Aller au contenu
SECD - Comité permanent

Sécurité nationale, défense et anciens combattants

 

LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE LA SÉCURITÉ NATIONALE, DE LA DÉFENSE ET DES ANCIENS COMBATTANTS

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le lundi 6 novembre 2023

Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants se réunit aujourd’hui, à 15 heures (HE), par vidéoconférence pour étudier le projet de loi C-21, Loi modifiant certaines lois et d’autres textes en conséquence (armes à feu).

Le sénateur Tony Dean (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, soyez les bienvenus à cette réunion du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants. Je m’appelle Tony Dean, je représente l’Ontario et je préside le comité. Je suis entouré aujourd’hui des autres membres du comité et je leur demanderai de se présenter, en commençant par notre vice-président.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.

Le sénateur Boisvenu : Bonjour à nos invités. Sénateur Pierre-Hugues Boisvenu, du Québec).

[Traduction]

Le sénateur Oh : Victor Oh, de l’Ontario.

Le sénateur Plett : Sénateur Don Plett, Landmark, au Manitoba.

La sénatrice M. Deacon : Bienvenue. Marty Deacon, de l’Ontario.

Le sénateur Cardozo : Andrew Cardozo, de l’Ontario.

Le sénateur Richards : Dave Richards, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Duncan : Pat Duncan, du Yukon

Le sénateur Boehm : Peter Boehm, de l’Ontario.

Le sénateur Yussuff : Hassan Yussuff, de l’Ontario

Le sénateur Kutcher : Stan Kutcher, de la Nouvelle-Écosse.

Le président : Je vous remercie, chers collègues. À ma gauche se trouve la greffière du comité, Ericka Dupont.

Pour les personnes qui regardent la séance, nous poursuivons aujourd’hui l’étude du projet de loi C-21, Loi modifiant certaines lois et d’autres textes en conséquence, le tout concernant la réglementation des armes à feu au Canada. Aujourd’hui, nous recevons sur cinq heures cinq groupes de témoins composés de propriétaires d’armes à feu, d’organisations, de gouvernements autochtones et de représentants.

Dans notre premier groupe, nous avons le plaisir d’accueillir James Smith, président et coordonnateur national des agents de terrain, Confédération internationale de tir pratique; par vidéoconférence, Sandra Honour, présidente du conseil d’administration, Fédération de tir du Canada; et Brian A. McIlmoyle, directeur, Airsoft au Canada.

Je vous remercie tous de votre présence aujourd’hui. Nous vous invitons à présenter vos observations préliminaires, après quoi les membres du comité vous poseront des questions. Je vous rappelle que vous disposez chacun de cinq minutes pour votre témoignage.

James Smith, président et coordonnateur national des agents de terrain, Confédération internationale de tir pratique : Bonjour, honorables sénateurs. Je vous remercie de me donner l’occasion de m’exprimer devant vous aujourd’hui. Je parle au nom de la Confédération internationale de tir pratique, ou l’IPSC, au Canada.

L’IPSC Canada représente quelque 5 000 membres respectueux des lois qui doivent actuellement se conformer à la Loi sur les armes à feu et qui estiment qu’elle garantit, dans sa version actuelle, à tous les Canadiens une protection adéquate. L’IPSC, qui est la plus grande association de sports de tir du monde, compte 109 pays membres et, au Canada, les tireurs membres de l’IPSC forment le groupe le plus organisé de tireurs d’élite au pistolet.

Depuis sa création, l’IPSC Canada a institué, afin d’assurer la sécurité, un cours supplémentaire sur le sujet qui s’ajoute à l’obtention, en vertu de la réglementation fédérale, d’un permis de possession et d’acquisition d’armes à autorisation restreinte et d’un permis d’utilisation de ces armes. Le cours Black Badge est encadré par plus de 300 instructeurs et officiels bénévoles déterminés à initier les nouveaux athlètes à la pratique de notre sport en toute sécurité. Les athlètes de l’IPSC Canada s’entraînent et participent chaque semaine et chaque mois à des épreuves dans leurs clubs locaux afin d’améliorer leurs compétences, les meilleurs de chaque province se qualifiant pour les compétitions nationales, et les meilleurs d’entre eux étant choisis pour participer au World Shoot.

Ce sport est plus qu’un passe-temps. C’est un engagement à vie à perfectionner ses compétences et son adresse au tir afin de concourir au plus haut niveau. Un peu comme les Jeux olympiques, le World Shoot a lieu tous les trois ans, avec des championnats continentaux entre deux. Depuis les années 1970, des athlètes canadiens représentent fièrement le Canada à ces compétitions internationales et, en moyenne, ils sont 60 à participer au World Shoot tous les trois ans.

Les athlètes de l’IPSC viennent de tous les milieux. Ce sont des pères, des mères, des fils, des filles, des grands-mères, des grands-pères et même des petits-enfants. Ils viennent de tous les secteurs de la société. Nous avons des ouvriers du bâtiment, des professionnels des technologies de l’information, des banquiers, des militaires, des policiers, des agents d’application de la loi et même des juges. Si vous assistez à une compétition de l’IPSC, vous serez étonné de la diversité des athlètes, de voir représenter toutes les races, tous les genres et tous les handicaps.

Il a été dit, dans des témoignages précédents, que l’IPSC devenait la porte d’accès à la possession d’armes de poing au Canada. J’aimerais mettre cela en perspective. Nous sommes un groupe bénévole. Si nous obtenions une dérogation qui nous mette à égalité avec les athlètes olympiques, le nombre d’instructeurs et les infrastructures existantes ne permettraient pas d’accueillir plus de quelques milliers de membres supplémentaires par an.

Le projet de loi C-21 n’interdit pas totalement de posséder des armes de poing, mais le résultat pour l’IPSC Canada est que notre sport disparaîtra peu à peu, à mesure que nos athlètes vieilliront, car de nouveaux athlètes n’y seront pas initiés et l’équipement des tireurs actuels s’usera sans possibilité de le remplacer. Depuis l’interdiction par décret, nous constatons déjà un lent déclin dans la participation, car les nouveaux membres potentiels ne peuvent pas acheter d’armes de poing.

Par ailleurs, certains membres ne peuvent pas continuer de pratiquer notre sport pour des raisons imprévues. Un incendie a détruit la maison d’un de nos membres et avec, ses armes à feu. Il ne réussit pas à s’en procurer de nouvelles. Un autre de nos membres se rendait en Thaïlande pour représenter le Canada au World Shoot et ses bagages ont été perdus. On ne les a pas retrouvés, il ne peut pas remplacer ces armes à feu et ne peut donc pas participer à des compétitions dans le sport qu’il pratique assidûment depuis toujours.

Ces dernières semaines, j’ai écouté le témoignage de plusieurs groupes anti-armes à feu qui parlent des lois exemplaires en matière d’armes à feu d’autres pays, comme l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni, la Suisse et l’Europe en général. Tous les pays mentionnés ont des athlètes qui participent aux compétitions de l’IPSC et ils leur accordent des dérogations pour qu’ils puissent acheter, posséder et utiliser des armes de poing aux fins de compétitions. L’Australie est mentionnée comme ayant un modèle de loi fructueuse en matière de contrôle des armes à feu. Dans une correspondance, le directeur régional de l’IPSC Australie explique qu’il y a un processus d’obtention de permis avec des périodes de formation transitoires avant que les athlètes de l’IPSC obtiennent des permis complets. La Nouvelle-Zélande, qui a adopté récemment une nouvelle loi sur le contrôle des armes à feu, a choisi d’autoriser les athlètes de l’IPSC à posséder leurs propres armes de poing pour s’entraîner et participer à des compétitions.

Les lois qui visent à lutter contre la violence liée aux armes à feu et contre l’activité des gangs ne peuvent pas servir cet objectif en ciblant les représentants de nos sports de compétition qui, si le projet de loi est adopté, n’auront plus de sport du tout. En résumé, nous demandons au Sénat de présenter un amendement afin d’ajouter la Confédération internationale de tir pratique au Canada au paragraphe 97(1) proposé.

Je vous remercie.

Le président : Je vous remercie, monsieur Smith,

Sandra Honour, présidente du conseil d’administration, Fédération de tir du Canada : Je vous remercie, honorables sénateurs. Je suis présidente bénévole du conseil d’administration de la Fédération de tir du Canada, instructrice et arbitre certifiées. Je représente aujourd’hui les membres actuels et futurs de la Fédération de tir du Canada, qui comprend des clubs de tir récréatif au fusil de chasse, à la carabine et au pistolet, ainsi que leurs membres.

La Fédération de tir du Canada soutient des athlètes canadiens de haute performance, notamment des athlètes olympiques et paralympiques, et des personnes qui essaient de devenir des athlètes de haute performance dans des sports de la Fédération internationale de tir sportif, qui est l’organe directeur international du sport reconnu par le Comité international olympique, le CIO.

La Fédération de tir du Canada n’est pas un groupe de pression, et nous n’avons aucune affiliation politique. Nous sommes simplement l’organe directeur national du sport qui, avec les organes provinciaux et territoriaux de tout le pays, soutient les infrastructures, les athlètes, les instructeurs et les officiels des sports de la Fédération internationale de tir sportif.

Je pense que le tir à la cible fait partie des sports les plus inclusifs du monde qui se pratiquent toute la vie et qu’il s’agit d’un sport que les Canadiens qui le connaissent jugent utile. Les sports de tir sur cible offrent une égalité des chances qu’offrent peu d’autres sports. Les identités de genre, l’héritage culturel, la taille et les capacités physiques n’y ont aucune importance, et ce ne sont que des concurrents qui s’affrontent. Le tir à la cible est un sport international, et quelque 109 pays appartiennent à la Fédération internationale de tir sportif.

Le projet de loi C-21 a des conséquences imprévues qui nuisent au tir au pistolet olympique, par exemple en entraînant la perte de stands de tir locaux viables, l’incapacité pour les installations de maintenir l’équipement sportif olympique, le recrutement limité par manque d’instructeurs, la perte de pièces et d’armuriers connaissant les pistolets, et le manque d’importateurs de matériel de compétition.

Il nous faut une participation suffisante au sport pour avoir des athlètes olympiques. En ajoutant d’autres obstacles inutiles, on ne peut pas avoir suffisamment d’athlètes participant au sport pour trouver des athlètes olympiques potentiels, car ils sont beaucoup moins nombreux que les athlètes qui s’entraînent en vue de compétitions. Pensez au hockey et au nombre de personnes qui y jouent en comparaison du nombre de joueurs de la LNH. Les Jeux olympiques sont à des niveaux encore plus élevés.

Le tir à la cible olympique exige la maîtrise de compétences incroyables, et personne ne commence au niveau olympique. Comparez ce sport avec d’autres. Est-ce que nous faisons commencer de potentiels nageurs olympiques dans un bassin de 50 mètres, les plongeurs du plongeoir de 10 mètres ou les skieurs sur une piste de bosses? En déclarant que l’entraînement, la compétition ou l’encadrement en vue d’épreuves olympiques ou paralympiques sont les seuls motifs valides de posséder un pistolet de compétition, le projet de loi C-21 fait, au fond, du tir à la cible sportif l’équivalent de rendre la possession d’une bicyclette illégale, à moins que le cycliste s’entraîne, participe à des épreuves de cyclisme sur piste de vélodrome ou encadre ce sport. Un sport sain devrait permettre, à chaque niveau, d’accéder à l’excellence des élites et de participer à titre récréatif. La pratique de sports, à tous les niveaux, a une valeur sociale importante. Le projet de loi C-21 ne permet pas à nos athlètes potentiels d’avoir une possibilité récréative de voir s’ils aiment tirer et ne leur permet pas non plus d’avoir un endroit où aller quand ils renoncent à des aspirations d’équipe nationale.

Les épreuves olympiques et paralympiques évoluent avec le temps. Le projet de loi C-21 tel qu’il est proposé est tellement limité que les Canadiens ne peuvent pas participer à certaines des épreuves du championnat du monde qui feront peut-être partie des épreuves olympiques d’ici huit ans.

Nous recrutons des athlètes qui viennent de différents horizons, par exemple d’autres disciplines avec armes de poing dont vous entendrez parler. Ce qu’il nous faut surtout, c’est la possibilité pour les clubs locaux d’offrir des expériences et des cours de tir au pistolet sécuritaires et compétents, sur papier plus grand format, sur de plus grandes cibles et sur des cibles métalliques, afin de trouver les athlètes que notre sport intéresse. Notre sport a besoin que ces occasions — avec ou sans compétition officielle — soient offertes dans tout le pays pour permettre de recruter des athlètes de haute performance.

Le sport compte. Le tir à la cible est un sport qui se pratique toute la vie. Avec le projet de loi C-21, vous en privez les Canadiens sans que cela ait une grande incidence sur les crimes violents. Dans le projet de loi C-21, le tir au pistolet olympique ne bénéficie pas vraiment d’une dérogation. Le projet de loi propose seulement d’étrangler plus lentement notre sport que d’autres sports comprenant le tir au pistolet au Canada.

Je vous demande d’apprécier à sa juste valeur ce sport inclusif qui se pratique toute la vie. Le projet de loi laisse entendre qu’il est plus facile de tuer notre sport que de se demander comment optimiser la sécurité du public pour permettre le développement du tir à la cible sportif. Il faut, pour commencer, travailler en collaboration avec les organisations sportives, ce qui n’a pas été fait jusqu’à présent. Quelques amendements mineurs au projet de loi C-21 et quelques véritables efforts pour déterminer comment nos organisations peuvent soutenir la police face à certains problèmes qu’elle rencontre dans notre pays pourraient contribuer grandement à concrétiser ce que nous recherchons vraiment au Canada, qui est la sécurité de la collectivité.

Je vous remercie.

Le président : Je vous remercie, madame Honour.

Brian A. McIlmoyle, directeur, Airsoft au Canada : Bonjour. Je vous remercie de me permettre de témoigner. Je m’appelle Brian McIlmoyle. Je suis directeur d’Airsoft au Canada, ou ASIC. Encore une fois, je vous remercie de me permettre de témoigner.

L’airsoft est un sport qui utilise des pistolets à air comprimé propulsant des projectiles de 6 millimètres de masse faible qui sont utilisés à une certaine distance dans des jeux de poursuite. Pratiqué avec une protection oculaire élémentaire, le sport est sûr et gratifiant, et il prend de l’ampleur au Canada jusqu’à présent depuis qu’il y a été introduit à la fin des années 1980. Airsoft au Canada est une organisation qui défend les intérêts des acteurs du sport qu’est l’airsoft au Canada, des utilisateurs finaux — les joueurs — aux détaillants et aux importateurs de dispositifs airsoft, et les représente. ASIC s’attache à porter à l’attention du gouvernement et des organismes de réglementation les questions qui ont une incidence sur la pratique de l’airsoft et sur sa poursuite en toute sécurité en tant que sport et que source de plaisir et de subsistance pour des milliers de Canadiens.

Le projet de loi C-21 tel qu’il a été présenté dans sa version originale au Parlement aurait détruit l’activité sportive qui utilise des pistolets à air comprimé sous le nom d’airsoft. Il aurait éliminé l’accès à ces armes à air comprimé, fait disparaître des centaines d’entreprises et supprimé le moyen de subsistance de milliers de Canadiens — sans mentionner la perte du plaisir, de l’épanouissement personnel et de l’exercice que ce sport apporte à ceux qui le pratiquent. Heureusement, grâce aux efforts d’ASIC et d’autres organisations au Canada, les parlementaires ont pris conscience des conséquences désastreuses de leur projet de loi et ils l’ont modifié. Les parties du projet de loi C-21 qui auraient détruit la pratique de l’airsoft ne figurent pas dans le projet de loi qui se trouve devant le Sénat. Le statu quo en ce qui la concerne a été maintenu, et l’airsoft est reconnu comme sport, tout comme sont reconnus ses retombées économiques importantes et ses effets sociaux très positifs pour les participants. La communauté de l’airsoft en est reconnaissante, de même que de l’approche qui a permis de retirer du projet de loi les éléments qui auraient eu des répercussions sur elle.

En ce qui concerne le projet de loi C-21 en général, je pense qu’il est important que le Sénat, Chambre de second examen objectif, adopte la même approche que les législateurs parlementaires pour l’airsoft par rapport au projet de loi et aux autres dispositions qui auraient des répercussions sur les propriétaires d’armes à feu. Toute mesure législative est un compromis entre restrictions et libertés, et dans une démocratie libre et ouverte, dans une société démocratique comme le Canada, plus de restrictions doivent avoir une très grande incidence positive nette pour justifier de limiter des libertés et privilèges existants. Le projet de loi C-21 cherche, dans une large mesure, à légiférer de nouveau sur une loi existante afin de donner l’impression de renforcer la sécurité publique sans, en fait, s’attaquer aux facteurs qui influent sur la sécurité publique. Les dispositions relatives à l’airsoft en sont un parfait exemple. Elles faisaient disparaître des jouets, en fait, pour revendiquer un renforcement de la sécurité publique par rapport à des risques qui ne se manifestent pratiquement jamais, tout en ne s’attaquant pas véritablement aux principaux risques. Les autres dispositions du projet de loi C-21 visent à faire la même chose au sujet des armes à feu, c’est-à-dire légiférer de nouveau sur un régime de contrôle déjà efficace pour que le gouvernement puisse affirmer qu’il prend des mesures, bien que ces mesures n’aient qu’une incidence négligeable sur la sécurité publique. À mon avis, ces mesures ne répondent pas aux exigences nécessairement élevées en matière législative, elles compromettraient les moyens de subsistance et empiéteraient sur les libertés et privilèges existants, le tout pour de maigres gains pour les citoyens du Canada.

J’en ai fini de mes observations. Je suis prêt à répondre à toute question et à apporter d’autres clarifications, si nécessaire.

Le président : Je vous remercie, monsieur McIlmoyle.

Nous allons passer aux questions. Chers collègues, nos invités sont là jusqu’à 15 h 45 et nous ferons de notre mieux pour que chaque membre ait le temps de poser une question. Par conséquent, quatre minutes seront allouées pour chaque question, réponse comprise. Je montrerai ce carton pour indiquer qu’il vous reste 30 secondes. Je vous demande d’être succincts et de nommer le témoin à qui vous posez la question.

La première question sera posée par notre vice-président, le sénateur Dagenais.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Ma première question sera pour Mme Honour. Quand le projet de loi nous a été transmis, on nous a dit que des dispositions avaient été prises pour permettre aux gens qui font du sport de compétition de poursuivre leurs activités. Le ministre Leblanc l’a répété devant le comité.

Quelles modifications pourrait-on apporter pour que cette loi devienne acceptable pour des sportifs comme vous?

[Traduction]

Mme Honour : Quelques changements peuvent être apportés.

Prenons, à l’article 43 du projet de loi C-21, les sous-alinéas 97.1b)(i) et (ii) proposés. S’il était possible d’inclure, par exemple, tous les pistolets couramment utilisés dans les disciplines reconnues par la Fédération internationale de tir sportif, cela permettrait à tous nos membres de s’entraîner et de concourir dans tous les sports qui ont des épreuves olympiques.

Par ailleurs, il faudrait remplacer « s’entraîne, compétitionne ou est entraîneur » par « pratique des sports de tir à la cible organisés, dirigés par des associations sportives reconnues par le gouvernement ». Ce changement accorderait une place aussi l’IPSC. Il marquerait la reconnaissance par le gouvernement du fait que nous avons une organisation sportive responsable et que nous avons des moyens d’identifier les personnes qui pratiquent notre sport. Il ne suffirait pas qu’elles possèdent un pistolet. Elles devraient pratiquer notre sport. Ce serait bien.

Je propose aussi, à propos de ce qui arrive, dit-on, à des pistolets détenus légalement dans ce pays —qu’ils soient volés ou utilisés dans des actes de violence conjugale ou dans des suicides—, que le ministère de la Sécurité publique travaille avec nos organisations pour nous aider à mieux informer au sujet des problèmes de santé mentale, à mieux les reconnaître et à être en mesure d’avoir une incidence positive pour faire en sorte que nos athlètes et les personnes qui pratiquent notre sport aient des comportements normaux que nous souhaitons voir dans notre société.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Quand vous parlez de vos activités avec les armes à feu, vous avez déjà dit qu’on voulait vous priver d’un héritage culturel. Comment voyez-vous ce que vous appelez votre héritage culturel et comment le comparez-vous avec l’héritage constitutionnel qui existe pour les peuples autochtones?

[Traduction]

Mme Honour : Je ne veux pas comparer notre situation à celles des Autochtones parce que nous avons des dispositions particulières pour eux. Je dirai, cependant, qu’en tant que Canadiens, notre culture comprend des personnes qui apprennent à chasser avec leur famille et qui apprennent à tirer sur des cibles et à utiliser des armes à feu de façon sécuritaire. Je suis Canadienne de troisième génération. Cela fait partie de ma famille —de toute ma famille— et je pense qu’il est important de pouvoir préserver cet élément et de ne pas nous faire dicter notre culture par des gens qui n’ont pas nécessairement les mêmes références.

Le sénateur Dagenais : Je vous remercie.

Le sénateur Plett : Ma première question est pour Brian McIlmoyle. J’ai participé une fois à une partie d’airsoft dans un camp de jeunes dont mon fils était le directeur. Hormis quelques zébrures sur mes bras, j’ai pensé que c’était un excellent sport et une façon d’apprendre des choses à certaines personnes. En tout cas, je n’ai jamais entendu dire qu’un meurtre ait été commis ou même qu’une banque ait été dévalisée en utilisant un pistolet airsoft. Je trouve donc assez paradoxal de le voir figurer dans ce projet de loi sur les armes à feu.

Monsieur, vous avez déclaré que le projet de loi C-21, dans sa version actuelle, crée une ambiguïté juridique sur la possession de pistolets airsoft, ce qui sera très lourd de conséquences pour votre sport. Êtes-vous satisfait des amendements adoptés à la Chambre des communes? Souhaitez-vous en recommander d’autres pour lever cette ambiguïté?

M. McIlmoyle : C’est une très bonne question.

Au fond, les réunions de comité avec les parlementaires ont simplement abouti à la suppression des dispositions du projet de loi C-21 qui se seraient appliquées aux pistolets airsoft. Toutefois, cela n’a pas réglé toutes les questions les concernant. Dans sa version actuelle, ils ne sont pas très clairement réglementés, et leur statut juridique demeure ambigu, notamment en ce qui a trait à leur importation. La clarification nécessaire à l’Agence des services frontaliers du Canada réduirait considérablement sa charge de travail lorsqu’il lui faut décider des marchandises à saisir ou à laisser entrer dans le pays. Il serait utile qu’une réglementation très claire quant au statut juridique des pistolets airsoft soit définie par la suite en consultation avec notre organisation.

Le sénateur Plett : Je vous remercie, monsieur.

Monsieur Smith, voici plusieurs fois que nous entendons dire — même par le ministre — que ce projet de loi n’a pas d’incidence sur le tir sportif, sur le tir à la cible et sur les Jeux olympiques. Toutefois, ce n’est pas parce que l’on s’intéresse au tir à la cible que l’on devient athlète olympique. En fait, il fait s’entraîner encore et encore. En tout cas, certains sénateurs ici présents savent que pour devenir bon dans un sport, il faut s’entraîner. Comme passe-t-on de s’intéresser au tir à devenir tireur sur cible, monsieur, et champion olympique quand le gouvernement dit qu’il ne vous autorisera pas à vous entraîner?

M. Smith : Je dirai que c’est probablement impossible, si tel est le cas. Mme Honour a décrit un bon processus où des organisations sportives reconnues par le gouvernement pourraient dresser la liste de leurs athlètes, qui pourraient continuer de s’entraîner. Autrement, ne pas avoir de projet de loi C-21 aiderait probablement aussi.

Le sénateur Plett : Nous n’aurions aucun médaillé d’or, je suppose?

M. Smith : Nous n’aurions pas de médaillé d’or.

Le sénateur Plett : Je vous remercie.

Madame Honour, avez-vous des commentaires à ce sujet?

Mme Honour : Non. Comme je l’ai dit, nous devons pouvoir ne pas nous limiter aux filières de la haute performance afin d’être en mesure de former des athlètes olympiques qui seront sereins au moment de mettre fin à leur carrière, au lieu d’avoir des personnes qui passent leur temps sur leur canapé et couvent un diabète de type 2 et une forme de démence. Notre sport se pratique tellement toute la vie qu’il est possible de le pratiquer comme loisir jusque passé 80 ans et pas nécessairement dans des épreuves olympiques.

Le sénateur Plett : Je vous remercie.

Le sénateur Oh : Je remercie les témoins de leur présence aujourd’hui.

Je parlerai directement des conséquences du projet de loi. Quand il a comparu devant le comité, le ministre a clairement déclaré qu’il n’y aurait aucune incidence sur l’esprit sportif et sur les sportifs dans les clubs de tir. Je vous demande donc à tous si vous êtes d’accord que ce projet de loi n’a aucune conséquence pour les sportifs, les clubs de tir et les chasseurs. Pouvez-vous me dire, ensuite, combien de personnes pratiquant des sports de tir subiront les répercussions du projet de loi C-21?

M. Smith : Je répondrai que les conséquences sont tout à fait réelles pour nous. Nous les ressentons déjà. Nous connaissons des personnes qui ont perdu leurs armes à feu dans des feux de forêt. Elles ne peuvent pas les remplacer. Il n’y a aucun moyen pour elles de les remplacer.

Quelle était votre deuxième question?

Le sénateur Oh : Combien de personnes pratiquant le tir sportif au Canada seraient concernées par le projet de loi C-21? Il me semble qu’elles sont nombreuses, n’est-ce pas?

M. Smith : Elles sont très nombreuses. Je n’ai pas le chiffre exact. Notre organisation ne concerne qu’un sport et elle compte environ 5 000 membres. Selon moi, pour le volet récréatif du sport, ce serait 100 000 personnes.

Mme Honour : Je suis d’accord avec ces chiffres. Le problème est que les stands de tir sont presque toujours gérés par des organisations à but non lucratif, et nous avons besoin des membres de tous les sports pour qu’une installation continue de fonctionner. Lorsque les sports qui utilisent des pistolets sont touchés, les sports qui utilisent des carabines et les autres sports de tir qui se pratiquent dans la même installation le sont aussi parce qu’il faut être membre pour posséder une arme à feu et que les membres aident ensuite à assurer l’entretien de l’équipement pour que ces installations continuent de fonctionner.

Le sénateur Oh : Je vous remercie.

Le président : Monsieur McIlmoyle, qu’en pensez-vous?

M. McIlmoyle : Oui. J’ai un permis de possession d’arme à feu et je suis un défenseur des pistolets airsoft. Les restrictions qui entrent en vigueur ont un effet dissuasif sur toute la communauté. Le nombre de membres des stands de tir baisse, et les compétitions dépérissent. Les conséquences sont immédiates et générales, et elles continueront de l’être. Ce ne sont pas seulement les aspects sociaux relatifs aux personnes qui se trouvent coupées de leur principale source d’activité sociale, mais aussi les répercussions économiques pour les personnes qui gagnaient leur vie en soutenant ces organisations et ces compétitions. Les conséquences sont générales, importantes et très inquiétantes pour beaucoup de personnes.

Le sénateur Oh : Monsieur Smith, savez-vous si d’autres pays ont mis en œuvre des lois semblables au projet de loi C-21?

M. Smith : Non. Le Royaume-Uni a probablement le contrôle le plus strict des armes à feu, et il est quand même représenté par l’IPSC aux compétitions internationales. L’Irlande du Nord, de même que les îles Anglo-Normandes et l’île de Man autorisent la possession d’armes de poing. Il y a donc des personnes au Royaume-Uni qui se rendent dans ces endroits, y conservent leurs armes à feu et concourent dans des sports de tir. Il s’agit probablement du contrôle le plus strict des armes à feu dans le monde.

Le sénateur Oh : C’est bon à savoir. Je vous remercie.

Le président : Monsieur McIlmoyle, vous avez apparemment des problèmes avec l’interprétation. Sont-ils résolus?

M. McIlmoyle : Non, nous cherchons toujours à les régler.

Le président : D’accord. Soyez patient, nous essayer de les régler.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Bienvenue à nos témoins.

Ma première question sera pour Mme Honour. J’ai compris que le nombre de membres avec qui vous faites affaire est élevé. On parle de milliers de membres, n’est-ce pas?

[Traduction]

Mme Honour : Oui, la Fédération de tir du Canada compte des milliers de membres.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Lorsque le ministre est venu témoigner devant ce comité, il a dit une phrase que je cite : « Je ne pense pas que les chasseurs et les groupes sportifs s’opposent à ce projet de loi. »

Est-ce que vous connaissez des groupes de chasseurs ou de sportifs au Canada qui appuient ce projet de loi?

[Traduction]

Mme Honour : Non, je ne connais aucun groupe de tir sportif ou de chasse qui soutienne le projet de loi C-21.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Le ministre a supposé que beaucoup de gens appuyaient ce projet de loi.

Ma deuxième question est pour M. Smith; c’est une question que j’ai posée aux représentants policiers et aux gestionnaires de champs de tir. La question qui me préoccupe le plus est la suivante : si ce projet de loi est adopté tel quel, quel sera l’impact sur la viabilité des milliers de champs de tir partout au Canada? Quel sera aussi l’impact relativement aux corps policiers et aux militaires qui utilisent ces champs de tir pour leur qualification annuelle?

[Traduction]

M. Smith : Toutes ces installations finiront par fermer parce que les gens ne pourront plus pratiquer le tir en raison de leur âge, de l’usure du matériel, etc. Je ne peux parler que de la Nouvelle-Écosse, mais notre club local que je gère est un club à but non lucratif dirigé par ses membres, et tous les tireurs du service de police d’Halifax viennent s’y entraîner. Nous entretenons une très bonne relation avec la police. Sans ce stand de tir, ces policiers ne pourraient pas maintenir leurs qualifications. Ils commencent le 1er août et terminent le 15 novembre. Ils sont là tous les jours. Cette installation disparaîtra. J’irai jusqu’à dire que probablement 75 % des stands de tir sont des clubs privés qui appartiennent à leurs membres et que les autres sont des stands commerciaux. À force de perdre des membres, nous arriverons à une masse critique où nous n’aurons plus les moyens de rester ouverts et nous devrons fermer.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Vous êtes une fédération importante qui comporte beaucoup de membres. Avez-vous eu la chance de faire part de vos commentaires au ministre ou à ses représentants?

[Traduction]

M. Smith : J’ai témoigné devant le Parlement et fait part des mêmes préoccupations.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Ces gens ont-ils démontré une certaine sensibilité ou une ouverture à modifier ce projet de loi afin que vous soyez touchés le moins possible?

[Traduction]

M. Smith : Il y a eu des discussions. Pendant l’examen des amendements parlementaires en comité, il y a certainement eu des discussions qui ont, en partie, fait l’objet d’un vote que le président a dû départager.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Est-ce que vos propositions d’amendements sont dans le projet de loi dont nous sommes saisis actuellement?

[Traduction]

M. Smith : Non, elles n’y sont pas.

Le sénateur Boisvenu : Je vous remercie.

Le sénateur Richards : Je remercie les témoins de leur présence aujourd’hui.

Mon neveu, qui est avocat, pratique le tir sportif. Il a ses propres pistolets. Monsieur Smith, est-ce que les installations de tir proposent les pistolets avec lesquels tirer? Est-ce que, tôt ou tard, les participants veulent utiliser leurs propres pistolets? S’ils apportent les leurs, avec ce projet de loi, sera-t-il pratiquement impossible de continuer de pratiquer ce sport?

M. Smith : C’est exact. Dans notre centre, nous avons bien quelques armes à feu que les juniors utilisent pour commencer, mais généralement, quand ils arrivent à 18 ou 19 ans, ils acquièrent leurs propres pistolets et suivent le programme avec. Ils ne doivent pas seulement s’exercer au stand de tir, mais aussi à l’air libre avec ce que nous appelons des tirs à vide où ils ne tirent pas vraiment de coups de feu. Ils s’entraînent seulement avec la gâchette et le viseur.

Le sénateur Richards : D’accord. D’une certaine manière, les personnes qui viennent à votre stand de tir font l’objet d’un contrôle, n’est-ce pas?

M. Smith : Oui, par l’intermédiaire de l’Association canadienne pour les armes à feu et pour devenir membre, il faut être titulaire d’un permis de possession et d’acquisition d’armes à feu à autorisation restreinte, ou PPA-AFAR, ou d’un permis de possession et d’acquisition, ou PPA.

Le sénateur Richards : Bien entendu.

Madame Honour, il y a une très lourde responsabilité en matière de surveillance juridique et critique qui en décourage beaucoup de pratiquer le tir au pistolet ou qui ne leur fait pas envisager la possibilité de pratiquer ce sport comme loisir. Êtes-vous d’accord sur ce point?

Mme Honour : Je dirai que c’est un gros obstacle pour qui veut pratiquer ce sport et participer à des compétitions, en effet.

Le sénateur Richards : Je vous remercie.

La sénatrice Duncan : Je remercie les témoins de leur présence aujourd’hui.

Ma question est dans une large mesure pour Mme Honour et concerne le biathlon. Je ne suis pas experte en armes à feu ou en ce qui concerne le projet de loi C-21. Je crois savoir que l’on n’utilise pas pour le biathlon d’arme actuellement visée par ce projet de loi. Je crois que vous avez mentionné un amendement qui garantirait qu’une organisation sportive reconnue participe à la délivrance des permis ou au volet relatif aux armes et à l’autorisation de les utiliser. Est-ce que l’amendement que vous proposez assurerait aux biathlètes que leurs armes ne seraient pas visées par la suite par une loi de ce type? Ou est-ce que le biathlon ou l’organisation sportive participe à vos discussions? Je le demande parce qu’évidemment, le biathlon fait partie des épreuves des Jeux d’hiver de l’Arctique, manifestation sportive internationale.

Mme Honour : À ma connaissance, nous ne représentons pas le biathlon, qui a sa propre association. Cette discipline n’est pas concernée par le projet de loi C-21. L’arme à feu utilisée est autorisée.

Pour ce qui est du changement que je propose au projet de loi C-21, il porte sur l’article 43 et l’insertion des sous-alinéas 97.1b)(i) et (ii) qui concernent les pistolets, le type d’arme à feu étant une arme de poing, et il préciserait quelles armes de poing sont autorisées et qui peut en posséder.

La sénatrice Duncan : Pour faire suite à ce que vous dites, si nous incluions cet amendement, est-ce qu’il rassurerait les futurs législateurs et les futurs biathlètes? Certes, ils ont leur propre organisation, et leurs armes ou armes à feu ne sont pas visées par ce projet de loi, mais si l’on pense à l’avenir...

Mme Honour : Le biathlon n’est pas concerné. Le problème est que n’importe quel gouvernement peut décider de ne pas accepter une organisation, de ne plus la reconnaître. Il y a toujours le risque que le gouvernement ne reconnaisse pas un jour les sports de tir. Cependant, j’essaie de trouver dans notre système de gouvernement actuel un équilibre entre la volonté du gouvernement de contrôler les armes à feu et notre capacité de pratiquer nos sports.

La sénatrice Duncan : Vous proposez donc d’adopter cet amendement?

Mme Honour : Oui.

La sénatrice Duncan : Je vous remercie.

La sénatrice M. Deacon : Je vous remercie tous de votre présence cet après-midi.

Ma première question est pour M. Smith afin d’essayer de bien comprendre la situation. Je me demande quelle est la différence entre le tir pratique international et les sports de tir reconnus par les Jeux olympiques, les Jeux paralympiques, les Jeux de la Francophonie, les Jeux du Commonwealth et tous les autres jeux sur le plan de l’équipement.

En ce qui concerne les Jeux olympiques, les épreuves utilisant des pistolets, des carabines et des fusils sont régies par la Fédération internationale de sports, qui a un règlement, comme vous le savez, très épais sur la construction et l’étalonnage précisément de ces armes à feu. Des lignes directrices très strictes avec des détails d’une minutie extraordinaire dictent tout, du poids de la détente à la construction du barillet, en passant par l’appuie-pouce, l’ergonomie et les spécifications concernant les munitions. Je ne pratique pas le tir, mais il existe des armes à feu très particulières qui servent à une fin précise et qui sont adaptées aux épreuves dans lesquelles elles sont utilisées.

Les armes à feu utilisées sont-elles des armes courantes que vous pourriez acheter chez un armurier ou sont-elles fabriquées tout spécialement pour ces épreuves sans vraiment d’utilité en dehors des compétitions? J’essaie de comprendre la différence technique.

M. Smith : Je dirai d’abord que nous avons un règlement international qui est reconnu dans tous les pays qui participent au sport. Pour ce qui est des armes à feu utilisées, nous avons différentes divisions. Dans l’une d’elles, on commence avec une arme à feu que l’on peut acheter — une simple arme à feu dite de série. Il existe plusieurs autres divisions, dont la division ouverte où l’on utilise les meilleures armes adaptées précisément au sport. Pour faire une analogie, c’est comme les voitures de course où l’on a un stock-car et une voiture de course de F1 et tout ce qui vient entre les deux. L’arme de série coûte 1 000 $ et l’arme de compétition, 15 000 $. La plupart des membres possèdent probablement deux armes, dont une en réserve, ce qui veut dire qu’ils auront investi 30 000 $ dans le sport. Ils ne pourront peut-être pas continuer.

La sénatrice M. Deacon : Je vous remercie.

Madame Honour, félicitations pour les récents résultats à Santiago. C’est formidable de voir des tireurs qualifiés pour les Jeux olympiques. Je tiens à ce que mes collègues le sachent. En ce qui concerne le projet de loi C-21, il est certain que vous vous êtes heurtée à de nombreux obstacles au cours des deux dernières périodes quadriennales, avec les installations et pour garder tous vos membres. Nous sommes conscients de vos difficultés. Vous avez entendu aujourd’hui que le ministre a comparu tout à l’heure devant le comité et que nous lui avons posé des questions. Il nous a assuré que des athlètes olympiques et paralympiques aux novices, tous pourraient s’entraîner avec les exceptions prévues dans le projet de loi. Est-ce que vous-même et votre groupe avez été consultés? Avez-vous eu l’occasion de donner votre avis? Si ce projet de loi est adopté, pensez-vous que les choses seront plus claires pour ce qui est des mesures auxquelles s’attendre par la suite?

Mme Honour : Le comité qui a examiné le projet de loi C-21 n’a pas invité la Fédération de tir du Canada à participer et il n’a pas été répondu aux différentes lettres que nous avons écrites au ministre. Pour ce qui est de contacts, nous en avons eu avec le ministère de la Sécurité publique au sujet du libellé de la lettre et du type de vérification que nous faisons pour dire quels athlètes souhaitent importer un pistolet ou en transférer la propriété.

La sénatrice M. Deacon : Je vous remercie.

Le sénateur Cardozo : Je remercie les témoins de leur présence en personne et en ligne. Il s’agit d’un projet de loi complexe, et nous vous sommes très reconnaissants du temps que vous nous consacrez.

Je poserai ma question à Sandra Honour, si je peux me permettre. Elle concerne la culture du tir récréatif. Vous avez, à un moment donné, fait une comparaison avec la bicyclette. Vous avez expliqué qu’il faut beaucoup s’entraîner pour devenir un expert, un coureur cycliste. Je dirai que l’analogie est intéressante parce qu’elle aide à comprendre, mais la différence, toutefois, est que l’on ne se sert pas de vélos pour tuer des gens.

Je le dis parce que cela fait partie des critiques que nous entendons au comité, des préoccupations que suscite la culture du tir récréatif. Vous avez bien mentionné qu’il s’agit d’un milieu où les gens se rencontrent et peuvent nouer des amitiés. Je le conçois et je le comprends. Les citoyens que nous sommes font connaissance et nouent des amitiés de bien des façons. Des personnes nous ont dit qu’il y a une grave crise, une épidémie de violence conjugale, et elles font le parallèle entre cette situation et un passe-temps. Qu’en pensez-vous par rapport à ce que vous avez dit au sujet de l’atmosphère sociale et des amitiés qui se nouent dans ce milieu?

Mme Honour : Il existe assurément une communauté dans tous les sports de tir. Je pense que c’est là que nous pourrions fournir un service. Vous avez mentionné les endroits où des armes légales risquent d’être utilisées pour commettre un crime violent. Que pouvons-nous faire pour aider en tant que communauté soucieuse de la possession responsable d’armes à feu? On ne nous a jamais demandé ce que nous pourrions faire, quels cours nous pourrions offrir, quelle information nous pourrions donner à notre communauté de propriétaires de pistolets, aux membres de nos clubs, pour aider à réduire les problèmes de violence conjugale et de suicide. Vous ne nous demandez pas de faire partie de la solution. Vous nous désignez seulement comme étant un problème et c’est tout, en généralisant. Je pense que cela va dans les deux sens. Nous pouvons aider à identifier les membres de notre communauté qui a vraiment à cœur une possession responsable d’armes à feu, et l’encourager à apporter des changements. Nous pouvons y contribuer. Si nous savions comment repérer des problèmes comme les problèmes de santé mentale, si nous étions mieux informés en tant qu’instructeurs et gestionnaires de clubs de tir, nous pourrions faire plus pour la collectivité que nous contenter de rendre illégale la possession légale de pistolets, avec pour résultat que plus aucune personne responsable ne possède de pistolets.

Le sénateur Cardozo : Savez-vous si des clubs de tir font un travail de sensibilisation ou aident des groupes de femmes?

Mme Honour : Je sais que le programme Black Badge de l’IPSC est fantastique. Vous pouvez en parler avec son représentant. L’IPSC a un programme formidable sur la sécurité. Toute la formation des agents de terrain que font les clubs de tir comprend un élément important. Est-ce que nous avons un élément important sur la santé mentale? Non, c’est un de nos points faibles. Pourrions-nous faire plus? Très certainement, si quelqu’un travaillait en collaboration avec nous pour nous dire ce que nous pouvons faire pour nous améliorer à cet égard. La Fédération de tir du Canada travaille sur la santé mentale avec ses athlètes, mais il s’agit plus de gérer l’angoisse et des questions relatives aux compétitions, pas nécessairement de la santé mentale dans la vie quotidienne, mais nous pouvons mieux faire. Tous les sports s’efforcent de créer un milieu sportif sécuritaire sur le plan de la santé mentale et d’utiliser les installations de façon sécuritaire également.

Le sénateur Kutcher : Merci à tous pour vos témoignages très éclairants sur les enjeux liés aux sports de tir et au projet de loi.

J’ai une question pour M. Smith. Bienvenue à Ottawa. Je comprends que l’IPSC a des divisions dans des pays qui ont une législation très contraignante sur les armes à feu. Vous avez mentionné le Royaume-Uni et l’Australie, mais je crois qu’il existe également une division japonaise. Pouvez-vous nous aider à comprendre comment la législation est adaptée pour les sports de tir dans ces pays? Quels sont les processus en place dans les pays où la législation est plus contraignante? Pouvez-vous nous donner des précisions à ce sujet?

M. Smith : Je ne suis pas au courant de ce qui se passe dans tous ces pays. Nous avons un membre de la Nouvelle-Écosse qui vit au Royaume-Uni. Il se rend aux îles Anglo-Normandes pour des compétitions et des entraînements. Il a un chalet en Nouvelle-Écosse et il détient un permis de possession d’arme à feu à autorisation restreinte valide au Canada. Il vient en avion pour participer à des compétitions ici, il prend ses armes et il va dans d’autres pays où il peut les utiliser. Je ne connais pas tous les pays. J’ai communiqué avec le coordonnateur de section en Australie pour le questionner à ce sujet. Nous nous sommes écrit à quelques reprises. Un novice peut fréquenter un club pendant six mois, utiliser les armes d’autres personnes et soumettre une demande ensuite. Il faut une année pour se qualifier. C’est quelque chose que je connais très bien. Je sais qu’en Russie, les armes à feu sont gardées dans des centres. On parle de 109 pays, alors vous comprendrez que je ne connais pas en détail comment les choses se passent dans chacun d’eux.

Le sénateur Kutcher : Effectivement, 109 pays, c’est beaucoup.

Pensez-vous que vous pourriez faire des recherches là-dessus? Est-ce que ce serait envisageable pour vous de faire des recherches pour trois pays, soit l’Australie, le Royaume-Uni et le Japon? Disons que nos façons de voir sont plus proches de celles de ces pays que de celles de la Russie. Pourriez-vous nous aider à comprendre comment les choses fonctionnent dans ces trois pays? Quelles mesures de protection ont-ils mis en place? Est-ce que ce serait possible pour vous de faire ces recherches?

M. Smith : Oui. J’ai déjà fourni des informations quand j’ai comparu devant le Comité de la sécurité publique. Comme je l’ai dit, j’ai déjà contacté quelqu’un en Australie étant donné qu’elle a été citée en modèle au moins trois fois au cours des témoignages.

Le sénateur Kutcher : Oui, mais ces trois…

M. Smith : Oui, je peux faire ces recherches.

Le sénateur Kutcher : Merci énormément. Ce serait formidable.

Madame Honour, merci beaucoup d’être avec nous et de nous avoir donné votre point de vue. Vous avez soulevé un enjeu important en parlant du rôle proactif que peut jouer la fédération de tir sur la question très préoccupante des suicides par arme à feu. Je vous remercie beaucoup d’avoir soulevé cette question. Nous savons que de nombreux organismes, y compris des organismes sportifs pour les jeunes, ont commencé à faire de la sensibilisation sur la santé mentale. On apprend aux gens à déceler les signes qu’une personne pourrait être suicidaire et quelles interventions sont possibles au sein de l’organisme. Votre organisme a-t-il eu des discussions avec le gouvernement fédéral ou les gouvernements provinciaux, ou des groupes spécialisés en santé mentale pour qu’ils vous aident à développer ces capacités? Si vous ne l’avez pas encore fait, existe-t-il une volonté à cet égard?

Mme Honour : En tant qu’organisme sportif national, c’est clair que nous avons cette volonté. C’est quelque chose qui se fait déjà dans d’autres sports, et nous pourrons tirer profit de leur travail, de ce qu’ils ont appris et de la manière dont ils ont géré ce processus. Nous voulons vraiment qu’on en tienne compte à l’échelon de la direction, des entraîneurs et des officiels, que ce travail se fasse dans l’ensemble de notre organisme sportif. Et ce serait vraiment merveilleux si nous réussissons à obtenir la collaboration des clubs.

Le sénateur Kutcher : Merci.

Le sénateur Yussuff : Je remercie les témoins d’être des nôtres.

Ma question s’adresse à la fois à Mme Sandra Honour et, cela va de soi, à M. James Smith. Elle porte sur votre inquiétude à l’égard du projet de loi C-21 et du recrutement de membres en raison de l’interdiction des armes de poing et de leur utilisation. La question comporte peut-être deux volets… Être membre de vos organismes vient avec une grande responsabilité et, chose certaine, si l’exception proposée par l’autre chambre est accordée, il faudra resserrer les contrôles pour éviter les adhésions dont le seul objectif est de déjouer les restrictions liées aux armes de poing. Pouvez-vous nous dire un peu plus en détail ce que vous en pensez? La question a été soulevée publiquement et j’aimerais vous entendre davantage là-dessus.

M. Smith : Comme je l’ai déclaré en introduction, l’IPSC, depuis sa création au Canada, exige un cours de formation qui s’ajoute à toutes les exigences du gouvernement. C’est notre programme Black Badge. Le cours dure deux jours et nous faisons un contrôle des participants. C’est une formation très complète, qui couvre les règles et à peu près tout ce qu’il faut savoir. Nous avons un nombre limité d’instructeurs. Même si ça se bouscule au portillon, nous ne pourrons pas accepter tout le monde parce que nous n’avons pas suffisamment d’installations. En plus, il faut refaire la formation tous les ans pour conserver la certification Black Badge et pour pouvoir s’y inscrire les années suivantes. Nous pourrions certainement coopérer et effectuer les contrôles. Nous pourrions informer les membres des procédures à leur arrivée et à leur départ.

Mme Honour : Nous pourrions faire la même chose pour les sports de la Fédération Internationale de Tir Sportif.

Le sénateur Yussuff : Pour donner suite à votre réponse, j’aimerais que vous me disiez quelles sont les conditions d’adhésion. Comment vous assurez-vous qu’une personne qui adhère à votre organisme se conforme aux exigences liées aux compétitions?

M. Smith : Nous faisons un suivi de la participation aux compétitions provinciales et nationales. Si une personne ne participe à aucune compétition pendant une année, une période probatoire de six mois est prévue. Si elle ne participe à aucune compétition durant ces six mois, elle doit refaire toute la formation.

Le sénateur Yussuff : Est-ce que les mêmes règles s’appliquent dans votre organisme, madame Honour?

Mme Honour : Non, pas encore, mais nous pourrions les appliquer si c’est nécessaire.

Le sénateur Yussuff : Un amendement proposé par l’autre chambre touche certaines de vos préoccupations. Le comité en a discuté, mais il n’en a pas tenu compte, comme nous le savons. Il y a quand même eu une réflexion à ce sujet. Est-ce que l’amendement proposé vous satisfait?

M. Smith : Oui. Il aurait pu aller un peu plus loin, mais nous savions ce qui nous pendait au bout du nez. Nous en sommes au point où nous prendrons tout ce qu’on nous donne pour assurer la survie de notre sport.

Le sénateur Yussuff : Merci à vous deux pour votre témoignage. Et merci d’être avec nous.

Le président : Distingués collègues, c’est ce qui met fin à nos échanges avec ce groupe de témoins. Il restait encore des questions, ce qui en dit long sur la qualité des témoignages des trois personnes devant nous .

Nous vous sommes très reconnaissants de nous avoir fait profiter de votre temps, de votre expertise et de vos éclairages. Nous terminons en vous félicitant tous les trois pour votre excellent travail de représentation de vos communautés respectives. Nous vous en remercions sincèrement, et merci de vous être joints à nous aujourd’hui.

Au cours des 55 prochaines minutes, nous aurons le plaisir de discuter avec M. Matthew Hipwell, le propriétaire de Wolverine Supplies; M. William J. Klassen, un ancien officier de police de la Gendarmerie royale du Canada au Yukon, ainsi que Mme Lynda Kiejko, qui est ingénieure civile et athlète olympique en tir sportif. Elle témoignera par vidéoconférence.

Merci à vous trois de vous joindre à nous. Nous allons tout d’abord entendre vos déclarations liminaires et nous enchaînerons avec les questions des membres. Vous disposez de cinq minutes pour votre allocution. Monsieur Hipwell, vous serez le premier.

Matthew Hipwell, propriétaire, Wolverine Supplies, à titre personnel : Distingués sénateurs, mesdames et messieurs, bonjour. Merci de me donner l’occasion de prendre la parole devant le comité et d’aborder quelques aspects du projet de loi C-21.

Le gel des armes de poing imposé par le projet de loi C-21 et le gouvernement libéral n’a rien fait pour réduire le nombre de crimes impliquant ce type d’armes au Canada depuis son entrée en vigueur en octobre 2022. Savons-nous si ce gel a eu un effet quelconque sur la sécurité du public après une année d’application? Je serais porté à croire que c’est impossible de le savoir parce que le gel de la vente et de la cession des armes de poing au Canada a eu des conséquences seulement pour les propriétaires qui détiennent un permis valide et qui peuvent légitimement posséder ces armes à feu. Le gel n’a pas empêché les criminels du pays de posséder ou d’acquérir une arme de poing. Et comme nous le savons tous, les lois sont le dernier des soucis des criminels. Elles dérangent seulement ceux qui souhaitent s’adonner à leur sport ou à leur loisir préféré. Même des chefs de police et des représentants de la Gendarmerie royale du Canada, la GRC, ont déclaré que le problème ne vient pas des armes de poing légales, mais, jusqu’ici, les professionnels qui sont aux premières lignes ont parlé dans le vide. Nous avons raté une occasion de renforcer la sécurité du public. Et pour apaiser les craintes du public, on a choisi la voie de la facilité en visant les propriétaires légitimes d’armes de poing, ceux qui détiennent tous les permis exigés. Rien n’a été fait pour contrôler la circulation des armes de poing aux frontières ou poing dans les rues. Les fusillades impliquant des armes de poing continuent de faire les manchettes. Je le répète, est-ce que la criminalité a diminué au cours de la dernière année?

La classification des armes à feu est simple. Pourtant, au fil des ans, des individus se sont bâti une carrière en classant les armes à feu. La seule exception est liée aux armes de poing. Elles sont clairement définies en fonction de la longueur du canon, du calibre et du nombre de coups, soit la capacité du chargeur. C’est à la portée de n’importe qui. Je le mentionne parce que le ministre Le Blanc a parlé de rétablir le Comité consultatif canadien sur les armes à feu. Son mandat sera de faire un examen indépendant de la classification des modèles existants qui sont visés par une nouvelle définition prospective des armes prohibées selon le projet de loi C-21, et de recenser les armes pouvant être considérées comme des armes de chasse en vue de les exclure par la voie d’un décret ou d’une autre forme de jugement. Quelle est la définition prospective d’une arme à feu prohibée selon le projet de loi C-21? Nous ne le savons pas. Cette définition n’a pas encore été établie. Pourtant, si on s’en tenait à une classification simple fondée sur la longueur du canon, la capacité du chargeur, le mécanisme et ce genre de choses, nous serions tous capables de déterminer la classe d’une arme à feu et l’utilisation qui peut en être faite, y compris les fabricants et les clients des détaillants.

Les fabricants, les importateurs, les distributeurs, les détaillants et les propriétaires veulent se conformer aux lois et aux règlements sur les armes à feu, c’est évident. C’est évident, mais à cause du manque de clarté et des réinterprétations constantes, nous nous retrouvons dans une position précaire et à risque de perdre de l’argent ou de faire l’objet d’accusations criminelles. Qui fait de l’éducation dans les médias pour informer les propriétaires que leur arme à feu a été interdite? Beaucoup de gens pour qui les armes à feu sont des outils ne connaissent pas bien les lois. Combien d’armes à feu comme les Ruger Mini-14, qui ont été interdites il y a quelques années, sont en circulation et sont utilisées par les agriculteurs pour abattre des moufettes enragées et d’autres animaux nuisibles? Les fabricants ont été accusés de vouloir contourner la loi, mais la réalité est que même s’ils veulent se conformer aux règlements, ils n’y arrivent pas parce qu’ils changent constamment.

Pour ce qui concerne les nouvelles infractions et les peines imposées, c’est quelque chose qui m’intéresse particulièrement en raison de mon ancienne carrière. On prévoit d’augmenter les peines de 10 à 14 ans. Ces dispositions seront inutiles si le système de justice n’a pas les outils nécessaires pour les faire appliquer. Quand je travaillais dans les services policiers, il y avait un problème évident de portes tournantes dans le système de justice. C’était frustrant pour les policiers et le personnel de la justice parce qu’ils étaient dans une spirale sans fin d’arrestations et de remises en liberté. C’est ce système qu’il faut améliorer avant de prolonger les peines.

De nouvelles infractions sont prévues au projet de loi C-21. En voici un exemple:

Cession de chargeurs non prohibés aux particuliers

(2) La cession de chargeurs qui ne sont pas désignés comme étant des dispositifs prohibés à un particulier n’est permise que s’il est titulaire d’un permis l’autorisant à posséder une arme à feu.

À l’avenir, il faudra un permis pour posséder un chargeur pour une arme à feu pour laquelle il faudra un permis d’acquisition ou de possession… Combien de chargeurs de calibre 22 sont en circulation au Canada actuellement? Il y en a un nombre incalculable.

J’ai abordé quelques aspects seulement du projet de loi C-21 aujourd’hui, mais j’espère que ce sera suffisant pour vous convaincre que les éléments à améliorer sont nombreux. Je suis en faveur d’une législation sensée et responsable sur les armes à feu, qui n’empiète pas sur les privilèges des Canadiens respectueux de la loi.

Merci beaucoup.

Le président : Merci à vous, monsieur Hipwell.

William J. Klassen, ancien officier de police, Gendarmerie royale du Canada, Yukon, à titre personnel : Bonjour, distingués sénateurs. Merci de m’offrir cette possibilité de discuter avec vous du projet de loi C-21 et de ses répercussions pour les propriétaires d’arme à feu, dont je fais partie.

Depuis mon enfance sur la ferme, j’utilise et je possède des armes à feu pour éliminer les animaux nuisibles, pratiquer le tir à la cible, chasser pour rapporter de la viande et dans le cadre de mon travail. Je suis un membre actif de la Yukon Handgun Association, et je m’exprime en partie au nom de ses membres.

Je suis d’accord avec le député libéral du Yukon qui a voté contre le projet de loi C-21. Je suis également d’accord avec d’autres témoins qui sont venus vous dire que ce projet de loi comporte de sérieuses lacunes et qui vous ont recommandé de le laisser tomber.

À mon avis, les lois actuelles sur les armes à feu, si elles sont appliquées correctement, suffisent largement pour assurer la sécurité du Canada et des communautés. Si le Sénat, à l’issue de son processus de second examen objectif, décide d’appuyer le projet de loi, il faudra y apporter des amendements de fond. J’appuie pleinement les amendements proposés dans le mémoire que vous a transmis un groupe de sept chercheurs, d’experts en politiques et d’experts en la matière.

Dans le temps qui m’est alloué, je vais m’en tenir à deux aspects du projet de loi, soit l’interdiction des fusils semi-automatiques et le gel des armes de poing.

Si j’ai bien compris, les articles 15 et 16 du projet de loi prévoient l’interdiction des armes d’épaule semi-automatiques qui tirent des munitions à percussion centrale et qui sont munies d’un chargeur détachable pouvant contenir plus de cinq cartouches. C’est inutile. Il existe déjà une limite de cinq cartouches pour toutes les armes d’épaule semi-automatiques qui tirent des munitions à percussion centrale. Beaucoup de Canadiens utilisent certaines armes à feu dites « de style arme d’assaut » pour la chasse et le tir à la cible. Pourquoi les interdire? Où sont les preuves que ces armes détenues légalement sont utilisées pour commettre des crimes ou que les Canadiens seront plus en sécurité si elles sont interdites?

La liste des armes à feu prohibées inclut le modèle ArmaLite AR-10. Il y a trois ans, le gouvernement du Yukon a acheté des armes de type AR-10, ou plus exactement des SIG SAUER 716s, pour les agents de conservation. La raison invoquée était qu’ils avaient besoin d’armes semi-automatiques pour se défendre contre des animaux dangereux. Ces dernières années, des grizzlis ont été impliqués dans au moins trois accidents mortels au Yukon. Pourquoi serait-il interdit aux Yukonais et à d’autres Canadiens de posséder le même type d’armes à feu que les agents de conservation utilisent pour se protéger? De nombreux Yukonais passent beaucoup plus de temps dans la forêt que les agents de conservation, mais l’interdiction va les empêcher de posséder et d’utiliser une arme de type AR-10 pour se protéger.

Au fil du temps, j’ai monté une belle collection d’armes de poing, dont trois sont des armes courtes remises aux membres de la GRC, dont je faisais partie. Ces pistolets ont pour moi une valeur historique et sentimentale considérable, mais ils ont aussi une valeur économique. Depuis le gel sur les cessions d’armes de poing imposé par le décret d’octobre 2022 et renforcé par le projet de loi, ma collection a perdu sa valeur économique, qui était considérable. Je ne pourrai peut-être pas les céder à mes enfants ou à mes petits-enfants, ni les vendre. Je pourrais en donner quelques-unes à un musée du Yukon, mais un reçu pour crédit d’impôt ne pourra jamais compenser leur valeur réelle. Mon liquidateur devra peut-être remettre plusieurs de mes armes de poing pour qu’elles soient détruites.

Où est la preuve que les communautés canadiennes seront plus en sécurité si ces biens de grande valeur sont interdits et détruits? Les propriétaires canadiens d’armes de poing doivent suivre une formation, réussir des tests et obtenir l’accord de leur conjoint pour l’obtention d’un permis d’arme à feu à utilisation restreinte, qui servira peut-être seulement dans un champ de tir autorisé par la GRC. Ce ne sont pas des propriétaires autorisés d’armes à feu qui commettent des fusillades au Canada. Les empêcher d’échanger ou de vendre ces armes à feu à utilisation restreinte ne rendra pas le Canada plus sûr.

Merci.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Klassen.

Lynda Kiejko, ingénieure civile et olympienne, à titre personnel : Monsieur le président, distingués membres du comité, merci de m’accueillir.

Je suis la présidente bénévole de l’Alberta Handgun Association. Je fais aussi partie de l’équipe nationale de tir. Je reviens tout juste des Jeux panaméricains, où j’ai représenté le Canada pour la troisième fois. J’ai remporté trois médailles aux Jeux panaméricains, une médaille aux Jeux du Commonwealth, et j’ai participé deux fois aux Jeux olympiques dans la discipline du tir au pistolet. Mon père et une de mes sœurs sont aussi des athlètes olympiques en tir au pistolet.

Le tir à la cible est l’une des disciplines sportives les plus inclusives et les plus susceptibles d’être pratiquées pendant toute la vie, partout dans le monde. C’est un sport qui mérite que les Canadiens s’y intéressent. L’équité de ce sport est sans pareille. Tout le monde, peu importe la morphologie, le genre ou les capacités physiques, peut pratiquer le tir à la cible. Nous pouvons tous compétitionner épaule contre épaule dans un cadre où les règles du jeu sont équitables.

Les limites imposées par le projet de loi C-21, et certaines des règles mises en place, entraînent des difficultés particulières pour les athlètes comme moi et pour les futurs athlètes. Si j’ai un problème avec mon arme, je ne peux plus me procurer des pièces de rechange. Je ne peux plus l’envoyer à l’extérieur du pays pour des réparations sous garantie. Je n’ai plus accès à de nouvelles armes à feu et aux derniers modèles nécessaires pour participer à des compétitions internationales, et les délais d’obtention d’un permis d’importation et d’exportation sont vraiment problématiques.

Je vis beaucoup de stress à cause des délais d’obtention des permis d’exportation nécessaires lorsque je suis sélectionnée par une équipe à moins de six semaines avant le départ. J’ai reçu mon permis d’exportation pour les Jeux panaméricains alors que j’étais déjà à l’aéroport pour me rendre aux compétitions. L’attente a beaucoup contribué à augmenter mon stress avant les Jeux. Le renforcement des règles existantes n’a pas du tout amélioré votre sécurité. J’ai été la seule à en subir les conséquences.

Au moins deux de mes coéquipiers ont de la difficulté actuellement à se procurer de nouvelles armes à feu. Une arme à feu a été commandée avant le gel sur les armes de poing, et elle a été livrée. Selon ce que j’en comprends, elle attend toujours au purgatoire des importations. Une personne a essayé de se dépêtrer dans la réglementation en vigueur pour se procurer une arme à feu nouvellement mise en marché après le gel des armes de poing. Plus d’une année plus tard, ces deux personnes n’ont pas le matériel nécessaire pour participer à leurs compétitions. Si on enlève la possibilité de commencer dans le sport, c’est difficile pour les nouveaux tireurs d’acquérir le matériel nécessaire.

Le projet de loi C-21 exige que les athlètes donnent une preuve qu’ils s’entraînent pour les Jeux olympiques avant même qu’ils commencent à pratiquer le sport. C’est insensé. Les athlètes commencent rarement à pratiquer un nouveau sport en ayant pour objectif de se rendre aux Jeux olympiques. La pratique du sport est censée promouvoir l’activité physique tout au long de la vie. Pourquoi ajouter de la pression sur les sports de tir et tout miser sur la formation d’athlètes olympiques? La participation à d’autres disciplines de tir permet d’adhérer à la Fédération Internationale de Tir Sportif et de participer à ses activités. La Fédération offre beaucoup plus de possibilités de compétitions que les Jeux olympiques. Les Championnats du monde de la Fédération comportent un éventail de disciplines beaucoup plus diversifié que les Jeux olympiques. Le projet de loi C-21 prive les athlètes de la possibilité de concourir dans une compétition d’envergure internationale parce que les disciplines représentées aux Jeux olympiques sont une petite partie de celles qui sont proposées par la Fédération Internationale de Tir Sportif, sans compter les autres organismes internationaux qui organisent aussi des événements de tir au pistolet.

Le projet de loi C-21 limite la possibilité de suivre un cours requis pour l’obtention d’un permis d’acquisition et de possession d’une arme à feu à autorisation restreinte, qui est obligatoire pour posséder une arme de poing, acquérir une arme de poing, utiliser une arme de poing dans un champ de tir agréé, et la liste s’allonge. Pour quelle raison? Quel objectif le projet de loi C-21 remplit-il? Mes armes et celles de mes coéquipiers ne sont pas celles dont nous voulons débarrasser les rues. Nos armes ne circulent jamais dans les rues. Ces règlements me touchent directement, mais ils sont inutiles pour lutter contre les armes illégales et la criminalité violente, et pour assurer la sécurité du public. Le projet de loi C-21 donne l’illusion que quelque chose est fait, mais ce n’est pas productif.

Je participe à des compétitions de tir au pistolet depuis 31 ans. Je suis membre de l’équipe nationale depuis près de 24 ans. Je suis devenue une athlète olympique il y a sept ans. Si je ne m’étais pas autant entraînée avant mes premiers Jeux olympiques, je ne serais jamais devenue une athlète olympique. Qu’arrivera-t-il si je prends ma retraite? Allez-vous confisquer mon arme à feu? Est-ce qu’on confisquerait le maillot de bain d’un nageur? Le ballon d’un joueur de soccer? Et que feriez-vous avec la raquette d’un joueur de tennis? Où se trouve la dimension récréative pour un tireur? Avant les compétitions, les athlètes olympiques ont suivi un entraînement rigoureux, et ils contribuent à la motivation des futurs athlètes. La participation à des disciplines olympiques ou paralympiques comme unique condition pour avoir le droit de s’entraîner, de compétitionner, d’entraîner d’autres athlètes et d’avoir accès au matériel nécessaire est une importante restriction pour les futurs athlètes.

Le sport est important. Le tir à la cible est un sport qui peut être pratiqué tout au long de la vie. Actuellement, le projet de loi C-21 prive les Canadiens de cette possibilité, mais il n’a pas vraiment d’impact sur la criminalité violente. Je m’adresse à vous, à titre de membres du Sénat, pour vous demander d’inclure dans la disposition sur l’entraînement et les compétitions tous les pistolets couramment utilisés dans les disciplines reconnues par la Fédération Internationale de Tir Sportif, dans les disciplines des championnats mondiaux et durant les activités organisées de tir à la cible. L’exception ne doit pas se limiter aux disciplines olympiques et paralympiques. Beaucoup d’autres disciplines servent de bassins de recrutement d’athlètes olympiques. L’IPSC est une fédération sportive internationale, et je vous exhorte à examiner…

Le président : Madame Kiejko, je suis désolé…

Mme Kiejko : Merci beaucoup.

Le président : Je suis désolé de vous avoir interrompue. Je prends quand même quelques instants pour vous féliciter, au nom de nous tous ici, pour vos nombreux exploits sportifs. Bravo.

Nous allons passer aux questions. Nous avons jusqu’à 16 heures avec ce groupe. Comme je l’ai fait pour le groupe précédent, je vais limiter les temps de parole, y compris les réponses, à quatre minutes. Je vais lever ce carton pour indiquer qu’il reste 30 secondes. Je vous demanderais de poser des questions succinctes et de désigner la personne à qui vous vous adressez. Notre vice-président aura l’honneur de commencer.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Ma question s’adresse à M. Hipwell.

Monsieur Hipwell, vous avez déjà admis qu’il est impossible de plaire à tout le monde, surtout lorsqu’il s’agit du contrôle des armes à feu au Canada. Devant les revendications de PolySeSouvient, je crois que vous avez dit vouloir trouver une approche dite raisonnable.

Compte tenu de l’état actuel des choses en ce qui concerne le projet de loi C-21, croyez-vous qu’il est toujours possible de réconcilier le point de vue des détenteurs d’armes à feu légales et celui des personnes qui désirent toutes les faire disparaître? À votre avis, quelle serait une approche raisonnable?

[Traduction]

M. Hipwell : Merci. C’est une excellente question.

Je crois qu’il est possible d’arriver à un compromis, mais il faudra travailler un peu plus. Il faut que les gens prennent leurs responsabilités. Nous venons d’entendre qu’il existe plusieurs niveaux de responsabilité, qui vont de l’obtention d’un permis à la participation à des formations supplémentaires. Vous avez évoqué la réglementation de l’entreposage et du transport. C’est un autre aspect. Il a aussi été beaucoup question de santé mentale. Nous sommes tous conscients des incidences pour certaines personnes. Il reste beaucoup à faire, et je ne crois pas qu’une seule instance peut prendre toutes ces décisions.

[Français]

Le sénateur Dagenais : À titre de commerçant d’armes, que pensez-vous du programme de rachat d’armes que le gouvernement libéral a mis en place?

[Traduction]

M. Hipwell : Premièrement, concernant le programme de rachat découlant du décret du 1er mai 2020, je me demande pourquoi le gouvernement n’a pas encore racheté ces armes si elles étaient si nuisibles et s’il était si urgent d’en débarrasser les rues? Cela fait maintenant trois ans et ces armes sont encore entreposées en toute sécurité dans les coffres-forts, les chambres fortes et les armoires des propriétaires de maisons. Ce n’est pas la bonne approche selon nous.

[Français]

Le sénateur Dagenais : J’aimerais vous entendre sur la définition d’armes semi-automatiques que l’on souhaite retirer du marché. Tout d’abord, en vendez-vous? Qui achète ce type d’armes de combat?

[Traduction]

M. Hipwell : Il existe beaucoup de types différents d’armes à feu semi-automatiques, et je sais que c’est une réponse assez vague. Ces armes ont différents calibres, et vont de l’arme à percussion annulaire de calibre 22 aux armes de chasse utilisées par les chasseurs d’oiseaux et les tireurs sportifs lors des compétitions, en passant par les diverses armes de chasse à percussion centrale et les carabines de tir. Ces armes sont utilisées de multiples manières, parfois de façon clandestine, parfois pour la subsistance. Je vais vous donner un exemple d’arme à feu semi-automatique utilisée pour le contrôle des prédateurs. En route pour venir ici, j’ai reçu un appel d’un client qui a ce genre de problème. Il a déjà dû abattre 27 coyotes cet automne, et l’hiver n’est pas encore arrivé. C’est la réalité à bien des endroits au pays.

Le sénateur Oh : Je remercie les témoins d’être avec nous.

Ma question s’adresse à notre athlète olympique, Mme Lynda Kiejko. Je vous remercie sincèrement d’avoir représenté le Canada et d’avoir contribué à la renommée mondiale de notre pays. Mon frère est aussi un athlète olympique en tir, et je sais parfaitement que vous êtes tous extrêmement professionnels, et que vous vous entraînez avec énormément d’ardeur et de rigueur.

Nous avons reçu le ministre ici. Il a comparu le 23 octobre. Sur la question de la participation aux Jeux olympiques, il a affirmé qu’il n’y a pas du tout d’incidence sur l’accès aux armes à feu dont les athlètes d’élite ont besoin pour prendre part à des compétitions sportives. À l’inverse, les contrôleurs des armes à feu de l’Alberta et de la Saskatchewan nous ont indiqué qu’aucune demande d’acquisition d’une arme à feu n’a été approuvée pour des athlètes olympiques depuis que le gouvernement fédéral a pris le décret interdisant la vente et l’achat d’armes de poing. Selon ce que vous en savez, est-ce que cette déclaration du ministre est exacte?

Mme Kiejko : Non, le ministre n’a pas raison. Le règlement découlant du projet de loi C-21 tente de prévoir une petite exemption pour les propriétaires d’armes de poing, en particulier dans les sports olympiques. Cependant, nous avons constaté de nombreux problèmes. Il n’y a aucun moyen, à l’heure actuelle, d’obtenir l’approbation d’une nouvelle sorte d’arme à feu ou d’importer celle-ci. Il y en a de toutes nouvelles sur le marché qui sont à la pointe de la technologie, et les Canadiens n’y auront pas accès. J’ai une coéquipière — avec qui je participe à des compétitions et je m’entraîne régulièrement — qui essaie depuis probablement plus d’un an maintenant d’importer l’une de ces nouvelles armes à feu de pointe pour la compétition uniquement. C’est l’une des seules choses pour lesquelles vous pouvez l’utiliser, et c’est pour un événement olympique en particulier. Mais en vain. Nous n’avons pas pu le faire, et elle non plus.

En vérité, le projet de loi C-21 réduit notre capacité de nous mesurer à l’échelle internationale. Tout ce que nous avons dans le pays à l’heure actuelle est tout ce que nous pourrons obtenir. Toute nouvelle personne qui veut participer aux 22 épreuves ne pourra pas le faire. Elle devra emprunter. Nous devons littéralement superviser les nouveaux athlètes et leur prêter notre équipement. L’arme de poing de chaque personne est en quelque sorte adaptée à sa main. Il faut avoir une poignée personnalisée. C’est comme emprunter les chaussures de sport de quelqu’un d’autre et essayer de courir un marathon. Ce n’est pas une bonne façon de fonctionner. Il faut avoir son propre équipement.

Le sénateur Oh : J’espère que le ministre écoutera ce que vous dites.

Le sénateur Plett : J’applaudis!

Le sénateur Oh : J’espère que nous aurons davantage de jeunes athlètes comme vous pour nous représenter à l’avenir. Sinon, nous disparaîtrons du tableau. Je vous remercie.

Mme Kiejko : Merci.

Le sénateur Plett : Ma première question s’adresse à M. Klassen et à M. Hipwell. Vous êtes tous deux d’anciens policiers.

Depuis 1976, les mesures de contrôle des armes à feu se sont multipliées : le projet de loi C-83 en 1976, le projet de loi C-51 en 1977, le projet de loi C-17 en 1990, le projet de loi C-68 en 1995, le projet de loi C-10A en 2003 et le projet de loi C-71 en 2018. À cela s’ajoutent les mesures imposées par décret. C’est tout un tas de projets de loi sur le contrôle des armes à feu, et malgré toutes ces mesures, le parrain du projet de loi C-21, le sénateur Yussuff, a fait remarquer lors de notre dernière réunion : « Quand j’étais jeune et que j’allais à l’école, la violence armée n’existait pas ».

Je veux moi aussi rendre nos collectivités plus sûres. Je pense que nous le voulons tous. Pouvez-vous m’expliquer pourquoi ce projet de loi et ses mesures de contrôle des armes à feu vont réussir à rendre nos collectivités plus sûres alors que tous les autres n’ont pas réussi à le faire? Je sais que je pose la question aux opposants du projet de loi plutôt qu’à ses partisans. C’est peut-être à eux que j’aurais dû la poser, mais je vous en prie, allez-y.

M. Klassen : Je pense que M. Hipwell l’a dit plus tôt. Pour la plupart, les personnes qui commettent des crimes avec des armes à feu ne prêtent pas attention aux lois, de sorte que l’ajout de nouvelles lois et règlements pour ceux d’entre nous qui respectent les lois existantes n’aura, à mon avis, aucun effet positif. J’ai un petit exemple. J’habite dans le Yukon, tout près de Whitehorse. Au cours des trois derniers mois, à quatre kilomètres de chez moi, la police — la GRC — a fait une descente au domicile d’un jeune homme qu’une ordonnance du tribunal interdisait de posséder des armes à feu. Il n’avait pas de permis de port d’arme. C’était un trafiquant de drogue et il était en possession de plusieurs armes à feu. À mon avis, le projet de loi C-21 n’aura aucun effet sur quelqu’un comme lui qui ignore même les ordonnances lui interdisant de posséder des armes à feu.

Le sénateur Plett : Je vais poser une autre question à M. Hipwell. Je suis sûr que sa réponse ressemblera beaucoup à la vôtre, mais je ne veux pas vous faire dire ce que vous n’avez pas dit, monsieur Hipwell.

Certains témoins qui ont comparu devant notre comité la semaine dernière étaient pour l’interdiction des armes d’assaut, mais c’est la définition de ces armes qui pose en grande partie le problème. Il semble que l’on en soit réduit à l’apparence d’une arme à feu plutôt qu’à sa fonction réelle. Au Canada, comme vous le savez, de nombreux fusils semi-automatiques sont utilisés pour la chasse. Il est certain que plus d’un million de fusils semi-automatiques sont en la possession de détenteurs légaux et sont des armes à feu sans restriction. Comment peut-on sélectionner ces armes et leur attribuer la classification d’armes d’assaut tout en les laissant en circulation — comme les armes à feu semi-automatiques sans restriction qui peuvent utiliser exactement les mêmes munitions —, et prétendre que certaines de ces armes sont plus sûres que d’autres? Comment choisir?

M. Hipwell : Comment choisir entre les deux? C’est un véritable défi. Je ne suis pas un expert dans ce domaine pour pouvoir choisir entre les différents types d’armes. Elles ont toutes des caractéristiques différentes — l’ergonomie ou l’ajustement, un peu comme la poignée d’un pistolet. Certains de ces fusils sont plus petits. Ils sont conçus pour des tireurs plus petits. J’ai entendu parler d’exemples concernant les grizzlis. J’ai entendu parler d’exemples concernant des sangliers où les armes à feu semi-automatiques se sont révélées utiles. Il y a l’environnement et le contrôle des prédateurs. Avec l’explosion de la population de coyotes dans certaines régions du pays, ces types d’armes à feu sont utiles et permettent de protéger les moyens de subsistance des gens.

Le sénateur Plett : Si un sanglier vous poursuivait après avoir reçu un premier coup de fusil, vous seriez probablement heureux d’avoir une autre balle dans votre chargeur.

M. Hipwell : Je n’ai pas vécu une telle situation, mais je suis sûr que cela pourrait se produire.

La sénatrice M. Deacon : Je vous remercie tous d’être présents cet après-midi.

Ma question est en deux parties et s’adresse à Mme Kiejko. Bienvenue à nouveau. Nous sommes ravis de vous revoir. Nous savons que le reste de votre équipe sera certainement de retour aujourd’hui, et nous sommes ravis que vous ayez pu venir cet après-midi.

En examinant cette loi, on nous dit — et nous voyons — qu’il y a des exceptions pour les personnes dans votre situation, non seulement pour les athlètes d’élite comme vous, mais aussi pour ceux qui s’entraînent. Lorsque j’ai posé une question à ce sujet au ministre, il a assuré ceci au comité :

Il n’y a pas que les personnes qui participent à ces compétitions internationales pour représenter le Canada; il y a ceux qui s’entraînent et se préparent à avoir un jour, espérons-le, l’occasion de le faire.

En outre, comme je le note, le projet de loi prévoit des exceptions pour les personnes qui s’entraînent, participent à des compétitions ou entraînent d’autres dans une discipline de tir à l’arme de poing inscrite au programme du Comité international olympique, le CIO, ou du Comité international paralympique, le CIP. J’en déduis qu’ils ne doivent pas forcément s’entraîner pour les Jeux olympiques uniquement, mais simplement participer à un sport reconnu par ces organismes. Pourquoi pensez-vous que ce ne sera pas le cas?

Mme Kiejko : Comment prouver que l’on s’entraîne pour cela? Il y a 15 disciplines olympiques différentes. Les disciplines paralympiques sont, je crois, à peu près du même nombre. En fin de compte, comment prouver pour quoi l’on s’entraîne? Le témoin de la Confédération internationale de tir pratique a dit qu’ils ont une quantité réglementée au sein de laquelle ils suivent où tout le monde se trouve, ce que tout le monde fait et combien de fois ils ont participé à des compétitions. Nos événements ne sont pas nécessairement suivis de la même manière. Vous pouvez revenir en arrière et consulter les listes, et vous pouvez vous y retrouver. Cependant, nous ne suivons pas activement la fréquence des compétitions pour nous assurer que les participants sont toujours en compétition, qu’ils s’entraînent et qu’ils travaillent pour atteindre leurs objectifs. Certaines personnes se sont entraînées il y a quelques années, ont eu des changements dans leur vie et n’ont pas pu poursuivre leur sport. Puis, trois ans plus tard, elles s’y sont remises. Nous les soutenons totalement dans cette démarche. Elles auraient certainement pu s’entraîner à l’écart. Il se peut simplement qu’elles n’aient pas pu participer à une compétition à cause d’une foule de raisons.

Je pense que se contenter de dire que nous ne devons considérer que les épreuves olympiques et se limiter à ça, c’est se mettre les bâtons dans les roues. Il y a d’autres épreuves olympiques où, s’ils veulent les intégrer, ils peuvent le faire ou non. Il y a des épreuves qui ont été des épreuves olympiques, qui ne le sont plus, mais qui sont toujours actives sur la scène des championnats mondiaux. Elles sont toujours soutenues par la Fédération Internationale de Tir Sportif, l’ISSF. Ces épreuves représentent toute une série d’armes que cette loi interdirait.

La sénatrice M. Deacon : Merci.

Je vais approfondir un autre aspect de votre expérience. Je pense qu’il s’agit de la participation dont vous parlez. Examinons un point que vous avez abordé un peu plus tôt. Selon vous qui avez participé à de nombreux Jeux olympiques, deux des plus grands défis sont la logistique de l’acheminement des chevaux vers les cavaliers depuis les navires et la quarantaine, d’une part, et l’acheminement des armes et des munitions vers les athlètes, d’autre part. Ce sont les deux plus grands défis des Jeux. Je sais que vous avez vécu cela. Vous avez commencé à en parler. Comment cela se passe-t-il pour vous, et comment voyez-vous les choses changer avec le projet de loi C-21?

Mme Kiejko : Je crois que l’un des autres témoins l’a mentionné. Si les armes à feu de quelqu’un sont perdues pendant le transport, que faire pour les remplacer? Il y a un an, j’ai effectivement dû participer à l’un de nos championnats avec l’arme de quelqu’un d’autre. Je le répète, c’était horrible. Elle ne me convenait pas et elle ne fonctionnait pas bien pour moi. Ma performance a été nettement inférieure à la moyenne. Et si je n’avais jamais récupéré mes armes? Qu’aurais-je fait? Je l’ignore. En vertu du règlement, je n’aurais pas eu d’armes à feu pour continuer à participer à des compétitions. Je n’aurais pas participé aux Jeux panaméricains cette année. Je n’aurais pas fait partie de l’équipe cette année parce que je n’aurais plus d’armes.

Prenons la logistique. Je confie mes armes à feu à la compagnie aérienne pour qu’elle puisse me les apporter. C’est une question de logistique. Il y a des règles, des permis et tout ce qu’il faut. À l’heure actuelle, je dois demander une série de permis avant de quitter le pays, afin de pouvoir y revenir. Je suis à la merci du gouvernement pour que tout soit en place. Si j’ose faire une demande un peu tard parce que je suis nommée tard dans une équipe, je n’y peux rien et il n’y a aucun moyen d’accélérer l’obtention de ces permis.

La sénatrice M. Deacon : Merci.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Je vais poser ma question à M. Klassen et je ferai appel à son expérience à titre de policier.

Ce projet de loi confronte deux valeurs de notre société. Les armes à feu existent depuis environ 800 ans. Lorsqu’on fait l’historique de la présence des armes à feu, cela date du XIIIe siècle environ, et les gens qui appuient fortement ce projet de loi ont une philosophie ou une utopie de dire qu’il faudrait débarrasser le Canada de toutes les armes à feu. On a entendu ce discours.

Il y a aussi ceux qui disent que ce projet de loi est relativement imparfait. Ce sont des directeurs sportifs ou des olympiens, comme on l’a vu plus tôt, et d’honnêtes chasseurs qui utilisent ces armes en vertu d’une culture très sécuritaire de l’arme à feu. On l’a constaté à la suite de la loi que nous avons adoptée dans les années 1990, si on veut en faire un succès sur le plan du contrôle des armes à feu, il faut obtenir l’adhésion des citoyens, des propriétaires d’armes.

Ma question est simple. Est-ce que ce projet de loi a l’adhésion des chasseurs ou des propriétaires d’armes? Dans la négative, quel est l’avenir de la gestion des armes à feu au Canada si la majorité des propriétaires n’adhèrent pas à un projet de loi?

[Traduction]

M. Klassen : Merci pour la question.

Les propriétaires d’armes à feu que je connais, principalement les membres du club de tir auquel j’appartiens, dans la mesure où ils comprennent le projet de loi — et ce n’est pas un projet de loi facile à comprendre, parce que lorsqu’on lit le texte de la loi, ce dont j’ai une certaine expérience, il faut faire des recoupements avec tous ces autres projets de loi qui sont amendés par la même occasion —, je dis donc, dans la mesure où les tireurs comprennent le projet de loi, ils ne le soutiennent pas.

De nombreux membres de l’association des armes de poing possèdent des armes de poing. C’est peut-être évident. Ce projet de loi les touche négativement parce qu’il a entraîné une perte de valeur des armes à feu qu’ils possèdent, et cette valeur n’est pas négligeable; elle est importante, comme l’a mentionné le témoin précédent. Si vous possédez plusieurs armes de poing, cela représente des dizaines de milliers de dollars. Si l’on considère la perte de valeur de ces armes, et dans mon cas, compte tenu de mon âge, de ma succession, oui, cela conduit une personne à s’opposer au projet de loi.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Le projet de loi C-68 a été adopté en 1995. En 2004-2005, 50 % des renseignements dans le Registre canadien des armes à feu étaient erronés. Les policiers se rendaient souvent à une adresse donnée où on n’avait aucune indication qu’il y avait des armes, mais il y en avait. Le registre servait très peu à protéger les policiers, alors que la protection des policiers était un facteur prioritaire. Est-il possible que l’on se retrouve dans cinq ans avec ce projet de loi, où le contrôle des armes à feu ne sera ni meilleur ni pire qu’il l’est aujourd’hui, alors que le Canada a un des meilleurs régimes en matière de contrôle des armes à feu?

[Traduction]

M. Klassen : En tant qu’ancien policier, lorsque je me rendais dans une maison où il était possible qu’il y ait des armes à feu, je partais toujours du principe qu’il y avait une arme à feu.

Le registre n’était certainement pas parfait. Dans mon propre cas, j’ai transféré une arme de poing de l’ancien registre au nouveau, et lorsque mon certificat d’enregistrement est arrivé, il indiquait que je ne possédais que le corps lui-même et qu’il n’y avait pas de canon; j’ai donc dû la réenregistrer à cause de cette erreur. Il y a eu de nombreuses erreurs. J’ai un ami qui n’était pas habitué à utiliser des ordinateurs et qui a essayé d’enregistrer ses armes à feu en ligne. Il s’y est pris à trois reprises, si bien qu’il possédait soudain, selon le registre, trois fois plus d’armes à feu qu’il n’en possédait en réalité, à cause de cela.

Le sénateur Boehm : Ma question s’adresse à Mme Kiejko, pour donner suite à ce que vous demandait la sénatrice Deacon, mais tout d’abord, je me joins aux autres pour vous féliciter de votre incroyable carrière sportive.

Des groupes de victimes nous ont parlé de ce que l’on appelle l’exception olympique. Ils craignent que des personnes se glissent entre les mailles du filet dans ce contexte, mais j’imagine que dans les nombreux événements sportifs auxquels vous avez participé — peut-être pas tant le dernier à Santiago lors des Jeux panaméricains, mais d’autres —, il y a des athlètes représentant des pays qui ont adopté des lois interdisant certains types d’armes à feu. Je pense en particulier aux Jeux du Commonwealth et aux Jeux olympiques. Lorsque vous vous détendez avec vos collègues, peut-être quand vous n’êtes pas aussi tendue qu’en compétition, avez-vous eu l’occasion de parler des lois dans d’autres pays et de la manière dont elles sont appliquées? Les autres concurrents sont-ils confrontés aux mêmes tensions que vous pour obtenir leur permis avant de prendre l’avion? J’aimerais savoir si vous avez entendu le point de vue d’autres personnes.

Mme Kiejko : Je n’ai pas vraiment entendu d’autres points de vue. Il y en a certainement quelques-uns, comme les difficultés rencontrées par certains de mes coéquipiers britanniques. Ils doivent littéralement se rendre dans un autre pays afin de s’entraîner pour leur épreuve, et ils doivent entreposer leurs armes à feu dans un endroit complètement différent. Je dirais que c’est un très mauvais service à leur rendre. Pour ma part, je fais beaucoup de tir à sec. J’ai trois jeunes enfants à la maison, et la majeure partie de mon entraînement a lieu après qu’ils sont couchés, ce qui me laisse un très petit créneau de la journée pour m’entraîner. Je ne peux même pas imaginer les défis que doivent relever certains de mes concurrents, ni comment ils gèrent entièrement cette situation, s’ils ne peuvent pas avoir leurs armes à feu à la maison pour s’entraîner à sec.

J’ai déjà eu des conversations avec des gens qui me regardaient en secouant la tête, se demandant comment je faisais. « Comment faites-vous pour sortir vos armes? Vous risquez d’être arrêtée en rentrant dans le pays parce que votre propre pays ne vous a pas donné l’autorisation d’y aller. » Et ce, même si je sors l’arme que je possède légalement dans le pays. Certains trouvent un peu stupéfiant que nous devions franchir tant d’obstacles simplement pour pouvoir partir, participer à des compétitions et revenir, et ce, pour représenter un pays qui ne semble pas être très fier de nous.

Le sénateur Boehm : Que diriez-vous aux groupes qui s’inquiètent de ce qu’on appelle l’exemption olympique?

Mme Kiejko : Je leur demanderais pourquoi. Je comprends que l’outil sportif que nous utilisons puisse être très mal perçu, mais je pense que tout athlète olympique, tout compétiteur sportif, quel que soit son sport, respecte son sport et les outils qu’il utilise pour ce sport. J’aurais du mal. Je voudrais vraiment comprendre leur raisonnement et savoir s’ils se concentrent uniquement sur l’outil ou sur l’entraînement qui y est consacré et sur le degré d’entraînement requis pour participer à des compétitions de haut niveau dans n’importe quel sport. Tout participant à des compétitions de haut niveau respecte immensément son sport, ses concurrents et le public qui l’entoure. Nous sommes censés être des modèles pour le grand public. C’est ce qu’on attend de nous.

Le sénateur Boehm : Merci beaucoup.

Le sénateur Kutcher : Félicitations, madame Kiejko, et merci d’avoir soulevé les questions que le projet de loi C-21 pourrait provoquer au sujet des sports de tir à la cible. Je pense que c’est une question importante.

Ma question comporte deux parties. La première partie a été traitée par mon voisin de banquette, le sénateur Boehm, et je ne la répéterai donc pas. La deuxième partie est la suivante : compte tenu des défis que votre sport aurait à relever, tout en faisant le contrepoids de cela avec le droit des gens à ne pas se faire tirer dessus, y a-t-il des changements que vous apporteriez au projet de loi pour protéger votre sport, tout en protégeant les Canadiens de la violence liée aux armes à feu?

Mme Kiejko : C’est une question à deux volets. À mon avis, je ne suis pas sûre qu’il y a grand-chose dans le projet de loi C-21 que je conserverais, parce que je ne crois pas qu’il y ait quoi que ce soit qui traite de la violence armée. Si l’on veut s’attaquer à la violence armée, il faut se pencher sur les endroits où elle est commise. Si c’est la violence armée que vous visez, vous ne la trouverez pas au stand de tir. Elle n’existe pas dans les sports de compétition. Dans ce cas, pratiquement tous les sports à cible doivent alors être exemptés des restrictions que le projet de loi C-21 tente de mettre en œuvre. Si l’on veut véritablement s’attaquer aux actes violents, il faut regarder où ils se produisent et par qui ils sont perpétrés. Dans la majorité des cas, ces actes sont perpétrés à l’aide d’armes à feu illégales, et le projet de loi C-21 n’a aucun impact sur les armes à feu illégales ni sur la possession illégale d’armes à feu. Le projet de loi C-21 va potentiellement faire des criminels de gens qui ne veulent pas être des criminels. Je ne veux pas être une criminelle. Je veux respecter le règlement et continuer à pratiquer mon sport. En adoptant des règles supplémentaires, vous allez créer des criminels accidentels, ce qui n’est pas vraiment ce que vous visez. Cela n’augmente en rien votre sécurité.

Essayer de régler les problèmes socioéconomiques qui sont à l’origine de la violence armée, des gangs et des problèmes dans les rues, pouvoir mettre en œuvre et appliquer les règlements que nous avons, ainsi que renforcer la GRC et lui fournir les outils dont elle a besoin pour augmenter la sécurité dans les rues et faire son travail correctement, voilà ce qui est, à mon avis, une meilleure mesure législative qu’ajouter d’autres choses dans le projet de loi C-21. Je suis désolée, mais je n’ai pas beaucoup d’espoir ou de soutien pour le projet de loi C-21 sous sa forme actuelle.

Le président : Merci beaucoup.

La sénatrice Dasko : Je remercie nos témoins d’être présents aujourd’hui.

Quelques-unes de mes questions ont déjà été posées par mes collègues, mais j’aimerais creuser un peu plus après les questions de la sénatrice Deacon. Je voudrais poser une question sur les sports des Jeux olympiques et d’autres événements internationaux qui comprennent le tir ou les armes à feu. J’aimerais savoir si vous connaissez des athlètes canadiens ou si vous pouvez me citer un nombre d’athlètes canadiens qui pourraient participer à des compétitions de tir aux Jeux panaméricains, où vous avez remporté tant de succès, aux Jeux olympiques et à d’autres événements internationaux. Pouvez-vous me donner une idée du nombre d’athlètes canadiens qui participent à des compétitions de tir lors de ces événements internationaux comme, disons, les Jeux panaméricains? J’aimerais simplement avoir une idée du nombre.

Mme Kiejko : Je dirais tout d’abord que le nombre à l’échelle internationale est nettement inférieur à celui des athlètes qui participent à des compétitions au Canada pour atteindre ce niveau. Lors des derniers Jeux panaméricains, nous avions 14 athlètes en compétition. Lors des derniers Jeux olympiques, j’étais en fait la seule athlète olympique présente. Nous avons la chance d’avoir deux athlètes qui se sont qualifiés pour les prochains Jeux olympiques à l’occasion de ces derniers Jeux panaméricains.

Si l’on considère les championnats du monde, par exemple, il est possible d’élargir cette perspective. Je pense que nous n’avions qu’une poignée de Canadiens. Je ne peux pas tous les compter. Ils sont entre 5 et 10 aux championnats du monde. Dans la plupart du temps, c’est le coût que représente la participation aux championnats du monde qui limite ce nombre. Chacun d’entre nous a dû débourser entre 6 000 et 8 000 $ pour participer aux championnats du monde, car nous ne recevons aucune aide financière. C’est trop, pour certains de nos athlètes. Si nous avions aligné une équipe complète, nous aurions probablement pu avoir au moins 30 personnes aux championnats du monde.

Au Canada, il y en a beaucoup plus qui participent aux compétitions; nous avons entre trois et cinq athlètes par événement qui participent, en fonction de leur propre financement.

La sénatrice Dasko : D’accord. Lorsque vous avez dit 14, est-ce le nombre de Canadiens qui ont participé aux Jeux panaméricains dans les compétitions de tir?

Mme Kiejko : Oui.

La sénatrice Dasko : 14.

Mme Kiejko : 14.

La sénatrice Dasko : C’est assez important, en fait. C’est plus que je ne l’imaginais.

Parlez-moi de la nouvelle arme à feu. Pourquoi ne pourrez-vous pas avoir accès à la nouvelle technologie?

Mme Kiejko : Parce que c’est une nouvelle arme de poing. C’est une nouvelle arme à feu qui est en cours de fabrication et qui réunit la technologie de plusieurs sortes d’armes à feu. Il s’agit en quelque sorte de prendre le meilleur de quelques versions différentes qui sont au niveau de la haute compétition. Elle est fabriquée en Allemagne, je crois; il faut exporter cette arme à feu d’Allemagne, avec les règles allemandes sur les armes à feu, puis l’importer au Canada. Il faut suivre un processus d’exportation d’au moins six mois pour la sortir d’Allemagne, puis se soumettre au processus d’importation pour la faire entrer au Canada. Personne n’a réussi à le faire parce que c’est impossible. Il existe très peu de licences d’importation restreintes pour ce type particulier d’arme à feu ou cette arme à feu construite de toutes pièces. Ceux qui le veulent n’ont pas encore réussi à trouver un moyen de le faire.

La sénatrice Dasko : C’est exact.

Le sénateur Richards : Je vous remercie de votre présence. Félicitations, madame Kiejko.

Ma question s’adresse à M. Klassen ou à M. Hipwell. Je fais peut-être un peu bande à part ici, mais je pense que cette mesure vise d’une certaine manière les Canadiens des régions rurales et du Nord et les personnes qui utilisent des armes à feu pour gagner leur vie ou pour chasser. Je pense que c’est un projet de loi extrêmement élitiste élaboré par des personnes qui n’ont peut-être jamais utilisé d’arme ou qui n’ont pas grandi dans une ferme. Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais j’aimerais avoir votre avis à ce sujet. C’est ce que j’ai dit à ce sujet lors de la deuxième lecture.

Je pense aussi que si vous rendez les semi-automatiques illégaux, vous allez placer les trois quarts de mes amis du mauvais côté de la loi. Je crois que ceux qui sont du mauvais côté de la loi ne renonceront jamais à leur semi-automatique. J’aimerais que l’un ou l’autre d’entre vous commente cet aspect, si vous le pouvez.

M. Hipwell : La première partie de votre question crée en fait un fossé entre les Canadiens ruraux et les Canadiens urbains. Je parlerai des armes de poing avec le tir pratique comme exemple, car c’est un sport que je connais mieux et dans lequel j’ai participé à des compétitions. J’utiliserai l’exemple du Manitoba. Je dirai que 80 % des tireurs vivent à Winnipeg. Il y a donc 80 % d’entre eux qui vivent en milieu urbain. Oui, dans certains cas, il y a des exemples de Canadiens ruraux, mais cela ne concerne pas seulement les Canadiens ruraux. Dans le Sud de l’Ontario, où le tir pratique compte un grand nombre d’adeptes — je n’ai pas les chiffres; je suis sûr que M. Smith pourrait vous les fournir —, il y a beaucoup de Canadiens vivant en milieu urbain qui sont également touchés par cette mesure législative.

Le sénateur Richards : Il s’agit des armes de poing, n’est-ce pas?

M. Hipwell : C’est exact. Je ne parle que des armes de poing.

Le sénateur Richards : Très bien.

M. Klassen : Merci, sénateur.

En ce qui concerne l’utilisation des armes à feu dans le Nord du Canada, oui, les peuples autochtones les utilisent certainement pour leur subsistance. L’obtention de viande dans la nature, ou de nourriture traditionnelle, comme on l’appelle parfois, est un élément essentiel de leur vie. Que le projet de loi soit élitiste ou non, comme je l’ai dit, les témoins qui sont venus ici ont recommandé soit de l’annuler, soit de ne pas l’adopter, ou encore de le modifier considérablement.

La loi antérieure, que le sénateur Plett mentionnait, je crois, même cette loi sur les armes d’épaule n’était pas comprise par certains des membres plus âgés des Premières Nations que je connaissais et qui se rendaient dans un magasin d’armes à feu — en l’occurrence, Canadian Tire à Whitehorse — pour acheter une carabine. On leur demandait leur permis de port d’arme. Comme ils n’en avaient pas, on ne leur vendait pas de fusil. Peu de temps après, un jeune Autochtone se présentait et achetait la même arme à feu, et l’on pouvait parier que celle-ci était destinée à l’homme plus âgé de la collectivité, sans qu’il y ait de trace de l’endroit où elle était entreposée. Je pense que ce genre de lois démontre que l’on n’a pas compris qu’il y a encore des gens dans ce pays qui assimilent très mal notre système législatif. Tout ce qu’ils savent, c’est qu’ils ont besoin d’une arme à feu pour tuer un orignal.

Je me souviens d’une autre visite de comité sénatorial à Whitehorse, en 1995 je crois, où un homme âgé des Premières Nations provenant de la communauté de Ross River a tenu aux sénateurs des propos que je juge révélateurs : « Si vous me prenez mon arme, comment vais-je pouvoir vivre? Contrairement à vous, je ne peux pas m’asseoir à une table, regarder du papier et gagner de l’argent ».

Le sénateur Richards : Ça s’apparente à ce que je disais au sujet du Canada rural et d’une bonne partie de la population des Maritimes. Merci beaucoup.

Le président : Chers collègues, nous commençons à manquer de temps et il reste plusieurs sénateurs sur la liste; chaque intervenant aura donc maintenant trois minutes.

Le sénateur Yussuff : Je remercie les témoins de leur présence.

Monsieur Hipwell, vous ne voyez pas d’inconvénient à ce que les détenteurs de permis d’armes à feu puissent acheter des munitions, n’est-ce pas? Je crois que vous avez fait mention d’un chargeur. Comme vous le savez, les armes fantômes posent un problème au Canada, un problème qui représente un véritable défi parce que la technologie évolue très rapidement. La loi imposera des restrictions en vertu desquelles il faudra détenir un permis pour acheter certains de ces équipements, évidemment pour éviter qu’ils n’aboutissent entre de mauvaises mains. Est-ce que ça constitue un problème? Pourquoi serait-ce un problème?

Je conclurai sur ce point. Un criminel qui a commis un acte horrible sur la rue Danforth, à Toronto, avait pu acheter des munitions même s’il n’avait pas de permis. Il a pu acheter des munitions pour l’arme qu’il s’était procurée illégalement et qui lui a servi à tuer des gens lors de la fusillade de Danforth.

Vous ne voyez pas d’inconvénient, je suppose, à ce qu’on impose des restrictions à l’achat de munitions et d’autres équipements afin d’assurer une certaine continuité dans le processus d’application des lois, pour contrer les noirs desseins des criminels?

M. Hipwell : Non. Je pense que la situation est un peu mal comprise. Aujourd’hui, pour acheter une arme à feu, une arme avec numéro de série, et des munitions, il faut un permis d’armes à feu. Cette exigence est déjà en place. Dans mon exemple, je voulais dire que ce serait désormais une infraction de se procurer le chargeur qui va avec l’arme à feu. Si je vous donnais le chargeur de cette arme à feu et que vous n’avez pas de permis d’arme à feu, je commettrais dorénavant une infraction. On parle maintenant d’une composante de l’arme. Comment va-t-on faire pour contrôler cela? Plus tard dans la journée, vous entendrez des fabricants d’armes à feu. Le nombre de chargeurs qu’ils fabriquent par rapport au nombre d’armes à feu est probablement de 5 pour 1, peut-être 10 pour 1, alors il y a toutes ces composantes. Je ne vois pas en quoi le fait d’exiger un permis pour posséder une pièce contribuera à améliorer la sécurité publique.

Le sénateur Yussuff : Ça nous permettrait certainement de faire un suivi des personnes qui achètent ces pièces, pour éviter qu’elles n’aboutissent dans des armes fantômes, si c’est possible.

M. Hipwell : J’ignore au juste comment on pourra faire un suivi.

Le sénateur Yussuff : Si on exige un permis pour acheter ce matériel, on saura qui l’achète.

M. Hipwell : Si on commence aujourd’hui à exiger un permis pour toutes ces pièces, qu’est-ce qu’on fera pour toutes les pièces qui circulent actuellement?

Le sénateur Yussuff : On ne peut peut-être pas résoudre tous les problèmes avec une seule loi, mais à l’avenir, on souhaite exiger que les personnes qui achètent ces produits aient un permis, parce qu’on veut qu’elles soient responsables de leurs actions.

M. Hipwell : Il faudra ensuite déterminer comment faire savoir à tout le monde que c’est désormais la loi, comme dans l’exemple de M. Klassen concernant la cession d’une arme à feu. Beaucoup de gens ne comprennent pas. Nous avons commencé par la pièce sérialisée, qui est la pièce coûteuse, la pièce qu’on peut suivre et contrôler parce qu’elle porte un numéro de série similaire aux numéros d’identification des véhicules, et on veut maintenant faire le suivi des petites composantes? À mon avis, on peut trouver de meilleurs moyens d’aider nos agences policières et consacrer notre argent à d’autres mesures plus efficaces.

La sénatrice Duncan : Merci beaucoup à tous nos témoins.

Merci, monsieur Klassen, de votre présence. Vous avez parlé de votre travail au service du public comme agent de la Gendarmerie royale du Canada, mais vous n’avez pas mentionné votre travail au ministère de l’Environnement ou des Ressources renouvelables. Vous avez expliqué avec grande éloquence l’utilisation du fusil semi-automatique au ministère de l’Environnement. Si vous le voulez bien, j’aimerais que vous nous parliez brièvement du contexte qui a amené le ministre à acquérir ces fusils semi-automatiques.

M. Klassen : En fait, le ministre de l’Environnement a déposé à l’Assemblée législative du Yukon un rapport législatif décrivant le processus suivi à l’interne par les instructeurs d’armes à feu du ministère de l’Environnement, dont j’ai d’ailleurs été pendant un certain temps sous-ministre. Après avoir testé toute une série de fusils semi-automatiques, les instructeurs internes du ministère ont déterminé que le SIG Sauer 716 était l’arme à feu qui répondait le mieux aux besoins des agents de conservation. La semaine dernière, j’ai discuté de l’utilisation de ces armes à feu avec l’ancien agent de conservation principal, qui m’a souligné à quel point elles avaient été efficaces face à des grizzlis qui avaient tué un bison. Les agents suivent une formation approfondie.

Mais à part la fonction publique, il y a aussi dans le club d’armes de poing auquel j’appartiens des instructeurs qui sont en fait des experts dans l’utilisation de ces armes à feu semi-automatiques; il serait donc possible de donner aussi une formation aux propriétaires civils.

La sénatrice Duncan : En vertu du projet de loi C-21, comme Yukonnais, je ne pourrais pas acheter une de ces armes même si j’avais suivi cette formation. C’est bien ce que vous dites?

M. Klassen : Désolé, le système n’a pas fonctionné. J’ai une déficience auditive et je n’ai pas entendu…

Le président : Nous devons terminer, désolé.

Cela nous amène à la fin de ce groupe de témoins. Nous avons un peu dépassé le temps imparti.

Je remercie sincèrement M. Hipwell, M. Klassen et Mme Kiejko pour le temps qu’ils ont consacré aujourd’hui à nous faire profiter de leur expertise. Félicitations madame Kiejko, et merci à vous trois pour l’excellent travail que vous accomplissez en représentant si bien vos communautés. Nous aurions eu encore beaucoup de questions à vous poser, mais nous vous remercions pour toutes les informations et tous les conseils que vous nous avez fournis durant la période dont nous disposions.

Nous allons maintenant poursuivre avec notre troisième groupe de témoins. Nous avons le plaisir d’accueillir, par vidéoconférence M. Tony Bernardo, directeur général de l’Association des sports de tir du Canada; l’adjudant-maître (à la retraite) Richard James Ostashower, instructeur, Cours canadien de sécurité dans le maniement des armes à feu, ancien militaire et instructeur de police en maniement des armes à feu; et en présentiel M. Richard Edward Terry McCullough, vice-président et directeur général, Savage Arms Inc.

Je vous remercie de vous joindre à nous aujourd’hui. Je vous invite maintenant à faire vos exposés liminaires, qui seront suivis d’une période de questions. Je vous rappelle que vous disposez chacun de cinq minutes pour votre exposé. Nous commencerons par M. Bernardo.

Tony Bernardo, directeur général, Association des sports de tir du Canada : Bonjour à tous. Avec ses 37 000 membres, l’Association des sports de tir du Canada est un des plus grands regroupements canadiens de propriétaires d’armes à feu. Notre organisation existe sous diverses formes depuis 66 ans. Plus de 75 % de nos membres possèdent et utilisent des armes de poing, et nous faisons partie des organismes de réglementation du tir sportif au Canada.

Vous avez écouté des experts en armes à feu. Ils vous ont exposé le problème et vous ont fourni les arguments scientifiques qui permettraient de réduire la criminalité liée aux armes à feu. Ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi le gouvernement ne les écoute-t-il pas? Pourquoi ce gouvernement dirige-t-il ses efforts vers les citoyens respectueux de la loi plutôt que vers l’utilisation criminelle de ces objets? D’après tous les témoignages que vous avez entendus, il est clair que le gouvernement a entrepris une chasse aux sorcières contre des millions de citoyens canadiens respectueux de la loi. Pourtant, tous les experts qui se sont succédé vous ont dit la même chose, de Marcell Wilson à Chris Lewis, ex-commissaire de la Police provinciale de l’Ontario.

Le projet de loi C-21 n’arrêtera pas ni ne réduira les crimes commis à l’aide d’armes à feu, et il cible exclusivement les personnes qui se conforment à la loi. Au regard de toutes les mesures dont nous disposons, le pogrom que livre actuellement le gouvernement contre les propriétaires légitimes d’armes à feu n’a aucunement réussi à diminuer la violence par arme à feu; en fait, le problème s’aggrave d’année en année. De toute évidence, cette approche vieille de 30 ans ne fonctionne pas.

Je vous demande également de prendre en compte la dévaluation et la confiscation des armes de poing. Le projet de loi ne se contente pas de geler la cession des armes de poing; il impose leur destruction financière. Permettez-moi d’aborder l’enjeu de la confiscation sans compensation. Le projet de loi n’a pas le courage de confisquer mes armes. Il emprunte plutôt le lâche stratagème consistant à confisquer plusieurs millions de dollars de biens privés aux conjoints endeuillés par la mort de leur partenaire. Il dérobe littéralement de vastes sommes aux veufs et aux veuves au pire moment de leur vulnérabilité, en laissant à un autre gouvernement le soin de s’occuper de cet enjeu grossièrement immoral.

L’Angleterre n’a pas procédé ainsi. L’Australie non plus. Même la Nouvelle-Zélande a eu le cœur d’indemniser ses citoyens. Malgré cela, l’actuel gouvernement canadien choisit d’ignorer l’expérience de nos partenaires du Commonwealth et la common law britannique. Même ce gouvernement reconnaissait l’erreur d’une telle approche lorsqu’il a promulgué en mai 2020 le décret sur la confiscation des armes à feu modernes de sport et de chasse, puisqu’il s’est alors engagé à verser une indemnisation équitable pour le vol de ces armes à feu.

Les armes à feu du décret de mai 2020, vous voulez me les prendre; les armes de poing du projet de loi C-21, vous voulez les prendre à ma veuve éplorée.

Alors que les médias nous apprennent que l’année dernière 661 récidivistes, tous arrêtés pour avoir commis d’autres crimes graves, étaient également inculpés de 1 514 chefs d’accusation pour avoir enfreint des ordonnances d’interdiction d’armes à feu, notre ministre de la Sécurité publique refuse de lever le petit doigt pour réparer le dysfonctionnement du système d’ordonnances d’interdiction d’armes à feu du Canada afin de résoudre ce grave problème de sécurité publique. L’Association des sports de tir du Canada est même allée jusqu’à proposer un système pour remédier au problème des ordonnances d’interdiction d’armes à feu, mais le gouvernement fédéral n’a pas daigné nous répondre.

Je vous remercie d’entendre nos préoccupations. Je vous laisserai sur la déclaration que j’ai faite le 18 octobre 2022 devant le comité des Communes sur la sécurité publique et nationale :

Les personnes qui utilisent des armes à feu à l’heure actuelle ne sont pas les propriétaires légitimes qui ont enregistré leurs armes, vérifié leurs antécédents, suivi une formation, et qui entreposent leurs armes en toute sécurité. Ce ne sont pas les personnes qui commettent des crimes violents. Ce sont des gens qui utilisent des armes de contrebande en provenance des États-Unis. C’est la grande majorité des armes utilisées dans les crimes, des armes de poing.

Il y a toutes sortes de lois en vigueur actuellement auxquelles ces personnes ne se conforment pas, donc ajouter plus de lois pour les propriétaires légitimes n’aura aucun impact sur les criminels, qui ne se soucient pas des lois. Ils commettent toutes sortes de crimes, y compris le meurtre.

Selon Chris Lewis, ancien commissaire de la Police provinciale de l’Ontario, l’interdiction des armes de poing détenues légalement ne réglera pas le problème.

Nous vous demandons d’accorder la plus grande attention à cette question. La confiscation de biens légalement détenus par des Canadiens respectueux de la loi qui n’ont commis aucune infraction représente un affront aux libertés dont nous jouissons dans notre pays. Vous avez le pouvoir de modifier ce projet de loi inique. Je vous demande en tout respect de le faire, et je vous remercie de servir le Canada.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Bernardo.

Richard Edward Terry McCullough, vice-président et directeur général, Savage Arms Canada Inc., à titre personnel : Honorables sénateurs, je vous remercie de m’avoir invité à témoigner aujourd’hui. Depuis 16 ans, je suis vice-président et directeur général de Savage Arms Canada, qui est actuellement le plus grand fabricant de fusils au Canada. Je siège également depuis six ans à titre bénévole au conseil d’administration de l’agence de développement économique de Peterborough et des Kawarthas, que j’ai par ailleurs présidé en 2020. J’ai également siégé au conseil d’administration de l’Association canadienne des munitions et armes de sport.

Savage Arms est une société emblématique de fabrication d’armes fondée en 1894 par un dénommé Arthur Savage à Utica, dans l’État de New York. Le siège social est actuellement situé à Westfield dans le Massachusetts, et la compagnie possède des usines à Lakefield en Ontario et à Westfield au Massachusetts. Savage Arms a démarré ses activités en 1969 sous le nom de Lakefield Arms dans le village de Lakefield en Ontario. L’entreprise a été rachetée en 1995 par Savage Arms, et aujourd’hui, la division canadienne, Savage Arms Canada, emploie entre 80 et 225 personnes. Nous fabriquons entre 150 000 et 336 000 fusils à percussion annulaire à Lakefield en Ontario.

Je tiens à réitérer certaines des observations formulées par les témoins précédents, notamment par le président de l’Association canadienne des munitions et armes de sport. L’industrie canadienne des armes à feu joue un rôle névralgique dans l’économie canadienne, en contribuant pour plus de huit milliards de dollars par an au PIB national et en donnant de l’emploi à plus de 45 000 personnes. Cependant, notre industrie doit actuellement supporter un environnement réglementaire qui est devenu pour nous un lourd fardeau et une grave source d’anxiété.

Certains des témoins précédents vous ont présenté des arguments très révélateurs. M. Leuprecht nous a appris qu’environ 90 % des armes de poing saisies après la commission d’un crime ou détenues illégalement au Canada ont été introduites clandestinement au Canada par divers groupes criminels organisés.

Alors que le gouvernement actuel est arrivé au pouvoir en affirmant qu’il baserait ses décisions sur des données probantes, le projet de loi équivaut à une quête de données probantes basée sur une décision. Comme l’ont souligné plusieurs témoins experts, dont M. Bernardo, s’en prendre aux propriétaires d’armes de poing respectueux de la loi ne contribuera en rien à combattre la criminalité par arme à feu qui sévit dans nos villes et nos villages.

De toute évidence, les membres des gangs criminalisés ne se soucient pas des lois et ne vont certainement pas se plier aux désirs des villes qui choisissent d’interdire les armes de poing. Faites respecter les interdictions de tirer sur les gens. Faites respecter les interdictions visant la détention illégale d’armes de poing.

Je crois savoir qu’un grand ombre de témoins, notamment l’Association canadienne des chefs de police, ont déjà présenté des commentaires sur l’application des lois. Je souhaite lire un commentaire qui a défrayé la manchette nationale. Il y en a eu plusieurs de la sorte. « Les chefs de police canadiens n’appuient pas l’interdiction des armes de poing, en affirmant qu’elle n’empêcherait pas l’entrée d’armes au pays ». Adam Palmer, chef de la police de Vancouver, a déclaré que « Les lois sur les armes à feu au Canada sont en fait très bonnes à l’heure actuelle. Elles sont très strictes. »

Des experts se sont prononcés à plusieurs reprises. Un groupe de sept universitaires et médecins ont adressé ensemble une lettre au Sénat. Nous sommes tous d’accord.

En conclusion, je dirai qu’il faut s’efforcer d’intensifier les efforts d’application de la loi. C’est vraiment notre perception. Corriger les lacunes de notre système de libération sous caution et renforcer nos services frontaliers.

Je vous remercie chaleureusement, et il me fera plaisir de répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup, monsieur McCullough.

Adjudant-maître (à la retraite) Richard James Ostashower, instructeur, Cours canadien de sécurité dans le maniement des armes à feu, ancien militaire et instructeur de police en maniement des armes à feu : Honorables sénateurs, mesdames et messieurs, merci de m’écouter aujourd’hui. J’ai beaucoup de choses à dire.

Depuis mon entrée au service de police de Calgary en 1989, j’ai lu et étudié la Charte canadienne des droits et libertés, la Déclaration canadienne des droits et le Code criminel. À la lumière de ces documents essentiels, j’estime que le projet de loi C-21 n’a aucune corrélation, ou si peu, avec la sécurité publique. Il comporte plusieurs divergences directes, voire des contradictions, par rapport à la Charte et à la Déclaration des droits, en particulier au chapitre de la jouissance des biens.

Je souligne que je suis resté en contact avec de nombreuses personnes occupant différents rangs et positions au service de police de Calgary, à la GRC et dans l’armée, et que ces individus me tiennent régulièrement au courant des circonstances et des situations dans lesquelles ils exercent leur travail. Après avoir parlé avec plusieurs personnes extrêmement bien renseignées — et j’ai la chance d’en connaître beaucoup —, j’ai décidé de ne pas parler de la façon dont le projet de loi C-21 me touche personnellement, mais plutôt de faire ressortir plusieurs points qui ont de multiples effets sur notre pays dans son ensemble.

Tout d’abord, je souhaite souligner l’effet négatif que certaines interdictions ont et continueront d’avoir sur la sécurité de notre société. Je parle ici de l’impossibilité pour les policiers et les militaires, ainsi que pour les agents publics et les gardes armés, d’acheter pour leur usage personnel, et de s’entraîner avec, des armes à feu similaires ou dans certains cas identiques à leurs armes de service.

Dans une galerie de tir locale, j’ai récemment rencontré une jeune femme qui s’entraînait avec un Glock 17 — un pistolet semi-automatique 9 mm, pour ceux qui l’ignorent — qu’elle avait acheté. Comme elle était manifestement rompue aux exercices et techniques de tir, je lui ai demandé quel était son numéro matricule, c’est-à-dire son identifiant dans la police. Elle m’a répondu qu’elle avait échoué au cours de recrutement de la GRC à la Division Dépôt de Regina parce qu’elle avait de la difficulté à tirer avec l’arme à feu de service de la GRC. Par la suite, elle avait postulé et avait été acceptée au service de police de Calgary, et elle se préparait à son nouvel emploi. La ténacité qu’elle démontrait à apprendre à manier ce qui allait devenir son arme à feu de service témoignait éloquemment de son inébranlable détermination. Elle avait payé près de 1 000 $ pour l’arme — je n’ai pas demandé plus de précisions —, et elle seule sait combien de temps et de munitions elle a consacrés à s’entraîner avec son arme. Évidemment, cela remonte avant le gel des armes de poing, et c’est donc une option qui n’est plus possible pour les personnes de la même trempe.

J’ai aussi parlé à une femme qui était allée à une foire d’armes à feu à Irma, en Alberta, non loin de la base des Forces armées canadiennes Wainwright où j’ai passé de nombreuses années. Après avoir commencé à discuter avec un couple militaire, elle les a évidemment interrogés sur leur travail et sur ce qu’ils pensent de la situation actuelle. Leur réponse a été qu’en tant que militaires, ils souffraient. On leur donne 25 cartouches par an pour s’entraîner, et 25 cartouches pour passer un test d’aptitude au maniement des armes. C’est tout. Je suppose qu’il s’agit de jeunes soldats qui ne servent probablement pas dans l’infanterie, mais il faut quand même qu’ils sachent comment utiliser leurs armes à feu.

Ayant servi plus de 40 ans dans les Forces armées canadiennes et près de 13 ans au service de police de Calgary comme membre civil de l’unité des armes à feu, je sais pertinemment qu’il s’agit là d’une nouvelle conjoncture. Quand j’étais dans l’armée, en particulier dans les unités d’armes de combat, nous n’avons jamais manqué de munitions d’entraînement. En fait, j’ai passé plus de 10 ans dans des équipes de tir où il n’était pas rare qu’un individu brûle plus de 1 000 cartouches par jour, et nous nous entraînions au tir cinq jours par semaine pendant des mois et des mois.

Comme je l’ai dit, nous avions des équipes de tir dans les deux organisations, et j’étais fier d’en faire partie. Je sais qu’en 10 années dans diverses équipes de tir, j’ai certainement tiré des millions de cartouches. Mon expérience de tir et dans l’utilisation de nombreux systèmes d’armes à feu différents — ma capacité de donner un avis d’expert sur les armes à feu, les munitions, les explosifs et d’autres armes — a contribué à mon acceptation comme témoin expert en Alberta, tant au tribunal provincial qu’à la Cour du Banc de la Reine.

Quand j’étais au service de la police de Calgary, nous devions nous qualifier au tir à l’arme de poing trois fois par année — une fois aux quatre mois. Les mercredis soirs…

Le président : Monsieur Ostashower, désolé de vous interrompre, mais pourriez-vous conclure dans les 15 prochaines secondes s’il vous plaît? Merci.

L’adjum Ostashower : Certainement.

Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Ils se qualifient désormais deux fois par année. Le gros problème, c’est celui de la responsabilité. Qu’est-ce qui arrive quand quelqu’un qui n’est pas formé et qui n’est pas en mesure de conserver ses aptitudes tire sur la mauvaise personne? Tout le monde est alors perdant : la personne touchée, la personne qui tire et la famille.

En ce qui me concerne, mes armes à feu — je n’en parlerai pas — ne valent littéralement plus le prix de la ferraille, parce que je ne peux même pas les céder à un ferrailleur. Elles garnissent les murs de mon coffre-fort.

Le projet de loi C-21 est une mauvaise mesure législative et vous, honorables sénateurs, avez la capacité d’y mettre fin. Je vous demande, en toute humilité et avec tout le respect que je vous dois, d’en tenir compte.

Je vous remercie.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Ostashower.

Nous allons maintenant passer aux questions. Nous devons terminer à 18 heures. Nous consacrerons quatre minutes à chaque question et réponse, avec le carton d’avertissement de 30 secondes que vous connaissez. Pour la première question, nous passerons au vice-président, le sénateur Dagenais.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Je vais aller droit au but. Mes questions s’adresseront à M. McCullough.

Monsieur McCullough, vous vendez des pièces pour réparer des armes à feu et nous savons que le nouveau phénomène de la fabrication d’armes au moyen d’imprimantes 3D est particulièrement inquiétant.

Est-il possible pour ceux qui fabriquent illégalement des armes en plastique d’acheter des pièces de réparation d’armes que vous offrez sur le marché pour ensuite les inclure dans des armes illégales? Quel genre de contrôle pouvez-vous exercer?

[Traduction]

M. McCullough : C’est une question très intéressante, et je vous en remercie.

Pour ce qui est des configurations et des modèles que nous offrons chez Savage Arms, je dirais que non. Nous ne vendons pas ce type de composantes. Si une personne malintentionnée achetait un fusil de Savage Arms, le démontait et essayait de le réingénier, ce serait peut-être possible. Cependant, nous n’avons pas recours à l’impression 3D, au métal 3D, pour fabriquer nos fusils. Mais la technologie d’impression 3D est désormais disponible pour le métal, comme vous le savez, pour les pièces aérospatiales.

[Français]

Le sénateur Dagenais : J’ai vu sur un site de commerce québécois de chasse, qui vend certains de vos produits de marque Savage Arms Canada Inc., une offre de différents chargeurs qui peuvent contenir parfois 10 projectiles. Le projet de loi C-21 veut limiter le nombre de projectiles dans les armes semi-automatiques.

Cette restriction est-elle valable? Croyez-vous que cela va augmenter la sécurité des citoyens? Est-il vrai qu’il est facile de modifier un chargeur pour ceux qui veulent contourner la loi? Je crois que cela est possible en dévissant seulement une vis; corrigez-moi si je me trompe.

[Traduction]

M. McCullough : Pour les munitions à percussion annulaire, si c’est ce à quoi vous faites référence, effectivement nous vendons des chargeurs de 10 balles. Si je comprends bien, pour les munitions à percussion centrale, on n’a pas droit à plus de cinq cartouches pour la chasse. Un témoin a déjà dit que cinq cartouches c’est le maximum que peut contenir un chargeur de cartouches à percussion centrale aujourd’hui au Canada. Seuls les chargeurs de cartouches à percussion annulaire peuvent contenir 10 cartouches, à moins qu’une galerie de tir spécifique vous donne droit à un chargeur de dix cartouches. Mais d’après ce que je comprends, pour les armes à percussion centrale, c’est le maximum absolu au Canada : 10 cartouches.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Vous êtes à la tête d’une entreprise américaine qui fabrique et vend des armes et des pièces d’armes au Canada. Je ne doute pas que le projet de loi C-21 va changer bien des aspects dans vos activités commerciales, mais pouvez-vous faire une comparaison rapide entre l’acheteur d’armes américain et l’acheteur d’armes canadien? Je présume que vous avez sûrement une approche commerciale différente dans les deux pays.

[Traduction]

M. McCullough : Je tiens à préciser : nous fabriquons des armes à feu à Lakefield, en Ontario. Nous ne sommes pas un détaillant d’armes. Je ne connais pas assez les lois américaines pour me prononcer à ce sujet.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Ne vendez-vous aucune arme aux États-Unis? Ne faites-vous aucun commerce avec les États-Unis?

[Traduction]

M. McCullough : Oui. Nous vendons nos fusils à percussion annulaire aux États-Unis, et Savage Arms fabrique également des armes à feu aux États-Unis. Nous exportons 94 % de toute notre production vers les États-Unis et le reste du monde. Encore une fois, comme l’a dit l’autre témoin, je ne prétends pas connaître à fond les lois sur les armes à feu de tous les pays.

Le sénateur Oh : Je remercie les témoins de leur présence aujourd’hui.

Ma question porte sur la compensation pour les ventes d’armes de poing et sur l’interdiction d’achat. Le gouvernement n’a offert aucune compensation dans sa décision d’interdire l’achat et la vente d’armes de poing. Même si ces armes ont été acquises légalement et en toute bonne foi par des personnes titulaires d’un permis, le gouvernement a arbitrairement décidé d’en interdire la vente et l’achat. Avez-vous une idée de l’impact monétaire de ces mesures sur les propriétaires d’armes à feu à autorisation restreinte? Pensez-vous que le gouvernement devrait offrir une indemnisation pour cette décision, qui a manifestement un impact négatif sur la valeur de ces armes à feu?

M. McCullough : Je renverrai la première question à M. Bernardo, qui sera plus en mesure d’y répondre.

Je répondrai toutefois à la deuxième question. Oui, absolument. Je pense, comme un témoin l’a déjà dit, qu’il s’agit d’une confiscation. Les collections d’armes que les gens possèdent et qu’ils entendent léguer ont de la valeur. Le mois dernier par exemple, lors du tournoi de tir Clays for Kids, qui est une collecte de fonds contre le cancer, j’ai rencontré un homme qui possédait une collection d’armes de poing des années 1880 valant littéralement des centaines de milliers de dollars. La valeur monétaire serait énorme. Si le gouvernement rend arbitrairement ces armes illégales, je pense qu’il a la responsabilité de dédommager les propriétaires.

Le sénateur Oh : C’est la même chose pour les personnes qui collectionnent des œuvres d’art en vue de leur retraite.

Le président : Monsieur Bernardo, voulez-vous répondre à la première question?

M. Bernardo : Oui, merci.

Monsieur le sénateur, il existe un certain nombre de grandes collections et un certain nombre de petites collections. Certaines collections ne comprennent que deux ou trois armes de poing, et valent disons 2 000 ou 3 000 $. Les collections plus conséquentes, comme l’a dit M. McCullough, peuvent facilement atteindre des centaines de milliers de dollars. En fait, peu importe si la collection vaut 1 ou 100 000 $. Le gouvernement fédéral ne devrait pas s’approprier l’argent des Canadiens en confisquant leurs biens légalement acquis, sans prévoir aucun système d’indemnisation. J’estime que pour l’ensemble du pays, la valeur globale des armes de poing s’élève à plusieurs centaines de millions de dollars.

Le sénateur Oh : Merci.

La sénatrice M. Deacon : Je vous remercie tous de vous joindre à nous.

Monsieur Bernardo, lorsque nous nous préparons à vous accueillir comme témoins, j’essaie de jeter un coup d’œil à vos sites Web et d’apprendre ce que je peux sur vous, habituellement en comité. Sur celui de l’Association des sports de tir du Canada, j’ai trouvé un commentaire sur l’attaque terroriste du Hamas en Israël, que je vais citer ici. Il a du sens.

Un vieux dicton nous rappelle que « vous n’avez pas besoin d’une arme tant que vous n’avez pas BESOIN d’une arme ».

Ce week-end, le monde en a vu la preuve la plus horrible qui soit. Les atrocités commises par les terroristes du Hamas en Israël se poursuivent, sans qu’aucune fin ne soit en vue.

C’est un rappel frappant et brutal de la raison pour laquelle les Américains ont inscrit le deuxième amendement dans leur Constitution.

Il ne peut y avoir de droit à la vie sans le droit corollaire de posséder les outils nécessaires pour protéger et défendre cette vie.

Israël a oublié cette leçon historique et, à l’horreur du monde, en paie le prix aujourd’hui.

Cette publication m’a donné l’occasion de m’arrêter pour réfléchir, car je pense que la promotion des armes à feu pour la protection personnelle est une erreur. Des recherches montrent régulièrement que les familles vivant dans des foyers où l’on trouve des armes à feu courent un risque nettement plus élevé d’être tuées par une arme à feu que celles qui n’en ont pas. Ce sont des déclarations comme celle-ci qui me font penser que nous avons besoin de ce gel des armes de poing, car si les gens pensent que posséder une arme à feu les protège, eux et leur famille, ils ont peut-être adhéré à une idée fausse et potentiellement mortelle.

Est-ce l’une des raisons pour lesquelles l’Association des sports de tir du Canada s’oppose à ce projet de loi? Jusqu’à présent, les discussions sur ce projet de loi se sont beaucoup concentrées sur la chasse et le tir sportif, et non sur les armes d’autodéfense.

M. Bernardo : Merci, sénatrice. Je pense pouvoir répondre à cette préoccupation.

Tout d’abord, l’article que vous avez cité est une réflexion sur le deuxième amendement américain. Ensuite, l’autodéfense est légale au Canada. Vous avez le droit de vous défendre. Bien qu’au Canada nous n’autorisions pas l’utilisation d’armes à feu à cette fin, dans les cas extrêmes, cela s’est produit à de nombreuses reprises. Des gens se sont défendus des milliers et des milliers de fois dans notre histoire, non seulement avec des armes de poing, mais avec des fusils et des armes d’épaule, surtout dans les milieux ruraux où ils se défendent contre les animaux. Je pense que nous sommes tous d’accord pour dire que si vous avez le droit à la vie, vous avez le droit de défendre cette vie. Le Code criminel du Canada renforce ce principe. Je ne pense pas qu’il y ait le moindre doute à ce sujet.

Le commentaire dont il est question, que vous avez lu sur le site Web, traitait explicitement de la situation en Israël parce que, à un moment donné, Israël avait des lois très ouvertes. Le gouvernement israélien y a mis en place un système de stockage centralisé. Vous deviez stocker vos armes à feu dans un entrepôt central, ce qui était malavisé de prime abord, mais c’est ce qu’ils ont fait. Dès que la tuerie du Hamas a commencé, les gens ont pris conscience qu’ils avaient vraiment besoin de ces armes à feu. Le gouvernement israélien a ouvert toutes grandes les portes de l’entrepôt et a dit : « Venez chercher vos armes à feu. Si vous n’en avez pas, nous vous en donnerons. » Il s’agissait davantage d’un commentaire sur cette situation très précise que sur le projet de loi C-21. J’espère que cela répond à votre question.

La sénatrice M. Deacon : Je vous remercie

Le sénateur Plett : Monsieur Bernardo, le ministre a comparu devant nous la semaine dernière et a fait quelques affirmations, entre autres, à propos des clubs de tir sportif. Il n’avait connaissance d’aucun club qui ne souscrivait pas au projet de loi. Pourtant, tous ceux qui se sont présentés devant nous ont dit sans équivoque qu’ils n’y souscrivaient pas.

Il a dit autre chose :

Encore une fois, l’idée que cela a une incidence sur les propriétaires d’armes à feu respectueux de la loi qui pratiquent des activités sportives, comme la chasse ou le tir sportif, est souvent véhiculée. Nous avons été explicites et avons fait attention pour que ces mesures ne ciblent pas ces personnes [...]

Les agriculteurs ou les habitants des collectivités rurales [...] sportifs et personnes utilisant des armes à feu dans les collectivités nordiques et autochtones, ne sont pas visés, touchés ni inclus dans les mesures que nous essayons de faire adopter [...]

Dans cette situation, le ministre dit que les personnes pratiquant le tir sportif, par exemple, ne sont pas, selon ses termes, visées, touchées, ni incluses dans les mesures prévues dans ce projet de loi. À mon sens, il semblerait que le projet de loi C-21 concerne presque exclusivement ces personnes. À mon sens, cette déclaration est presque une contre-vérité choquante.

Monsieur Bernardo, êtes-vous d’accord pour dire que les sportifs, les clubs de tir et les chasseurs ne sont pas touchés par ce projet de loi? Savez-vous combien de personnes pratiquant le tir sportif au Canada sont touchées par le projet de loi C-21?

M. Bernardo : Merci, sénateur Plett.

Je suis tout à fait d’accord avec vous. Les remarques du ministre étaient, soyons charitables, quelque peu en deçà de la vérité parce que, franchement, le projet de loi C-21 ne touche que les personnes respectueuses de la loi. Il n’a aucun effet sur l’utilisation criminelle des armes à feu. Il ne touche que les personnes respectueuses de la loi. À l’heure actuelle, quelque 400 000 Canadiens détiennent environ 1,2 million d’armes de poing. Encore une fois, je vous donne ces chiffres de mémoire. Donc, oui, cela ne touche que les personnes respectueuses de la loi. Rien dans le projet de loi C-21 n’a d’incidence sur l’utilisation criminelle des armes à feu. Rien du tout.

Le sénateur Plett : Vous dites qu’environ 400 000 personnes seraient touchées par ce projet de loi? C’est-à-dire que 400 000 citoyens respectueux de la loi seraient touchés par ce projet de loi?

M. Bernardo : C’est exact, sénateur, ainsi que leurs familles, parce qu’il faut comprendre que, pour beaucoup de gens, ces collections sont des investissements en vue de leur retraite, par exemple, et que s’ils ne peuvent plus les vendre, la valeur de cet investissement est réduite à néant. Le gouvernement fédéral vole littéralement l’argent des comptes bancaires des familles laissées pour compte. C’est un acte odieux qui ne doit pas rester inchangé.

Le sénateur Plett : Merci beaucoup, monsieur Bernardo.

M. Bernardo : Merci, monsieur.

Le sénateur Cardozo : Je remercie nos témoins de leur présence.

En ce qui concerne les armes à feu transmises de génération en génération, monsieur McCullough, je vais vous poser la question suivante : quelle serait la valeur de ces armes aujourd’hui?

M. McCullough : M. Bernardo l’a mentionné, mais je vais vous donner un exemple. Vous pouvez acheter un fusil de chasse italien Perazzi dont la valeur varie entre 50 000 € et — je pense que le meilleur exemplaire se situe autour de 250 000 € — peut-être 200 000 €. Vous pouvez imaginer la valeur de ce fusil, ainsi que celle d’autres produits comme des armes de poing et d’autres. La valeur peut être équivalente à celle d’une montre Rolex, par exemple. Vous pouvez acheter un très bon outil en état de marche pour 60 $, vous pouvez en acheter un pour 250 000 $.

Le sénateur Cardozo : Est-ce qu’une antiquité, qui peut être dans la famille depuis deux ou trois générations, augmente de prix?

M. McCullough : Tout dépend non pas tant de l’âge que du modèle précis de l’arme à feu. Connaît-on sa provenance? Est-elle utilisable? Peut-elle être collectionnée? Tony Bernardo en sait certainement beaucoup plus que moi sur les armes de poing. C’est comme toute autre question de valeur. Ce n’est pas forcément l’âge qui détermine la valeur d’une arme.

Le sénateur Cardozo : Mon autre question porte sur la culture, au sujet de laquelle j’ai interrogé un témoin précédent aujourd’hui. Un témoin précédent a parlé du fait que les clubs de tir et d’autres organismes du genre offrent une certaine culture aux gens. On se réunit et on apprend à se connaître. Nous sommes tous membres de différents groupes au cours de notre vie, et bien sûr, certaines personnes choisissent de participer à un club de tir, par exemple, où l’une de leurs activités est le tir récréatif. D’un autre côté, nous avons entendu des représentantes de groupes de femmes qui sont vraiment préoccupées par la vie des personnes touchées par la violence entre partenaires intimes. Elles ne considèrent pas qu’il s’agit d’une dichotomie entre le centre-ville de Toronto et la ferme de l’Alberta, mais plutôt du fait que des femmes sont tuées par leurs partenaires masculins dans des foyers à grandeur du pays. Parfois, dans les régions rurales, les femmes disposent de moins d’aide pour s’échapper du foyer, etc. Leur point de vue est le suivant : « C’est notre vie contre le passe-temps d’une autre personne. » C’est l’un des points que l’on nous a fait valoir. L’un d’entre vous pourrait-il commenter cet aspect culturel de la question?

L’adjum Ostashower : J’ai acquis beaucoup d’expérience, surtout avec la police et le milieu des tireurs sportifs en général, sur une période d’environ 60 ans. Je connais personnellement plusieurs femmes et jeunes filles, dont certaines au milieu de l’adolescence, qui apprécient ce sport pour ce qu’il est et je m’entraîne au tir avec elles. J’ai brièvement travaillé au sein de l’unité de lutte contre la violence conjugale de la police de Calgary et je n’ai aucun mal à comprendre ce à quoi vous faites allusion ou ce que ces autres témoins ont dit à propos d’une véritable peur de ne pas pouvoir s’enfuir ou de se voir imposer ce type de scénario.

La grande majorité des propriétaires d’armes à feu connaissent et respectent les règles du stockage sécuritaire. Ces règles ont été inscrites initialement dans le projet de loi C-68, qui est entré en vigueur en 1995, afin de prévoir une période d’apaisement. Les armes à feu sont verrouillées dans une situation familiale ou urbaine. Tout d’abord, les armes à feu sont verrouillées, et ce verrouillage doit être désactivé...

Le sénateur Cardozo : Vous me permettez de vous interrompre?

Le président : Je vais devoir vous interrompre, je le crains, car nous avons dépassé le temps imparti d’environ une minute.

Le sénateur Cardozo : J’avais une autre question toute brève.

Le président : Je suis désolé.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Merci à nos témoins. Ma question s’adresse à M. Bernardo. On sait que le projet de loi C-68, adopté en 1995, est un fiasco économique pour le gouvernement en place. Certains disent que nous aurions dépensé entre 2 et 3 milliards de dollars pour un registre qui a été pratiquement inutile. Aujourd’hui, le gouvernement s’engage à dépenser environ la même somme si on considère les armes déclarées illégales en 2020 et les armes de poing que le gouvernement devra payer un jour s’il veut les récupérer.

Comment le gouvernement fera-t-il pour aller à la chasse aux propriétaires d’armes — parce que ce sera cela — pour récupérer toutes ces armes devenues illégales? Si on regarde l’expérience passée et le projet de loi C-68, qui est un échec, où l’information relative aux armes à feu est tout à fait inutile, comment le gouvernement fera-t-il pour récupérer toutes ces armes si les chasseurs n’adhèrent pas à ce projet de loi?

Dans le cadre d’un projet de loi de cette nature, la première chose exigée est que les honnêtes propriétaires adhèrent à ce projet de loi. S’ils n’adhèrent pas à ce projet de loi, comment le gouvernement fera-t-il pour récupérer toutes ces armes qu’il a lui-même déclarées illégales?

[Traduction]

Le président : Sénateur Boisvenu, pourriez-vous reformuler votre question?

[Français]

Le sénateur Boisvenu : En résumé, je disais que le projet de loi C-68, en vertu duquel on a dépensé entre 2 et 3 milliards de dollars pour contrôler les propriétaires d’armes à feu, aujourd’hui tout le monde l’admet, est un constat d’échec financier et sur le plan des relations avec les chasseurs. Comme ces derniers n’ont pas fait leur modification, le registre est devenu inopérable.

Le gouvernement compte maintenant investir, selon certains, une somme de 750 millions de dollars. Toutefois, si on compte toutes les armes qui ont été décrétées illégales, incluant les armes de poing et les 1 500 armes semi-automatiques, la dépense risque d’être de l’ordre de 2 milliards de dollars au bout du compte.

Tout programme de remise des armes — car les chasseurs devront, sur une base volontaire, remettre leurs armes déclarées illégales — doit s’en remettre à l’adhésion des chasseurs à ce programme. Or, manifestement, les chasseurs et les honnêtes propriétaires d’armes à feu n’adhèrent pas à ce programme.

Comment le gouvernement fera-t-il pour trouver les chasseurs dits illégaux qui aujourd’hui possèdent ces armes, dans le but de les récupérer, alors qu’il n’existe plus aucun registre valide de ces armes? Comment le gouvernement entend-il récupérer toutes ces armes si les chasseurs et les propriétaires n’adhèrent pas à ce programme?

[Traduction]

L’adjum Ostashower : Sénateur, la réponse brève à cette question est qu’en réalité, plusieurs des armes à feu décrites dans le projet de loi C-21 sont déjà à autorisation restreinte. Bien sûr, toutes les armes de poing le sont et beaucoup d’armes d’épaule, mais pas toutes. En théorie, la GRC sait parfaitement quelles armes de poing ou d’épaule à autorisation restreinte se trouvent à quel endroit. Il suffit de faire une recherche, comme on le ferait dans un registre d’immatriculation des automobiles. En ce qui concerne les armes à feu qui ne sont pas à autorisation restreinte, il n’existe aucun moyen réaliste de savoir où elles se trouvent.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : En vertu du projet de loi C-68, on disait que le registre devait garder ces données à jour. Toutefois, l’information que détient la Gendarmerie royale du Canada sur les personnes qui sont propriétaires de ces armes depuis 20 ou 30 ans est-elle à jour?

[Traduction]

L’adjum Ostashower : Non. En fait, lorsque je travaillais au sein de l’unité des armes à feu, lors de l’une des dernières conversations que j’ai eues en 2000 avec mon homologue du service d’enregistrement des armes à feu à Ottawa, à la GRC, il a estimé que 50 % des renseignements dont il disposait sur les armes à feu étaient erronés, qu’il s’agisse de la localisation, du nom, du numéro de série, de la marque, du modèle, du nombre de coups, etc.

Il a ajouté qu’il avait l’impression qu’à l’époque, il y avait déjà 75 000 AR-15 au Canada, fabriquées par Colt et d’autres, mais surtout par Colt, qui étaient entrées au Canada avant qu’il ne soit obligatoire de les enregistrer. Elles entraient donc dans la même catégorie d’armes à feu non enregistrées et non réglementées. Très peu de personnes les ont rapportées ou se sont manifestées en disant : « Oui, j’en ai une. Que voulez-vous que j’en fasse? »

La sénatrice Dasko : Je remercie les témoins de leur présence.

Ma question s’adresse principalement à M. Bernardo. Vous avez parlé de votre opposition aux restrictions visant les armes de poing, mais j’ai consulté un sondage très important mené cette année par Environics auprès des propriétaires d’armes à feu canadiens. Selon ce sondage, 65 % des propriétaires d’armes à feu au Canada sont favorables à l’interdiction des armes d’assaut, 63 % sont favorables à des restrictions sur la vente, l’achat ou la cession d’armes de poing, et des pourcentages similaires souscrivent à plusieurs autres éléments du projet de loi ou aux restrictions et mesures qui sont prises. Monsieur Bernardo, est-il possible que votre organisation, et peut-être certaines des autres organisations de défense des armes à feu que nous avons entendues, représente une minorité de propriétaires d’armes à feu au Canada? La majorité souscrit à certaines des mesures cruciales et très raisonnables contenues dans le projet de loi.

M. Bernardo : Merci, sénatrice, pour cette question.

Tout d’abord, il ne s’agit pas de lever des restrictions. Les armes de poing sont déjà visées par d’importantes restrictions au Canada. En fait, il faut un permis pour faire quoi que ce soit avec une arme à feu. Vous ne pouvez pas les décharger, vous ne pouvez pas les posséder, vous ne pouvez rien faire sans que la GRC vous délivre un permis à cet effet. Nous ne parlons pas de cela. Nous parlons de l’interdiction des armes de poing et de la cession des armes de poing, qui, bien sûr, ne peuvent être cédées qu’à une personne déjà autorisée à les posséder. Il s’agit de la cession d’une arme de poing d’un propriétaire d’armes de poing à un autre ou d’un magasin à un propriétaire d’armes de poing, toutes ces opérations étant régies par les règlements de la GRC. Nous ne demandons pas que ces règlements soient supprimés ou modifiés; nous demandons qu’aucun ajout n’y soit apporté par un projet de loi draconien.

La sénatrice Dasko : Je comprends, mais je souligne simplement que la plupart des propriétaires d’armes à feu au Canada sont favorables à ce genre de restrictions, y compris celles visant la vente, l’achat et la cession d’armes de poing. C’est ce que cette étude révèle. Elle montre également un appui au programme de rachat et à d’autres éléments de l’intervention du gouvernement fédéral. Je tenais à le souligner parce que vous et d’autres nous avez fait part de votre opposition au projet de loi et à ce qu’il dit au sujet des armes de poing et des armes d’assaut, mais les propriétaires d’armes à feu canadiens, dans l’ensemble, semblent souscrire à ce projet de loi. Je fais valoir que les membres des organisations sont peut-être venus ici pour représenter leurs membres, mais qu’ils ne représentent pas l’ensemble des propriétaires d’armes à feu au Canada. C’est ce que je vous soumets. Je me demande simplement si vous êtes d’accord avec cela.

M. Bernardo : Il est certain que je comprends d’où vient ce sentiment. Il est certain que les propriétaires d’armes de poing constituent une minorité parmi l’ensemble des propriétaires d’armes à feu, mais je voudrais également vous rappeler que la démocratie, c’est deux loups et un mouton qui décident de ce qu’ils vont manger à midi. C’est vraiment ce dont il est question ici. Nous avons des gens qui n’ont commis aucun crime, qui ont franchi toutes les étapes que le gouvernement leur a imposées, et maintenant nous envisageons de les punir parce qu’ils font partie d’une minorité, alors que l’objet du gouvernement, à tout le moins d’un gouvernement démocratique, est de protéger les minorités contre l’intrusion.

La sénatrice Dasko : Je vous remercie.

Le sénateur Kutcher : Je remercie les témoins d’être venus aujourd’hui.

Ma question s’adresse à M. Ostashower. Un témoin précédent a parlé de l’intérêt des organisations de tir à la cible à s’engager davantage dans la prévention du suicide. Ma question porte sur votre travail en tant qu’instructeur au maniement des armes à feu pour la police. Je suis désolé de ne pas avoir pu trouver facilement de données canadiennes à ce sujet. Si quelqu’un les connaît, veuillez nous en informer. D’après les données américaines que j’ai trouvées chez Blue H.E.L.P., les policiers ont un risque de suicide beaucoup plus élevé que toute autre profession. Plus du triple de policiers sont mortellement blessés dans l’exercice de leurs fonctions, et 54 % des policiers sont plus susceptibles de mourir par suicide que la population générale. En 2019, le Police Executive Research Forum aux États-Unis a réuni toute une série de données sur le suicide et les policiers. En tant qu’instructeur au maniement des armes à feu pour la police, lorsque vous formez des policiers, traitez-vous de la prévention du suicide, du suicide et de l’utilisation d’une arme à feu dans le cadre d’un suicide? Cela fait-il partie du cours que vous donnez? Connaissez-vous les directives canadiennes précises que la police de Calgary ou tout autre corps policier suit dans ce sens lorsque vous formez les policiers au maniement des armes à feu?

L’adjum Ostashower : Merci, sénateur.

La réponse brève est « non ». N’oubliez pas que j’ai quitté le service de police de Calgary en 2002 et que j’ai poursuivi d’autres activités, de sorte que tout renseignement dont je disposerais sur ce qui est enseigné à l’heure actuelle ne serait que du ouï-dire. Comme je l’ai dit, je suis toujours en contact avec la GRC, les responsables des armes à feu et l’unité des armes à feu de la police de Calgary — leur unité de formation au maniement des armes à feu, en particulier. Lorsque j’y étais, nous n’avions pas de cours de prévention du suicide à proprement parler pour les policiers. Il est certain qu’il n’y en avait pas du tout pour les membres civils. Je crois que certaines mesures ont été prises plus tard, à l’échelle du service, pour que les membres assermentés et non assermentés soient plus conscients de certains signes d’un suicide potentiel, ainsi que des mesures qui peuvent être prises.

En ce qui concerne les données américaines, je ne peux rien vous dire. Je peux vous dire qu’en tant que vétéran des Forces armées canadiennes, il y a certainement plus de suicides par plusieurs ordres de grandeur, qu’avant 1990, par exemple. Les suicides au sein de la police ont toujours été un événement « non inhabituel » plutôt que « courant ». Au fil des ans, j’ai connu de nombreuses personnes qui ont eu la proverbiale crise cardiaque au calibre 38. Il n’y a pas grand-chose à dire à ce sujet.

Le président : Je vous remercie.

Nous avons légèrement dépassé le temps imparti, ce qui nous amène à la fin de la discussion avec notre groupe de témoins. Au nom du comité, je vous remercie, messieurs Ostashower, McCullough et Bernardo d’être venus nous faire profiter de vos connaissances spécialisées et de votre expérience. Vous savez que vos propos ont suscité beaucoup d’intérêt. Ils ont été très utiles et manifestement appréciés par les membres du comité ici présents, alors merci beaucoup.

Chers collègues, nous avons maintenant le plaisir d’accueillir, par vidéoconférence, le chef régional de l’Assemblée des Premières Nations pour la Colombie-Britannique, Terry Teegee, et Julie McGregor, conseillère juridique, de l’Assemblée des Premières Nations.

Merci de vous être joints à nous. Je vous invite à faire votre déclaration préliminaire, qui sera suivie des questions de nos membres.

Terry Teegee, chef régional, Colombie-Britannique, Assemblée des Premières Nations : Tout d’abord, je tiens à reconnaître que je vous appelle du territoire Lheidli T’enneh, du peuple Dakelh au nord de Prince George.

Je suis le chef régional de l’APN pour la Colombie-Britannique et l’un des titulaires du portefeuille de la justice et de la police, avec mon collègue, le chef régional Ghislain Picard du Québec. Je vous remercie de m’avoir invité à m’adresser à vous au sujet du projet de loi C-21.

Il y a un an, en novembre dernier, j’ai comparu devant le Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes pour parler des préoccupations exprimées par les Premières Nations au sujet de la première ébauche de ce projet de loi que de nombreuses Premières Nations partout au Canada avaient abondamment critiquée. Le gouvernement fédéral n’a jamais fourni la preuve d’une consultation approfondie des Premières Nations sur le contenu du projet de loi C-21, et aucun consentement n’a été obtenu en ce qui concerne les effets potentiels du projet de loi sur les droits garantis par la Constitution, les droits inhérents, les droits issus de traités et les droits garantis par l’article 35.

En tant que dirigeant élu et représentant des Premières Nations qui connaît et comprend les graves problèmes auxquels nos communautés sont confrontées, je dois dire que je suis profondément préoccupé par la possibilité que le projet de loi C-21 soit adopté sans que les Premières Nations aient été consultées et aient donné leur avis sur les nouveaux amendements à ce projet de loi.

Premier sujet, la résolution 39, 2022, opposition au projet de loi C-21. En décembre dernier, les Premières Nations réunies en assemblée lors de l’assemblée extraordinaire des chefs ont adopté la résolution d’urgence 39, 2022, qui s’oppose au projet de loi C-21, une loi fédérale sur le contrôle des armes à feu. Par cette résolution, les Premières Nations en assemblée demandent au gouvernement du Canada de mener des consultations appropriées et adéquates avec les Premières Nations, comme l’exige la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, avant de promulguer toute loi ayant un impact sur les droits inhérents, constitutionnels et protégés par traité des Premières Nations à la chasse et à la récolte de subsistance.

Les Premières Nations en assemblée demandent aussi d’amender le projet de loi C-21, notamment les dispositions relatives aux drapeaux rouges et aux drapeaux jaunes afin de garantir le respect des droits inhérents, constitutionnels et issus de traités des Premières Nations et de préciser comment ces dispositions s’appliqueront aux Premières Nations et à leurs citoyens; de créer un mécanisme de surveillance pour veiller à ce que le contrôleur des armes à feu consulte les Premières Nations afin de s’assurer que les ordonnances ne restreignent pas l’accès des Premières Nations aux armes à feu couramment utilisées pour la chasse de subsistance; de prévoir des dispositions supplémentaires pour aider les services de police des Premières Nations et veiller à ce que les ressources dont ils ont besoin pour maintenir la loi et l’ordre sur leur territoire leur soient fournies, surtout en ce qui concerne les causes profondes de la violence des gangs et de la violence armée; et de veiller à ce que des dispositions supplémentaires soient mises en œuvre pour soutenir les programmes de prévention des Premières Nations à l’intention des jeunes en ce qui concerne la violence des gangs et les armes illégales, ainsi que les programmes provinciaux ciblant la violence sexospécifique et la violence contre les femmes, les filles et les personnes de diverses identités de genre des Premières Nations.

Deuxième sujet, le pouvoir discrétionnaire du préposé aux armes à feu. La version actuelle du projet de loi C-21 continue d’accorder au contrôleur des armes à feu un vaste pouvoir discrétionnaire sur l’utilisation et la possession par les membres des Premières Nations d’armes à feu utilisées dans l’exercice de leur droit à chasser garanti par l’article 35. Cela devient encore plus crucial pour les familles des Premières Nations dont la subsistance dépend de la récolte de viande sauvage. Les membres des Premières Nations sont déjà surréglementés en ce qui concerne l’exercice du droit de chasser prévu à l’article 35. Cette mesure ne fera qu’ajouter à ces contraintes. Nous demandons donc à nouveau que le projet de loi C-21 soit amendé pour inclure la création d’un mécanisme de surveillance garantissant que le contrôleur des armes à feu consulte les Premières Nations pour s’assurer que les ordonnances ne restreignent pas l’accès des Premières Nations aux armes à feu utilisées pour la chasse de subsistance et l’exercice des droits garantis à l’article 35.

Troisième sujet, la définition des « armes à feu prohibées ». La semaine dernière, l’enquêteur correctionnel du Canada, Ivan Zinger, a publié son rapport annuel qui révèle que 32 % de tous les détenus fédéraux au Canada et 50 % des femmes détenues sont des Autochtones, contre 25 % en 2013. Le rapport décrit le système pénitentiaire du pays comme étant indigénisé à un point inquiétant et inadmissible, avec de nombreuses marques persistantes du colonialisme qui contribuent au maintien de la marginalisation, de la criminalisation et de l’emprisonnement excessif des Autochtones au Canada. L’intervention policière excessive contre les membres des Premières Nations et leur criminalisation sont des hontes nationales, selon le propre organe de surveillance du gouvernement.

Nous ne pouvons pas nous permettre de promulguer d’autres lois susceptibles de criminaliser les membres des Premières Nations parce qu’ils pratiquent leur culture et nourrissent leurs familles. Je ne suis pas convaincu que cette version du projet de loi C-21 ait complètement remédié à la portée excessive concernant les fusils de chasse. On ne connaît pas précisément l’effet que la définition technique d’une « arme à feu prohibée » aura sur les générations futures de chasseurs des Premières Nations. La question aurait peut-être pu être clarifiée lors de consultations et d’échanges avec les Premières Nations, mais ils n’ont jamais eu lieu. Nous avons plutôt entendu que les associations de chasseurs et les pourvoyeurs ont été consultés au sujet de cette version du projet de loi plus que les Premières Nations. Par conséquent, l’APN recommande que le projet de loi C-21 soit retiré jusqu’à ce que les Premières Nations aient été pleinement consultées sur les effets de la définition technique d’une « arme à feu prohibée ».

Comme quatrième sujet, j’aimerais parler de l’ajout de l’article 72.1, la disposition de non-dérogation. La chasse fait partie intégrante de la culture des Premières Nations. Elle fait partie de la relation des Premières Nations avec la terre et fournit un lien direct avec les langues, les cultures et les enseignements de nos ancêtres. Bien que l’inclusion de la disposition de non-dérogation dans l’article 72.1 soit un ajout bienvenu, le libellé est susceptible d’avoir un effet neutre. Étant donné la nature générale de la disposition, il est peu probable qu’elle soit interprétée comme empêchant les dispositions du projet de loi de compromettre l’exercice des droits garantis par l’article 35 ou de porter atteinte à ces droits. En pratique, une disposition de non-dérogation aussi large pourrait simplement servir de rappel de l’existence des droits garantis par l’article 35.

Le libellé de l’article 72.1 ne répond pas aux exigences des obligations constitutionnelles énoncées dans les arrêts Sparrow ou Haida, du fait qu’il exige seulement que le projet de loi soit interprété conformément aux droits garantis par l’article 35. Le projet de loi ne prévoit pas l’obligation de se conformer au critère énoncé dans l’arrêt Sparrow de l’atteinte minimale ou de la justification des droits prouvés ou au critère énoncé dans l’arrêt Haida de l’accommodement en cas d’impacts sur les droits affirmés. En outre, le projet de loi ne mentionne nulle part la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones ni le principe du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. Par conséquent, l’APN recommande de modifier le paragraphe 72.1(1) pour se conformer à la jurisprudence pertinente en ce qui concerne les droits garantis par l’article 35 et d’ajouter le principe du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause prévu dans la Loi sur la DNUDPA.

Je vous remercie de votre attention. Merci, mahsi’choo.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Teegee.

Nous passons aux questions. Nous terminerons à 19 heures, mais il se peut que nous dépassions un peu l’horaire prévu. Comme pour le dernier groupe, chaque question, y compris la réponse, est limitée à quatre minutes. Je brandirai un carton pour indiquer qu’il reste 30 secondes. J’offre la première question au vice-président.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Ma question sera pour M. Teegee. Monsieur Teegee, le projet de loi C-21 est un projet de loi qui vise notamment à protéger les femmes qui sont victimes de violence familiale perpétrée par des conjoints qui ont des armes à feu à la maison.

Dans les centres urbains, on en entend parler lorsqu’un meurtre est commis, mais il y a sûrement de nombreux autres cas de violence conjugale qui ne sont pas médiatisés. Puisque votre droit constitutionnel de posséder des armes est reconnu et maintenu, ces femmes autochtones ne seront pas mieux protégées une fois cette loi adoptée. Comment évaluez-vous le danger qu’elles courent? Que peuvent-elles faire? Enfin, quel service d’intervention pouvez-vous leur offrir lorsqu’un cas de violence se présente avec une arme à feu?

[Traduction]

M. Teegee : On ne peut sous-estimer le problème de la violence dans les communautés des Premières Nations et à l’encontre des femmes des Premières Nations et des personnes de différentes identités de genre par rapport aux mesures qui peuvent être prises. Je pense que l’une des questions est de fournir des programmes au sein des communautés des Premières Nations pour comprendre les causes profondes de la violence et, par ailleurs, en ce qui concerne le maintien de l’ordre, de fournir suffisamment de ressources pour les services de police des Premières Nations dans nos communautés. Nous sommes en train d’élaborer un projet de loi pour passer du financement des programmes au financement des services essentiels. Cependant, la question de la compétence se pose toujours. S’ajoute à cet enjeu la compétence en matière de maintien de l’ordre au sein des communautés des Premières Nations. Tout d’abord, nous avons besoin de plus de ressources pour prévenir la violence, la comprendre et comprendre ce qu’elle représente dans les communautés des Premières Nations et adopter des politiques conformes à nos lois, pour ainsi dire. Nous avons besoin de plus de ressources pour les services de police des Premières Nations au sein de nos communautés, pour qu’ils disposent de ressources suffisantes pour bien remplir leur mission. À l’heure actuelle, nous n’avons pas assez de surveillance policière. Nous n’avons pas assez de financement pour des ressources humaines. De nombreux corps policiers utilisent un équipement obsolète et, le plus souvent, la plupart de nos corps policiers se tournent vers d’autres administrations, comme des services de police municipaux et provinciaux, parce que nous ne pouvons pas être compétitifs. Plus tôt nous aurons une loi qui prévoit un financement des services vraiment essentiels et davantage de ressources, plus vite nous pourrons éviter cette violence.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci monsieur Teegee. Cela dit, si le port d’armes à feu est un droit pour la chasse, croyez-vous qu’il serait une bonne idée que la loi fasse la distinction entre les membres de votre communauté qui vivent sur les réserves et ceux qui vivent en milieu urbain? Entre vous et moi, les ours et les chevreuils ne sont pas très nombreux dans les grandes villes.

[Traduction]

M. Teegee : Je pense qu’il s’agit là d’une généralisation désobligeante, car de nombreux membres des Premières Nations qui vivent en milieu urbain retournent sur leur territoire, ou à l’intérieur de leur territoire, pour chasser. Ils chassent pour leur subsistance. Pendant la COVID, beaucoup de nos membres, qu’ils vivent en ville ou sur le territoire, ont dû aller pêcher et chasser en milieu rural, et c’est encore le cas aujourd’hui. Nombreux sont ceux qui vivent en dehors des réserves, et nous le comprenons. Il y a de nombreuses raisons à cela. Il n’y a pas assez de logements ou de possibilités d’emploi sur le territoire, alors ils vivent dans les centres urbains pour avoir un emploi et un logement. Ce n’est pas leur faute s’ils vivent en milieu urbain. Cependant, que nous vivions hors réserve ou dans une réserve, nous jouissons toujours des droits protégés par l’article 35 pour chasser et maintenir notre propre régime alimentaire, notre propre mode de vie, notre propre culture et nos propres pratiques, et pour faire exactement ce que nous avons fait depuis des temps immémoriaux.

Le sénateur Plett : Merci, chef Teegee, de votre présence.

Je suis d’accord pour dire qu’il est certain qu’en 2023, les gens peuvent monter dans un camion pour aller récolter l’orignal. Ils n’ont pas besoin d’attendre que l’orignal vienne à eux, et je souscris donc sans réserve à vos derniers commentaires.

Chef Teegee, l’an dernier, lorsque le gouvernement a présenté ses amendements en vue d’ajouter une série de fusils de chasse à la liste des armes à feu prohibées, l’assemblée des chefs de l’Assemblée des Premières Nations, l’APN, a adopté une résolution demandant le retrait de ces amendements, comme vous y avez déjà fait référence, je pense. Bien que le gouvernement ait reculé sur le projet de loi lui-même, il a maintenant promis de travailler sur son processus de réglementation interne. Le 23 octobre, le ministre a déclaré à notre comité qu’il travaillerait dans le cadre du processus réglementaire pour « [...] rapidement mettre en place un cadre réglementaire qui, selon nous, permettra de répondre à bon nombre de ces questions et de ces préoccupations [...] » — que des groupes anti-armes ont soulevées. Là encore, il ne s’agirait pas d’un projet de loi, mais d’un règlement.

Des représentantes du groupe PolySeSouvient étaient également présentes et ont déclaré à notre comité le 1er novembre que le groupe souhaite :

[...] l’interdiction de toutes les armes de poing semi-automatiques qui tirent des munitions à percussion centrale et qui sont conçues pour accepter des chargeurs amovibles d’une capacité de plus de cinq cartouches, pas seulement celles qui pourraient venir, et de limiter la capacité des chargeurs à cinq cartouches pour toutes les armes à feu [...]

Par « toutes les armes à feu », j’imagine qu’on ne parle pas seulement des fusils semi-automatiques, mais aussi de tous les autres fusils, y compris les fusils à verrou. Elles affirment que le ministre s’est entretenu avec elles et qu’il soutient leurs objectifs.

Chef Teegee, dans quelle mesure êtes-vous préoccupé par ce processus réglementaire qui sera probablement encore moins transparent que ne l’a été le processus législatif? Craignez-vous que les chasseurs, y compris ceux des Premières Nations, soient à nouveau pris pour cible?

M. Teegee : Cela reste à voir, surtout en ce qui concerne ce projet de loi. Nous sommes passés par là il y a un an en ce qui concerne la consultation. Il est certain qu’il faut davantage de discussions avec nos Premières Nations. Je ne veux vraiment pas entrer dans les détails techniques de ce qui est autorisé, qu’il s’agisse d’une arme à cinq coups par rapport à une arme semi-automatique. Ce que je veux dire, c’est qu’il faut consulter davantage nos Premières Nations, nos chasseurs et les personnes qui dépendent de la chasse et, surtout, de la chasse de subsistance. En outre, en ce qui concerne nos droits protégés par la Constitution, qu’il s’agisse des droits inhérents prévus à l’article 35 ou de droits issus de traités, nous méritons mieux, étant donné que de nombreux membres des Premières Nations dépendent de la chasse pour leur subsistance.

Le sénateur Plett : Dans quelle mesure le gouvernement vous a-t-il consultés, non pas après la présentation du projet de loi, mais avant? Quelles consultations ont eu lieu avant la présentation de ce projet de loi?

M. Teegee : Au mieux, elles ont été minimes, voire inexistantes. Il est certain qu’il n’y en a pas eu assez et c’est pourquoi nous avons adopté une résolution en décembre dernier.

Le sénateur Plett : Je vous remercie. Il n’y a donc pas eu de consultation, et maintenant ils disent qu’ils vont prendre des mesures par voie réglementaire. Je serais très inquiet à votre place, chef Teegee. Merci beaucoup pour votre réponse.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Merci beaucoup, chef Teegee. Je tiens d’abord à vous féliciter pour votre mémoire des plus précises; elle est beaucoup plus précise que le projet de loi que nous avons devant nous d’ailleurs.

Vos communautés ont-elles été très touchées par la décision du gouvernement, en 2020, d’interdire environ 1 500 modèles d’armes à feu?

[Traduction]

M. Teegee : Pour l’instant, je ne sais pas quels modèles sont visés par cette liste, donc je ne sais pas. Madame McGregor, avez-vous un commentaire à faire à ce sujet?

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Vous avez soulevé plusieurs points intéressants, entre autres la définition de drapeau rouge, drapeau jaune ou drapeau orange. Vous avez parlé également de la définition d’armes d’assaut, du rôle du contrôleur des armes et de la réglementation.

Je donne suite à la question de mon collègue le sénateur Plett. Selon votre expérience de non-consultation avec le ministre actuel, craignez-vous les étapes à venir, à savoir que le gouvernement adoptera une réglementation en menant plus ou moins de consultations auprès de vos communautés?

[Traduction]

M. Teegee : Oui, cela m’inquiète. J’ai dit dans ma déclaration préliminaire que nous n’avions pas été suffisamment consultés pour protéger ces droits inhérents auxquels nous n’avons jamais renoncé. Il est certain que, dans ce cas, il doit y avoir plus de consultations sur l’élaboration de ce projet de loi. En fin de compte, rien n’a changé depuis un an, depuis novembre dernier, lorsque j’ai comparu. Il est certain que les amendements ne vont pas assez loin et nous sommes préoccupés par la protection des droits de chasse des membres des Premières Nations.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Si je comprends bien, votre position aujourd’hui est la suivante : tant que les points très nébuleux dans le projet de loi, soit ceux concernant le drapeau rouge, le rôle du contrôleur et la définition d’armes d’assaut, ne seront pas définis clairement, vous considérez que ce projet de loi ne devrait pas être adopté.

[Traduction]

M. Teegee : Non, je ne pense pas que vous devriez l’adopter, tant qu’il n’y a pas eu de consultation suffisante. Je pense que les amendements qui ont été inclus pour les Premières Nations et les quatre préoccupations que j’ai soulevées dans cette déclaration devraient être inclus.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : S’il est adopté sans consultations, allez-vous contester, sur le plan juridique, la portée de la loi sur vos communautés?

[Traduction]

M. Teegee : Pas nécessairement moi, mais peut-être que de nombreux chasseurs des Premières Nations porteraient l’affaire devant les tribunaux sous la forme d’un recours collectif pour atteinte à leurs droits. Nous avons constaté des violations à maintes reprises avec ce système colonial de gouvernance. Je ne doute pas que cette loi sera contestée.

Le sénateur Boisvenu : Merci, chef Teegee

Le sénateur Yussuff : Merci, chef Teegee et madame McGregor, d’être ici.

J’ai entendu votre déclaration préliminaire. Comme vous le savez, le projet de loi a été amendé pour inclure l’article 35, qui reconnaît les droits des Premières Nations. Vous avez soulevé certaines préoccupations sur la façon dont cet article pourrait être interprété compte tenu de certains précédents juridiques, y compris les arrêts Sparrow et Haida et, surtout, comment le préposé aux armes à feu pourrait l’interpréter. Il n’est pas rare que les préposés aux armes à feu interprètent différemment la loi. Je respecte votre point de vue selon lequel il faudrait une reconnaissance claire de la manière dont l’article 35 s’appliquera et, surtout, de la manière dont les préposés aux armes à feu appliqueront cette loi. Avant que le gouvernement n’adopte un règlement, il serait prudent qu’il comprenne l’importance de l’inclusion de cet article 35 dans le projet de loi et qu’il s’assure que les préposés aux armes à feu en tiennent compte dans leur application de la loi. L’inclusion de l’article 35 est une avancée importante, étant donné que le gouvernement ne l’avait pas inclus à l’origine dans le libellé du projet de loi C-21. Vous pourriez peut-être nous parler de l’importance de cet article. Je reconnais que vous avez besoin que le gouvernement vous consulte davantage sur la mise en œuvre de ce projet de loi.

M. Teegee : Les droits prévus à l’article 35 sont des droits protégés par le gouvernement en ce qui concerne notre capacité de chasser et de subvenir à nos besoins grâce à la chasse de subsistance, ainsi que des droits protégés auxquels nous n’avons jamais renoncé. Qu’il s’agisse de l’arrêt Sparrow ou de l’arrêt Haida, ces droits doivent être mieux reconnus, surtout en ce qui concerne la conduite du gouvernement fédéral. Sa conduite peut porter atteinte à ces droits. C’est le cœur du problème. Si ce n’est pas clairement défini ou si cela peut être interprété de différentes manières, alors ces droits seront violés. Notre préoccupation porte plus largement sur l’interprétation de ces droits. La plupart du temps, qu’il s’agisse de l’arrêt Sparrow sur le droit de pêcher ou de l’arrêt Haida sur la cession des droits forestiers à différentes entreprises, l’interprétation doit être l’objet de consultations parce qu’elle risque de nuire à nos Premières Nations. Si ces droits ne sont pas clairement définis, ils compromettront notre capacité de chasser comme nous en avons tous l’habitude. Je ne sais pas comment le définir clairement, mais néanmoins, cela pourrait nuire à nos populations si ce projet de loi est adopté.

Le sénateur Yussuff : Je vais répéter une des questions qui vous ont été posées. La violence contre les femmes, pas seulement dans les communautés des Premières Nations, est un problème que nous devons tous prendre au sérieux. Alors que les corps policiers peuvent invoquer les dispositions législatives sur les signaux d’alarme, ce projet de loi ne fait qu’offrir un autre moyen à ceux qui pourraient juger nécessaire de mettre quelqu’un à l’abri du danger. Je pense que nous sommes tous d’accord pour dire que toute mesure susceptible de protéger les femmes est une bonne chose, mais je reconnais votre point de vue. Nous devons veiller à ce que ces mesures ne soient pas appliquées de manière inégale et préjudiciable aux intérêts des communautés qui ont été marginalisées dans l’histoire de ce pays. Voyez-vous un intérêt à ce que les dispositions sur les drapeaux rouges jouent un rôle dans la prévention des violences faites aux femmes dans les communautés, qu’il s’agisse d’une communauté de Première Nation ou d’autres communautés à travers le pays?

M. Teegee : Tout ce qui prévient la violence à l’encontre des femmes, des enfants et des personnes de différentes identités de genre est une bonne chose. Dans ce cas, cependant, il faut préciser les dispositions relatives aux drapeaux rouges et aux drapeaux jaunes et leur effet sur les membres des Premières Nations. Ce n’est pas clair dans ce cas-ci. C’est vraiment ce que nous essayons de comprendre. Quel serait l’effet sur les membres des Premières Nations qui essaient simplement de subvenir à leurs besoins? La violence est également un problème sur lequel nous devons nous pencher dans ce cas-ci ou dans bien d’autres cas de violence dans les communautés autochtones.

Le sénateur Yussuff : Je vous remercie.

La sénatrice Dasko : Je vous remercie, chef Teegee, et je remercie votre collègue de votre présence.

Ma question allait porter sur les drapeaux rouges. Je vais peut-être l’aborder sous un autre angle que mon collègue qui vient de soulever la question avec vous. Je vais paraphraser ce que la professeure Pam Palmater nous a dit lorsqu’elle est venue témoigner ici la semaine dernière. Je vais vous exposer ce qu’elle a dit, puis je vous demanderai peut-être de réagir à ses propos. Elle est chercheuse à l’Université Toronto Metropolitan. Elle a déclaré que les Autochtones ont des droits de chasse collectifs, mais qu’ils n’ont pas besoin d’armes de poing ou d’armes d’assaut. Elle a ensuite ajouté : « Nous devons trouver un équilibre entre ces droits, la sécurité et les préoccupations et besoins des enfants et des femmes. Il n’y a pas de droit absolu. » C’est ainsi qu’elle a conclu sa déclaration. Je pense l’avoir paraphrasée fidèlement. Comment réagiriez-vous à ses propos?

M. Teegee : Mme Palmater connaît bien le dossier de la violence, surtout en milieu urbain. Les fusils d’assaut et d’autres types d’armes de poing sont un sujet de préoccupation par rapport à la violence des gangs. Il faut s’attaquer à ces enjeux. Je suis préoccupé par le fait que l’interdiction de certaines armes puisse entraîner une violation des droits de chasser des Premières Nations. Qu’il s’agisse d’armes de poing ou de fusils d’assaut, je ne sais pas combien de membres des Premières Nations les utilisent pour chasser, mais il est plus courant d’utiliser la carabine longue. Dans mon cas, en tout cas, j’utilise une carabine longue pour abattre les grands ongulés. Je ne sais pas en ce qui concerne les autres types d’armes, mais je sais que certaines armes que vous avez décrites, comme les armes de poing et les fusils d’assaut, sont très courantes dans la violence des gangs, ce qui est très préoccupant. Nous avons constaté une augmentation de la violence des gangs au sein des Premières Nations et de nos communautés, surtout en raison de l’augmentation des ventes de drogues, par exemple, et de la crise actuelle des opioïdes que vivent de nombreuses personnes qui tentent de lutter contre le trafic de stupéfiants. En fin de compte, je pense que nous devons aussi nous pencher sur notre façon de classer les armes, je suppose, et je pense que cela passe par une plus grande consultation auprès des Premières Nations et de nos communautés des Premières Nations.

La sénatrice Dasko : Je vous remercie.

Julie McGregor, conseillère juridique, Assemblée des Premières Nations : Puis-je compléter cette réponse?

La sénatrice Dasko : Oui, je vous en prie.

Mme McGregor : Il faut trouver l’équilibre entre la sécurité et le bien-être des femmes, des enfants et des familles autochtones et le droit de pratiquer notre culture. Le gouvernement peut prendre des mesures pour prévenir la violence, comme le chef Teegee l’a mentionné. La mise en œuvre des 231 appels à l’action pour la justice lancés dans le cadre de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées en est un élément important. Je suppose que ce à quoi nous voulons en venir, c’est que les membres des Premières Nations sont les seuls à qui l’on pose des questions et on demande de choisir entre le droit à leur culture, qui est un droit garanti par la Constitution, et le droit à la sécurité de leurs femmes, de leurs enfants et de leurs familles. Si vous demandez aux membres des Premières Nations s’ils veulent la sécurité ou le droit de pratiquer leur culture, ils répondront les deux parce que les deux font partie intégrante de nos communautés. L’équilibre est donc là. Il doit y avoir un équilibre. L’objet initial de ce projet de loi était d’interdire les armes de poing, puis s’y est agglomérée l’interdiction d’armes à feu susceptibles d’être utilisées pour chasser. Comme nous le disons, il faut trouver un équilibre entre les deux. Nous ne pouvons accepter que des communautés ne puissent pas exercer leurs droits ancestraux parce qu’il s’agit de droits constitutionnels. C’est ainsi. Nous sommes le seul groupe ici — les Autochtones sont les seuls à jouir d’un droit constitutionnel par opposition à la sécurité des communautés. Le gouvernement pourrait faire beaucoup plus pour lutter contre la violence faite aux femmes autochtones.

Le président : Je vous remercie, madame McGregor. C’est très utile.

La sénatrice M. Deacon : Je pense qu’il ne me reste plus beaucoup de temps, et une partie de mes questions a porté sur les signaux d’alarme, mais madame McGregor, on a posé des questions à quelques reprises et je pense que vous souhaitiez intervenir et réagir. Je vais vous demander maintenant, sur la base de ce que nous avons entendu dans les témoignages cet après-midi, si vous aimeriez ajouter quelque chose à ce que le chef Teegee a dit ou que vous pensez que nous devrions savoir à propos de ce projet de loi pour l’améliorer?

Mme McGregor : Pour revenir à votre observation initiale sur les drapeaux rouges ou une quelconque loi sur l’interdiction d’armes à feu, le problème, ce n’est jamais la loi comme telle, mais la façon dont elle est mise en œuvre et réglementée. Dans le passé, le grand pouvoir discrétionnaire accordé aux forces de l’ordre n’a pas servi les Premières Nations, et le chef régional Teegee a évoqué le problème de la surreprésentation. Les membres des Premières Nations font souvent l’objet d’une répression et d’une réglementation excessives en ce qui concerne les ressources naturelles également. Bien que les dispositions relatives aux drapeaux rouges et aux drapeaux jaunes soient importantes et valables à première vue, leur application au sein des communautés des Premières Nations semble toujours poser un problème, et ce, en raison de problèmes systémiques liés au racisme et à la manière dont la vie des membres des Premières Nations est réglementée et surveillée à l’excès.

Si vous le permettez, j’aimerais aborder quelques autres points. Tout d’abord, en ce qui concerne la disposition de non-dérogation, comme le chef régional l’a dit, sa présence est une bonne chose. Elle ne figurait pas dans la version initiale du projet de loi, mais sa formulation est très large. Si vous examinez le droit constitutionnel et les droits des Premières Nations en vertu de la Constitution, il incombe à la Première Nation de prouver l’existence de son droit, puis à la Couronne de prouver qu’il y a eu atteinte et que cette atteinte est minimale. Néanmoins, c’est d’abord à la Première Nation qu’il incombe de prouver ses droits. C’est ce qui ressort de toute la jurisprudence au Canada, où les Premières Nations doivent investir du temps, de l’argent et des efforts, au détriment d’autres questions essentielles, pour se défendre devant les tribunaux, souvent pendant des dizaines d’années, afin de prouver qu’elles ont un droit. La disposition de non-dérogation ne règle pas ce problème.

Un autre enjeu tient au fait qu’elle peut être mise à l’écart si facilement. Nous pouvons dire, oui, nous reconnaissons l’existence d’un droit au titre de l’article 35, mais néanmoins, nous allons agir de la sorte. En droit constitutionnel, une partie du critère pour prouver un droit, afin que le tribunal se prononce sur l’atteinte ou non à un droit est de savoir si les Premières Nations ont été consultées de manière adéquate. Cela fait référence aux arrêts Sparrow et Haida, comme le chef régional Teegee l’a dit.

La sénatrice M. Deacon : Je vous remercie.

Le sénateur Plett : J’allais poser une question à propos des drapeaux rouges, mais je pense que nous en avons fait le tour, alors je vais poser une autre question.

Chef Teegee, je pense que vous avez dit assez clairement que vous n’avez pas été consultés du tout avant la présentation du projet de loi, et comme on l’a déjà mentionné, dans le cadre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, les ministres du gouvernement ont souvent répété l’engagement à l’égard du principe : « Rien sur nous sans nous ». Chef Teegee, que signifie cet engagement si, dans le cadre d’un projet de loi comme celui-ci, il n’y a pas de consultations avant la présentation du projet de loi?

M. Teegee : Eh bien, il est clair que cela ne répond pas à la norme que nous voulons adopter, surtout dans le cas d’un projet de loi qui peut avoir des effets très néfastes sur nos peuples autochtones. Si nous prenons la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, elle a force de loi ici en Colombie-Britannique depuis quatre ans, et depuis deux ans à l’échelle fédérale. Le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause signifie donc qu’il y aurait une consultation appropriée auprès des Premières Nations, et je dirais même une consultation encore plus approfondie si le projet de loi a des effets négatifs sur les Autochtones, surtout sur nos droits inhérents. Il y a eu très peu de consultations avant que ce projet de loi ne nous parvienne en tant que Premières Nations, et de plus, sans consultation appropriée, je dirais que c’est en fait l’inverse de l’intention de la DNUDPA en ce qui concerne la consultation et le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause et de nombreux articles qui traitent de notre capacité à chasser, et à assurer notre subsistance sur nos terres.

Le sénateur Plett : Je dirais que je suis tout à fait d’accord avec vous sur ce point.

Le sénateur Boisvenu vous a demandé si vous alliez contester ce projet de loi devant les tribunaux. Vous avez répondu que non, mais qu’un certain nombre de chasseurs le feraient peut-être. En tant qu’organisation, pourquoi vous et d’autres organisations autochtones ne contesteriez pas le projet de loi devant les tribunaux? À mon avis, le gouvernement fédéral viendrait bien près d’enfreindre la loi s’il invoquait un projet de loi comme celui-ci sans avoir obtenu un consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause.

M. Teegee : Eh bien, tout d’abord, l’organisation elle-même n’est pas titulaire de droits. Il faudrait donc qu’une communauté ou des membres des Premières Nations fassent respecter leurs droits. Ensuite, nous serions probablement un intervenant dans une éventuelle action en justice, comme nous l’avons été dans certaines affaires, simplement pour nous assurer que certaines dispositions qui ont déjà été reconnues sont maintenues, comme le projet de loi C-15, la Loi sur la DNUDPA. Je pense que cela ne veut pas dire que nous ne jouerions pas un rôle. Il est certain que nous aiderions et soutiendrions nos Premières Nations si elles jugeaient nécessaire de s’adresser aux tribunaux sur une quelconque question, qu’il s’agisse de cette question ou, comme nous l’avons vu, de la protection de l’enfance ou des droits relatifs aux ressources naturelles.

Le sénateur Plett : Merci beaucoup, chef Teegee, pour le temps que vous m’avez accordé.

Le sénateur Yussuff : Merci, chef Teegee.

Il va sans dire que nous reconnaissons fondamentalement le droit de votre nation, mais également celui d’autres nations à travers le pays, de s’adresser aux tribunaux à tout moment pour demander leur interprétation juridique en ce qui concerne la protection de vos droits. Je ne pense pas que cela soit matière à débat ici.

Plus important encore, en ce qui concerne les armes à feu, en ce qui concerne l’objet du projet de loi par rapport aux armes à feu, il s’agit essentiellement d’une interdiction des armes de poing. Le projet de loi ne prévoit pas l’interdiction des carabines longues. Je tiens à ce que vous le reconnaissiez. Il est tout à fait possible que le gouvernement prenne un règlement par rapport à d’autres armes à feu dont il souhaiterait restreindre l’autorisation, mais cela ne figure pas actuellement dans le projet de loi C-21.

M. Teegee : Tout ce que je peux dire, c’est que nous essayons de prévenir ici les conséquences involontaires de l’atteinte aux droits des Premières Nations protégés par la Constitution, en particulier le droit de chasser, de pêcher et d’assurer notre subsistance.

Le sénateur Yussuff : Je vous remercie.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Ma question s’adresse à M. Teegee.

Monsieur Teegee, si vous voulez prendre en main la sécurité des femmes autochtones, je pense qu’on a ici une bonne occasion de le faire. Pourriez-vous suggérer des amendements au projet de loi C-21 pour faire en sorte que les femmes de vos communautés soient mieux protégées face à des conjoints violents qui ont des armes à domicile?

[Traduction]

M. Teegee : Eh bien, oui. Bien sûr, je pense que c’est la raison pour laquelle nous avons besoin de plus de consultations, afin d’améliorer ce projet de loi pour protéger les femmes, les enfants et les personnes de différentes identités de genre autochtones. Je pense qu’il est toujours possible d’améliorer ce projet de loi, pourrions-nous dire, je suppose, mais je pense que dans l’ensemble, la façon dont il est structuré et dont tout a été exécuté est au mieux médiocre, je dirais, parce qu’il aurait pu être mieux fait en ce qui concerne ces protections.

Je vois que Mme McGregor aimerait dire quelque chose. Voulez-vous ajouter quelque chose?

Mme McGregor : Monsieur le chef régional, je manifestais simplement mon accord avec vous pour dire qu’une plus grande consultation et une plus grande participation des Premières Nations auraient été idéales pour examiner comment la violence se produit dans nos communautés. Il y en a de toutes sortes à la grandeur du pays. Il y a la violence armée et la violence des gangs dans certaines régions, et ailleurs, il s’agit plutôt d’un problème de violence conjugale. La violence faite aux femmes autochtones a de très nombreuses causes profondes, comme nous l’avons dit. Je pense qu’il serait difficile d’essayer d’englober tout cela dans un seul projet de loi, le projet de loi C-21. Des mesures concrètes pourraient être incorporées dans le projet de loi, et si les principes de la DNUDPA et même simplement l’obligation de consulter avaient été respectés en l’occurrence, nous aurions pu incorporer ces préoccupations dans le projet de loi. Nous n’avons pas eu cette possibilité.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Encore une fois, merci à nos invités. Ma question et mon commentaire seront pour le chef Teegee.

Je viens aussi d’une région éloignée du nord du Québec. Pour ces communautés, la chasse est plus qu’une activité sportive; elle fait partie des mœurs. Pour mes grands-parents qui vivaient dans cette région, il y a des années, la chasse était un mode de subsistance. C’était le cas pour les Autochtones, mais aussi pour les Blancs qui arrivaient et colonisaient. Dans le nord de l’Abitibi, la chasse était un mode de subsistance.

Mon problème avec ce projet de loi est le suivant : on va donner à des fonctionnaires fédéraux d’Ottawa la tâche de rédiger des règlements qui s’appliqueront au mode de vie de personnes qui vivent en région éloignée. J’éprouve de grandes réserves quant à la volonté du ministre et de son ministère de consulter vos communautés, en particulier pour faire en sorte que ces règlements respectent vos traditions et vos droits.

Éprouvez-vous les mêmes craintes?

[Traduction]

M. Teegee : Il est certain que j’éprouve des craintes, comme je l’ai dit dans ma déclaration préliminaire.

Par ailleurs, je pense que vous soulevez un bon point en ce qui concerne la compréhension de la culture, que vous viviez dans un centre urbain ou dans ma communauté. Je viens de la nation Takla, et il est certain que beaucoup de nos concitoyens utilisent des armes d’épaule pour chasser, et pas seulement, mais aussi pour piéger et d’autres activités qui complètent vraiment notre économie, pour ainsi dire.

Je pense que les conséquences imprévues de ce règlement ou de cette loi qui dépassent ces limites et empiètent sur nos droits protégés par la Constitution sont toujours préoccupantes. C’est ce que nous soulevons ici. C’est le cœur de la question. Nous avons des exemples d’élaboration et de coélaboration de projets de loi, comme le projet de loi C-91 sur les langues, le projet de loi C-92 sur la protection de l’enfance, et même le projet de loi C-15 sur la DNUDPA, qui ont fait l’objet d’une consultation beaucoup plus large et approfondie et nous pourrions même dire d’une coélaboration avec nos peuples autochtones, ce qui a permis de les améliorer considérablement.

Le sénateur Boisvenu : Merci, chef Teegee.

Le président : Chers collègues, cela termine le temps dont nous disposions avec ce groupe de témoins.

Au nom du comité, je tiens à vous remercier, chef régional Teegee et madame McGregor, d’être ici ce soir et d’avoir partagé vos observations détaillées sur le projet de loi C-21. Nous vous en sommes très reconnaissants. Ce fut très utile. J’en profite pour vous remercier du travail que vous faites pour vos électeurs et vos circonscriptions. Il est certainement très important. Nous sommes impressionnés et très heureux que vous vous soyez joints à nous ce soir.

Nous poursuivons notre examen du projet de loi C-21 avec notre dernier groupe de témoins. Nous avons le grand plaisir d’accueillir deux représentants d’Inuit Tapiriit Kanatami, M. Natan Obed, président, et M. Will David, directeur des Affaires juridiques. Merci beaucoup d’être avec nous aujourd’hui. Je vous invite à faire vos déclarations préliminaires, et nous passerons ensuite aux questions de nos membres.

Natan Obed, président, Inuit Tapiriit Kanatami : Nakurmiik, merci, monsieur le président. C’est un plaisir de vous rencontrer ici ce soir. Je vous remercie de me donner l’occasion de vous parler des amendements au projet de loi C-21.

J’aimerais commencer en disant que nous avons, dans l’Inuit Nunangat, une relation avec les armes à feu très différente de celle de la plupart des Canadiens. Cette réalité est en grande partie imputable à l’omniprésence des armes à feu dans nos foyers, mais aussi aux conditions sociales et à l’environnement dans lesquels nous vivons alors que 54 % des logements sont surpeuplés et qu’il est fréquent que plusieurs générations vivent sous un même toit. L’administration de la justice ou la mise en œuvre des lois, surtout celles qui visent à prévenir la violence armée ou à empêcher des personnes qui pourraient commettre des actes de violence familiale d’avoir accès à des armes, devient une réalité très complexe dans l’Inuit Nunangat. Les difficultés que nous avons connues dans de nombreux cas en raison du manque d’infrastructure et de capacité à administrer la justice contribuent aussi à cette complexe réalité. Je le mentionne simplement, avant d’entrer dans le vif du sujet, pour montrer à quel point la perspective est différente. En même temps, du point de vue politique, il est crucial de comprendre qu’il est très important pour le gouvernement du Canada d’assurer la sécurité des Canadiens d’abord et avant tout. Assurer la sécurité de ceux qui en ont besoin est aussi un principe que nous partageons.

Je vous remercie de m’avoir invité à participer à l’examen du projet de loi C-21. Le projet de loi dont vous êtes saisis, qui porte sur la révocation des permis d’armes à feu, mérite d’être examiné attentivement en raison de ses incidences sur les chasseurs inuits et nos droits de récoltes. Même si nous sommes d’avis que le projet de loi établit un équilibre satisfaisant en théorie, nous craignons que les réalités liées à la disparité des infrastructures sociales et juridiques de l’Inuit Nunangat entraînent une application inéquitable de la loi qui compromettra la sécurité des collectivités inuites pour ce qui est des droits de récolte des Inuits. Il est crucial de reconnaître que les droits de récolte dans l’Inuit Nunangat sont liés à la sécurité alimentaire. Les restrictions imposées aux droits de récolte ont des répercussions directes sur l’accès des chasseurs, des familles et des collectivités à la nourriture.

L’une de nos préoccupations est que le projet de loi propose la révocation automatique du permis d’arme à feu dans les cas de violence familiale ou lorsqu’une ordonnance de protection existe. Bien que l’intention de protéger les collectivités soit claire et appuyée en principe, le fait que les « actes de violence familiale » ou la notion de « traqué quelqu’un » ne soient pas clairement définis suscite de l’incertitude. Cette lacune laisse un important pouvoir discrétionnaire aux contrôleurs des armes à feu, ce qui pourrait entraîner une application incohérente de la loi et avoir des répercussions sur la vie des chasseurs inuits.

Les dispositions de l’article 70.3, qui prévoient la délivrance de permis assortis de conditions n’offrent aucune garantie, car elles relèvent plutôt du pouvoir discrétionnaire du contrôleur des armes à feu. Ce n’est pas d’une mesure équitable, en particulier si l’on considère les obstacles géographiques et logistiques auxquels les Inuits sont confrontés pour avoir accès aux contrôleurs des armes à feu. Le contrôleur responsable du Nunavut, par exemple, est à Winnipeg. Cette distance est plus que géographique, elle est aussi culturelle et pratique. Nous devons nous demander si ces fonctionnaires sont en mesure d’évaluer et de comprendre correctement les circonstances et les besoins particuliers des chasseurs inuits. Le processus de demande d’un tel permis conditionnel doit être clair et accessible afin d’éviter les interdictions involontaires visant les Inuits qui chassent pour assurer leur subsistance. Les Inuits n’ont tout simplement pas accès à des formulaires complexes, électroniques ou en inuktitut, ce qui élimine la pertinence de cette disposition. Il n’est pas simplement question de moyens de subsistance; il est question de préserver des pratiques culturelles intrinsèques au bien-être de nos communautés.

La façon de signaler un problème est un autre exemple d’une mesure équilibrée qui crée un mécanisme qui pourrait perturber de façon disproportionnée les ménages inuits. Les Inuits vivent souvent dans des logements multigénérationnels. Ainsi, la saisie d’armes à feu pourrait avoir des répercussions imprévues sur des familles entières, et non seulement sur les personnes visées par les dispositions du projet de loi. La nature confidentielle du processus de demande et la possibilité que la personne visée par la demande ou sa famille ne soit même pas au courant de la demande pourraient également se traduire par la prise de mesures sans préavis suffisant ou sans compréhension de la situation familiale. D’un autre côté, l’accès limité à la justice auquel sont confrontés les Inuits signifie aussi que les demandes elles-mêmes seraient probablement freinées par le simple fait que les Inuits pourraient ne pas être en mesure de présenter une demande.

En conclusion, bien que les intentions protectrices du projet de loi C-21 soient louables, il est impératif que la loi reflète les réalités de tous les Canadiens, y compris celles des Inuits. L’Inuit Tapiriit Kanatami craint que la mise en œuvre de cette loi ne soit pas efficace pour réduire la violence liée aux armes à feu dans l’Inuit Nunangat simplement parce que nos réalités sont extrêmement différentes de celles du centre-ville de Montréal ou de Toronto.

En outre, toute mesure pouvant avoir une incidence sur le droit de chasse doit être mise en œuvre avec la plus grande prudence, en veillant à ce que les droits de récolte des Inuits soient respectés et que les moyens d’accéder à la nourriture et de maintenir notre mode de vie ne soient pas compromis.

De plus, je voudrais ajouter qu’il y a aussi un véritable enjeu de sécurité qui existe dans l’Inuit Nunangat. Lorsque nous allons sur le territoire, que nous sortons de nos collectivités, nous savons qu’il existe des dangers réels et inhérents, notamment les ours polaires, des dangers qui ne préoccupent généralement pas les Canadiens qui sortent faire une randonnée en forêt. Ce genre de considérations ne vient peut-être pas à l’esprit des décideurs et des législateurs, mais elles sont primordiales pour notre sécurité en tant qu’Inuits dans l’Inuit Nunangat.

Nakurmiik. Je vous remercie de l’attention que vous portez à ces questions.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Obed.

Chers collègues, nous allons maintenant passer aux questions. Notre réunion se termine à 20 heures ce soir. Comme pour les groupes précédents, je vais limiter chaque question, y compris la réponse, à quatre minutes. Je vais montrer ce carton pour vous indiquer qu’il vous reste 30 secondes. Comme d’habitude, j’invite notre vice-président, le sénateur Dagenais, à poser la première question.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci monsieur Obed. Vous avez abordé le sujet d’entrée de jeu, mais pour notre gouverne, pouvez-vous nous donner un aperçu de l’impact des armes à feu dans une communauté comme la vôtre? Vous avez parlé de la violence domestique. Avez-vous la capacité d’intervenir rapidement dans une situation de violence conjugale, où une femme se trouve menacée par un conjoint armé, comme malheureusement ce peut être le cas lorsqu’il y a des armes à feu à la maison?

[Traduction]

M. Obed : Je vous remercie de la question.

J’essaie de comprendre les principaux éléments de la question. Nous avons des forces policières dans l’Inuit Nunangat. Nous avons la capacité d’intervenir dans les situations de violence familiale. Souvent, il y a des protocoles concernant la sécurité de la famille et la saisie d’armes dans certains scénarios. Ces protocoles existent déjà, mais les défis liés à l’application de la loi et à la manière de nuire le moins possible à l’unité familiale dans le cadre de l’application de la loi sont au cœur des considérations que nous soulevons ici aujourd’hui.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Vous savez, bien souvent, dans les régions plus isolées ou éloignées, on parle beaucoup des forces policières. Il faut toutefois comprendre que lorsque la police peut intervenir, il s’écoule un laps de temps entre le moment où la police reçoit l’appel et son intervention. Malheureusement, pour l’avoir vécu dans ma carrière alors que j’étais policier, il arrive souvent qu’avant qu’on arrive, le crime ait déjà été commis.

La tentation est forte, lorsqu’une arme à feu se trouve dans la maison, après un échange échaudé, d’avoir recours à la violence conjugale. Avant que la police en soit informée, le temps de réaction peut être long. C’est pourquoi je vous pose la question. Évidemment, on ne peut pas être contre la vertu. Les personnes ont le droit de pratiquer la chasse. Toutefois, malheureusement, lorsqu’il y a des armes à feu à leur disposition, cela peut mener à de la violence conjugale et il faut intervenir rapidement.

Pensez-vous que projet de loi C-21 pourrait être amélioré ou encore constituer un outil de plus pour prévenir la violence conjugale envers les femmes?

[Traduction]

M. Obed : Oui. Notre position et notre intervention d’aujourd’hui portent sur l’application inégale des dispositions éventuelles de la loi. Nous cherchons l’équité dans l’application et les moyens nécessaires, que ce soit au niveau fédéral, provincial ou territorial, pour nous assurer que l’intention de la loi peut être appliquée dans nos petites collectivités éloignées. Parmi les défis à relever, on peut citer les longs délais d’attente pour le traitement de certains éléments de la mise en œuvre de cette loi au niveau individuel et, par conséquent, nuire à la collectivité simplement en raison de l’absence de processus. Nous constatons ce problème dans plusieurs autres domaines liés à l’accès à la justice, en particulier en ce qui concerne les armes à feu.

Monsieur David, voulez-vous ajouter quelque chose?

Will David, directeur, Affaires juridiques, Inuit Tapiriit Kanatami : Je vous renvoie aux pages 681 et 683 du rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. On y présente un résumé du témoignage du chef Jean-Pierre Larose, de ce qui est maintenant le Service de police du Nunavik, qui décrit en détail plusieurs des défis liés à la capacité d’intervention dans les collectivités éloignées du Nunavik, ainsi que l’incidence de critères administratifs apparemment neutres qui, dans le contexte du nord du Québec, peuvent nuire aux enquêtes et aux interventions.

Le sénateur Boehm : Merci, monsieur Obed et monsieur David, d’être parmi nous aujourd’hui.

Je vais poursuivre dans la même veine que le sénateur Dagenais. Des membres du comité, vous vous en souvenez, sont allés au Nunavut dans le cadre de notre étude sur la sécurité dans l’Arctique. Nous vous avons rencontré, ainsi que d’autres personnes. L’une des choses qui m’a frappé, c’est que vous avez mentionné qu’il y avait des protocoles. Divers arrangements informels semblaient très bien fonctionner, y compris pour les chasseurs qui utilisaient leurs armes pour chasser et qui les remettaient volontairement à leur retour. Les armes étaient rangées sous clé jusqu’à ce que les chasseurs en aient de nouveau besoin. Quel a été le succès de ces programmes? Y a-t-il une possibilité de mise en œuvre au fur et à mesure que les détails seront réglés relativement à l’application du projet de loi C-21 après son adoption, je présume? Comment envisagez-vous cela?

M. Obed : Pour les Inuits qui, autrement, ne pourraient pas utiliser leurs propres armes à feu, chasser pour leur collectivité, passer du temps avec des aînés sur le territoire, vivre une vie saine et soutenir la collectivité, toute occasion que nous pouvons offrir aux gens de faire ces choses est la bienvenue. Toute loi ou mise en œuvre d’une loi incluant une compréhension holistique des besoins de la collectivité dans l’administration de la justice est cohérente avec les traditions des Inuits en matière de justice.

Ces types de programmes et de scénarios ont très clairement un objectif particulier, celui de désamorçage. Il y a aussi des groupes de pairs qui favorisent une interaction positive de sorte que l’administration de la justice ne soit pas exclusivement punitive. Si cette loi offre une certaine flexibilité aux communautés pour qu’elles puissent travailler avec les gouvernements pour l’autodétermination dans l’application de ces mesures, vous obtiendrez de meilleurs résultats, des résultats qui conviennent beaucoup mieux aux collectivités inuites.

Le sénateur Boehm : Merci.

Le sénateur Plett : Je vous remercie d’être avec nous, monsieur Obed.

Dans votre conclusion, vous avez parlé de certains différents contextes. J’ai eu l’occasion de voyager dans une bonne partie du Nord de notre pays et de passer du temps dans des camps alors qu’il y avait des ours polaires à 100 mètres du camp. Je peux certainement comprendre, du moins en partie, une personne qui voudrait être suffisamment armée lorsqu’elle est pleine nature. C’est une des raisons pour lesquelles, bien sûr, un gouvernement devrait consulter différentes organisations, car les circonstances ne sont pas les mêmes.

Le ministre a comparu devant notre comité et il a dit :

Nous avons discuté avec les organisations des Premières Nations, des peuples inuits, des Métis, des communautés rurales et nordiques, des groupes de victimes, les communautés des armes à feu, les sportifs, les tireurs sportifs de partout au Canada pour connaître leurs points de vue et nous assurer que nous respectons leurs traditions et leurs modes de vie. Ces consultations nous ont permis d’aller de l’avant.

J’ai demandé à quelques témoins de différentes organisations quel était le processus de consultation, et même le témoin qui vous a précédé, le chef Teegee, a dit qu’il n’y en avait eu aucun. Le ministre répète sans cesse qu’il a consulté tout le monde. Quelles consultations ont été menées auprès de votre collectivité et de votre peuple?

M. Obed : Je vous remercie de votre question. Je laisse M. David vous répondre.

Le sénateur Plett : Merci.

M. David : Pour dire les choses simplement, il n’y pas eu de consultations. Le ministre avait communiqué avec nous et nous avions fait une demande, mais cette consultation n’a jamais eu lieu. Nous attendons toujours.

Le sénateur Plett : Merci beaucoup.

Monsieur le président, dans le cadre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, les ministres du gouvernement ont souvent répété l’engagement suivant : « Rien sur nous, sans nous. » Je pense que la DNUDPA était assez claire sur ce qu’elle était censée accomplir. Elle fait l’objet d’un long débat. On en a longuement parlé. Que signifie un tel engagement si, pour un projet de loi comme celui-ci, il n’y a pas de consultations avant sa présentation? Quelle idée vous faites-vous du respect du gouvernement pour la DNUDPA s’il ne procède pas à des consultations?

M. Obed : D’un point de vue pratique, il est de bon augure que le gouvernement du Canada ait adopté la loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Le gouvernement du Canada a également, dans les délais qu’il s’était engagé à respecter, travaillé avec les Premières Nations, les Inuits et les Métis pour créer un plan d’action associant la mise en œuvre de la loi et la mise en place des mesures que le gouvernement doit prendre pour se conformer à la DNUDPA. En fait, nous ne savons pas encore combien d’argent cela coûtera et quelles mesures concrètes le gouvernement prendra pour mettre en œuvre le plan d’action qu’il a approuvé lors de la Journée des populations autochtones, le 21 juin de cette année.

Nous attendons toujours de comprendre non seulement ce texte législatif, mais aussi les principes législatifs élaborés conjointement avec le gouvernement du Canada pour les textes législatifs qui touchent directement les Inuits, ainsi que la politique sur l’Inuit Nunangat, que le gouvernement du Canada a adoptée en avril 2022, et le profond impact que tout cela aura sur notre travail quotidien d’élaboration des lois et des politiques ou programmes qui touchent les Inuits.

C’est un excellent exemple de quelque chose qui est au cœur de nos relations avec le Canada, quelque chose qui, d’un point de vue historique, a toujours été difficile, depuis le registre des armes d’épaule et l’incapacité des Inuits à se faire entendre et à tenir compte de nos préoccupations dans l’administration de cet exercice en particulier.

Je résumerai mon propos en disant que cela est décevant, mais que je reste néanmoins optimiste. Il faudra des processus comme celui-ci pour que le gouvernement soit en mesure de rendre compte des choses qu’il s’est engagé à accomplir avec nous.

Le sénateur Plett : L’espoir est éternel. Permettez-moi d’affirmer que vous seriez probablement d’accord pour dire que, puisque le premier ministre sait comment mettre en veilleuse certaines questions relatives à la taxe sur le carbone, il devrait peut-être mettre en veilleuse le projet de loi C-21 jusqu’à après juin.

M. Obed : Nous avons déjà du mal à comprendre les processus législatifs du gouvernement du Canada, aussi ne vais-je pas forcément lui dire ce qu’il doit faire dans les délais impartis. Il s’agit d’un texte législatif important, et si nos préoccupations peuvent être prises en compte de manière satisfaisante, c’est notre objectif ultime.

La sénatrice M. Deacon : Je vous remercie tous les deux d’être ici aujourd’hui. Cela est fort apprécié.

Je n’en suis pas sûre, mais vous avez peut-être entendu parler de certaines des séances précédentes au cours desquelles nous avons un peu parlé des dispositions « drapeau rouge ». J’aimerais revenir sur ce point. Nous croyons savoir que les dispositions « drapeau rouge » n’empêchent personne de s’adresser à la police pour obtenir une ordonnance d’interdiction d’urgence, même si l’on craint que la police s’en lave les mains, n’ait pas le temps de s’en occuper ou dise : « Vous pouvez vous débrouiller seuls. »

D’un autre côté, avec toutes ces demandes satisfaites dans le cadre du régime actuel, avez-vous déjà bénéficié du niveau inégal de maintien de l’ordre dont nous avons entendu parler? Vous avez parlé de l’éloignement de Winnipeg, mais étant donné le niveau inégal de maintien de l’ordre dont vous faites l’expérience, ne serait-il pas préférable de permettre à quelqu’un de contourner complètement la police?

M. Obed : Je vais transmettre cette question à Will David.

La sénatrice M. Deacon : Très bien. Je vous en remercie.

M. David : Le régime de drapeaux rouges est sans aucun doute au cœur de nos préoccupations. Je suppose que le régime lui-même présume qu’il y a une force de police pour l’appliquer. Il présume également qu’il y a des tribunaux provinciaux efficaces dans toutes les communautés à tout moment. La question de savoir si une personne qui demande une ordonnance dispose des moyens nécessaires pour le faire pose un vrai problème. Du point de vue de la prévention de la violence, le régime d’avertissement proprement dit peut ne pas être entièrement utile dans toutes les communautés de l’Inuit Nunangat. En outre, il permet de demander une ordonnance ex parte, de sorte que la police pourrait, là où le régime d’avertissement existe, se présenter à l’improviste pour saisir les armes à feu de personnes qui ne savent pas que la police se présente pour saisir ces armes à feu.

L’ensemble du système semble conçu pour fonctionner correctement dans les régions où il existe de multiples infrastructures juridiques et de mise en œuvre. Le problème ici est que nous n’avons pas l’impression qu’il existe d’infrastructures suffisantes pour rendre les dispositions efficaces, que ce soit pour la sécurité de la communauté ou pour l’équilibre délicat que la législation cherche à établir entre, essentiellement, les détenteurs et les titulaires de droits au sens de l’article 35 et les victimes ou les victimes potentielles de violence conjugale.

La sénatrice M. Deacon : Je pense que c’est en partie le cas. Je sais que certains des défis sont liés à l’incohérence des services de police et à d’autres éléments. Je me demande s’il n’existe pas déjà une autre façon de gérer ce problème sans ce projet de loi. Étant donné que les services de police sont inadéquats et que vous avez parlé du système juridique qui est là pour les soutenir, il s’agit manifestement de défis qui existent depuis un certain temps. Existe-t-il un moyen que vous avez découvert pour y remédier?

M. David : Bien sûr. Nous sommes ici, essentiellement et comme c’est souvent le cas, en train de répondre à un texte de loi qui a été rédigé sans que nous ayons eu l’occasion de nous exprimer. C’est très bien, car il s’agit de questions sociétales.

Ce que j’évoquerai de ce côté n’est guère différent de ce que vous avez entendu dire dans le groupe précédent, à savoir essentiellement le plan d’action inuit pour l’enquête nationale sur les femmes autochtones disparues et assassinées. Beaucoup de nos solutions se trouvent dans ce plan d’action inuit. La raison pour laquelle il est si important pour nous d’avoir un plan d’action fondé sur la distinction est précisément pour équilibrer non seulement les lacunes des infrastructures d’application de la loi, mais aussi le fait que les armes à feu sont une nécessité dans les communautés inuites et le fait que la violence et les crimes violents sont aussi une réalité.

La sénatrice M. Deacon : Merci.

Le sénateur Yussuff : Merci d’être parmi nous ici.

Les principes de l’article 35 sont très importants dans le contexte des titulaires de droits. En même temps, certains éléments de ce projet de loi tentent d’aborder d’autres questions délicates. Je pense que vous avez déclaré avec éloquence que, surtout dans le Nord et dans votre communauté, le système n’est pas ce qu’il est en plein cœur de Toronto. C’est la réalité — l’égalité d’accès aux tribunaux et aux mécanismes de recours. Vous avez également déclaré clairement que le contrôleur des armes à feu n’est pas dans votre communauté : il en est très éloigné. Étant donné qu’il est investi de la responsabilité légale d’appliquer la législation, il est très loin et sa capacité à répondre aux exigences de base de ses fonctions est très limitée quant au moment où il se présente, si tant est qu’il se présente. Je pense qu’il serait juste d’insinuer que la concrétisation de l’objet de la législation devrait suivre une approche très différente quant à la manière dont nous traitons certaines régions du Canada.

Je me suis récemment rendu sur place pour vous rendre visite et examiner la sécurité dans l’Arctique, il est nécessaire que nous comprenions parfaitement cela. J’apprécie également le point que vous soulevez ici, car il est propre au Nord; il n’est pas propre, mais il est unique. C’est une partie du monde bien différente. Bien que nous soyons un grand pays, la loi ne s’applique pas de la même manière, quand bien même nous le voudrions. Dans le Nord, il est important que nous le reconnaissions si nous voulons que cette loi ait un impact quelconque.

Je pense que ce que vous avez dit à propos de l’autodétermination de l’application est un principe important que nous devons comprendre. Pourriez-vous nous expliquer un peu plus en détail comment nous pouvons prouver des moyens d’action — en particulier, dans votre communauté et dans votre territoire, comment cela pourrait être une façon significative d’appliquer cette loi et de reconnaître le principe, mais, en même temps, de reconnaître le caractère unique du Nord?

M. Obed : Je n’ai pas encore abordé la question de la violence et de l’automutilation dans nos communautés, qu’il s’agisse d’idées ou de tentatives de suicide, de violence conjugale ou d’autres formes de violence. Malheureusement, par habitant, nous avons des taux beaucoup plus élevés que dans le reste du pays. C’est aussi une autre raison d’envisager des considérations fondées sur des distinctions propres aux Inuits pour la mise en œuvre de cette législation.

Nos réalités ne sont pas nées du néant et, dans bien des cas, ce sont les politiques et les législations gouvernementales qui ont créé des scénarios qui ont exacerbé les difficultés au sein de nos communautés, puis les ont maintenues comme statu quo. Le manque d’investissements en amont ou la pénurie d’infrastructures, qu’il s’agisse d’infrastructures administratives du gouvernement fédéral jusqu’aux provinces et territoires, ou d’infrastructures de base pour le logement ou les services de soins de santé — vous ne pouvez pas ignorer l’absence de ces infrastructures par rapport aux défis particuliers que vous essayez de relever dans le cadre de cette législation. S’il n’y a pas de refuges pour femmes ou d’options de logement pour tous les segments de la communauté, s’il n’y a pas de possibilité de guérison et de prestation de services de santé, tout cela entre en ligne de compte dans l’application de ce texte législatif.

Une mise en œuvre de cette loi propre aux Inuits garantirait l’équité pour tous ceux qui souhaitent l’utiliser et permettrait également de trouver des partenariats pour pouvoir appliquer les dispositions et les règlements découlant de la loi proprement dite. Nous voulons faire tout ce qui est en notre pouvoir, en particulier en ce qui concerne la violence conjugale, pour que les victimes de violence conjugale dans nos communautés disposent de toutes les possibilités de se prévaloir de la sécurité et des voies d’accès à la sécurité. Nous pouvons faire les deux. Nous pouvons le faire et nous pouvons veiller à ce qu’il n’y ait pas de mesures punitives qui aboutissent au fait que notre communauté n’est pas aussi fonctionnelle ou saine en raison de la mise en œuvre de cette législation.

Dans certains cas, les législateurs ont tendance à dire que le bien l’emporte sur le mal. Nous ne voyons pas d’inconvénient à ce qu’il y ait des dommages collatéraux pour une population restreinte particulière si cela permet de soutenir une initiative plus large. Du point de vue de la politique publique, c’est bien sûr l’optique qu’adopte le gouvernement du Canada. Nos communautés sont si petites. Nous nous connaissons tous. Qu’il y ait ou non des difficultés, nous vivons avec nos proches, nos familles et les membres de notre communauté. Ce n’est pas comme à Ottawa, où il y a un million d’habitants. Il y a ici 800 ou 900 personnes.

La justice réparatrice, la capacité de surmonter les difficultés et la capacité de mettre en œuvre la législation fédérale en pensant au bien de la collectivité plutôt qu’à la nature individuelle de l’infraction commise, voilà ce que nous essayons de faire ici.

Le sénateur Cardozo : Merci, monsieur le président Obed et monsieur David.

Les points que vous venez de soulever au cours des dernières minutes sont importants et font partie de ce dont je veux parler. En ce qui concerne la nécessité de ce type de législation, nous avons entendu des groupes de femmes particulièrement préoccupés par la violence conjugale. Partout dans le pays, on estime qu’il s’agit d’une crise ou d’une épidémie. Comme vous l’avez noté, malheureusement, dans les communautés inuites, les taux sont sans doute plus élevés. Nous essayons d’y remédier, et vous avez souligné certains des problèmes que posent le drapeau rouge et le drapeau jaune.

J’examine le paragraphe 72.1(1) du projet de loi, qui stipule que :

Les dispositions édictées par la présente loi doivent être interprétées comme affirmant les droits des peuples autochtones reconnus et confirmés par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, et non comme les abrogeant ou y dérogeant.

Cela confère-t-il au gouvernement le pouvoir d’élaborer une série de règlements qui traiteraient du plan d’action inuit que vous avez mentionné et qui a été élaboré par la FFADA? Les questions dont vous parlez, dans un certain sens, vont bien au-delà de ce projet de loi en ce qui concerne la sécurité et le système de justice pénale en général. Ma question comporte deux volets : l’article 72 du projet de loi contient-il suffisamment d’éléments, à votre avis, pour que l’on puisse élaborer des règlements à ce sujet, et y a-t-il un autre élément beaucoup plus important qui doit être traité au-delà de ce projet de loi?

M. Obed : Tout d’abord, je pense que la question la plus importante est en fait abordée dans un autre projet de loi qui se trouve devant un comité du Sénat, à savoir le projet de loi S-13 sur les dispositions de non-dérogation. J’ai participé à un autre débat animé à ce sujet il y a environ deux semaines. Il s’agit plutôt d’un simple texte de remplacement, qui affirme que cette législation ne peut pas modifier l’article 35, en langage courant.

Le tableau d’ensemble doit être lié à la mise en œuvre de la DNUDPA. Il doit être lié au comité de partenariat entre les Inuits et la Couronne ainsi qu’aux processus que nous suivons dans les éléments de notre parti commun dans ce domaine.

Du point de vue juridique, je vais passer le micro à Will David pour une réponse.

M. David : L’approche que vous suggérez en matière de réglementation est précisément la raison pour laquelle nous souhaitons l’adoption du projet de loi S-13 — dans des cas comme celui-ci et ailleurs — parce qu’il traite, à notre avis, de questions de réglementation et de politique.

La question que ce comité doit se poser, à mon avis, — je n’ai pas de bonne réponse à vous donner à ce sujet — est de savoir si oui ou non l’ensemble des circonstances de cette législation sur le plan de l’ingérence dans les droits de récolte de l’article 35 atteint un niveau tel que la législation elle-même crée une dérogation ou une abrogation du droit de l’article 35. C’est une préoccupation sérieuse que j’éprouve uniquement parce qu’une telle vulnérabilité pourrait conduire à l’effondrement d’un régime législatif par ailleurs louable et pourrait saper plusieurs objectifs et principes non seulement nobles mais nécessaires qui sont intégrés dans la législation proprement dite. L’impact sur les droits de récolte est une préoccupation sérieuse que je ne peux pas sous-estimer.

Le sénateur Cardozo : Pourriez-vous m’en dire un peu plus sur les droits de récolte?

M. David : Si la loi crée suffisamment d’obstacles tangibles ou juridiques à la capacité des Inuits de récolter conformément aux droits issus des traités que les détenteurs de droits ont négociés avec le Canada, les détenteurs de droits eux-mêmes — comme vous l’avez entendu dire lors du dernier groupe de discussion — pourraient envisager de contester le régime législatif. Il est plus probable qu’improbable que cela se produise si l’équilibre lui-même n’est pas très soigneusement établi, précisément parce qu’il n’y a pas eu beaucoup de consultations sur ce point dans la législation.

Le sénateur Cardozo : Pardonnez-moi mon ignorance, mais de quelle chasse parlez-vous? S’agit-il de la chasse aux phoques?

M. David : Il s’agit de tout type de chasse qui nécessite une arme à feu. Cette question a déjà été débattue dans le passé, elle n’est donc pas nouvelle. Il y a eu un dialogue à ce sujet à la Chambre, ce qui était assez troublant.

Le sénateur Cardozo : Merci.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Ma question s’adresse à M. Obed.

Monsieur Obed, avez-vous une idée, sur le plan de la statistique, du nombre d’armes à feu dont sont en possession les membres de votre communauté? Vous dites qu’il s’agit de petites communautés où tout le monde se connaît. Sinon, ne serait-ce pas utile pour vos policiers de savoir combien d’armes à feu se trouvent dans votre communauté?

[Traduction]

M. Obed : Je n’ai pas de statistiques quant au nombre d’armes à feu dans les communautés inuites. Nous allons y revenir et voir si nous pouvons vous donner un chiffre exact. Je ne suis pas au courant de l’existence d’un ensemble de données particulières à ce sujet, mais il y en a peut-être.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Vous avez parlé des interventions policières. Il faut comprendre que, compte tenu de la grandeur du territoire, le nombre restreint de policiers est toujours un problème. Il serait utile pour les policiers de savoir combien d’armes à feu sont en circulation. Les interventions sont plus rapides et plus fructueuses, lorsque les policiers reçoivent un appel, s’ils savent déjà que des armes à feu se trouvent à l’intérieur de la résidence. Je vous serais reconnaissant de nous faire parvenir cette information par écrit. Je vous remercie beaucoup.

[Traduction]

Le sénateur Plett : Je voudrais revenir sur certains processus de consultation, etc. D’aucuns ont indéniablement fait valoir que les circonstances dans le Nord sont vraiment uniques, et pourtant très peu d’éléments ont été pris en compte dans cette législation. Il s’agit en quelque sorte d’une situation unique. Mentionnons à titre d’exemple l’amendement proposé à la fin de l’année dernière pour interdire les armes d’épaule semi-automatiques. Le gouvernement a renoncé à cet amendement dans le projet de loi lui-même mais, bien sûr, il y a toujours la menace de le réintroduire sous une autre forme, peut-être par le biais d’un processus réglementaire. Encore une fois, avez-vous le sentiment d’être écouté? Y a-t-il des amendements à ce projet de loi que vous pourriez suggérer pour répondre à certaines de vos préoccupations?

M. Obed : Je commencerai par la compréhension plutôt floue que nous avons des types d’armes à feu qui relèvent de la compétence de ce texte législatif en particulier. En tant qu’ITK, nous n’avons pas officiellement travaillé avec le gouvernement du Canada pour comprendre ce qui peut ou non figurer sur une liste. Au sein de nos communautés, nous nous concentrons vraiment sur la récolte et sur les armes à feu qui jouent un rôle très simple dans nos modes de récolte. Bien sûr, il y a peut-être aussi des collectionneurs d’armes à feu dans l’Inuit Nunangat. Cependant, la grande majorité des Inuits qui possèdent des armes à feu le font dans le but exprès d’assurer leur sécurité et de récolter. Nous sommes prêts à discuter avec le gouvernement de la liste particulière qui pourrait sérieusement affecter notre capacité de récolte.

Pour ce qui est de la dernière partie de votre question, je la transmettrai à M. David.

M. David : Le projet de loi est trop complexe pour que nous puissions proposer des amendements constructifs à ce stade. Nous essayons d’apporter notre aide en délimitant simplement la nature des problèmes. Je vous remercie.

Le sénateur Plett : Je vous remercie.

Une dernière question, monsieur le président Obed. Le sénateur Cardozo vient de parler de la capacité du gouvernement à élaborer des règlements pour répondre à certaines de vos préoccupations. Cependant, comme nous le savons tous, l’élaboration des règlement est encore plus obscure que le processus législatif. Vous avez déclaré que vous n’aviez pas été consultés lors de l’élaboration de cette législation. Quelle confiance cela vous donne-t-il dans un processus réglementaire planifié alors que vous n’avez même pas été consulté dans le cadre du processus législatif?

M. Obed : Historiquement, sur des questions comme celle-ci, et dans des ministères comme celui-ci, les Inuits n’ont pas eu d’interactions ou de relations approfondies avec ce ministère ou sa fonction publique. Si vous me posiez la même question, j’aurais entière confiance dans d’autres textes législatifs, comme Services aux Autochtones Canada, où nous avons procédé à la cogestion de la législation, et plus récemment la Loi sur les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, Inuits et Métis. Cependant, dans ce cas particulier, nous n’avons vu aucune mise en œuvre à l’échelle du gouvernement des structures que nous avons essayé d’établir avec le gouvernement du Canada sur le respect systématique de nos droits et la possibilité de notre participation à des éléments comme les processus législatifs tels que les règlements. Par conséquent, nous ne sommes pas du tout convaincus que nous pourrions participer à l’élaboration de ces règlements.

Le sénateur Plett : Merci à vous deux d’être ici ce soir.

Le sénateur Cardozo : J’aimerais poursuivre à partir du point que j’ai soulevé plus tôt et qui a été soulevé par le sénateur Plett. Quel serait votre processus préféré en matière de réglementation? Je pose la question dans l’optique où, en tant que comité, nous disposons de plusieurs options. L’une d’entre elles est de revenir en arrière. La deuxième est d’apporter des amendements, ce qui signifie que le texte est renvoyé à l’autre Chambre. Une troisième option consiste à envoyer un message au ministre — au gouvernement, etc. — qui serait annexé au projet de loi lorsque nous le renvoyons devant l’Assemblée. Dans ce message, nous pouvons formuler diverses observations sur ce qui doit se passer. Je ne fais que penser à haute voix, mais nous pourrions envisager d’aborder la nécessité des questions que vous avez soulevées au sujet des Inuits et du Nord. Nous pourrions parler de ce que serait un processus de consultation adéquat pour la réglementation, car, dans l’ensemble du gouvernement, nous avons vu des endroits où les réglementations étaient bonnes et d’autres où elles l’étaient beaucoup moins.

Dans une vie antérieure, j’ai travaillé au CRTC. Nous commencions par demander aux gens ce qu’ils pensaient. La deuxième étape consistait à publier des projets de réglementation et, à chaque étape, à recueillir des commentaires. À la troisième étape, nous publiions les règlements définitifs. Il existe toute une série de façons de mener des consultations en vue d’une réglementation, en dépit de votre manque d’expérience de ce ministère en particulier.

Est-ce que cela vous dit quelque chose? Cela vous paraît-il utile?

M. Obed : Ce sont des questions cruciales auxquelles nous avons essayé de répondre avec le gouvernement. Je peux parler de mon expérience depuis que j’ai été élu en 2015 et que je travaille pour le gouvernement. Nous essayons de changer systématiquement la relation entre le Canada et les Premières Nations, les Inuits et les Métis.

Pour les Inuits, nous avons un comité de partenariat entre les Inuits et la Couronne. Nous avons essayé d’alimenter les éléments prioritaires de ce comité avec des priorités communes sur lesquelles nous sommes tous les deux d’accord et un plan de travail qui aborde les points dont vous parlez, à savoir l’élaboration conjointe de textes législatifs, non seulement dans l’élaboration de la législation, mais aussi des réglementations. Nous partageons un certain nombre de priorités différentes dans les domaines législatif et politique. Il est frustrant de constater que le gouvernement du Canada n’est pas toujours à la hauteur de ce qu’il a annoncé qu’il ferait avec nous et dans les délais qu’il s’est engagé à respecter avec nous sur ces questions.

Pour ce qui est de ce texte législatif en particulier, je demanderais à Will de répondre plus précisément à cette question.

M. David : Pour être bref, lorsqu’une réglementation est susceptible d’avoir un impact sur les droits visés à l’article 35, il est obligatoire de consulter les détenteurs des droits, en l’occurrence les organisations inuites relevant d’un traité, sur l’impact potentiel sur ces droits.

L’une des raisons pour lesquelles le président Obed parle de processus de codéveloppement plus larges ou de la déclaration des Nations unies est que si nous nous rabattons sur un dialogue basé sur les droits dans le contexte de cette législation, le dialogue ne portera plus alors que sur les droits de l’article 35. Nous perdons la possibilité d’engager un véritable dialogue avec le gouvernement sur plusieurs priorités recensées dans la législation et nous perdons la possibilité d’avoir les conversations contextuelles nécessaires pour garantir que nous disposons d’un régime global qui est à la fois ordonné et qui respecte les droits. Cela réduit une grande partie du dialogue à une conversation binaire que nos détenteurs de droits sont, je pense, tout à fait capables d’avoir. Cependant, la possibilité de disposer d’un vecteur tel qu’un processus de codéveloppement, où nous pouvons parler d’une multiplicité de priorités différentes en même temps, permet une bien meilleure conversation axée sur l’équilibre. Cela sert les intérêts des Canadiens et des Inuits bien mieux qu’une simple conversation sur un seul élément ou une seule tranche de questions dans le cadre de cette législation ou d’autres.

Le président : Chers collègues, nous arrivons à la fin d’une très longue réunion qui a commencé à 15 heures.

Permettez-moi de dire ceci : nous n’aurions pas pu terminer sur une meilleure note. Nous vous sommes très reconnaissants d’avoir trouvé le temps de venir ici et de vous adresser à nous, monsieur le président Obed et monsieur David. Il s’agit d’une législation complexe qui a été conçue pour traiter de questions complexes. Je ne pense pas que nous ayons entendu une interrogation plus réfléchie sur la manière dont cette complexité se rencontre et s’entremêle que celle que vous nous avez exposée ce soir. Je n’en suis pas surpris, mais nous vous en sommes reconnaissants. Au nom du comité et du Sénat du Canada, nous vous remercions tous les deux. L’après-midi a été riche. Nous avons appris bien des choses et cela nous a laissés ébahis.

Parallèlement, je tiens également à remercier mes collègues du comité qui ont suivi ce dossier pendant cinq longues heures et qui ont su tirer le meilleur parti d’une longue liste de témoins aujourd’hui en leur posant des questions réfléchies et approfondies.

Nous poursuivrons notre examen du projet de loi le mercredi 8 novembre à 11 h 30 (HE), dans la salle B45, sous la présidence du sénateur Dagenais. Cela dit, je vous souhaite à tous une excellente soirée. Je vous remercie encore une fois.

(La séance est levée.)

Haut de page