je n’ai pas grand-chose à ajouter à ce que le lieutenant-général Pelletier a suggéré, mais pour ce qui est de l’aspect opérationnel, nous faisons le suivi, par l’entremise de notre Centre combiné d’opérations aériennes, ici à Winnipeg, des types de renseignements dont vous parlez, en lien direct avec le NORAD, et nos autres liens avec le Commandement des opérations interarmées du Canada et le Centre des opérations du gouvernement à Ottawa. Nous avons du travail à faire pour rendre ces processus transparents et les numériser. Nous sommes au centre de ces discussions, nous en prenons connaissance et nous agissons au besoin.

Dans ces deux cas, lorsque l’accent est sur l’ANR, nous sommes dirigés par l’ANR dans le cadre de l’intervention du NORAD; ensuite, la RC NORAD se prépare à fournir des renforts, au besoin, en déployant nos ressources à l’avance ou en les soutenant d’une autre façon.

La sénatrice Dasko : Je remercie nos témoins d’aujourd’hui.

Lieutenant-général Pelletier, notre comité s’est rendu dans le Nord le mois dernier. Nous avons traversé la région d’est en ouest. Nous avons visité le centre du NORAD à Inuvik et d’autres installations militaires dans le Nord. L’un des commentaires que j’ai entendus, et je ne me souviens plus qui en était l’auteur, mais c’était peut-être quelqu’un au centre du NORAD, c’est qu’en raison de l’accent mis sur les efforts qu’ils déploient en Ukraine, les Russes consacrent moins de temps à leurs activités dans le Nord et, par conséquent, il se peut que la menace autour du Nord soit moins importante qu’on ne le pensait auparavant. J’aimerais savoir ce que vous en pensez. Merci.

Lgén Pelletier : Je vous remercie pour cette question.

Nous sommes heureux de recevoir le comité à l’emplacement d’opérations avancé d’Inuvik et à d’autres endroits. J’espère que nos membres ont pu illustrer certains défis de la mission. Ces défis sont souvent très intimidants dans l’environnement opérationnel de l’Arctique.

Tout d’abord, permettez-moi de vous donner un peu de contexte. Depuis 2007, année où l’aviation russe à long rayon d’action a repris ses patrouilles dans le Nord, il y a eu en moyenne six à sept vols par année. Entre 2007 et aujourd’hui, ce nombre varie entre 15 et 0. Il n’y a eu aucun vol après les deux ou trois écrasements survenus en 2014-2015. Cette année, nous avons constaté une réduction du nombre de vols, surtout depuis l’invasion illégale de l’Ukraine par la Russie le 24 février. Toutefois, certaines de ces activités ont maintenant repris. Nous continuons à surveiller ces activités, car elles ne se limitent pas à l’aviation à long rayon d’action. La Russie envoie maintenant des sous-marins sur les côtes de l’Atlantique et du Pacifique pour démontrer ses capacités stratégiques et pour faire peser une menace sur l’Amérique du Nord.

Même sans mentionner les instruments, ces dix dernières années, la Russie a modernisé un certain nombre des bases qu’elle utilisait pendant la guerre froide. Après les avoir négligées pendant un certain temps, elle s’est mise à les moderniser et a non seulement accru sa présence, mais elle l’a avancée en occupant certaines de ses îles d’où elle peut projeter sa puissance dans l’Arctique. Elle y compte maintenant plus de 10 bases opérationnelles. Sa présence dans l’Arctique n’a pas diminué l’année dernière. Nous surveillons ces activités de près.

Comme je l’ai mentionné dans ma déclaration préliminaire, la Russie a publié une stratégie pour l’Arctique l’an dernier, je crois. Elle a créé un commandement pour l’Arctique, dans la partie nord de ses territoires.

La sénatrice Dasko : Merci.

J’ai lu dans les médias aujourd’hui que près de la moitié des militaires russes ont été tués ou blessés en Ukraine. Pouvez-vous nous parler de cela? De nombreuses personnes sont convaincues que la guerre en Ukraine a révélé le piètre entraînement des militaires russes et leur manque de motivation ainsi que les maigres ressources dont ils disposaient probablement. Maintenant, leurs pertes sont très lourdes à cause des activités des Ukrainiens et de l’aide massive qu’ils ont reçue de pays comme les États-Unis. Les Ukrainiens ont presque triomphé. Ils se sont extrêmement bien tirés d’affaire avec les ressources dont ils disposaient, et les Russes s’en sont très mal sortis. J’aimerais savoir ce que vous en pensez.

Lgén Pelletier : Merci pour cette question.

Évidemment, nous sommes de tout cœur non seulement avec les militaires ukrainiens, mais aussi avec leurs concitoyens, qui souffrent depuis le 24 février à la suite de l’agression et de l’invasion illégales de la Russie.

Malheureusement, je ne peux pas faire de commentaires sur ces statistiques. Nous surveillons les capacités russes qui pourraient avoir une incidence sur l’Amérique du Nord. Le Commandement des opérations interarmées du Canada suit et soutient les activités militaires des Forces armées canadiennes à l’appui de l’OTAN, et nous suivons ces activités dans ce théâtre d’opérations.

Je tiens cependant à ajouter que les activités qui se déroulent sur le terrain en Ukraine ne devraient pas être considérées comme une indication de la piètre capacité stratégique de la Russie. Comme je l’ai souligné, son aviation à long rayon d’action a fait ses preuves au fil des ans. Non seulement les Russes l’ont modernisée, mais ils ont démontré leur capacité de projeter leur puissance et d’utiliser judicieusement leurs troupes. Ils ont modernisé leurs missiles de croisière pour qu’ils atteignent l’Amérique du Nord. Ils ont accru leur aviation à long rayon d’action en modernisant des bases. Ils mènent maintenant des exercices de capacité stratégique avec de nouveaux sous-marins plus silencieux et, par conséquent, plus difficiles à détecter. Ces sous-marins ont la capacité de lancer des missiles de croisière en Amérique du Nord. Je le répète, ils font cela en toute impunité dans l’Atlantique et maintenant aussi dans le Pacifique. Oui, leur exécution tactique en Ukraine est une chose, mais nous nous concentrons sur les capacités dont ils ont fait preuve. Elles suivent la doctrine militaire de la Russie, qui consiste à utiliser l’aviation à long rayon d’action et les flottes navales stratégiques.

Le sénateur Boehm : Je remercie nos témoins. Lieutenant-général Pelletier, je suis heureux de vous revoir.

J’aimerais savoir comment va la planification de la modernisation et où elle en est. En juin, le Canada a annoncé un financement de 4,9 milliards de dollars sur six ans. C’est une grosse somme. À l’avenir, on effectuera beaucoup de travail dans les secteurs cernés pour cet investissement, en collaboration avec tous les intervenants et peut-être avec des entrepreneurs privés, mais ce qui m’intéresse le plus, c’est la coordination. Avec les États-Unis, nous avons un contact militaire. Le gouvernement des États-Unis a également un processus auquel participent d’autres acteurs et départements, notamment le conseil de sécurité nationale et le département d’État. Nous avons quelque chose de semblable au Canada. Ma question porte sur la consultation et la planification. Dans quelle mesure élargissez-vous cette portée, si vous pouvez nous en parler, qui y participe et comment ces divers éléments fonctionnent-ils?

Ce système est-il assez bien préparé pour réagir agilement à une menace inconnue ou imprévue? J’étais posté à notre ambassade à Washington le 11 septembre. Ceux d’entre nous qui travaillaient dans ce domaine avaient perçu la menace qui pesait. Toutefois, nous ne savions pas qu’elle était si imminente. Puis, lorsque l’attaque s’est produite, bien sûr, le NORAD s’est mis à l’œuvre en bombardant des avions de chasse et en menant d’autres activités.

Je me demande dans quelle mesure tout cela est relié. Avez-vous établi une nouvelle structure de gouvernance en prévoyant ces dépenses de près de 5 milliards de dollars? Comment le plan d’investissement va-t-il fonctionner au cours de ces prochaines années?

Lgén Pelletier : Je vous remercie pour ces questions. Elles sont très étendues.

Je commencerai par dire que le NORAD accueille favorablement l’annonce du gouvernement canadien concernant non seulement la lettre du budget, mais aussi l’annonce subséquente découlant de la modernisation du NORAD.

Je dirais qu’il s’agit de la suite du travail accompli au cours de ces trois dernières années au ministère de la Défense nationale et dans les Forces armées canadiennes. Nous cherchons à définir en quoi consistent la modernisation du NORAD et la défense continentale, mais aussi ce qu’elles devraient être. C’est aussi la suite de ce travail, parce qu’au cours de ces trois dernières années, le NORAD a publié ce que nous appelons la liste des priorités intégrées, qui est une liste abrégée du NORAD et du USNORTHCOM précisant les besoins de ces deux commandements. Nous avons réduit cette liste pour tenir compte uniquement des besoins du NORAD et nous l’avons transmise aux dirigeants canadiens et américains afin de les informer des besoins futurs de notre commandement.

À partir de cela, mes prédécesseurs et moi-même avons collaboré avec les dirigeants des deux pays pour faire comprendre nos besoins et pour établir des ponts afin que les communications circulent bien entre les deux pays de part et d’autre de la frontière. Cela a renforcé les capacités de répondre à nos besoins. La modernisation du NORAD n’était en fait qu’un point de départ.

Depuis, l’Aviation royale canadienne, que nous appelons l’ARC dans notre jargon, et l’armée de l’air des États-Unis, l’USAF, ont collaboré à l’avancement du projet de radar transhorizon. Les États-Unis vont également faire l’acquisition d’un radar transhorizon afin de compléter leurs capacités de détection. Cela comblera l’une de nos lacunes, la connaissance du domaine. Dans un instant, je céderai la parole à M. Quinn, qui vous parlera de la relation politique à établir entre nos deux pays.

En plus de la relation entre l’Aviation royale canadienne et la USAF, Recherche et développement pour la défense Canada, le ministère de la Défense nationale et les laboratoires de recherche des États-Unis collaborent pour faire avancer la recherche dans des domaines communs. Nous réagirons ainsi à l’évolution des menaces que posent les missiles hypersoniques et autres.

Nous collaborons très bien. Comme je l’ai mentionné, depuis le NORAD, je vois les deux côtés de l’équation. Je m’assure d’établir des ponts pour assurer une bonne coordination.

Avant de céder la parole à un autre témoin, je vais parler de l’agilité. Nous essayons de demeurer agiles. C’est un mot qui fait partie de mon vocabulaire. J’invite toutes les régions — CONR, RC NORAD et ANR — à demeurer agiles. Nous nous tenons à l’affût des menaces. Nous entretenons d’excellentes relations avec tous les organismes de renseignement qui appuient nos missions, tant au Canada qu’aux États-Unis et dans l’ensemble du Groupe des cinq. Nous le faisons pour nous tenir à l’avant-garde de la menace. Même si nous essayons de prévoir l’imprévu, il y a toujours des surprises, comme nous l’avons vécu le 11 septembre. Nous essayons de maintenir en tout temps notre posture et notre disponibilité opérationnelle pour réagir avec agilité et rapidité.

Je vais maintenant céder la parole à M. Quinn, qui vous parlera de l’aspect politique.

M. Quinn : Je vous remercie pour cette question. Je serai bref, mais j’ai deux ou trois choses à ajouter à l’excellente réponse du général Pelletier.

Comme il l’a mentionné, depuis le début, le Canada et les États-Unis travaillent côte à côte à Colorado Springs. Ils ont ainsi créé la liste des priorités intégrées dont le général Pelletier a parlé. La prochaine étape de la modernisation du NORAD a été la publication d’une déclaration conjointe sur la modernisation du NORAD en août 2021. C’est là que nous nous sommes engagés politiquement à transformer les besoins du commandement du NORAD en une liste d’investissements prioritaires pour chaque gouvernement. Cette liste oriente nos activités communes de modernisation du NORAD. Cela nous a beaucoup aidés à obtenir du soutien et nous a amenés à l’annonce de juin dernier.

Maintenant que nous avons décidé quelles initiatives seront mises en œuvre et avec quel niveau de financement, nous travaillons en étroite collaboration avec les États-Unis. Je communique régulièrement avec mon homologue du Pentagone. Le mois dernier, nous avons tenu une excellente discussion à la Commission permanente mixte de défense, un dialogue de haut niveau entre le Canada et les États-Unis. Nous avons parlé de la mise en œuvre de la modernisation du NORAD. Mon équipe participe également à un groupe de travail avec ses homologues du Pentagone. Ils invitent des intervenants d’autres institutions de chaque pays qui s’occupent d’infrastructures, de l’environnement et de nos forces aériennes respectives. Ce groupe de travail veille à maintenir les lignes de communication bien ouvertes et à cerner les problèmes de mise en œuvre dès le début afin de les résoudre.

Nous en sommes aux toutes premières étapes. L’annonce a été faite en juin, mais nous élaborons des plans détaillés comportant des jalons et des bureaux de projet ici, au quartier général de la Défense nationale, pour faire avancer certaines initiatives. Comme l’a dit le général Pelletier, l’Aviation royale canadienne, qui dirige une grande partie des investissements canadiens, a établi une relation de travail très étroite avec ses homologues de l’aviation américaine, qui sont responsables de la majeure partie des activités américaines de modernisation du NORAD. Je vais m’arrêter ici. Merci.

Le sénateur Yussuff : Je remercie les témoins d’être venus.

Je suppose que ma question porte sur l’échéancier avec lequel nous travaillons. Nous avons six ans pour terminer ce travail. Compte tenu de l’environnement changeant dans lequel nous évoluons, je me demande si c’est suffisant, puisque notre sécurité dépend entièrement des systèmes que nous avons en place pour nous alerter et de notre capacité de réagir à la menace, s’il y en a une dans cette réalité. De votre point de vue, lieutenant-général Pelletier, pensez-vous que ce délai est adéquat compte tenu de la réalité et des défis auxquels nous faisons face? Il se trouve des acteurs assez agressifs sur le terrain, et nous ne pouvons même plus envisager la dissuasion. Êtes-vous convaincu que nous sommes sur la bonne voie, ou devrions-nous repenser l’échéancier fixé?

Lgén Pelletier : Je vous remercie pour cette question.

Évidemment, je suis opérateur militaire, alors je veux aller toujours plus vite, et cela vient de mes origines. J’ai piloté des CF-18, qui ont tendance à être rapides. Le commandant, le général VanHerck, dirait aussi que cette menace plane déjà sur nous. Il faut que nous soyons en mesure de la contrer le plus vite possible, non seulement sur le plan de la détection, mais sur le plan de la dissuasion et de la défense en cas d’agression.

Cependant, je pense qu’il faut aussi regarder la situation dans son contexte. En 2017, le gouvernement a annoncé la publication de la politique de défense du Canada — Protection, Sécurité, Engagement — qui a mené à la mise en service des capacités que nous sommes sur le point d’installer sur nos lignes de front. La capacité des chasseurs progresse rapidement, ce qui mènera au remplacement de la flotte de CF-18. Nous voyons aussi la capacité stratégique de pétroliers qui remplaceront ceux de notre flotte stratégique actuelle. De plus, les 4,9 milliards de dollars ne serviront pas seulement à la recherche et au développement, mais à lancer la phase de définition d’autres projets prévus dans le cadre de la modernisation globale du NORAD. Il nous faudra plus de six ans pour faire tout cela. Cela s’étendra probablement sur une vingtaine d’années.

Dans nos rôles d’opérateurs, d’utilisateurs et de fournisseurs des capacités du NORAD, nous travaillerons avec les Forces armées canadiennes et avec le département de la Défense des États-Unis afin d’accroître ces capacités le plus rapidement possible en surmontant les contraintes fondamentales du processus dans lequel les deux pays doivent fonctionner.

Monsieur Quinn, avez-vous quelque chose à ajouter sur l’échéancier de ce programme?

M. Quinn : Merci beaucoup, monsieur, et merci pour votre question.

J’aimerais simplement préciser que les activités canadiennes de modernisation du NORAD ont en fait un horizon de 20 ans. Il s’agit d’une vaste gamme d’initiatives nouvelles que nous cherchons à mettre en œuvre. Certaines d’entre elles en sont aux premières étapes de l’élaboration, d’autres sont assez complexes, et leur mise en œuvre nécessitera plus de temps. Nous sommes convaincus de pouvoir procéder à la planification et à la mise en œuvre en toute confiance, car nous savons que, dans le cadre de cet horizon de 20 ans, 40 milliards de dollars de financement — comptabilité d’exercice — sont prévus.

J’ajouterais qu’au cours de ces 20 ans, une partie de ces 40 milliards de dollars, soit environ 4 milliards de dollars, seront consacrés à la recherche et au développement. En effet, nous devrons continuellement regarder vers l’avenir et chercher des solutions pour contrer les menaces futures afin de garder une longueur d’avance sur nos concurrents, qui ne cessent de moderniser leurs forces militaires. Il est également crucial que nous suivions nos proches alliés, surtout les États-Unis.

Le sénateur Yussuff : Lorsque nous sommes allés dans le Nord, nous avons visité un grand nombre d’installations. Vous avez toute ma sympathie pour les défis auxquels vous faites face, mais ma sympathie ne vaut pas grand-chose. En réalité, la construction de nouvelles infrastructures présentera un énorme défi. L’Arctique change à une vitesse vertigineuse, et les communautés des Premières Nations s’attendent à ce que nous investissions pour construire des infrastructures qui ne serviront pas seulement à l’armée, mais à elles aussi. Elles veulent participer à la discussion. Elles veulent aussi collaborer, reconnaissant que les Rangers assument déjà un rôle important dans la défense de l’Arctique. Cette conversation est-elle intégrée et solide?

Ce qui est encore plus important pour la construction de nouvelles infrastructures, c’est que le pergélisol est en train de fondre, alors je suppose qu’il faudrait faire beaucoup de recherches sur la façon de construire des installations qui résisteront aux défis qui les attendent à court et à long terme. Vous pourriez peut-être nous éclairer sur le travail que vous effectuez pour vous y préparer.

Lgén Pelletier : Je vais commencer à répondre, puis je céderai la parole à M. Quinn et au général Huddleston, qui vous parleront des détails de notre engagement avec les communautés du Nord et avec les nations autochtones.

Tout d’abord, je conviens que l’Arctique nous pose un défi énorme. Cet environnement rend le fonctionnement des opérateurs et des machines extrêmement difficile. Il pose aussi un défi par le fait que la région avec laquelle nous devons composer est extrêmement vaste et que nous n’y trouvons pas beaucoup de ressources et de réseaux. Le défi de la construction dans l’Arctique ne nous échappe pas. Heureusement, la Région canadienne du NORAD, RC NORAD, a déjà exploré certaines capacités dans l’Arctique, comme des installations de réparation rapide, afin de développer l’agilité des opérations menées dans le Nord.

Nous avons déjà des infrastructures. Nous essayons de maintenir notre persistance dans l’Arctique. Nous ne voulons pas y installer une présence permanente, parce que cela coûterait cher, mais nous voulons établir la persistance nécessaire pour réagir à la menace accrue qui se pose dans cette région. Nous devons moderniser cette architecture et les infrastructures existantes pour non seulement répondre à la menace future, mais aussi pour les rendre compatibles avec l’avancement de nos propres capacités, notamment avec la mise en service de la capacité future des chasseurs.

Je vais céder la parole à M. Quinn pour qu’il vous parle de notre engagement global avec les nations du Nord. Je tiens à souligner qu’il est crucial pour nous d’entretenir de bonnes relations. Je sais que la région de l’Alaska du NORAD entretient des relations avec les communautés du Nord dans le cadre de toutes ses opérations et de ses activités. Nous le faisons aussi au Canada. Nous nous penchions déjà sur la modernisation du NORAD avec l’évolution de nos capacités avant l’annonce indiquant que ces capacités devraient non seulement soutenir les objectifs du MDN et des Forces armées canadiennes, mais les divers besoins d’autres groupes vivant dans cette région.

M. Quinn : Merci beaucoup pour cette question. J’ajouterai deux ou trois observations à la réponse du général Pelletier.

Tout d’abord, je tiens à souligner que, pendant que nous élaborions les propositions dont découle l’annonce que la ministre Anand a présentée en juin, nous avons cherché, par l’entremise du Cadre stratégique pour l’Arctique et le Nord et d’autres tribunes, à mobiliser les communautés du Nord et leurs dirigeants. Nous voulions ainsi nous faire une idée aussi claire que possible de leurs besoins en matière d’infrastructures et autres. Pendant la mise en œuvre des initiatives de modernisation du NORAD, nous utiliserons les renseignements recueillis et les relations que nous avons établies dans le cadre de ces consultations pour chercher activement un double usage pour les infrastructures. Nous avons l’intention d’obtenir plus de détails en menant des consultations ciblées auprès des habitants du Nord au fur et à mesure de la mise en œuvre et de l’avancement de la planification. Nous avons une idée des infrastructures que nous pourrons améliorer dans le Nord, mais les plans précis sont encore en cours d’élaboration. Nous aurons de nombreuses occasions de travailler en étroite collaboration avec les communautés du Nord pour tirer profit au maximum des possibilités de double usage.

Nous désirons également saisir toutes les occasions possibles de contribuer au développement économique des communautés du Nord. Le comité a déjà entendu parler du contrat accordé à la Nasittuq Corporation pour l’entretien de l’actuel Système d’alerte du Nord. Cette société appartient à des Inuits. Nous nous attendons à ce que des possibilités semblables se présentent à l’avenir à mesure que nous mettrons en œuvre toutes les initiatives de modernisation du NORAD, afin d’offrir des possibilités économiques semblables aux habitants du Nord.

Merci beaucoup.

Mgén Huddleston : J’ajouterais que, du point de vue opérationnel, nous ne nous limitons pas à exécuter notre mission dans le Nord, mais nous y faisons face à plusieurs défis. L’exploitation de chasseurs dans le Nord est très difficile, surtout à cause des conditions météorologiques qui ont généralement une incidence sur les emplacements d’opérations avancés. Le plan de modernisation du NORAD prévoit des investissements importants dans les quatre emplacements d’opérations avancés que nous avons actuellement dans le Nord, ce qui nous aidera à affronter certains de ces défis afin de rendre nos opérations de chasseurs dans le Nord du Canada plus viables et plus robustes.

Pour ce qui est du transport aérien et des autres types d’opérations aériennes que nous menons dans le Nord, elles ne sont aucunement limitées par notre empreinte d’impact dans cette région. Toutefois, elles s’amélioreraient beaucoup si nous bâtissions des hangars et d’autres installations, comme des infrastructures de soutien et d’entretien. Ces initiatives font partie des priorités de la défense, mais elles relèvent plus de la mise à jour des politiques de défense que de la modernisation du NORAD. La modernisation du NORAD est très axée sur le problème du NORAD et, comme je l’ai dit, on y investit de grosses sommes.

Du point de vue de la consultation et de l’engagement, la 1re Division aérienne du Canada, la Région canadienne du NORAD, veille à ce que les communautés où se situent nos emplacements d’opérations avancés soient pleinement informées et qu’elles participent à nos activités. Nous menons d’autres activités de ce genre dans le Sud, plus précisément à Cold Lake, dans l’aire de répartition qui se trouve au nord de Cold Lake, et aussi actuellement à Goose Bay. Nous sommes très conscients du soutien que les communautés locales du Nord nous fournissent. En fait, sans leur soutien, nous serions incapables d’exécuter notre mission. C’est une véritable priorité pour ma division.

Le sénateur Yussuff : Nous devons aussi tenir compte du fait que deux nouveaux pays se sont joints à l’OTAN. Ce sont des nations arctiques. Cela devrait certainement inciter l’OTAN à se concentrer sur la sécurité de l’Arctique en général pour protéger la Suède et la Finlande. Est-ce que cela change la perspective générale de l’OTAN face à tous ces pays et est-ce que l’OTAN se concentrera plus sur la sécurité de l’Arctique pour protéger les pays scandinaves qui font maintenant partie de la famille de l’OTAN?

Lgén Pelletier : Je vous remercie pour cette question.

Nous ne perdons pas de vue qu’avec l’inclusion de la Finlande et de la Suède, toutes les nations de l’Arctique sauf une, la Russie, vont faire partie de l’OTAN. Je crois que ces pays apportaient déjà leur contribution à la sécurité dans l’Arctique, mais évidemment, tout est relatif, comme je l’ai appris au cours de ma formation. Nous regardons la situation du point de vue nord-américain, et ces pays la regardent du point de vue européen. Quoi qu’il en soit, il s’agit toujours de la sécurité de l’Arctique.

Nous discutons de la façon dont nous pourrons mieux assurer la sécurité dans l’Arctique en échangeant des données. Nous voulons mieux connaître le domaine dans lequel nous nous trouvons. Il faut que nous sachions ce qui vole et ce qui flotte dans l’Arctique, et pour quelles raisons. Cette relation va se développer au cours des deux ou trois prochaines années, je pense.

Comme vous le savez probablement, le général Eyre, chef d’état-major de la défense, a accueilli les chefs d’état-major de la défense de l’Arctique de tous les pays sauf la Russie, en août, à Terre-Neuve. Cette réunion a probablement fortement contribué au maintien de la sécurité dans la région de l’Arctique.

Monsieur Quinn, avez-vous quelque chose à dire au sujet des politiques?

M. Quinn : J’aimerais ajouter deux ou trois choses.

En regardant la situation du point de vue de l’OTAN, je ne suis pas sûr que l’admission de la Suède et de la Finlande ne l’incite à assumer tout de suite un plus grand rôle dans le maintien de la sécurité de l’Arctique. Je pense qu’elle s’occupera plus activement des pays nordiques de l’Europe qui bordent l’Arctique. Je ne pense pas vraiment que le NORAD de l’Amérique du Nord incite l’OTAN à accroître sa présence et ses activités pour surpasser celles que nous avons actuellement dans l’Arctique canadien.

Je tiens également à souligner que nous participons activement à des discussions stratégiques à tous les niveaux avec nos alliés de l’Arctique. Nous faisons face à un grand nombre des difficultés semblables dans nos domaines respectifs, et nous voyons de nombreuses occasions d’approfondir la collaboration avec eux pour relever certains de ces défis en matière de défense et de sécurité dans l’Arctique. À cette fin, la ministre Anand a lancé un dialogue sur la sécurité et la défense avec ses homologues des pays alliés de l’Arctique. Ces discussions progressent bien, et les participants échangent beaucoup de bons renseignements. Vous aurez aussi constaté que le secrétaire général de l’OTAN s’est rendu dans l’Arctique canadien l’été dernier, ce qui a permis de mener de nombreuses bonnes conversations sur l’orientation de l’OTAN pour la défense du Nord.

Votre question est excellente. Toutefois, il est encore un peu tôt pour y répondre, puisque la Suède et la Finlande viennent d’entrer à l’OTAN et qu’elles ont encore plusieurs obstacles à franchir. Nous allons surveiller de près ce que fera l’OTAN.

Merci.

Le président : Avant de passer au prochain tour, j’ai une question à poser. Je vais revenir à la menace de la nouvelle génération technologique des missiles — les hypersoniques et ce genre de choses. Nous avons entendu dire que nous avons des moyens de répondre à ces menaces, comme l’utilisation de radars transhorizon et différentes formes de surveillance aérospatiale. Cependant, il nous faudra du temps pour les acquérir et les développer. Cela laisse entendre qu’il y aura une lacune. Pendant cette période de transition, disposez-vous d’autres mesures provisoires pour réagir à la menace des nouvelles formes de technologie des missiles? C’est ma première question.

Deuxièmement, ces nouvelles formes de radar transhorizon, peut-on les acquérir sur le marché? Ces radars sont-ils déjà produits par des entrepreneurs ou des entreprises du secteur de la défense, ou faut-il les fabriquer sur mesure?

Lgén Pelletier : Je vous remercie pour ces questions.

Premièrement, en ce qui concerne la surveillance, les menaces de missiles posent un problème de détection, de suivi, de caractérisation et de défense potentielle. À l’heure actuelle, le NORAD se charge de la détection, de l’alerte en cas de menace et de l’évaluation des attaques dont nous avons parlé plus tôt. Nous sommes également chargés de la défense contre les missiles de croisière. Le NORAD n’est pas chargé de se défendre contre les missiles balistiques, et nous ne sommes pas encore chargés de nous défendre contre les véhicules légers hypersoniques.

Quant à la détection même, nos systèmes peuvent détecter un lancement. Le défi se situe au niveau des différents systèmes. Par exemple, la Chine a mis au point et testé un système de bombardement orbital vers l’avant. Elle a lancé ce missile en orbite et elle l’a maintenu en orbite, de sorte que nous devons y ajuster notre système de détection. Nous devons continuer à perfectionner notre mécanisme de suivi.

Les systèmes comme ceux-là et les missiles de croisière sont manœuvrables. Il est donc difficile de les détecter lorsqu’on ne sait pas où se trouve la cible. Nous avons besoin du système auquel nous travaillons depuis de nombreuses années pour vraiment défendre ce qui doit être défendu. C’est une question de politique, parce qu’il faut que les gouvernements canadien et américain nous disent, par l’entremise du NORAD, ce qu’ils considèrent comme les éléments à défendre.

Dans le cas des missiles de croisière, nous nous défendons avec des avions de chasse grâce à la plateforme aéroportée d’alerte rapide que les États-Unis fournissent au commandement pour détecter et engager les missiles de croisière. La dernière série de missiles de croisière est dotée d’une section radar inférieure. Ces missiles ont donc moins de capacité de détection et d’engagement. Pour pallier cela, nous utilisons des avions de cinquième génération comme les F-22 et les F-35, qui sont équipés d’un radar spécial capable de détecter et d’engager ces missiles de croisière. Toutefois, compte tenu du nombre de missiles de croisière dont nos adversaires disposent, cela risque d’être difficile, suivant leur angle d’attaque et leur cible finale. C’est une question de surveillance.

Nous nous réjouissons de l’annonce faite par les gouvernements des États-Unis et du Canada, qui ont décidé d’acquérir le radar transhorizon. Ce radar comblera l’absence de détection non seulement dans l’espace aérien de l’Arctique, mais sur d’autres voies d’approche, comme au-dessus de l’Atlantique et du Pacifique. Comme je l’ai illustré dans l’une de mes réponses initiales, la menace peut aussi provenir de sous-marins capables de lancer des missiles de croisière de pointe, ce qui rend la détection initiale difficile. Le radar transhorizon nous permettra, grâce à un réseau de systèmes, de détecter les menaces qui se posent au-dessus de l’Arctique, de l’Atlantique et du Pacifique. Ces systèmes ont été mis en service par nos alliés. Nous sommes en discussion avec l’un de nous alliés qui a déjà utilisé une version précédente de ce système. Nous voulons mettre en service un radar transhorizon de pointe qui améliorera la détection. Il détectera non seulement les missiles de croisière, mais aussi toute menace provenant des airs et de l’espace en utilisant tous les éléments de sa capacité.

M. Quinn : Pour répondre à votre première question sur la période de transition et sur les mesures provisoires, je dirais que du point de vue nord-américain, nous appliquons deux types de dissuasion. D’abord, la dissuasion par interdiction, en démontrant des moyens de défense robustes pour dissuader l’adversaire parce qu’il sait que nous contrecarrerons facilement son attaque. Ensuite, la dissuasion par représailles; si nous ne pouvons pas éviter l’attaque, nous promettons de réagir d’une manière tellement écrasante qu’elle dissuadera l’adversaire. Pendant la période de transition, nous compterions probablement un peu plus que nous le souhaiterions sur la dissuasion par représailles jusqu’à ce que nous puissions renforcer nos défenses nord-américaines pour appliquer la dissuasion par interdiction.

Le radar transhorizon est-il disponible sur le marché, ou devrons-nous le fabriquer? Le Canada offre deux possibilités. La première est ce que nous appelons le radar transhorizon arctique, qui serait installé quelque part le long de la frontière entre le Canada et les États-Unis et dont la capacité de détection atteindrait presque jusqu’à la partie supérieure de l’archipel Arctique. Sa technologie est assez avancée. Nous envisageons de procéder à la mise en œuvre et à la mise en service de ce système le plus rapidement possible.

La deuxième contribution canadienne est le radar transhorizon polaire. Il serait situé dans l’Extrême-Arctique canadien. Nous avons encore un peu de recherche et de développement à faire pour résoudre le problème du brouillage causé par les aurores boréales en hautes latitudes. D’après ce que je comprends, il est tout à fait possible de résoudre ce problème. Je ne suis pas un scientifique, mais je crois savoir que nous sommes sur le point de le résoudre. Nous avons encore un peu de développement à faire, mais nous comptons le mettre en service environ deux ans après l’installation du système de latitude inférieure.

Le président : Merci beaucoup pour ces réponses. Ils sont très utiles.

Nous arrivons maintenant au deuxième tour.

[Français]

Le sénateur Gignac : J’aurais deux questions pour le lieutenant-général Pelletier. Merci encore de votre patience et d’être parmi nous aujourd’hui.

Dans vos remarques d’ouverture, vous avez dit que le NORAD avait comme missions l’avertissement aérospatial, le contrôle aérospatial et l’avertissement maritime. Lors des événements malheureux du 11 septembre 2001, dont notre collègue le sénateur Boehm a parlé, nous avons vu l’efficacité du NORAD pour ce qui est du contrôle aérospatial. Or, en raison des changements climatiques, le trafic maritime risque d’augmenter significativement et il est question de l’ouverture du passage du Nord-Ouest.

Ma question est la suivante : dans le cadre de la modernisation du NORAD, croyez-vous qu’il y aurait des avantages à ajouter le contrôle maritime en plus de l’avertissement maritime? Actuellement, vous avez l’avertissement et le contrôle aérospatial, mais du côté maritime vous n’avez que l’avertissement; vous n’avez pas le contrôle maritime. Dans la mesure où le nord du Canada représente 40 % de la superficie du pays et qu’il risque d’y avoir beaucoup plus de trafic maritime au cours des prochaines décennies, selon vous, le contrôle maritime devrait-il faire partie de la modernisation du NORAD?

Lgén Pelletier : Évidemment, le NORAD est d’avis que c’est une question d’ordre politique. Le NORAD a évolué au cours de son histoire, ayant débuté en 1958 avec l’avertissement et le contrôle aérospatial. La mission d’avertissement maritime a été ajoutée en 2006. On évolue selon le niveau de confort des gouvernements, s’ils sont à l’aise d’agir de manière binationale.

Lorsque nous avons amorcé la discussion sur la modernisation du NORAD, c’est une des questions que j’ai posées, à savoir s’il y a une évolution, un changement de la mission. Pour l’instant, les deux gouvernements sont à l’aise avec la mission qui nous est attribuée, et la mission de contrôle maritime est exécutée en continu à la suite de notre mission d’avertissement naval. Elle est exécutée par le commandement de l’USNORTHCOM (U.S. Northern Command), qui est aussi sous la responsabilité du général Glen D. VanHerck, qui joue deux rôles. La mission est exécutée de concert avec le Commandement des opérations interarmées du Canada, le CJOC, en anglais, en collaboration avec l’OTAN et EUCOM (U.S. European Command) dans le secteur européen ainsi qu’avec le commandement indopacifique américain sur la côte pacifique.

C’est une mission qui a été exercée au cours des dernières décennies, et que le Canada et les États-Unis exécutent de façon régulière. Cette mission est actuellement en œuvre, et pour l’instant, on ne prévoit pas de changements à la mission.

[Traduction]

Monsieur Quinn, avez-vous quelque chose à ajouter dans le domaine politique?

M. Quinn : Je pense que le général Pelletier a très bien décrit la situation, mais j’ai mentionné plus tôt la déclaration conjointe sur la modernisation du NORAD qui a été publiée en août 2021. En plus de définir les domaines d’investissement prioritaires, ce document visait à définir avec les États-Unis ce que nous entendions exactement par modernisation du NORAD. Au cours de nos discussions avec les États-Unis à ce sujet, nous en sommes tous rapidement venus à la conclusion que nous sommes déjà assez occupés par la modernisation et l’amélioration des capacités nécessaires au NORAD pour sa mission actuelle. Nous avons conclu que la situation était urgente et que nous nous entendions suffisamment bien sur ce que nous avions à faire pour que le NORAD puisse remplir sa mission actuelle. Nous avons décidé qu’en ouvrant l’accord pour y ajouter des missions, nous ralentirions et compliquerions les choses, alors qu’il était urgent d’aider le NORAD à remplir ses rôles et ses fonctions actuels. Comme le général Pelletier l’a dit, nous disposons de beaucoup d’autres mécanismes pour coordonner les opérations dans le domaine maritime. Nous ne pensions donc pas qu’il s’agissait d’une lacune importante nécessitant notre attention urgente. Merci.

[Français]

Le sénateur Gignac : Ma seconde question porte sur l’absence de sous-marins à propulsion nucléaire au Canada. Vous avez affirmé que le Canada investit dans sa flotte de nouveaux F-35. Vous avez même parlé d’investissements dans les chars d’assaut. Actuellement, les Chinois, les Russes, les Britanniques ou les Américains ont tous des sous-marins à propulsion nucléaire, nécessaires pour être pris au sérieux dans l’Arctique.

Certains témoins ont mentionné que le Canada devrait en faire l’acquisition. Je comprends que ma question déborde un peu de vos responsabilités de commandant adjoint du NORAD. Je comprends également que le contrôle maritime n’est pas sous la responsabilité du NORAD, mais quelle serait votre opinion à ce sujet? Le Canada devrait-il faire l’achat de sous-marins à propulsion nucléaire afin d’assurer sa souveraineté et la sécurité dans l’Arctique?

Lgén Pelletier : Évidemment, comme vous l’avez mentionné, cela déborde du secteur de mes responsabilités. Les sous-marins, qu’ils soient à propulsion nucléaire, au diesel ou électriques, font partie principalement d’une composante de contrôle naval par opposition à l’avertissement maritime. Étant donné mon degré d’expertise et mon expérience en matière de chasse, c’est un secteur qui est complètement à l’extérieur de mon domaine d’expertise.

Je n’extrapolerai pas en ce qui concerne ce qui serait bien ou pas. Je ne sais pas si M. Quinn a une opinion à formuler sur le plan politique, en tant que tel.

M. Quinn : Merci, mon général.

[Traduction]

Je n’ai pas vraiment d’opinion à ce sujet, mais je vais souligner un aspect qui pourrait intéresser le comité. Le Comité permanent de la défense nationale de la Chambre a publié récemment un rapport auquel le gouvernement a répondu en indiquant que le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes ont créé un bureau de projet pour examiner la possibilité de remplacer les sous-marins actuellement en service. Comme je ne suis pas expert, je ne me permettrai pas de dire s’ils fonctionneront à l’énergie nucléaire, au diésel ou à l’électricité. Je voulais simplement souligner que les Forces armées canadiennes ont toujours besoin de sous-marins. On se rend de plus en plus compte que, quelle que soit la solution éventuellement mise en place, elle devra fonctionner dans toutes nos approches maritimes. Merci beaucoup.

[Français]

Le sénateur Gignac : J’aimerais faire le lien avec ma question précédente. Lieutenant-général Pelletier, si le NORAD avait le contrôle maritime au-delà de l’avertissement maritime, vous auriez une opinion à exprimer sur le sujet, car cela deviendrait sous votre responsabilité et la question se poserait, à savoir la pertinence de faire l’acquisition de sous-marins à propulsion nucléaire ou pas.

Lgén Pelletier : Évidemment, si on avait cette mission, on développerait l’expertise nécessaire et si c’était le cas, j’aurais une opinion à exprimer. Pour le moment, ce serait de la pure spéculation. C’est pourquoi je m’en tiendrai à l’opinion du commandant du CJOC qui effectue actuellement cette mission au Canada.

Le sénateur Gignac : Merci, lieutenant-général Pelletier. Je ne voulais pas exagérer, mais pour ceux qui nous écoutent, je voulais mettre en lumière l’importance de se demander si le contrôle maritime ne devrait pas être sous la responsabilité du NORAD, puisqu’en raison des changements climatiques et de l’ouverture du passage du Nord-Ouest, la question va nécessairement se poser si l’on veut assurer notre souveraineté et notre sécurité dans l’Arctique. Merci, lieutenant-général Pelletier.

[Traduction]

Le président : Merci beaucoup.

La dernière question de ce soir sera celle de la sénatrice Duncan et, à moins que d’autres mains ne se lèvent, je conclurai brièvement avant de lever la séance.

La sénatrice Duncan : Merci beaucoup. Je vous remercie de m’en donner l’occasion.

J’aimerais poursuivre la discussion sur ce qui s’est passé le 11 septembre. Ce jour-là, deux avions de ligne coréens ont atterri à Whitehorse. À l’époque, la ligne de défense à Whitehorse était l’Équipe d’intervention d’urgence de la GRC. J’étais première ministre à l’époque et j’ai appris plus tard que le premier ministre du pays se préparait à déployer des CF-18 à partir de Cold Lake, en Alberta. Le gouverneur de l’Alaska m’a donné plus d’information que les dirigeants militaires et politiques canadiens. Je comprends que la Défense nationale relève du gouvernement fédéral. Ces CF-18 sont beaucoup plus loin de nous que les CF-35 qui sont à Fairbanks, en Alaska. Je ne demande pas une base militaire. Je tiens à souligner à quel point le Yukon dépend de l’Alaska pour son soutien militaire.

Mon autre observation est politique. Nous avons beaucoup parlé ce soir de la modernisation du NORAD et des améliorations que nous lui avons apportées. J’aimerais savoir si ces améliorations comprennent un inventaire des ressources actuelles présentes dans le Nord. Par exemple, toutes les collectivités du Yukon sont reliées par Internet, et l’on construit une connexion Internet secondaire, une ligne de fibre optique, le long de la route Dempster. Dans le cadre de l’approche pangouvernementale, la Direction générale des politiques de l’armée et du NORAD a-t-elle un inventaire des ressources qui existent actuellement? Nous entendons constamment parler des besoins. Ce plan de communication exige-t-il une meilleure communication avec la collectivité? Nous en avons déjà parlé. Y a-t-il une approche pangouvernementale et hiérarchique en matière de communication avec les Premières Nations, avec les gouvernements provinciaux et territoriaux et avec d’autres intervenants sur le terrain, comme la GRC? Cette communication est-elle absolument nécessaire?

Lgén Pelletier : Je vais commencer à répondre, puis je céderai la parole au commandant de la RC NORAD, qui s’occupe des aspects tactiques et opérationnels, ainsi qu’à M. Quinn, qui répondra du point de vue politique.

Je peux vous dire que le 11 septembre — ce souvenir me tient très à cœur —, j’étais de service à Goose Bay et non à Whitehorse ou à Yellowknife, et nous avons vu des réactions semblables.

Dans le cadre de notre rôle, évidemment, les Forces canadiennes, qui comptent environ 67 500 membres et même moins que cela à l’heure actuelle, ne peuvent pas être partout, alors nous tirons parti de la présence et du travail que nous effectuons avec les organismes interagences, autant aux États-Unis qu’au Canada. NORAD a conclu des ententes, que nous avons aussi établies quelques mois plus tard avec Sécurité publique au Canada, puis avec l’Agence fédérale de gestion des urgences ici aux États-Unis, pour renforcer le partenariat entre les principaux acteurs des deux pays afin de gérer les répercussions de certains de ces événements. J’ai personnellement discuté avec les membres de notre équipe de Sécurité publique pour comprendre non seulement les mesures qu’ils prendraient, mais aussi la façon dont les communications seraient transmises au gouvernement fédéral, puis jusqu’aux provinces, aux communautés et aux municipalités. De toute évidence, ils sont experts en ce domaine, mais je peux vous dire que ces ententes ont été conclues.

Vous avez souligné que les F-35, les F-22 et les F-16 en Alaska sont situés plus près que ceux de Cold Lake. Nous en sommes conscients, et nous conservons Whitehorse comme zone de déploiement, comme moyen d’acheminer les ressources au besoin.

Je peux également vous dire que les trois régions sont interreliées et que nous avons la capacité de faire circuler l’équipement au nord et au sud du 48e parallèle, mais aussi dans la région du Canada et de l’Alaska. Nous faisons cela régulièrement pour des raisons de fluidité et de transparence. Le général Huddleston voudra peut-être ajouter quelque chose à cela. De plus, la capacité d’acheminer les troupes selon les besoins fait partie intégrante de l’agilité de la mise en œuvre.

Pour répondre à votre deuxième question au sujet de l’inventaire, le NORAD a commencé l’an dernier à dresser l’inventaire de ses ressources, non seulement en carburant, mais aussi en infrastructures, afin de mieux cartographier son empreinte logistique et de déterminer ce qu’il lui manque pour développer et maintenir ses activités dans le Nord. Nous ne sommes pas seuls à l’avoir fait. Le Commandement des opérations interarmées du Canada l’a aussi fait pour orienter ses activités conformément à la politique de défense.

En conclusion, je tiens à souligner que les communications sont essentielles, et le travail aux niveaux communautaire, municipal, provincial et territorial est crucial pour progresser vers ce que nous avons fini par accomplir ici au NORAD et au USNORTHCOM. Nous visons à développer la résilience de nos pays et, dans ce cas-ci, à conclure un accord binational. Cela ne relève pas seulement des militaires. C’est aussi un effort pangouvernemental et national, et cette résilience part du niveau municipal.

M. Quinn : Merci beaucoup pour cette question.

Cette question sur les communications est excellente, et il est malheureux d’entendre que l’ancienne première ministre du Yukon a reçu plus d’information de son homologue d’un État américain que du gouvernement canadien. Je ne suis pas certain de vous présenter une solution miracle, mais j’ajouterais que tout récemment, à la Division des politiques de la Défense nationale, nous avons reconnu des lacunes dans les services que nous fournissions dans le domaine des affaires intergouvernementales. Nous avons donc dernièrement créé une nouvelle division, une direction des affaires intergouvernementales, qui dirige nos activités de communication sur toute une gamme d’enjeux avec les gouvernements territoriaux et provinciaux et avec les Premières Nations. Jusqu’à maintenant, les fonctionnaires ont fait de l’excellent travail, notamment sur ces enjeux délicats. Nous ne manquons pas d’enjeux délicats, et je ne suis pas sûr que cette direction aurait nécessairement changé l’expérience que vous avez vécue, mais son rôle est important. Il est vite devenu évident qu’elle était vraiment nécessaire, car en un clin d’œil, elle est devenue très occupée. Votre observation est excellente, et je suis tout à fait d’accord avec vous, il faut que nous améliorions nos moyens de communication, et j’espère que nous commençons à faire des progrès à cet égard.

Mgén Huddleston : Je n’ai pas grand-chose à ajouter à ce qu’a dit le général Pelletier au sujet des défis auxquels nous nous heurtons pour assurer le soutien du matériel et des communications dans le Nord. Nous nous efforçons d’en définir les lacunes, surtout dans nos emplacements d’opérations avancés ainsi que dans l’ensemble des infrastructures des aérodromes du Nord. Nous nous concentrons principalement sur les communications aéroportées et sur les lacunes qu’elles comportent. L’un des projets de modernisation du NORAD vise à régler ce problème en plaçant un satellite en orbite. Ce que vous avez dit au sujet d’Internet et de la redondance qui existe au Yukon est intéressant. Évidemment que ces connexions soutiennent le fonctionnement de l’aérodrome. Dans nos emplacements d’opérations avancés, nous surveillons de près la résilience et la redondance dans chaque emplacement. Pour ce qui est du soutien du matériel, nous nous concentrons principalement sur la capacité de stockage de carburant, qui existe déjà ou qui pourrait nécessiter des investissements, ainsi que sur les hangars pour les différents types d’aéronefs qui, nous l’espérons, participeront bientôt à notre mission dans le Nord.

Pour ce qui est de l’Alaska, je n’étais pas au NORAD le 11 septembre, car j’étais capitaine à Greenwood, mais nous sommes intégrés à la région de l’Alaska du NORAD. Pour revenir à ce que disait le général Pelletier, nous avons une structure fluide qui permet aux chasseurs américains de venir au Canada pour nous aider à intercepter des CF-18 lorsque les nôtres ne sont pas en mesure de le faire assez rapidement. Et vice versa, les CF-18 canadiens peuvent traverser la frontière vers les États-Unis, que ce soit en Alaska ou dans la partie continentale des États-Unis, afin de contrer des menaces éventuelles. À mon avis, le fait qu’un chasseur américain ait participé à une mission du NORAD au Yukon n’a rien de surprenant.

Je n’ai rien à vous répondre au sujet du manque de communication que vous avez vécu quand vous étiez première ministre, si ce n’est pour vous dire que je travaillais avant cela au Centre des opérations interarmées du Canada, qui s’efforce de renforcer ses liens avec les organismes de gestion des urgences de chaque province et territoire. Cela contribuera sûrement à régler certains des problèmes que vous avez mentionnés.

Le président : Chers collègues, cela met fin à notre réunion.

Lieutenant-général Pelletier, major-général Huddleston et monsieur Quinn, au nom du comité et de mes collègues, je vous remercie très sincèrement de vous être joints à nous aujourd’hui et d’être restés avec nous. Nous vous avons posé beaucoup de questions, et vous avez suscité un grand intérêt en nous donnant des réponses franches et des renseignements qui nous seront très utiles et instructifs pour conclure notre étude.

À propos de remerciements, les Canadiens n’ont pas souvent l’occasion de vous remercier pour le travail que vous accomplissez et pour tout le sommeil que vous perdez. Nous avons maintenant l’honneur de vous remercier au nom de tous les Canadiens que vous protégez. Nous vous remercions également pour le travail que vous accomplissez jour après jour.

Notre prochaine réunion, chers collègues, aura lieu lundi prochain, le 28 novembre, à l’heure habituelle de 16 heures, heure normale de l’Est. Sur ce, je vous souhaite à tous de passer une très bonne soirée en toute sécurité.

(La séance est levée.)

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