LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE LA SÉCURITÉ NATIONALE, DE LA DÉFENSE ET DES ANCIENS COMBATTANTS
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mercredi 25 octobre 2023
Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants se réunit aujourd’hui, à 11 h 30 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi C-21, Loi modifiant certaines lois et d’autres textes en conséquence (armes à feu); puis pour examiner, pour en faire rapport, les questions relatives aux anciens combattants, y compris les prestations et les services dispensés, les activités commémoratives et la poursuite de la mise en œuvre de la Loi sur le bien-être des vétérans.
Le sénateur Tony Dean (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Je vous souhaite la bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants.
Je suis Tony Dean, sénateur de l’Ontario et président du comité. J’aimerais inviter mes collègues à se présenter, en commençant par le vice-président.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Boehm : Peter Boehm, de l’Ontario.
[Français]
La sénatrice Gerba : Amina Gerba, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Richards : David Richards, du Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Kutcher : Stan Kutcher, de la Nouvelle-Écosse.
La sénatrice M. Deacon : Soyez les bienvenus. Je suis Marty Deacon, de l’Ontario.
Le sénateur Cardozo : Andrew Cardozo, de l’Ontario.
Le sénateur Yussuff : Hassan Yussuff, de l’Ontario.
La sénatrice Dasko : Donna Dasko, sénatrice de l’Ontario
Le sénateur Oh : Victor Oh, de l’Ontario.
Le sénateur Plett : Donald Plett, sénateur de Landmark, au Manitoba.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Pierre-Hugues Boisvenu, division sénatoriale de La Salle, au Québec.
[Traduction]
Le président : Merci, chers collègues. À ma gauche se trouve la greffière du comité, Mme Ericka Dupont.
Pour ceux qui nous regardent, nous continuons notre étude du projet de loi C-21, Loi modifiant certaines lois et d’autres textes en conséquence (armes à feu), qui porte sur la réglementation des armes à feu au Canada. Aujourd’hui, nous allons entendre deux groupes d’universitaires, de chercheurs et de juristes.
Dans le premier groupe, nous avons le plaisir d’accueillir M. Noah S. Schwartz, professeur adjoint au Département des sciences politiques de l’Université Fraser Valley, et M. Tim Thurley, chercheur en matière d’armes à feu et spécialiste des politiques. Nous vous remercions tous deux de vous joindre à nous aujourd’hui. Nous vous invitons à faire votre déclaration préliminaire, après quoi nos membres vous poseront quelques questions. Je vous rappelle que vous disposez chacun de cinq minutes pour votre témoignage. Nous commencerons aujourd’hui par M. Schwartz.
Noah S. Schwartz, professeur adjoint, Département des sciences politiques, Université Fraser Valley, à titre personnel : Bonjour à tous, et merci beaucoup de m’accueillir aujourd’hui. Je suis venu d’Abbotsford, en Colombie-Britannique, le territoire traditionnel du peuple Stó:lō, pour parler du projet de loi C-21.
Je serai franc et honnête. Je ne pense pas que le projet de loi C-21, dans sa forme actuelle, permettra d’atteindre l’objectif d’améliorer la sécurité publique. Mes recherches montrent le tort que ce projet de loi causera aux communautés d’un bout à l’autre du Canada. J’aimerais concentrer mes commentaires sur deux aspects importants du projet de loi.
Le premier est l’interdiction de ce que le gouvernement appelle les armes à feu de type arme d’assaut. Les données qui ressortent de la littérature scientifique, que je vous encourage à examiner dans le mémoire que mes collègues et moi-même avons soumis au comité, sont assez claires. Il y a très peu d’appuis dans la littérature pour une interdiction des armes de type arme d’assaut. Dans d’autres pays, ce genre d’interdiction n’a pas produit le résultat escompté, à savoir une réduction des tueries et des homicides. Le fait est que ces armes à feu sont rarement utilisées pour commettre des crimes et qu’elles sont facilement remplacées par d’autres armes.
Le deuxième, c’est qu’il est peu probable également que le gel de la possession d’armes de poing ait une incidence sur les crimes commis avec des armes à feu au Canada. Les armes de poing sont étroitement réglementées au Canada depuis les années 1930. Diverses sources de données, qu’il s’agisse de données policières, d’études universitaires ou de rapports gouvernementaux, montrent depuis toujours que la grande majorité des armes de poing retrouvées sur les scènes de crime dans ce pays sont importées illégalement des États-Unis. Par exemple, selon des données publiées récemment par le service de police de Toronto, seulement 3 % des armes utilisées pour commettre des crimes en Ontario étaient légalement détenues au Canada avant d’être retrouvées sur une scène de crime. Seulement 3 %.
Les trafiquants d’armes ont des motivations économiques évidentes. Il est facile d’acheter des armes de poing aux États-Unis pour les revendre à prix élevé sur le marché noir canadien. Ajoutez à cela la prolifération croissante et très préoccupante d’armes à feu imprimées en 3D et vous comprendrez que les criminels et les gangs au Canada vont continuer d’avoir accès à des armes à feu illégales.
Par ailleurs, je pense que ce gel est trop vaste. Même si l’hypothèse selon laquelle le gel de certaines armes de poing pourrait réduire la criminalité était exacte — ce que je ne crois pas —, ce gel vise des armes à feu qui ne peuvent pas poser un risque majeur pour la sécurité publique, comme les armes de poing de faible puissance, de calibre 22, utilisées par les athlètes olympiques. Ce gel ferait du Canada une exception parmi nos alliés. Sur les 38 pays de l’OCDE, 33 autorisent la possession d’armes de poing aux citoyens titulaires de permis qui ont fait l’objet d’un contrôle.
Mes recherches témoignent du tort que causera le projet de loi C-21. J’ai interrogé plus de 16 000 propriétaires d’armes à feu canadiens d’un océan à l’autre et j’ai mené des entrevues plus longues avec près de 100 autres personnes. Les personnes à qui j’ai parlé ne sont pas des extrémistes. La plupart d’entre elles se disent même favorables aux lois strictes sur le contrôle des armes à feu déjà en vigueur au Canada. Lorsqu’on leur demande quelles sont les valeurs qu’elles associent à la possession d’une arme à feu, la responsabilité et la communauté sont les deux valeurs les plus citées. Ces gens se sentent toutefois floués par le projet de loi C-21 et expriment une sérieuse perte de confiance envers les institutions gouvernementales en raison de diverses décisions politiques récentes. J’aimerais vous raconter aujourd’hui quelques-unes des histoires qu’ils ont eu le courage de me raconter.
Jim est un jeune homme d’une région rurale de l’Ontario. Après un accident de voiture, il est devenu quadriplégique de niveau C6. Le tir à la cible est l’un des seuls passe-temps qu’il a pu conserver de sa vie d’avant l’accident. Ses fusils ne ressemblent peut-être pas aux fusils de chasse de son grand-père, mais ce sont précisément les caractéristiques ergonomiques de ces armes à feu qui les rendent accessibles et qui lui permettent même de les utiliser.
Ava fait du tir à dos de cheval ou cowboy action shooting, elle a une soixantaine d’années et passe le plus clair de son temps à organiser bénévolement des compétitions dans son champ de tir local. Les cowboys amateurs comme Ava s’habillent en cowboy et participent à des compétitions de tir avec des revolvers à six coups de faible puissance et à simple action. Les effets du projet de loi C-21 entraîneront la mort lente de la communauté qu’elle a travaillé si dur à construire. Après tout, toute communauté qui ne peut pas accueillir de nouveaux membres vit en sursis.
Enfin, Kane est un jeune Sino-Canadien d’une vingtaine d’années vivant en Colombie-Britannique. C’est un adepte de reconstitution historique, et son amour profond pour la préservation du passé le lie à une communauté de passionnés d’histoire vivante. Il tire principalement avec des armes à feu à un coup, à poudre noire et à chargement par la bouche, parmi lesquelles figurent certaines armes de poing visées par le gel prévu ici.
Au fur et à mesure que vous avancerez dans votre étude du projet de loi C-21, vous entendrez sans doute beaucoup de gens comme lui, et je tiens à souligner que les choix faits ici ne sont pas sans conséquence pour les vraies personnes qui m’ont raconté leur histoire.
Pour élaborer une bonne politique, il faut trouver l’équilibre entre les avantages possibles d’une politique et ses inconvénients potentiels. Dans le cas du projet de loi C-21, mes recherches me portent à croire que les avantages en sont très incertains, alors que les inconvénients en sont très réels.
Je vous remercie du temps que vous m’accordez aujourd’hui. J’ai hâte de répondre à vos questions.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Schwartz.
Tim Thurley, chercheur en matière d’armes à feu et spécialiste des politiques, à titre personnel : Bonjour, honorables sénateurs, et merci de l’honneur qui m’est fait de témoigner ici aujourd’hui. Je suis fier de vivre et de travailler à Yellowknife, sur le territoire traditionnel des Dénés. J’arrive tout droit de là-bas, alors veuillez excuser mon décalage horaire.
Dans ma thèse de maîtrise, en 2017, j’ai tenté de trouver un sens à la politique sur les armes à feu en examinant le lien entre les tendances en matière d’homicides et le registre des armes d’épaule. Mes publications sur les armes à feu, sur des sujets allant des critères de classification des armes au projet de loi C-21, ont été publiées dans The Line et le National Post, ainsi qu’à l’Institut Macdonald-Laurier, avec mon collègue, M. Schwartz.
Lorsque le registre des armes d’épaule a été mis en place, nombreux sont ceux qui ont mis les décideurs en garde contre des dépenses énormes pour peu de perspectives de gains. Le même schéma se dessine aujourd’hui. Je pense que le projet de loi à l’étude sera régressif, nuisible et profondément injuste. Il nous occasionnera de grandes dépenses sans apporter les avantages escomptés, que nous souhaitons tous.
Les coûts sociétaux sont considérables, et je tiens à souligner les répercussions sur la vie des populations rurales, nordiques et autochtones. Le sous-ministre adjoint a reconnu lundi que ce sont les Canadiens autochtones qui souffriront le plus de la révocation punitive et obligatoire du permis de façon permanente, de nouvelles dispositions qui éliminent le pouvoir discrétionnaire et vont à l’encontre des principes de réhabilitation. Ceux qui accepteront de plaider coupable au lieu de se battre perdront leur arme de façon permanente, sans aucune question, sans appel et sans considération.
Les propositions du drapeau rouge, irréfléchies, posent aussi problème. En vertu du régime actuel de délivrance de permis au Canada, les forces policières et les juges ont déjà le pouvoir de retirer les armes à feu et de révoquer les permis de ceux qui représentent une menace. Les nouvelles dispositions ne prévoient aucune exigence pour tenir compte des droits des Autochtones de chasser; pour qu’un lien existe entre le plaignant et l’accusé; ou pour que l’accusé témoigne devant un tribunal. Les Autochtones sont touchés de façon disproportionnelle par le système de justice pénale et sont ceux qui dépendent le plus des armes à feu pour leur subsistance. Les garde-fous intégrés de la loi actuelle du drapeau rouge seront minés. Les conséquences seront réelles dans les régions où les gens chassent pour nourrir leurs familles.
Comme les chasseurs subviennent aux besoins de leurs familles, les tireurs sportifs ont contribué à l’économie canadienne à hauteur de 2,6 milliards de dollars en 2018. L’élimination progressive, lente et non indemnisée des armes de poing retirera 650 000 titulaires de permis pour armes à autorisation restreinte du groupe des tireurs sportifs. Le gouvernement a admis sans s’en cacher que c’est là l’objectif. La fermeture d’entreprises familiales et de champs de tir s’ensuivra. Qu’arrivera-t-il aux chasseurs et aux personnes bénéficiant d’une exemption, comme les piégeurs et les Olympiens?
Malgré ces effets régressifs, certains avancent que les avantages des interdictions en vaudront la chandelle. Ce n’est pas le cas. La recherche est claire à ce sujet. Si nous désirons réellement sauver des vies, il faut consacrer notre temps et notre énergie à pratiquement tout autre enjeu.
Le taux d’homicide, faible mais tragique, au Canada n’est pas attribuable aux armes de poing enregistrées. Selon les données des forces policières canadiennes, près de 90 % des armes de poing qui sont saisies et dont l’origine a été établie proviennent habituellement de l’étranger. Pour corroborer ces faits, ajoutons qu’on n’a recensé aucune augmentation proportionnelle de la criminalité attribuable à des armes de poing enregistrées, malgré les augmentations récentes d’armes enregistrées et du nombre record de permis de possession et d’acquisition.
Les données sont rares. Nous sommes forcés de formuler des hypothèses, ce qui n’est pas optimal, mais je veux vous donner une idée de l’ampleur de la situation. Du nombre total de 874 homicides en 2022 — ce sont des données de Statistique Canada —, 216 impliquaient des armes de poing. Si 90 % de ces armes ont été introduites illégalement au Canada, comme les services policiers l’affirment souvent, on pourrait en conclure qu’environ 22 homicides ont été commis avec des armes de poing provenant du Canada. Ces chiffres représentent donc 2,5 % de tous les homicides et 10 % de tous les homicides commis avec une arme de poing, avant de tenir compte des méthodes ou des sources de remplacement, comme nous l’avons fait dans nos mémoires. Le projet de loi ne peut influencer ou faire diminuer ni les 97,5 % restants d’homicides, ni les 90 % restants d’homicides commis avec une arme de poing.
Revenons à la statistique de 2022. Chaque année, les personnes qui meurent en vain à cause de carences nutritionnelles sont 12 fois plus nombreuses au Canada. Les victimes de noyades sont tristement 21 fois plus nombreuses. Six fois plus de personnes perdent la vie parce qu’elles sont effroyablement battues à mort. La statistique est inférieure aux homicides causés par des méthodes inconnues. Les homicides représentent un lourd problème au Canada, mais ils sont rarement commis par des propriétaires respectueux de la loi ou par des armes de poing enregistrées.
Les risques ne sont jamais nuls; je le reconnais. Nous pouvons les atténuer, mais nous ne pouvons les éliminer. Bien que chaque mort prématurée soit tragique, les politiques publiques impliquent de faire des choix avec des ressources limitées, et une politique sensée pour réduire les homicides ne devrait pas viser une diminution de quelques décimales supplémentaires chez les propriétaires détenant un permis qui ont fait l’objet de vérifications rigoureuses. Nous devons plutôt nous attarder à l’élément majeur du problème. Il s’agit d’un exercice de rendement décroissant, d’autant plus que les armes à feu illégales sont très répandues et que la plupart des homicides au Canada ne sont pas commis avec des armes à feu.
Je ne me lancerai pas en conjectures pour tenter d’expliquer pourquoi le gouvernement s’attarde à un enjeu aussi précis — ce n’est pas mon rôle —, mais les décideurs canadiens pourraient consacrer le financement et leur énergie sur de bien meilleurs résultats en s’attaquant aux déterminants de la criminalité. Si l’objectif est de réduire le nombre d’homicides, il existe des moyens plus efficaces et moins nuisibles pour s’y prendre. Nous décrivons en détail de nombreuses solutions de rechange dans les lettres ouvertes et les mémoires que nous avons soumis. Le gouvernement a néanmoins choisi d’aller de l’avant avec un gel qui ne figurait même pas dans sa plateforme électorale. Cette façon d’élaborer des politiques est dangereuse. Les honorablessénateurs s’en souviendront en repensant aux projets de loi C-11 et C-18. Des textes de loi irréfléchis ont été proposés, des conséquences ont été cernées, et les sénateurs ont proposé des changements pour les atténuer. Le gouvernement a rejeté des changements clés, et nous commençons maintenant à voir les conséquences attendues se concrétiser.
J’invite les sénateurs à traiter le projet de loi C-21 de la même manière. Même les dispositions rédigées avec les meilleures intentions nuiront aux citoyens respectueux de la loi. Elles minent la confiance dans le cadre de notre compromis actuel sur le contrôle des armes à feu. Le projet de loi mérite d’être scruté à la loupe, examiné et lourdement amendé, ou même carrément rejeté. Comme le Sénat est la chambre de second examen modéré et réfléchi, je crois fermement que c’est non seulement le droit des sénateurs de prendre cette décision, mais aussi leur devoir.
Je vous remercie de votre temps. Je serai heureux de répondre à vos questions.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Thurley.
Nous allons maintenant passer aux questions des collègues.
Avant de débuter, je vous rappelle, comme d’habitude, de ne pas trop vous approcher de votre microphone ou d’enlever votre oreillette si vous le faites. Nous éviterons ainsi les conséquences néfastes des effets Larsen qui pourraient survenir.
Nos invités seront parmi nous jusqu’à 12 h 30. Je regarde l’heure. Nous allons faire de notre mieux pour que chaque membre puisse poser une question. Cela dit, au départ, chaque membre disposera de trois minutes pour sa question ainsi que la réponse. Assurez-vous donc de poser de brèves questions et d’indiquer clairement à qui vous les adressez. Aujourd’hui, je vais vous signaler lorsqu’il restera 30 secondes à un échange au moyen du bien nommé carton « Pratiques exemplaires pour les réunions de comités ».
Je vais maintenant laisser notre vice-président poser la première question.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Merci à nos témoins. Ma première question s’adresse à M. Thurley.
Monsieur Thurley, dans un texte que vous avez signé dans le National Post en mars dernier, vous estimiez — à moins que je ne me trompe — que l’opinion publique au Canada est manipulée par des lobbyistes anti-armes à feu, et qu’il serait faux de croire que de nouvelles lois sur le contrôle des armes à feu sauvent des vies.
Selon vous, pourquoi le gouvernement libéral actuel, comme ceux du passé, succombe-t-il aux pressions en faveur du contrôledes armes à feu sans agir de façon concrète pour lutter contre le trafic des armes généralement utilisées par des criminels, comme vous l’avez mentionné dans votre présentation?
Comment pouvez-vous dire que, au moyen de ces lois sur le contrôle des armes, le gouvernement se priverait de revenus de taxes suffisants qui permettraient de financer à elles seules la GRC et les services frontaliers?
[Traduction]
M. Thurley : Merci. Il y a eu des pauses dans l’interprétation, alors je veux m’assurer d’avoir tout compris.
Je n’ai pas plus de renseignements privilégiés sur la perspective du gouvernement que les sénateurs n’en ont. Au bout du compte, je crois que la réflexion entourant le projet de loi a manqué de rigueur. Certains de ses éléments sont indubitablement politiques.
Je ne saurais vraiment pas dire pourquoi le gouvernement veut se priver de recettes fiscales, mais je crois que c’est attribuable, ici encore, au fait que le projet de loi a été rédigé à la hâte. Il est indéniable que les tireurs sportifs font des contributions considérables, non seulement en recettes fiscales — et je crois que mon collègue, M. Schwartz, approfondira la question —, mais aussi pour l’application de la réglementation sur les armes à feu, ce qui aide en soi des groupes comme la Gendarmerie royale du Canada, ou GRC, et l’Agence des services frontaliers du Canada, ou ASFC. Au risque de m’éterniser, comme les forces de l’ordre le savent, l’application de la loi dépend de deux facteurs : la confiance et la conformité volontaire. La conformité volontaire implique de maintenir la confiance.
On m’indique qu’il ne reste plus de temps, mais j’y reviendrai plus tard.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Thurley.
Le sénateur Oh : Je vous remercie, chers témoins, d’être venus de si loin pour comparaître devant nous.
Comme vous le savez peut-être, nous avons reçu plus tôt cette semaine le ministre et ses collaborateurs, qui ont notamment fait valoir cet argument. Matthew Taylor, avocat général et directeur de la section de la politique en matière de droit pénal du ministère de la Justice du Canada a affirmé :
Les homicides liés aux gangs impliquant des armes à feu ont augmenté de 27 % en 2021. De plus, si vous regardez le nombre d’armes à feu que nous avons retracées grâce à divers efforts de recherche, 69 % de ces armes à feu ont été considérées comme ayant été importées ou fabriquées illégalement au Canada.
[...] les armes à feu légales qui se trouvent au Canada contribuent probablement au bassin d’armes à feu utilisées dans les homicides liés aux gangs et au crime organisé.
Voilà l’argument du gouvernement, et je ne comprends pas comment ses représentants peuvent encore affirmer que c’est la réalité. Le témoin a avancé que 69 % des armes à feu servant à commettre des crimes sont soit importées illégalement, soit fabriquées au Canada. Le témoin voulait peut-être dire « importées légalement. » Quoi qu’il en soit, je ne sais pas vraiment ce que nous révèle cette statistique. Est-ce que je comprends bien ce qui a été dit? Que pensez-vous de cette statistique, et comment l’interprétez-vous? Je m’adresse à vous deux.
Le président : Je crains de devoir vous interrompre.
Honorables sénateurs, c’est avec une tristesse inouïe que nous avons appris ce matin le décès de notre collègue, le sénateur Ian Shugart. La nouvelle nous a été transmise par notre Présidente. Au nom du Sénat du Canada, nous présentons nos plus sincères condoléances à la famille Shugart. Chers sénateurs et témoins, veuillez vous joindre à moi pour observer une minute de silence en honneur à notre défunt collègue.
(Les personnes présentes observent une minute de silence.)
Le président : Je vous remercie, chers collègues. Nous vivons tous un moment des plus tristes, alors je vous en suis reconnaissant. Je vous remercie d’avoir observé ce moment de silence.
M. Thurley était sur le point de répondre. Nous vous écoutons.
M. Thurley : Je vous remercie de la question. Je suis sincèrement désolé pour la perte de sa famille et de tous les sénateurs qui le connaissaient.
En ce qui concerne la statistique présentée par la GRC, j’ai regardé la réunion de comité en question. J’ai remarqué certains éléments. Par exemple, sur un total d’environ 5 000 armes à feu, les témoins ont cité le pourcentage de 69 % pour représenter la proportion des quelque 1 800 armes à feu dont l’origine a été établie. Je crois que l’origine des armes à feu est généralement plus facile à déterminer lorsqu’elle est au pays, alors la donnée est naturellement biaisée.
De plus, je pense que les témoins n’ont pas séparé les armes d’épaule des armes de poing. Puisque le projet de loi porte surtout sur un gel des armes de poing, c’est une importante distinction à faire, et mon collègue, M. Schwartz, détient aussi de nombreuses sources à ce sujet.
M. Schwartz : Si je peux intervenir, je dirai que les armes de poing, en raison de leur nature, sont plus faciles à introduire illégalement à la frontière. Elles sont beaucoup plus faciles à dissimuler dans une voiture ou sur quelqu’un.
Nous détenons beaucoup de données tirées de sources policières de grandes villes, comme Toronto et Vancouver, qui enregistrent une grande partie de l’augmentation de la criminalité par les gangs. Les données de ces villes démontrent en grande majorité que ces armes viennent des États-Unis. J’ai quelques exemples. À Montréal, 95 % des armes de poing étaient illégales, et, en Ontario, 79 % des armes de poing dont on a établi l’origine provenaient de l’étranger, surtout des États-Unis. L’Ontario est la seule province dotée d’un programme exhaustif pour définir l’origine des armes à feu. Le reste du Canada n’établit l’origine que de 6 à 10 % des armes à feu. Les chiffres de l’Ontario montrent pratiquement toujours que la grande majorité des armes à feu introduites illégalement au pays proviennent des États-Unis. Ce n’est pas étonnant, puisque nous partageons la plus longue frontière démilitarisée au monde avec un pays qui compte plus d’armes à feu que d’habitants.
Le sénateur Oh : D’accord. Vous avez mentionné tout à l’heure...
Le président : Sénateur Oh, je crains que vous n’ayez plus de temps. Nous vous redonnerons la parole si le temps le permet.
Le sénateur Plett : Je joins ma voix à la vôtre, monsieur le président, quant à la perte d’un ami très cher.
Ma question s’adresse à l’un ou l’autre des témoins, ou aux deux. Je vais poser mes deux questions pour gagner du temps.
Dans une lettre que des témoins ont envoyée aux sénateurs, on nous a fait valoir que les dispositions, dans le projet de loi, du drapeau rouge et de la révocation non conditionnelle des permis ne renforceront en fait pas la sécurité publique et entraîneront probablement des injustices, surtout au détriment des Autochtones et des autres groupes marginalisés. Pouvez-vous nous donner plus de détails sur la façon dont les Autochtones et les autres groupes marginalisés pourraient être brimés par ces dispositions?
En outre, on a suggéré que ces dispositions soient retirées du projet de loi. Si la majorité des membres du comité n’appuie pas leur retrait du projet de loi, d’autres amendements viables rendraient-ils ces dispositions plus raisonnables? Soyez concis. Monsieur Schwartz, veuillez répondre le premier, puis ce sera au tour de M. Thurley.
M. Schwartz : Je crois que diverses organisations ont déjà formulé des commentaires à ce sujet pour affirmer que les lois en vigueur au Canada sur la confiscation des armes à feu de propriétaires détenant un permis, mais représentant un danger ou une menace pour eux-mêmes ou pour autrui, sont déjà robustes. Ce nouveau changement permettrait les révocations ex parte, c’est-à-dire les accusations par quelqu’un qui ne connaît même pas l’accusé. Les deux personnes pourraient ne jamais s’être rencontrées. L’accusé n’aurait aucun moyen de savoir qui l’accuse. Nous savons que les Autochtones et les autres groupes marginalisés au Canada sont ciblés de façon disproportionnelle par le système judiciaire et ont plus de mal à s’y retrouver. Voilà pourquoi nous sommes d’avis que ces dispositions pourraient représenter une menace pour les groupes marginalisés tels que les Autochtones du Canada.
Le sénateur Plett : Un autre amendement pourrait-il être proposé?
M. Thurley : Je supprimerais la proposition entière, car elle n’est pas nécessaire. Le contrôleur des armes à feu, ou CAF, a déjà le pouvoir de révoquer les permis et les armes à feu. Nul besoin de passer par un processus judiciaire ou par les forces policières locales : la révocation peut se faire grâce à un simple appel au Programme canadien des armes à feu, qui compte une ligne d’assistance immédiate commençant par 1-800. Je trouve que ces amendements posent gravement problème. Le Conseil des Mohawks a également abordé la question en détail dans son mémoire.
Pour mettre la situation en contexte, je dirai que 60 % des résidents des Territoires du Nord-Ouest ont mangé des aliments de la nature, c’est-à-dire des aliments chassés ou pêchés, au cours des sept derniers jours. Ainsi, même s’ils finissent par récupérer leurs armes à feu après une demande ex parte, ils pourraient être privés de nourriture pour l’année. L’enjeu est de taille dans les communautés rurales et de petite taille.
La sénatrice M. Deacon : Je vous remercie de votre présence et de votre empathie. Notre collègue voudrait que nous poursuivions ce travail, alors nous allons le continuer. Je vous remercie pour les réponses que vous avez données jusqu’à présent. Nous disposons de peu de temps.
Je veux revenir à un sujet dont nous avons peu discuté : les armes fantômes, en particulier celles qui peuvent être téléchargées et imprimées. Bien qu’il aille de soi que la loi pourrait être difficile à appliquer, je n’ai jamais trouvé cet argument particulièrement convaincant. Les lois dissuadent les gens d’accomplir certains gestes. Il me semble logique d’ériger en infraction la possession et la distribution de données pouvant servir à fabriquer une arme à feu dont l’origine ne peut être établie et qui est, dans certains cas, impossible à détecter. Je ne peux imaginer de raisons légitimes justifiant de détenir de telles données. Vous avez écrit dans votre lettre que, bien que vous ne soyez pas nécessairement contre la disposition, vous avez des réserves. J’espère qu’un d’entre vous pourra approfondir la question aujourd’hui.
M. Schwartz : Personnellement, je crois que nous devons à tout prix aborder la grave menace que représente l’impression en trois dimensions des armes à feu fantômes. À vrai dire, cette partie du projet de loi ne me pose pas grandement problème. Elle est raisonnable, parce que le nombre de ces armes va croissant. Les forces policières recensent, d’une année à l’autre, une proportion croissante de ces armes à feu. Le problème n’existait pas en 2019, et les agents de police en signalent maintenant des centaines partout au pays. Je crois qu’il est prudent d’intervenir à ce sujet.
La sénatrice M. Deacon : Merci.
M. Thurley : Le fond de la question portait-il sur la possession des fichiers de données?
La sénatrice M. Deacon : Oui.
M. Thurley : D’accord. Je pourrais penser à certains scénarios où un fabricant d’armes à feu voudrait tenir un registre des données, mais de mémoire, je crois que la formulation actuelle est appropriée, de façon générale. Ce qui me pose problème, c’est plutôt la possession d’une arme à feu pouvant être de fabrication illégale. La provenance de ces armes à feu peut être assez difficile à prouver, surtout les plus vieilles, qui n’auront peut-être pas de numéro de série, de nom du fabricant, de marque ou de modèle. En passant en revue les anciennes données du registre des armes d’épaule — j’ai une copie caviardée de 2012 ici —, on constate que la marque et le modèle de bon nombre d’entre elles sont désignés comme étant « inconnus ». C’est ce qui pourrait me préoccuper, mais je n’ai pas de grandes inquiétudes de façon générale. Mes préoccupations ont plutôt trait à la façon d’appliquer la loi.
Le sénateur Kutcher : Nous vous remercions tous les deux d’être venus de si loin. Nous vous en sommes très reconnaissants.
Ma question s’adresse à M. Thurley, mais M. Schwartz pourra intervenir également si nous en avons le temps, parce que je sais qu’il a aussi écrit sur le sujet.
Si vous n’êtes pas en mesure de répondre aujourd’hui, vous pourrez le faire par écrit. Monsieur Thurley, dans le National Post, vous avez abordé une question importante sur les répercussions économiques du projet de loi. D’autres l’ont soulevée également. Dans votre lettre d’opinion, vous avez dit que les coûts étaient évalués à 6 milliards de dollars, mais que cette évaluation était fondée sur une interdiction totale de la possession d’armes à feu chez les civils. Cela ne se trouve pas dans le projet de loi C-21... mais c’est un point très important.
Pourriez-vous nous aider à comprendre deux choses sur le plan économique? Premièrement, pourriez-vous nous fournir une analyse économique exhaustive des impacts économiques négatifs du projet de loi C-21... Qui, combien, sur quelle période? J’aimerais vous entendre sur les conséquences négatives. Pourriez-vous aussi nous en dire plus sur le coût des homicides et des suicides, sur l’analyse des données de survie et des tableaux, et sur le coût des soins de santé? Nous pourrions ainsi mieux comprendre cet argument économique important.
M. Thurley : Oui.
Votre question comporte plusieurs volets. Premièrement, à mon souvenir, les statistiques que j’ai évoquées dans l’article du National Post ne se fondaient pas sur une interdiction totale. Elles visaient plutôt les propos des groupes que j’avais cités. Je citais deux chiffres : le premier était une estimation relative au rachat et le deuxième avait trait aux avantages économiques associés à la chasse et aux sports de tir désignés dans une étude du Conference Board du Canada de 2018.
En ce qui a trait aux données sur la compensation des coûts nets — les éléments positifs et négatifs du bilan —, ce serait une tâche très complexe. J’aimerais travailler là-dessus à un moment donné, mais je n’ai pas les ressources nécessaires pour le faire à l’heure actuelle.
M. Schwartz a peut-être quelque chose à ajouter.
M. Schwartz : D’un point de vue politique et non économique, nous savons d’après la documentation que dans le cas des suicides par arme à feu, par exemple, la substitution des méthodes représente souvent un grave problème. Rien ne garantit que sans une arme à feu, une personne ne va pas malheureusement...
Le sénateur Kutcher : Ma question porte plutôt sur le modèle économique. Je vous remercie pour votre réponse, mais ce n’était pas l’objet de ma question.
M. Schwartz : D’accord.
Le sénateur Kutcher : Vous n’avez pas de données sur le sujet?
M. Thurley : Je suis désolé. Je ne crois pas que la question soit...
Le président : Nous n’avons plus de temps. Nous devons passer au prochain intervenant.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Je profite de mon temps de parole pour offrir mes sincères condoléances à la famille de notre collègue le sénateur Shugart.
Le gouvernement a toujours prétendu que le projet de loi C-21 était une réponse aux problèmes liés au crime organisé, notamment les gangs de rue. Hier, le ministre a avoué dans un média que le projet de loi C-21 ne serait pas nécessairement une réponse au crime organisé.
Entre 1979 et 1994, 15 ans après l’adoption du fameux registre des armes à feu, les homicides avec arme à feu auraient dû être réduits de 30 %. Entre 1995 et 2010, alors qu’on avait un registre très rigoureux, la réduction des homicides commis avec une arme à feu a été de 25 % seulement. Après avoir dépensé 2 milliards de dollars, on s’est rendu compte que ce registre n’avait aucun impact sur les homicides.
Vous avez déclaré dans votre mémoire que l’un des impacts serait la réduction massive des champs de tir qui sont souvent utilisés par les policiers pour leurs pratiques annuelles, car ils doivent se conformer à leur grade de tireur une fois par année, sinon ils ne peuvent pas porter d’arme.
J’aimerais que vous nous expliquiez en quoi ce projet de loi aura un impact négatif sur la formation des policiers par rapport au tir.
M. Schwartz : Merci. C’est une très bonne question. Selon ce que je comprends en parlant avec les tireurs sportifs et les exploitants de champs de tir, la plus grande partie de leur chiffre d’affaires provient des tireurs qui ont des armes de poing, parce qu’ils doivent maintenir leurs compétences et qu’ils doivent être membres d’un champ de tir. Le fait qu’ils doivent être membres est inscrit dans la loi, et cela permet aux exploitants de champs de tir de survivre économiquement. Les lois sont de plus en plus rigoureuses en ce qui a trait au fonctionnement d’un champ de tir.
[Traduction]
Les restrictions de zonage sont sévères. Alors que les villes s’agrandissent, les exploitants sont repoussés plus loin et ont de la difficulté à faire vivre leur entreprise. Ils misent sur les propriétaires d’armes de poing et leur adhésion aux champs de tir.
Par exemple, le champ de tir de Stittsville à Ottawa est utilisé par la police de la ville pour ses entraînements avec les armes de poing. Chez moi, l’Abbotsford Fish and Game Club est utilisé par le service de police de la ville à cette fin également. Les impacts financiers sur ces champs de tir pourraient avoir une incidence sur l’entraînement des policiers.
Le sénateur Boisvenu : Merci.
[Français]
La sénatrice Gerba : Nous sommes tous vraiment attristés par le décès de notre collègue l’honorable Ian Shugart.
Je crois que nous sommes toujours d’accord pour dire qu’il est très important de lutter contre la violence entre partenaires intimes, en particulier dans les cas où des armes à feu sont impliquées. Vous et un groupe d’universitaires avez soumis à ce comité un mémoire dans lequel vous critiquez certaines parties de ce projet de loi, en particulier les ordonnances d’interdiction d’urgence, qu’on appelle « drapeaux rouges ».
Pouvez-vous nous expliquer en quoi cet ajout au Code criminel pourrait être préjudiciable et comment les dispositions actuelles de l’article 117 du Code criminel traitent de ce très grave problème?
[Traduction]
M. Thurley : C’est une excellente question, sénatrice. Merci beaucoup.
Premièrement, il est important à mon avis de souligner que ces ordonnances sont redondantes. À l’heure actuelle, les policiers ont le pouvoir de confisquer les armes à feu d’une personne qui pourrait représenter une menace. Ils n’ont pas besoin d’un mandat pour ce faire. Tout ce qu’il faut, c’est qu’une personne appelle la ligne d’urgence ou un service de police local pour faire part de ses préoccupations, et la police peut mener une enquête pour tirer des conclusions.
Je crois que le nouveau système est plus difficile à utiliser. Le gouvernement l’a reconnu, puisqu’il évoque la participation des ONG pour aider les gens à s’y retrouver. Je souligne que l’Association du Barreau canadien a fait valoir que la loi actuelle était suffisante et préférable aux changements proposés.
Puisque les plaintes sont anonymes et que les dossiers de la cour sont scellés, le système pourrait donner lieu à de fausses plaintes et à des plaintes frivoles ou vexatoires contre des personnes en vue, et même contre des policiers ou des membres de l’armée. Les Canadiens autochtones, qui sont déjà impliqués de façon disproportionnée dans le système judiciaire, auront de la difficulté à s’y retrouver dans ce processus et à reprendre possession des armes à feu qui sont injustement confisquées.
Je ne veux pas dire que la plupart des plaintes sont vexatoires. Je dis toutefois qu’il y a déjà en place un mécanisme associé au processus d’enquête visant à confisquer les armes à feu aux personnes dangereuses, et je crois que les ajouts seront problématiques.
La sénatrice Dasko : Nous remercions les témoins d’être avec nous.
Monsieur Thurley, vous avez critiqué les projets de loi C-11 et C-18; je me demande si vous vous opposez à la réglementation de la vie des Canadiens par le gouvernement. Est-ce que c’est ce qui motive votre commentaire? Est-ce que c’est là votre principale objection? Croyez-vous que le gouvernement ne devrait pas prendre de telles mesures dans ces domaines de la vie sociale et économique de la population?
M. Thurley : Non. Au contraire, je crois que le gouvernement a un rôle à jouer à cet égard. Ma critique visait surtout la portée des projets de loi, les examens connexes et la réponse du gouvernement à ces examens.
En ce qui a trait au principe, la réglementation par l’État est parfois appropriée; parfois, elle ne l’est pas. Je ne suis certainement pas un anarchiste, mais dans le cas présent, je crois que nous tentons de démontrer que ce domaine est déjà réglementé de manière appropriée. Bien que l’on puisse apporter certains changements à la Loi sur les armes à feu, de façon générale, je crois qu’elle permet d’atteindre un certain équilibre et que les changements proposés iront un peu trop loin.
La sénatrice Dasko : J’aimerais que nous restions sur le sujet de la violence familiale. Vous avez tous deux exprimé vos objections aux dispositions du projet de loi, surtout en ce qui a trait aux communautés autochtones. Qu’en est-il des femmes autochtones? Elles doivent être prises en compte également. Je ne vous ai pas entendu parler des préoccupations envers les femmes autochtones et de la façon dont ces dispositions pourraient les aider.
M. Schwartz : C’est une question très importante, à mon avis. Comme nous le savons, l’Association du Barreau canadien et des groupes de femmes ont fait part de leurs préoccupations sur ces lois de type drapeau rouge. Nous ne sommes pas les seuls à nous en inquiéter : d’autres groupes, y compris des groupes de femmes, en ont parlé. Je crois que cet enjeu est important, mais il y a de nombreux outils en place pour s’attaquer à un enjeu aussi complexe que la violence entre partenaires intimes, et je ne crois pas qu’il s’agisse du meilleur outil pour ce faire.
La sénatrice Dasko : Certains veulent que les dispositions soient plus sévères; ils ne veulent pas qu’elles soient éliminées. Merci.
Le sénateur Yussuff : Nous vous remercions d’être avec nous aujourd’hui. C’est une journée triste, mais nous vous sommes reconnaissants de prendre le temps de témoigner devant le comité.
J’aimerais rapidement faire suite aux questions de mes collègues au sujet des lois de type drapeau rouge. Votre opinion ne se fonde pas sur des données probantes, parce que nous n’avons pas encore de telles données sur l’incidence du préjudice contre les Premières Nations au sein du système judiciaire. Nous avons un système judiciaire assez robuste au pays, qui permet de discerner les préjudices et la rancœur envers certaines personnes. Vous n’offrez aucune donnée probante sur la façon dont ces lois fonctionnent, parce que nous n’en avons pas. Est-ce exact?
M. Schwartz : Oui. Il est impossible de fournir des données probantes au sujet d’une loi qui n’a pas encore été adoptée.
Le sénateur Yussuff : Nous pouvons tous spéculer. Dans les faits, la violence familiale est bien réelle. Si l’on peut sauver une vie, alors nous n’aurons pas à nous soucier de ce que nous aurions pu faire. Je suis toutefois d’accord avec vous lorsque vous dites qu’il y a suffisamment de données probantes voulant que les lois actuellement en place soient sécuritaires pour les femmes, dans une large mesure, si elles sont appliquées de manière efficace par les services policiers.
Il y a beaucoup de confusion et de désinformation chez la population au sujet des armes à feu. Le projet de loi ne vise pas à confisquer ou à prendre les fusils des gens qui en sont les propriétaires légaux au pays. Est-ce que j’ai bien compris? Est-ce que mon hypothèse est bonne?
M. Schwartz : Selon ce que je comprends, oui.
Le sénateur Yussuff : Il y a beaucoup de fausses informations qui circulent. On dit que les gens vont se faire prendre leurs armes à feu.
En ce qui a trait à la survie des champs de tir où les gens vont pour pratiquer leur art, rien n’indique encore qu’ils vont disparaître du jour au lendemain. Je comprends qu’ils ne prendront peut-être pas d’ampleur, qu’ils n’auront peut-être pas plus de membres, mais aucune donnée probante ne démontre qu’ils vont disparaître.
M. Thurley : Ce qui me pose problème avec cette approche, c’est que lorsque nous aurons enfin des données probantes sur le sujet, il sera trop tard. On ne pourra pas revenir en arrière. Je crois que nous pouvons utiliser les données dont nous disposons aujourd’hui. Les propriétaires d’armes de poing contribuent de manière disproportionnée à l’entretien et au fonctionnement des champs de tir et à l’industrie des armes à feu du Canada, étant donné les frais qu’ils doivent payer et les achats plus importants qu’ils font. Ils subventionnent en quelque sorte les champs de tir pour tout le monde. Le gouvernement a exprimé son intention très clairement. Il dit qu’il souhaite éliminer tout cela d’ici 50 ans. C’est ce qu’il a dit lundi. Lorsque tout aura disparu, il sera trop tard.
Le sénateur Richards : J’offre moi aussi mes condoléances à la famille et aux amis du sénateur Shugart. Je ne lui ai parlé qu’à une ou deux reprises, mais c’était un homme remarquable.
Je remercie les témoins d’être avec nous aujourd’hui. Je ne crois pas que le projet de loi nuise aux Premières Nations. J’ai mangé de l’orignal cette semaine. Je chasse depuis que j’ai 14 ans. Il est difficile d’aborder la question des armes à feu et de la violence familiale dans un projet de loi.
Lors de la deuxième lecture, je me suis exprimé contre la nature oppressive de la loi de type drapeau rouge... Cette idée des dénonciateurs inconnus. Je sais que la sénatrice Gerba et d’autres ont abordé le sujet également. Pourriez-vous nous expliquer en quoi il s’agit d’une politique dangereuse et redondante élaborée par des politiciens qui ne connaissent peut-être pas très bien les chasseurs ou les carabines et pourquoi un tel niveau d’autorité n’est pas nécessaire? Je pose la question parce que nous avons en place des mesures qui contribuent à la confiscation des armes dangereuses chez les personnes pouvant être dangereuses. Pourriez-vous tous les deux commenter ce sujet?
M. Thurley : Tout à fait.
Ma principale critique a trait à la redondance des dispositions. Je me préoccupe aussi de l’accès aux tribunaux, surtout dans les régions rurales et nordiques. Puisque nous en avons discuté lors de la réunion de lundi, je ne vais pas y revenir. Le manque de protections et de capacités en matière d’enquête — je pense au tribunal dans le cadre d’une audience ex parte — représente le problème le plus important, en plus de la révocation obligatoire, mais c’est un autre sujet.
Si une personne n’a pas les moyens de se défendre et si les tribunaux n’ont pas les outils d’enquête immédiats dont disposent les policiers, alors il est très difficile de rejeter les plaintes vexatoires. Il serait donc possible de cibler quelqu’un, et nous savons que les Autochtones sont malheureusement visés de façon disproportionnée par le système judiciaire. Entre 2019 et 2020, 10 % de tous les hommes autochtones âgés de 24 à 35 ans s’étaient déjà retrouvés en prison à un moment ou à un autre. Nous savons que les conséquences sur eux sont disproportionnées. Il faut donc absolument tenir compte du fait que certaines personnes n’ont pas les moyens de se défendre, qu’elles puissent perdre des outils essentiels à leur subsistance immédiate et, en raison de la nature du système, qu’elles ne puissent peut-être pas faire appel de ces mécanismes.
Le président : Merci beaucoup.
Chers collègues, nous passons maintenant à la deuxième série de questions.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Ma prochaine question s’adresse à vous, monsieur Schwartz. Quand j’entends aussi peu de commentaires positifs sur un projet de loi comme celui-ci, cela m’inquiète. Pouvez-vous nous dire ce qui guide les politiciens dans l’élaboration d’un projet de loi comme le projet de loi C-21? Sont-ils victimes des lobbyistes — du moins, pour certains aspects du projet de loi, je dirais —, ou sont-ils uniquement à la recherche d’un appui électoral?
M. Schwartz : C’est difficile de répondre à cette question. Je ne veux pas mettre de mots dans la bouche des politiciens, mais étant donné que je suis un scientifique politique, j’examine les motivations de tout cela. J’essaie de déterminer ce que les partis politiques peuvent gagner en faisant quelque chose comme cela.
[Traduction]
Il y a des motifs électoraux associés à l’adoption de lois contraignantes, qui semblent fortes. De telles politiques peuvent faire bonne impression. À première vue, il semble que nous voulions sauver des vies et rendre la vie des Canadiens meilleure, mais en y regardant de plus près, on se rend compte qu’elles ne réduiront probablement pas le taux de criminalité. C’est mon avis. Je ne crois pas que le projet de loi permettra de sauver des vies. Je crois que nous devrions plutôt investir dans des programmes communautaires qui amélioreront la vie des personnes marginalisées, de sorte que les jeunes Canadiens — et surtout ceux vivant dans les communautés marginalisées — ne se tournent pas vers les gangs pour se sortir de la misère. Ils ne verront pas l’appartenance à un gang comme un moyen de se faire respecter ou de gagner sa vie, alors que le prix des loyers augmente et que l’épicerie coûte plus cher que jamais.
Le président : Merci.
Chers collègues, j’ai mal lu l’heure. Nous n’avons presque plus de temps. Trois sénateurs souhaitent poser des questions. Nous allons leur accorder une minute chacun, afin qu’ils puissent poser une question rapidement.
Le sénateur Oh : J’aimerais poser une question à M. Schwartz. Vous avez interviewé 16 000 propriétaires d’armes à feu au pays. Quelle était leur réponse ou leur réaction? Quelle serait l’incidence du projet de loi sur eux? Qu’est-ce qui leur nuirait?
M. Schwartz : Je pense que bon nombre des personnes à qui j’ai parlé et que j’ai interrogées se consacrent corps et âme à leur passion. Dans le cadre de mon enquête, chaque personne avait dépensé, en moyenne, plusieurs milliers de dollars cette année-là en accessoires, en armes à feu, en munitions ou en voyages de chasse — ce genre de choses. Ces personnes sont très dévouées à leur sport et à leur passe-temps. Comme nous le savons, certains habitants des régions nordiques — notamment les Autochtones — comptent sur cette activité pour se nourrir. Je ne pense pas qu’il vaille la peine de remettre cela en question et de potentiellement causer du tort à ces communautés en s’aventurant sur un terrain assez glissant en matière de sécurité publique.
Le sénateur Oh : Je vous remercie.
[Français]
La sénatrice Gerba : Pour faire suite à la question de mon collègue, comment pourrait-on améliorer et adapter le projet de loi C-21 pour qu’il réponde aux besoins des territoires du Nord?
[Traduction]
M. Thurley : Merci, sénatrice. Je suis content que vous posiez cette question. Je pense que c’est très important pour les habitants des territoires.
Dans notre mémoire, qui contient des recommandations d’amendements au projet de loi C-21, nous abordons des questions propres aux Autochtones. Nous y expliquons en détail un certain nombre de modifications. Je crois que notre document fait environ 14 pages et qu’il est accessible sur le site du Sénat. Je vous recommande vivement de lire aussi le mémoire du conseil des Mohawks. Je pense qu’ils ont très bien expliqué comment cela pourrait s’appliquer aux droits de chasse, aux droits figés dans le temps et à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, ou DNUDPA. Je vous encourage fortement à lire ce mémoire. Je suis désolé de ne pas avoir le temps de vous donner une réponse plus complète, mais je ne peux que vous renvoyer à d’autres documents.
Le sénateur Plett : Je serai très bref, et la réponse pourra l’être tout autant. Des témoins ont fait valoir que l’une des conséquences du projet de loi est l’élimination de toute une communauté sportive au Canada. Il a été dit qu’à cet égard, les athlètes olympiques ne feront pas exception. Pouvez-vous nous expliquer quelle sera l’incidence du projet de loi? Par exemple, est-il raisonnable que le gouvernement annonce son intention d’interdire la vente et l’achat de tous les pistolets au Canada, tout en affirmant que nous pouvons exempter, de façon crédible, uniquement le tir olympique?
M. Schwartz : Je pense que le projet de loi aura une incidence. Des athlètes olympiques nous ont dit que cela les empêcherait de recruter des personnes pour soutenir le programme, de s’entraîner contre des rivaux avant les Jeux olympiques et de s’approvisionner en équipement. D’après ce que j’ai entendu, cette mesure législative sera lourde de conséquences pour les athlètes olympiques.
Le sénateur Plett : Merci beaucoup.
Le président : Messieurs Schwartz et Thurley, nous vous remercions sincèrement des observations et des conseils que vous nous avez fournis aujourd’hui. Votre témoignage nous a été très utile. Comme vous avez pu le constater, les sénateurs ici présents s’intéressent à votre travail, à vos publications et à vos recherches. Nous vous remercions tout particulièrement d’avoir fait l’effort de parcourir de longues distances pour venir nous parler aujourd’hui. C’est un plaisir de vous voir en personne. Nous vous en sommes reconnaissants et nous vous souhaitons, à tous deux, un bon voyage de retour.
Nous allons passer à notre prochain groupe de témoins. Pour la prochaine heure, nous sommes heureux d’accueillir, tous deux par vidéoconférence, M. Christian Leuprecht, professeur au département de science politique et d’économie du Collège militaire royal du Canada, et le Dr Caillin Langmann, directeur adjoint de programme et président du comité de compétence au département de médecine de l’Université McMaster. Nous vous remercions tous deux d’être des nôtres aujourd’hui. Nous vous invitons maintenant à faire vos déclarations préliminaires, après quoi nous passerons aux questions des membres du comité. Je vous rappelle que vous disposez chacun de cinq minutes pour votre témoignage. Nous allons commencer par M. Leuprecht.
[Français]
Christian Leuprecht, professeur, Département de science politique et d’économique, Collège militaire royal du Canada, à titre personnel : Monsieur le président, je vous remercie de l’invitation à comparaître aujourd’hui.
[Traduction]
Je vis et travaille à Kingston, qui se trouve sur le territoire traditionnel des Anishinabes, des Hurons-Wendats et des Haudenosaunis. Je dirige un vaste programme de recherche empirique sur le commerce illicite à l’échelle mondiale; j’ai publié des articles sur les politiques en matière d’armes à feu, et je suis membre de la commission du service de police de Kingston, mais sachez que je ne parle pas en son nom. Je n’ai pas de permis ou de certificat d’arme à feu.
Le projet de loi proposé équivaut à une interdiction totale et progressive des armes de poing. En effet, il reproduit le paragraphe 12(6.1) de la Loi sur les armes à feu. Ajoutée par un précédent gouvernement libéral, cette disposition interdit les armes à feu à autorisation restreinte dont la longueur du canon est inférieure ou égale à 105 millimètres et qui utilisent certains types de cartouches ou de munitions. En avril 2005, cette modification a imposé l’interdiction des armes à feu qui n’étaient soumises, jusque-là, qu’à des restrictions. Nous en voyons donc les répercussions depuis 18 ans et demi. Les armes à feu qui tombent sous le coup du paragraphe 12(6) ne peuvent plus être vendues. Elles ne peuvent même pas être transmises en héritage. Cette disposition a eu pour effet de réduire la valeur des armes à feu de collection, puisqu’il n’y a plus de marché pour ces armes à feu, et d’aboutir à l’interdiction complète et graduelle des armes à feu relevant du paragraphe 12(6.1).
Le projet de loi à l’étude applique la même logique à toutes les armes de poing. En réalité, elle vise à abolir éventuellement le droit pour les particuliers de posséder des armes de poing. Les propriétaires actuels bénéficieront de droits acquis, mais aux termes du projet de loi, les armes de poing ne pourront plus être achetées ou vendues à des particuliers, ni transmises à un héritier titulaire d’un permis. Mais quel problème le projet de loi est-il censé résoudre?
Les données sont sans équivoque : plus de 90 % des armes à feu qui sont saisies après la perpétration d’un crime ou qui sont détenues illégalement au Canada ont été introduites au pays clandestinement par le crime organisé depuis les États-Unis. Cela n’a rien d’étonnant puisque le Canada jouxte le marché des armes à feu le plus vaste et le plus permissif du monde. Presque n’importe qui peut se procurer des armes de poing dans une exposition d’armes à feu aux États-Unis.
Le gouvernement libéral est arrivé au pouvoir en affirmant qu’il prendrait des décisions fondées sur des données probantes. Au lieu de cela, le projet de loi s’appuie sur des données inventées pour justifier des décisions. Montrez-moi les données qui soutiennent le projet de loi. Il n’y en a pas.
Au lieu d’être honnête avec les Canadiens et d’élaborer des politiques constructives qui freineront réellement le torrent d’armes à feu criminelles en provenance des États-Unis, le projet de loi crée un faux récit contre quatre millions de propriétaires d’armes à feu légitimes, titulaires de permis et soumis à une vérification des antécédents. À l’exception de quelques nouveaux pouvoirs judicieux concernant la violence entre partenaires intimes ou l’Agence des services frontaliers du Canada, le projet de loi ne fera presque rien pour freiner la criminalité par armes à feu qui sévit au Canada. Toutefois, il garantit que seuls les criminels posséderont des armes de poing. Ce n’est guère rassurant pour un gouvernement qui a rendu pratiquement impossible la détention des criminels en attente de leur procès. Même après de multiples manquements aux conditions, ces criminels retrouvent la liberté et se remettent à victimiser des citoyens respectueux des lois.
Cette mesure législative est un stratagème cynique destinée à polariser la société canadienne en faisant des armes à feu un sujet de discorde avant les prochaines élections fédérales. C’est tout à fait normal pour le gouvernement actuel, qui a toujours fait passer les priorités électorales avant l’intérêt national.
Depuis plus de 20 ans que j’étudie la sécurité publique et nationale dans les pays démocratiques, je n’ai jamais vu un projet de loi qui présente un tel décalage entre ses moyens et ses objectifs supposés. Voter en faveur du projet de loi revient à mépriser les données probantes, à soutenir la dérision, à attiser la polarisation, à encourager la désinformation et à gaspiller de maigres ressources publiques pour des mesures politiques qui n’ont pas atteint leur but. Le projet de loi ne contribue en rien à améliorer la sécurité des Canadiens. Il ne résoudra ni ne préviendra aucun crime.
Je vous remercie.
Le président : Merci, monsieur Leuprecht.
Dr Caillin Langmann, professeur clinicien adjoint, Division de la médecine d’urgence, Département de médecine, Université McMaster : Je vous remercie de me donner l’occasion de présenter les résultats de mes recherches sur les lois régissant les armes à feu au Canada et leurs incidences sur le nombre d’homicides, d’homicides entre conjoints, de tueries et de suicides au Canada.
Je suis professeur adjoint en médecine et urgentologue. Je fais également fonction d’examinateur universitaire sur les questions relatives au contrôle des armes à feu, et je compte à mon actif quatre publications, revues par un comité de lecture, sur les lois et leurs effets sur les homicides et les suicides au Canada.
En ce qui a trait à la pertinence de mes recherches concernant le projet de loi C-21, j’ai démontré que les interdictions précédentes d’un grand nombre de fusils semi-automatiques et d’armes de poing — interdictions adoptées dans les années 1990 — n’ont eu aucun effet sur les taux d’homicides et de suicides. Depuis 2003, le nombre d’armes à feu à autorisation restreinte a doublé, passant de 572 000 à 1,2 million. En revanche, le nombre total d’homicides par arme à feu n’a pas augmenté, pas plus que le nombre d’homicides par arme de poing.
Des mesures législatives prises dans les années 1990 ont mené à l’interdiction de plus de 550 000 armes à feu, y compris des armes à feu de type militaire et des armes de poing. Les recherches ont toutefois démontré que cette interdiction n’a procuré aucun avantage statistiquement significatif quant à la réduction du nombre d’homicides, d’homicides entre conjoints et de tueries. Les restrictions adoptées en 1994 concernant la capacité des chargeurs n’ont pas été associées à une diminution des taux d’homicides ou de tueries. Quant aux dispositions de signalement adoptées dans les années 1990, elles n’ont pas non plus eu d’effet positif sur les taux d’homicides entre conjoints.
D’autres pays, comme l’Australie et l’Angleterre, ont aussi imposé des mesures de contrôle strictes relativement aux armes de poing et aux fusils semi-automatiques, sans que les taux d’homicides fluctuent de façon statistiquement importante. Les études menées aux États-Unis sur l’interdiction des armes d’assaut ne révèlent pas non plus d’améliorations notables : Lowenthal, en 2016, et Siegel, en 2020, ont constaté que ces mesures législatives n’étaient pas associées à une diminution du nombre de victimes. Il est intéressant de noter qu’en examinant les incidents survenus sur une période de 30 ans, Blau a constaté que les fusils de chasse étaient davantage associés à une augmentation du nombre de victimes que les fusils semi-automatiques. Webster, en 2020, a utilisé une méthodologie quasi expérimentale semblable à la mienne et n’a pas trouvé de lien entre l’interdiction des armes d’assaut et les incidents ou décès liés aux tueries. En résumé, les données compilées jusqu’à maintenant montrent que les mesures proposées pour interdire les armes de poing et les fusils semi-automatiques n’auront pas pour effet de réduire les taux d’homicides ou de tueries.
Les méthodes qui se sont révélées plus efficaces pour réduire les homicides par arme à feu ciblent la demande et la prévalence d’armes à feu dans les activités criminelles. Comme l’a démontré Statistique Canada, un pourcentage important des homicides par arme à feu est lié à la violence perpétrée par les gangs — jusqu’à 50 %, à notre connaissance. Les faits montrent qu’il faut agir tôt pour contrer l’intégration des jeunes aux gangs. Un rapport de recherche de Sécurité publique Canada, publié en 2012 et fondé sur des données provenant de divers programmes mis en œuvre au Canada pour réduire le nombre de jeunes appartenant à des gangs, a fait ressortir des effets bénéfiques allant jusqu’à une réduction de 50 % de la participation aux gangs.
Les milliards de dollars que coûtera probablement la confiscation d’armes à feu détenues légalement seraient sans doute mieux dépensés dans des programmes de dissuasion des jeunes et de réduction des gangs, ainsi que dans des programmes de prévention du suicide et des programmes destinés aux femmes qui quittent des foyers à risque. Je vous remercie du temps que vous m’avez accordé.
Monsieur le président, je tiens aussi à signaler que je ne parle pas en tant que directeur du programme de médecine d’urgence de l’Université McMaster, et j’ignore comment cette information s’est retrouvée dans l’avis de convocation du Sénat. Je témoigne en ma qualité de professeur adjoint de médecine clinique à l’Université McMaster.
Le président : Merci beaucoup de cette précision, docteur Langmann, et merci aussi de votre déclaration d’aujourd’hui.
Chers collègues, nous allons maintenant passer aux questions. Nous devons terminer à 13 h 30. Tout comme pour le dernier groupe de témoins, nous limiterons chaque question, y compris la réponse, à quatre minutes. Je vous prie d’être brefs et d’identifier la personne à qui s’adresse votre question. Le premier à intervenir sera notre vice-président, le sénateur Dagenais.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Ma première question s’adresse au Dr Langmann.
Docteur Langmann, quand il s’agit du contrôle des armes à feu, les politiciens canadiens légifèrent généralement sous la pression populaire à la suite d’événements très médiatisés, comme la tuerie de Polytechnique à Montréal ou la tuerie survenue en Nouvelle-Écosse.
Vous concluez, dans le cadre de vos recherches, que le déclin du nombre d’homicides de masse par arme à feu au Canada depuis 50 ans n’est assurément pas attribuable aux lois sur le contrôle des armes à feu, ni à la vérification des antécédents des propriétaires, ni aux restrictions sur les armes militaires.
Selon vous, est-ce parce que les lois sont mal ciblées ou diriez-vous que, peu importe les lois que le gouvernement adopte, il est impossible de réduire ce type de crimes de façon absolue?
[Traduction]
Dr Langmann : Je dirais que c’est probablement attribuable à plusieurs facteurs.
Tout d’abord, les armes à feu sont souvent remplacées par d’autres. Comme l’a mentionné mon collègue, de nombreuses armes à feu proviennent des États-Unis ou de sources illégales, et nous constatons de plus en plus d’armes à feu fabriquées illégalement chez soi ou dans de nombreuses usines.
Pour ce qui est de la vérification et du contrôle des antécédents, il y a peut-être du travail à faire pour les rendre plus rigoureux, et il faut notamment s’assurer que ces contrôles ont bel et bien lieu. Certaines personnes pourraient passer à travers les mailles du filet parce que leurs références ne sont pas vérifiées. Il n’existe aucun moyen de réaliser des études à cet égard, car ce type de données n’est pas disponible. Ce pourrait être un domaine d’intérêt, mais il se peut que cela ne procure aucun avantage, car les personnes peuvent simplement choisir une référence donnée ou mentir dans leur formulaire de demande, au besoin.
Il est très difficile de prédire qui va commettre un acte illégal. On peut se baser sur certains comportements antérieurs pour faire une prédiction, mais j’évalue tout le temps les antécédents psychiatriques, et même ce genre de prévision s’avère très difficile. Il n’y a pas de modèles à suivre. Il n’existe pas d’outils de décision clinique pour prédire cela avec précision.
Le mieux que nous puissions faire, c’est probablement d’examiner les interdictions de possession qui existent déjà, et la question est de savoir si ces interdictions sont réellement appliquées par les personnes qui imposent les restrictions. Les agents de probation appliquent-ils ces interdictions? Il sera évidemment très difficile d’assurer un tel suivi. C’est probablement là que vous pourriez obtenir le plus de résultats.
L’autre domaine où vous pourrez probablement voir le plus d’améliorations, c’est la réduction du nombre de jeunes impliqués dans des gangs. Pour ce faire, il faut intervenir tôt auprès d’eux, avant qu’ils deviennent des membres de gangs endurcis, auquel cas vous aurez plus de mal à les sortir de cette situation, et avant qu’ils utilisent des armes à feu pour commettre ce genre de crimes.
Le président : Je suis désolé de vous interrompre. Nous devons passer au prochain intervenant.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Ma question s’adresse à M. Leuprecht.
Vous avez fait une affirmation très directe au début de votre présentation; vous avez dit que ce projet de loi cache, au fond, l’intention réelle du gouvernement, qui est de se diriger vers une abolition totale des armes à feu au Canada.
J’aimerais que vous m’expliquiez votre raisonnement, que je partage d’ailleurs.
M. Leuprecht : Mon raisonnement est le suivant. Les amendements à l’article 12, qui ont été mis en vigueur en 2005, ont eu pour effet d’éliminer certains types d’armes au fil du temps. Nous sommes devant une expansion de cette logique et de cette approche qui, au fil du temps, aura pour effet d’éliminer les armes à feu et la possession d’armes à feu. Même si vous héritez d’une arme à feu, vous n’aurez pas le droit d’en hériter; d’ici un certain temps, donc, si ce projet de loi est adopté, ces armes seront éliminées.
Le sénateur Boisvenu : Docteur Langmann, vous affirmez que toutes les mesures prises au Canada depuis 30 ans — pensons au registre des armes à feu de 1995 — n’ont eu aucun effet sur la réduction des homicides. Comme je le disais un peu plus tôt, la réduction des homicides a été plus marquée sans le registre qu’avec le registre. On s’apprête maintenant à dépenser une somme de 1 milliard de dollars qui s’ajoutera à la somme de2 milliards de dollars déjà investie en 1995 et qui n’a donné aucun résultat. Selon vous, cette somme de 1 milliard de dollars qui servira à acheter des armes à feu sera-t-elle dorénavant la principale cause de la concentration des armes à feu dans les mains des criminels au Canada?
[Traduction]
Dr Langmann : Je ne suis pas sûr de la traduction, mais le montant de 1 milliard de dollars qui sera dépensé ne servira pas à réduire, de façon mesurable, le nombre d’homicides ou de suicides dans notre pays. Mes recherches ne sont pas les seules à le démontrer. Il y a aussi des recherches menées en Australie. L’Australie a interdit un grand nombre d’armes à feu — 600 000 fusils et pistolets semi-automatiques —, et toutes les études ont montré qu’il n’avait aucune amélioration quant à la réduction du nombre total de suicides et d’homicides.
Je pense que ce milliard de dollars serait mieux dépensé dans des programmes qui auront des effets positifs. J’ai mentionné l’un d’entre eux, qui cible les jeunes à risque. Ces fonds pourraient également servir à offrir de l’aide aux personnes ayant des idées suicidaires. C’est quelque chose que je vois tous les jours en tant qu’urgentologue. Je vois des patients ayant des idées suicidaires à cause de problèmes de dépression, et il est extrêmement difficile de leur apporter de l’aide. Les délais d’attente sont de plus de six mois pour certaines personnes. Il y a une pénurie de médecins qui travaillent dans ce domaine. Je recommande vivement au gouvernement de procéder à une réorientation et de se pencher sur ces questions, au lieu de confisquer des armes à feu à des personnes qui ne présentent généralement aucun danger. Ces gens se sont déjà soumis à un contrôle et ils présentent un risque très faible de comportement criminel.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Merci, docteur Langmann.
[Traduction]
La sénatrice M. Deacon : Je remercie nos témoins de s’être joints à nous aujourd’hui pour nous présenter deux points de vue très importants.
Je pense à la lettre commune dont il a été question plus tôt cet après-midi. Vous y exprimez des préoccupations au sujet des variantes et vous nous proposez d’inscrire une définition dans la loi en nous inspirant du projet de loi C-230, qui définissait une variante comme une arme à feu dotée de la carcasse ou de la boîte de culasse non modifiée d’une autre arme à feu. J’ai examiné ce projet de loi et les débats à la Chambre, qui ont abouti à son rejet au cours d’une précédente législature. Certaines des réserves exprimées à l’égard d’une telle définition tenaient au risque que cela entraîne la reclassification de milliers d’armes à feu et que de nombreuses armes à feu passent inutilement à une catégorie plus contrôlée. Dans d’autres cas, cela risque de mettre sur le marché des armes plus dangereuses. Je me demande pourquoi, dans cette lettre, vous n’évoquez pas ces préoccupations.
Dr Langmann : À qui adressez-vous votre question?
La sénatrice M. Deacon : À vous deux. Si vous vouliez bien commencer à y répondre, monsieur, ce serait formidable.
Dr Langmann : En ce qui concerne les variantes d’armes à feu, il est extrêmement difficile de classer une arme à feu. Il existe trois types d’armes à feu. Il y a les armes à feu automatiques, les armes à feu semi-automatiques, qui se rechargent d’elles-mêmes après une simple pression sur la gâchette, et les armes à feu à action manuelle, comme les fusils à verrou. Les fusils à verrou sont très répandus dans ce pays et sont probablement les armes à feu les plus puissantes offertes dans les magasins. Il n’est pas envisagé de les restreindre à ce stade. En tant qu’urgentologue, elles m’importent parce qu’elles tirent un projectile qui se déplace à très grande vitesse et qui fait souvent plus de dégâts qu’un projectile tiré par une arme de poing ou même par la plupart des fusils semi-automatiques, qui ont tendance à utiliser des balles de calibre plus petit.
Pour moi, cela importe peu. Toutes les armes à feu sont dangereuses. Je ne considère pas un certain type d’arme à feu comme plus dangereux qu’un autre. Comme je vous l’ai déjà dit, d’autres études, telle que celle de Blau et al, ont montré que les fusils de chasse utilisés dans le cadre de fusillades de masse sont associés à un nombre plus élevé de victimes que d’autres types d’armes à feu, comme peuvent l’être les armes de poing.
C’est une question de sémantique et un aspect qui importe relativement peu. Il s’agit de détails techniques, de savoir si quelqu’un de compétent pourrait modifier ces armes à feu et les faire passer d’une catégorie à l’autre. Nous avons vu des armes à feu complètement exemptes de mécanisme et fonctionnant de manière entièrement automatique être classées comme des armes entièrement automatiques. Nous avons vu des armes à feu exemptes de mécanisme et fonctionnant de la même manière que des AR-15 qui ont été classées de la même manière que les AR-15. Vous débattez de tout petits détails alors que les choses vraiment importantes passent inaperçues.
Le sénateur Oh : Je vous remercie de votre présence, chers témoins.
Professeur Christian Leuprecht, vous avez fait une déclaration percutante. Pour les personnes titulaires d’un permis qui possèdent une arme à la maison, cela ne diminuera en rien l’arme de poing. Je me demande ce qui va se passer. Si le projet de loi est adopté, qu’adviendra-t-il de la valeur de l’arme et comment pourra-t-on s’en débarrasser? Pourra-t-on encore la vendre à quelqu’un, ou peut-on la vendre à l’étranger? Qui va assumer la perte de la valeur de ce bien? Pouvez-vous nous le dire?
M. Leuprecht : Le projet de loi aura le même effet que l’article 12(6), c’est-à-dire qu’il diminuera considérablement la valeur de ces armes à feu parce que les transactions seront effectivement interdites. Vous allez essentiellement réduire le marché de ces armes à feu. Il existe de nombreux collectionneurs, par exemple, d’armes de poing qui seront visées par cette disposition et qui, par exemple, ont une valeur importante. C’est une considération qu’il ne faut pas perdre de vue.
Le sénateur Oh : Pouvez-vous dire au gouvernement : « Vous allez acheter tous mes biens, toute ma collection? »
M. Leuprecht : Eh bien, je suppose que le gouvernement pourrait essayer d’attribuer une valeur à ces armes, mais comme pour beaucoup de choses que les gens collectionnent, ils ne les collectionnent pas principalement pour la valeur de la collection, mais plutôt pour des raisons sentimentales ou toutes sortes d’autres raisons. Vous direz essentiellement aux gens que parce qu’ils aiment certains types d’armes à feu, dont bon nombre ne sont jamais utilisées parce qu’elles sont trop vieilles ou trop précieuses, ils doivent les abandonner et ne peuvent plus les collectionner parce que nous n’accordons pas de valeur à ce qu’ils chérissent en matière de collections. Faisons-nous cela dans d’autres domaines où les gens collectionnent des souvenirs?
Le sénateur Oh : Oui. Pensez-vous que le gouvernement devrait consacrer davantage de fonds à la lutte contre la violence liée aux gangs de jeunes, à l’élaboration de meilleures lois et à l’application plus stricte des lois relatives à la violence liée aux gangs?
M. Leuprecht : Il se trouve, sénateur, qu’aujourd’hui mon nouveau livre sur la frontière canado-américaine intitulé Security. Cooperation. Governance, ou Sécurité, coopération et gouvernance, sera publié par la maison d’édition University of Michigan Press. Nous avons ici de nombreuses occasions de travailler en étroite collaboration avec nos collègues américains. Dans de nombreux cas, le Bureau of Alcohol, Tobacco and Firearms, ou l’ATF des États-Unis, est notre partenaire le plus proche pour déterminer les principales sources d’approvisionnement en armes à feu au Canada.
Bon nombre d’armes sont liées à la culture. C’est essentiellement ce dont traite la mesure législative. Elle stipule que nous ne voulons pas d’une quelconque culture associée aux armes à feu au Canada. De la même manière, nous pouvons investir dans la réduction de la culture des armes à feu dans certaines sous-communautés du Canada où le simple fait de posséder une arme, ou ce que l’on appelle le « port » d’une arme à feu, fait tout simplement partie de la culture.
Le sénateur Oh : J’ai vu un documentaire de CBC où l’on voit des gens traverser la frontière québécoise entre les États-Unis et le Canada avec des sacs remplis d’armes de poing. Pensez-vous que nous devrions renforcer les contrôles aux frontières?
M. Leuprecht : Compte tenu de la longueur de la frontière, toute mesure d’application de la loi à la frontière ne sera pas particulièrement utile. En fin de compte, nous avons besoin de renseignements. Nous devons réduire la demande dans notre pays, en particulier dans les communautés à haut risque, comme celles qui gravitent autour des gangs. Je ne pense pas que nous devrions consacrer plus d’argent à l’application de la loi à la frontière, mais je pense qu’il existe d’importantes possibilités de coopération en matière de renseignement, en particulier avec nos partenaires aux États-Unis, qui ne sont pas activement exploitées.
Le sénateur Oh : Je vous remercie de vos réponses.
Le sénateur Kutcher : J’adresse la question suivante à Dr Langmann. Je m’excuse qu’elle soit longue et compliquée. Je vais la lire parce qu’elle concerne la précision et la recherche.
Comme vous le savez, une récente étude ontarienne a montré que deux tiers des décès liés aux armes à feu sont dus à des suicides et que 70 % de tous les décès liés aux armes à feu au Canada sont des suicides. Il est clair qu’il ne s’agit pas d’activités criminelles. De 2016 à 2020, environ 2 700 hommes au Canada sont décédés à la suite d’un suicide par arme à feu. Une étude prospective menée aux États-Unis et portant sur 26 millions de personnes a montré que les hommes qui possédaient une arme de poing étaient huit fois plus susceptibles de se suicider, et les femmes, 35 fois plus susceptibles de le faire. L’axiome de santé publique indique que l’accès à des moyens létaux est la première cause de décès par suicide.
Dans son résumé des preuves, l’école de santé publique de l’Université de Harvard contredit votre témoignage :
...les États dotés de lois sur les armes à feu plus strictes ont enregistré moins d’homicides et de suicides commis à l’aide d’une arme à feu, après la prise en compte de la pauvreté, du chômage, de l’éducation, de la race et des décès liés à des actes de violence non liés aux armes à feu.
C’est comme les décès par pendaison, par exemple.
Ils ont remarqué ce qui suit :
Certaines évaluations des politiques en matière d’armes à feu sont conçues pour garantir qu’aucun effet ne sera constaté.
Ils ont également noté que « les résultats d’une étude boiteuse ne devraient pas avoir d’incidence sur les politiques. »
Le rapport du Rand Institute intitulé What Science Tells Us About the Effects of Gun Policies, ou Ce que la science nous révèle sur les effets des politiques relatives aux armes à feu, qui a été publié en janvier 2023, souligne que différents types de mesures législatives ont différents types d’effets. Les auteurs du rapport ont déclaré ce qui suit :
L’absence de preuves concernant une loi peut découler du fait que la loi n’a pas été étudiée ou qu’elle ne l’a pas été correctement...
Ils ont également noté qu’une mauvaise méthodologie aboutit à des conclusions erronées.
Dans votre mémoire, vous avez déclaré que vos conclusions étaient « fondées sur une analyse et des informations statistiques solides ».
J’ai lu l’article que vous avez publié dans la revue scientifique PLOS ONE et qui est intitulé « Effect of firearms legislation on suicide and homicide in Canada from 1981 to 2016 », ou Effet des lois sur les armes à feu sur les suicides et les homicides au Canada de 1981 à 2016, sur lequel votre témoignage est fondé. Comme je ne voulais pas l’examiner moi-même en préparation pour la séance du comité, j’ai demandé à des experts de le faire à ma place. Voici en partie ce qu’ils ont déclaré. La méthodologie présente de nombreux problèmes. Je n’en citerai que quelques-uns. L’application de la méthodologie de la différence dans la différence est incorrecte. Un autre problème est lié au fait que l’hypothèse de transposition parallèle que vous utilisez n’est pas respectée dans l’ensemble des données. L’hypothèse de traitement de valeur unitaire stable n’est pas non plus respectée.
Ils ont souligné que — et les sénateurs le verront parce que je leur distribuerai ces informations —, dans la figure 1 de votre document, vous montrez une nette diminution des suicides par arme à feu chez les hommes et les femmes de 1980 à 2016. Toujours dans votre document, vous montrez, dans la figure 2, une nette diminution des homicides commis à l’aide d’une arme à feu chez les hommes et les femmes. Ils ont indiqué ce qui suit :
La conclusion selon laquelle le renforcement des lois sur les armes à feu ne réduit ni les suicides ni les homicides n’est pas étayée par les preuves présentées par l’auteur.
Puis ils ont dit ce qui suit :
Les tendances ne mentent pas, mais l’auteur a procédé à des analyses complexes et avancé des hypothèses douteuses pour construire un modèle qui lui permet d’arriver à la conclusion souhaitée.
Pourriez-vous réagir à ces préoccupations?
Dr Langmann : Il y a deux éléments différents. Premièrement, la mesure législative adoptée n’a aucun effet sur les taux d’homicide. Je vous invite à communiquer avec moi par téléphone ou par messagerie électronique afin de discuter de ces questions. Vous présentez quelque chose auquel je ne peux pas vraiment répondre parce que je ne l’ai pas vu. Cependant, je ne suis pas le seul à montrer que la mesure législative n’a pas eu d’effets bénéfiques. J’ai soumis un mémoire portant sur d’autres études canadiennes qui démontrent la même chose que moi. Lorsque vous utilisez une méthodologie de la plus grande qualité — mes études ont été incluses dans une analyse publiée dans le Canadian Medical Association Journal et classées comme des études de la plus grande qualité parmi toutes les autres études qui ont été réalisées dans notre pays. Si l’on examine ces études, on constate qu’il n’y a pas de lien entre la réduction des homicides et la mesure législative sur les armes à feu, si l’on utilise l’analyse des séries chronologiques. Maintenant, pourquoi utilisons-nous...
Le président : Je suis désolé de vous interrompre. Je vous ai donné un peu plus de temps pour répondre. Si vous voulez en reparler plus tard, nous pouvons le faire, mais nous devons avancer.
Dr Langmann : Monsieur le président, je viens essentiellement d’être insulté, et je ne peux pas répondre à ces insultes.
Le président : Vous aurez peut-être l’occasion de le faire en répondant aux prochaines questions, mais nous devons passer à autre chose.
[Français]
La sénatrice Gerba : Ma question s’adresse à M. Leuprecht. Vous avez mentionné dans votre propos introductif que la majorité des armes à feu saisies provenait des États-Unis — à peu près 90 %. Ainsi, le projet de loi C-21 se tromperait de cible en se concentrant sur la situation au Canada, et non sur nos voisins du Sud. Selon vous, quelles mesures ou dispositions pourraient être prises pour régler cette situation? Est-ce qu’il y aurait des solutions ou des pistes de solution?
C’est ma première question. En d’autres termes, comment pourrait-on améliorer le projet de loi C-21 pour régler cette question?
M. Leuprecht : Je vous remercie de votre intervention et de votre question, qui est très importante. On cherche tous à réduire le mal qui est fait avec les armes à feu, y compris la question précédente, mais on ne peut pas le réduire le mal actuel avec un projet de loi. Quant à la situation avec notre voisin, les États-Unis, les dynamiques individuelles des suicides ne peuvent pas être réglées par des lois; on peut les régler avec une bonne politique publique et un bon investissement dans les ressources qui sont à notre disposition.
Je crois qu’une collaboration plus efficace avec la police fédérale en particulier et un service de renseignement fédéral avec une meilleure capacité sur les armes à feu feraient beaucoup plus pour imposer des contraintes au fléau sérieux causé par des individus, des groupes et même des vendeurs d’armes à feu que j’ai bien documentés dans mes recherches et mes articles. Cela aura plus de retombées que de cibler des personnes qui détiennent des armes à feu de façon parfaitement légale.
Je crains que ce projet de loi n’apporte encore plus de division et de polarisation et qu’il mette en cause la crédibilité des institutions démocratiques au sein d’un groupe qui a déjà beaucoup d’hésitations pour ce qui est du gouvernement fédéral. Je crains vraiment que ce projet de loi, au contraire, ne soit instrumentalisé pour mettre en cause la crédibilité non seulement du gouvernement fédéral, mais aussi des institutions comme les services de renseignement, les services de l’ordre ou la police. Si on regarde l’expérience de la GRC avec les armes à feu, je dirais que des investissements dans la réforme de la GRC apporteraient beaucoup plus de retombées que ce projet de loi.
[Traduction]
Le président : Je vous remercie infiniment de votre réponse.
Le sénateur Yussuff : Chers témoins, je vous remercie de votre présence.
Docteur Langmann, je ne sais pas si vos recherches et vos données pourraient faire la lumière sur la question que je vais poser, mais je voudrais savoir si vos recherches révèlent quelque chose à propos des armes de poing légales volées. J’ai lu une statistique selon laquelle près de 9 000 armes de poing ont été volées entre 2001 et 2006, et la plupart d’entre elles n’ont jamais été retrouvées. Vos recherches indiquent-elles où ces armes ont pu se retrouver dans la société canadienne?
Dr Langmann : C’est une question à laquelle il est extrêmement difficile de répondre, car nous ne disposons pas de toutes ces données. Un grand nombre de ces armes à feu sont manquantes.
La question est de savoir si la mesure législative qui a été présentée dans le passé — et qui ressemble à la mesure législative à venir — a réduit de quelque manière que ce soit les homicides commis à l’aide d’une arme à feu, les homicides entre conjoints ou même les homicides de masse. La réponse est non. Les restrictions concernant la possession d’armes à feu semi-automatiques, dont bon nombre ont été interdites dans les années 1990, et les restrictions concernant la possession de certaines armes de poing, dont bon nombre ont été interdites dans les années 1990, n’ont eu aucun effet bénéfique en ce qui concerne les homicides commis à l’aide d’une arme à feu. La mesure législative actuelle propose le même type d’interdiction. Je ne vois pas comment cette mesure pourrait avoir un effet à l’avenir.
Le sénateur Yussuff : Ma question ne portait pas sur les homicides. Je voulais simplement savoir si vous disposiez de données concernant l’endroit où ces armes de poing volées ont pu aboutir.
J’ai une brève question complémentaire à poser au Dr Langmann. En ce qui concerne le projet de loi C-21, y a-t-il des dispositions dans le projet de loi que vous considérez comme dignes d’une politique publique en ce qui concerne leur objectif?
Dr Langmann : Peut-être les seules dispositions sur les armes dites « fantômes ».
Je ne pense pas qu’il y ait quoi que ce soit dans la mesure législative qui soit bénéfique. Les lois qui permettent une intervention rapide en cas de comportement alarmant, que j’utilise moi-même occasionnellement — parmi toutes les personnes que vous avez reçues ici, je suis probablement l’une des seules à utiliser cette mesure législative en ma qualité d’urgentologue. Je vois ces situations tout le temps. À l’heure actuelle, la loi en vigueur est facile à utiliser. Il pourrait être utile d’insérer dans la mesure législative une certaine protection pour les médecins, les infirmières ou les travailleurs de la santé qui signalent un patient. Cependant, d’après mes études, les lois qui permettent une intervention rapide, ne présentent aucun avantage. Dr Wintermute a étudié la question en Californie, et les lois de l’État qui permettent une intervention rapide n’ont pas non plus apporté d’avantages.
Le sénateur Yussuff : Je vous remercie.
Le sénateur Cardozo : Je tiens à exprimer mes condoléances à la famille du sénateur Ian Shugart. En plus d’être un collègue au Sénat, il a servi le Canada avec distinction en tant que haut fonctionnaire, et c’est à RHDCC que je l’ai rencontré pour la première fois. Il est clair que nous avons perdu un brillant fonctionnaire aujourd’hui.
J’adresse ma question à l’un ou l’autre de nos témoins. J’entends votre forte objection au projet de loi. Cette question fait en partie suite à celle du sénateur Yussuff. Y a-t-il des parties de la mesure législative qui vous semblent utiles, en particulier en ce qui concerne la violence entre partenaires intimes? Il s’agit d’un problème qui continue de s’aggraver bien que nous en soyons devenus beaucoup plus conscients et que nous nous soyons montrés disposés à en parler au cours des dernières années et décennies. Nous ne semblons pas être en mesure de maîtriser le problème ou de le réduire de manière substantielle. Y a-t-il des éléments du présent texte de loi qui vous semblent utiles dans ce domaine?
M. Leuprecht : Il s’agit d’un sujet très important. Bien sûr, je ne suis pas au courant de tous les mémoires qui ont pu être présentés, mais je n’ai pas connaissance d’un service de police de notre pays qui ait demandé l’adoption de cette mesure législative pour pouvoir réduire la violence entre partenaires intimes. La violence entre partenaires intimes est un problème grave, mais comme l’a déjà souligné le groupe d’experts précédent, les instruments à la disposition des forces de l’ordre, en ce qui concerne les armes à feu, sont déjà nombreux et semblent fonctionner parfaitement. Je dirais que si l’on veut réduire la violence entre partenaires intimes, nous devrions peut-être envisager d’assouplir les restrictions à la mise en libertésous caution et examiner les personnes qui s’en prennent à d’anciennes victimes. Cela pourrait avoir une incidencebeaucoup plus importante que ces conversations superficielles sur la manière dont nous pourrions modifier les mécanismes des lois sur les armes à feu et, ce faisant, diaboliser quatre millions de Canadiens respectueux de la loi.
Le sénateur Cardozo : Je ne crois pas que vous ayez eu l’intention de dire que la situation actuelle fonctionne parfaitement.
Dr Langmann : Le problème, c’est que les armes à feu sont utilisées dans moins de 1 % des cas de violence entre partenaires intimes. Le partenaire en danger fait face au plus grand danger au moment où il est sur le point de partir. Selon ce que je vois sur le terrain, l’offre de refuges pour femmes et d’endroits où les gens peuvent se rendre est très faible et limitée.
Comme l’a mentionné mon collègue, la deuxième question est de savoir ce que nous devons faire des personnes qui sont sous le coup d’une ordonnance d’interdiction d’avoir des armes à feu. Il est très facile pour la police de confisquer ces armes à feu. Je vois cela se produire. J’ai moi-même signalé le problème au contrôleur des armes à feu. Mais quelles mesures prenons-nous réellement pour nous assurer que quelqu’un ne va pas acheter des armes ou traquer cette personne?
Il serait peut-être bon d’envisager des approches concrètes sur le terrain plutôt que des mesures législatives édifiantes qui auront des répercussions surtout sur les personnes qui ont déjà fait l’objet d’une vérification de leurs antécédents. Vous parlez d’une population canadienne dont les antécédents ont été vérifiés et qui sont très peu susceptibles de commettre des actes de violence. Vous essayez d’obtenir un petit avantage pour ce groupe et vous ne vous concentrez pas sur le groupe qui pose problème et qui n’a déjà pas le droit de posséder des armes à feu ou d’obtenir un permis d’armes à feu. Oui, de temps en temps, il arrive qu’un propriétaire d’arme à feu commette un crime, mais c’est extrêmement difficile à prévoir, et c’est extrêmement rare.
[Français]
Le sénateur Dagenais : J’ai quelques questions pour M. Leuprecht.
Monsieur Leuprecht, pouvez-vous nous donner votre opinion, positive ou négative, sur les dispositions du projet de loi C-21? A-t-on vraiment besoin d’une loi ou d’investissements dans les services de police pour lutter contre les armes illégales? Je crois que le projet de loi C-21 n’aura aucun effet dissuasif sur le crime organisé.
M. Leuprecht : Merci, sénateur Dagenais. Pour préciser, en réponse à la question du sénateur Cardozo, je dirais que les instruments à la disposition de la police actuellement semblent fonctionner pour ce qui est d’atteindre les objectifs. Toutefois, pour ce qui est des conséquences que mon collègue a mentionnées, il y en a plusieurs avenues dans lesquelles le gouvernement pourrait investir afin de garder la population en sécurité.
Sénateur Dagenais, en ce qui concerne le projet de loi C-21, il semble manquer, en particulier en Ontario et au Québec, la présence de la GRC pour assurer le contrôle des armes à feu. Il règne le plus grand flou à travers la frontière, y compris pour ce qui est des armes à feu. C’est la Sûreté du Québec et la Province provinciale de l’Ontario qui font tout le travail, étant donné l’absence quasi complète de la GRC dans ces dossiers. On parle des deux provinces où la population est la plus importante et qui sont les plus proches des grands centres américains d’où il est assez facile d’importer des armes.
Il serait utile d’avoir une implication beaucoup plus systématique de la GRC pour coordonner le renseignement. La police provinciale a ses limites. Elle peut se coordonner avec les forces policières des États américains, mais elle ne peut pas le faire avec ses partenaires fédéraux. Il nous faudrait donc un engagement beaucoup plus important de la part de la GRC, en particulier pour cibler l’Ontario et le Québec, de même que les grandes villes de ces deux provinces. Cela donnerait plus de résultats que la discussion que nous avons actuellement au sujet du projet de loi C-21.
Le sénateur Boisvenu : Ma question s’adresse également à M. Leuprecht.
Hier, le ministre de la Sécurité publique du Québec, M. Bonnardel, a annoncé un investissement de 28 millions de dollars dans les prisons du Québec pour mettre fin au fléau des drones. Le ministre a qualifié la prison de Bordeaux de « deuxième aéroport de Montréal ». C’est tout dire.
Le Syndicat des agents correctionnels du Canada demande depuis huit ans des outils fiables et performants pour empêcher l’entrée d’armes illégales dans les pénitenciers. Or, le gouvernement s’apprête à dépenser 1 milliard de dollars pour acheter des armes légales. Ne croyez-vous pas, dans les circonstances, que le gouvernement fait fausse route dans ses priorités?
M. Leuprecht : Comme vous le savez, honorables sénateurs, le gouvernement actuel affronte une situation fiscale très difficile. Il faut donc être très prudent avec l’investissement des fonds publics. Il me semble que cette somme de 1 milliard de dollars pourrait être dépensée de façon beaucoup plus efficace et économique, avec bien plus de retombées, plutôt que d’acheter des armes à feu auprès des détenteurs d’armes légales au Canada.
[Traduction]
La sénatrice Dasko : Je vais rebondir sur les commentaires en réponse à la question du sénateur Cardozo sur la violence conjugale et le commentaire voulant que la police ne demande pas les dispositions de signalement contenues dans le projet de loi C-21. Nos deux témoins, assurément, doivent être au courant — ou sont sans doute au courant — des nombreux cas dont nous entendons parler de policiers qui ne tiennent pas compte des avertissements et permettent aux individus de garder leurs armes, malgré des facteurs de risque clairs qui sont connus de la police, y compris des cas où l’agresseur peut être assujetti à une ordonnance de non-communication. Je dirais que c’est la raison pour laquelle les partisans du contrôle des armes à feu veulent que les policiers bénéficient de moins de pouvoir discrétionnaire et souhaitent le genre de mesures qui se trouvent dans le projet de loi C-21. J’aimerais avoir l’opinion de l’un ou l’autre de nos témoins à ce sujet.
M. Leuprecht : Sénatrice Dasko, à titre de membre d’une commission d’un service de police, permettez-moi de dire que le présent gouvernement a déjà transféré aux collectivités des coûts importants liés à la sécurité publique. Vous pouvez voir dans le budget des services de police de Kingston ce qu’il en coûte simplement pour pouvoir continuer à faire ce qu’ils font. Ce projet de loi imposera de nouvelles exigences dont les coûts devront être assumés par les collectivités, avec bien peu d’effets, et si nos forces de police n’arrivent pas à atteindre les objectifs que vous avez énoncés, c’est parce qu’elles sont déjà débordées, qu’on leur en demande trop et qu’elles sont sous-financées pour ce qu’on attend d’elles.
Si le gouvernement est prêt à transférer aux provinces la péréquation des coûts pour s’assurer que les coûts des décisions, comme ce projet de loi, sont adéquatement financés par les provinces afin que les municipalités puissent récupérer ces coûts du gouvernement fédéral, alors je serais heureux de vous voir, sénatrice, appuyer toutes les lois que vous souhaitez, pourvu que ma collectivité n’ait pas à financer ces coûts à même les impôts locaux.
La sénatrice Dasko : Vous n’êtes donc pas en désaccord avec la prémisse de ma question, alors, n’est-ce pas?
M. Leuprecht : Nous vivons dans une démocratie, alors vous avez le droit de décider.
La sénatrice Dasko : Non, au sujet du fait que les policiers, dans de nombreux cas, ne tiennent pas compte des avertissements et ne prennent pas de mesure. Je comprends que vous êtes d’accord avec la prémisse de ma question, et que vous soulignez, sans doute, une raison pour laquelle ils ne le font pas. Vous êtes d’accord, donc, avec ce que je dis, n’est-ce pas?
M. Leuprecht : Pourquoi ne demanderions-nous pas aux chefs de police au pays s’ils sont d’accord avec votre affirmation, et s’ils croient que ce que vous proposez est une mesure efficace pour lutter contre les problèmes dans ces circonstances particulières?
Je dirais que ce n’est sans doute pas le bon instrument et qu’exiger encore plus des policiers et de les diaboliser pour ne pas appliquer les lois existantes... Sénatrice Dasko, tous les policiers que je connais font de leur mieux, tous les jours, dans les situations les plus difficiles qui soient, et le présent gouvernement leur complique la tâche. Sénatrice Dasko, il est inacceptable de dire que les policiers ne font pas leur travail.
La sénatrice Dasko : Je ne diabolise pas les policiers. Je vous remercie.
Le président : Nous allons en rester là. Chers collègues, c’est tout le temps que nous avions avec nos témoins.
Je tiens à remercier sincèrement M. Leuprecht et le Dr Langmann. Nous vous sommes très reconnaissants de votre contribution aujourd’hui. C’est une question importante et vous nous avez aidés énormément. Nous vous en remercions. Nous apprécions votre travail et vous souhaitons une bonne continuation.
Chers collègues, avant de lever la séance, j’aimerais attirer votre attention sur le tout dernier rapport du Sous-comité des anciens combattants dont nous avons discuté lors de la réunion de lundi dernier. Vous devriez tous avoir reçu une copie révisée. Cela étant dit, et étant donné que vous avez cette version en main, êtes-vous prêt à adopter le rapport?
Des voix : Oui.
Le président : Êtes-vous d’accord pour adopter le rapport provisoire du Sous-comité des anciens combattants dans les deux langues officielles?
Des voix : Oui.
Le président : Êtes-vous d’accord pour que le président soit autorisé à déposer le rapport au Sénat ou auprès du greffier du Sénat dans les deux langues officielles à la première occasion et à demander une réponse complète et détaillée du gouvernement?
Des voix : Oui.
Le président : Êtes-vous d’accord pour que 24 heures avant sa publication, le rapport soit remis sous embargo à des journalistes ciblés?
Des voix : Oui.
Le président : Chers collègues, je vous remercie. C’est ce qui met fin à notre réunion aujourd’hui.
Nous reprendrons notre examen du projet de loi le lundi 30 octobre à 15 heures, heure normale de l’Est, à la salle C128. Je vous remercie encore une fois de votre participation. Je vous souhaite à tous un bon après-midi, en dépit des circonstances difficiles aujourd’hui.
(La séance est levée.)