LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE LA SÉCURITÉ NATIONALE, DE LA DÉFENSE ET DES ANCIENS COMBATTANTS
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le lundi 23 octobre 2023
Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants se réunit aujourd’hui, à 16 heures (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi C-21, Loi modifiant certaines lois et d’autres textes en conséquence (armes à feu); et, à huis clos, pour examiner, pour en faire rapport, les questions relatives aux Anciens Combattants, y compris les services et les prestations dispensés, les activités commémoratives, et la poursuite de la mise en œuvre de la Loi sur le bien-être des vétérans.
Le sénateur Tony Dean (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bienvenue à la réunion du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants.
Je suis Tony Dean, sénateur de l’Ontario et président du comité. Je suis accompagné aujourd’hui d’autres membres du comité et de certains autres sénateurs. J’inviterais les sénateurs à se présenter.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.
Le sénateur Boisvenu : Sénateur Pierre-Hugues Boisvenu, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Plett : Sénateur Don Plett. Je viens du Manitoba.
Le sénateur Oh : Sénateur Oh. Je viens de l’Ontario.
Le sénateur Cardozo : Andrew Cardozo, de l’Ontario.
La sénatrice White : Sénatrice Judy White, de Terre-Neuve-et-Labrador.
La sénatrice M. Deacon : Bienvenue. Marty Deacon, sénatrice de l’Ontario.
Le sénateur Kutcher : Stan Kutcher, de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Richards : Dave Richards, du Nouveau-Brunswick.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Julie Miville-Dechêne, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Yussuff : Sénateur Yussuff, de l’Ontario.
La sénatrice Duncan : Pat Duncan, du Yukon.
Le sénateur Boehm : Peter Boehm, de l’Ontario
La sénatrice Dasko : Donna Dasko, sénatrice de l’Ontario, et je suis membre du comité. Merci.
Le sénateur Arnot : David Arnot, sénateur de la Saskatchewan.
Le président : Merci, mesdames et messieurs. Nous sommes également accompagnés de la greffière du comité, Mme DuPont.
Pour ceux qui regardent la séance, nous commençons aujourd’hui notre étude du projet de loi C-21, Loi modifiant certaines lois et d’autres textes en conséquence (armes à feu).
Nous avons le plaisir d’accueillir aujourd’hui l’honorable Dominic LeBlanc, ministre de la Sécurité publique, des Institutions démocratiques et des Affaires intergouvernementales. M. LeBlanc est accompagné de M. Talal Dakalbab, sous-ministre adjoint, Secteur de la prévention du crime, ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile; de Me Matthew Taylor, avocat général et directeur, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice Canada; et de Mark Flynn, commissaire par intérim, Gendarmerie royale du Canada. Merci à vous tous de vous joindre à nous aujourd’hui.
Monsieur le ministre LeBlanc, je vous souhaite la bienvenue au nom du comité. Je vous inviterais maintenant à présenter votre déclaration liminaire. Veuillez commencer lorsque vous êtes prêt.
L'honorable Dominic LeBlanc, c.p., député, ministre de la Sécurité publique, des Institutions démocratiques et des Affaires intergouvernementales : Monsieur le président, honorables sénateurs et sénatrices, bonjour et merci de nous recevoir à votre comité et d’avoir présenté mes collègues de la GRC, du ministère de la Sécurité publique et du ministère de la Justice qui se sont joints à moi. Il y a également d’autres représentants d’agences différentes, de l’Agence des services frontaliers du Canada, par exemple, et d’autres que vous entendrez parler, je pense, une fois que j’aurai quitté votre auguste comité.
Monsieur le président, comme toujours, je suis ravi de comparaître devant vous aujourd’hui. Je remercie mes collègues de s’être joints à nous. Je vois quelques vieux amis à votre table. J’admire le travail de ce que nous appelons « l’autre endroit ». J’ai un lien familial avec votre chambre. Vous verrez sur le mur le portrait de mon père lorsqu’il était Président. Il a énormément aimé le temps qu’il a passé au Sénat. C’est toujours un privilège pour moi de revenir à un endroit qu’il a tant aimé.
Monsieur le président, dans le cadre de mesures législatives telles que le projet de loi C-21, notre gouvernement vise à s’attaquer de front à la violence liée aux armes à feu.
Depuis qu’il a été présenté au printemps dernier, le projet de loi C-21 a été renforcé davantage au moyen d’un grand nombre de consultations et d’amendements. Nous avons noué le dialogue avec des organisations des Premières Nations, des Inuits et des Métis, des collectivités rurales et nordiques, des groupes de victimes et la communauté des armes à feu, des sportifs et des tireurs sportifs dans tout le Canada pour connaître leur point de vue et nous assurer que nous respectons leurs traditions et leur mode de vie. Ces consultations ont permis de définir la voie à suivre.
[Français]
Le projet de loi C-21 stipule désormais explicitement que rien dans le projet de loi ne déroge au droit constitutionnel des peuples autochtones et inclut des protections pour les propriétaires d’armes à feu respectueux de la loi afin qu’ils puissent continuer à pratiquer ce qui est de plus en plus et beaucoup plus qu’un passe-temps pour eux.
Nous avons également consulté les membres des familles et des communautés touchées par la violence armée. Malheureusement, les communautés les plus vulnérables sont souvent parmi les plus touchées par la violence armée. Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour assurer leur sécurité et celle de tous les Canadiens et le projet de loi C-21 est un pas important dans cette direction.
Cela commence par la lutte contre la prolifération des armes de poing, l’arme à feu le plus couramment utilisé dans les homicides. Ce projet de loi codifierait le gel national des armes de poing instauré par décret en octobre 2022. Il nous aiderait également à lutter contre le crime organisé en augmentant les peines maximales pour les trafiquants d’armes et en mettant sur pied de nouvelles autorités pour combattre la contrebande d’armes à feu.
Le projet de loi s’attaque aussi au phénomène des armes fantômes en resserrant la réglementation entourant des pièces utilisées dans la fabrication de ces armes.
[Traduction]
Le projet de loi C-21 introduit également de nouvelles lois afin de protéger les victimes de violence conjugale. Les victimes de violence conjugale sont presque cinq fois plus susceptibles d’être tuées si une arme à feu est présente dans la maison, ce qui fait ressortir l’urgence de limiter davantage l’accès aux armes à feu pour les personnes violentes. Les nouvelles lois « drapeau rouge » prévues par le projet de loi permettront aux tribunaux d’ordonner le retrait immédiat des armes à feu aux personnes dangereuses.
Le projet de loi codifiera également une définition technique d’une arme à feu de style arme d’assaut, ce qui rendra illégale l’importation ou la fabrication de telles armes à feu au Canada dans l’avenir. Cela nous permettra ainsi de réagir de manière proactive aux avancées technologiques sur le marché des armes à feu et d’empêcher les armes dangereuses — celles qui ne sont pas utilisées pour la chasse et le sport — d’entrer dans nos collectivités.
[Français]
En complément à ces mesures, des modifications réglementaires seront apportées afin d’imposer une inspection physique obligatoire par la GRC pour tous les nouveaux modèles d’armes à feu avant qu’ils soient mis sur le marché canadien. Ces mesures réglementaires garantiront qu’aucune arme à feu ne pénètre sur le marché canadien sans avoir été répertoriée ou classifiée de manière correcte par des autorités gouvernementales compétentes.
Pour régler le problème de classification des armes à feu, nous rétablissons le Comité consultatif canadien sur les armes à feu afin qu’il examine de manière indépendante la classification des modèles existants qui tombent sous le coup de la nouvelle définition prospective d’armes prohibées dans le projet de loi C-21 et détermine celles qui sont qualifiées d’armes à feu de chasse afin de les exclure d’un futur décret visant à interdire toutes les armes d’assaut existantes.
Enfin, pour compléter les mesures contre les armes d’assaut, nous renforçons la réglementation sur les chargeurs de grande capacité afin d’éliminer les failles et les exemptions qui permettent l’accès à des chargeurs de plus de 5 ou 10 cartouches respectivement pour les armes d’épaule et les armes de poing. Ni cette mesure, ni aucune disposition du projet de loi, ni aucune autre mesure complémentaire ne vise à retirer les armes à feu aux chasseurs ou aux tireurs sportifs. Ce sont des mesures qui vont toutes nous aider à lutter contre le fléau que pose la violence armée. Chaque fois qu’un crime violent se produit dans nos quartiers ou nos communautés, c’est le sentiment de sécurité des résidants qui est ébranlé.
[Traduction]
Aucune mesure unique, monsieur le président, ne peut à elle seule régler ce problème. C’est pourquoi nous poursuivons la mise en œuvre d’un programme de rachat des armes à feu de style armes d’assaut. Nous prenons le temps de bien mettre au point ce programme et nous sommes impatients de tenir les entreprises et les propriétaires d’armes à feu responsables au courant des prochaines étapes.
Parallèlement, nous renforçons la capacité des organismes d’application de la loi d’empêcher les armes à feu d’entrer au pays, en enquêtant sur les crimes liés aux armes à feu et en rehaussant leur collaboration avec les partenaires des forces de l’ordre provinciaux et municipaux.
Monsieur le président, j’ai eu une discussion avec le secrétaire Mayorkas, le secrétaire d’État américain à la Sécurité intérieure, lorsque j’étais à Washington il y a quelques semaines quant à la façon précisément dont nous pouvons mieux échanger les renseignements à la frontière, l’Agence des services frontaliers du Canada avec son département, et dont nous pouvons collaborer ensemble pour lutter contre l’importation d’armes à feu illégales de part et d’autre de la frontière canado-américaine.
La prévention est également un pilier clé de notre approche. En collaboration avec nos partenaires provinciaux et territoriaux, nous soutenons l’élaboration de nouvelles initiatives de prévention et d’intervention en matière de violence liée aux armes à feu et aux gangs. Ces investissements soutiennent les initiatives de prévention et d’intervention visant les jeunes, ce qui les aide à quitter les gangs ou à éviter d’en faire partie en premier lieu.
[Français]
En investissant dans la prévention et dans la répression, nous améliorerons la sécurité publique, préviendrons des tragédies et sauverons des vies aussi, nous l’espérons.
[Traduction]
Monsieur le président, bien que le projet de loi C-21 ne soit manifestement qu’un élément d’un programme de sécurité publique élargi, nous croyons néanmoins qu’il s’agit d’une étape importante vers l’amélioration de la sécurité des Canadiens.
Nous attendons avec impatience les travaux du comité et nous espérons que vous pourrez vous joindre à nous dans ces efforts. Je me réjouis de répondre à vos questions aujourd’hui et je remercie tous mes collègues d’être venus à une réunion un lundi après-midi. S’il s’agissait d’une réunion de comité à l’autre endroit, vous auriez peut-être un tiers de l’assistance ici. C’est soit un bon signe, monsieur le président, soit un très mauvais signe pour moi, mais j’attends avec impatience les questions.
Le président : Merci, monsieur le ministre. Nous sommes sur le point de le découvrir sous peu.
Avant de passer aux questions, j’aimerais faire une mise en garde. Je demanderais aux participants dans la salle de bien vouloir s’abstenir de s’approcher trop près du microphone ou d’enlever leur oreillette ce faisant afin d’éviter toute rétroaction acoustique qui pourrait nuire au personnel du comité dans la salle.
Je souligne que le ministre LeBlanc sera avec nous jusqu’à 17 heures aujourd’hui. Nous ferons de notre mieux pour permettre à chaque membre de poser une question durant la première heure. Une deuxième série de questions avec les fonctionnaires aura lieu de 17 à 18 heures. En gardant cela à l’esprit, sachez que quatre minutes seront allouées pour chaque question, y compris la réponse. Je vous demande de garder vos questions succinctes afin de permettre le plus grand nombre d’interventions possibles.
Sur ce, j’offre au vice-président, le sénateur Dagenais, de poser la première question.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Monsieur le ministre, merci de votre présence. Je vais d’abord vous rassurer en disant que je voterai pour le projet de loi C-21. Là, je vois votre beau sourire, mais j’ai tout de même une déception.
Le gouvernement est au pouvoir depuis huit ans et j’ai l’impression qu’il est incapable d’accoucher d’une loi qui puisse avoir un impact significatif sur le crime organisé. On parle de surveillance accrue aux frontières, de la chasse aux trafiquants d’armes et de peines exemplaires pour ceux qui se font prendre, mais qu’en est-il du système d’identification des armes prohibées?
Je ne suis pas certain que le projet de loi C-21 réduira le nombre d’armes à feu illicites qui sont utilisées par des criminels qui commettent des meurtres. Par contre, je peux vous dire une chose. C’est que si des membres du crime organisé pouvaient venir témoigner, ils viendraient sûrement dire que le projet de loi C-21 ne leur fait pas peur nécessairement.
Pouvez-vous nous expliquer comment se fait la lutte contre les criminels qui utilisent des armes qui ne sont jamais enregistrées, alors que le projet de loi restreint les droits des chasseurs et des amateurs de tir qui sont d’honnêtes citoyens? Finalement, à qui veut-on faire plaisir avec le projet de loi C-21?
M. LeBlanc : Sénateur, je vous remercie de votre question. Si mes collègues de la GRC ou du ministère veulent ajouter des précisions, j’espère que ce sera possible.
Au gouvernement, nous croyons qu’il s’agit d’une mesure importante pour protéger la population. Je suis entièrement d’accord avec vous, sénateur Dagenais, qui avez beaucoup de connaissances dans le domaine de la sécurité publique. Nous croyons que le fait de fournir des ressources additionnelles à l’Agence des services frontaliers du Canada sera une façon d’appuyer nos forces de l’ordre afin de lutter contre ce qui devient de plus en plus une activité du crime organisé.
Comme je l’ai mentionné, cette mesure ne vise pas les chasseurs et les sportifs. Au Nouveau-Brunswick, des gens que je connais vont à la chasse avec des armes traditionnelles de chasse, et ce n’est pas le type d’arme dont on parle ici. On parle plutôt d’armes qui au départ, sont fabriquées dans le but de tuer des personnes dans un contexte militaire.
Nous croyons que la lutte contre le crime organisé et la prévention de la violence armée ne se fera pas uniquement au moyen d’un projet de loi adopté au Parlement. C’est un outil important qui réduira le nombre de ces armes en circulation. Par ailleurs, il faut fournir un appui aux services de police, aux procureurs. Il faut aussi des enquêteurs, pas seulement de la GRC, mais aussi d’autres forces policières, que ce soit la Sûreté du Québec ou la police municipale dans les provinces.
Je discute de façon constante avec mes amis de la GRC, à savoir comment nous pouvons appuyer nos partenaires dans ce sens.
Le sénateur Dagenais : Vous savez qu’il y a une différence entre les armes de chasse et les armes de combat.
D’ailleurs, durant le week-end, j’ai fait des recherches et j’ai trouvé un club de tir situé à Kahnawake qui s’appelle Lahache Shooting Range. Je vous invite à examiner les armes qui s’y trouvent. C’est le type d’arme que je crois avoir vu dans les mains de terroristes en Israël il y a deux semaines.
Au club de tir de Kahnawake, sur la Rive-Sud de Montréal, moyennant la somme de 135 $, je peux aller m’entraîner pendant une heure avec ce type d’arme automatique qui peut tirer 20 balles en moins de 5 secondes.
Estimez-vous que le projet de loi fixe un cadre réglementaire raisonnable pour ce genre d’activité, avec des armes aussi puissantes et que je considère comme inutiles pour un citoyen qui va à la chasse? Quel genre de surveillance existe-t-il pour ce genre de loisir? J’ai été surpris de voir ce type d’arme dans un club de tir. J’ai déjà fréquenté un club de tir et je n’ai jamais vu cela.
J’en ai fait des copies qu’on peut faire circuler.
[Traduction]
Le président : Les quatre minutes sont écoulées. Je vais guider d’autres membres afin que nous gardions les questions brèves. Je m’adresse aux fonctionnaires : c’est une bonne question, et j’espère qu’on pourra fournir une réponse dans le cadre de la réunion. Je suis sûr que ce sera fait.
Le sénateur Oh : Merci, monsieur le ministre, d’être ici.
Monsieur le ministre, le contrôle des armes signifie au final le contrôle des armes à feu légales. Pour être efficace, le contrôle des armes doit recevoir le soutien des propriétaires d’armes à feu légales. Il est très évident que les propriétaires d’armes à feu légales s’opposent fermement au projet de loi. Les populations autochtones s’y opposent. De nombreux policiers de première ligne ont dit qu’il sera inefficace. Ma question pour vous est la suivante : dans quelle mesure êtes-vous préoccupé par le fait qu’en faisant adopter de toute façon ce projet de loi imparfait, vous affaiblissez en fait le soutien dont jouit le contrôle des armes à feu au Canada?
M. LeBlanc : Sénateur Oh, merci de la question.
Monsieur le président, mes collègues disent, en ce qui concerne la question du sénateur Dagenais, qu’ils auront les réponses techniques, parce que je partage sa surprise à ce sujet. Ils seront heureux d’y revenir.
En ce qui concerne votre question, sénateur Oh, vous ne serez peut-être pas surpris d’apprendre que je ne pense pas que les populations autochtones dans leur ensemble s’opposent au projet de loi. De plus, je ne crois pas que les chasseurs ou les groupes sportifs s’opposent au projet de loi. Chaque fois que des gouvernements ou que le législateur légifèrent dans ce domaine, il y a une réaction très rapide de la part des groupes de chasse et des tireurs sportifs, dont un grand nombre se trouvent dans ma circonscription, dans le Nouveau-Brunswick rural. C’est pourquoi je pense qu’il est important pour nous de continuer d’expliquer — et de pouvoir l’indiquer dans le projet de loi — pourquoi ces mesures législatives particulières, tout d’abord, respectent entièrement les droits des Autochtones. C’est en partie pourquoi nous avons modifié le projet de loi et y avons apporté des ajouts. Dans une version initiale du projet de loi, une bonne partie de ce que vous avez mentionné dans votre question était une préoccupation très réelle. C’est pourquoi je pense que le processus législatif que nous avons entrepris ici a permis, je l’espère, d’atténuer ou de diminuer dans une grande mesure ces préoccupations. Nous respectons entièrement les droits des Autochtones prévus à l’article 35. Nous sommes à concevoir un projet de loi qui cible délibérément ceux qui utilisent des armes ou veulent détenir des armes qui ne font pas en fait partie de la routine d’un chasseur ou d’un sportif type.
Je pense qu’il y a un vaste appui au Canada pour des mesures réfléchies et efficaces qui visent à réduire la prolifération des armes d’assaut de style militaire et leur accès. Je ne suis pas expert en armes à feu. Il y a ici des gens de la GRC et d’autres qui comprennent mieux ces détails que moi. Toutefois, je pense que les Canadiens en général donnent leur appui, ayant vu des tragédies partout au pays et dans le monde lorsque ces armes se retrouvent dans les mains de criminels. Toute mesure qui permet de réduire le nombre de ces armes en circulation dans les collectivités ou qui peuvent être importées au Canada ou vendues légalement est un pas dans la bonne direction. Cependant, comme je l’ai dit, cela nécessite une série de mesures, et non pas simplement une mesure législative concernant le contrôle des armes à feu.
Le sénateur Oh : Monsieur le ministre, pour ce qui est du contrôle des armes à feu, je pense que la chose la plus importante, ce sont les armes illégales qui arrivent par la frontière. Je pense qu’elles constituent les problèmes graves. Je viens de la région du Grand Toronto, et c’est là qu’arrivent la plupart des armes illégales et là où elles sont utilisées par les gangs.
M. LeBlanc : Sénateur Oh, je suis d’accord avec vous pour dire qu’il s’agit d’un défi de taille. Comme je l’ai dit dans ma déclaration liminaire, j’ai trouvé intéressante la discussion que j’ai eue avec le secrétaire d’État à la Sécurité intérieure, ainsi que le procureur général des États-Unis. Ils veulent que le FBI et leurs partenaires des services frontaliers, qui travaillent de concert avec l’Agence des services frontaliers du Canada, collaborent avec la GRC et les responsables canadiens de l’application de la loi. Nous avons eu il y a deux semaines une réunion fédérale-provinciale-territoriale des ministres de la Sécurité publique à Bromont, au Québec. Les semaines s’embrouillent. Le ministre du Québec, M. Bonnardel, voulait beaucoup que nous travaillions précisément sur certains de ces points à la frontière. Je pense que nous pouvons faire beaucoup plus, et nous le ferons.
Le sénateur Plett : Je serai rapide. J’ai deux questions. Si le ministre coopère, je pourrai peut-être poser mes deux questions.
Monsieur le ministre, vous avez parlé brièvement dans votre déclaration liminaire du dialogue avec les collectivités autochtones. En fait, nous avons un mémoire du Conseil des Mohawks de Kahnawake, dans lequel il a dit qu’il n’y avait eu aucune consultation. Permettez-moi de lire brièvement ce qu’il a dit :
Le projet de loi C-21 ne prévoit aucune exception pour l’exercice de nos droits inhérents, et aucune consultation n’a été tenue pour nous demander notre avis.
D’autres groupes autochtones, bien sûr, ont déclaré la même chose. Comment est-ce possible, monsieur le ministre, alors que le projet de loi a de toute évidence une incidence sur eux? Ils disent qu’il n’y a eu aucune consultation. Vous dites qu’il y a eu un dialogue.
M. LeBlanc : C’est une très bonne question. Encore une fois, je pense que les éléments du projet de loi — et c’est clairement énoncé dans le projet de loi — respectent les droits des Autochtones. Mon prédécesseur, Marco Mendicino, a tenu une série de consultations avec des groupes autochtones. M. Dakalbab et moi avons ici une liste. Nous serons heureux de vous la communiquer, sénateur Plett, parce que c’est une bonne question. Je vois un certain nombre de collectivités autochtones que nous avons rencontrées à l’hiver et au printemps dernier.
En ce qui concerne cette collectivité particulière, monsieur Dakalbab, avez-vous une réponse pour le sénateur?
Talal Dakalbab, sous-ministre adjoint, Secteur de la prévention du crime, ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile du Canada : Je suis heureux d’intervenir. En fait, j’aimerais également apporter une précision. Il y a eu de nombreuses consultations avec les collectivités autochtones d’un bout à l’autre du pays lorsque le projet de loi a été présenté la première fois.
Le sénateur Plett : Ma question portait sur le présent projet de loi.
M. Dakalbab : Avec le présent projet de loi aussi, lorsque des amendements ont été proposés, nous avons mené d’autres consultations, mais la plupart de ces amendements ont été retirés. Je serai heureux de vous communiquer les consultations que nous avons menées.
Le sénateur Plett : Merci.
Monsieur le ministre, vous avez dit que vous vouliez enlever les armes illégales des mains des criminels. Je ne pense pas que quiconque autour de la table ne soit pas favorable à cette mesure, mais, bien sûr, le projet de loi ne traite pas des armes illégales qui se trouvent entre les mains des criminels. Il traite des armes légales qui sont dans les mains des chasseurs et des tireurs sportifs.
Vous dites que le gouvernement est déterminé à lutter contre les crimes commis avec des armes à feu, et votre prédécesseur a déclaré que l’objectif de votre gouvernement avec le projet de loi était l’éradication de la violence liée aux armes à feu, mais sous votre gouvernement, monsieur le ministre, vous avez en fait abrogé les peines pour les infractions suivantes dans le projet de loi C-5 : utilisation d’une arme à feu ou d’une fausse arme à feu lors de la perpétration d’une infraction; possession d’une arme à feu ou d’une arme en sachant que sa possession n’est pas autorisée; possession d’une arme à feu prohibée ou à autorisation restreinte avec des munitions; possession d’une arme obtenue lors de la perpétration d’une infraction; décharge d’une arme à feu avec intention; vol avec une arme à feu et extorsion avec une arme à feu. Je me demande, monsieur le ministre, en quoi cela sera conforme à votre objectif d’essayer d’éradiquer la violence liée aux armes à feu. Je sais que vous allez dire qu’on a augmenté les peines maximales alors que la peine maximale de 10 ans n’a jamais été imposée, donc l’augmentation des peines maximales n’est pas ce qui nous préoccupe. Vous avez supprimé les peines minimales. Pourquoi, monsieur le ministre?
M. LeBlanc : Sénateur Plett, pour revenir à la partie initiale de votre deuxième question, vous ne serez pas surpris d’apprendre que je ne souscris pas à ce que vous dites, à savoir que nous retirons les armes à feu des tireurs sportifs et des chasseurs légitimes. Ce n’est pas parce qu’on répète sans cesse la phrase qu’elle devient vraie. Je tiens à préciser que je n’approuve pas la prémisse de cette question.
Vous avez parlé d’une loi que le Parlement a adoptée il y a plus d’un an. Me Taylor peut passer en revue certains des éléments particuliers du projet de loi C-5. Nous avons peut-être un différend d’opinion fondamental en ce qui concerne l’utilisation appropriée des peines minimales obligatoires. En tant que député, j’ai voté en faveur d’un certain nombre de peines minimales obligatoires, et j’ai également voté en faveur d’une loi qui, selon moi, les harmonisait avec certaines dispositions constitutionnelles de diverses décisions judiciaires.
J’attirerais également l’attention sur le fait que nous avons remis 900 millions de dollars aux provinces et aux territoires précisément pour améliorer la capacité des organismes d’application de la loi — nos organismes d’application de la loi partenaires — de s’en prendre aux armes illégales et aux criminels qui utilisent des armes.
Sénateur Plett, je rejoins entièrement votre prémisse en ce qui concerne le fait que l’on doit se concentrer sur l’utilisation illégale d’armes à feu pour commettre des infractions criminelles. Cela devrait nous unir tous. Je pense que vous et moi en conviendrions assez facilement.
Le sénateur Cardozo : Merci, monsieur le ministre, d’être ici.
J’aimerais lire quelques paragraphes d’interventions que nous avons reçues et recueillir votre avis, car, en fin de compte, c’est sur ces interventions que nous devons porter un jugement.
Cela vient de l’Ontario Federation of Anglers and Hunters.
L’interdiction des armes d’épaule semi-automatiques ne contribuera en rien à la prévention de la criminalité, car elle ne réduira pas la demande d’armes à feu illicites par les gangs et les personnes impliquées dans le crime organisé... Les avantages tangibles pour la sécurité publique nécessiteront des efforts non législatifs, y compris un financement accru des services frontaliers, une amélioration du traçage des armes à feu et des initiatives visant à lutter contre les activités des gangs et le crime organisé.
Je pourrais peut-être avoir votre avis sur ce point avant de lire une citation concernant l’autre partie de la discussion.
M. LeBlanc : Merci, sénateur Cardozo, de la question.
Comme je l’ai dit en réponse au sénateur Plett, nous partageons le point de vue selon lequel nous devons augmenter la capacité des organismes d’application de la loi, tant du côté fédéral — la GRC et l’Agence des services frontaliers — que de nos partenaires provinciaux et municipaux et de certaines forces de police autochtones de collaborer avec les organismes d’application de la loi pour échanger les renseignements avec nos partenaires américains, comme je l’ai mentionné. J’accepte leur point de vue selon lequel nous devons également investir dans les instruments d’application de la loi appropriés pour réduire l’importation illégale d’armes à feu, mais pour retirer ce qui, comme nous l’avons dit, sont des armes à feu conçues non pas pour le tir sportif ou la chasse, mais pour un contexte de champ de bataille et qui, selon nous, ne devraient pas circuler librement dans les collectivités au Canada.
Encore une fois, l’idée que cela a une incidence sur les propriétaires d’armes à feu respectueux de la loi qui pratiquent des activités sportives, comme la chasse ou le tir sportif, est souvent véhiculée. Nous avons été explicites et avons fait attention pour que ces mesures ne ciblent pas ces personnes et qu’elles leur permettent de pratiquer leur sport et d’autres activités récréatives auxquelles participent les chasseurs de ma collectivité du Nouveau-Brunswick, tout en donnant aux forces de l’ordre et aux procureurs la capacité de s’attaquer à un type particulier d’arme qui a causé beaucoup de morts et de destruction au Canada, de s’attaquer à des choses comme les armes fantômes et d’autres éléments qui, selon nous, reconnaissent l’évolution de la technologie et modernisent le cadre législatif de manière à ce que la police soit mieux à même de contrôler ce type d’armes.
Le sénateur Cardozo : Merci.
PolySeSouvient, qui a une perspective différente et aimerait que le projet de loi soit adopté le plus tôt possible, ajoute ceci :
Nous espérons également que les sénateurs communiqueront au gouvernement leur appui à une réglementation forte visant à interdire les armes actuelles de style militaire et à éliminer toutes les exemptions et les échappatoires qui nuisent à la soi-disant « interdiction » des chargeurs de grande capacité.
M. LeBlanc : J’ai eu l’occasion de parler à des représentants de PolySeSouvient plus tôt aujourd’hui, en fait. Je vais les rencontrer au cours des prochaines semaines, j’espère, à Montréal. J’ai absolument la même préoccupation. Ils me l’ont exprimée à moi et l’ont exprimée à notre ministère. C’est pourquoi, dans ma déclaration liminaire, j’ai pensé qu’il était important de souligner que le gouvernement doit s’engager publiquement, une fois que le projet de loi recevra la sanction royale, évidemment, à travailler avec les autorités appropriées pour rapidement mettre en place un cadre réglementaire qui, selon nous, permettra de répondre à bon nombre de ces questions et de ces préoccupations que PolySeSouvient et d’autres groupes représentant des victimes de la violence liée aux armes ont fait valoir. Nous nous rallions tout à fait à ce sentiment et nous le ferons rapidement si le projet de loi reçoit la sanction royale.
Le sénateur Cardozo : Merci, monsieur le ministre.
Le sénateur Yussuff : Merci, monsieur le ministre, et mesdames et messieurs, d’être ici. J’ai quelques questions. J’essaierai d’être aussi direct et rapide que possible, et peut-être que j’obtiendrai une réponse. Sinon, je ferai le suivi auprès de vos représentants.
Des amendements ont été présentés à l’autre endroit pour veiller à ce que les dispositions adoptées par l’intermédiaire du projet de loi C-21 soient interprétées comme défendant les droits ancestraux et les droits issus de traités des populations autochtones, tels qu’ils sont reconnus et confirmés par l’article 35 de la Constitution, et non pas comme abrogeant ces droits ou y dérogeant. Pouvez-vous confirmer que ce sera le cas et expliquer comment les droits issus de traités seront touchés par le projet de loi C-21?
M. LeBlanc : Sénateur Yussuff, je vous remercie de la question et de votre volonté de parrainer le projet de loi. Nous vous en sommes reconnaissants et sommes impatients de travailler avec vous et vos collègues à cet endroit.
Depuis l’automne dernier, comme je l’ai mentionné, nous avons amorcé le dialogue avec des partenaires autochtones de l’ensemble du pays, y compris des partenaires autochtones des territoires du Nord également. Nous comprenons et pouvons certainement assurer à ces populations autochtones que les armes à feu utilisées et transmises depuis des générations pour la chasse de subsistance, par exemple, ou d’autres activités qu’ils pratiquent légalement depuis des générations ne seront pas touchées par le projet de loi. Ces traditions sont importantes pour les Canadiens et les peuples autochtones. Le projet de loi n’empêchera pas la poursuite de ces traditions.
Nous pensions également qu’il était important précisément en raison de certaines des préoccupations ressorties lorsque le projet de loi initial a été présenté — je pense que c’est ce à quoi vous faites allusion — d’ajouter une disposition de non-dérogation afin de réaffirmer, sans aucun doute, que les droits constitutionnels des peuples autochtones garantis par l’article 35 doivent être préservés. Cette définition a été élaborée en collaboration avec des organisations autochtones et réaffirme ce que nous savons tous : les droits constitutionnels et les droits issus de traités des populations autochtones doivent rester protégés et ne doivent pas être touchés par une mesure législative.
Nous ne proposons pas dans le projet de loi d’éliminer toutes les armes à feu utilisées par les Autochtones pour chasser ou piéger. Comme M. Dakalbab l’a mentionné, mon prédécesseur dans ce portefeuille a beaucoup travaillé sur ce dossier au printemps, et je vais poursuivre son travail. En fait, j’ai eu cette conversation avec des premiers ministres du Nord. Je suis également le ministre des Affaires intergouvernementales, et dans le cadre de mes conversations avec les premiers ministres du Nord, cette question a également été soulevée. Je suis heureux de travailler avec eux et d’autres groupes de partout au pays.
Le sénateur Yussuff : Le projet de loi C-21 n’est pas à l’abri de la controverse, c’est le moins qu’on puisse dire, et en tant que parrain du projet de loi, j’ai reçu des échos des deux camps à ce sujet. Beaucoup de choses ont été dites de part et d’autre sur ce que le projet de loi est et n’est pas, dans une grande mesure.
En tant que pays — je pense que mon collègue, le sénateur Plett, a dit cela plus tôt dans sa déclaration, et je crois que le sénateur Oh a dit la même chose — les Canadiens s’inquiètent, particulièrement dans les milieux urbains, de la violence liée aux armes à feu. C’est un problème réel. Il est rare qu’un soir ou un jour passe sans que l’on entende parler de violence causée par les armes à feu dans notre société.
Premièrement, comment pouvons-nous dialoguer les uns avec les autres de manière à respecter la nécessité d’une législation qui aidera à protéger les Canadiens contre le mal que nous voyons en permanence; et deuxièmement, comment pouvons-nous trouver le courage de reconnaître qu’il y a des choses que nous devons faire au sein de la société pour le plus grand bien de la société, en particulier sur la question des droits aux armes? Nous nous tournons vers nos voisins du Sud qui ont une perspective différente sur cette question, et j’espère que nous ne tomberons pas dans ce piège. En votre qualité de ministre des Affaires intergouvernementales, vous pourriez répondre.
M. LeBlanc : J’aime que vous ayez commencé par dire que si je ne connais pas les réponses, vous pourrez les obtenir auprès des représentants après mon départ.
Sénateur Yussuff, c’est le problème auquel font face les gouvernements successifs à cet endroit. Ce n’est pas nouveau pour notre gouvernement. Légiférer dans ce domaine entraîne des réactions compréhensibles de la part des personnes concernées. Il y a beaucoup de désinformation qui circule dans le domaine également. Une partie de celle-ci, comme vous le dites, est alimentée par une disposition constitutionnelle américaine ou un intérêt américain qui traverse la frontière par les médias sociaux ou Internet.
Ce n’est pas facile d’avoir une conversation qui reconnaît de manière exacte l’équilibre que vous avez exprimé et que de nombreux Canadiens partagent. Comment pouvons-nous respecter les droits des tireurs sportifs et des chasseurs respectueux de la loi qui utilisent des armes à feu de manières parfaitement appropriées tout en nous attaquant au défi accru de la violence liée aux armes à feu, y compris l’utilisation des armes à feu — et la GRC et d’autres peuvent en parler — qui sont de plus en plus violentes, de fusils d’assaut de type militaire? Certaines des scènes de crime et enquêtes que la GRC m’a dit qu’elle menait mettent en cause des armes à feu de plus en plus puissantes utilisées pour commettre des actes de violence avec des conséquences dévastatrices. Les forces de l’ordre ont besoin d’outils nouveaux et modernes, et nous pensons que le projet de loi fait partie des mesures en ce sens, mais nous reconnaissons qu’il y aura encore plus de travail à faire une fois que le projet de loi recevra la sanction royale, comme nous l’espérons, parce qu’il y a des choses qui évolueront constamment à mesure que la menace évolue.
Le sénateur Kutcher : Merci beaucoup, monsieur le ministre, d’être avec nous.
Comme d’autres personnes autour de la table, j’ai reçu des centaines et des centaines de courriels de Canadiens inquiets, et je tiens à les remercier d’avoir communiqué avec moi.
Ma question porte sur la recherche d’une réponse à deux des problèmes qu’ils ont soulevés. Le premier problème dont j’entends parler sans cesse, c’est que le projet de loi n’aura aucune incidence sur les criminels et l’utilisation illégale des armes à feu et qu’il est donc inutile et injustifié. C’est un point de vue différent de ce que j’ai lu sur le site Web de Sécurité publique Canada, qui précise que le projet de loi fait partie d’une stratégie détaillée pour contrer la violence liée aux armes à feu et resserrer le contrôle des armes au Canada. Ce sont des choses très différentes, et j’aimerais vous entendre à ce sujet.
Deuxième problème : le projet de loi prive les Canadiens du droit de posséder des armes à feu. Je connais la décision de la Cour suprême de 1993 selon laquelle les Canadiens n’ont pas le droit constitutionnel de posséder des armes à feu et l’argument selon lequel posséder des armes à feu est un privilège et non un droit. Cependant, pourriez-vous contribuer à clarifier la question des droits de propriété et des armes?
M. LeBlanc : Sénateur, merci de poser la question et merci pour le travail que vous faites sur une série de dossiers partout au pays qui sont importants pour moi et pour de nombreuses personnes. Je vous félicite de ce travail et vous remercie.
Le commissaire par intérim, M. Flynn, pourra peut-être expliquer la différence spécifique entre ce qui peut être publié sur le site Web de Sécurité publique Canada et ce que nous croyons être un outil important dont disposent les forces de l’ordre dans la lutte continue contre l’utilisation illégale et violente des armes à feu.
Quant à la deuxième partie de votre question concernant les droits de propriété, je suis heureux que vous ayez utilisé cette expression, car c’est un exemple d’une certaine confusion qui vient de nos voisins du Sud. Ils font 10 fois notre taille. Ils s’expriment haut et fort sur ces questions. Des gens viennent parfois à mon bureau de circonscription pour demander si un grand jury va inculper quelqu’un. Cela vient du fait de regarder des émissions de télévision américaines. Il y a énormément de confusion autour de certains concepts juridiques qui trouvent leur origine dans le droit constitutionnel américain. Vous avez fait référence à une affaire de la Cour suprême. Ce n’est pas une question de droit de propriété; c’est une question de loi pénale responsable adoptée par le Parlement pour assurer la sécurité des Canadiens. C’est ainsi que nous envisageons cette question particulière. C’est une importation d’une expression américaine. Je ne suis pas un constitutionnaliste. Peut-être que Me Taylor, du ministère de la Justice, pourra vous en dire davantage. Quoi qu’il en soit, je ne pense pas que cela ait beaucoup d’application dans les modifications du Code criminel au Canada, mais il pourrait nous en parler plus en détail.
Monsieur Flynn, voulez-vous revenir sur la première partie de cette question?
Mark Flynn, commissaire par intérim, Gendarmerie royale du Canada : Oui. Je vais fournir quelques renseignements qui, je l’espère, aideront à décrire mon point de vue à ce sujet.
Les homicides liés aux gangs impliquant des armes à feu ont augmenté de 27 % en 2021. De plus, si vous regardez le nombre d’armes à feu que nous avons retracées grâce à divers efforts de recherche, 69 % de ces armes à feu ont été considérées comme ayant été importées ou fabriquées illégalement au Canada. Lorsque vous combinez ces deux faits, vous constatez que les armes à feu légales qui se trouvent au Canada contribuent probablement au bassin d’armes à feu utilisées dans les homicides liés aux gangs et au crime organisé. Tout ce qui aide, du point de vue du maintien de l’ordre, à supprimer les ressources dont disposent les gangs et le crime organisé pour commettre ces actes de violence est bénéfique pour la sécurité publique, ainsi que pour la police et pour notre mandat d’application de la loi.
La sénatrice Anderson : Merci, monsieur le ministre LeBlanc, de votre présence.
Monsieur le ministre, vous avez parlé de la reconnaissance et du respect des droits des peuples autochtones, mais dans le projet de loi C-21, selon le paragraphe 110.1(1), il existe des processus permettant à toute personne de présenter :
[...] une demande ex parte à un juge de la cour provinciale afin qu’il rende une ordonnance interdisant à une autre personne d’avoir en sa possession des armes à feu, arbalètes, armes prohibées, armes à autorisation restreinte, dispositifs prohibés, munitions, munitions prohibées et substances explosives, ou l’un ou plusieurs de ces objets, si elle a des motifs raisonnables de croire qu’il ne serait pas souhaitable pour la sécurité de qui que ce soit que l’autre personne soit autorisée à les avoir en sa possession.
C’est une demande ex parte.
Cela risque de créer davantage de disparités dans les trois territoires — les Territoires du Nord-Ouest, le Nunavut et le Yukon — et de criminaliser les particuliers.
Je souligne que, dans les affaires nationales, il existe un soupçon de cause probable alors que le projet de loi C-21 prévoit des motifs raisonnables « de croire qu’il ne serait pas souhaitable pour la sécurité de qui que ce soit que l’autre personne [...] » Dans le projet de loi C-21, il semble exister une présomption de culpabilité lorsqu’il n’existe aucun motif raisonnable d’avoir démontré qu’une infraction a été commise. C’est problématique.
Je tiens à souligner, monsieur le ministre LeBlanc, que vous avez beaucoup parlé des chasseurs et des chasseurs sportifs. Pour certains, cela va au-delà de la chasse et de la chasse sportive. C’est le cas des Territoires du Nord-Ouest, du Nunavut et du Yukon. C’est ainsi que nous survivons. C’est ainsi que nous nourrissons nos familles. Il s’agit d’assurer la sécurité alimentaire de nos familles et de nos collectivités. Le fait de regrouper les chasseurs sportifs et les chasseurs n’est pas une définition claire.
Dans le Nord, nous avons également des tribunaux itinérants avec des dates prévues d’audience par périodes dans les collectivités, ainsi que deux ou trois générations qui vivent dans la même maison, et de nombreuses collectivités comptent sur la sécurité contre les animaux prédateurs ainsi que sur la chasse de subsistance pour parvenir à la sécurité alimentaire et remédier aux disparités auxquelles nous sommes confrontés dans le Nord.
Pourriez-vous me dire, entre le mandat, la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et la lutte contre les inégalités et les disparités systémiques, comment le projet de loi C-21, étant donné ce que je viens de dire, a tenu compte des réalités des Territoires du Nord-Ouest, du Nunavut et du Yukon?
M. LeBlanc : Sénatrice Anderson, merci des très bonnes questions que vous venez de poser.
Je ne dirais pas que nous avons regroupé les sportifs ou les chasseurs du Sud avec, comme vous le remarquez à juste titre, les habitants du Nord pour qui la chasse est avant tout une question de sécurité alimentaire. J’ai été ministre des Affaires du Nord pendant plusieurs mois et j’ai beaucoup appris sur la sécurité alimentaire, le programme alimentaire destiné aux régions du Nord, et j’accepte entièrement votre hypothèse selon laquelle, pour de nombreuses personnes dans le Nord canadien, l’accès aux armes à feu est avant tout une question de sécurité alimentaire et un mode de vie traditionnel que nous souhaitons respecter. Nous croyons que le projet de loi appuie et respecte entièrement cette question particulière. Nous avons mené un certain nombre de consultations auprès des gouvernements et des groupes autochtones du Nord, et mes collègues seraient heureux de vous présenter une longue liste de personnes dont nous avons sollicité les commentaires.
Au début de votre question, vous avez mentionné les dispositions « drapeau rouge » de la loi. Là encore, la question était longue. Je vais essayer de répondre brièvement, mais je veux que Me Taylor explique que je n’ai jamais exercé dans ce domaine du droit auparavant. Ce n’est pas un constat criminel. Il s’agit de donner aux forces de l’ordre la possibilité, à titre de protection, d’obtenir une ordonnance temporaire de retrait d’une arme à feu. Nous ne criminalisons pas les gens. Nous essayons en quelque sorte de protéger les victimes potentielles. J’ai des amis qui travaillaient à des tribunaux itinérants dans le Nord. C’est un contexte différent, et peut-être que Me Taylor pourrait l’expliquer. Je ne voudrais pas que nous ayons l’air de criminaliser les gens alors que nous essayons en fait de protéger les victimes potentielles de violence domestique au moyen d’une ordonnance temporaire.
Me Taylor : Merci, monsieur le ministre.
Le président : Nous pourrons peut-être y revenir dans la deuxième partie. Nous avons encore cinq sénateurs sur la liste.
La sénatrice M. Deacon : Bonjour à vous, monsieur le ministre, aux fonctionnaires et au personnel de soutien. Merci à vous tous d’être ici aujourd’hui. J’ai deux questions.
Nous avons entendu beaucoup de Canadiens et de non-Canadiens, et nous avons rencontré de nombreux groupes et de nombreux Canadiens, d’un large éventail de secteurs. Dans mon cas, le plus jeune était un garçon de 7 ans, puis la plus âgée, une femme de 93 ans. Cela représente toute une diversité dans le pays. Si l’on résume tout ce que nous avons et tout ce que nous voyons, l’une des choses qui nous viennent le plus souvent à l’esprit est que les agriculteurs ne pourront pas cultiver et faire leur travail et que les chasseurs ne pourront pas chasser et faire leur travail. Si vous aviez ces Canadiens devant vous, que leur diriez-vous?
M. LeBlanc : Sénatrice Deacon, merci de la question.
Cette affirmation n’est pas exacte. Je l’ai entendue, comme vous et comme nous tous. Les agriculteurs ou les habitants des collectivités rurales qui ont besoin d’armes à feu à des fins de lutte antiparasitaire, ainsi que les autres chasseurs, sportifs et personnes utilisant des armes à feu dans les collectivités nordiques et autochtones, ne sont pas visés, touchés ni inclus dans les mesures que nous essayons de faire adopter expressément pour poursuivre les personnes utilisant des armes spécialement conçues pour tuer le plus grand nombre de gens dans un minimum de temps. J’ai des cousins au Nouveau-Brunswick qui chassent l’orignal. Ils ne font pas la guerre aux orignaux. C’est une différence fondamentale.
Je ne suis pas étonné. Je siège au Parlement depuis 23 ans. J’ai vu diverses versions de mesures de contrôle des armes à feu. La précision et la fiabilité des propos des gens se perdent souvent dans les premiers instants de cette conversation. C’est très bien, je suis serein à cet égard. Nous faisons de notre mieux, dans un Parlement minoritaire, pour faire adopter des lois qui, selon nous, font une différence importante dans la protection des collectivités et des personnes, mais nous reconnaissons qu’il reste encore beaucoup à faire, et nous continuerons de travailler avec les parlementaires aux deux endroits pour déterminer la meilleure voie à suivre.
La sénatrice M. Deacon : Merci. Je pense que nous essayons tous de parfaire les choses et de surmonter la désinformation.
Lorsque nous examinons certaines des communications que nous avons reçues... vous savez sans aucun doute que le projet de loi suscite des inquiétudes au sein de nos communautés de tireurs sportifs. Bien qu’il existe des exemptions pour les tireurs de niveau élite et olympique, il existe encore une confusion quant à la manière dont ces catégories seront définies et si certains constitueront la dernière génération de tireurs sportifs au Canada, car les novices ne pourront pas s’entraîner à ce niveau. J’ai dirigé de nombreux tireurs dans le pays lors de grands jeux multisports. Ce sont des athlètes uniques et ils sont fiers de porter cette feuille sur le dos. Comment allons-nous nous assurer qu’ils sont toujours capables de le faire?
M. LeBlanc : Sénatrice Deacon, c’est une très bonne question.
Lors de mes réunions d’information, et selon ma compréhension de la législation, j’ai été rassuré sur le fait que nous ne compromettions pas la capacité des athlètes d’élite d’accéder aux armes à feu dont ils ont besoin pour leurs compétitions sportives. Il n’y a pas que les personnes qui participent à ces compétitions internationales pour représenter le Canada; il y a ceux qui s’entraînent et se préparent à avoir un jour, espérons-le, l’occasion de le faire.
Monsieur Dakalbab, nous en avons parlé. Pourriez-vous rassurer la sénatrice concernant les tireurs sportifs d’élite?
M. Dakalbab : Absolument.
Nous en discutons depuis un certain temps déjà avec le Parlement et les intervenants. Je crois que vous faites référence au gel des armes de poing et non des armes à feu de style arme d’assaut. Le gel des armes de poing comportera des dispositions qui seront plus détaillées dans la réglementation. D’autres consultations auront lieu pour établir clairement le processus pour les tireurs sportifs et les personnes qui suivront la formation sur la façon dont nous allons l’établir. La loi actuelle donne le cadre d’un point de vue juridique, mais d’autres réglementations viendront et se poursuivront.
La sénatrice M. Deacon : Merci.
Le président : Je suis sûr que nous y reviendrons plus tard.
La sénatrice Dasko : Merci à vous, monsieur le ministre, et aux fonctionnaires, d’être ici.
C’est un projet de loi très important. J’habite à Toronto. Il y a eu tellement d’incidents de crimes commis avec des armes à feu. Toronto est une ville sûre, et pourtant, nous entendons constamment ces histoires. C’est très effrayant pour ceux d’entre nous qui vivent là-bas et qui veulent continuer à vivre dans une collectivité sûre.
Je souhaite approfondir la question des armes de style arme d’assaut. Le projet de loi comprend une interdiction des futures armes de style arme d’assaut, mais ne touche pas celles qui sont actuellement en circulation et légales. J’aimerais avoir une meilleure idée de vos plans concernant les armes d’assaut existantes. L’automne dernier, vous avez présenté dans des amendements une liste de 482 modèles que vous jugiez dangereux. J’aimerais obtenir de votre part un engagement selon lequel ces armes à feu seront rendues illégales, et j’aimerais un engagement réel de votre part quant à la manière dont cela sera géré. La situation est tout simplement inacceptable. Nous avons des dizaines de milliers d’armes illégales, et nous parlons uniquement des armes dont nous allons nous occuper plus tard. C’est ma question.
M. LeBlanc : Sénatrice Dasko, vous avez raison. Votre ville, comme d’autres grandes villes canadiennes, a connu une augmentation alarmante — comme l’a dit le commissaire par intérim, M. Flynn — de ces crimes violents. Beaucoup d’entre eux, mais pas tous, concernent les armes que nous cherchons à interdire. J’ai quelques points à préciser.
Il y a les dispositions de rachat. De nombreuses personnes ont acheté légalement une arme à feu disponible, qu’elles ont commandée auprès d’un distributeur, et bon nombre d’entre elles ont été reçues par Postes Canada — des armes que, par décret, nous voulons maintenant interdire. Si nous voulons retirer ces armes aux personnes qui les ont achetées légalement, nous devons trouver un moyen approprié de les indemniser. C’est exactement ce que fera le programme de rachat. Cela fait un peu plus de 1 500 modèles. M. Dakalbab et d’autres personnes pourraient vous donner des chiffres précis quant aux modèles qui ne seront plus légalement autorisés, sénatrice Dasko.
Il s’agit d’un domaine en constante évolution, comme vous l’avez dit, et la technologie et les fabricants conçoivent tout cela, qu’il s’agisse de la taille du chargeur ou de la possibilité de modifier un chargeur en particulier. Un certain nombre de ces éléments doivent faire partie d’un ensemble de règlements après la sanction royale. Nous pensons que la création d’un comité consultatif d’experts sur les armes à feu est précisément une façon de s’attaquer au problème de ce groupe d’armes. Le fait d’intégrer les 482 modèles dans un amendement législatif à l’autre endroit allait faire en sorte que le projet de loi ne soit pas adopté. Dans un parlement minoritaire, nous avons travaillé avec les partis d’opposition et sommes parvenus à ce que nous considérions comme un compromis réfléchi qui nous amène dans la direction que vous avez exprimée et à laquelle j’adhère complètement. Le comité consultatif sur les armes à feu sera un moyen d’obtenir des conseils d’experts sur la façon de garantir, dans le contexte réglementaire dont M. Dakalbab a parlé il y a quelques instants, que nous poursuivons le processus de retrait des armes qui n’ont pas leur place dans la pratique légale d’activités sportives ou la chasse de subsistance et qui causent tant de menaces, d’inquiétudes et de carnages dans des villes comme la grande ville de Toronto.
Le président : Merci, monsieur le ministre. Je regarde l’heure. Nous avons trois autres sénateurs sur la liste. Nous avons du temps pour deux sénateurs si nous avons des questions et des réponses très succinctes.
Le sénateur Boehm : Je serai bref.
Monsieur le ministre, je suis heureux de vous voir. Merci d’être ici avec votre équipe. La plupart de mes questions ont déjà été posées, mais je voulais faire une observation et ensuite poser une question.
Le projet de loi est très controversé. Nous le savons tous. Il est allé et venu à l’autre endroit, que nous appelons l’autre endroit — votre endroit. Des amendements ont été déposés et retirés. Vous venez d’arriver au ministère, vous en avez donc hérité. Le projet de loi est chez nous maintenant. Vous avez mentionné que vous rencontriez toujours des groupes. Vous voyez PolySeSouvient. Il faudra mener une campagne de sensibilisation lorsque cette loi sera adoptée, comme je suppose qu’elle le sera, qu’elle soit modifiée ou non. Rencontrez-vous les fédérations de tir sportif, les groupes et associations de chasse et d’autres instances qui ont un intérêt très valable dans la manière dont ce projet de loi sera appliqué?
M. LeBlanc : Sénateur Boehm, c’est un privilège de vous voir. J’ai eu la chance de travailler avec le sénateur Boehm lorsque j’étais jeune adjoint au bureau de M. Chrétien, il y a 30 ans.
Le sénateur Boehm : J’avais alors le même âge.
M. LeBlanc : Je suis très heureux de vous voir et très heureux de vous dire de manière non équivoque que la réponse est « oui ». Nous partageons votre point de vue. Nous espérons que le projet de loi, comme je l’ai dit, obtiendra la sanction royale, mais le travail de réglementation n’est pas terminé. Des programmes gouvernementaux porteront sur la prévention. Il y aura le programme de rachat, qui est un domaine complexe à gérer. Il faudra continuer de manière réfléchie à respecter tous les groupes qui ont des préoccupations très légitimes. Nous pensons et espérons pouvoir répondre à leurs préoccupations et continuerons à travailler avec diligence sur la liste et à veiller à ce qu’elle soit équilibrée, exactement pour les raisons que vous avez évoquées.
Le sénateur Boehm : Merci.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Bienvenue, monsieur le ministre. J’aimerais vous parler du Programme de rachat des armes à feu inscrit au projet de loi. Le directeur parlementaire du budget parlait d’un montant de 750 millions de dollars. Êtes-vous d’accord avec ce montant?
M. LeBlanc : Parlez-vous du coût du Programme de rachat des armes à feu?
Le sénateur Boisvenu : Oui; le Programme de rachat des armes à feu qui a été prolongé jusqu’en 2025, je crois.
M. LeBlanc : Nous avons précisément prolongé l’amnistie pour les armes à feu afin de ne pas criminaliser les gens —
Le sénateur Boisvenu : Le montant de 750 millions de dollars prévu par le directeur parlementaire du budget est-il le même que celui que vous prévoyez?
M. LeBlanc : Nous n’avons pas finalisé les dernières modalités de notre programme. J’ai vu des ébauches de documents au ministère avec des partenaires. J’en ai parlé longuement avec le ministre québécois de la Sécurité publique, M. Bonnardel quant au besoin d’avoir l’appui de la Sûreté du Québec. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous n’avons pas annoncé les modalités finales du Programme de rachat des armes à feu.
Nous sommes conscients du coût que cela représente. C’est un engagement que nous avons pris lors de la dernière élection et nous avons pleinement l’intention de mettre sur pied un tel programme. Je ne veux pas m’aventurer — le directeur parlementaire du budget n’a pas vu les détails de notre programme. Je ne veux pas enlever sa capacité de vous fournir des analyses. C’est peut-être un peu précoce.
Le sénateur Boisvenu : Selon le syndicat qui représente les agents correctionnels du pénitencier de Cowansville relevant de votre ministère, la Ville de Cowansville a intercepté pour 700 000 $ d’armes illégales et de drogues en trois mois. On pense qu’en 2023, cela représentera une valeur de près de 2 millions de dollars. Les armes à feu illégales dans les pénitenciers au Canada sont un fléau et ces armes entrent souvent à l’aide de drones.
Le syndicat me dit que cela fait maintenant huit ans qu’il demande au ministère de fournir des équipements adéquats afin d’intercepter ces armes, parce que cela met en péril la sécurité des gardiens et celle des autres détenus. Il ne s’est rien passé depuis huit ans pour bien équiper les pénitenciers afin de détecter ces armes.
Avez-vous un plan de travail pour intervenir sur ce plan? Je comprends qu’on peut intervenir lorsqu’il s’agit de gangs de rue, mais ces derniers se retrouvent dans les pénitenciers avec les mêmes armes. Le projet de loi ne viendra pas changer la situation.
M. LeBlanc : Je suis d’accord avec vous, sénateur. C’était l’objet de ma première discussion avec la commissaire du Service correctionnel. On a abordé précisément cette question. L’arrivée des drones est une façon par excellence pour des personnes provenant du crime organisé de livrer de la drogue, et même des armes à feu ou d’autres armes dans le milieu carcéral. Il y a une prison fédérale dans ma circonscription, à Dorchester, au Nouveau-Brunswick. Je l’ai visitée à maintes reprises comme député. Je suis conscient des inquiétudes qui sont soulevées. Je vais d’ailleurs rencontrer le Syndicat des agents correctionnels du Canada à Montréal ce jeudi. J’ai bien hâte de poursuivre la conversation.
Je ne pense pas que cela prenne des mesures législatives. Vous avez raison, il faut fournir des outils, un financement et un appui aux personnes extraordinaires qui travaillent dans le milieu carcéral. Les gens que j’ai rencontrés au fil des années font face à des moments très difficiles. L’insécurité va en augmentant. Ce sera donc mon travail de faire tout ce que je peux pour les appuyer et leur donner les outils et les ressources nécessaires, parce que la sécurité à l’intérieur de ces établissements devrait inquiéter tout le monde. Des milliers de fonctionnaires font face à ces menaces tous les jours.
[Traduction]
Le président : Monsieur le ministre, il y a une autre sénatrice qui a une question.
[Français]
M. LeBlanc : Je ne veux pas interrompre le président, mais je répondrai avec plaisir à la question de la sénatrice Miville-Dechêne.
La sénatrice Miville-Dechêne : Je veux me faire l’écho aux inquiétudes de PolySeSouvient, particulièrement en ce qui concerne les armes à feu de style armes d’assaut. Vous avez choisi d’interdire certaines de ces armes par la voie de la réglementation.
Pouvez-vous nous donner des garanties? Vous avez dit qu’il y a un comité consultatif qui va réfléchir, se pencher sur la question et prendre des décisions. Est-ce qu’on peut s’attendre à ce que six mois après l’entrée en vigueur du projet de loi, nous ayons en effet cette réglementation? Je vous dirais si je suis un peu généreuse en disant un an. Est-ce que vous pouvez vous engager, ici, à ce qu’on ait une réglementation en vigueur six mois après l’entrée en vigueur de la loi ou tout au moins un an après? Parce qu’autrement, on le sait, ces choses traînent et tout ce qui traîne se salit.
M. LeBlanc : Je comprends et j’ai partagé vos préoccupations avec les représentants de PolySeSouvient, comme je l’ai dit ce matin. Je comprends l’urgence. Je n’accepte pas que deux ou trois ans après, on n’ait pas finalisé cela. J’ai l’intention d’agir et je suis prêt à vous assurer sans hésitation que j’agirai le plus vite possible. Je suis conscient d’autres délais. C’est un problème pour nous. Il y a des délais sur le plan électoral. Ce n’est pas un sujet qui vous préoccupe beaucoup ici, mais nous sommes très inquiets à ce sujet.
La sénatrice Miville-Dechêne : Est-ce qu’un an est raisonnable?
M. LeBlanc : Je serais très déçu si cela nous prend un an. Je n’essaie pas d’éviter votre question. J’ai d’ailleurs accepté d’y répondre parce que c’est une très bonne question, que je respecte. Dans un processus réglementaire — j’en ai vu quand je siégeais au Conseil du Trésor —, il y a des périodes d’avis, des consultations. Toutefois, cela ne devrait pas être un prétexte pour qu’il y ait un retard ou pour ne pas y arriver le plus vite possible, au bon moment. Je serais très surpris si dans un an, on n’a pas bouclé cela. Je ne connais pas le processus juridique dans la loi, dans la Gazette du Canada. Je ne veux pas m’aventurer en donnant une réponse.
La sénatrice Miville-Dechêne : Cela ne peut pas être un engagement plutôt que de dire —
M. LeBlanc : Madame la sénatrice, c’est un engagement. Je n’essaie pas d’éviter la question, mais je ne veux pas vous induire en erreur. Ce sera le plus vite possible. Si ce n’est pas dans un an, je serai aussi déçu que vous. Je m’engage à ne pas arriver à ce point-là.
[Traduction]
Le président : Chers collègues, cela nous amène à la fin de notre temps avec le ministre LeBlanc.
Merci de vous être joint à nous, monsieur le ministre, et de nous avoir consacré le temps supplémentaire. Merci également pour le travail que vous faites dans le présent dossier et dans les autres tâches qui vous ont été confiées. Nous vous sommes très reconnaissants.
Mesdames et messieurs, M. Dakalbab, Me Taylor et M. Flynn ont accepté de rester, et ils continueront de répondre aux questions pour le reste de la table ronde. Ils seront rejoints à la table par Aaron McCrorie, vice-président, Direction générale du renseignement et de l’application de la loi, Agence des services frontaliers du Canada. Veuillez noter que deux autres fonctionnaires sont à la tribune et pourraient être appelés à la table pour répondre aux questions si nécessaire. Pour la suite, je demande aux membres de préciser à qui s’adresse chaque question dans la mesure du possible.
Le sénateur Plett : Ma question s’adresse aux fonctionnaires de l’Agence des services frontaliers du Canada, l’ASFC. L’une des tâches principales de l’ASFC consiste à lutter contre la contrebande d’armes à feu. Il s’agit évidemment d’un problème grave puisque l’actuel chef du service de police de Toronto, Myron Demkiw, a déclaré qu’environ 86 % des armes criminelles saisies à Toronto étaient passées en contrebande à partir des États-Unis. Il a ajouté à propos des armes de poing présentes dans les rues de Toronto : « Elles ne proviennent pas du pays. Elles proviennent de sources internationales. Notre problème à Toronto, ce sont les armes de poing en provenance des États-Unis. »
L’ASFC a reçu environ 86 millions de dollars de financement dans les budgets de 2018 et de 2021. Étant donné que la contrebande transfontalière d’armes à feu est clairement un problème, à votre avis, l’ASFC dispose-t-elle de ressources suffisantes pour lutter efficacement contre ce problème, et êtes-vous confiant et satisfait quant aux résultats que vous obtenez aujourd’hui?
Aaron McCrorie, vice-président, Direction générale du renseignement et de l’exécution de la loi, Agence des services frontaliers du Canada : Merci de poser la question.
Comme vous l’avez souligné, le mandat de l’ASFC est à la fois de faciliter la circulation des marchandises, mais aussi d’assurer la sûreté et la sécurité publiques, et c’est dans ce rôle que nous nous attaquons à la question de la contrebande d’armes à feu.
Nous avons reçu de l’argent dans le cadre des budgets de 2018 et de 2021. Vous avez raison, il s’agit d’environ 85 millions de dollars et d’environ 14 millions de dollars par la suite. Ces fonds nous ont donné les outils nécessaires pour mettre en œuvre notre stratégie en matière d’armes à feu. Elle repose avant tout sur le renseignement. Nous avons accru notre capacité de recueillir des renseignements afin de guider nos efforts. Cela repose sur la collaboration, donc sur un travail en étroite collaboration avec nos partenaires nationaux, comme la GRC, mais aussi la police locale. Récemment, nous avons travaillé avec la Sûreté du Québec sur le projet Reproduction, et cela nous a donné des outils comme des appareils à rayons X dans les bureaux de poste et dans le fret aérien et des équipes de chiens détecteurs pour détecter les armes à feu.
Au sujet de la collaboration, nous travaillons également en très étroite collaboration avec des partenaires américains. Nous avons récemment signé un protocole d’entente avec le Bureau of Alcohol, Tobacco, Firearms and Explosives pour faciliter les échanges de renseignements, et nous présidons, avec les États-Unis, le Groupe de travail transfrontalier sur les armes à feu, qui a entrepris une évaluation conjointe des menaces et des risques et des projets conjoints visant à empêcher les deux pays de recevoir des armes à feu, mais qui ciblent également les sources de ces armes à feu aux États-Unis.
Le sénateur Plett : Monsieur, ma question vise à savoir si vous êtes satisfait des résultats que vous obtenez, et non de tout ce que vous faites. Recevez-vous assez d’argent? Lorsque le chef de la police de Toronto affirme qu’environ 86 % des armes à feu saisies dans la ville étaient des armes à feu de contrebande, je dirais que nous ne réglons pas le problème de la contrebande. Je comprends ce que vous faites, mais y parvenez-vous? Avez-vous du succès dans ce que vous faites?
M. McCrorie : Nous pouvons toujours faire plus, mais nous faisons une différence. L’année dernière, en 2022, nous avons procédé à 540 saisies représentant 1 100 armes à feu, et cette année, depuis le début de l’année, nous avons effectué 560 saisies, au cours desquelles nous avons saisi 777 armes à feu. Ces saisies ont lieu à la frontière et au-delà de la frontière, où nous menons des enquêtes.
Un élément clé — et c’est pourquoi nous disons que cela repose sur le renseignement — c’est que chacune de ces saisies mène à son tour à de nouveaux renseignements et à de nouvelles pistes que nous pouvons poursuivre isolément ou en partenariat avec des partenaires comme la GRC et les services de police locaux pour effectuer des saisies supplémentaires au pays.
Y a-t-il plus à faire? Absolument, mais les résultats que nous constatons à ce jour sont une belle réussite, et nous en sommes très fiers.
La sénatrice Duncan : Merci à tous les témoins qui sont ici avec nous aujourd’hui.
J’aimerais commencer par M. Flynn. La loi fait référence à plusieurs reprises aux contrôleurs des armes à feu des provinces. Le contrôleur des armes à feu du Yukon est situé à Surrey, en Colombie-Britannique, pour les Territoires du Nord-Ouest, il est à Edmonton, et pour le Nunavut, à Winnipeg. C’est un long chemin à parcourir lorsqu’on essaie d’exécuter ou d’administrer la loi. Je ne veux pas nécessairement utiliser le mot « exécuter ».
Bien qu’il soit possible de déléguer, je crois, dans le projet de loi — je l’ai examiné —, cela confère encore un autre rôle à la GRC, et la GRC est également le seul service de police dans les trois territoires. On a confié énormément de responsabilités à la GRC. Ses membres remplissent de nombreux rôles dans les petites collectivités.
Y a-t-il des ressources accrues pour faire face à cela? Existe-t‑il un plan pour travailler avec les contrôleurs des armes à feu s’ils ont ainsi des pouvoirs délégués? Fait plus important encore, existe-t-il des ressources supplémentaires pour y faire face? Commençons par cela.
M. Flynn : En ce qui concerne les contrôleurs des armes à feu, l’endroit où ils se trouvent, les ressources à leur disposition et la délégation à la GRC, je vais me tourner vers ma collègue qui a beaucoup plus d’information à ce sujet, mais je ne crois pas qu’il y ait une augmentation des ressources de la GRC à cet effet. Elle pourrait peut-être venir à la table.
Kellie Paquette, directrice générale, Programme canadien des armes à feu, Gendarmerie royale du Canada : Il y a des contrôleurs des armes à feu dans toutes les zones. Ils se trouvent en fait dans vos régions. Vous avez raison de dire que les contrôleurs des armes à feu sont situés dans diverses provinces.
Nous examinons actuellement une stratégie pour le Nord. Nous examinons la nécessité de placer des contrôleurs des armes à feu dans les territoires. C’est le moment idéal. Nous venons de lancer cet examen. Nous avons également une réunion prochainement avec la sénatrice Anderson pour parler simplement des services fournis, de la manière dont ils sont dispensés et de la possibilité de mieux faire les choses.
La sénatrice Duncan : Cela supposerait donc probablement plus de ressources.
Ce qui m’inquiète pour tous les témoins, c’est que lorsque nous essayons d’élaborer un projet de loi, il n’existe pas de modèle universel pour l’ensemble du pays. Dawson n’a pas les mêmes problèmes que le centre-ville de Toronto. Même si, en tant que législatrice, je suis éminemment favorable et empathique aux préoccupations et à la situation liées à la violence armée dans tout le pays, le projet de loi, tel qu’il est conçu, ne fonctionnera pas dans le Nord, comme en ce qui a trait à la disponibilité des contrôleurs des armes à feu ou des juges d’une cour provinciale.
L’autre question clé qui a été soulevée dans l’enquête en Nouvelle-Écosse et ailleurs est la communication entre les différentes organisations. Il est essentiel que l’absence et l’existence de systèmes de communication dans le Nord soient reconnues car, encore une fois, la situation est différente dans les trois territoires.
Je vous encourage, lorsque vous discuterez du projet de loi, à examiner le problème et les lacunes qu’il présente, là où il ne répond pas aux besoins du Nord et des régions rurales du Canada. Merci.
Le président : Nous laisserons ce conseil à nos témoins.
Le sénateur Yussuff : Encore une fois, je vous remercie tous de votre présence.
Ma question traite de l’interdiction des armes de poing. Une fois que la loi qui les interdit est adoptée et obtient la sanction royale, la réalité est que si quelqu’un possède une arme de poing — je vais utiliser un exemple qui a été porté à mon attention — et que cette personne décède, mais que cette dernière a obtenu un permis lui permettant d’avoir cette arme de poing à la maison dans un entreposage sécuritaire, qu’arrive-t-il à cette arme de poing si la personne souhaite la léguer à un membre de la famille? Comment cette arme de poing peut-elle être transférée en toute sécurité, en particulier dans un contexte de décès? Qu’en est-il s’il s’agit d’une pièce qui appartient à la famille depuis des générations? Si les membres de la famille veulent garder l’arme de poing, de quelle manière pouvons-nous nous adapter à cela? Il s’agit d’une réalité qui a été évoquée plusieurs fois dans les discussions concernant cette loi. Je vous pose la question parce qu’il semble exister une lacune, mais peut-être que vous avez des réponses qui peuvent m’aider à comprendre.
M. Dakalbab : Je l’espère.
Simplement pour être clair, les dispositions sur les armes de poing qui figurent dans le projet de loi sont entrées en vigueur grâce aux règlements. Elles sont déjà appliquées. Avant cela, le Canada avait un cadre réglementaire très rigoureux pour les armes de poing.
Dans le cas d’un décès, il y aura certaines options. Tout d’abord, les membres de la famille pourraient rendre l’arme de poing inutilisable et la garder comme symbole émotionnel pour la famille, par exemple. Ensuite, ils pourraient l’envoyer à un commerce autorisé ou à une personne ayant l’autorisation de posséder ou d’acheter une arme de poing. La troisième option est qu’elle pourrait être exportée, ce qui constitue un processus complexe, alors je n’en parle pas beaucoup.
Nos réglementations dans le passé permettaient aux préposés aux armes à feu de savoir exactement qui détenait des armes de poing, et de cette manière, il était possible de faire un suivi de ce qui arrive lorsque quelqu’un décède et de s’assurer que l’arme est soit remise à la police, soit rendue inutilisable ou vendue à une industrie appropriée. Il y a actuellement un très bon cadre de surveillance en place hérité du passé, et non pas seulement avec le projet de loi ou les règlements qui sont entrés en vigueur l’année dernière.
Le sénateur Yussuff : Qu’arrive-t-il si la famille veut transférer l’arme de poing à un membre de la famille qui détient un permis?
M. Dakalbab : Ce n’est plus permis, depuis l’année dernière.
Le sénateur Yussuff : Donc la législation ne prend pas en considération le fait que l’on puisse transférer l’arme à un membre de la famille si l’on décide de le faire?
M. Dakalbab : Non. Cela pourrait se faire à l’avenir, si vous le souhaitez. Lorsque nous avons effectué l’évaluation, le comité consultatif a dit que, dans environ 50 ans, assurément les armes de poing seront pour la plupart éliminées. Nous avons environ 1,1 million d’armes de poing au Canada présentement, et dans les 10 dernières années, il y a eu une augmentation de presque 50 %, ce qui constitue une énorme augmentation que nous avons observée. Non, il n’y aura aucun transfert, et présentement, tel que la loi se présente, les transferts ne sont plus autorisés.
Le sénateur Yussuff : Et il n’y a aucune reconnaissance du fait que le contrôleur des armes à feu aurait l’autorité de prendre une décision qui, selon lui, serait d’intérêt public dans son domaine?
M. Dakalbab : Pas en ce qui concerne le transfert d’armes de poing. Je crois que vous parlerez à nos collègues, Mme Bryant et M. Freberg plus tard. Les contrôleurs des armes à feu ont un pouvoir discrétionnaire sur d’autres questions, mais en ce qui concerne les transferts à des membres de la famille, cela ne devrait pas se produire.
La sénatrice M. Deacon : Je vous remercie d’être parmi nous. J’ai deux questions, j’espère.
Premièrement, mon collègue, le sénateur Plett a commencé par parler de la frontière américaine, la plus longue qui soit, et de certains problèmes à son sujet. En plus de cette réflexion, nous avons vu et entendu que de nombreux Canadiens ne sont pas d’accord avec l’interdiction de certaines armes à feu dans le cadre de la loi. Sommes-nous préoccupés en ce moment ou sommes-nous en train de réfléchir à la manière dont un plus grand nombre de Canadiens tenteront d’obtenir illégalement des armes à feu, comme les armes semi-automatiques, pour contourner cette interdiction? J’aimerais savoir ce que vous en pensez?
M. Dakalbab : Je suis ravi de répondre à cela.
Je ne sais pas pourquoi le public fait référence aux armes semi-automatiques interdites par ce projet de loi puisque la définition technique présentée au Sénat — je ne vais pas parler de la dernière année, car il y a eu beaucoup de versions — est de nature prospective. Elle concerne des armes qui seront conçues après la sanction royale. Actuellement, je ne crois pas que cela soit applicable. Je tente de comprendre la crainte en vue de répondre correctement à votre question, car, outre le gel des armes de poing qui est déjà entré en vigueur, aucune arme à feu interdite ne figure dans ce projet de loi.
La sénatrice M. Deacon : À mon avis, la confusion tient en partie à cela. Je vous remercie d’avoir directement répondu à cette question; nous verrons où ces informations nous mèneront. Je crois qu’il s’agit en partie d’un malentendu, et c’est ce que nous tentons de clarifier aujourd’hui, donc je vous remercie.
Je vais poursuivre avec une question qui a également été abordée plus tôt concernant le drapeau rouge. Le projet de loi prévoit une loi « drapeau rouge » qui permettrait à quiconque de déposer une demande à un tribunal pour imposer une interdiction d’urgence permettant de confisquer immédiatement les armes à feu d’une personne qui pose un danger pour elle-même ou pour les autres. J’espère que l’un d’entre vous sera en mesure de décrire à quoi ressembleront en pratique les délais. Les armes à feu seraient-elles retirées immédiatement après la demande, ou faut-il attendre 30 jours pour vérifier si la confiscation est réellement justifiée? À quoi cela ressemblerait-il?
M. Dakalbab : Je vais commencer et ensuite je demanderai à mon collègue du ministère de la Justice de clarifier tout détail juridique.
Permettez-moi de préciser simplement au comité qu’il ne s’agit pas d’une nouvelle disposition. Elle existe déjà dans le Code criminel, et les forces de l’ordre peuvent l’utiliser. Il s’agit d’une disposition élargie dont la nécessité nous a été signalée à maintes reprises, et c’est pourquoi nous avons fourni ce conseil au gouvernement.
Ce qui se passera dans un tel cas, c’est qu’une victime, un médecin, un voisin ou un ami auront le droit de demander à un juge d’émettre un drapeau rouge, ce qui implique la confiscation immédiate des armes à feu de la personne et que les forces de l’ordre devront l’appliquer dès que possible. Dans le cadre de cette disposition, ces précisions ont été ajoutées afin que, lorsqu’une victime se présente, son identité soit protégée pour éviter que cela ne soit pas préjudiciable. De plus, le gouvernement a annoncé un programme visant, par exemple, à appuyer les ONG venant en aide aux victimes et à leur fournir un soutien, puisque nous savons que certaines victimes seront trop épuisées, en toute honnêteté et n’auront peut-être pas la capacité de poursuivre les procédures judiciaires. Quelqu’un a parlé de la communication, et ce sera un aspect important. Nous travaillons sur un guichet unique, si vous voulez, où les gens peuvent facilement avoir accès à cette disposition en ligne.
Je cède la parole à mon collègue de Justice Canada. Je ne sais pas si j’ai oublié quelque chose du point de vue juridique.
Me Taylor : J’ajouterais que cela sera aussi rapide que la procédure actuelle comme l’a précisé mon collègue. Le Code criminel confère déjà aux forces de l’ordre et aux préposés aux armes à feu le pouvoir de demander au tribunal de faire confisquer les armes à feu en cas de préoccupations en matière de sécurité. Comme l’a mentionné mon collègue, il s’agit d’élargir la disposition pour que quiconque puisse faire cette demande. Il y a deux dispositions, et l’une d’elles prévoit un mandat, et l’autre, non. En fonction de l’urgence et de la gravité de la situation, les policiers peuvent agir plus rapidement sans mandat pour retirer les armes à feu dans les cas où il existe de graves préoccupations en matière de sécurité.
La sénatrice M. Deacon : Je vous remercie. Je finirai en disant que puisque la disposition n’est pas nouvelle, nous ne devrions pas avoir d’engorgement dans le système. La connaissance est différente, mais nous ne devrions pas observer de délais ou d’engorgements dans le système parce qu’il ne s’agit pas d’une nouvelle mesure.
Le président : Nous y reviendrons peut-être.
La sénatrice M. Deacon : Merci. J’essayais simplement de le mentionner.
Le sénateur Cardozo : Je me demande si je peux poser quelques questions au sujet des règlements. Une fois que ce projet de loi aura été adopté et que vous élaborerez des règlements, pouvez-vous nous donner une idée des articles du projet de loi visés par ces règlements? Pouvez-vous nous donner une idée de la quantité? Quelle est la procédure que vous suivriez? Allez-vous rédiger une ébauche pour obtenir des commentaires et ensuite les mettre en œuvre? Combien de temps selon vous cela prendra-t-il?
M. Dakalbab : Merci beaucoup.
Je suis ravi de la question parce qu’il y a certaines dispositions qui entreront en vigueur par décret de façon à nous permettre d’effectuer le travail approprié, que ce soit en consultation — par exemple, je sais que la sénatrice Anderson mentionnait plus tôt une incidence démesurée pour les personnes autochtones ou les gens dans le Nord.
Il y a des dispositions dans le projet de loi qui n’entreront pas en vigueur immédiatement à la suite de la sanction royale. Je vais donner un exemple. L’une des dispositions consiste à révoquer le permis des personnes qui ont été impliquées dans un acte de violence conjugale. Selon nos informations, l’impact pour les hommes dans le Nord est démesuré. Nous avons l’obligation de tenir des consultations avant de mettre en vigueur des dispositions. Par conséquent, cette disposition entrera en vigueur par décret; dès que nous aurons obtenu la sanction royale, nous tiendrons des consultations appropriées et les présenterons au gouvernement.
M. Taylor pourrait me corriger si je me trompe, mais je sais que les amendements apportés au Code criminel qui sont inclus dans le projet de loi entreront en vigueur dès la sanction royale.
Pour répondre à votre question, les dispositions concernant le drapeau rouge et celles visant à faire passer la peine minimale de 10 ans à 14 ans entreront en vigueur au moment de la sanction royale. Quant aux règlements dont nous discutons, ils feront l’objet de la procédure réglementaire, laquelle, selon les types de consultations et la quantité des commentaires que nous obtenons... et comme le ministre l’a mentionné plus tôt, je travaille en très étroite collaboration avec mes collègues du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada afin de veiller à ce que nous établissions un chemin critique. Dans des circonstances normales — je ne dis pas lesquelles — nous évaluons pendant environ 18 mois nos règlements avant qu’ils n’entrent officiellement en vigueur.
Le sénateur Cardozo : Comment procédez-vous? Présentez-vous une ébauche de règlements pour obtenir des commentaires, ou posez-vous des questions ouvertes?
M. Dakalbab : En fonction des consultations nécessaires, nous procédons aux consultations appropriées et ensuite, il y aura une publication dans la Partie I de la Gazette du Canada. Ensuite, nous recueillerons davantage de commentaires.
Pour clarifier les choses, la Loi sur les armes à feu a une disposition unique applicable aux règlements qui exige que tous les règlements soient déposés devant nos deux chambres pour une période de 30 jours de séance.
Le sénateur Cardozo : Avant leur entrée en vigueur?
M. Dakalbab : Avant qu’on ne nous revienne avec les informations nécessaires pour proposer la version finale du règlement. C’est une procédure tout à fait unique. Il s’agit d’une particularité de la Loi sur les armes à feu en raison de la réalité de cette loi. Vous avez probablement vu des règlements concernant les armes à feu par le passé rester pendant 30 jours au Sénat et 30 jours à la Chambre avant de pouvoir aller de l’avant.
Le sénateur Cardozo : C’est une longue période. Il est envisageable que nous puissions vous donner une rétroaction à ce moment-là également.
M. Dakalbab : Absolument. Chaque amendement réglementaire apporté à la Loi sur les armes à feu, à l’exception d’exemptions strictes, doit passer par ce processus, et nous suivons réellement ce processus.
Le sénateur Cardozo : Avez-vous une idée du nombre de règlements dont nous parlons ou du nombre d’articles dans le projet de loi qui seront assortis de règlements?
M. Dakalbab : Nous sommes au courant. Je me ferai un plaisir de vous remettre la liste. Je l’ai ici, cela ne me dérange pas de vous la fournir. Il s’agit d’une liste des dispositions qui entreront en vigueur par décret et de celles qui entreront en vigueur immédiatement après la sanction royale. Cela vous donnera une idée de la législation dont nous parlons et de dispositions qui seront...
Le sénateur Cardozo : Ce serait très utile parce qu’il y tellement de...
M. Dakalbab : Monsieur le président, nous allons la fournir.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Monsieur Flynn, je voudrais revenir sur les photos que j’ai montrées au ministre LeBlanc. D’ailleurs, il s’est penché vers vous. Est-ce que des vérifications ont été faites auprès du club de tir Lahache à Kahnawake? Je vois qu’on utilise des armes qui tirent 20 balles en moins de 5 secondes, on peut soit louer ou acheter les armes. Des vérifications ont-elles été faites auprès de ce club de tir, à savoir si les armes utilisées et vendues sont légales?
[Traduction]
M. Flynn : Je ne sais pas si l’un des détachements de la GRC ou l’un des services de police compétents a vérifié ces lieux pour déterminer la légalité des armes à feu qui sont utilisées, mais c’est certainement quelque chose que nous pouvons examiner après la réunion.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Le ministre dit qu’il va consulter des experts, mais je voudrais connaître votre point de vue.
Maintenant, j’ai une question pour M. McCrorie. Les services de police s’entendent pour dire que la réserve d’Akwesasne est l’endroit le plus utilisé par les trafiquants pour introduire des armes illicites ou autres. J’avais eu le privilège, durant la crise d’Oka, de travailler sur la réserve d’Aswesasne pendant environ un an, pour constater que malgré tous les efforts des policiers, c’est une belle passoire vers le Canada.
Je voudrais savoir quelle proportion des ressources financières supplémentaires allouées a été utilisée par vos services pour surveiller ce poste frontalier. Combien d’équipements sophistiqués ont été mis à la disposition de vos agents pour mesurer les efforts qui ont été faits?
[Traduction]
M. McCrorie : Merci de cette question.
En Ontario, nous avons adopté une approche novatrice en matière de contrebande d’armes à feu. Au risque d’être trop bureaucratique, nous avons trois régions différentes en Ontario, mais l’Ontario est une administration unique. Nous avons donc combiné nos ressources dans les trois régions pour avoir une force opérationnelle dédiée à la lutte contre la contrebande d’armes à feu en Ontario. Comme je l’ai mentionné, elle travaille en collaboration avec d’autres services de police compétents, tels que l’OPP, ou la Police provinciale de l’Ontario, le service de police du territoire mohawk d’Akwesasne et les responsables du groupe de travail transfrontalier. Nous nous concentrons sur la collaboration avec les autorités américaines, non seulement pour interdire l’arrivée au Canada, mais aussi, idéalement, pour bloquer la source. Grâce à des tribunes comme le groupe de travail transfrontalier sur les armes à feu, nous avons noué de solides relations de travail avec nos collègues américains dans ce but précis.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Monsieur Dakalbab, j’ai toujours beaucoup de réserve quand on dit qu’il faut adopter un projet de loi puis que des règlements suivront. Je voudrais qu’on passe les règlements en même temps que le projet de loi pour éviter les surprises. On voit très bien dans quel bourbier le gouvernement se trouve actuellement avec les géants du Web, où après avoir fait adopter le projet de loi C-18, il y a les règlements qui sont à venir. Connaissez-vous les doléances et les inquiétudes de certains groupes? Pourquoi ne pas mettre les règlements sur la table dès aujourd’hui?
M. Dakalbab : Je suis heureux de vous répondre. On aimerait bien; malheureusement, cela nous prend vraiment une autorité légale pour élaborer des règlements. On n’a pas le choix d’attendre que cela ait force de loi, puisqu’on ne peut pas travailler avec des propositions qui n’ont pas reçu la sanction royale.
Cependant, comme je l’ai dit un peu plus tôt, vraiment, la Loi sur les armes à feu nous donne la responsabilité, sinon l’obligation légale de nous assurer que c’est fait dans les 30 jours au Sénat. J’ai vu certains visages surpris, on va s’assurer que cela soit bien fait et que vous soyez tous au courant, surtout ce comité. Je vous rassure que pour le moment, tant qu’on n’a pas d’autorité légale, on n’a pas le droit de travailler sur des règlements.
[Traduction]
Le sénateur Kutcher : Je vous remercie tous. J’ai deux questions, l’une pour M. Dakalbab, et l’autre, pour M. Flynn.
J’essayais d’obtenir des données de la Bibliothèque du Parlement sur le pourcentage d’armes à feu avec permis par rapport aux armes à feu sans permis utilisées dans les homicides et les suicides, et on m’a répondu ce qui suit :
Statistique Canada possède peu d’informations sur le statut d’enregistrement des armes à feu récupérées à la suite d’homicides. Il n’est pas en mesure de fournir une réponse définitive sur le nombre exact d’homicides commis avec des armes à feu enregistrées, par rapport aux armes à feu non enregistrées, et Statistique Canada ne dispose pas de données sur l’enregistrement légal des armes à feu utilisées à d’autres fins que pour des homicides.
Il me semble que nous avons un problème avec la précision des données. Nous avons besoin de ces données pour élaborer une bonne politique. Pourriez-vous nous aider à comprendre s’il existe des plans afin d’améliorer cet ensemble de données et ce qui est fait?
M. Dakalbab : Absolument.
C’est une lacune dont nous sommes conscients. C’est pourquoi au cours des deux dernières années — je ne veux pas voler la vedette à nos collègues de la GRC — nous avons déployé beaucoup d’efforts d’un point de vue politique, sur le traçage. En ce qui concerne le traçage des armes à feu utilisées sur les scènes de crime, nous travaillons en étroite collaboration avec les provinces, les territoires et toutes les forces de l’ordre pour veiller à ce qu’elles demandent le traçage. Habituellement, le gouvernement est assez bon dans ce domaine; il parvient à faire toutes les recherches, mais dans les recherches en général, la situation s’est considérablement améliorée. Je laisserai à mes collègues de la GRC le soin de vous fournir les données des dix-huit derniers mois sur le traçage que nous effectuons. C’est la seule façon de s’assurer que cela fonctionne avec Statistique Canada. Nous avons un programme spécial avec Sécurité publique pour établir des données, mais cette lacune existait. Nous nous efforçons de la combler et de nous assurer que nous disposons des chiffres nécessaires pour effectuer un traçage adéquat.
Si vous le voulez bien, je vais céder la parole à M. Flynn pour qu’il nous donne davantage d’information sur les améliorations que nous avons apportées.
M. Flynn : En ce qui concerne le traçage, je peux vous donner quelques statistiques. En 2022, environ 5 000 armes à feu ont été tracées; en 2021, il y en a eu 3 200; en 2020, 2 000 et ensuite, de façon assez constante, autour de 2 000 au cours de la période pour laquelle j’ai des statistiques, c’est-à-dire remontant à 2018.
Comme l’a expliqué mon collègue, M. McCrorie de l’ASFC, vous pouvez constater une amélioration et un effort concerté ainsi qu’une collaboration continue. Il y a également beaucoup de collaboration de l’autre côté de la frontière avec nos amis américains.
Le sénateur Kutcher : Je suis heureux de voir que cela commence. Corrigez-moi si je me trompe, mais je suppose qu’une fois que vous aurez obtenu ces données, elles seront intégrées à celles de Statistique Canada afin que nous puissions les demander. C’est bon à savoir.
Merci, monsieur Flynn, d’avoir parlé du traçage, car c’est la question que je voulais vous poser. C’était une transition parfaite. Quelle proportion d’armes saisies sur les scènes de crime sont effectivement traçables? Pourquoi certaines armes à feu ne peuvent-elles pas être tracées? Le fabricant est-il tenu de rendre les armes à feu traçables? Aidez-moi à comprendre.
M. Flynn : Je vais commencer, et il se peut que je doive me tourner vers mon collègue si vous avez besoin de plus de précisions que celles que je peux vous fournir.
D’après les statistiques de 2022, 5 022 armes à feu ont été tracées. Parmi celles-ci, 1 888 ont été tracées avec succès jusqu’au point où elles sont entrées sur le marché illégal.
Le sénateur Kutcher : C’est un nombre assez faible, proportionnellement.
M. Flynn : C’est deux tiers. Nous avons considéré qu’il s’agissait d’un succès au départ.
Le sénateur Kutcher : D’accord.
M. Flynn : Il y en a 3 000 qui n’ont pas pu être tracées depuis l’endroit où elles sont entrées sur le marché illégal.
Je vais m’arrêter ici et je vais me tourner vers mon collègue. Les statistiques que vous êtes en mesure de partager sont-elles plus détaillées ou est-ce tout?
Comme vous le savez, de nombreuses armes à feu ne portent pas de numéro de série; il peut avoir été enlevé, il peut s’agir d’armes fantômes, etc.
Le sénateur Kutcher : Peut-on demander aux fabricants d’armes à feu de faire quelque chose pour améliorer la traçabilité des armes?
Le président : Le temps nous est compté, nous devons passer à autre chose. Ce sont d’excellentes questions.
Le sénateur Kutcher : Pourrions-nous obtenir une réponse écrite à cette question?
Le président : Si nous le pouvions, ce serait très utile. Nous vous en remercions.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Ma question s’adresse au représentant du ministère de la Justice.
J’essaie de comprendre la philosophie entourant ce projet de loi qui vise à resserrer les règles pour contrer le crime organisé. D’une part, on augmente les peines maximales à 14 ans. En vertu de l’ancien registre, qui prévoyait des peines de 10 ans, aucune sentence de cette durée n’a été ordonnée depuis 20 ans. D’un autre côté, on abolit les peines minimales pour possession d’armes illégales ou pour crimes commis avec une arme.
Récemment, on a vu au Québec une personne qui a été arrêtée avec des armes illégales et inculpée de trafic de drogue retourner chez elle pour purger une peine de deux ans à domicile. Une autre personne qui a été arrêtée pour avoir traversé des armes à la frontière s’est vue retournée à la maison.
Avec une telle philosophie, comment voulez-vous endiguer le crime organisé, sachant que ni une sentence maximale ni une sentence minimale ne sera imposée? Les coupables risquent même de retourner chez eux. J’essaie de comprendre comment cette philosophie aura un impact sur le crime organisé.
M. Dakalbab : Merci beaucoup pour la question. Pour mettre les choses en contexte, le projet de loi, comme l’a indiqué le ministre, n’est qu’un élément du travail réalisé pour contrer les gangs. Le projet de loi traite également de la violence conjugale, de la santé mentale et d’autres réalités problématiques au Canada relativement aux armes à feu.
Le sénateur Boisvenu : Je comprends. En même temps qu’on adopte ce projet de loi, le projet de loi C-75 a été adopté en 2019 et permet de décriminaliser des crimes commis avec armes à feu. On adopte le projet de loi C-5 grâce auquel on retourne à la maison les coupables de crimes commis avec des armes à feu. J’essaie de comprendre cette philosophie, alors que, pour envoyer un message fort, on devrait imposer des peines minimales aux personnes qui passent des armes à feu aux frontières ou qui sont trouvées coupables de possession d’armes illégales.
M. Dakalbab : Comme vous le savez, je ne peux pas parler de la situation des juges ni de lois qui ont déjà été adoptées.
Le sénateur Boisvenu : Cela n’a rien à voir avec les juges. Le projet de loi C-5 ne concerne pas les juges. C’est votre gouvernement.
M. Dakalbab : Bien, ce n’est pas le mien.
Le sénateur Boisvenu : Vous travaillez pour le gouvernement.
M. Dakalbab : Je veux toutefois vous assurer que je travaille personnellement avec les provinces, les territoires et toutes les forces policières au Canada dans le cadre des programmes. Au Québec, par exemple, j’entends beaucoup de rétroaction positive au sujet de programmes guns and gangs pour s’assurer que la police a de meilleurs dossiers.
Le sénateur Boisvenu : Avez-vous entendu de la rétroaction positive des policiers au sujet du projet de loi C-5?
M. Dakalbab : Non, je n’ai pas parlé du projet de loi C-5. Je parle des programmes guns and gangs.
Le sénateur Boisvenu : C’est ce projet de loi qui retourne les gens chez eux!
M. Dakalbab : Malheureusement, je ne peux pas me prononcer sur le projet de loi C-5. C’est une loi qui existe déjà au Canada.
Le sénateur Boisvenu : Il faudrait juste être cohérent, tout simplement.
[Traduction]
La sénatrice Dasko : Je vous remercie à nouveau de votre présence.
J’ai quelques questions, juste à des fins de clarification, sur les dispositions du projet de loi C-21 relatives aux armes d’assaut. Nous envisageons d’interdire certaines nouvelles armes d’assaut. Cela signifie-t-il que toutes les armes à feu automatiques et semi-automatiques seront interdites à l’avenir? Est-ce bien ce que dit le texte, ou quelque chose m’a-t-il échappé? Je vois que le mot « semi-automatique » est utilisé. Cela signifie-t-il que seuls certains types d’armes d’assaut seront interdites à l’avenir et que d’autres ne le seront pas?
M. Dakalbab : Je me ferai un plaisir de vous présenter rapidement les critères proposés dans le projet de loi.
Le projet porte sur les armes à feu qui ne sont pas des armes de poing, qui tirent des munitions à percussion centrale de manière semi-automatique et qui ont été conçues à l’origine avec un chargeur détachable d’une capacité de six cartouches ou plus, et qui ont été conçues et fabriquées à la date de la sanction royale ou après cette date. Tous ces critères doivent être respectés pour que l’arme soit, à l’avenir, interdite au Canada. Ce n’est donc pas tout.
La sénatrice Dasko : Cela signifie-t-il qu’il y aura encore d’autres armes d’assaut qui seront légales? C’est bien ce que je comprends?
M. Dakalbab : L’objectif est de définir ce qui, au Canada, est considéré comme une arme d’assaut et n’est pas admis dans notre société. Toutes les autres armes qui ne répondent pas à tous les critères resteront soumises à une évaluation. Elles seront à utilisation restreinte, non restreinte ou seront interdites en fonction d’autres critères prévus par d’autres lois, mais il s’agit ici de critères spécifiques. Donc pas toutes les armes le seront, c’est certain.
La sénatrice Dasko : Vous voulez dire interdites.
M. Dakalbab : Tout à fait.
La sénatrice Dasko : Ainsi, lorsqu’une chose est interdite, cela signifie que vous ne pouvez pas la posséder.
M. Dakalbab : Elle ne peut pas entrer sur notre marché ni même être fabriquée au Canada.
La sénatrice Dasko : Vous ne pouvez pas la posséder.
M. Dakalbab : Non.
La sénatrice Dasko : Il est interdit de l’importer, de la vendre ou de la posséder.
M. Dakalbab : Exactement.
La sénatrice Dasko : D’accord, je pense que cela clarifie les choses.
Je voudrais revenir sur le décret de 2021, dans lequel le gouvernement a interdit environ 1 500 marques et modèles d’armes d’assaut. Les 1 500 modèles étaient-ils tous des armes d’assaut présentes dans le pays à ce moment-là?
M. Dakalbab : Non.
La sénatrice Dasko : S’agissait-il d’une interdiction complète?
M. Dakalbab : Je voudrais être prudent avec le mot « assaut ».
La sénatrice Dasko : Il est utilisé comme descripteur. Il ne s’agit pas d’un terme juridique, si j’ai bien compris.
M. Dakalbab : Le décret de 2020 contient des critères clairs qui ont été établis afin d’identifier les armes à feu interdites. Toutes les armes qui répondent à ces critères étaient interdites à ce moment-là. Nous parlions de 1 500 armes, mais pas de toutes les armes à feu du Canada. En fait, il y a beaucoup de marques et de modèles d’armes à feu au Canada qui sont encore légaux. Le dernier chiffre que j’ai vu, ce n’est pas le chiffre exact, c’est que plus de 19 000 modèles différents existent encore.
La sénatrice Dasko : Oui, mais ils sont tous utilisés principalement pour la chasse, n’est-ce pas?
M. Dakalbab : Les armes sans restriction peuvent être utilisées et certaines sont d’utilisation restreinte, oui.
La sénatrice Dasko : D’accord, donc, c’est 1 500 armes interdites, est-ce que c’est d’après ce critère que leur rachat est effectué?
M. Dakalbab : C’est exact.
La sénatrice Dasko : D’accord, merci.
Le président : Nous débutons ce qui sera une seconde série de questions assez brève.
Le sénateur Plett : J’ai deux questions à poser. Je demanderai au membre de l’ASFC d’être assez succinct pour que je puisse également poser une question au témoin de la GRC.
Vous avez parlé des armes à feu saisies à la frontière, et j’en ai parlé. Pouvez-vous me dire combien, parmi toutes les armes à feu que vous avez saisies, l’ont été auprès de trafiquants faisant partie du crime organisé? J’ai posé une question qui figurait au Feuilleton il y a quelque temps, et j’ai obtenu une réponse selon laquelle, en 2019, environ 10 % des armes saisies à la frontière étaient des armes utilisées pour des crimes, et qu’en 2020, seulement 2 % des armes saisies par l’ASFC étaient identifiées comme des armes servant au crime. Ces chiffres sont-ils exacts? Je pense que c’est un nombre assez bas.
M. McCrorie : Je vais essayer d’être bref. Sur l’ensemble des armes à feu que nous avons saisies — l’année dernière, il s’agissait d’environ 1 100 — environ 400 ont été saisies à la frontière. Parmi les armes à feu saisies à la frontière, je n’ai pas de données sous la main, mais je dirais qu’environ 4 à 5 % d’entre elles sont ce que nous appelons...
Le sénateur Plett : Serait-il exact de dire qu’il s’agit de 8 sur 470?
M. McCrorie : Je ne pense pas que ce soit huit. Je pense que le chiffre est plus élevé. Cependant, je n’ai pas ces données à portée de main.
Le sénateur Plett : Il était écrit sur le Feuilleton 8 sur 470.
M. McCrorie : L’autre point est qu’une proportion importante des armes saisies loin de la frontière étaient typiquement associées à la criminalité. Nous disposons de deux ensembles de données : celles qui se trouvent à la frontière et celles qui se trouvent loin de la frontière.
Le sénateur Plett : Oh, vous avez fait une supposition.
Ma question s’adresse à la GRC. Brian Sauvé, président de la Fédération de la police nationale, qui représente également les agents de la GRC, a témoigné devant la Chambre des communes au sujet de ce projet de loi. Il a déclaré que le projet loi :
[…] n’aborde pas les problèmes liés au crime organisé ou à la violence des gangs, à la contrebande d’armes illégales, aux causes systémiques de la criminalité et aux menaces émergentes […] les armes à feu continueront d’entrer au Canada.
Êtes-vous d’accord avec M. Sauvé? Pensez-vous que ce projet de loi constitue une utilisation judicieuse du temps et des ressources du gouvernement? Qu’est-ce que ce projet de loi ajoute à l’effort de lutte contre les crimes commis avec des armes à feu au Canada et aux ressources et outils dont la police ne dispose pas déjà?
M. Flynn : Je crois que ce projet de loi va aider à réduire la violence...
Le sénateur Plett : Vous n’êtes pas d’accord avec M. Sauvé?
M. Flynn : Je pense que « aborde » est le mot important, ici. Je ne pense pas que ce projet de loi à lui seul va régler le problème. Le projet de loi ne prétend pas supprimer les causes profondes de la violence au sein du crime organisé et de la violence conjugale, et cetera. C’est un outil destiné aux organismes d’application de la loi et aussi au public, relativement aux divers drapeaux rouges dont nous avons déjà parlé. Le but est de fournir des outils supplémentaires pour aider à réduire les préjudices causés par les armes à feu, ce qu’on voit très souvent dans les cas de violence conjugale ou dans les actes de violence commis par le crime organisé et les gangs dans les régions urbaines.
Je vous ai lu quelques statistiques, plus tôt, montrant comment les criminels utilisent effectivement certains types d’armes à feu pour commettre leurs crimes. À mon avis, tout ce qui peut aider à réduire le nombre d’armes à feu conçues dans le seul but de tuer ou de blesser le plus de personnes possible le plus rapidement possible va absolument renforcer la sécurité publique et aider la police à lutter contre ce type d’activités.
Le sénateur Plett : Donc, la communauté policière, disons, est vraiment divisée sur cette question?
M. Flynn : Je ne sais pas si j’utiliserais le mot « divisé ». Je pense qu’il y a divers...
Le sénateur Plett : D’accord, vous n’utiliseriez pas le mot « divisé », et vous n’utiliseriez pas le mot « aborder ». M. Sauvé a dit « aborder », et vous n’êtes pas d’accord. À mes yeux, cela veut dire que vous êtes divisés.
M. Flynn : Je parlais du sens du mot « aborder ». Pour moi, le mot « aborder » veut dire « dans son intégralité ». Je veux dire que le projet de loi va aider, mais ne réglera pas le problème dans son intégralité. À mon sens, le mot « aborder » veut dire s’occuper du problème.
Le président : Nous allons passer à la question suivante.
Le sénateur Yussuff : J’aimerais poser une question pour donner suite à celle qui a été posée plus tôt à propos du trafic, tout particulièrement. Pouvez-vous me dire quelle est présentement la peine moyenne imposée pour le trafic d’armes à feu illégales et quelles modifications sont proposées dans le projet de loi concernant le trafic? Évidemment, il y a deux réalités : il y a la proposition d’imposer des peines plus sévères aux trafiquants, et il y a la réalité actuelle, c’est-à-dire la peine moyenne imposée à ceux qui sont reconnus coupables de trafic d’armes à feu au Canada.
M. Dakalbab : Je vais demander à mon collègue, Me Taylor, s’il a ces données. Sinon, nous vous les communiquerons plus tard.
Me Taylor : Je les ai. Je vais commencer par les statistiques, puis je répondrai à la deuxième partie de votre question. Je pourrai vous donner ces données avec plaisir, si vous les voulez.
En 2020-2021, il n’y a eu aucune condamnation en application de l’article 103. En 2019-2020, il y a eu une condamnation entraînant une peine de plus de deux ans. En 2018, les peines allaient de trois à six mois seulement à plus de deux ans. Donc, les peines sont ce qu’elles sont.
J’aimerais dire deux ou trois choses. L’augmentation de la peine maximale remplit deux ou trois buts. Premièrement, cela montre que le Parlement considère que les infractions pour lesquelles la peine maximale est augmentée méritent une intervention plus sévère du système de justice pénale. La Cour suprême, dans l’arrêt Friesen, a déclaré que l’augmentation des peines maximales envoie un signal selon lequel les fourchettes de peine pour ces infractions devraient être plus élevées. L’objectif de l’augmentation de la peine maximale est d’élever les fourchettes de peine. Bien sûr, il faut, fondamentalement, que toute peine imposée reflète les principes de la proportionnalité, de la gravité de l’infraction et de la responsabilité du délinquant.
Au sujet des peines minimales obligatoires, il est tout à fait vrai que certaines d’entre elles ont été éliminées. Cependant, le fait d’éliminer certaines peines minimales obligatoires n’enlève rien, de quelque façon que ce soit, à la responsabilité de la Cour. La Cour a toujours l’obligation d’imposer la peine qu’elle juge appropriée... compte tenu de la gravité de l’infraction. Rien ne change de ce côté-là.
Le sénateur Cardozo : Ma question s’adresse au commissaire par intérim, M. Flynn, et concerne les pertes massives et de la Commission des pertes massives de la Nouvelle-Écosse. Dans quelle mesure ce projet de loi réagit-il au rapport de la Commission et aux enjeux qui ont été soulevés, directement ou indirectement, dans ce rapport?
M. Flynn : Mon collègue ici présent dit qu’il peut répondre succinctement à votre question.
M. Dakalbab : Merci beaucoup. Je dirige les efforts de coordination du gouvernement du Canada, en collaboration avec les autres provinces et territoires, touchant le rapport de la Commission des pertes massives, un événement triste et malheureux.
En fait, la définition technique donne directement suite à la recommandation C-21. Bizarrement, c’est le même nombre, dans le rapport d’enquête. Nous travaillons en très étroite collaboration sur chacune des recommandations afin de pouvoir conseiller le gouvernement en temps opportun. Ce qu’il y a dans le projet de loi, et en particulier la définition technique, reflète assez bien ce qui était écrit dans la recommandation du rapport de la Commission des pertes massives.
Le sénateur Cardozo : L’article 42 mentionne un rapport au ministre fédéral. Est-ce que le rapport sera lui aussi rendu public? Est-ce que le rapport est public?
M. Dakalbab : Voulez-vous dire celui de la Commission des pertes massives...
Le sénateur Cardozo : Non, pardon, j’étais revenu au projet de loi.
M. Dakalbab : Je n’ai pas d’information sur cet article, malheureusement. Nous pouvons vérifier et vous répondre plus tard.
Le sénateur Cardozo : Le commissaire aux armes à feu doit chaque année présenter un rapport au ministre fédéral.
M. Dakalbab : Pardon, je n’étais pas certain de savoir duquel vous parliez.
Oui, cela fait partie du rapport que le commissaire va présenter. Pour répondre à votre question, est-ce que le rapport sera public, oui, on va s’assurer que le rapport soit rendu public.
Le sénateur Cardozo : Est-ce que c’est inscrit dans la loi, ou est-ce c’est un simple engagement verbal de votre part?
M. Dakalbab : Parlez-vous de l’article?
Le sénateur Cardozo : Oui.
M. Dakalbab : L’article précise que l’information doit être accessible et qu’elle sera publique. C’est garanti. Ce n’est pas laissé à la discrétion de la GRC.
Le sénateur Cardozo : Merci.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Ma question s’adresse à M. Flynn. Monsieur Flynn, on a assisté à une certaine confusion ces dernières années en matière de détermination des armes d’assaut qui doivent être prohibées.
Pouvez-vous nous donner une idée du nombre de personnes affectées à ce travail depuis un an ou deux à la Gendarmerie royale du Canada? En considérant les difficultés de recrutement que vous avez, êtes-vous actuellement en assez grand nombre et assez bien équipés pour réaliser des analyses sur les armes actuelles et sur les nouvelles qui arriveront sur le marché?
Pouvez-vous nous donner une idée de la façon dont fonctionne ce département à la Gendarmerie royale du Canada?
M. Flynn : Merci pour votre question.
[Traduction]
La GRC a investi beaucoup de temps et d’efforts dans la formation des membres de la GRC ainsi que de l’ensemble de la communauté des forces de l’ordre, pour veiller à ce que tous les agents de police, dans le cadre de leurs tâches quotidiennes, soient bien informés des divers éléments du projet de loi et de tout ce qui concerne l’application de la loi sur les armes à feu de manière générale.
En ce qui a trait aux ressources, je n’ai pas les chiffres exacts, et je ne sais pas si mon collègue les a, mais nous pouvons nous engager à vous fournir, après la réunion, tous les chiffres du programme de la GRC sur les armes à feu.
Tout type d’initiative de sécurité publique et tout ce qui est fait pour aider les organismes d’application de la loi et leur donner de nouveaux outils a un coût, mais a un effet bénéfique. Quand on utilise des ressources supplémentaires pour régler un problème — la majeure partie de ces ressources étant des postes subventionnés —, cela a aussi un effet positif sur nos activités quotidiennes, parce que cela réduit la violence et réduit l’accès à ce genre d’armes à feu.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Est-ce qu’il vous arrive de prêter assistance au corps de police d’Akwesasne? On sait que c’est un corps de police qui est bien organisé. C’est un territoire qui est très dur, soit dit en passant, à surveiller, avec le fleuve Saint-Laurent et la rivière St Regis. Il est difficile d’intercepter les bateaux qui traversent la nuit.
Est-ce que la Gendarmerie royale du Canada est appelée à prêter assistance au corps de police d’Akwesasne? Un bateau a été ajouté. Pouvez-vous nous parler de ce que vous donnez comme assistance au corps de police d’Akwesasne?
[Traduction]
M. Flynn : Comme vous l’avez dit, le corps de police mohawk d’Akwesasne est très compétent, et la GRC travaille en très étroite collaboration avec lui. Il y a même un membre de la GRC intégré au sein de ce service, pour bon nombre de ses opérations, et dans la force policière. Notre détachement de Cornwall se trouve dans cette zone d’opérations. Comme je l’ai dit, nous travaillons en très étroite collaboration avec ce service et aussi avec son homologue américain.
Le président : Chers collègues, c’est tout le temps que nous avions avec ce groupe de témoins.
J’aimerais remercier M. Dakalbab, Me Taylor, M. Flynn, M. McCrorie et Mme Paquette du temps qu’ils nous ont accordé aujourd’hui. Vous nous avez beaucoup aidés dans le cadre de notre étude et avez bien répondu à nos questions aujourd’hui. Par-dessus tout, nous voulons vous remercier de tout ce que vous faites dans votre travail — très important — et dans vos vies, et aussi de votre contribution pour les Canadiens de tout le pays. Au nom du comité et du Sénat, merci du travail que vous faites en dehors d’ici. C’est un travail extrêmement important, et nous vous en sommes extrêmement reconnaissants.
Nous poursuivons avec nos prochains témoins. Pour la prochaine heure, nous avons le plaisir d’accueillir Mme Teri Bryant, contrôleuse des armes à feu, Bureau du contrôleur des armes à feu de l’Alberta; et M. Robert Freberg, commissaire et contrôleur des armes à feu, Secrétariat des armes à feu de la Saskatchewan. Merci, madame Bryant et monsieur Freberg, d’être parmi nous aujourd’hui. Je vais vous inviter à présenter vos déclarations préliminaires, puis nous passerons aux questions des membres du comité. Je vous rappelle que vous avez tous les deux cinq minutes pour votre témoignage.
Teri Bryant, contrôleuse des armes à feu, Bureau du contrôleur des armes à feu de l’Alberta, gouvernement de l’Alberta : Merci de m’avoir invitée à témoigner aujourd’hui.
Le projet de loi C-21 est mal avisé. Il impose un fardeau démesuré aux propriétaires d’armes à feu respectueux des lois, qui sont déjà soumis à une lourde réglementation, et repose sur l’interdiction de certains types précis d’armes à feu, une approche inapte à réduire la violence. Si le projet de loi ne peut pas être abandonné, il doit, à tout le moins, être grandement modifié. Tous les Canadiens devraient s’opposer à ce projet de loi sous sa forme actuelle, qu’ils possèdent ou non des armes à feu, ou qu’ils aiment ou non les armes à feu.
Les propriétaires d’armes à feu respectueux des lois sont, bien évidemment, les plus directement touchés par ce projet de loi. Le projet de loi va, dans les faits, mettre un terme à un grand nombre de sports de tir sur cible, établis depuis longtemps, sécuritaires et reconnus internationalement, parce qu’il n’y aura plus de nouveaux participants. Même les sports qui utilisent un pistolet à poudre noire à silex, qui est chargé par la bouche et à un coup — une technologie qui remonte à l’ère des pirates des Caraïbes, il y a plus de 200 ans — vont disparaître. Cette perte ne fera rien pour accroître la sécurité publique de quelque façon que ce soit. Pour beaucoup de gens et de communautés, ces sports sont une partie importante de leur héritage. Ce sont aussi des moments où les nouveaux propriétaires d’armes à feu peuvent socialiser et apprendre à utiliser les armes à feu de façon sécuritaire et responsable, dans une activité de groupe.
Si nous permettons que ce projet de loi réduise le bassin de propriétaires d’armes de poing, il y aura moins de membres dans les champs de tir, ce qui mettra leur viabilité économique en péril. Les chasseurs et tous ceux qui ont besoin de ces champs de tir pour pratiquer n’auront plus d’endroit sécuritaire où tirer. Les commerces d’armes à feu et les milliers de travailleurs canadiens qui y travaillent seront aussi gravement touchés. Le gel des cessions d’armes de poing, combiné au décret de mai 2020, a sapé une grande part du marché qui soutient ces entreprises, qui sont pour la plupart de petites entreprises familiales. Bon nombre d’entre elles ne tiennent plus qu’à un fil, et d’autres ont déjà été forcées de mettre la clé sur la porte.
Les Canadiens qui veulent protéger les citoyens contre les injustices devraient être très préoccupés. Quand une personne finit par être déclarée innocente, après avoir été accusée d’une infraction entraînant la révocation de ses certificats d’enregistrement d’une arme de poing, l’interdiction de délivrer de nouveaux certificats d’enregistrement d’une arme de poing l’empêchera de retrouver ses anciens privilèges. S’il y a des lacunes dans les procédures canadiennes visant à retirer leurs armes à feu à ceux qui ne devraient pas les avoir, ces lacunes ne tiennent pas au fait que les contrôleurs des armes à feu n’ont pas suffisamment de pouvoirs, mais plutôt au fait que la plupart des contrôleurs des armes à feu n’ont pas suffisamment de ressources à leur disposition pour les appliquer.
Les Canadiens soucieux des droits à la propriété devraient être extrêmement préoccupés par le fait que des biens acquis légalement, d’une valeur de centaines de millions de dollars, deviendront dans les faits invendables à un prix raisonnable. Déjà, des milliers d’armes de poing d’une valeur de plusieurs millions et des millions de dollars sont bloqués dans les successions, et le gel réglementaire sur la cession des armes de poing empêche de trouver des acheteurs sérieux. Beaucoup d’objets historiques et de souvenirs de famille précieux pourraient finir par être inutilement détruits. À cause de l’imposition précipitée du gel sur la cession des armes de poing, le système de traitement des cessions a été surchargé pendant les mois qui ont suivi l’annonce et précédé l’entrée en vigueur du gel, et bien des gens qui voulaient vendre leurs armes de poing, dans le cadre d’une planification successorale, n’ont pas pu le faire. Ces conséquences financières sont clairement injustes.
Les Canadiens qui se préoccupent de la sécurité publique devraient être très préoccupés par cette mesure, qui ne fait rien pour accroître la sécurité publique et même qui y nuit subtilement ou de façon plus évidente. Bien des gens qui pourraient accroître la sécurité publique en faisant l’acquisition d’une arme de poing ne pourront pas acheter l’équipement dont ils ont besoin, par exemple des instructeurs qui donnent le Cours canadien de sécurité dans le maniement des armes à feu. Beaucoup de petits services de police et de petites entreprises de sécurité ne pourront plus pratiquer dans les champs de tir, parce qu’ils seront fermés.
Notre système de contrôle des armes à feu est déjà truffé d’incohérences et a vraiment besoin d’être remonté de A à Z, et pourtant, le projet de loi C-21 ne fait qu’empirer la confusion en interdisant les armes d’épaule en fonction de leur date de fabrication, plutôt qu’en fonction de n’importe quel autre critère objectif dont l’efficacité a été démontrée. Le projet de loi centralise aussi le pouvoir décisionnel sur les autorisations de port d’arme — des décisions de vie ou de mort — et le confie au commissaire aux armes à feu, un fonctionnaire qui est bien trop loin du terrain pour pouvoir prendre des décisions éclairées ou en temps opportun. Ces mesures vont miner la confiance à l’égard de notre système de contrôle des armes à feu, précisément au moment où les efforts de tous et de toutes devraient viser à renforcer la confiance de la société envers nos institutions.
Pour toutes ces raisons et pour bien d’autres encore, j’espère que vous, honorables sénateurs et sénatrices, entreprendrez un examen exhaustif de ce projet de loi profondément imparfait et déciderez de l’abandonner, ou du moins de grandement le modifier, afin de renforcer la sécurité publique, de permettre aux sports de tir légitimes de survivre et de dépolitiser cet enjeu, afin que nous puissions tous et toutes reprendre notre travail quotidien assidu, qui est de veiller à ce que le public soit aussi en sécurité que possible. Mon personnel et moi-même sommes prêts à vous aider en vous offrant un soutien plus détaillé à ce chapitre, et afin de veiller à ce que le résultat de votre second examen objectif soit le projet de loi que toute la population du Canada mérite, un projet de loi qui protège la sécurité publique de façon mesurée et équilibrée.
[Français]
Maintenant, je serai ravie de répondre à vos questions.
[Traduction]
Le président : Merci beaucoup, madame Bryant.
Robert Freberg, commissaire et contrôleur des armes à feu, Secrétariat des armes à feu de la Saskatchewan, gouvernement de la Saskatchewan : Merci, monsieur le président et honorables sénateurs et sénatrices, de l’invitation à témoigner devant votre comité dans le cadre de son étude sur le projet de loi C-21.
Compte tenu de la complexité des lois et de la réglementation sur les armes à feu, j’ai demandé à M. Blaine Beaven, conseiller juridique principal de la Saskatchewan de m’accompagner; il sera en mesure de fournir certains détails quand nous répondrons aux questions.
Le mandat du Secrétariat des armes à feu de la Saskatchewan est de promouvoir la sécurité en ce qui a trait aux armes à feu est de veiller à ce que la communauté des propriétaires d’armes à feu de la Saskatchewan puissent bien se faire entendre sur ces questions importantes. Le secrétariat a compétence sur l’octroi de permis, l’entreposage, le transport, le port et l’utilisation des armes à feu dans la province. Le secrétariat mène aussi des activités intensives de sensibilisation et d’éducation du public pour informer les citoyens au sujet de l’utilisation, de l’entreposage et du transport sécuritaires des armes à feu. Nous avons maintenant élargi notre mandat original, qui englobe maintenant l’établissement et l’exploitation du nouveau laboratoire provincial de balistique — qui peut effectuer des tests en temps opportun pour les organismes d’application de la loi —, les poursuites pour des infractions à la loi sur les armes à feu de la Saskatchewan et la gestion du comité provincial d’indemnisation pour les armes à feu.
Le gouvernement de la Saskatchewan applique rigoureusement la Loi fédérale sur les armes à feu, et ceux qui ne la respectent pas doivent répondre de leurs actes. Les révocations et les refus de permis d’armes à feu ont triplé dans la province depuis que la Saskatchewan a pris en charge l’administration de la Loi fédérale sur les armes à feu, en septembre 2021. Cependant, le gouvernement du Canada n’a pas encore indemnisé la province, de quelque façon que ce soit, pour tous les coûts qu’elle a engagés jusqu’ici pour l’administration du Programme canadien des armes à feu, qui représentent un montant d’environ 5 millions de dollars. Cependant, la province de la Saskatchewan y consacre présentement plus 8 millions de dollars de son budget annuel, maintenant que le Secrétariat des armes à feu de la Saskatchewan administre la Loi fédérale sur les armes à feu, supervise le laboratoire de balistique provincial, mène des poursuites contre les délinquants et défend les droits des propriétaires d’armes à feu titulaires d’un permis.
En Saskatchewan, une grande proportion des armes à feu utilisées lors d’activités criminelles ont été acquises illégalement. Par exemple, il peut s’agir d’armes à feu volées, qui ont servi à commettre d’autres crimes, mais de façon générale, il ne s’agit pas d’armes de poing ou d’armes à feu à autorisation restreinte ou prohibées. Plutôt, il s’agit très majoritairement d’armes à feu sans restriction, d’armes qui ont été modifiées ou d’armes artisanales.
Les propriétaires d’armes à feu légales ont aussi bien sûr un rôle important à jouer pour ce qui est de renforcer la sécurité publique, et c’est pour cette raison que la Saskatchewan déploie énormément d’efforts de sensibilisation du public, pour veiller à ce que l’entreposage, l’octroi de permis et l’utilisation des armes à feu se fassent de façon sécuritaire. En entreposant correctement les armes à feu, nous pouvons prévenir qu’une arme à feu, peu importe de quel type il s’agit, tombe entre de mauvaises mains et ainsi, nous renforçons grandement la sécurité publique.
L’interdiction et la saisie des armes à feu n’est pas la solution. Cela a été démontré on ne peut plus clairement, encore et encore, dans de nombreuses études ainsi que dans d’autres pays qui ont pris des mesures similaires à celles auxquelles songe actuellement le gouvernement fédéral. On ne peut pas comparer les statistiques du Canada et des États-Unis, parce que nos voisins du Sud n’ont pas les lois strictes qui existent actuellement au Canada en matière de permis, de formation obligatoire et d’entreposage sécuritaire, ni nos cadres réglementaires efficaces.
De manière générale, les commissaires aux armes à feu d’un bout à l’autre du Canada ont été très peu consultés, voire pas du tout, sur les lois concernant les armes à feu, alors qu’ils sont directement concernés, en tant que régulateurs de première ligne, et qu’ils doivent faire appliquer la réglementation… je devrais dire « appliquer, mais établir le cadre réglementaire ».
Malheureusement, l’annonce de ce projet de loi et les décrets subséquents ont considérablement augmenté le nombre de demandes d’information de la part des parties prenantes, ce qui a eu un impact défavorable sur la capacité de notre organisme à remplir ses tâches principales et à tenir des enquêtes publiques sur la sécurité, nous ne recevons absolument aucune ressource, que ce soit des ressources financières ou autres, de la part du gouvernement fédéral ou d’organismes provinciaux des contrôleurs des armes à feu.
Avec ce projet de loi, on s’attend, en toute confiance, à ce que les propriétaires d’armes à feu respectueux de la loi cèdent volontairement leurs armes à feu — pour qu’elles soient détruites —, et ce, sans être indemnisés, alors que cela fait peut-être plusieurs décennies qu’ils possèdent, entreposent et utilisent leurs armes à feu de manière sécuritaire et légale. Ironiquement, ce projet de loi refuse de faire confiance à ces mêmes propriétaires pour qu’ils achètent et vendent des armes de poing entre eux.
Quand la Chambre des communes a étudié le projet de loi C-21, il était clair qu’il n’y avait absolument aucune intention d’indemniser les gens après la destruction de leurs armes de poing. En Saskatchewan, cependant, la Loi sur les armes à feu de la Saskatchewan, récemment adoptée, prévoit que, lorsque le gouvernement fédéral veut s’approprier des armes de poing ou toute autre arme à feu, y compris celles visées dans le projet de loi C-21, en leur enlevant toute valeur, le gouvernement fédéral doit payer le prix équitable du marché avant de les détruire.
Les services de police ne devraient pas se voir confier la tâche de saisir les armes à feu des propriétaires respectueux de la loi; ils devraient plutôt intervenir exclusivement contre les gens ou les organisations criminelles qui utilisent illégalement leurs armes à feu. Les ressources policières sont déjà très limitées à l’échelle du Canada, alors ce genre de saisie ne devrait pas être leur priorité.
S’il est adopté, le projet de loi C-21 entraînerait une lente interdiction des armes de poing et codifierait l’interdiction actuelle, imposée par règlement sans préavis en octobre 2022, de cession d’armes de poing entre titulaires de permis, dans la plupart des cas. Par conséquent, les propriétaires d’armes de poing n’auront pour ainsi dire aucune autre possibilité financière de récupérer leur investissement. Actuellement, les propriétaires ont légalement l’option de simplement vendre les pièces de l’arme à feu, c’est-à-dire les pièces qui ne sont pas immatriculées ou n’indiquent pas le numéro de série de l’arme à feu, lesquelles peuvent être facilement vendues à un autre titulaire de permis ou à une entreprise. Dans certains cas, selon certains rapports, les pièces individuelles d’une arme à feu démontée peuvent valoir plus cher que l’arme à feu complète.
Monsieur le président, je crois qu’une meilleure façon de protéger la cession et la propriété des armes à feu est de donner aux contrôleurs des armes à feu de chaque province le pouvoir de transférer les certificats d’enregistrement existants des armes de poing entre titulaires de permis. Cela permettrait de conserver la valeur globale d’une arme à feu et de diminuer l’intérêt de vendre des armes à feu en pièces détachées en échange d’une indemnisation, parce que ces pièces ou ces armes pourraient, honnêtement, être utilisées pour fabriquer des armes à feu illégales en 3D.
Aussi, cela pourrait atténuer le risque que des armes de poing provenant des États-Unis soient détournées et tombent entre les mains de personnes non autorisées, parce que ces armes ne peuvent pas facilement être retracées une fois que le propriétaire est décédé. Avant que les organismes d’application de la loi, le Programme canadien des armes à feu ou nos secrétariats des armes à feu finissent par découvrir ce genre d’activité, il s’est parfois écoulé jusqu’à cinq ans, lorsque le permis de la personne expire, parce que nous pouvons seulement savoir que la personne est décédée quand son permis doit être renouvelé. Dans le libellé actuel de la loi, les personnes qui possèdent des armes à feu par succession n’ont pas besoin d’un permis pour se débarrasser de l’arme, mais elles ont tout de même besoin d’une autorisation, qu’elles doivent demander. Si les gens ont peu d’options pour obtenir la pleine valeur d’un bien de succession, ils pourraient vouloir vendre l’arme illégalement.
Les propriétaires d’armes à feu qui sont titulaires de permis ne font tout simplement pas partie du problème, et ils représentent un risque minime pour eux-mêmes et pour les autres. Ils participent à des sports hautement réglementés, y compris en ce qui concerne l’achat, la vente, le transport, l’utilisation et l’entreposage des armes à feu. Les champs de tir où ils pratiquent le tir à la cible sont approuvés par le contrôleur des armes à feu en vertu du Programme canadien des armes à feu. Les mêmes installations sont utilisées quotidiennement par les organismes d’application de la loi, mais elles vont certainement cesser d’exister s’il n’y a plus de communautés de propriétaires d’armes à feu à des fins récréatives pour les soutenir, c’est-à-dire s’il n’y a plus de membres qui paient des frais d’adhésion et d’utilisation. Cela va avoir des conséquences très négatives sur les organismes d’application de la loi de tout le Canada, qui ont grandement besoin de ces installations pour leur entraînement.
Pour conclure, monsieur le président, la Saskatchewan appuie toujours les lois sur le contrôle des armes à feu qui continuent de renforcer la sécurité publique. Tout projet de loi doit trouver un équilibre entre les privilèges présentement accordés aux propriétaires d’armes à feu responsables et respectueux des lois et l’application stricte des lois pour tenir responsables les délinquants qui utilisent des armes à feu pour commettre des infractions criminelles avec violence. Il faudrait entreprendre une étude approfondie sur le projet de loi C-21 pour savoir si son adoption est appropriée et si les coûts potentiels sont proportionnels aux effets minimes sur la sécurité publique. Aussi, cela va accroître la charge de travail des services policiers, qui vont devoir s’occuper des armes de poing cédées, alors que leurs ressources minimes sont déjà limitées.
Le Secrétariat des armes à feu de la Saskatchewan et son équipe sont prêts à aider, par tous les moyens possibles, dans le cadre de l’étude du projet de loi C-21. Je dois vous dire que je me soucie grandement de la sécurité publique, et que je suis très fier de ce que nos contrôleurs des armes à feu accomplissent chaque jour, avec les organismes d’application de la loi, pour faire de la Saskatchewan un endroit plus sécuritaire. Nous avons aussi conclu des partenariats avec bon nombre de communautés autochtones pour élaborer des programmes de sécurité supposant d’intégrer des contrôleurs des armes à feu dans ces communautés pour aider à accroître l’octroi des permis et le respect des lois. Nous sommes très fiers de ce que nous faisons en Saskatchewan.
Je vous remercie énormément de m’avoir donné l’occasion de témoigner devant vous aujourd’hui.
Le président : Merci, monsieur Freberg.
Nous allons passer aux questions. Nous avons une heure pour cette partie de la séance. Je verrai à ce que tous les membres puissent participer pleinement, alors nous allons nous en tenir à quatre minutes pour les questions et les réponses. Cela serait bien que vous posiez de brèves questions et que vous précisiez à qui vous les adressez. Le vice-président va poser la première question.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Merci à nos témoins d’être parmi nous.
Ma première question s’adresse à Mme Bryant.
Madame Bryant, vous avez bien établi les dommages sportifs du projet de loi C-21, mais on aimerait entendre vos commentaires sur d’autres aspects du projet de loi.
Avez-vous des statistiques pour votre province qui nous indiqueraient dans quelle proportion les crimes commis en Alberta le sont avec des armes illégales qui, de toute façon, n’auraient jamais été enregistrées? Pouvez-vous nous dire en quoi le projet de loi C-21 devient un avantage ou un outil pour mieux lutter contre le crime organisé qui n’utilise pas des armes légales? Qu’est-ce qui pourrait effrayer les membres des gangs organisés?
Mme Bryant : Merci pour les questions.
Malheureusement, je crois qu’il n’y a pas de bonnes statistiques au Canada pour donner une réponse précise à vos questions sur la proportion des armes à feu qui proviennent de sources nationales ou étrangères, et sur tous ces aspects du problème. C’est une question très importante et c’est pourquoi, dans le cadre de la croissance de notre bureau, on a établi une unité pour analyser les données. Nous aurons bientôt un spécialiste des statistiques pour répondre à ces questions.
Jusqu’à maintenant, je crois que c’est peut-être le plus grand problème de la création d’une bonne politique en matière d’armes à feu.
Le sénateur Dagenais : Ma seconde question s’adresse à M. Freberg.
Monsieur Freberg, sur le plan politique et social, j’aimerais savoir comment le projet de loi C-21 est reçu par les chasseurs et ceux qui font du tir sportif en Saskatchewan.
Vous avez sûrement dans vos dossiers des armes de poing bien enregistrées par des tireurs sportifs qui, eux, se conforment à la loi. À part les athlètes qui auront des droits spéciaux, selon la ministre, qu’arrivera-t-il à ceux qui font du tir sans faire de la compétition?
[Traduction]
M. Freberg : En Saskatchewan, nous avons 115 000 titulaires de permis d’armes à feu sans restriction. Environ 65 000 parmi eux ont un permis de possession et d’acquisition d’armes à feu à autorisation restreinte et peuvent acheter des armes de poing utilisées dans les sports de tir, parce que c’est leur but principal; ils ne peuvent pas les utiliser pour chasser ou pour quoi que ce soit d’autre, en vertu de la réglementation provinciale sur la chasse et les lois fédérales.
Pour ce qui est des commentaires que nous recevons, quand nous assistons à des expositions d’armes et parlons avec les parties prenantes — comme le fait la contrôleuse des armes à feu, Mme Bryant —, personne n’est en faveur. La raison principale est que, parmi le grand nombre d’armes à feu catégorisées dans le projet de loi, on a surtout mis l’accent sur l’AR-15. En Saskatchewan, il y a environ 1 200 AR-15 enregistrés dans la province, et ces armes n’ont pas été utilisées de quelque façon que ce soit dans un acte criminel. Nous n’avons eu absolument aucune affaire où un AR-15 a été utilisé. Je ne crois pas qu’il y en avait beaucoup, à l’échelle du Canada, mis à part la tragédie en Nouvelle-Écosse, et je crois que, dans ce cas-là, il s’agissait d’une arme de contrebande, acquise illégalement, provenant des États-Unis. Si on parle des propriétaires enregistrés, il n’y a rien.
En ce qui concerne les armes de poing, le seul endroit où une personne peut décharger une arme de poing, c’est dans un champ de tir autorisé. Tous les propriétaires sont membres de leur club local. Ils soutiennent les fédérations locales de la faune, qui achètent les terres où se trouvent les habitats construisent des étangs à truite, encadrent les jeunes en matière de sécurité à la chasse et donnent aussi des cours de sécurité. Avec la disparition des armes de poing, beaucoup des nouveaux venus à ce sport achètent des armes de poing et suivent la formation. Si on leur enlève cela, nous perdrons aussi notre capacité de maintenir en poste les instructeurs. Ces mêmes instructeurs donnent aussi le cours régulier pour le permis de possession et d’acquisition, et pour être honnête, nous perdons rapidement nos instructeurs, parce que certains de nos plus anciens partent et qu’il n’y a pas de nouveaux pour les remplacer. Ils ne peuvent pas donner le cours sur les armes de poing, parce qu’ils ne peuvent même pas acheter une arme de poing pour l’utiliser et la désactiver à des fins de formation. Les conséquences sont dévastatrices dans toute la province.
Le sous-ministre adjoint, M. Dakalbab, disait que, eh bien, ces armes à feu ne touchent pas les chasseurs et les éleveurs. Par exemple, le Mini-14 est l’une des armes à feu restreintes, et elle a été utilisée dans l’horrible tragédie à Québec et ailleurs, mais cette arme à feu est très utilisée en Saskatchewan pour chasser les coyotes. Diverses variantes de cette arme à feu sont courantes dans les communautés autochtones, tout comme la carabine SKS qui avait été inscrite sur la liste avant d’être supprimée, faute de consultations. Ce sont des armes à feu très populaires dans les communautés autochtones. Encore une fois, elles ont mauvaise réputation parce qu’elles ont été utilisées dans des tragédies.
L’objectif est de s’assurer que les gens qui en possèdent ont un permis; que l’on peut les contrôler un peu, qu’ils sont formés et qu’ils agissent de manière responsable en mettant sous clé leurs armes à feu. Depuis que je fais partie du gouvernement de la Saskatchewan, nous avons déployé beaucoup d’efforts dans ce dossier. Nous sommes l’une des quelques provinces qui sont en train d’élaborer un protocole d’entente avec des partenaires autochtones pour que plus de gens obtiennent un permis. Par exemple, dans le Nord, il y a une communauté comptant 1 600 personnes, et 12 seulement ont un permis. Laissez-moi vous dire qu’il y a plus que 12 personnes qui chassent pour se nourrir, là-bas. Ces 12 personnes ne nourrissent pas les 1 600 personnes de la communauté. Nous devons travailler avec ces communautés pour trouver une solution.
Le président : Merci. Je vous ai permis de dépasser le temps qui vous était alloué parce que c’est une question qui intéresse de nombreux sénateurs.
Le sénateur Oh : Merci aux témoins d’être présents.
Ma question s’adresse à vous deux. Comme vous le savez, en vertu de la disposition drapeau rouge prévue dans ce projet de loi, n’importe qui peut se présenter devant un tribunal et demander à un juge de saisir l’arme ou de suspendre le permis d’une personne qui possède une arme si l’on croit que cette personne représente une menace pour une autre personne ou pour elle-même. Il est indiqué ce qui suit dans la section sur la justice pénale du site Web de l’Association du Barreau canadien :
[…] la loi actuelle contient des pouvoirs suffisants pour atteindre l’objectif de saisir des armes soupçonnées d’avoir été utilisées dans un crime ou de les retirer des mains de personnes considérées comme un danger pour elles-mêmes ou pour autrui.
Cette disposition aura des conséquences pour les préposés aux armes à feu partout au pays. Quel genre de consultation les agents fédéraux ont-ils eue avec chacun de vos bureaux au sujet de cette disposition, avant que le projet de loi ne soit présenté?
Mme Bryant : Je peux répondre rapidement à la question et nous faire gagner du temps. Il n’y a eu absolument aucune consultation.
Le sénateur Plett : Et voilà.
M. Freberg : Je ne vais pas perdre du temps pour ma très longue explication. Il n’y en a pas eu.
Vous avez tout à fait raison; la police peut avoir recours à des ordonnances relatives à la sécurité publique au titre de l’article 117 ou les contrôleurs des armes à feu ont le droit de le faire. Le défi, c’est d’avoir ces personnes sur place. M. Beaven est venu à nos bureaux. Nous avons deux avocats dans notre bureau. Nous communiquons avec nos partenaires d’exécution de la loi pour les encourager à utiliser ces outils conformément à l’article 117 et ainsi de suite. Souvent, les agents qui se présentent à un domicile où il y a de la violence conjugale ne demandent pas s’il y a un permis d’armes à feu et ne parlent pas d’armes à feu. Puis, nous prenons connaissance du chef d’accusation et nous découvrons que cette personne possède beaucoup d’armes à feu; la police doit alors retourner à cette maison pour saisir les armes à feu ou récupérer le permis parce que nous interdisons maintenant à cette personne de posséder des armes à feu. Vous pouvez approuver ce projet de loi, mais, comme je l’ai mentionné plus tôt, vous devez avoir le financement et les mécanismes nécessaires pour être certains que nos agents de première ligne et les préposés aux armes à feu sont en mesure de confisquer ces armes à feu.
Lorsque nous sommes entrés en fonction, en Saskatchewan, il y avait des dossiers datant de 800 jours qui n’avaient pas encore été examinés. Dans certains dossiers, il y avait une lettre adressée au propriétaire d’une arme à feu qui disait : « Il vous est maintenant défendu de posséder votre arme. » Eh bien, de toute façon, si cette personne ne respecte pas la loi, elle ne vérifie sans doute pas sa boîte aux lettres. Puis, 30 jours plus tard, vous dites : « Où est l’arme? » « Je ne sais pas. Je l’ai donnée à quelqu’un. »
Nous devons en faire plus pour nous assurer que, peu importe les lois en vigueur, qu’il s’agisse des lois visées par ce nouveau projet de loi C-21 ou de lois qui existent déjà, nous utilisons les outils et soutenons les bureaux des armes à feu de tout le Canada ainsi que nos partenaires d’exécution de la loi afin de pouvoir confisquer leurs armes à feu aux gens qui ne devraient pas en posséder. Nous évitons ainsi ces tragédies.
Le sénateur Oh : Si ce projet de loi est adopté, croyez-vous que les clubs de tir fermeront leurs portes et que de nombreux instructeurs perdront leur emploi?
M. Freberg : La question n’est pas d’y croire : c’est déjà le cas, monsieur le sénateur. Nous perdons un club dont j’ai été le président avant d’occuper mon poste actuel. Il y avait 3 000 membres. Il y en a maintenant 2 000. Les membres de ce club étaient essentiellement des gens qui s’adonnaient au tir à l’arme de poing pour le plaisir, pour le sport. C’était une activité familiale. Il y a des époux, des épouses et des enfants, beaucoup de personnes participaient à cette activité. Je peux comprendre la réaction des gens qui sont témoins de la violence dans les rues de Toronto, mais la situation n’est pas la même en Saskatchewan ou en Alberta, où l’on s’adonne au tir à la cible ou au tir sportif.
Le sénateur Plett : Eh bien, je ne possède pas d’arme. J’en ai déjà possédé. Il y a 30 ans, un autre gouvernement libéral avait adopté un projet de loi, le projet de loi C-68, qui obligeait les propriétaires d’armes d’épaule à enregistrer leur arme; beaucoup d’entre nous s’en souviennent. Cette initiative a été un échec colossal et on a gaspillé environ 2 milliards de dollars pour créer un registre des armes d’épaule qu’on a finalement dû abolir parce que les propriétaires d’armes à feu ne le soutenaient pas. À ce moment-là, je me suis départi de mes armes parce que je ne voulais plus perdre de temps avec cela. Je n’étais pas vraiment un chasseur. Je m’adonnais au tir pour le plaisir, donc je les ai données. Ce n’est pas ma question.
Madame Bryant, le gouvernement de l’Alberta a proposé le projet de loi 8 qui permet au gouvernement de l’Alberta d’adopter des règlements qui empêchent les municipalités et les services de police municipaux de coopérer avec le gouvernement fédéral dans le cadre de toute mesure qui aurait une incidence négative sur les propriétaires d’armes à feu. La Saskatchewan a adopté sa propre loi sur les armes à feu, qui entre autres, établit les exigences en matière de permis s’appliquant aux personnes qui saisissent des armes à feu et doivent peut-être les confisquer. C’est clairement une réponse à l’interdiction arbitraire des armes imposée par le gouvernement fédéral en 2020.
Ma question s’adresse à vous deux. J’aimerais connaître votre opinion sur l’incidence d’une telle loi provinciale sur des bureaux comme les vôtres, qui doivent se conformer à des lois fédérales et provinciales potentiellement contradictoires. Selon vous, à quoi est-ce que cela mènera dans l’avenir?
Mme Bryant : Merci. Vous avez raison de dire que le gouvernement de l’Alberta a pris des mesures législatives pour protéger les intérêts des propriétaires d’armes à feu et la sécurité publique. L’objectif de cette loi n’est pas d’empêcher le gouvernement fédéral d’exercer son pouvoir discrétionnaire légitime dans son champ de compétences. Cette loi vise à faire en sorte que de nombreuses mesures qui étaient mises de l’avant ne puissent pas, dans les faits, avoir une incidence défavorable sur la sécurité publique. Notre loi a pour but de garantir que, peu importe ce que le gouvernement fédéral fait — et nous allons nous opposer à ses idées publiquement —, mais s’il a réellement l’intention d’aller de l’avant et de faire cela, nous nous assurerons que les mesures qu’il prendra ne posent pas un risque pour toute la société albertaine. Par exemple, si le gouvernement établit une procédure sur la confiscation des armes — une mesure que nous n’appuyons pas —, si le gouvernement insiste pour faire cela, nous nous assurerons que ce soit fait d’une façon qui n’expose pas le public de l’Alberta à un risque inutile; nous nous assurons aussi de recevoir rapidement une indemnité complète et adéquate. Si ces mauvaises mesures sont mises en œuvre, nous protégerons les intérêts de toute la société de l’Alberta et des propriétaires d’armes, surtout en ce qui concerne l’indemnité.
M. Freberg : Je ne répéterai pas tout ce qu’a dit Mme Bryant, mais la Saskatchewan a une approche similaire.
Lorsque toute l’information est sortie au sujet du décret, au départ, et maintenant sur l’interdiction progressive des armes de poing, aucun plan solide n’avait été élaboré sur le processus de confiscation proprement dit. Des gens ont dit : « Eh bien, nous n’avons qu’à nous en débarasser »; ils les apportent à un bureau de poste et les renvoient quelque part. Eh bien, les bureaux de poste des régions rurales de la Saskatchewan, ce sont les quincailleries, et ce n’est certainement pas sécuritaire d’y laisser plein d’armes à feu.
Ensuite, il y a la question de l’indemnisation. Nous avons examiné les premières offres d’indemnisation, et elles sont loin d’être adéquates. Les gens ont aussi acheté beaucoup d’accessoires pour ces armes à feu, accessoires qui ne semblent avoir aucune valeur, et nous croyons qu’on devrait en tenir compte.
Enfin, nous ne croyons pas que les armes à feu... je sais que le Sénat étudie la question des « armes », mais les armes à feu ne sont pas toujours létales. Elles le sont lorsqu’elles sont utilisées à des fins criminelles. Ce ne sont pas des armes, à proprement parler, à moins qu’elles soient utilisées pour commettre un crime. Si ces armes à feu posent supposément un si grand risque pour la sécurité publique, nous ne devrions pas les détruire avant de les soumettre à un essai balistique, et c’est une des raisons pour lesquelles la Saskatchewan a construit, et est en train de construire, son propre laboratoire provincial de balistique. Actuellement, il faut aux forces policières jusqu’à 18 mois pour analyser une arme à feu utilisée dans un acte criminel. Avant de détruire l’arme à feu, nous croyons qu’il est important d’enregistrer sa signature numérique au cas où elle aurait été utilisée à des fins criminelles. Un criminel pourrait nous remettre une arme et recevoir de l’argent en échange, puis on la détruirait pour lui. Quel excellent système!
Nous voulons simplement pouvoir contrôler quelque peu les choses. Nous ne voulons pas faire obstacle au gouvernement fédéral; nous voulons seulement nous assurer que les choses sont faites en bonne et due forme et que nous faisons la bonne chose sur le plan économique.
Le président : Merci beaucoup. Nous avons encore sept sénateurs sur la liste, donc nous devons être très disciplinés, chers collègues.
La sénatrice M. Deacon : Merci à vous trois d’être présents aujourd’hui.
J’aimerais revenir sur la question de mon collègue au sujet de l’article 43, qui vous permettrait à vous deux, en tant que contrôleurs des armes à feu, d’accorder une exemption à l’interdiction des armes de poing à une personne qui s’entraîne, compétitionne ou est entraîneur dans une discipline de tir à l’arme de poing faisant partie du programme du Comité international paralympique ou du Comité international olympique, et que d’autres conditions sont imposées. Vous avez dit que cette procédure est appliquée, dans les faits, depuis octobre de l’année passée, c’est-à-dire depuis avec la mise en œuvre du règlement. Comment avez-vous géré cela chacun de votre côté? Est-ce que des gens ont déposé des demandes pour pratiquer leur sport, et est-ce que vos bureaux ont été en mesure de traiter les demandes?
Mme Bryant : Eh bien, nous avons reçu — je ne sais pas si l’on peut qualifier cela de demande. À au moins une occasion, c’est le cas. Aucune procédure n’a vraiment été établie pour cela à ce jour. Nous avons tenté de traiter un certain nombre de demandes et nous ne sommes pas parvenus une seule fois à nos fins. Je ne connais personne, où que ce soit, qui y soit parvenu. Ce sont les cas qui respectent les critères très stricts et très exigeants de ce projet de loi. Vous parlez de disciplines figurant dans le programme du Comité international olympique ou du Comité international paralympique, mais une toute petite proportion de gens s’adonnent au tir à l’arme de poing. Il y a peut-être 1 % des gens qui tirent à l’arme de poing. Il semble que même cela ne soit pas permis.
Je pense que la solution, c’est vraiment — et je suis assez certaine que nous trouverons les ressources pour ce faire, parce que notre gouvernement provincial soutient les propriétaires d’armes à feu — d’accorder aux contrôleurs des armes à feu un plus large pouvoir discrétionnaire afin qu’ils puissent désigner les organisations qui pourraient délivrer ce genre de lettres. Idéalement, nous n’en aurions pas besoin, mais, si nous décidons qu’il faut une procédure plus stricte, je ne pense pas qu’elle devrait donner l’illusion que personne n’est touché parce qu’on nous a permis de faire cela puisque, et, même si c’était permis, cela concerne seulement, peut-être, 1 % de gens qui tirent à la cible avec une arme de poing et, en pratique, du moins jusqu’à présent, ce n’est même pas autant que cela.
La sénatrice M. Deacon : Quelle forme prend ce refus? Qu’est-ce qu’on vous envoie? Une lettre? Une communication? Quelle est la forme de ce refus?
Mme Bryant : Nous ne nous rendons même pas là. Nous y mettons tout ce qu’il faut, et nous disons, eh bien, nous devons faire cela, et puis — pas de réponse.
M. Freberg : Nous avons vécu la même chose, et je ne vais pas tout répéter. Nous avons envoyé les mêmes demandes d’exemption au greffier pour permettre aux gens d’avoir des armes à feu précisément pour la discipline olympique de tir à la cible, et nous ne sommes pas parvenus à faire traiter la moindre demande. Notre avocat, Me Beavin, a même envoyé des lettres officielles, mais ils refusent d’envoyer un document de refus parce que, alors, les gens pourraient déposer une demande devant le tribunal pour le faire annuler. Donc, nous ne recevons aucun document. Rien ne bouge.
Ce que dit Mme Bryant est très valide. J’ai déjà été un tireur à la cible de niveau olympique, mais je n’ai pas commencé là. J’ai commencé dans un autre sport, le tir, puis j’ai acquis certaines compétences et on m’a dit « Hé! tu as du talent dans ce domaine », et j’ai monté graduellement les échelons jusqu’à atteindre le niveau olympique, et, par la suite — même si, avec l’âge, ma vue s’est affaiblie —, j’ai poursuivi dans d’autres sports de tir. Mes résultats n’atteignaient plus le niveau olympique, mais, au moins, je pouvais m’adonner à mon sport ailleurs. Cela n’est plus possible. Il n’est plus possible de former une équipe pour les Olympiques et nous n’avons aucun moyen de le faire, actuellement, avec ces règlements — on refuse tout simplement de traiter les demandes.
La sénatrice M. Deacon : Merci.
Le président : Merci beaucoup.
Le sénateur Arnot : Je vais être très bref, parce qu’il y a de gros enjeux que j’aimerais mentionner à mes collègues sénateurs par l’intermédiaire des témoins présents.
Monsieur Freberg, je crois que le modèle que vous avez adopté en Saskatchewan, votre mandat, tel que vous l’interprétez, est un modèle pour tout le Canada, tant pour ses aspects pragmatiques que pour l’aspect éducatif sur lequel vous travaillez, et, avec tous les intervenants — les producteurs, les agriculteurs, les tireurs sportifs, les chasseurs, les trappeurs, les Premières Nations et les Métis —, vous êtes parvenu à tisser des relations qui fonctionnent et vous obtenez de bons résultats.
Voici ma question : croyez-vous que l’approche universelle incluse dans cette loi est appropriée ou croyez-vous qu’il serait judicieux, dans le cadre de cette loi, de donner un pouvoir discrétionnaire aux contrôleurs des armes à feu de chaque province et territoire, après avoir consulté les intervenants de la province, et évidemment les municipalités urbaines et rurales, sur la façon de gérer les armes à feu dans la province et dans ce territoire et sur la façon d’appliquer cette loi dans ce territoire?
Il y a un deuxième volet à ma question : le gouvernement de la Saskatchewan vous a donné un mandat assorti de 8 millions de dollars pour faire cela. C’est environ 7 $ par habitant. Cela fait beaucoup d’argent, en Saskatchewan, mais vous avez un plan robuste. Il concerne la sécurité, l’application des lois et l’éducation. Vous travaillez avec les intervenants pour garantir la sécurité publique et vous assurer que les propriétaires d’armes à feu agissent de manière responsable. Nous savons tous que la force de n’importe quelle loi est directement proportionnelle à l’uniformité et à la qualité de son application. D’où le gouvernement fédéral compte-t-il tirer les fonds nécessaires qu’il versera aux provinces pour arriver à ses fins et faire réellement respecter la loi et de quelle somme parle-t-on, sachant que vous y êtes parvenus, en Saskatchewan, avec 8 millions de dollars? Selon moi, tout passe par l’application de la loi. Cette loi est inutile si elle n’est pas appliquée équitablement et de la bonne façon, et, pour ce faire, il faudra beaucoup de ressources, et pas ce que le gouvernement fédéral vous a offert par le passé.
M. Freberg : J’aimerais répondre à votre dernière question en premier si vous me le permettez. C’est une excellente question, monsieur le sénateur. Merci des compliments. Nous sommes très fiers de ce que nous avons fait. Je crois que nous sommes avant-gardistes, dans le pays.
Ce que je veux dire au sujet du financement concerne entre autres ce que nos collègues de la GRC, qui étaient présents plus tôt, ont dit au sujet du traçage et de tout le reste. La Saskatchewan n’a jamais eu de laboratoire provincial d’armes à feu. La province en paye le prix. Nous avons attendu six mois seulement pour que la GRC nous connecte sur Internet; d’ailleurs, et nous ne pouvons toujours pas le faire. Nous attendons le protocole d’entente de la GRC qui nous permettra de retracer les douilles que reçoit le centre. Je suis certain que les gens font ce qu’ils peuvent, mais, en fin de compte, notre gouvernement provincial est disposé à construire un laboratoire provincial pour tracer les armes à feu, et nous n’avons pas le soutien nécessaire. Nous ne demandons même pas d’argent. Nous demandons seulement que quelqu’un nous connecte sur Internet et signe un protocole d’entente. Voilà le genre de frustrations que nous vivons.
Pour ce qui est de votre question sur le financement, nous négocions depuis que je suis responsable du programme. J’ai commencé à le mettre sur pied en août 2020. J’ai été nommé contrôleur des armes à feu par le gouvernement en 2021. Nous négocions avec le gouvernement fédéral en vue d’un accord de contribution. Il a commencé à 1,2 million de dollars. La somme a ensuite augmenté à 1,5 million de dollars, et les négociations sont toujours en cours; nous n’avons encore aucun contrat. Nous envoyons des factures dont la somme totale s’élève à 2,5 millions de dollars par année, et on nous dit : « Donnez-nous une analyse de rentabilité. » Eh bien, ce sont les coûts réels. C’est la meilleure analyse de rentabilité que vous pourriez obtenir. Je ne sais pas comment les autres contrôleurs des armes à feu ailleurs au Canada arriveront à négocier un accord juste et équitable. Ils sont à la merci de ce qui leur est offert. Il n’y a pas de négociation.
Pour en revenir à ce que vous disiez, est-ce que cette situation est mentionnée dans le projet de loi C-21? Non. De l’argent a-t-il été versé pour ces programmes? Non. Du travail a été fait du côté des armes et des gangs et de certaines autres initiatives, mais ce que j’essaie de faire comprendre au Sénat, aujourd’hui, c’est que nous devons en faire plus en première ligne. Évidemment, il y a la question des enfants, des armes et de la violence, mais nous devons nous préoccuper de l’entreposage. Ces armes à feu représentent environ 69 % des armes à feu. Ce ne sont pas des armes de poing. Si vous examinez ces chiffres de plus près, vous découvrirez que les carabines et les fusils de chasse ne sont pas toujours entreposés adéquatement. Nous devons régler ce problème, et c’est là-dessus que se concentre la Saskatchewan. Nous obtenons d’excellents résultats.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Freberg.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Madame Bryant, je tiens d’abord à vous féliciter pour votre français impeccable.
Ma question concerne une déclaration que vous avez faite au sujet de votre inquiétude quant à l’avenir du contrôle des armes à feu au Canada. Vous avez dit que le projet de loi C-21 continue de saper la confiance de notre système de contrôle des armes à feu tout en ne réduisant en rien l’utilisation abusive et violente des armes à feu.
Pouvez-vous m’expliquer votre raisonnement?
Mme Bryant : Je crois que dans tous les domaines, pas seulement celui des armes à feu, il faut avoir la confiance du grand public et surtout de ceux qui sont touchés par une loi ou une réglementation. Quand cette confiance est endommagée et menacée, on perd ce rapport qui est absolument nécessaire, non seulement pour se conformer à la loi, mais aussi pour aller au-delà de la loi.
Par exemple, pour l’entreposage des armes à feu, on ne doit pas simplement avoir des dispositifs et des mesures de sécurité qui satisfont à la loi. Il faut aller au-delà de la loi, et cela n’est possible que s’il y a un lien de confiance entre les autorités et le grand public. Or, ces mesures sapent cette confiance. C’est pourquoi je crois qu’elles minent la sécurité publique, car sans confiance, il n’y a pas de sécurité publique.
[Traduction]
La sénatrice Duncan : Merci aux témoins d’être présents aujourd’hui.
Ma question s’adresse directement à Mme Bryant. Êtes-vous la contrôleuse des armes à feu des Territoires du Nord-Ouest?
Mme Bryant : Non.
La sénatrice Duncan : Savez-vous qui occupe ce poste?
Mme Bryant : Oui.
La sénatrice Duncan : Pouvez-vous m’expliquer?
Mme Bryant : Oui. Je comprends votre confusion. Le bureau de l’Alberta était jadis responsable des Territoires du Nord-Ouest. Lorsque notre bureau, qui relevait du gouvernement fédéral, est devenu de responsabilité provinciale, il était évident qu’un bureau provincial ne pouvait pas être responsable d’un territoire fédéral. L’administration du bureau fédéral pour les Territoires du Nord-Ouest se trouve en fait dans le même édifice que nous, mais sur un autre étage, et c’est Jennifer Hart MacDonald, ancienne contrôleuse des armes à feu pour l’Alberta et les Territoires du Nord-Ouest, qui est maintenant contrôleuse des armes à feu pour les Territoires du Nord-Ouest; je me ferai un plaisir de vous donner ses coordonnées.
La sénatrice Duncan : Merci beaucoup, je vais lui envoyer une question par écrit.
Le sénateur Boehm : Merci à nos deux témoins d’être présents.
J’écoute les questions de mes collègues et j’aimerais avoir vos commentaires sur certaines questions de compétence. Est-ce que les données circulent facilement entre les contrôleurs des armes à feu? Est-ce même nécessaire? Y a-t-il aussi un échange de données avec le gouvernement fédéral? Aimeriez-vous parler d’une tendance précise? En particulier, en ce qui concerne les lois présentement en vigueur — et ce projet de loi, s’il est adopté, même amendé —, quelle place occuperait le partage de données quel qu’il soit et la consultation des provinces et des territoires? Vous avez dit plus tôt qu’il n’y a eu aucune consultation sur ce projet de loi, et c’est pour cela que je pose une question sur ces aspects.
Mme Bryant : Lorsque vous parlez de partage de données, nous devons en fait — en vertu de la loi — présenter des rapports sur de nombreuses choses, comme, entre autres, le nombre d’autorisations de ce genre ou de permis ont été délivrés. Il y a des lacunes, pour un ou deux aspects, mais il s’agit d’une infime partie de nos activités.
Essentiellement, nous rendons compte de tout au gouvernement fédéral, et au moins une partie de ces statistiques sont intégrées dans le rapport du commissaire aux armes à feu, rapport qui est publié chaque année. Par exemple, des tableaux indiqueront le nombre de révocations par province et ce genre de choses. Nous sommes essentiellement ceux qui fournissent l’information; il y en a peu qui nous proviennent dans l’autre sens.
J’aimerais aussi dire que nous avons des occasions de faire part de nos expériences. M. Freberg, contrôleur des armes à feu, et moi, nous nous connaissions avant de devenir contrôleurs des armes à feu. Nous discutons, sans doute chaque semaine, de façon informelle, de différentes questions.
Une partie importante de mon travail — je travaille sept jours par semaine, quasiment toutes les semaines. Je travaille cinq jours par semaine au bureau et je fais de la sensibilisation pour ainsi dire toutes les fins de semaine. Je vais à des expositions d’armes et à des compétitions de tir. Je communique avec toutes sortes d’autres organisations. Aussi, durant la semaine, je donne souvent des exposés, par exemple, dans des assemblées générales annuelles de clubs de chasse et pêche, des choses comme ça. Nous avons un programme de sensibilisation très détaillé. Ce n’est pas seulement nos collègues en Saskatchewan; nous partageons de nombreuses philosophies similaires. Nous nous échangeons ces occasions.
Le sénateur Boehm : Parlez-vous à d’autres contrôleurs des armes à feu? Vos provinces sont mitoyennes et les provinces suivantes...
Mme Bryant : Oui, c’était mon prochain point.
Le sénateur Boehm : Merci.
Mme Bryant : Nous tenons des conférences deux fois par année. Je serai en fait de retour à Ottawa du 20 au 22 novembre, ou vers ces dates, et nous rencontrons tous les autres contrôleurs des armes à feu. Nous nous consultons aussi sur des enjeux importants qui sont plus urgents. Nous n’avons qu’à envoyer un courriel : « Nous avons rencontré ce problème. Avez-vous vécu la même chose? Que faites-vous pour le régler? » Nous échangeons sur nos expériences. Il ne s’agit pas vraiment de données, c’est plutôt un partage d’expériences.
Le sénateur Boehm : Merci beaucoup.
Le sénateur Yussuff : Merci à vous deux d’être présents, et merci également pour le travail que vous faites. Vous êtes en première ligne, évidemment, et je ne prétends pas comprendre la complexité de votre travail et de vos responsabilités pour ce qui est d’amener les gens à prendre soin de sécuriser l’endroit où ils entreposent leurs armes; je reconnais aussi qu’il n’est pas facile de rejoindre les communautés qui ne se trouvent pas nécessairement en région urbaine, dans un contexte plus large.
Ce projet de loi, bien entendu, ne concerne pas seulement les armes de poing, il aborde d’autres choses, et je crois que je vais être très précis. La question des armes fantômes est un vrai enjeu pour nous tous. Il y en a de plus en plus sur le marché. Vous pouvez acheter une imprimante 3D. Êtes-vous satisfait de la disposition incluse dans le projet de loi? C’est un problème avec lequel doivent composer les agents de police et le personnel chargé de faire respecter la loi. Que pensez-vous des dispositions sur les armes fantômes du projet de loi actuel qui peuvent nous aider à gérer l’accès aux armes fantômes, et, bien entendu, aux nombreuses composantes que les gens se procurent pour fabriquer ce genre d’armes dans notre pays?
M. Freberg : Je sais qu’on a beaucoup parlé de l’enjeu des armes à feu fantômes. Aux États-Unis, il est question d’armes à feu dont l’assemblage est achevé à 80 %, c’est-à-dire que la carcasse inférieure et la carcasse supérieure sont combinées; il s’agit d’armes à feu faites entièrement en métal que l’on peut percer à l’aide d’une toupie pour obtenir une arme de poing ou un fusil AR-15 prêts à servir. Il suffit d’assembler les pièces et le tour est joué. Il y a beaucoup plus de morceaux et de pièces à assembler pour monter des armes à feu imprimées en 3-D. Bien entendu, on peut les fabriquer, mais les personnes qui les fabriquent font actuellement l’objet d’accusations. Nous avons coincé deux ou trois personnes en Saskatchewan, grâce à nos collègues du Québec qui ont lancé un projet à l’échelle du Canada et qui ont fini par attraper dans différentes provinces des personnes qui fabriquaient ces armes à feu.
C’est l’un des points que j’ai soulevés, sénateur, dans ma déclaration préliminaire. Bon nombre de ces poursuites ont pu être intentées parce que nos chers collègues des Services frontaliers du Canada sont parvenus à repérer les pièces qui entraient et ont commencé à dresser le profil des personnes qui fabriquent des armes à feu et à connaître les autres techniques qu’elles utilisent. Je suis préoccupé par le gel des armes de poing parce que, à l’heure actuelle, les gens possèdent des armes entières. Ils peuvent les vendre. Elles ont une valeur. Ils peuvent tirer des coups de feu. Ils peuvent en profiter. S’ils ne le peuvent plus, ils peuvent certainement démonter leur arme. Selon les dispositions législatives, une arme à feu doit être vendue à une autre personne détenant un permis, mais les pièces de ces armes n’ont aucun numéro de série; on se retrouve alors avec davantage de pièces, qui pourront servir plus tard à fabriquer des armes à feu imprimées en 3-D parce qu’il faut le canon métallique, la glissière métallique, les mécanismes de détente et ainsi de suite pour faire fonctionner une arme en plastique imprimée en 3-D.
Pourrait-on en faire plus du côté des lois régissant l’impression 3-D? On pourrait peut-être y apporter des modifications pour les resserrer, mais, à l’heure actuelle, des poursuites sont intentées, et des personnes qui ont fabriqué des armes à feu imprimées en 3-D sont incarcérées en Saskatchewan et ne peuvent être libérées sous caution. Une fois de plus, ces personnes ne les fabriquaient pas pour les distribuer, à mon avis. Elles prétendent les avoir fabriquées par curiosité. Elles voulaient fabriquer une arme à feu. Ce sera aux tribunaux à décider. C’était quand même illégal de le faire, et elles sont détenues sans caution. Il existe actuellement un cadre législatif s’appliquant aux armes à feu imprimées en 3-D qui n’est pas lié au projet de loi C-21.
Le sénateur Yussuff : Ce que je veux dire, c’est qu’il y a dans le projet de loi des dispositions qui donnent plus de pouvoir aux organismes d’application de la loi, à des personnes comme vous et à d’autres personnes qui s’occupent de ce problème. C’était ma question.
M. Freberg : À ce sujet, je suis d’accord avec vous.
Le sénateur Yussuff : J’ai entendu ce témoignage aujourd’hui, et j’ai lu le témoignage, madame Bryant, que vous avez fait à l’autre Chambre, où vous avez parlé des objets de famille. J’ai du mal à saisir, et veuillez excuser mon ignorance, mais je ne sais pas nécessairement ce qu’est un objet de famille. Pourriez-vous me dire rapidement et succinctement ce qu’est un objet de famille pour m’aider à comprendre ce que c’est? Je sais que tout n’est pas un objet de famille, mais il est évident que vous savez bien de quoi il peut s’agir.
Mme Bryant : Je peux vous donner un exemple personnel. Mon arrière-grand-père était propriétaire d’une arme de poing. Mon grand-père était propriétaire d’une arme de poing. J’ai une photo de lui que j’utilise souvent dans mes présentations. Il se trouve dans une salle de tir, dans les années 1950. Mon père était propriétaire d’une arme de poing, et je suis propriétaire d’une arme de poing. Des armes à feu nous ont été transmises. J’ai même des photos de ces personnes avec ces armes. C’est un exemple, un seul exemple, d’un objet de famille.
En voici un autre : il pourrait s’agir d’une arme à feu qu’un père ou un grand-père a rapportée de la Seconde Guerre mondiale et qui était un souvenir de son temps à la guerre et qui a continué à servir dans la famille. De manière générale, je parle à beaucoup de personnes. N’oubliez pas que l’Alberta n’est pas la même chose que le centre-ville de Toronto. Des personnes vivent à l’ancienne, sur des ranchs. Il y a de vrais cowboys en Alberta. Il y en a un qui travaille pour moi. Ce sont peut-être des personnes dont le grand-père a colonisé le territoire et portait sur lui une arme de poing, à l’époque où c’était légal d’en avoir une pour chasser les prédateurs qui attaquaient le bétail, puis cette arme de poing a été transmise d’une génération à l’autre. Ces objets ont une grande valeur pour ces personnes. Elles sont consternées à l’idée qu’elles seront les dernières à les posséder.
La sénatrice Dasko : Je remercie les témoins d’être venus ici aujourd’hui.
Monsieur Freberg, la Saskatchewan affiche l’un des taux d’homicides par arme à feu et de violence liée aux armes à feu les plus élevés au pays. En 2020 et en 2021, la Saskatchewan présentait le taux le plus élevé d’homicides par arme à feu, et, en 2022, la Saskatchewan arrivait au deuxième rang. Le nombre de crimes liés aux armes à feu est extrêmement élevé à Regina. En 2020 et en 2021, Regina affichait sans doute le taux le plus élevé au pays. Une personne raisonnable comme moi, parmi d’autres, ne pourrait-elle pas conclure qu’il y a trop d’armes à feu en Saskatchewan? Comment pouvez-vous expliquer ces données à quiconque? Merci.
M. Freberg : Merci de votre question.
Merci des statistiques que vous avez présentées. Elles sont très révélatrices. Lorsqu’il s’agit des armes à feu qui ont servi dans les terribles tragédies qui frappent la Saskatchewan, nous nous adressons aux services de police, entre autres, et nous commencerons à dresser une liste des armes à feu saisies par les services de police afin de les examiner dans notre laboratoire provincial. Nous utiliserons les armes à feu, car le laboratoire en a besoin pour faire ses analyses.
Nous voyons aussi des armes d’épaule modifiées. Ce sont des armes d’épaule, des fusils à un coup, des fusils à verrou, des fusils de chasse et ainsi de suite qui sont modifiés, tronçonnés. C’est principalement ce que nous observons. Nous voyons également, comme il a été déjà mentionné, certains modèles d’armes à feu plus anciens datant des années 1950 qui ne portent aucun numéro de série.
C’est pourquoi tous nos efforts visent à s’assurer que les propriétaires d’armes à feu entreposent leurs armes à feu sous clé de manière sécuritaire, qu’ils ont un permis et qu’ils respectent les règles. Pour que ça fonctionne — ce qui n’a pas été fait ailleurs au pays, mais qui sera fait sous peu en Alberta également —, nous avons proposé la loi de la Saskatchewan sur les armes à feu. Nous avons proposé une loi qui permet à la police de porter des accusations pour des infractions qui ne sont pas criminelles, par exemple l’entreposage non sécuritaire, l’absence de permis, le fait de ne pas ranger une arme à feu correctement dans son véhicule, de la laisser sur le siège arrière de son camion durant un voyage de chasse, puis de se la faire voler. Ce sont ces armes-là qui sont détournées et qui servent à commettre des crimes à Regina, à Saskatoon et ailleurs. Dans la tragédie qu’il y a eu à La Loche, quand un jeune a fait feu dans une école, l’arme de chasse en cause avait été laissée dans une maison, sans verrou d’arme et sans munitions, et personne dans cette maison n’avait de permis pour cette arme.
C’est pourquoi nous collaborons avec des partenaires, pour faire savoir que nous devons changer ce paradigme, parce que l’interdiction des armes de poing n’est pas le problème. Ce ne sont pas les armes de poing qui se font voler en Saskatchewan. La plupart des propriétaires d’armes à feu en Saskatchewan les entreposent sous clé, surtout maintenant qu’ils savent qu’ils ne pourront pas en avoir d’autres. Ils prennent encore plus de précautions, installent des systèmes d’alarme, ce genre de choses. Nous voulons mettre l’accent sur l’éducation, et avoir recours à la législation sur les armes à feu pour qu’il soit plus facile pour la police de porter des accusations.
Lorsque des accusations sont portées, M. Beven, qui est derrière moi, et notre autre équipe prennent la relève. Nous intenterons des poursuites, mais pas dans le but d’envoyer quelqu’un en prison. Nous allons intenter des poursuites en proposant des mesures de rechange — en offrant à la personne une éducation, en la renvoyant à l’école, en la soumettant peut-être à une inspection, en l’obligeant à avoir un coffre-fort chez elle — et si que cette personne récidive, elle perdra définitivement ses armes à feu. La police est disposée à porter ce type d’accusations parce que cela ne lui prendra pas des années. Elle peut simplement donner une contravention, et nous nous en occuperons d’une manière ou d’une autre. Si une personne refuse de se conformer aux règles, nous allons lui refuser le permis, et elle recevra une amende de 5 000 $. C’est mieux de s’y prendre en passant par l’éducation, et c’est pourquoi nous avons récemment proposé ce projet de loi. Nous espérons que cela aidera à régler le problème, parce que la situation est très préoccupante.
La sénatrice Dasko : En rehaussant les mesures de sécurité par rapport aux propriétaires d’armes à feu, vous pensez que vous pouvez régler le problème?
M. Freberg : Si on peut empêcher les gens de voler des armes à feu, ils ne vont certainement pas se présenter dans un magasin pour en acheter une avec un permis de possession et d’acquisition d’une arme à feu sans restriction ou à autorisation restreinte. Ils les obtiennent par des moyens illicites. En Saskatchewan, et dans d’autres régions, ce sont principalement les armes d’épaule modifiées qui se retrouvent dans les rues et qui sont utilisées dans ces tragédies.
Le sénateur Arnot : Il est important de le préciser. Ce sont les bonnes statistiques, mais qui est l’auteur de ces crimes? Ce sont les gangs.
M. Freberg : Et les propriétaires d’armes à feu qui n’ont pas de permis.
Le sénateur Arnot : Ce que j’essaie de dire, c’est que cela tient vraiment beaucoup en Saskatchewan aux activités liées aux gangs, à la drogue, etc.?
Le sénateur Plett : Le problème est lié aux gangs. C’est ce que nous disons. Ce n’est pas en lien avec les gens qui ont un permis, mais avec les gangs.
M. Freberg : C’est exact.
Le sénateur Arnot : Je veux que cela figure au compte rendu.
Le sénateur Plett : Le projet de loi ne prévoit rien pour lutter contre cela.
Le président : Chers collègues, cela met fin à notre tour de table.
Je souhaite vous remercier, madame Bryant et monsieur Freberg, de votre aide, de vos conseils et du travail que vous faites chaque jour. Dans votre cas, c’est un travail quotidien, comme nous l’avons appris aujourd’hui. Vous nous avez grandement aidés.
Je souhaite également remercier les membres du comité ici présents d’avoir tiré le meilleur de chaque témoin qui s’est présenté devant nous aujourd’hui. Nous avons beaucoup appris aujourd’hui.
Avant de lever la séance, chers collègues, je voudrais porter à votre attention à un rapport provisoire qui vous a été envoyé vendredi par le Sous-comité des affaires des anciens combattants, qui a terminé son étude sur les traitements émergents offerts aux anciens combattants souffrant de traumatismes physiques liés au stress professionnel. C’est le premier rapport du sous-comité, cette session-ci. J’aimerais rappeler aux membres du comité la marche à suivre. Lorsqu’un rapport de notre sous-comité est préparé, il est tout d’abord présenté au comité principal à des fins d’examen. Si le comité adopte le rapport, il est ensuite présenté au Sénat en tant que rapport du comité. Y a-t-il des objections à ce que nous poursuivions la séance à huis clos pour discuter du rapport en question? Si personne ne s’y oppose, nous procéderons de la sorte.
(La séance se poursuit à huis clos.)