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SECD - Comité permanent

Sécurité nationale, défense et anciens combattants

 

LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE LA SÉCURITÉ NATIONALE ET DE LA DÉFENSE

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le lundi 4 avril 2022

Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd’hui, à 14 heures (HE), par vidéoconférence, afin d’examiner, pour en faire rapport, les questions concernant la sécurité nationale et la défense en général.

Le sénateur Tony Dean (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense.

Je m’appelle Tony Dean, et je suis sénateur de l’Ontario et président de ce comité.

Je suis accompagné aujourd’hui de mes collègues du comité, le sénateur Jean-Guy Dagenais, qui représente le Québec et qui est également vice-président du comité; la sénatrice Dawn Anderson, qui représente les Territoires du Nord-Ouest; le sénateur Pierre-Hugues Boisvenu, qui représente le Québec; la sénatrice Gwen Boniface, qui représente l’Ontario et qui est une ancienne présidente du comité; la sénatrice Donna Dasko, qui représente l’Ontario; la sénatrice Mobina Jaffer, qui représente la Colombie-Britannique; le sénateur David Richards, qui représente le Nouveau-Brunswick; le sénateur Hassan Yussuff, qui représente l’Ontario.

Les personnes qui participent virtuellement à la réunion sont tenues de mettre leur microphone en sourdine en tout temps, sauf si le président les nomme. Tous seront responsables d’activer et de désactiver leur microphone durant la séance.

J’aimerais aussi rappeler à tous les participants que les écrans Zoom ne peuvent pas être copiés ou photographiés. Vous pouvez utiliser et diffuser les délibérations officielles, qui sont disponibles à ces fins sur le site Web SenVu.

Aujourd’hui, nous accueillons par vidéoconférence la ministre de la Défense nationale, Anita Anand. Elle se joint à nous aujourd’hui pour nous expliquer les enjeux actuels liés à la sécurité nationale et à la défense de façon générale.

La ministre est accompagnée du sous-ministre Bill Matthews, du général Wayne Eyre, chef d’état-major de la défense, du colonel Robin Holman, juge avocat général par intérim, et de Shelly Bruce, chef du Centre de la sécurité des télécommunications.

Merci à tous d’être parmi nous aujourd’hui.

Madame la ministre, je voudrais tout d’abord vous remercier au nom des Canadiens et en mon nom pour le travail acharné que vous accomplissez chaque jour en notre nom. Cela s’applique assurément à votre portefeuille actuel, mais aussi à l’important portefeuille dont vous étiez responsable auparavant. Nous vous sommes tous très reconnaissants de ce travail et de votre présence aujourd’hui. Je vous invite maintenant à prononcer la remarque liminaire.

L’honorable Anita Anand, c.p., députée, ministre de la Défense nationale : Merci beaucoup, monsieur le président, et merci aux membres du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense.

[Français]

Bonjour. Lorsque j’ai été nommée ministre de la Défense nationale, on m’a donné un vaste mandat : faire en sorte que les organisations relevant de ma compétence soient équipées pour protéger le Canada et ses intérêts, en collaboration étroite avec nos alliés et nos partenaires à l’échelle mondiale.

[Traduction]

Au regard des événements des six dernières semaines, ce travail est d’autant plus urgent. L’invasion non provoquée et injustifiée de l’Ukraine par la Russie et les efforts de Vladimir Poutine pour diviser et déstabiliser les pays aux vues similaires nous rappellent que ce conflit ne se déroule pas aussi loin que nous pourrions l’espérer. Nous devons mettre les outils en place pour protéger le Canada et le continent tout en étant parés à aider nos amis et nos alliés.

Vu les énormes défis que nous avons à relever, nous devons honorer notre engagement international envers nos alliés et nos partenaires au nom de la paix, de la sécurité, de la liberté et de la démocratie, tout en protégeant les frontières du Canada et les Canadiens.

Je sais que les personnes qui servent dans les Forces armées canadiennes sont les éléments les plus précieux et les plus essentiels de la défense du Canada. La force de l’armée canadienne est tributaire du bien-être des personnes qui y travaillent. Tout ce que nous faisons, de l’approvisionnement aux soins de santé en passant par le changement de culture, doit être centré sur les gens qui, chaque jour, font passer le service avant leur propre personne : les membres des forces armées.

Au cours des prochaines minutes, je voudrais vous parler des progrès que nous réalisons vers l’atteinte de nos priorités. Mon exposé sera divisé en trois volets : premièrement, le multilatéralisme; deuxièmement, la protection au pays; troisièmement, le soutien des membres des forces.

[Français]

Multilatéralisme : en réponse à l’attaque de l’Ukraine par la Russie, nous avons fourni à l’Ukraine une aide militaire de plus de 100 millions de dollars, ainsi qu’un soutien financier et humanitaire important, en collaboration avec Affaires mondiales Canada.

Nous avons également contribué à renforcer la résilience de l’Ukraine dans le cyberespace, en collaboration avec le Centre de la sécurité des télécommunications.

En dehors de l’Ukraine, nous continuons aussi de collaborer étroitement avec nos alliés de l’OTAN pour aider à protéger l’Europe centrale et l’Europe de l’Est au milieu de cette crise.

[Traduction]

Dans le cadre de ces engagements, nous déployons en ce moment jusqu’à 460 membres additionnels du personnel en Europe, ce qui porte à environ 1 375 le nombre total de membres des Forces armées canadiennes déployés à l’appui de l’opération Reassurance, notre plus grande opération internationale. Le Canada compte 3 400 membres des forces armées prêts à être déployés, au besoin, au sein de la Force de réaction de l’OTAN. Nous savons que l’approche multilatérale est le seul moyen d’affronter les défis les plus considérables en matière de défense et de sécurité, et nous avons montré que nous ne resterons pas les bras croisés alors que certains essaient de semer la division et la discorde.

Protection au pays. L’environnement actuel de la défense et de la sécurité met également en évidence la nécessité d’en faire plus pour renforcer les capacités de défense au Canada et dans l’ensemble de l’Amérique du Nord. Pour ce faire, nous allons, dans les prochains mois, présenter un programme robuste d’investissements qui permettra de renforcer nos capacités de défense continentales en étroite collaboration avec les États-Unis.

Les efforts de nos deux pays pour maintenir la sécurité à l’intérieur de leurs frontières et à l’échelle du continent sont étroitement imbriqués, notamment grâce au Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord, ou NORAD, et aux efforts que nous déployons conjointement dans la région de l’Arctique. Il est important que nous restions des partenaires à part entière et que nous répartissions nos efforts dans une multiplicité de domaines, y compris le cyberespace.

[Français]

Dans cette optique, nous nous assurons donc que notre personnel du Centre de la sécurité des télécommunications (CST) est habilité à accomplir son travail essentiel visant à protéger le Canada contre diverses cybermenaces.

Au cours de la dernière année, le CST a été autorisé à mener des opérations ayant pour but d’entraver les activités d’adversaires étrangers dans le cyberespace.

[Traduction]

Soutien des membres des forces. Pour mener à bien tous ces projets, il nous faut la contribution d’un nombre suffisant de personnes bien équipées, diversifiées et résilientes pour mener les opérations et réagir en temps de crise.

En réponse aux répercussions de la COVID-19 sur l’état de préparation des Forces armées canadiennes, sur les efforts de recrutement et sur la mise sur pied d’une force, le chef d’état-major de la défense, le général Wayne Eyre, qui m’accompagne aujourd’hui, a lancé un programme de reconstitution à l’échelle des Forces canadiennes.

Un élément clé de ce programme est de faire en sorte que nos milieux de travail soient exempts de harcèlement, de discrimination, de violence et d’inconduite sexuelle. Voilà pourquoi nous avons mis sur pied l’an dernier le groupe du Chef — Conduite professionnelle et culture. Ce groupe dirigé par la lieutenante-générale Jennie Carignan est chargé d’unifier et d’intégrer les efforts de changement de culture dans l’ensemble des forces armées afin de créer un environnement exempt d’inconduites sexuelles et d’autres comportements inacceptables.

Nous nous préparons également à accepter, plus tard cette année, le rapport final de l’ancienne juge à la Cour suprême, Louise Arbour. Dès que Mme Arbour aura déposé son rapport, nous mettrons en place les conditions qui nous permettront de donner suite à ses recommandations et d’éliminer les inconduites sexuelles et le harcèlement dans les Forces armées canadiennes.

[Français]

Nous savons qu’un milieu de travail sain est essentiel à notre réussite.

Monsieur le président, en conclusion, dans un monde incertain et en mutation, le Canada doit demeurer une force de stabilité. Nous devons faire tout notre possible pour appuyer nos alliés et partenaires sur la scène internationale — surtout en temps de crise.

[Traduction]

Nous devons nous assurer que notre organisation est en mesure de protéger le Canada contre ces menaces qui planent désormais dans des domaines traditionnels et non traditionnels.

Toutes ces mesures visent à mettre en place un effectif motivé et dévoué, dont les membres se sentent bien outillés pour faire leur travail en toute sécurité. Comme ministre, j’ai hâte d’aider cette organisation à relever tous les défis qui l’attendent.

Merci, meegwetch. Je serai heureuse de répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup, madame la ministre. Passons maintenant aux questions.

J’aimerais préciser que la ministre sera avec nous jusqu’à 15 heures. Nous essayerons d’allouer du temps à chaque membre du comité pendant cette première heure. Un deuxième tour de questions avec les fonctionnaires se tiendra de 15 heures à 16 heures. Quatre minutes seront allouées à chaque question et réponse. Je vous invite à formuler des questions succinctes pour que nous ayons le plus d’interventions possible.

J’aimerais offrir la première question au vice-président du comité, le sénateur Dagenais.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci, madame la ministre. Je vais vous aviser que je siège au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense depuis 10 ans, et vous allez comprendre ma question.

J’aimerais savoir comment la lumière est soudainement apparue pour que vous annonciez l’achat d’avions F-35, car c’est toujours le même avion dont il a été question sept ans auparavant. Il y a sept ans, votre premier ministre avait dit « jamais » aux F-35. Qu’est-ce que qu’il a compris en 2022 qu’il ne comprenait pas en 2015? Durant toutes ces années, je dois vous avouer que nous avons perdu sur le plan militaire.

Mme Anand : Merci pour votre question, et je comprends bien votre questionnement. Cela est très important. La chose la plus importante est le processus; ça, c’est la différence. La dernière fois, ce n’était pas un processus où on pouvait appeler plusieurs fournisseurs avec plusieurs possibilités d’avoir un contrat. Cette fois-ci, Services publics et Approvisionnement Canada a mené un processus avec plusieurs fournisseurs et c’est un processus rigoureux.

[Traduction]

À la fin du processus, qui n’est pas encore terminé, nous pourrons retenir un fournisseur qui a répondu aux critères rigoureux de 13 équipes d’analystes réparties dans quatre ministères. Au terme de ce processus, nous saurons quel est le meilleur avion au meilleur prix pour les Canadiens.

J’ai avec moi le sous-ministre de la Défense, Bill Matthews, qui était sous-ministre à Services publics et Approvisionnement Canada avant de se joindre à moi à la Défense. Je l’inviterais à ajouter quelques mots au sujet de ce dossier.

[Français]

Bill Matthews, sous-ministre, ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes : J’aimerais ajouter un point. Après avoir finalisé les résultats, nous avons deux fournisseurs qui sont qualifiés. Nous devons procéder à la négociation pour finaliser un contrat avec Lockheed Martin et c’est un travail que nous venons de commencer.

Le sénateur Dagenais : Madame la ministre, on parle de Lockheed Martin. Est-ce que vous ou votre premier ministre avez eu des rencontres avec les lobbyistes de Lockheed Martin et si oui, combien avez-vous eu de rencontres avec les lobbyistes de Lockheed Martin?

Mme Anand : Je n’ai pas eu de rencontres avec ce fournisseur ou avec d’autres. Ce n’est pas mon rôle. Ce n’était pas un processus politique, pas du tout. J’ai connu le nom du fournisseur justement lundi dernier, juste avant la conférence de presse que nous avons eue à ce sujet.

[Traduction]

Le président : Merci, madame la ministre. Nous devons passer à la question suivante.

La sénatrice Anderson : La section de votre lettre de mandat portant sur la souveraineté dans l’Arctique et le Cadre stratégique pour l’Arctique et le Nord indique que les communautés autochtones et du Nord sont véritablement consultées sur la mise en œuvre du cadre et qu’elles retirent des avantages de ce travail. Pourriez-vous nous expliquer comment vous vous y prenez pour consulter de manière authentique les communautés autochtones et du Nord sur les questions de défense et de sécurité et du développement de l’Arctique de sorte que ces communautés soient bien informées et consultées et qu’elles retirent des avantages de ces projets? Merci.

Mme Anand : Merci de votre question. Évidemment, la protection de l’Arctique, particulièrement dans le contexte changeant de la menace, demande la mise en place de capacités de défense solides au pays et sur le continent, mais comme vous l’avez mentionné, ma lettre de mandat demande la tenue de consultations. En fait, je crois que nous devons consulter les peuples autochtones pour poursuivre le processus de modernisation de l’Europe et pour assurer notre défense continentale. Je suis donc entrée directement en contact avec les parties concernées, dont M. Natan Obed. J’ai participé à de nombreuses conversations dans le souci de mener des consultations véritables avec les parties concernées du Nord. Je vais continuer à tout mettre en œuvre pour mobiliser les communautés autochtones partout au pays, notamment dans le Nord.

En fait, je compte me rendre dans le Nord. J’ai demandé aux premiers ministres des territoires et à M. Obed de m’aider à mettre au point un processus de consultation efficace et authentique.

Je ne prétends pas connaître ce processus. Je crois que d’établir une marche à suivre fait partie du processus de consultation. Je sais que mon ministère collabore de très près avec les peuples autochtones. J’inviterais le sous-ministre, M. Bill Matthews, à expliquer en quoi consiste cette collaboration.

M. Matthews : Merci, monsieur le président. Je vais aborder deux points très brièvement. Selon la planification de la modernisation du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord, des travaux sont menés actuellement pour maintenir le système actuel afin de procurer des avantages aux peuples nordiques. Nous travaillons avec diligence pour que toutes les parties concernées soient au courant des possibilités économiques et obtiennent leur juste part de contrats. Il y a eu des nouvelles récentes sur ce front également.

Mme Anand : Je vais ajouter quelques éléments. Je crois que M. Matthews veut aussi parler du contrat de 600 millions de dollars accordé à la société Nassittuq, fournisseur autochtone de services d’entretien du Système d’alerte du Nord. Voilà le type de collaboration que nous voulons poursuivre pour que les communautés autochtones fassent partie du processus.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Bienvenue, madame la ministre. C’est avec un grand plaisir que nos concitoyens des Forces armées canadiennes accueillent votre nomination à la tête de cet important ministère.

J’aimerais faire un commentaire à la suite de votre réponse au sénateur Dagenais. Ce que M. Trudeau déclarait en 2015, ce n’était pas que le processus n’était pas correct, mais c’était que l’efficacité de l’avion ne satisfaisait pas à la protection de l’Arctique.

Ma question porte toutefois sur un autre sujet. Lors du dernier voyage de Mme Joly en Europe, où elle aurait rencontré les dirigeants de l’OTAN pour discuter de la participation canadienne aux efforts financiers de l’OTAN, on était à 1,3 % ou 1,4 % de contribution, alors qu’elle devrait être à 2 % du PIB. Est-ce que Mme Joly se serait entendue avec l’OTAN pour, plutôt que de contribuer à 2 %, accepter au Canada 10 % des citoyens qui ont fui l’Ukraine, c’est-à-dire, 400 000 personnes. Est-ce que cette information est vraie?

[Traduction]

Mme Anand : J’aimerais que nous distinguions au moins deux volets dans notre engagement envers l’OTAN. Tout d’abord, il y a l’engagement concernant la cible de 2 % du PIB prévu dans l’entente signée par les membres au pays de Galles, que le premier ministre Harper a défendu. Ensuite, il y a les contributions en nature que le Canada continue à apporter à l’OTAN.

Je vais maintenant parler de chacun de ces deux volets. Premièrement, nous augmenterons nos dépenses pour la défense de 70 % entre 2017 et 2026. L’acquisition de 88 nouveaux chasseurs à réaction, que nous avons annoncée et dont nous avons discuté la semaine dernière, s’inscrit dans notre politique de la défense « Protection, Sécurité, Engagement » — une partie des fonds sont déjà affectés — de même que l’achat de 15 navires de combat de surface, de six patrouilleurs de l’Arctique et patrouilleurs au large, de deux navires de soutien interarmées et de sous-marins de la classe Victoria. Pour 75 % des projets entrepris dans le cadre de Protection, Sécurité, Engagement, la phase de mise en œuvre est terminée ou presque terminée, et nous prévoyons dépenser environ 1,36 % du PIB dans la défense au cours de l’exercice actuel. Les dépenses augmenteront de...

Le président : Nous avons encore perdu le son. Nous n’avons pas entendu les cinq ou six dernières secondes.

Mme Anand : J’expliquais que la politique Protection, Sécurité, Engagement allait entraîner une augmentation de 70 % des dépenses militaires sur une période de neuf ans. De nombreux processus d’approvisionnement continu seront mis en œuvre pour l’achat notamment de 15 navires de combat de surface, de six patrouilleurs de l’Arctique et de patrouilleurs au large, de deux navires de soutien interarmées, de 16 aéronefs de recherche et de sauvetage à voilure fixe, de même que de sous-marins de la classe Victoria. Ces processus d’approvisionnement s’inscrivent dans la politique Protection, Sécurité, Engagement, dont la phase de mise en œuvre de 75 % des projets est terminée ou presque terminée.

Autrement dit, les dépenses en défense continueront à augmenter au cours des prochaines années. En outre, concernant l’OTAN, n’oublions pas que le Canada est le sixième contributeur au programme d’investissement financé conjointement par les pays membres. Nous avons également pris plusieurs engagements en nature vis-à-vis l’organisation. Par exemple, nous avons récemment indiqué et réactivé notre engagement dans le cadre de l’opération REASSURANCE en nous engageant à déployer jusqu’à 460 militaires additionnels au flanc oriental de l’OTAN, en Lettonie, où nous dirigions le groupement tactique de présence avancée renforcée et où nous avons des capacités dans les airs, en mer et sur terre.

Ce qu’il faut retenir, c’est que notre engagement est multifactoriel. Nous consentons des efforts dans de multiples domaines. Nous augmentons non seulement nos dépenses en défense, mais aussi nos contributions en nature à l’OTAN avec nos 3 400 militaires prêts à répondre à l’appel de l’organisation. Le chef d’état-major de la défense, le général Eyre, pourra vous donner plus de détails sur notre contribution militaire.

Le président : Nous reviendrons sur le sujet lors du prochain tour de questions. Nous devons passer à la question suivante.

La sénatrice Jaffer : Madame la ministre, j’aimerais vous souhaiter la bienvenue au Sénat du Canada. C’est un réel honneur pour moi de vous accueillir à ce comité. J’ai assuré la présidence de ce comité pendant de nombreuses années et je n’ai jamais vu un ministre offrir spontanément de venir nous parler. C’est une première et je suis très heureuse que ce soit vous qui le fassiez.

J’ai deux questions. La première porte sur le racisme, et la deuxième, sur le harcèlement. Vous avez dit, madame la ministre, que nous devions protéger les Canadiens. Je sais que vous êtes d’accord pour dire que nous devons, pour cela, être représentatifs de l’ensemble de la population canadienne, et non pas d’un seul groupe, et que nous devons soutenir la diversité, comme vous l’avez dit, pour éliminer la discrimination. Laissez-moi vous faire part d’un pan de mon expérience. Lorsque j’étais envoyée spéciale du Canada au Soudan, j’ai souvent voyagé avec des membres des forces armées. J’ai eu l’occasion, dans le cadre de mes fonctions, de discuter avec de jeunes militaires, qui m’ont dit qu’ils avaient souvent vécu des incidents de racisme, mais qu’ils ne pouvaient déposer de plainte nulle part sans craindre de rater certaines promotions.

Madame la ministre, depuis votre entrée en fonction comme ministre de la Défense, avez-vous parlé aux membres de la diversité dans les forces armées?

Mme Anand : Merci de votre question. Je vous dirai que c’est un honneur pour moi de me présenter, pour la première fois, devant votre comité et les sénateurs du gouvernement. Merci à vous de me recevoir.

C’est également la première fois qu’on me pose une question sur la discrimination raciale. Je trouve frappant que ce soit une autre femme issue d’une minorité visible qui me la pose. Alors, merci de cette question.

Ma grande priorité comme ministre de la Défense nationale est de promouvoir un environnement de travail inclusif, respectueux et diversifié qui permette à tous ceux qui enfilent leur uniforme pour venir travailler de se sentir en sécurité, protégés et respectés.

J’ai communiqué avec de nombreux membres des forces armées. J’ai parlé avec des survivants et des victimes d’agressions sexuelles, par exemple, ainsi qu’à des femmes issues des minorités visibles. Je crois que ces démarches font partie de mon travail quotidien. Pour faire avancer l’inclusion et la diversité dans les organisations, ces valeurs doivent être adoptées par les dirigeants de chaque niveau hiérarchique. Je me sens privilégiée de travailler avec un leadership qui valorise l’inclusion et la diversité comme je le fais.

En tant que femme appartenant à une minorité visible, vous pouvez comprendre qu’il ne s’agit pas simplement d’une case que nous pouvons cocher lorsque nous avons ces conversations. Pour moi, être une Canadienne racialisée signifie que, chaque jour de travail, j’adopte le principe selon lequel il faut faire en sorte que chacun se sente inclus dans le cadre du travail que nous accomplissons. C’est un enjeu, un combat constant que je prends extrêmement au sérieux. Qu’il y ait un problème ici ou à l’étranger, nous ne devons jamais perdre de vue l’importance de l’égalité dans notre pays, au sein de nos institutions et, bien sûr, au ministère de la Défense nationale.

Merci.

La sénatrice Dasko : Soyez la bienvenue, madame la ministre. Merci d’être avec nous aujourd’hui. Nous sommes très heureux de vous voir. J’ignorais que d’autres ministres avaient dû venir contre leur gré; je vais devoir demander à la sénatrice Jaffer de m’en dire plus à ce sujet.

Je crois que la situation la plus grave à laquelle nous faisons face actuellement, c’est celle de l’Ukraine. Madame la ministre, je veux vous demander ce qui va se produire selon vos responsables militaires et vous. J’aimerais que vous nous disiez, si vous le pouvez, quels sont les scénarios qui pourraient se produire. Quel est l’enjeu final? Que va-t-il se passer? À quoi vous attendez-vous précisément et à quoi vous préparez-vous? Je sais que la situation change presque quotidiennement, mais où en sommes-nous à ce jour, de votre point de vue?

Mme Anand : Je vous remercie de la question et de l’invitation.

Seul Vladimir Poutine sait ce que Vladimir Poutine a l’intention de faire. C’est clair. Notre approche consiste à bien nous préparer à toute éventualité. Voilà pourquoi, même avant l’autre invasion de l’Ukraine, nous avions accru notre engagement dans le cadre de l’opération Unifier. Nous nous étions engagés à fournir de l’aide létale et non létale, et nous avions fait en sorte que cette aide soit sur place avant le 22 février, là encore, avant le début de la nouvelle invasion.

Comme je l’ai dit, notre objectif est de défendre les principes de sécurité, de souveraineté et de stabilité pour l’Ukraine en lui fournissant toute l’aide que nous pouvons. De mon côté, cela comprend six tranches d’aide militaire qui totalisent plus de 110 millions de dollars, ainsi qu’un engagement ferme à l’égard du partenariat avec l’OTAN et nos alliés, ce qui implique le respect des principes de dissuasion et de défense sur lesquels l’alliance est fondée.

Les Forces armées canadiennes ont joué un rôle d’une importance indéniable dans la préparation des Ukrainiens à ce combat. Depuis 2015, dans le cadre de l’opération Unifier, les Forces armées canadiennes ont entraîné plus de 33 000 soldats ukrainiens, dont 2 000 membres de la garde nationale de l’Ukraine.

Ces compétences s’exercent au sein des forces armées ukrainiennes à l’heure actuelle, et nous poursuivrons notre engagement dans l’opération Unifier lorsqu’il sera possible de le faire.

Tout cela pour dire, en réponse à votre question, que nous devons être prêts à toute éventualité, car il y a beaucoup d’incertitude dans le monde. Le nombre de situations extrêmement difficiles qui se produisent en Ukraine nous impose de prêter main-forte à nos alliés, et c’est exactement ce que nous faisons. Merci.

Le président : Merci, madame la ministre.

Le sénateur Yussuff : Merci, madame la ministre, d’avoir pris le temps de vous joindre à nous, ainsi que des efforts constants que vous déployez en tant que ministre de la Défense.

Comme vous et le gouvernement l’avez souvent dit, la modernisation du NORAD est une priorité pour le gouvernement. Bien sûr, depuis, une déclaration commune a été publiée en août 2021. Pouvez-vous nous parler des progrès qui ont été accomplis depuis la déclaration commune et nous dire quelle a été la nature de l’engagement avec l’administration Biden jusqu’ici, depuis la déclaration commune?

Mme Anand : Merci beaucoup. Vous avez tout à fait raison de parler de la déclaration commune d’août 2021. Depuis que je suis ministre de la Défense, je me suis entretenue à quelques reprises avec mon homologue le secrétaire à la Défense Lloyd Austin sur la question de la modernisation du NORAD, mais aussi de la défense continentale en général.

Nous travaillons avec les États-Unis afin d’assurer l’interopérabilité et la compatibilité de nos systèmes et de faire en sorte que nos systèmes servent la défense continentale à long terme.

C’est pourquoi, dans le budget de 2021, nous avons investi 252 millions de dollars sur cinq ans pour appuyer la modernisation, notamment la recherche liée à la connaissance de tous les domaines, le maintien du Système d’alerte du Nord, ainsi que la modernisation des communications longue distance et du radar transhorizon, ou système OTHR.

L’Arctique continuera d’être un élément central des efforts de modernisation du NORAD. Nous poursuivrons notre collaboration, comme je l’ai dit, avec nos partenaires autochtones, provinciaux et territoriaux. Je sais que le chef d’état-major de la défense s’est rendu récemment au Colorado, au quartier général du NORAD. Il a peut-être quelque chose à ajouter. Général Eyre?

Général Wayne Eyre, chef d’état-major de la défense, ministère de la Défense nationale et Forces armées canadiennes : Merci, madame la ministre, et merci pour la question.

Ce fut instructif de me rendre à Colorado Springs, la semaine dernière, car la menace envers notre continent est bien réelle et elle évolue rapidement, comme en témoignent les progrès technologiques que réalisent nos adversaires relativement aux planeurs hypersoniques et à d’autres capacités qui pourraient nous atteindre et nous nuire ici, au pays.

Nous ne sommes plus autant en sécurité qu’auparavant en Amérique du Nord. Nous n’avons pas ce sentiment d’isolement par rapport au reste du monde. C’est pourquoi la modernisation du NORAD et la capacité de savoir ce qui s’approche de notre continent, de contrôler notre espace aérien et de comprendre ce qui se passe dans le domaine maritime sont de plus en plus importantes, alors que le monde devient un endroit plus dangereux.

Le sénateur Yussuff : Étant donné les défis qui se posent à nous relativement aux nouveaux missiles hypersoniques que la Chine et la Russie mettent au point, est-ce que ce sera une priorité absolue dans le cadre de la modernisation du NORAD?

Mme Anand : Nous nous concentrons toujours sur le contexte de la menace. Nous veillons constamment à ce que nos systèmes de défense puissent répondre dûment à la menace. C’est la raison pour laquelle la recherche liée à la connaissance de tous les domaines et au Système d’alerte du Nord de même que le maintien de ce système sont si essentiels. Général Eyre?

Le président : Je suis désolé, mais nous y reviendrons peut-être plus tard lorsque nous aurons plus de temps avec vous.

La sénatrice Boniface : Je vous remercie de votre présence, madame la ministre. Nous vous en sommes reconnaissants. J’ai déjà siégé au comité et je remplace aujourd’hui le sénateur Boehm.

J’ai siégé ici durant près de cinq ans, et j’aimerais parler surtout du soutien sur le terrain, votre troisième pilier.

Vous avez fait référence au rapport de l’ancienne juge de la Cour suprême Mme Louise Arbour. D’abord, pouvez-vous nous dire quand il pourrait être déposé? Ensuite, sur le plan des attentes, et je sais que vous ne savez pas encore ce que contiendra son rapport, mais pouvez-vous nous dire ce que vous espérez qu’il en ressortira, notamment sur le plan des recommandations?

Aussi, comment souhaitez-vous rassurer les Canadiens durant ce processus? Nous voyons depuis quelques années le soutien accordé sous différentes formes à ceux qui sont en première ligne. Pourtant, des problèmes semblent perdurer dans le comportement de membres des forces armées, pour qui j’ai le plus grand respect, quant à leurs fonctions, notamment. Je dois dire que je commence moi-même à me demander si la réforme requise peut être menée avec succès. Pourriez-vous me dire ce que vous en pensez, s’il vous plaît?

Mme Anand : Je vais d’abord répondre à votre dernière question concernant le fait de rassurer les Canadiens. Je parlerai ensuite de l’arrivée du rapport de Mme Arbour et des attentes que j’ai peut-être à cet égard.

Pour ce qui est de rassurer les Canadiens, je comprends que lorsqu’on est constamment confronté à un comportement irrespectueux et non inclusif, on remet en question la capacité de changer des institutions. Voilà pourquoi ma priorité absolue est de veiller à ce que, peu importe le rang ou la position de la personne, nous intervenions lorsque des allégations sont portées à notre attention.

C’est pourquoi nous établissons les priorités du travail au moyen de trois domaines d’effort: le soutien aux survivants, la reddition de comptes et le changement de culture. Comme je l’ai dit, dans notre dernier budget, nous avons consacré 236 millions de dollars à l’élimination de l’inconduite sexuelle et de la violence fondée sur le genre dans les Forces armées canadiennes.

Lorsque j’ai été nommée à ce poste, j’ai accepté la recommandation provisoire formulée par Mme Arbour de transférer les cas d’inconduite du système de justice militaire au système de justice civile. Nous avons adopté la Charte canadienne des droits des victimes. Nous avons le Centre d’intervention sur l’inconduite sexuelle, qui étend ses services et qui continuera d’améliorer les processus afin de répondre aux besoins des survivants. Nous modifions notre approche de sorte que les survivants se sentent soutenus à chaque étape. Nous mettons en place un système de gestion de cas afin que les cas fassent l’objet d’une enquête et qu’ils soient réglés rapidement. Nous augmentons le nombre de formations dispensées par des experts. Nous faisons en sorte qu’il y ait des mesures de soutien sur le terrain.

Tout cela est essentiel pour qu’un changement de culture ait lieu. Il n’y a pas de solution miracle qui permettra d’effectuer ce changement du jour au lendemain, mais comme je l’ai dit, je suis fermement résolue à opérer un changement de culture dans les Forces armées canadiennes et dans l’équipe de la Défense en général. L’équipe qui m’accompagne ici aujourd’hui et tous les jours est tout aussi résolue. C’est ma grande priorité, car sans ce changement de culture, nous ne pourrons pas bâtir des forces armées en mesure de continuer à défendre notre pays le plus énergiquement possible.

Voilà pour votre troisième question. Pour ce qui est du rapport final de Mme Arbour, nous nous attendons à le recevoir le 20 mai. Quant à mes attentes, sachez que j’ai eu régulièrement des rencontres avec Mme Arbour; je sais qu’elle a adopté une approche très approfondie et qu’elle a elle-même organisé un certain nombre de consultations et de rencontres. J’accorderai le plus grand respect à ses recommandations. Je suis impatiente de les recevoir et d’y donner suite.

Ce que nous devons tous nous rappeler, c’est que nous n’attendons pas de recevoir le rapport pour agir. Le temps presse, et c’est pourquoi nous sommes en train de mettre en œuvre les réformes dont j’ai parlé. Nous continuerons de vous informer des efforts que nous déployons à cet égard. Merci.

Le président : Merci, madame la ministre.

La sénatrice M. Deacon : Nous vous remercions tous sincèrement d’être ici avec votre équipe aujourd’hui. Votre présence est vraiment rafraîchissante et elle est grandement appréciée.

En présence de la ministre, je tiens à souligner que, pour nous aider à nous préparer à vous accueillir, à vous poser des questions et à vous écouter, les analystes de la Bibliothèque du Parlement ont accompli de l’excellent travail en nous expliquant votre organisation, les liens entre les lettres de mandat, et cetera. C’est très utile.

Je tiens donc à remercier M. Martin Auger, Mme Ariel Shapiro, Mme Katherine Simonds, Mme Anne-Marie Therrien-Tremblay et toute l’équipe. Ils ont aussi préparé d’excellentes questions.

Il y a à peine cinq ou six mois, vous êtes passée du milieu de l’approvisionnement à ce rôle de premier plan.

Depuis, il y a eu d’abord l’Afghanistan, et les problèmes persistants liés au travail là-bas sont très importants. Parallèlement, nous avons eu des problèmes sur le plan national avec les convois, puis, littéralement quelques minutes plus tard, il y a eu le conflit entre la Russie et l’Ukraine.

J’essaie de me mettre dans votre état d’esprit et celui de votre équipe et de comprendre comment votre travail a changé, en partie, mais pas exclusivement, à cause du conflit entre l’Ukraine et la Russie, avec ces événements survenus en si peu de temps, au cours des six derniers mois. J’aimerais que vous commenciez par nous en parler.

Mme Anand : Je vous remercie de la question. Je dirais que ce qui importe le plus, sur le plan de l’état d’esprit d’une personne dans ces rôles, c’est la détermination et la concentration dont on doit faire preuve chaque jour, car comme vous l’avez dit, les problèmes avec lesquels sont aux prises notre pays et notre gouvernement sont extrêmement graves. Si nous ne faisons pas preuve de détermination et de concentration, ainsi que de collaboration, nous serons incapables de trouver des solutions.

Pour répondre à votre question, je peux vous donner un exemple lié à l’approvisionnement, puis un exemple lié à la réponse concernant l’Ukraine.

Dès le début de la pandémie, en août 2020, nous avons reçu du Groupe de travail sur les vaccins contre la COVID-19 une liste de fournisseurs de vaccins avec qui nous devions faire affaire, et on nous recommandait de conclure des contrats avec Pfizer, Moderna et AstraZeneca, entre autres.

À ce moment-là, tous les pays du monde tentaient de signer des contrats avec ces mêmes fournisseurs. À SPAC, mon équipe et moi étions résolues à faire en sorte que le Canada soit l’un des premiers pays à en arriver à des ententes avec ces grands fournisseurs. Nous avons conclu sept ententes avec eux en très peu de temps, car nous avons travaillé pratiquement 24 heures sur 24. Comme nous ne savions pas quel vaccin serait efficace, nous devions disposer d’une liste diversifiée de commandes de vaccins afin d’avoir immédiatement accès à celui qui serait approuvé le premier. Heureusement, nous avons pu conclure ces contrats. Lorsque Pfizer et Moderna ont obtenu un taux de réussite de 90 %, nous étions en bonne position pour permettre au Canada d’être l’un des premiers pays à avoir accès aux vaccins. C’est ce que notre détermination, notre concentration et notre collaboration nous ont permis de faire.

Pour ce qui est de l’Ukraine, c’est la même chose. Au début, alors que nous recevions des renseignements sur le déploiement de militaires russes à la frontière de l’Ukraine, nous nous sommes dit que nous devions pouvoir réagir à cela. Nous ne pouvions attendre qu’une invasion se produise. Qu’allions-nous faire?

Nous avons élaboré une approche. Nous nous sommes dit que l’opération Unifier, qui était menée depuis 2015, était un engagement incroyable durant lequel nous avions entraîné 33 000 soldats. Comment pouvions-nous renouveler notre engagement envers l’Ukraine? Comment pouvions-nous faire parvenir du matériel létal et non létal à l’Ukraine? Nous avons annoncé, comme je l’ai dit, l’envoi à l’Ukraine de six tranches d’aide militaire d’une valeur de 110 millions de dollars, et nous poursuivons nos efforts pour que davantage d’aide soit offerte.

Mon rôle consiste à veiller à ce que nous puissions continuer sur notre lancée également pour les enjeux à long terme: le changement de culture dans les Forces armées canadiennes, la modernisation du NORAD, la défense continentale, le recrutement et le maintien de l’effectif. Ce ne sont pas des enjeux ponctuels, mais à long terme. Pendant que nous nous occupons de l’approvisionnement en vaccins et de la guerre en Ukraine, nous ne pouvons pas oublier le long terme.

Comme je le disais, l’avantage d’avoir une excellente équipe, c’est qu’on se sent bien soutenu, et c’est vraiment ce que je sens comme ministre. J’espère que vous le constaterez au cours de la prochaine heure, lorsque vous poserez des questions à mes collaborateurs. Merci.

Le président : Merci beaucoup, madame la ministre.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Madame la ministre, en 2017, le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense a déposé un rapport dans lequel on exprimait nos préoccupations concernant les besoins urgents en matière d’équipement pour nos forces militaires. Avez-vous pris connaissance de ce rapport?

Mme Anand : Oui, j’en ai pris connaissance.

Le sénateur Dagenais : On parle d’il y a cinq ans. Pourquoi, depuis cinq ans, pas grand-chose n’a bougé quant aux besoins urgents en matière d’équipement des militaires?

[Traduction]

Mme Anand : Je sais que certaines personnes sont de cet avis, mais ce n’est pas mon cas. Je crois que nous avons fait de grands progrès sur ce plan pour les Canadiens, dans le cadre de notre politique de défense Protection, Sécurité, Engagement.

Comme je l’ai mentionné, nous augmentons nos dépenses en matière de défense de 70 % entre 2017 et 2026. Nous avons eu de nombreux processus d’approvisionnement fructueux, notamment pour les six navires de patrouille extracôtiers et de l’Arctique. Deux de ces navires ont été livrés, et un a fait le tour du continent nord-américain. Ils sont extrêmement importants pour notre défense, en particulier dans l’Arctique.

En outre — et j’en ai parlé en réponse à votre question précédente —, ce sont aussi 88 nouveaux avions de chasse, 15 navires canadiens de combat de surface, 2 navires de soutien interarmées, des sous-marins de la classe Victoria et 16 aéronefs de recherche et de sauvetage à voilure fixe. Ce sont là des approvisionnements qui sont en cours.

Je ne partage pas l’avis que vous avez exprimé dans votre question, à savoir que nous avons de la difficulté sur le plan de l’approvisionnement. Au contraire, nous continuerons de travailler pour les Canadiens dans le cadre de notre politique Protection, Sécurité, Engagement. Merci.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Les 98 avions de chasse n’ont pas été achetés et d’ailleurs, le contrat n’est pas signé.

[Traduction]

Mme Anand : Nous en sommes à la dernière phase de l’acquisition des 88 nouveaux avions de chasse. Nous en sommes là parce que nous avons mené un processus juste et efficace, capable de résister à la rigueur d’un examen ex post facto.

Contrairement au gouvernement précédent, qui était prêt à conclure un marché à fournisseur unique avec un soumissionnaire, nous avons fait ce qu’il fallait pour que ce processus ne soit pas politisé et qu’il ne soit pas fondé sur un seul soumissionnaire. À mon sens, voilà à quoi ressemble un bon processus d’approvisionnement pour ces avions de chasse, et c’est ce que nous sommes en train de concrétiser.

La sénatrice Jaffer : Madame la ministre, je voudrais vous poser une question au sujet du harcèlement sexuel. J’ai posé des questions à ce sujet il y a de nombreuses années, lorsque les ministres n’étaient pas aussi ouverts que vous l’êtes aujourd’hui.

Je me demandais si vous aviez examiné les méthodes utilisées dans d’autres pays qui pourraient nous aider ici à opérer un changement de culture relativement à l’inconduite sexuelle dans les forces armées.

Je veux revenir sur ce qu’a dit la sénatrice Boniface. Nous nous demandons souvent s’il y a vraiment un changement, selon ce que nous entendons. Avez-vous vérifié ce que font d’autres pays sur ce plan?

Mme Anand : Oui, bien sûr. Nous avons effectué une analyse comparative avec d’autres pays ayant des institutions comparables. Toutefois, je dois dire que la mise en œuvre d’un changement systémique au sein d’une institution ne se fait pas simplement en adoptant de nouvelles lois et de nouvelles politiques. La capacité de changer une culture repose sur les individus et sur leur volonté de changement à tous les échelons d’une organisation, quel que soit le pays où elle existe. Autrement dit, pour que les organisations changent véritablement, il faut que les gens le veuillent dans leur cœur et leur esprit, à mon humble avis.

Voilà pourquoi, avec le général Eyre, je me rends dans les bases du pays pour discuter avec les militaires des questions liées au changement de culture. Je crois qu’il existe une volonté de changement, que les Forces armées canadiennes servent très bien notre pays et qu’elles veulent continuer à le faire et à respecter les principes les plus rigoureux. J’ai vu de mes propres yeux cette volonté de changement, et ce, à tous les échelons de l’organisation.

Comme je l’ai dit, il s’agit d’un processus qui évoluera au fil des mois et des années, et non des jours, mais il nous oblige à y travailler chaque jour. J’ai déjà énuméré les divers éléments que nous sommes en train de mettre en œuvre, alors je ne reviendrai pas là-dessus. Je dirai simplement que le changement est possible, mais que nous devons rester engagés dans cette voie.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Encore une fois, madame la ministre, nous sommes très heureux de vous accueillir. Vous avez tout un défi devant vous, et notre collaboration vous est totalement assurée.

On n’a jamais assisté, au cours des dernières années, à autant de départs des forces armées. On pense ici aux femmes qui sont parties à cause de mauvais traitements dans le dossier de la violence sexuelle, et aussi à d’autres gens qui sont partis à cause du climat. Ces gens se retrouvent sous la gouverne d’un autre ministère : Anciens Combattants Canada.

Je suis vice-président du Sous-comité des anciens combattants. Nous sommes très préoccupés par le manque de communication entre le ministère de la Défense nationale et Anciens Combattants Canada. Souvent, pour ces gens qui passent de la vie militaire à la vie civile, il n’y a pas d’interrelation entre les deux ministères.

Je vais vous poser une question politique : ne croyez-vous pas que ces deux ministères devraient relever du même ministre pour que les militaires, après leur carrière, aient accès à la vie civile de manière plus harmonieuse? À l’heure actuelle, on les oublie complètement.

[Traduction]

Mme Anand : Je vais dire deux choses. D’abord, au sujet des ministres, je dirai que le ministre des Anciens Combattants est le ministre associé de la Défense nationale. Nous travaillons en collaboration. D’ailleurs, nous avons pris part ensemble à une réunion ce matin pour discuter de nos dossiers communs. Nous allons continuer de collaborer.

En ce qui concerne le recrutement et le maintien de l’effectif, je suis d’accord avec vous: nous devons donner la priorité aux efforts visant à instaurer un changement de culture. Voilà pourquoi nous avons lancé en 2022 une nouvelle stratégie de maintien en service des militaires, y compris ceux des groupes sous-représentés. En fin de compte, nous révisons l’instruction à tous les niveaux.

Nous avons récemment demandé 8,5 millions de dollars pour améliorer la rémunération, le recrutement et le maintien de l’effectif dans les Forces armées canadiennes, ainsi que des fonds pour la prestation de services de santé de qualité en temps opportun à tous les militaires, autrement dit, pour créer un environnement qui incitera les militaires à rester et qui attirera les Canadiens de tous les horizons.

Comme je l’ai dit, nous sommes dans une phase de reconstruction et de reconstitution des Forces armées canadiennes. Chaque jour, nos efforts visent à nouer des relations avec les collectivités du Canada pour recruter de nouveaux membres et accroître la représentation des groupes sous-représentés afin de bâtir des Forces armées canadiennes diversifiées, modernes et agiles. Merci.

La sénatrice M. Deacon : Merci. J’ai bien hâte que vous et votre équipe puissiez revenir nous parler du programme de reconstitution, entre autres.

Je voudrais revenir sur les commentaires selon lesquels nous ne sommes plus à l’abri, que notre continent est soumis à des risques de plus en plus élevés et que nous ne sommes plus autant en sécurité ici que nous l’aurions supposé, en tout cas depuis une dizaine d’années.

Dans cette optique, et en vous concentrant particulièrement sur les menaces liées à la cybersécurité, que pensez-vous des problèmes les plus urgents dans ce domaine? Je suis heureuse que cette discussion puisse être approfondie avec votre personnel après votre départ du comité. Merci.

Mme Anand : Merci pour votre question. Je vous encourage à solliciter l’avis de la cheffe Shelly Bruce, du Centre de la sécurité des télécommunications. Elle m’accompagne aujourd’hui pour répondre à vos questions sur cet enjeu.

Je m’en tiendrai à dire que son équipe au Centre de la sécurité des télécommunications, plus précisément le personnel du Centre canadien de réponse aux incidents cybernétiques, ont travaillé 24 heures sur 24, sept jours sur sept pour déceler les menaces et alerter les victimes potentielles au sein du gouvernement fédéral et des infrastructures essentielles du Canada. Par exemple, le Centre canadien de réponse aux incidents cybernétiques a alerté les exploitants des infrastructures canadiennes à propos des risques, en plus de leur prodiguer des conseils d’experts pour atténuer les répercussions de ces derniers dans le contexte des activités connues en matière de cybermenaces soutenues par la Russie. Nous sommes très conscients que nous avons besoin de mettre en place les outils requis pour surveiller et détecter les menaces potentielles, en plus de mener les enquêtes connexes afin de pouvoir prendre les mesures concrètes pour y répondre. Nous allons toujours veiller à alerter les organisations canadiennes, la population canadienne et les intervenants pertinents au sein du gouvernement chaque fois qu’il sera nécessaire de diffuser des conseils pour atténuer les risques ou des alertes relatives aux logiciels malveillants et autres tactiques, techniques et procédures potentiellement utilisés par des acteurs étrangers pour cibler les victimes.

Je suis très contente que vous ayez soulevé l’enjeu de la cybersécurité. C’est l’une des principales priorités sur laquelle nous allons continuer de centrer nos efforts à long terme, car c’est l’un des types de menaces qui touchent les pays en temps de guerre. Merci.

Le président : Le temps que nous avions à notre disposition pour discuter avec la ministre Anand est écoulé.

Madame Anand, au nom du comité, je vous remercie d’avoir pris l’initiative de communiquer avec nous pour participer à l’une de nos réunions. Nous vous sommes reconnaissants de nous avoir si généreusement offert votre temps et d’avoir répondu si ouvertement à nos questions, qui étaient très complexes malgré leur pertinence. Nous espérons que vous reviendrez parmi nous. Nous sommes impatients de collaborer avec les hauts fonctionnaires de votre ministère. Nous vous souhaitons, à vous et à toute votre équipe, la meilleure des chances. Encore une fois, merci de votre participation à cette rencontre.

Mme Anand : Je vous remercie énormément de m’avoir accueillie.

Le président : Honorables sénateurs, le général Eyre, le sous-ministre Matthews, le colonel Holman et Mme Bruce seront avec nous jusqu’à la fin de la réunion. Ils ont généreusement accepté de rester plus longtemps pour répondre à nos questions. Je sais que nous en avons beaucoup.

À partir de maintenant, je demanderais aux membres du comité qui prendront la parole d’identifier la personne à qui ils veulent adresser leur question, dans la mesure du possible.

Nous poursuivons maintenant avec le sénateur Yussuff, qui souhaite reprendre sa question à l’intention du général Eyre.

Le sénateur Yussuff : Le général se rappellera peut-être la question et la réponse qu’il voulait donner. Veuillez reprendre là où nous en étions. J’aurai ensuite un bref suivi à faire.

Gén Eyre : Monsieur le président, serait-il possible de répéter la question?

Le président : La question portait sur la nouvelle génération de la technologie des missiles, surtout les missiles hypersoniques. Je pense que le sénateur voulait connaître votre opinion sur cette technologie en ce qui concerne l’avenir. À quel point le Canada tire-t-il de l’arrière? Notre pays peut-il rattraper le devant de la file? Voilà, en gros, sur quoi portait la question.

Gén Eyre : Absolument. L’un des éléments clés de la modernisation du NORAD est d’investir dans la recherche et le développement parce que cette technologie progresse très rapidement.

Si nous examinons le contexte en matière de sécurité et les principaux facteurs de changement dans ce domaine, l’accélération des percées technologiques dans un certain nombre de secteurs clés nous montre où il faut demeurer au-devant du peloton. À titre d’exemple, les planeurs hypersoniques qui posent un grand défi sur le plan de la détectabilité. En effet, ils se déplacent si rapidement que l’espace de décision est réduit, ce qui signifie que les décideurs ont moins de temps pour déterminer les mesures à prendre et communiquer leurs décisions. Il faut donc accroître considérablement les investissements dans l’épine dorsale numérique afin que l’équipe du commandement et contrôle puisse exécuter son travail.

Le sénateur Yussuff : Ma question porte sur un autre aspect de la modernisation du NORAD. Quel échéancier le Canada et les États-Unis se sont-ils fixé pour terminer la modernisation du NORAD?

Gén Eyre : Monsieur le président, selon ce que j’en sais, aucun échéancier n’a été établi pour l’instant. Quand le volet politique aura été réglé, nous pourrons passer à l’étape des négociations. Le sous-ministre a peut-être une réponse plus éclairée à vous offrir.

M. Matthews : C’est un processus de longue haleine échelonné sur de nombreuses années. Évidemment, les échéances varieront en fonction des détails de chaque projet planifié. Il faut tenir compte du fait qu’il s’agit d’une initiative de grande envergure qui repose sur une étroite collaboration avec nos alliés afin d’établir la liste des priorités des plans détaillés à mettre en œuvre. C’est la réponse la plus précise que je peux vous offrir d’ici à ce qu’une décision officielle ait été prise.

Le président : Merci.

La sénatrice Jaffer : Ma question s’adresse au général Eyre. Général, je tiens à préciser que je suis originaire de l’Afrique et que les membres de ma famille, entre autres, me rapportent souvent des anecdotes à propos des membres des Forces armées canadiennes. L’une des choses les plus extraordinaires qu’ils font après leur journée de travail, dans leur temps libre, est d’aider à bâtir des hôpitaux et des orphelinats. Ils occupent une place importante au sein de la communauté. Général, c’est une source de grande fierté de savoir que nos militaires canadiens apportent une si grande contribution dans la communauté. Je vous prie de partager ce message à vos collègues de travail parce que ces militaires font un travail extraordinaire sur le terrain.

Général, vous avez entendu la question que j’ai posée à la ministre au sujet du racisme. Avant que je ne vous demande comment vous vous y prenez, personnellement, j’aimerais vous demander — dans le passé, j’ai posé des questions sur le harcèlement sexuel et j’ai appris que les Forces armées canadiennes avaient instauré le principe de la responsabilité du témoin. Est-ce que ce principe existe toujours et comment est-il appliqué?

Gén Eyre : Premièrement, je vous remercie de cette marque de reconnaissance et de votre question.

J’ai participé à de nombreuses missions de paix et autres opérations à l’étranger. J’ai été témoin de la générosité de nos militaires quand ils consacrent leur temps libre à la mise en œuvre de projets pour aider les communautés locales. Ils font preuve d’une grande générosité. Je considère que cette générosité est le reflet de la culture de notre pays dans nos forces armées.

En ce qui concerne le racisme, plus particulièrement la formation sur la responsabilité des témoins, c’est l’une des nombreuses initiatives sur lesquelles nous devons continuer de concentrer nos efforts. D’abord, les témoins doivent sentir qu’ils ont le pouvoir d’intervenir, de rapporter ce qui s’est passé et d’agir. Ils ont le devoir de faire quelque chose. Cette formation doit continuer d’être offerte, mais elle s’inscrit dans le volet plus global de l’inclusivité, une valeur que nous devons promouvoir. À court terme, nous allons diffuser une nouvelle éthique militaire dans laquelle l’inclusion occupera une place centrale parce que c’est essentiel de le faire. Si j’examine notre culture, l’un des aspects qui doivent changer est l’exclusion qui existe dans certaines strates de notre institution. L’une des solutions pour y remédier est de promouvoir l’inclusion afin d’attirer et de retenir en poste des candidats talentueux de tous les segments de la population canadienne, où toutes les personnes sentent réellement qu’elles ont une place, qu’elles peuvent apporter leur contribution et faire partie d’une équipe. Nous avons mis en place des mesures concrètes en matière d’inclusion, ce qui contribuera à lutter contre le problème de racisme que vous avez mentionné.

La sénatrice Jaffer : Je suis très heureuse d’entendre tout ce que vous faites. Je parle au nom d’une population diversifiée des Forces armées canadiennes. Attirer des candidats aux origines diverses est facile parce que vous allez dans les écoles, vous allez dans les cadets et vous leur parlez. Ils deviennent des membres très engagés au sein des Forces armées canadiennes. Ils m’ont témoigné que c’est un défi pour eux d’être reconnus et d’être promus et qu’ils estiment que c’est en raison de leurs origines.

Ce que j’aimerais savoir, c’est ce que vous faites concrètement pour intégrer les personnes qui me ressemblent et les maintenir en poste.

Gén Eyre : Je vous remercie de votre question. De nombreuses initiatives sont mises sur pied pour veiller à accroître l’équité, et l’esprit d’équité, que ce soit dans la composition des conseils de promotion et des conseils de succession afin d’améliorer ce que j’appelle la dimension humaine dans tous les aspects de la formation sur le leadership — comprendre l’intelligence émotionnelle, la dynamique du pouvoir, les préjugés conscients ou inconscients et être plus apte à satisfaire aux besoins qui en découlent. Il n’y a pas d’initiative unique et indépendante qui réglera tous les enjeux. De multiples initiatives sont mises en œuvre avec rigueur.

La sénatrice Anderson : J’ai une question ouverte, car je ne suis pas certaine de qui est le mieux placé pour y répondre. Compte tenu de l’urgence accrue en ce qui concerne la défense de la sécurité de l’Arctique et de la nécessité de faire en sorte que le Canada soit prêt à répondre aux menaces et aux avancées rapides dans le Nord, l’Assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest s’est penchée la semaine dernière sur les retards dans la construction du prolongement de la piste de l’aéroport d’Inuvik, un projet où le facteur temps est critique en raison des conditions météorologiques et des saisons dans l’Arctique. C’est un projet d’infrastructure critique qui ferait en sorte que cet aéroport devienne un emplacement d’opérations avancé.

Pouvez-vous nous fournir des renseignements sur les retards relatifs au prolongement de la piste de l’aéroport d’Inuvik? Quel est l’impact sur l’échéancier du projet? Par ailleurs, quelles sont les mesures provisoires entreprises dans la région d’Inuvik pour garantir l’accès aux infrastructures militaires et à l’espace opérationnel dont nous avons besoin d’ici à ce que le prolongement de la piste soit terminé?

M. Matthews : Je vais y aller en premier. C’est possible que le chef d’état-major ait quelque chose à ajouter; je m’en remets à son jugement.

Cette question couvre de nombreux aspects, alors je devrai probablement vous faire parvenir une réponse plus exhaustive par écrit après la réunion. Il ne fait aucun doute que le projet connaît des retards. Nous collaborons avec le gouvernement territorial et mes collègues qui sont sur place afin de déterminer la meilleure manière d’aller de l’avant, autant sur le plan de l’échéancier du projet que de son enveloppe budgétaire. Comme les membres du comité le savent, les projets de cette ampleur sont toujours complexes, mais ils sont encore plus complexes dans le Nord à cause de la saison courte, entre autres. Évidemment, nous reconnaissons l’importance du projet et la nécessité de revoir certains aspects, notamment les échéances. Nous procédons à cette révision à l’heure actuelle. Je ne suis pas en mesure de vous fournir de l’information précise sur le nouvel échéancier ou les détails du projet pour le moment. Toutefois, les plus hauts échelons examinent le dossier.

Le président : Sénatrice Anderson, voulez-vous poser une question complémentaire ou une nouvelle question?

La sénatrice Anderson : Je n’ai pas d’autre question, mais j’aimerais recevoir de plus amples renseignements par écrit.

Le président : Je suis convaincu que vous les recevrez. Merci.

La sénatrice Boniface : J’ai deux questions. La première s’adresse au général Eyre.

Je le répète, j’ai été choquée d’entendre les rapports sur certains incidents qui sont survenus dans une classe de recrues. Vous semblez être au courant; vous hochez la tête. Je suis étonnée que votre organisation se retrouve avec des difficultés à tous les échelons pour réaliser les progrès escomptés. Je comprends ce que vous essayez d’accomplir, mais je m’inquiète que votre organisation constate des problèmes dès les premiers jours suivant l’arrivée des recrues. J’aimerais savoir dans quelle mesure ces difficultés ont une incidence sur votre processus de recrutement et la manière dont vous vous y prenez pour attirer des candidats diversifiés.

J’aimerais ensuite poser une question à la cheffe Bruce quand vous aurez terminé de répondre. Je vous remercie de votre présence, général Eyre.

Gén Eyre : Je vous remercie de votre question. Je dois avouer que lorsque j’ai été informé de ce cas, j’ai été très déçu — déçu que des personnes puissent avoir cette attitude et ces fausses croyances de nos jours.

Il ne faut pas oublier que ce sont des recrues qui étaient arrivées cinq ou six semaines auparavant dans les forces armées. Comment pouvons-nous faire en sorte de déceler les candidats qui ont ces fausses croyances? C’est très difficile de le faire s’ils ne démontrent pas les comportements fautifs au préalable. C’est un aspect sur lequel notre groupe de recrutement se penche. La situation est loin d’être parfaite quand ces fausses croyances se retrouvent encore au sein de la société canadienne.

D’un autre côté, je me réjouis que le personnel et la chaîne de commandement aient pris des mesures concrètes quand ils ont réalisé qu’il y avait un problème. Ils se sont dit : « Bon, nous allons y mettre fin sur-le-champ. Nous allons passer à l’action, amorcer les enquêtes et faire ce qu’il faut. » Les responsables ont effectivement réalisé que ces comportements et fausses croyances sont incompatibles avec les valeurs que l’organisation veut promouvoir.

La sénatrice Boniface : Je vous souhaite la bienvenue, cheffe Bruce. Vous vous souviendrez que le projet de loi C-59, présenté lors de la législature précédente, vous octroyait des pouvoirs pour lancer des cyberopérations actives. Vous n’êtes probablement pas autorisée à me divulguer si ces pouvoirs ont été utilisés. Cependant, vous pourriez me dire si ces pouvoirs sont devenus un des outils efficaces parmi tous ceux à votre disposition pour défendre la souveraineté informatique du Canada.

Shelly Bruce, cheffe, Centre de la sécurité des télécommunications : Je vous remercie de votre question. Vous avez tout à fait raison. Ces mesures législatives nous conféraient les pouvoirs nécessaires pour mener des cyberopérations étrangères, qu’elles soient défensives ou actives. Je peux vous confirmer que des autorisations sont en vigueur pour ces deux types d’activités, mais je ne peux pas vous fournir des détails sur les aspects opérationnels ni la fréquence de toute opération.

Le président : Merci, cheffe Bruce.

La sénatrice Dasko : Je remercie tous les témoins de leur présence aujourd’hui. Ma question s’adresse au général Eyre et elle porte sur le problème du harcèlement sexuel, qui semble être un problème insoluble pour les forces armées.

Comme la ministre l’a déclaré, les politiques sont en place, mais il faut intégrer un changement de culture. J’aimerais prendre quelques instants pour approfondir ce point. D’après vous, comment un changement de culture s’opère-t-il? Quelles sont les étapes? Est-ce qu’on règle le problème en misant sur l’attrition des effectifs ou seulement sur le recrutement? Devez-vous centrer vos efforts sur certaines sections des forces armées? J’aimerais connaître votre point de vue sur la manière dont on réalise un processus de changement de culture. Merci.

Gén Eyre : Je vous remercie de la question. En ce qui concerne le changement de culture, j’admets d’emblée que je ne suis pas un expert et que je n’ai pas toutes les réponses. Nous avons sollicité des réponses au sein de l’organisation et auprès d’experts à l’extérieur de l’organisation afin d’obtenir de l’aide pour accomplir ce changement. En effet, nos antécédents sont sans équivoque et nous n’avons pas réussi à ce jour. Nous avons besoin de cette aide extérieure.

Deuxièmement, il faudra miser sur plus d’une initiative pour sortir de cette situation. Par contre, je pense que nous devons changer notre approche philosophique par rapport à celle que nous avions auparavant.

Par le passé, nous avons misé sur une approche fondée sur les règles, les règlements. Nous avons une liste exhaustive de règles et de règlements sur ce qui est interdit. Cette liste existe encore, mais nous devons la jumeler avec une approche fondée sur les valeurs. Il faut établir les valeurs auxquelles nous devons adhérer, que nous devons honorer et que nous devons intégrer dans notre mode de vie au quotidien. Ainsi, soit les membres honoreront les valeurs, soit ils devront subir les conséquences des règles et règlements en vigueur. Nous avons absolument besoin des deux volets. J’ai mentionné plus tôt la valeur de l’inclusion. Je le répète, je crois fermement que nous devons intégrer cette valeur et mettre en place des incitatifs pour y arriver. L’une des nombreuses initiatives qui ont été instaurées très récemment est la publication d’un guide pour évaluer les comportements inclusifs. Il sera aussi très important d’intégrer ces nouveaux comportements dans notre cadre d’évaluation — et de respecter ces paramètres de manière constante.

Je m’entretiens personnellement avec des survivants de façon régulière pour veiller à ce que les mesures mises en place soient adéquates aux yeux des survivants. Nous nous rangeons du côté de la cheffe de la conduite professionnelle et de la culture. Je peux vous assurer qu’il est super important, dans le contexte où notre organisation est confrontée à une suite de crises dans l’environnement de la sécurité, que notre organisation se consacre entièrement à apporter les changements essentiels pour l’avenir. Ce n’est pas une délégation de responsabilité, car la responsabilité incombe encore, au bout du compte, à la ministre, au sous-ministre et à moi-même. Il est primordial que notre organisation continue de faire preuve d’une excellence opérationnelle au nom des Canadiens tout en ne ménageant aucun effort, jour après jour, pour faire les changements nécessaires.

En terminant, je dirais que l’autre aspect qui permet d’apporter des changements durables dans notre culture organisationnelle est la mise en œuvre d’initiatives proposées par les échelons à la base de l’organisation — ce que je constate avec joie. Les jeunes militaires, les membres novices qui veulent changer, qui voient ce qui doit être changé et qui se sentent habilités à apporter les changements requis mettent en place des initiatives au sein de leurs unités respectives. Ainsi, ils appliquent des solutions adaptées aux problèmes à leur niveau. Par la suite, l’organisation essaie de porter attention aux initiatives efficaces afin de les intégrer à titre de meilleures pratiques.

J’espère que cela répond à votre question.

La sénatrice Dasko : Oui. Je vous remercie.

Le président : Sénateur Richards, je suis conscient que vous avez des difficultés à communiquer avec nous. Si vous le voulez, faites-nous parvenir une question par courriel et nous la soumettrons aux témoins en votre nom.

Le sénateur Richards : Je vais envoyer mes questions par écrit à la ministre puisqu’elle a déjà confirmé qu’elle y répondrait.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Bienvenue à nos invités. Ma question s’adresse au général Eyre. Général, comme vous le savez, notre comité a entrepris une étude très importante sur la sécurité et la défense dans l’Arctique. Cette étude nous permettra de faire un bilan des ressources dont disposent les forces armées pour remplir ce rôle.

J’aimerais connaître la situation en ce qui concerne les communications entre les Américains et les Canadiens. On sait que les Américains financent les dépenses liées à la protection du Nord à 60 %, alors que du côté du Canada, c’est 40 %. On sait également que les Russes comptent, depuis les dernières années, 18 bases militaires. Je pense que le Canada en compte trois. Si mon information est bonne, les Russes disposent en Arctique d’une vingtaine d’avions, d’une centaine de sous-marins et de 1 200 militaires, alors que nous n’en comptons qu’environ 90.

Pouvez-vous nous dire si le Canada a un plan d’action à court terme pour rattraper les Russes? Est-ce qu’il y a des discussions avec les Américains afin qu’ils financent une partie des dépenses qui devront être engagées pour mieux protéger l’Arctique?

Finalement, est-ce que le Canada a l’intention d’établir autant de bases militaires dans l’Arctique que les Russes en ont établi au cours des dernières années, afin d’assurer une présence accrue dans l’Arctique?

Gén Eyre : Je vous remercie de votre question. Je peux dire que nous travaillons toujours avec nos collègues américains. Nous venons de terminer deux exercices dans le Grand Nord avec les Américains, le premier en Alaska et le deuxième sur nos bases, dans le Grand Nord.

Vous avez parlé des infrastructures, ce qui est, selon moi, un grand défi pour nous.

[Traduction]

Nous n’arriverons jamais à rattraper la quantité d’infrastructures que les Russes ont dans le Nord. Étant donné les infrastructures limitées que nous avons mises en place dans le Nord et la nécessité de protéger notre souveraineté, nous devrons optimiser nos options en matière de déploiement.

Les Russes ont stationné des troupes de façon permanente dans le Nord. Je ne suis pas convaincu que c’est une solution viable pour nous. Je serais plutôt porté à croire que, si nous disposions d’une certaine quantité d’infrastructures sur lesquelles nous pouvons prendre appui, nous pourrions y déployer de façon continue des troupes des régions plus au sud et les diriger vers les endroits où la situation nécessite leur présence, par exemple, des sites additionnels pour les opérations avancées de nos jets participant au NORAD, lancer des opérations de recherche et sauvetage en fonction des situations émergentes, ou accroître les forces terrestres pour agir à l’égard des effets des changements climatiques ou intervenir lors des catastrophes naturelles qui en découlent. Je pense que votre question sur les infrastructures touche à un élément clé.

Le président : Je vous remercie de votre question et de votre réponse. Je cède maintenant la parole au sénateur Dagenais. Sénateur Dagenais, je vous prie de parler lentement parce que nous avons eu de la difficulté à bien entendre vos paroles.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Ma question s’adresse au général Eyre. Général, le Canada a envoyé deux navires en Europe pour participer aux forces navales de l’OTAN. J’aimerais que nous parlions des effectifs de la marine royale.

Pas plus tard que l’an dernier, on nous disait qu’il manquait environ 1 000 marins. Est-ce que le Canada est obligé d’abandonner, de réduire ou de refuser de participer à certaines opérations à cause d’un manque d’effectifs bien entraînés? Dans combien de mois ou peut-être même d’années pensez-vous pouvoir former de nouveaux membres pour la marine?

Gén Eyre : Je vous remercie de votre question. C’est la raison pour laquelle j’ai ordonné le plan de reconstitution des Forces armées canadiennes. Nous avons un manque de personnel, que ce soit dans la marine, dans l’armée ou dans la force aérienne.

[Traduction]

Pour chacune de nos missions, nous cherchons à trouver l’équilibre entre les besoins à l’étranger et ce que nous devons faire sur notre territoire pour reconstituer nos forces armées. En ce qui concerne le plan de reconstitution, il repose sur trois priorités.

La première, ce sont les gens. Il faut trouver des solutions aux problèmes relatifs à la culture que nous devons régler dans notre organisation. La deuxième, ce sont les opérations. Nous avons l’obligation de continuer de participer à des opérations au nom du Canada. La troisième, c’est la modernisation. Nous ne pouvons hypothéquer notre avenir en étant trop centrés sur le présent. En réalité, parmi les aspects les plus importants, on retrouve le leadership au niveau intermédiaire, la capacité de mise en œuvre et la capacité de changement.

Donc, chaque décision que nous prenons, que ce soit lancer une nouvelle formation ou déployer des capacités à l’étranger, nous gardons à l’esprit la reconstitution de notre organisation afin de trouver l’équilibre...

[Français]

— entre les trois priorités.

[Traduction]

La sénatrice M. Deacon : J’aimerais reprendre là où j’en étais avec la ministre lorsque nous avons parlé des risques en matière de cybersécurité, qui prennent de l’ampleur très rapidement à l’échelle nationale et internationale, et qui sont de plus en plus préoccupants. Pourriez-vous nous donner votre point de vue à ce sujet? Merci.

Mme Bruce : Merci beaucoup de la question. Vous avez tout à fait raison de souligner que la menace prend de l’ampleur. C’est ce que nous observons notamment avec l’augmentation du nombre d’intervenants, la complexité de leurs méthodes et les types d’activités qui sont menées. Les menaces peuvent survenir en tout temps, et notre mandat en matière de renseignement étranger et de cybersécurité nous permet de bien surveiller ce qui se passe, de préparer le Canada et de transmettre des renseignements dans ce domaine.

Nous notons ce que nous observons lors de nos évaluations des menaces à la sécurité nationale. La dernière évaluation visait surtout à établir quels sont les intervenants étatiques et à déterminer dans quelle mesure les menaces sont complexes et représentent un risque stratégique pour le Canada. Nous avons mentionné la Russie, la Chine, l’Iran et la Corée du Nord parmi les intervenants clés dans ce domaine, mais nous avons aussi constaté que ce sont plutôt les intervenants non étatiques — les cybercriminels — qui représentent la plus grande menace pour le Canada.

Vous devriez savoir que le recours à des rançongiciels fait partie de leurs tactiques de prédilection. Juste avant Noël, quatre ministres se sont joints à une sorte de campagne de sensibilisation sur les rançongiciels en publiant une lettre ouverte aux Canadiens et aux petites et moyennes entreprises afin de les prévenir de la menace et de les amener à rehausser le niveau de sécurité.

Nous tentons toujours d’en faire davantage pour éliminer les menaces. Nous avons pu neutraliser environ 12 000 entités qui peuvent, par exemple, se faire passer pour le gouvernement du Canada et propager de la fausse information ou tenter de tromper les Canadiens ou de les attirer dans divers espaces à des fins malveillantes. Nous tirons parti de notre accès privilégié à des sources de renseignement sur les menaces pour renseigner les entités commerciales de manière à ce qu’elles puissent prendre des mesures pour protéger leurs systèmes et transmettre l’information aux Canadiens.

En résumé, nous essayons surtout de mettre en pratique l’idée voulant que la meilleure façon de se défendre soit de prendre des mesures de protection, peu importe l’intervenant en cause, car même les mesures de cybersécurité les plus rudimentaires contribueront à rehausser le niveau de sécurité et à protéger la plupart d’entre nous contre toutes sortes de menaces.

Gén Eyre : Monsieur le président, je me permets de donner le point de vue des Forces armées canadiennes. Nous continuons également d’investir dans nos capacités en matière de cybersécurité. C’est absolument nécessaire, car la nature des conflits évolue, et on s’emploie de plus en plus à intégrer les cinq domaines d’opération, soit les domaines aérien, terrestre, naval, spatial et cyberspatial. Une telle intégration des opérations est très importante.

Nous investissons dans nos capacités de cybersécurité tant sur le plan défensif que sur le plan offensif. Ce n’est qu’un début, et nous travaillons en très étroite collaboration avec Mme Bruce et son équipe, mais c’est certainement un domaine en croissance au sein des forces armées.

Le président : Merci. Nous avons reçu, de la part du sénateur Richards, la question suivante qui s’adresse au général Eyre : Y a-t-il une division complète au sein des forces armées?

Gén Eyre : Monsieur le président, cela dépend de ce qu’on entend par division. Si c’est au sens conventionnel du mot, qui désigne une force opérationnelle composée d’un quartier général, de trois brigades et de troupes divisionnaires, je dirais que nous aurions beaucoup de difficulté à déployer de tels effectifs à l’étranger actuellement.

La difficulté se situe à l’échelle non pas des opérations des brigades, mais des troupes qui feraient partie de la division, comme les forces de défense aérienne basées au sol qui peuvent être jumelées à des forces de frappe de précision à longue portée. Cela dit, en cequi concerne le Canada ainsi que la plupart de ses alliés, à l’exception des États-Unis, la division est encore un élément structurel pertinent, mais moins que la brigade.

Dans les Forces armées canadiennes, l’entraînement se fait encore à l’échelle de la brigade. On maintient une brigade avec un haut niveau de préparation, avec tout ce qui s’y rattache.

Le président : Merci.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Ma question est pour le général Eyre. Général, selon nos informations, il manquerait dans les Forces armées canadiennes tout près de 12 000 hommes et femmes — ce qui est énorme — pour composer des brigades, comme vous venez de le mentionner. J’ai sans doute passé l’âge d’être une recrue dans les forces armées, mais à l’époque, il y avait beaucoup d’information dans les médias; il y avait des campagnes de promotion dans les écoles et les cégeps, parce qu’on sait que les forces armées donnent de très bons programmes de formation — cela est indéniable — autant dans l’aviation que dans la marine et l’armée de terre. Je ne vois plus ces publicités dans les médias traditionnels ou même dans les médias sociaux. Y a-t-il une stratégie au sein des forces armées qui sera déployée bientôt pour attirer les jeunes gens dans les forces armées?

Au Québec, 50 % des garçons ne terminent pas leurs études secondaires. À mon avis, les forces armées seraient une excellente option pour aller apprendre un métier ou une profession. Il y a des familles qui n’ont pas les moyens d’engager des frais pour encourager leurs enfants à poursuivre des études supérieures. Quand allons-nous voir une publicité vraiment forte pour attirer des citoyens et des citoyennes dans les Forces armées canadiennes?

Gén Eyre : Je vous remercie de la question. Premièrement, je voudrais me pencher sur le premier point.

[Traduction]

À l’heure actuelle, au sein des Forces régulières, il y a un manque à gagner d’environ 7 600 membres au chapitre des effectifs qualifiés requis. Voilà la situation dans les Forces régulières. Nous sommes dans cette situation parce que, pendant la pandémie, il y a eu une baisse du recrutement, alors que les besoins ont augmenté en raison des postes supplémentaires qui ont été créés dans le cadre de la politique de défense. C’est donc effectivement un problème de taille.

Deuxièmement, pour répondre directement à votre question, j’ai effectivement été informé récemment au sujet de la nouvelle campagne qui sera menée sous peu pour attirer des recrues. Elle cible les groupes de personnes que nous aimerions attirer au sein des Forces armées canadiennes, qu’il s’agisse de divers groupes de la société canadienne ou de gens occupant différentes professions.

Enfin, j’aimerais répondre à d’autres aspects de votre question en ce qui a trait au genre de personnes que nous attirons. Il ne faut pas oublier que bon nombre de domaines professionnels au sein des forces armées sont de nature très technique et exigent que le candidat possède un certain niveau d’études avant de pouvoir en faire partie. Il peut s’agir de personnes ayant un diplôme d’études secondaires, par exemple. Il est de plus en plus difficile d’attirer des gens pouvant occuper ces professions. C’est le cas notamment des techniciens dans tous les services. Nous devons cibler beaucoup plus le public auquel nous nous adressons.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Si on a de la difficulté à recruter les jeunes, parce que souvent il leur manque un diplôme d’études secondaires, les forces armées ne pourraient-elles pas mettre à niveau la formation des jeunes gens pour qu’ils puissent atteindre ce niveau minimal, soit une 12e année ou un cinquième secondaire, et ensuite les amener vers les métiers? Pourquoi ne pas faire ce pont dans les forces armées pour retenir plus de jeunes gens, qui à leur tour pourraient faire carrière dans les forces armées?

[Traduction]

Gén Eyre : Monsieur le président, je vais prendre la question en délibéré et demander à mon équipe de m’informer sur la viabilité de cette recommandation.

À mon sens, c’est une question de capacités. Nous devons nous demander combien de programmes nous pouvons offrir, compte tenu de nos capacités limitées.

Cela dit, tout au long de ma carrière, j’ai vu des gens qui sont entrés dans les Forces armées canadiennes sans diplôme d’études secondaires et qui ont terminé leurs études secondaires dans le cadre de leur service militaire. Il y a donc des possibilités à cet égard.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Je pense au Collège militaire royal de Saint-Jean à Saint-Jean-sur-Richelieu; je demeure tout près. C’est un collège qui peut accueillir près d’un millier d’étudiants — c’est un collège sous-utilisé. Si on a de la difficulté à attirer des jeunes vers des cours techniques, presque de niveau collégial, ne croyez-vous pas que les forces armées pourraient se donner des outils pour faire un pont entre des jeunes qui n’ont pas le minimum requis et les garder dans les forces armées? Votre problème de recrutement existera toujours si vous ne développez pas ce pont entre le minimum requis et ce que les jeunes ne disposent pas comme acquis.

Gén Eyre : Je vais demander à l’équipe, ici, d’étudier cette suggestion.

Le sénateur Boisvenu : Merci beaucoup, général.

[Traduction]

Le président : Madame Bruce, les Canadiens n’entendent pas souvent parler du Centre de la sécurité des télécommunications, et c’est probablement pour de bonnes raisons. J’aimerais que vous donniez aux membres du comité et aux Canadiens qui nous écoutent un aperçu de votre mandat et de ce que le gouvernement et les Canadiens attendent de vous, et que vous indiquiez par ailleurs dans quelle mesure votre centre communique de l’information avec d’autres organismes au Canada et à l’étranger, de façon générale. Je crois que cela intéresserait beaucoup les gens, et puisque vous êtes là, nous devrions en profiter pour tirer le plus d’information possible de votre témoignage.

Mme Bruce : Merci, monsieur le président.

Le mandat du Centre de la sécurité des télécommunications, ou CST, comporte cinq volets. Ce mandat, fortement axé sur le cyberespace, est établi dans la Loi sur le Centre de la sécurité des télécommunications, promulguée en 2019.

Le premier volet se rapporte aux activités de collecte de renseignements étrangers dans le cyberespace qui visent des entités étrangères à l’extérieur du Canada. C’est ce qu’on appelle couramment le renseignement électromagnétique.

Le deuxième volet consiste à défendre et à protéger les infrastructures canadiennes, soit les systèmes du gouvernement et des institutions fédérales et non fédérales. Cela nous permet de mettre en application certaines de nos connaissances spécialisées afin de protéger les secteurs des infrastructures essentielles au Canada.

Le troisième et le quatrième volets sont interreliés. Il s’agit des cyberopérations étrangères. Le troisième volet nous permet de mener des cyberopérations défensives pouvant neutraliser une menace à l’extérieur du Canada avant qu’elle se manifeste au Canada. Le quatrième volet nous permet de mener des cyberopérations actives. Il s’agit de mener des activités en ligne pour atteindre les objectifs stratégiques du Canada en ce qui a trait aux affaires internationales, à la défense et à la sécurité. Étant donné que ces deux volets visent des activités et des infrastructures à l’extérieur du Canada, les opérations doivent en quelque sorte être menées avec l’autorisation des deux personnes responsables, soit les ministres de la Défense nationale et des Affaires étrangères.

Le dernier volet de notre mandat consiste à fournir une assistance. Vous pouvez concevoir l’ampleur des connaissances et des capacités techniques que nous devons acquérir pour répondre aux quatre premiers volets de ce mandat. Nous nous efforçons de mettre cette expertise à la disposition d’autres organismes de sécurité nationale au Canada, comme le SCRS, ou des forces de l’ordre fédérales comme la GRC, mais aussi des Forces armées canadiennes. Comme le général Eyre l’a mentionné, nous avons d’abord comme mandat de mener des cyberopérations. Cela nous permet ensuite de réutiliser certaines de nos capacités et de nos connaissances spécialisées pour aider les autres intervenants que j’ai mentionnés.

Comme vous pouvez le constater, c’est un mandat en cinq volets bien équilibré. Les volets sont très interdépendants. Il y a évidemment beaucoup de mesures de contrôle. Les approbations nous sont accordées par la ministre de la Défense nationale, mais nos activités sont aussi passées en revue par le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement ainsi que par l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement. Ils doivent se pencher sur toutes nos activités.

Dans le deuxième volet de votre question, vous avez demandé dans quelle mesure nous communiquons de l’information. Nous avons des ententes d’échange de renseignements très rigoureuses au sein des organismes de sécurité et de renseignement. Les organismes de notre portefeuille travaillent en très étroite collaboration avec les Forces armées canadiennes, mais aussi, comme je l’ai mentionné, avec le SCRS, la GRC et l’Agence spatiale canadienne. De nombreux autres intervenants canadiens peuvent bénéficier des renseignements que nous communiquons, mais aussi des conseils et des recommandations que nous offrons en matière de cybersécurité.

Il n’y a pas vraiment d’organisme que nous n’aidons pas, car nous défendons les systèmes du gouvernement du Canada. Puisque tous les ministères cadrent dans ce mandat, nous partageons les alertes avec chacun d’eux.

Nous collaborons très étroitement avec nos alliés, notamment le Groupe des cinq, pour partager des renseignements et des stratégies commerciales, et pour mettre en commun les connaissances issues de projets de recherche et de développement.

Bien sûr, il existe un réseau quasi mondial d’EIUI, c’est-à-dire d’équipes d’intervention en cas d’urgence informatique. Chaque pays en a une. Nous sommes l’EIUI pour le Canada. Nous devons faire partie de ce grand réseau pour pouvoir partager des astuces et des alertes concernant les cyberincidents avec tous les pays du monde. Je pourrais continuer.

Le président : C’est parfait. Merci. C’est ce que je voulais savoir. J’apprécie grandement votre réponse.

Le sénateur Yussuff : Ma question d’adresse à M. Matthews. Nous aurons des défis à relever dans l’acquisition de nouveaux équipements qui répondent aux besoins des Forces armées canadiennes pour la prochaine période. Un des défis auxquels nous sommes confrontés en tant que pays est, bien sûr, la livraison des équipements en temps utile, mais tout aussi important, bien sûr, est le respect des coûts fixés par le gouvernement et le ministère. À maintes reprises, nous avons été confrontés à des dépassements de coûts et à des retards dans la livraison des équipements que nous essayions d’obtenir.

Pourriez-vous nous éclairer sur ce qu’on a appris et sur la manière dont il faut mettre en place les mécanismes pour garantir que nous ne verrons pas les problèmes se répéter à mesure qu’on essaie d’obtenir d’autres équipements? Les F-35 sont au sommet de la liste. Nombre de navires n’ont pas été livrés à temps et les dépassements de coûts ont été courants. Comment donner aux Canadiens l’assurance que nous allons faire mieux lorsqu’on achète de nouveaux équipements à l’avenir?

M. Matthews : La question comporte plusieurs points auxquels j’aimerais répondre. Il est difficile d’aborder l’approvisionnement de manière générique, mais j’emploierais un autre mot qu’« approvisionnement ». Je dirais plutôt « acquisition de capacités », car je pense que lorsqu’on utilise « approvisionnement », on se concentre trop sur le processus concurrentiel qui vise le contrat. Or le processus débute bien avant cela. Il s’agit vraiment de définir le point de départ : nous commençons par définir une capacité dont les Forces armées canadiennes ont besoin — un aéronef, un fusil ou un navire — et tout ce que cela implique.

Est-il possible d’accélérer ce processus? Oui. Je pense que quelqu’un a déjà parlé des retards et des dépassements de coûts. Les retards entraînent des dépassements des coûts. Nous sommes en période d’inflation, et l’industrie de la défense a un taux de l’inflation plus élevé que la moyenne. Tout retard, aussi peu que soit, entraînera généralement un dépassement des coûts.

Dans le contexte où il faut accroître les capacités, et en raison de la nature des Forces armées canadiennes, où, dans bien des cas, nous essayons de faire l’acquisition de capacités polyvalentes, c’est peut-être la bonne décision, mais elle ajoute à la complexité et au risque.

Il me semble que vous avez parlé récemment de la construction navale. C’était une industrie en développement que nous avons tenté de rétablir au Canada. Cela impliquait toutes sortes de risques. On a accepté le risque, mais je pense que nous l’avons sous-estimé.

Il faut séparer cela en plusieurs parties. Est-ce qu’on achète un produit de base ou un produit en développement pour essayer de rétablir une industrie? Je pense qu’il faut avoir plus de tolérance dans le cas d’un produit en développement comparativement à un produit très simple.

En ce qui a trait à la gestion des coûts, il y a un certain nombre de mesures à prendre. Il faut bien se renseigner sur les fournisseurs. Une autre idée est d’accorder les projets au budget. Pour certains projets, on peut dire qu’on dispose de 20 millions de dollars, point final. Que peut-on obtenir avec ce montant et quelle serait la meilleure façon de le diviser? Par contre, s’il s’agit d’une capacité essentielle dont les Forces armées canadiennes ont besoin, on ne peut pas vraiment adopter une telle approche. Donc, il faut comprendre quels cas admettent le risque, à quel point un projet est compliqué, et ainsi de suite.

Je pense que dans l’annonce plus récente concernant les F-35, il y a un protocole d’entente bien établi qui offre une certaine protection à l’égard du prix pour garantir que le Canada sera traité comme ses alliés. Il n’y aura pas de prix fixe, mais tous les signataires seront traités équitablement. Ils sont tous différents.

Encore une fois, je pense que ce que je dois souligner est que là où nous augmentons la complexité en essayant de favoriser le développement d’une industrie, ce qui est parfois le cas, cela entraîne un risque et des coûts accrus. Il faut comprendre cela et il faut probablement être un peu plus ouvert en évaluant ces risques.

La sénatrice Jaffer : Général Eyre, d’anciens juges de la Cour suprême, Morris Fish et Louise Arbour, ont recommandé que toutes les enquêtes actuelles et futures sur des allégations et des enquêtes futures liées aux affaires d’agression sexuelle soient renvoyées du système de justice militaire au système de justice civile. D’après ce que j’ai cru comprendre, la ministre a dit qu’elle mettait cette recommandation en œuvre.

Ce transfert a-t-il été entamé? Quand sera-t-il complété?

Gén Eyre : Merci de la question, monsieur le président.

Oui, le transfert a commencé. Je ne sais pas quand il sera complété, car cela dépend de la volonté des provinces et des territoires d’accepter les causes, mais le processus de transfert est déjà en cours.

Je demanderais au colonel Holman, notre juge-avocat général intérimaire, s’il a d’autres détails à vous fournir à ce sujet.

Colonel Robin Holman, juge-avocat général intérimaire, ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes : Merci beaucoup de la question.

Les transferts ont été entamés. Le grand prévôt des Forces canadiennes et le directeur des poursuites militaires, tous les deux des acteurs indépendants qui s’occupent des enquêtes et des poursuites en vertu du Code de discipline militaire, ont fait des déclarations publiques. En fait, ils ont rendu publics, pour la gouverne de leurs homologues, les politiques en matière de transferts des cas historiques, dont l’enquête était déjà en cours, et les cas futurs.

Comme l’a dit le général Eyre, il y a des difficultés que nous tâchons de surmonter pour assurer un transfert harmonieux de ces cas, c’est-à-dire que le grand prévôt des Forces canadiennes et le directeur des poursuites militaires y travaillent de concert avec leurs homologues provinciaux, territoriaux et fédéraux. Cependant, les efforts sont continus et s’ils étaient ici, je pense qu’ils diraient qu’ils sont satisfaits du degré de coopération de leurs homologues.

Merci.

Le président : Merci.

La sénatrice Boniface : Ma question se veut une question de suivi à celle de la sénatrice Jaffer. J’allais poser une question très semblable.

Je viens de l’Ontario et il me semble que nos tribunaux provinciaux vivent actuellement une période très difficile, compte tenu de la COVID et des arriérés. Je ne sais pas si la question s’adresserait au colonel Holman ou au général Eyre, mais en avez-vous tenu compte et avez-vous soulevé des préoccupations à cet égard, car je ne peux qu’imaginer que si vous transférez des cas déjà en cours et que ceux-ci sont piégés dans les arriérés du système civil, ce sera très difficile pour les victimes de ces causes?

Colonel Holman : Merci beaucoup de la question.

Je comprends tout à fait votre préoccupation et je pense qu’il serait juste de dire que des discussions ont été entamées à l’échelon local entre le grand prévôt des Forces canadiennes et les chefs de police locaux. De plus, à l’échelle politique, la ministre a pris contact avec ses homologues fédéraux, provinciaux et territoriaux, par écrit et, à l’occasion, en réunion tête-à-tête, pour essayer de résoudre les problèmes et d’assurer une transition harmonieuse.

Comme vous le savez sans doute, il existe un certain nombre de comités et de groupes de travail fédéraux, provinciaux et territoriaux, depuis les ministres de la Justice, les sous-ministres, les chefs de poursuites et ainsi de suite, et nous avons collaboré avec les responsables de chacun de ces échelons.

Par exemple, j’ai eu l’occasion — avec le soutien du ministre Mendicino, car c’était dans des circonstances où la ministre était occupée avec des questions relatives à l’Ukraine — d’aborder la question dans un mémoire aux ministres de la Justice provinciaux, territoriaux et fédéral, et aux ministres responsables de la sécurité publique. De plus, auparavant, j’ai aussi eu l’occasion de l’aborder auprès des sous-ministres.

Je pense qu’on peut dire avec justesse que toutes les questions que vous avez soulevées sont d’actualité et méritent d’être étudiées. Cependant, un aspect qu’il est important de reconnaître — et c’est le cas avec tous nos interlocuteurs — est qu’il s’agit d’une compétence qui a aussi toujours existé dans le système civil de justice pénale. C’est une compétence partagée ou qui a été partagée entre le système de justice militaire et le système civil, et toutes les parties reconnaissent qu’il faut trouver un tribunal où ces cas peuvent être traités et entendus. Tout le monde travaille de manière constructive à cette fin.

Le président : Merci, colonel Holman.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Général Eyre, j’aimerais vous parler de la vaccination des membres des forces armées. Combien de soldats non vaccinés ont été renvoyés depuis le début de la pandémie? Dans quelle mesure leur départ aggrave-t-il la pénurie d’effectifs dans les forces armées? L’an dernier, on parlait d’un manque d’environ 12 000 personnes?

Gén Eyre : Merci pour la question.

[Traduction]

Gén Eyre : Monsieur le président, pour être clair, je n’ai pas dit qu’il nous manquait 12 000 membres. J’ai dit qu’il nous en manquait 7 600, du côté des Forces régulières. Cependant, oui, la perte des membres qui ont refusé de se faire vacciner a contribué au déclin des effectifs.

Comprenez-moi bien : notre institution est vouée à la protection des autres et des membres de notre équipe. Elle est fondée sur le travail d’équipe, alors nous sommes prêts à protéger les autres et à éviter d’exposer nos coéquipiers au danger. Ceux que nous avons perdus, ceux qui sont partis parce qu’ils n’ont pas été vaccinés, nous ne pouvons pas les déployer pour des opérations. Ils ne peuvent pas se rendre dans beaucoup de pays où nous sommes déployés parce que ces pays exigent le vaccin. Les membres non vaccinés ne peuvent pas embarquer dans un avion ni dans un navire. Ils ne peuvent pas entrer dans des salles à manger. Ainsi, le déploiement de ces membres pour les opérations est problématique. Le fait de les avoir retirés de notre liste d’appel a eu un certain impact sur les opérations, compte tenu de ces facteurs.

Le président : Général Eyre, la dernière question sera posée par la sénatrice Dasko.

La sénatrice Dasko : Ma question s’adresse au général Eyre. J’aimerais revenir un instant sur la situation en Ukraine. J’aimerais vous demander, d’un point de vue militaire, vu les connaissances et les renseignements que vous possédez, qu’est-ce qui vous a surpris dans les événements survenus en Ukraine, s’il y a lieu?

Gén Eyre : Je vous remercie de la question. Je suis certain qu’on écrira des livres pendant les décennies à venir sur les surprises dont on a été témoin.

Je pense que le manque de succès pour les Russes, au début, a surpris beaucoup d’entre nous, et ce manque de succès est attribuable au manque d’éléments de base : le manque d’entretien, l’incapacité d’intégrer des groupements interarmées, l’incapacité à réaliser la dominance aérienne. Nous pouvons entrer dans les détails de chacune de ces lacunes, mais il y a eu beaucoup de surprises, du niveau de déploiement stratégique au plan sur les niveaux opérationnels, en passant par la stratégie de guerre, tout simplement.

Je dirai que cet événement nous a mis dans la situation la plus dangereuse que le monde a vécue depuis des générations. Nous devons continuer d’être préparés à ce que l’avenir nous réserve parce que, personnellement, je m’inquiète de l’issue de cette affaire.

La sénatrice Dasko : Puis-je poser une question de suivi? J’ai également posé cette question à la ministre, mais je vais aussi vous la poser. Quels sont les scénarios les plus probables, en ce moment, pour la suite des choses?

Gén Eyre : Monsieur le président, je ne sais pas, mais je sais qu’il y a certaines choses qu’il faut garder à l’esprit. Appelons cela des objectifs.

Je dirais que le premier objectif est d’éviter que la situation ne dégénère en guerre nucléaire. Durant la guerre froide, on pensait beaucoup à la dissuasion et à l’échelle de risque d’une escalade nucléaire — et comment éviter cette escalade. À l’heure actuelle, nous sommes en train de réapprendre rapidement ces leçons.

Cependant, de nos jours, la situation est plus complexe parce qu’à l’époque de la guerre froide, elle était bipolaire. Maintenant, elle est multipolaire, car il faut aussi y compter la Chine.

Il faut maintenir la cohésion de l’OTAN et je pense, pour en revenir à la question des surprises, que c’est une surprise agréable de voir à quel point l’OTAN est devenue solidaire. Elle est revenue à sa raison d’être et à la défense collective; c’est une chose qu’il faut préserver.

Il faut maintenir la liberté de l’Ukraine, et cela touche le maintien de l’ordre international et le soutien des démocraties. Selon moi, ce sera tout un défi à l’avenir pour l’occident de concilier ces trois éléments.

Il faut se rappeler que la Chine observe la situation. Elle tire des leçons de ce qui se passe sur les plans tactique et opérationnel, ainsi que dans l’environnement informationnel. Elle apprend ce qui fonctionne sur le plan technologique et quelles leçons il faut retenir, alors qu’elle poursuit son soutien des atrocités commises en Russie par des appuis politiques, moraux et économiques.

Nous devrons composer avec un monde beaucoup plus dangereux à l’avenir.

Le président : Merci, général Eyre.

Excellente question, et quelle réponse fantastique pour clore la discussion de cet après-midi.

Voilà qui nous amène à la fin de la réunion. Au nom du comité et des Canadiens, ceux qui nous regardent aujourd’hui et ceux qui n’ont pas l’occasion de le faire, je tiens à remercier le général Eyre, le sous-ministre Matthews, le colonel Holman et Mme Bruce de cette discussion utile et très sincère aujourd’hui. Elle a été palpitante. Je vous remercie tous et je remercie mes collègues de leurs excellentes questions.

Notre prochaine réunion aura lieu le lundi 25 avril, à l’heure habituelle de 14 heures, HNE.

Je vous souhaite à tous une bonne soirée.

(La séance est levée.)

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