LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE LA SÉCURITÉ NATIONALE, DE LA DÉFENSE ET DES ANCIENS COMBATTANTS
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le lundi 21 octobre 2024
Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants se réunit aujourd’hui, à 16 h 3 (HE), avec vidéoconférence, pour examiner le projet de loi C-20, Loi établissant la Commission d’examen et de traitement des plaintes du public et modifiant certaines lois et textes réglementaires.
Le sénateur Tony Dean (président) occupe le fauteuil.
Le président : Bonjour, chers collègues. Avant de commencer, j’aimerais demander à tous les sénateurs et aux autres participants en personne de consulter les cartes sur la table pour obtenir des directives visant à empêcher les rétroactions acoustiques. Merci à vous tous de votre coopération.
Bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants. Je suis Tony Dean, sénateur de l’Ontario et président du comité. Je suis accompagné aujourd’hui des autres membres du comité, que j’invite à se présenter, en commençant par notre vice-président.
Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Richards : David Richards, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Patterson : Rebecca Patterson, de l’Ontario.
La sénatrice Omidvar : Ratna Omidvar, de l’Ontario.
Le sénateur Boehm : Peter Boehm, de l’Ontario.
La sénatrice M. Deacon : Marty Deacon, de l’Ontario.
Le sénateur Cardozo : Andrew Cardozo, de l’Ontario.
Le sénateur Al Zaibak : Mohammad Al Zaibak, de l’Ontario.
Le sénateur McNair : John McNair, du Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Kutcher : Stan Kutcher, de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Yussuff : Hassan Yussuff, de l’Ontario.
Le président : Merci, chers collègues. À ma gauche se trouve la greffière du comité, Ericka Paajanen, et à ma droite, Ariel Shapiro et Anne-Marie Therrien-Tremblay, nos analystes de la Bibliothèque du Parlement.
Aujourd’hui, nous poursuivons notre étude du projet de loi C-20, Loi établissant la Commission d’examen et de traitement des plaintes du public et modifiant certaines lois et textes réglementaires. Nous entendrons aujourd’hui trois groupes de témoins qui nous feront part de leurs réflexions sur ce projet de loi, puis terminerons notre réunion par l’étude article par article du projet de loi.
Dans le premier groupe, je suis heureux d’accueillir ici dans la salle Pantea Jafari, avocate et membre de l’Association canadienne des avocats en immigration et de l’Association canadienne des avocats musulmans. Me Jafari représente ici deux organisations. Par vidéoconférence, nous recevons Kamaljit Kaur Lehal, présidente, Section en droit de l’immigration, de l’Association du Barreau canadien. Merci de vous joindre à nous aujourd’hui.
Je vous inviterai maintenant à présenter vos déclarations liminaires, qui seront suivies par les questions de nos membres. Nous allons commencer par Me Pantea Jafari, qui aura un temps de parole prolongé aujourd’hui, car elle s’exprime au nom de l’Association canadienne des avocats en immigration et de l’Association canadienne des avocats musulmans.
Me Pantea Jafari, membre, Association canadienne des avocats en immigration et Association canadienne des avocats musulmans : Merci, sénateurs et sénatrices, de me recevoir. Je suis honorée de m’exprimer au nom de l’Association canadienne des avocats en immigration et de l’Association canadienne des avocats musulmans aujourd’hui. Étant donné que les deux organisations ont un témoignage égal devant le comité, j’utiliserai les deux blocs de cinq minutes comme segment de dix minutes pour aborder davantage chacune de leurs préoccupations, et je le préciserai si un commentaire précis concerne une organisation en particulier.
Nous voulons commencer par reconnaître le contexte politique dans lequel nous nous retrouvons avec le projet de loi. Nous reconnaissons que tout amendement suggéré entraînera probablement son rejet. Cela étant, je reconnais d’emblée que, oui, nous sommes favorables au projet de loi — les deux organisations — avec ses lacunes, et nous nous tournons vers le comité et les sénateurs pour nous aider à l’améliorer le plus possible à ce stade. Nous avons pour cela deux grandes occasions. La première, ce sont les observations faites au Sénat, et la deuxième, les canaux informels accessibles à tous. Comme le ministre l’a affirmé, il vous a invités à des soupers, et des canaux informels ont également débouché sur des amendements du projet de loi C-21. Nous encourageons tout le monde à écouter, je l’espère, notre témoignage et nos préoccupations qui touchent de nombreuses organisations.
Les deux organisations que je représente aujourd’hui font partie d’une coalition qui a présenté un mémoire conjoint au comité. La coalition regroupe pas moins de huit organisations qui ont résumé nos principales préoccupations liées au projet de loi. Si nous réussissions à tout le moins à faire examiner ces préoccupations, ce serait extrêmement utile. La GRC et l’Agence des services frontaliers du Canada, ou ASFC, sont des organes qui surveillent le comportement des populations vulnérables, en particulier des populations marginalisées — des visiteurs qui ont peu de droits en matière d’immigration, voire aucun, jusqu’aux citoyens — et toute amélioration serait très bien accueillie dans l’avenir.
Si nous espérons obtenir l’aide du comité, c’est pour pouvoir régler le plus grand nombre de préoccupations possible à l’étape de la réglementation, et aussi contribuer à l’interprétation du projet de loi. Lorsque le libellé ne nomme ou n’aborde pas clairement certaines de nos préoccupations, nous espérons que vous pourrez à tout le moins signaler dans vos observations l’interprétation que vous faites des articles du projet de loi, ou que nous puissions l’avoir pour qu’elle soit utile dans l’avenir et jette les bases des changements à venir.
L’un des principaux enjeux par lequel je commencerai concerne les plaintes des tierces parties et les plaintes systémiques, à propos de quoi mes collègues ont si bien témoigné. Cela nous semble être l’un des problèmes systémiques les plus critiques concernant la commission qui sera formée, étant donné que la GRC et l’ASFC ont un problème de racisme systémique reconnu qui imprègne les deux institutions. Nous pensons qu’il est absolument nécessaire dès le départ d’insuffler la vie, de favoriser l’efficacité et de rendre possible une véritable réforme dans les deux institutions à l’aide de cet organe de surveillance, surtout si l’on reconnaît que les deux institutions ont été exagérément ciblées; par conséquent, de nombreuses populations font face à des conséquences disproportionnées découlant de leurs interactions avec la GRC et l’ASFC. Cela devient donc encore plus critique.
Je vais vous inviter à consulter nos mémoires écrits concernant les amendements particuliers que nous espérons voir mentionnés dans vos observations et au-delà, mais en particulier, la mention « directement concernée » aux articles 38 et 52 constitue une préoccupation majeure. Nous aimerions que vous signaliez dans vos observations que ces articles doivent être modifiés de manière à autoriser clairement les plaintes de tierces parties et les plaintes systémiques sans les réserves exprimées dans le projet de loi, mais également pour confirmer que, selon vos idées, vos croyances et votre interprétation, les tierces parties comme les ONG et les groupes d’avocats qui travaillent auprès de ces populations sont directement concernés, de sorte que si cette définition est conservée, elle soit comprise comme incluant ces entités dès le début.
Les plaintes systémiques se sont révélées très utiles et efficaces dans le passé. Le directeur de la commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC, ou CCETP, a déclaré que, après avoir vu une série de plaintes qui ont été fondées, ils en sont venus à reconnaître certains problèmes systémiques au sein de la GRC et ont travaillé avec l’institution pour apporter des changements réels. Nous faisons valoir que ces entités qui seraient en mesure de formuler des plaintes de tierces parties et de déposer des plaintes systémiques sont mieux placées pour cerner et reconnaître ces problèmes, et ce, beaucoup plus tôt qu’un processus de plaintes individuelles, dont la réussite — qui tient à leur accumulation — ferait ressortir ce genre de préoccupations.
L’acceptation et le mandat clairs de ces deux éléments seraient extrêmement utiles, surtout si on tient compte des réalités des deux institutions. Des sénateurs ont parlé des problèmes liés à la GRC en Colombie-Britannique qui ont été soulevés dans le témoignage précédent. Lorsque nous entendons des agents avouer des choses comme « Je viens d’arrêter quelqu’un en faisant du profilage racial », il devient très clair qu’une plainte individuelle n’ira jamais au cœur du problème et que ces plaintes systémiques sont essentielles pour entraîner des changements et bâtir la confiance dans l’institution lorsque celle-ci a été érodée par une telle conduite dans le passé de la part des deux institutions. C’est une exigence cruciale, à notre avis, surtout si l’on tient compte du fait que, en 2022, un rapport interne réalisé par des agents de l’ASFC a révélé qu’un agent sur quatre a déclaré avoir vu ce qu’il estimait être une conduite à caractère discriminatoire et racial de la part de ses collègues. Au total, 71 % d’entre eux ont dit qu’ils pensaient que le doute reposait sur la race et, dans la plupart des cas, sur l’origine nationale et ethnique.
Il s’agit de problèmes dont nous sommes très au courant. Heureusement, nos organisations sont allées assez loin pour pouvoir les documenter de manière à ce qu’ils soient reconnus dans notre réalité actuelle. Pour ces raisons, nous pensons qu’il s’agit d’amendements fort nécessaires.
Le deuxième enjeu concerne les enquêtes indépendantes, qui, pour la même raison, découlent des mêmes préoccupations. Dans les dernières séances, les sénateurs se sont demandé si le système serait suffisamment accepté si les gens estimaient que leurs préoccupations sont prises au sérieux lorsque l’entité dont ils se plaignent se voit confier le pouvoir d’enquêter sur elle-même. Les deux organisations pensent que ce ne serait pas le cas et que la confiance est érodée davantage lorsque les personnes et les entités qui font l’objet de la plainte ont le pouvoir d’enquêter sur elles-mêmes.
Je vais vous donner un exemple. Mme Maltais de l’ASFC a déclaré dans des séances précédentes que l’ASFC dispose actuellement d’un robuste système de plaintes au sujet du système. Permettez-moi de vous donner un exemple de ce système « robuste ». Il y a à notre cabinet un client, un jeune homme blanc, qui arrivait à un petit passage frontalier avec son épouse enceinte de neuf mois et qui a fait l’objet de mauvais traitements qu’il souhaitait signaler. Sa plainte a fait l’objet d’une enquête par un témoin, un participant et aussi un superviseur pour une partie des quarts en question. Cela, et l’existence de nombreuses préoccupations profondes qui en découlent pour les populations vulnérables touchées de manière disproportionnée par les mauvais traitements de la part de ces entités, est une grande préoccupation.
Lors de la dernière séance, le sénateur Cotter a souligné que la plupart des entités administratives se tournent vers un système d’examen des plaintes complètement indépendant. Nous y sommes favorables pour les raisons que nous avons expliquées et parce que le racisme enraciné ne peut pas être abordé de cette façon.
La Fédération de la police nationale a également déclaré à cet égard que, du point de vue de la charge de travail également, il ne serait pas efficace pour elle d’assumer cette tâche.
Les recours applicables sont une autre préoccupation clé. M. Koops de Sécurité publique Canada a déclaré que la commission disposerait de pouvoirs équivalents à ceux des tribunaux fédéraux. Avec tout le respect que je vous dois, c’est préoccupant, surtout puisque cela contredit ses propres déclarations qui confirment qu’elle se contente de formuler des recommandations. Les recours plus robustes indiqués à la page 4 de notre mémoire, comme les mesures provisoires et les sursis aux mesures de renvoi, seraient selon nous essentiels pour garantir une enquête robuste sur les plaintes. Si les plaignants sont renvoyés pendant le processus ou que la commission n’a pas accès à eux pour mener à bien les plaintes, nous pensons que cela serait également une grave préoccupation.
Le processus d’examen fait partie intégrante des pouvoirs. Nous pensons que le travail de la commission devrait être soumis à un contrôle judiciaire. M. Koops a expliqué que ce n’est actuellement pas le cas, car la commission ne rend pas les décisions finales, mais elle se contente de formuler des recommandations en se fondant sur les principes de droit administratif. Nous faisons valoir que l’efficacité ne devrait pas avoir préséance sur la responsabilisation.
Les contrôles judiciaires s’imposent à des fins tant de transparence dans le travail de la commission que de responsabilisation pour ce qui est de savoir si les enquêtes sont effectuées conformément à toutes les exigences que la plupart des collectivités aimeraient voir et que la loi prévoit.
Pour cette raison, nous demandons aux sénateurs de faire avancer ces questions à l’aide de tous les canaux possibles, mais, à tout le moins, de reconnaître les interprétations et les observations selon lesquelles la décision de la commission devrait relever du chef de l’ASFC, de la GRC ou du ministre quant à la suite à donner à cette recommandation, afin qu’elle puisse faire l’objet d’un contrôle dans le cadre du contrôle judiciaire de la décision finale.
Les deux derniers commentaires sont de recommander un examen officiel d’ici trois à cinq ans et de solliciter des engagements financiers plus fermes. Merci beaucoup de votre temps. Je répondrai à vos questions.
Le président : Merci, maître Jafari. Chers collègues, nous allons maintenant entendre Kamaljit Kaur Lehal de l’Association du Barreau canadien.
Vous avez la parole.
Me Kamaljit Kaur Lehal, présidente, Section en droit de l’immigration, Association du Barreau canadien : Merci. Bonjour, monsieur le président, et mesdames et messieurs. Je m’appelle Kamaljit Kaur Lehal et je suis heureuse de comparaître devant vous en tant que présidente de la Section en droit de l’immigration de l’Association du Barreau canadien.
Tout d’abord, j’aimerais remercier le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants de son examen du projet de loi C-20. Nous sommes encouragés par l’adoption de certaines de nos recommandations précédentes, dont la prolongation de la période de présentation d’une plainte à deux ans et l’établissement de délais de réponse codifiés pour permettre à la GRC et à l’Agence des services frontaliers du Canada de commander des rapports. Ces changements reflètent un engagement à renforcer la transparence et la responsabilisation dans l’application de la loi. Cependant, certaines de nos principales recommandations n’ont toujours pas été mises en œuvre, et nous pensons qu’elles sont importantes pour permettre au projet de loi C-20 d’atteindre les objectifs recherchés.
À notre avis, cinq dispositions du projet de loi nécessitent une attention supplémentaire.
La première est l’article 86, le droit d’être informé du droit de déposer une plainte. L’Association du Barreau canadien, ou ABC, est heureuse de voir une disposition qui oblige les employés et les dirigeants de l’ASFC d’informer une personne détenue et arrêtée de son droit de déposer une plainte et de la façon de le faire. Toutefois, les personnes détenues pour des circonstances liées à l’immigration ne sont souvent pas habituées de se retrouver en détention et n’ont peut-être pas, dans leur expérience culturelle, la capacité d’apprécier le mécanisme de plainte légale dans le contexte canadien. Par conséquent, des documents explicites adressés aux détenus devraient comprendre la sensibilisation et la reconnaissance des différences culturelles. En plus d’informer les personnes de leur droit d’entamer un processus de plainte, il est important de s’assurer qu’elles ont accès à des ressources comme un ordinateur, un interprète, ainsi que des ressources qui facilitent le dépôt d’une plainte.
La deuxième disposition est l’article 33.3, la période de présentation d’une plainte. Encore une fois, nous sommes ravis que la période de présentation d’une plainte ait été prolongée à deux ans. Toutefois, nous pensons que le délai devrait commencer au moment où le plaignant prend connaissance de la question, et non pas au moment où la conduite a eu lieu. Les cas d’immigration en particulier supposent souvent des révélations d’inconduite complexes et tardives. De nombreuses personnes peuvent ne pas savoir qu’elles ont des motifs pour déposer une plainte avant beaucoup plus tard, et le cadre actuel ne tient pas adéquatement compte de ces réalités. C’est pourquoi nous recommandons que la période commence au moment où le plaignant prend connaissance de la question. Une telle approche tiendrait compte de la réalité à laquelle de nombreux immigrants font face et garantirait la responsabilisation.
La troisième disposition figure à l’article 38. En vertu de cet article, le président de l’ASFC peut ordonner à l’ASFC de ne pas enquêter sur une plainte si, à son avis, elle est futile ou vexatoire ou a été portée de mauvaise foi. C’est un motif important pour filtrer des plaintes possibles, mais il n’y a pas dans le projet de loi de définition de ces termes. Nous pensons qu’il est essentiel de fournir des définitions claires de ces termes. L’absence de définition risque d’entraîner des décisions arbitraires ou incohérentes par l’ASFC ou la commission, ce qui pourrait empêcher l’instruction de plaintes légitimes. Fournir des lignes directrices claires augmenterait l’équité et apporterait plus de clarté aux plaignants et aux agents chargés de traiter leurs préoccupations.
La quatrième disposition est l’article 84, concernant le sursis à la mesure de renvoi. L’article 84 ne prévoit pas de sursis à la mesure de renvoi dans les cas où une plainte fait l’objet d’une enquête. L’ABC craint que cette disposition ne diminue la valeur pratique du processus de plaintes si une personne est renvoyée avant d’avoir eu l’occasion de donner suite à une plainte, ce qui serait plus difficile si la personne a déjà été détenue. L’ABC recommande que la commission ait le pouvoir de suspendre les renvois ou, au besoin, de permettre aux personnes de revenir au Canada si leurs plaintes sont sérieuses et crédibles. L’absence d’un tel pouvoir mine grandement l’intégrité du processus de traitement des plaintes.
La cinquième disposition est l’article 65, l’interdiction de révision en justice. Cet article que les conclusions et les recommandations énoncées dans le rapport final de la commission sont définitives et ne sont pas susceptibles de révision en justice. Aucune explication justifiant une interdiction du contrôle judiciaire n’est fournie. L’ABC croit fermement que la surveillance judiciaire est essentielle pour maintenir la confiance publique dans le processus de traitement des plaintes. Permettre le contrôle judiciaire des rapports finaux de la commission fournirait une avenue aux plaignants pour contester les conclusions, au besoin. Cette forme de surveillance est fondamentale aux principes du droit administratif et garantit que les décisions de la commission font l’objet d’un examen indépendant. Sans ce mécanisme, on risque de miner la confiance du public dans l’équité et la rigueur du processus de règlement des plaintes.
En conclusion, bien que le projet de loi C-20 représente un important pas en avant, nous devons nous assurer que les principaux ingrédients, à savoir la responsabilisation, l’équité et la transparence, sont intégrés dans l’ensemble du projet de loi. Si le fondement est solide, on fera confiance au processus de surveillance et à la capacité d’apporter des changements utiles, au besoin.
Nous vous remercions de nous avoir donné l’occasion de présenter nos commentaires et répondrons à toutes les questions du comité. Je vous remercie.
Le président : Merci, maître Kaur Lehal. Nous passons maintenant aux questions, de trois minutes et demie chacune, y compris la réponse. Veuillez être succincts. J’offre ma première question à notre vice-président, le sénateur Dagenais.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Ma question s’adresse aux deux témoins. Je vais vous parler du fardeau de travail qui attend la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC (CCETP). En faisant la rétrospective des dossiers dont vous avez connaissance, le fait que cette commission permettra le dépôt de plaintes devrait engendrer combien de plaintes annuellement de la part d’immigrants? Pouvez-vous aussi nous dire la nature des principales plaintes auxquelles la commission devrait s’attendre? Enfin, selon vous, la commission dispose-t-elle des effectifs requis pour répondre aux plaintes dans un délai raisonnable? On peut commencer avec Mme Jafari.
[Traduction]
Me Jafari : Mes excuses. La traduction était la suivante : Disposons-nous des effectifs requis pour répondre à certaines de ces plaintes et de statistiques sur celles-ci? Je ne suis pas en mesure de fournir ces données.
L’Association canadienne des avocats en immigration et l’Association canadienne des avocats musulmans sont un conglomérat d’avocats qui pratiquent dans ce domaine du droit, et c’est une chose que nous verrions dans notre propre pratique, mais nous ne disposerions pas nécessairement de données agrégées là-dessus et certainement pas sur les effectifs.
Ce que je peux dire, c’est que les plaintes portent sur les interactions frontalières de ressortissants étrangers qui n’ont pas de statut jusqu’à celles de citoyens. Les citoyens marginalisés, vulnérables et racisés reçoivent encore un traitement à la frontière qui est discutable. Les plaintes concernent les enquêtes sur l’interdiction de territoire menées par l’ASFC et la GRC ainsi que les circonstances de la détention. Donc je dirais que les plaintes concernent un large éventail de circonstances.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Il serait important de me dire combien de plaintes vous recevez annuellement de la part d’immigrants. Ma question s’adresse aux deux témoins.
[Traduction]
Me Kaur Lehal : Merci de poser la question. Étant donné que le processus de règlement des plaintes à l’ASFC est actuellement un processus d’examen interne, je ne connais pas cette information. Je ne pense pas que nous ayons ces statistiques, malheureusement.
Je peux parler du type de plaintes qui peuvent être présentées. Je conviens avec ma collègue, Pantea Jafari, que les plaintes peuvent concerner tout ce qui va du point d’entrée jusqu’aux enquêtes et aux contrôles des motifs de détention.
Personnellement, je fais un peu de travail en tant qu’avocate de service et m’occupe d’audiences de contrôle des motifs de détention, et j’entends des clients dire que des choses simples, comme accéder à leur téléphone pour pouvoir gérer une audience relative au contrôle des motifs de détention liée à l’identité et rester en détention beaucoup plus longtemps que nécessaire, sont par exemple des types de situations récurrentes.
Malheureusement, je n’ai pas de statistiques à fournir aujourd’hui aux sénateurs. L’éventail des plaintes s’étend de l’entrée dans le pays aux contrôles des motifs de détention en passant par le déroulement des enquêtes.
Me Jafari : Si je peux rapidement ajouter quelque chose, je me souviens d’avoir entendu, dans le témoignage de la GRC, que près de 900 agents de la GRC étaient visés par plus de 5 plaintes chacun. C’est une statistique qui est ressortie lors d’un témoignage précédent. J’imagine que, annuellement, on les compterait par milliers, mais moins de 900 agents avaient fait l’objet de plus de 5 plaintes.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Merci.
[Traduction]
La sénatrice Patterson : Maître Jafari, ma question s’adresse à vous et porte précisément sur ce que vous voyez en tant que groupe d’avocats. Vous observez des tendances, et, comme vous le savez, le projet de loi comporte une exigence de déclaration obligatoire. Mais ayant travaillé sur l’Analyse comparative entre les sexes plus et les femmes, la paix et la sécurité, je note qu’il est davantage question de données désagrégées sur les plaignants en fonction de leur race, mais nous savons également que les femmes, les enfants, les filles et les garçons sont plus touchés par la plupart des types de comportements lorsqu’il s’agit de conduite inappropriée. Que recommanderiez-vous que nous recueillions? Quel type de données recommanderiez-vous que nous recueillions en plus des données démographiques et des données fondées sur la race désagrégées pour englober ces personnes qui pourraient faire partie de la catégorie des réfugiés, et cetera?
Me Jafari : C’est une question très intéressante à laquelle je ne m’étais pas attardée. Le statut d’immigration d’une personne serait essentiel, peu importe qu’elle soit représentée, que quelqu’un l’attende, dans le contexte de l’ASFC, à l’aéroport ou au point d’entrée de l’autre côté où elle attend… des éléments permettant de savoir si elle était ou non représentée. De plus, pour ce qui est de la décision, la durée de l’interaction avec la personne en question et le résultat.
Nous voyons beaucoup, par exemple, même dans le contexte de la préautorisation, des gens interrogés pendant des heures, parfois pendant plus de 12 heures, mais, à la fin, il n’y a pas d’accusation, pas de préoccupations, rien qui n’est ressorti. Le couple de blancs dont je parlais a été détenu et interrogé pendant près de 14 heures avec une femme enceinte de 9 mois, sans se faire offrir des aliments et des boissons, sauf pour de l’eau fraîche. Donc la durée et le résultat de ce qui s’est produit seraient également utiles.
La sénatrice Patterson : Merci. J’aimerais revenir aux données fondées sur le sexe et le genre. Pensez-vous que cela soit utile en plus des autres aspects dont vous avez parlé?
Me Jafari : Absolument, surtout lorsque nous parlons de préoccupations de sécurité touchant à la fois la GRC et l’ASFC, où les tensions mondiales entraîneront de plus en plus des désignations d’organisations terroristes et des préoccupations en matière d’admissibilité. De façon anecdotique, nous pensons que plus d’hommes feront l’objet d’enquêtes sur ce plan, mais pas nécessairement. Les données à ce sujet seraient certainement utiles également. L’âge serait tout aussi utile.
La sénatrice Patterson : Merci.
Le sénateur Boehm : J’aimerais poursuivre dans la même voie que la sénatrice Patterson concernant les données et les données comparatives. Je pense que nous nous entendons tous pour dire que le projet de loi C-20 est un début. Les deux témoins représentent des organisations, et ces organisations ont une portée à l’extérieur du Canada jusque dans d’autres administrations pour ce qui est des personnes que vous connaissez. Aux États-Unis, nous savons que le Service des douanes et de la protection des frontières, ou le CBP, et le département de la Sécurité intérieure doivent composer avec ces questions ainsi qu’avec les plaintes. Ils retournent jusqu’au précurseur original si vous voulez utiliser l’exemple du 11 septembre.
Dans quelle mesure êtes-vous en contact avec les personnes que vous pourriez connaître aux États-Unis, au Royaume-Uni ou même en Australie, en tant que grands pays qui accueillent des immigrants, pour ce qui est de comparer les façons de faire, de définir les problèmes de collecte de données et, bien sûr, d’établir ce que vous pouvez faire avec les preuves anecdotiques que vous venez de mentionner, maître Jafari? Je serais très heureux d’entendre tout commentaire que vous avez pour ce qui est des comparaisons avec d’autres pays; j’aimerais entendre la même chose de Me Kaur Lehal, si elle le peut.
Me Jafari : Je vous remercie de poser cette question. Malheureusement, comme je ne suis pas membre du conseil d’administration de l’une ou l’autre des organisations, je n’ai pas de position à ce sujet. Nous n’avons pas abordé la question dans nos exposés aujourd’hui. J’imagine que les deux organisations représentent des clients partout dans le monde, et nous sommes au moins mis à contribution dans les communautés de clients dans l’ensemble des administrations, surtout en ce qui concerne leurs interactions lorsqu’ils essaient de venir au Canada, et également avec les fouilles de sécurité et les fouilles criminelles en coulisse pour ces demandes de visa, permanent et temporaire.
De là, nous pourrions détenir des données de comparaison concernant ce qui se fait dans les différentes administrations.
Pour ce qui est de savoir si nous établissons des liens et sommes harmonisés avec les organisations d’avocats dans différentes administrations, je devrai vous revenir à ce sujet.
Le sénateur Boehm : Merci. Gardez à l’esprit que les organisations qui s’occupent de la surveillance et de la gouvernance possèdent leurs propres réseaux et liens avec ces pays également. Les comparaisons se font à ce niveau.
Je ne sais pas si Me Kaur Lehal aurait quelque chose à dire à ce sujet.
Me Kaur Lehal : J’aurais aimé pouvoir ajouter quelque chose, mais nous n’avons pas ces données ou ces renseignements. Notre mémoire est axé sur le travail sur le terrain, sur ce que nous constatons auprès des clients que nos avocats représentent et sur les obstacles et les difficultés auxquels ils se sont heurtés dans leurs interactions avec l’ASFC ici au Canada.
Le sénateur Boehm : Merci beaucoup.
La sénatrice M. Deacon : Merci beaucoup d’être parmi nous aujourd’hui. Je vais vous poser une question, maître Jafari, sur un sujet dont vous avez parlé plus tôt dans votre exposé, à savoir la préoccupation relative à un examen. Pour que l’examen soit significatif, utile, réalisable et cohérent, à quelles questions devrait-il répondre?
Me Jafari : Faites-vous référence à l’examen tous les trois à cinq ans que nous avons demandé?
La sénatrice M. Deacon : Oui.
Me Jafari : C’est également intéressant. En ce qui concerne l’examen, nous avons besoin des données agrégées que nous essayons de recueillir par rapport à ce qui se passe. Ce sera l’une des fonctions préliminaires de la commission jusqu’à ce que les autres éléments essentiels, demandés par les organisations de la société civile, entrent en jeu.
Pour ce qui est de l’examen, certains éléments pourraient être utiles, notamment le temps nécessaire pour examiner chaque plainte, le nombre d’enquêtes menées par la commission par rapport à celles menées par l’ASFC et la GRC, les résultats et, surtout, ce qui est arrivé à l’ASFC, à la GRC ou à la décision finale du ministre, comme on l’a appelée, en ce qui concerne les recommandations formulées. La Commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC, ou CCETP, a témoigné au sujet de ses recommandations à la GRC, par exemple, et je crois qu’environ 18 % de ses recommandations sont restées en suspens, les autres ayant été mises en œuvre. Ce genre de données concernant la commission et son travail avec la GRC et l’ASFC seraient extrêmement utiles.
La sénatrice M. Deacon : Je ne sais pas si vous avez quelque chose à ajouter à la question sur l’examen, mais j’ai une autre question pour Me Kaur Lehal. L’article 65 parle de l’interdiction de révision en justice. C’est une préoccupation, et nous devons y réfléchir. Pouvez-vous nous parler d’un scénario que vous connaissez bien et où cela se produirait — advenant qu’il y ait eu révision en justice, le résultat, la rigueur et les renseignements auraient-ils pu être différents?
Me Kaur Lehal : Vous voulez parler du processus de traitement des plaintes ou simplement de manière générale?
La sénatrice M. Deacon : Du processus de traitement des plaintes.
Me Kaur Lehal : À l’heure actuelle, nous savons que tout cela se fait à l’interne et qu’il est très difficile d’obtenir ce qui est fait par l’ASFC. Ce que nous disons dans notre mémoire, lorsque nous affirmons qu’il devrait y avoir une révision en justice, c’est que les recommandations de la commission sont censées être fondées sur une recherche des faits et que la commission est censée produire des rapports et présenter des recommandations. La façon dont cela est décrit, c’est que les recommandations ne constituent pas une décision exécutoire. Cependant, dans le domaine de la jurisprudence de la Cour fédérale, il n’est pas nécessaire d’avoir une décision en soi pour procéder à une révision. Le contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, ou LIPR, permet de faire appel dans les situations où il y a eu une décision, une ordonnance ou une mesure — toute chose de cette nature peut faire l’objet d’un contrôle judiciaire. Dans sa forme actuelle, le projet de loi C-20 va à l’encontre de ce principe fondamental et interdit la révision en justice.
La sénatrice M. Deacon : Merci.
La sénatrice Omidvar : C’est très intéressant. J’ai une question concernant les plaintes futiles, vexatoires ou de mauvaise foi qui sont rejetées ou qui le seraient. Vous soulignez l’absence de définitions. Savez-vous quel est le pourcentage de plaintes déposées auprès de la commission d’examen de la GRC qui sont rejetées pour ces motifs?
Me Jafari : Lorsque la présidente de la CCETP a témoigné, je ne crois pas qu’elle ait donné de pourcentage à ce sujet, mais elle a dit que ce principe était rarement utilisé ou qu’elle ne s’appuyait pas trop sur celui-ci. Mais, encore une fois, les pratiques passées ne constituent pas nécessairement le fondement d’une bonne structure, car avec la CCETP, comme elle l’a dit dans son témoignage, la relation est différente. Elle mise sur une approche de conciliation, avec un peu de résistance, bien sûr. Lorsqu’on envisage une commission d’examen complètement indépendante, espérons-le, et que cette relation peut devenir légèrement plus acrimonieuse ou non, on ne peut pas simplement compter sur cette coopération — ce dont elle a parlé dans son témoignage. Ces dispositions n’étaient pas autant utilisées parce que la GRC entretenait des relations très axées sur la collaboration, à ma connaissance.
À mon avis, le fait que ces dispositions aient été utilisées, d’après les statistiques, pour mettre fin à des plaintes dans le passé ne déterminerait pas forcément si elles devraient être incluses dans le projet de loi. Comme je l’ai dit, en particulier en ce qui concerne l’Association canadienne des avocats musulmans, ou ACAM, nous représentons des communautés extrêmement marginalisées qui ont déjà été considérablement ciblées par ces deux institutions. Cela a été prouvé, c’est partout dans les médias. Cela fait partie de leurs propres reconnaissances internes et de leurs propres systèmes stratégiques. Dans ce contexte, ce qui pourrait sembler futile à quelqu’un — surtout du point de vue individuel plutôt que dans le contexte systémique dans lequel la personne se trouve — serait une tout autre histoire.
C’est une préoccupation essentielle des deux organisations, comme nous l’avons indiqué dans le mémoire conjoint.
Me Kaur Lehal : Puis-je ajouter brièvement quelque chose?
La sénatrice Omidvar : Oui, je vous en prie.
Me Kaur Lehal : Je crois comprendre que la présidente de la CCETP a reconnu qu’il existe un document public traitant de ces termes. Cependant, elle a également déclaré que l’élargissement de la portée de la CCETP à l’ASFC entraînerait de nouvelles difficultés, notamment en ce qui concerne la détention d’immigrants.
Contrairement à la GRC, l’ASFC gère des cas où les personnes peuvent être détenues tout au long du processus de traitement de leur plainte à titre de réfugié pendant de longues périodes, ce qui entraîne des pertes de liberté uniques et profondes, y compris le renvoi de façon permanente. À partir de là, l’expérience passée de la CCETP en matière de plainte, si elle les rejetait pour des motifs futiles, serait très différente de ce que vivent les personnes dans le contexte de l’ASFC. Selon le conseiller juridique de l’Assemblée des Premières Nations qui a témoigné devant le comité, de nombreuses plaintes de la GRC font l’objet d’enquêtes inadéquates ou sont rejetées comme étant vexatoires, ce qui décourage les personnes de porter plainte. Cela soulève des inquiétudes quant à la possibilité que des problèmes similaires surviennent avec l’ASFC, qui fonctionne depuis plus de 20 ans sans surveillance et qui a récemment fait l’objet de rapports au sujet d’environnements de travail toxiques, de discrimination et de racisme systémique.
Ainsi, sans lignes directrices et définitions de ces termes, il existe un risque réel que les plaintes qui proviennent de personnes autochtones racisées dans le contexte de l’ASFC soient rejetées comme étant insignifiantes.
La sénatrice Omidvar : Merci.
[Français]
Le sénateur Carignan : Ma question s’adresse d’abord à la représentante de l’Association du Barreau canadien. Il y a eu deux modifications en Chambre sur la possibilité qu’une tierce partie puisse déposer une plainte et sur le changement du délai pour déposer une plainte, qui passerait d’un an à deux ans. Avant ces modifications, vous aviez signalé dans votre mémoire une phrase qui a attiré mon attention : « il semble inévitable que l’augmentation de la charge de travail de ladite commission soit accompagnée d’une augmentation des délais ».
Quels seraient vos commentaires sur les risques que ces deux changements pourraient engendrer, soit la possibilité qu’il y ait plus de plaintes et un délai de deux ans? Quelles seront les conséquences pour vous, sur le travail de la commission et les inconvénients qui pourraient survenir?
[Traduction]
Me Kaur Lehal : Il est difficile de dire avant que les choses ne commencent à se mettre en place combien de personnes se manifesteront; il est donc difficile d’en parler. J’ai présenté mes observations au nom de l’ABC, à savoir que le délai de deux ans devrait commencer au moment où le plaignant prend conscience des mauvais traitements.
Ce que nous essayons de souligner ici… Dans notre mémoire écrit de janvier 2023, nous avons fourni un exemple de cas d’un réfugié détenu souffrant d’un problème de santé mentale et d’autres besoins physiques qui a dû traverser un processus de demande d’asile pendant sa détention. Je dois souligner que les statistiques actuelles indiquent qu’il faut environ 24 mois et plus pour faire aboutir une demande d’asile. Pendant ce temps, les personnes se concentrent sur leur demande d’asile et elles ne se rendent peut-être pas compte que le comportement à leur endroit était de l’inconduite qui justifiait le dépôt d’une plainte. Avec l’exemple que nous avons donné, nous essayons de souligner la nécessité d’un mécanisme de plainte où l’on comprend les réalités des immigrants sur le terrain qui peuvent ne pas être au courant des mauvais traitements, tout en gérant de nombreuses difficultés dans leur dossier, le renvoi imminent du pays et d’autres obstacles.
[Français]
Le sénateur Carignan : Ma question porte plutôt sur la charge de travail de la commission. Ne croyez-vous pas que cela risque d’occasionner une surcharge de travail, avec les conséquences que cela amène? Je parle ici d’un non-respect des délais, d’un non-respect des enquêtes ou des éléments plus coupés ou bâclés avec une perte de confiance de la part de gens dans le système.
[Traduction]
Me Kaur Lehal : J’espère que non. J’espère que, si des systèmes mis en place dès le départ — des systèmes transparents et responsables et qui veulent vraiment comprendre ce que vivent les immigrants et les personnes vulnérables —, nous aurons la main-d’œuvre nécessaire pour traiter ces plaintes.
[Français]
Le sénateur Carignan : Ma question s’adresse à la représentante de l’Association canadienne des avocats musulmans. Vous avez traité de l’importance d’une véritable indépendance des enquêtes. Le syndicat des policiers de la GRC nous a suggéré que les enquêtes pourraient être faites conjointement entre des civils et des agents de la GRC de façon à ne pas surcharger la GRC, mais également garantir ou donner une image d’indépendance dans le cadre des enquêtes. Je voulais vous entendre là-dessus et avoir vos suggestions sur les éléments précis qui, à votre avis, pourraient améliorer l’indépendance des enquêtes.
[Traduction]
Me Jafari : La question était…
Le sénateur CarignanIl s’agit de l’indépendance de l’enquête.
Me Jafari : Oui, et des enquêtes conjointes.
Tant que la commission décide qui peut mener l’enquête — et au moins mener une enquête conjointe —, je pense qu’il pourrait y avoir une certaine confiance dans la commission et dans sa fonction. Mais si les dirigeants de la GRC et de l’ASFC prennent cette décision et mènent seuls l’enquête, ils courent le risque de paraître potentiellement partiaux dans leur enquête et leurs résultats, et d’obtenir des résultats disproportionnés qui pourraient favoriser les institutions qui font l’objet des plaintes, ce qui éroderait encore davantage la confiance dans la commission qui est mise sur pied.
Le président : Nous devons passer à autre chose.
Le sénateur Richards : Merci d’être ici. J’aimerais revenir un peu sur les propos de la sénatrice Omidvar. Vous avez parlé de plaintes futiles et vexatoires, mais je n’ai pas bien compris en parcourant le projet de loi de quoi il s’agissait exactement. Est-ce que l’une d’entre vous pourrait expliquer ce qu’est une plainte futile ou vexatoire, ou estimez-vous que les plaintes ne correspondent aucunement à cette ligne directrice, c’est-à-dire qu’aucune plainte ne serait vexatoire ou futile?
Me Jafari : Le projet de loi ne contient pas de définition de ces termes. Je crois comprendre que les mécanismes de plaintes existants ne les définissent pas non plus. Nous espérons donc, au moins, que le règlement pourrait contenir une définition claire. J’espère que vous en ferez état dans votre rapport au Sénat.
En ce qui concerne une plainte qui pourrait être considérée comme futile ou vexatoire… Vu qu’il s’agit de représenter des personnes vulnérables tous les jours, je ne vois aucune plainte qui pourrait être qualifiée de futile ou vexatoire. Il en faut beaucoup pour qu’une personne prenne le risque de déposer une plainte contre ces entités qui ont un tel pouvoir et un tel contrôle sur elle, en particulier les populations vulnérables qui sont marginalisées à de si nombreux égards, depuis le statut d’immigrant jusqu’à la race, en passant par tous les droits et privilèges dans la société. Pour une personne qui prend le risque de porter plainte et de faire face à des conséquences potentielles — des représailles — en déposant cette plainte, je parie qu’il y a probablement peu de plaintes qui soient futiles et vexatoires au départ.
Je suppose que, dans le cas d’une personne qui se plaint qu’on ne lui a pas souri ou qu’on a peut-être mal prononcé son nom, cela pourrait ne pas être aussi grave, à moins qu’il ne s’agisse d’un problème systémique qui est soulevé.
Une fois encore, j’aurais du mal à…
Le sénateur Richards : Un agent des services frontaliers pourrait par inadvertance prononcer le nom d’une personne de façon incorrecte.
Me Jafari : Bien sûr.
Le sénateur Richards : Vous voyez ce que je veux dire? Il peut y avoir des erreurs de l’autre côté qui sont tout à fait bénignes.
Me Jafari : Absolument, surtout lorsqu’il y a des excuses, « je suis désolé, j’ai mal prononcé votre nom ». Encore une fois, je ne peux pas imaginer…
Le sénateur Richards : Pourriez-vous nous dire ce qui constituerait une plainte futile ou vexatoire, ou pouvez-vous en donner un exemple?
Me Kaur Lehal : C’est une excellente question.
Selon les témoignages qui ont déjà été faits devant le Sénat, les Premières Nations vous ont dit qu’elles voyaient bon nombre de leurs plaintes rejetées pour cause de futilité. Elles avaient l’impression que les expériences vécues par leur peuple n’étaient pas comprises. C’est une préoccupation que nous devons garder à l’esprit alors que nous élargissons maintenant le champ d’action de l’ASFC, qui dispose de pouvoirs énormes. Je ne peux pas sous-estimer le travail de l’ASFC. Ce qu’elle fait est extrêmement important pour protéger nos frontières et assurer la sécurité de la population canadienne.
En même temps, pour s’acquitter de ces tâches, l’ASFC dispose de pouvoirs considérables. Ses agents ont le pouvoir de refuser l’admission à une personne, de la détenir ou de l’expulser. C’est dans le cadre de ces interactions que je vois des plaintes surgir.
J’ai également du mal à déterminer ce qui serait une affaire futile. Ce qu’un détenu, un immigrant ou une personne vulnérable traverse peut être perçu, du point de vue d’une autre personne, comme si ce n’était pas grave. Mais pour cette personne, c’était peut-être bouleversant. C’est difficile à cerner. Nous avons constaté des préoccupations.
Le sénateur Richards : Merci.
Le sénateur Yussuff : Merci à tous les témoins de votre présence.
J’essaie de comprendre les défis que posent les amendements proposés au projet de loi et les délais que nous envisageons.
Comme vous le savez, cela fait un moment que le Sénat et la Chambre des communes se penchent sur ce problème. Les fois précédentes, le projet de loi n’a pas abouti. De nombreux témoins qui se sont présentés devant le comité jusqu’ici nous ont recommandé d’adopter le projet de loi, en dépit du fait qu’il ne soit pas à la hauteur de leurs exigences, car au moins, un processus de surveillance pour le public sera enclenché.
Je remarque que certains des points que vous avez mentionnés dans votre proposition peuvent être réglés par règlement. Le droit à l’information, par exemple. Il pourrait faire l’objet d’un dépliant qu’une personne recevrait lorsqu’un agent communique avec elle. Ce dépliant pourrait être offert en plusieurs langues.
Avez-vous des suggestions pour aider le comité, compte tenu du défi dont certains de nos témoins ont parlé, et de ce que vous nous avez dit aujourd’hui, toutes les deux, concernant les amendements précis qui, selon vous, sont nécessaires pour améliorer le projet de loi?
Je ne suis pas en train de contester votre recommandation. Pouvez-vous nous faire part de réflexions qui pourraient nous aider, compte tenu du dilemme lié à l’adoption du projet de loi, étant donné qu’il s’agit d’une course contre la montre?
Me Jafari : Ce que j’avais compris, c’était que le fait de suggérer un amendement quelconque risquerait gravement de faire en sorte que le projet de loi meure au Feuilleton. C’est quelque chose qui a donné du fil à retordre à nos organismes quant à la décision à prendre. L’approche pratique que nous adoptons tient compte de cette réalité.
Bien que vous voulions certains changements, nous ne voulons pas les recommander sous forme d’amendements. Nous demandons qu’ils soient présentés sous forme d’observations et par d’autres moyens informels. Effectivement, des règlements peuvent mettre en place bon nombre de ces changements.
Pour ce qui est du manque de clarté, de la spécificité, du retrait ou de la clarification, par exemple, des plaintes d’une tierce partie et des plaintes systémiques, des plaintes frivoles et vexatoires, ces éléments peuvent être corrigés dans les règlements. J’espère que votre comité insistera pour que ces changements soient apportés. Les règlements ne pourront pas corriger l’interdiction d’une révision en justice qui figure dans le projet de loi.
Pour ce qui est des recommandations pratiques, tout ce que nous avons exposé dans le document de quatre pages, lequel s’inspire de nos mémoires conjoints présente la version la plus synthétisée qui soit. Si c’est tout ce que nous pouvons avoir, espérons que ce genre d’amendements y soit. Dans la mesure où ils peuvent être présentés par des moyens informels, ce serait très apprécié.
Le sénateur Yussuff : Merci.
Le président : Le sénateur Cardozo dispose d’une minute et 30 secondes.
Le sénateur Cardozo : Pour ce qui est de l’article 84, Me Kaur Lehal a soulevé ce point. Pour ce qui est de l’article 84, je vois. Je vois où vous voulez en venir. Si une personne a déposé une plainte, puisqu’elle est extradée ou renvoyée dans un autre pays, il lui est difficile d’assister à une audience. J’essaie de comprendre pourquoi cette disposition existe.
La meilleure explication, selon moi, c’est qu’ils se disent que quelqu’un pourrait utiliser le mécanisme de plaintes comme mécanisme pour retarder son extradition. Est-ce que cela répond à votre question de savoir pourquoi cette clause existe et qu’est-ce qu’un demandeur pourrait faire à la place?
Me Kaur Lehal : Je ne peux pas spéculer. C’est peut-être l’une des raisons pour lesquelles cette disposition existe.
Encore une fois, la réalité de ce qui se passe pour les immigrants est la suivante : certains d’entre eux sont détenus et, en quelques jours, le processus de renvoi est enclenché. Les choses avancent assez rapidement. Advenant le cas où ils ont une plainte sérieuse qui doit être étudiée, il leur sera très difficile d’obtenir gain de cause s’ils sont renvoyés du pays.
Pour restaurer la confiance, nous avons prévu un système dépourvu de surveillance. En effet, pour garantir la confiance, l’une des solutions est de permettre aux personnes de demeurer ou de revenir au Canada dans l’attente du traitement de leur plainte.
Le sénateur Cardozo : Le projet de loi traite non pas du retour, mais plutôt du renvoi et de l’extradition. Est-ce que vous parlez de la possibilité de revenir également?
Me Kaur Lehal : Ces capacités seraient essentielles pour garantir la reddition de comptes et la confiance envers ce système que nous essayons de mettre sur pied.
Me Jafari : Est-ce que je peux ajouter quelque chose? Je m’excuse.
Lorsque l’ASFC et la GRC ont témoigné, elles ont toutes les deux parlé de choses qui ne seraient pas... ou du fait qu’elles prévoyaient que les choses allaient être différentes avec cette nouvelle commission. Je pense que cela touche au cœur du problème : l’absence de surveillance. Si la commission n’a aucun pouvoir, elles ne prévoient aucune difficulté dans leur travail.
Je m’excuse de vous avoir interrompus.
Le président : Merci beaucoup.
C’est donc la fin de cette séance très instructive. Merci, maître Jafari et maître Kaur Lehal, de nous avoir fourni vos meilleurs conseils, votre expertise et bon jugement. Ils nous ont été d’une grande aide. Les nombreuses questions qui ont été posées dans la salle en sont la preuve. Je vous remercie toutes les deux au nom du comité.
Aussi, au nom du comité, je vous remercie du travail que vous accomplissez au quotidien, en faveur de plaignants qui sont souvent vulnérables. Vous, comme moi, savons à quel point ce travail est apprécié. Nous vous en remercions et nous vous souhaitons beaucoup de succès.
Pour le prochain groupe de témoins, nous avons le plaisir d’accueillir Kate Webster, vice-présidente de l’Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés, Jenny Jeanes, vice-présidente du Conseil canadien pour les réfugiés, et Gauri Sreenivasan et Khaled Al-Qazzaz, qui sont la codirectrice générale et le directeur exécutif du Conseil canadien des affaires publiques musulmanes.
Merci d’être présents aujourd’hui. Nous vous invitons maintenant à présenter vos observations liminaires, qui seront suivies par des questions de nos membres. Nous allons commencer aujourd’hui par Me Kate Webster. Bienvenue.
Me Kate Webster, vice-présidente de l’Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés : Monsieur le président, honorables sénateurs et sénatrices, je vous remercie de me donner l’occasion de m’exprimer devant le comité, aujourd’hui. Je représente une organisation nationale qui se consacre à la défense des intérêts, aux litiges stratégiques et à l’éducation vouée à la défense des droits des réfugiés et des personnes migrantes au Canada.
Dans l’ensemble, nous appuyons de projet de loi C-20. Nous savons que les membres du comité, le ministre LeBlanc, entre autres, ont indiqué que tout amendement au projet de loi est susceptible de le faire rejeter. Nous appuyons l’adoption du projet de loi C-20 tel quel, même si nous aurions pu faire mieux et devrions le faire. Mais, même en l’absence d’amendements, nous demandons que le comité joue un rôle crucial en ajoutant des observations à votre rapport au moment où le projet de loi C-20 ira de l’avant.
L’ASFC a désespérément besoin, depuis longtemps, d’être dotée d’une surveillance indépendante. L’absence de surveillance est particulièrement problématique, étant donné que l’ASFC assure un service de police auprès d’une population non canadienne parfois vulnérable, qui peut manquer de compétences en anglais, qui peut être traumatisée, notamment par les autorités de l’État dans son pays, et qui peut ne pas avoir de statut sûr au Canada.
Les enjeux sont élevés. Il y a eu au moins 17 décès dans les centres de détention pour immigrants au cours des 20 dernières années. L’Agence des services frontaliers du Canada a fait face à des allégations selon lesquelles elle se livre à du profilage racial dans l’exercice de ses fonctions prévues par la loi. Je vais aborder trois aspects pour lesquels nous accueillerons avec plaisir les questions, et nous encourageons le comité à ajouter des observations écrites dans son rapport.
Le premier aspect concerne la capacité de la commission de recevoir des plaintes générales ou systémiques. Les abus ou les mauvais traitements, surtout en ce qui concerne des questions comme le profilage racial, ne sont souvent apparents que lorsqu’on regroupe les cas. L’article 28 du projet de loi est un outil utile. Il permet l’examen d’activités précises à l’initiative de la commission ou sous la direction du ministre. Cette disposition a déjà été modifiée pour permettre à de tierces parties de demander un examen d’activités précises.
Nous sommes reconnaissants au ministre d’avoir reconnu l’omniprésence du racisme envers les Noirs et les Autochtones dans les services de police et dans notre système de justice. Nous soutenons l’objectif de donner à la commission le pouvoir d’aider à combattre cet héritage.
Les agents de Sécurité publique Canada et de l’ASFC ont déjà dit qu’ils comprenaient que la version actuelle du projet de loi autorisait les plaintes portant sur les problèmes systémiques. Néanmoins, il n’y a aucun libellé précis à cet égard dans le texte du projet de loi. De ce fait, nous demandons que le comité ajoute une observation dans son rapport soulignant la volonté que la commission dispose du pouvoir d’enquêter, de régler les problèmes systémiques et de recevoir les plaintes systémiques.
La question de savoir qui est le mieux placé pour cerner et soulever les problèmes systémiques ou les préoccupations en matière de politiques m’amène à notre deuxième recommandation. Étant donné que certaines choses ne sont apparentes que lorsqu’elles sont vues dans plusieurs cas, les tierces parties, comme les organismes des droits de la personne, sont particulièrement bien placées pour porter ces choses à la connaissance de la commission. Cependant, une plainte peut toujours être rejetée aux termes des articles 38 et 52, tel qu’ils sont rédigés, si elle est « déposée par une tierce partie qui n’est pas directement concernée par l’objet de la plainte ».
Selon le témoin de Sécurité publique Canada, ces dispositions permettent d’éliminer les organismes ou personnes qui n’ont aucun intérêt dans l’issue d’une plainte. Cependant, les organisations des droits de la personne qui ont de l’expérience avec les migrants, la détention et la surveillance de l’application de la loi, ont un intérêt dans l’issue des plaintes systémiques déposées devant la commission. Elles devraient être considérées comme directement concernées et devraient être autorisées à déposer ces plaintes. Nous demandons que le comité ajoute une observation selon laquelle les tierces parties peuvent être directement concernées par une plainte. Une telle observation permettrait de mieux guider la rédaction d’un futur règlement sur cette question.
Enfin, l’absence d’une disposition précise concernant les pouvoirs réparateurs de la commission nous inquiète. Comme je l’ai mentionné plus tôt, l’ASFC assure un service de police auprès de personnes vulnérables qui n’ont pas de statut sûr au Canada. Même si le projet de loi C-20 est adopté, les personnes qui ont vécu des mauvais traitements aux mains de l’ASFC seront toujours expulsées, et ce, même si elles ont déposé une plainte fondée.
Dans des circonstances idéales, la commission devrait être à même de recommander un sursis de la mesure de renvoi ou une autre mesure provisoire. Toutefois, advenant l’absence d’un tel amendement, nous demandons que le comité ajoute une observation dans son rapport indiquant que le dépôt d’une plainte fondée devrait être pris en considération par l’ASFC lorsqu’elle évalue une demande de report du renvoi.
Je me ferai un plaisir d’apporter plus de précisions quant à ces questions, ou à d’autres questions. Merci.
Le président : Merci beaucoup. Nous passons maintenant au Conseil canadien pour les réfugiés.
Gauri Sreenivasan, codirectrice générale, Conseil canadien pour les réfugiés : Bonjour et merci. Le Conseil canadien pour les réfugiés, ou CCR, représente 200 organismes de première ligne qui travaillent auprès de réfugiés et de personnes migrantes vulnérables. Nos membres soutiennent quotidiennement les personnes qui vivent la réalité du processus de demande d’asile et de la détention de l’immigration. Pour cette raison, nous prônons depuis longtemps l’idée d’un mécanisme de plaintes externes pour l’Agence des services frontaliers du Canada.
Le but de soutenir cette cause est de mettre en lumière la perspective des personnes qui vivent avec des vulnérabilités multiples, qui traitent avec l’ASFC dans des contextes où elles ne sont habituellement pas représentées et qui, souvent, ne sont pas très bien placées pour se défendre elles-mêmes.
[Français]
J’ai l’honneur d’être accompagnée de Mme Jeanes, vice-présidente du Conseil canadien pour les réfugiés. Nous vous sommes très reconnaissantes d’avoir la chance de présenter nos perspectives et nos recommandations concernant le projet de loi C-20.
[Traduction]
Ce projet de loi n’a que trop tardé. Il a fait l’objet d’importantes améliorations à la Chambre des communes et, comme l’ont mentionné d’autres organismes, nous appuyons son adoption, mais nous souhaitons parler des passages qui mériteraient d’être renforcés par le Sénat afin de garantir l’atteinte des objectifs visés.
Nous vous prions de faire part de vos perspectives sur ces enjeux, non seulement aux fins du compte rendu, mais à tout le moins, pour qu’elles soient annexées comme observations si le Sénat choisit de ne pas présenter d’amendements, afin d’orienter de façon cruciale le règlement, la mise en application et enfin, l’examen de la loi.
Le comité a déjà reçu notre mémoire étoffé, donc nous allons parler de deux principaux problèmes aujourd’hui : le besoin de clarté concernant l’accès des tierces parties, et le fait que la commission devrait pouvoir surseoir à la mesure de renvoi afin d’enquêter, de façon adéquate, sur une plainte.
Pour ce qui est du premier problème, la Chambre des communes a clairement amendé le projet de loi C-20 pour expliquer que les tierces parties pouvaient présenter des plaintes et demander un examen d’activités précises. Cet amendement est essentiel étant donné que les personnes les plus à risque de subir de la maltraitance sont les moins à même de déposer une plainte. La Chambre des communes a clairement voulu s’assurer que des organismes tels que la nôtre puissent aider à faire avancer les intérêts des populations vulnérables, qu’ils se présentent seuls ou en compagnie de la personne qui dépose une plainte. Toutefois, le libellé actuel du projet de loi pourrait involontairement compliquer les choses étant donné que les articles 38 et 52 mentionnent que la plainte peut être refusée si elle est déposée par une tierce partie qui n’est pas directement concernée. L’interprétation des mots « directement concernée » voulue par le législateur n’est pas claire. De ce fait, il importe que vous, sénateurs, apportiez votre point de vue. Nous sommes reconnaissants à M. Carignan d’avoir soulevé, lors d’audiences antérieures, des inquiétudes selon lesquelles les plaintes déposées par les organismes tiers ne devraient pas être limitées.
Le Conseil canadien pour les réfugiés a recommandé que les mots « directement concernée » soient remplacés par le critère bien établi et plus précis utilisé dans les tribunaux : que la tierce partie doit avoir un intérêt authentique dans l’affaire. À l’issue de nombreuses années de jurisprudence, cette approche a octroyé aux ONG, le droit de comparaître et de présenter des causes importantes dans l’intérêt du public tout en fermant la porte aux causes ou plaintes frivoles.
Advenant l’absence d’un amendement officiel, chose que nous anticipons, pour actualiser le libellé en question, nous invitons les sénateurs à intervenir pendant l’étude et à fournir des conseils par l’entremise d’observations. Ces observations permettront d’expliquer que cette approche utilisée par les tribunaux pour cerner et permettre les contestations des ONG visant à défendre l’intérêt public est ce qui devrait aider à interpréter les mots « directement concernée » pour s’assurer que les ONG puissent effectivement déposer des plaintes.
[Français]
Je cède maintenant la parole à Mme Jeanes pour notre deuxième point.
Jenny Jeanes, vice-présidente, Conseil canadien pour les réfugiés : Bonjour. Je vous remercie de me donner l’occasion de vous parler du projet de loi C-20. Comme vice-présidente du Conseil canadien pour les réfugiés, je représente l’un de nos organismes membres à travers le Canada, Action réfugiés Montréal, où je coordonne un programme de soutien aux personnes détenues pour fins d’immigration au centre de surveillance de l’immigration à Laval.
Je fais mes commentaires sur la deuxième recommandation de notre soumission, soit que la commission ait la possibilité de mesures intérimaires afin de suspendre le renvoi ou l’expulsion de la personne afin de pouvoir étudier la plainte. Ceci est nécessaire pour protéger l’intégrité de la commission. Sans accès à cette mesure, bon nombre de plaintes sérieuses ne seront pas faites ni examinées, car la personne sera hors du Canada.
Certaines des pires allégations d’abus de la part de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) se produisent au cours des procédures d’expulsion, dont des allégations d’utilisation de force excessive. Les agents frontaliers ont le pouvoir d’exécuter une mesure de renvoi dès que possible et peuvent même accélérer le départ d’une personne qui se plaint de son traitement. Si une mère est détenue en attendant son renvoi et séparée de manière involontaire de ses enfants mineurs par sa détention, elle pourrait être renvoyée rapidement avant de pouvoir faire une plainte.
Nous recommandons qu’un processus de triage soit établi afin d’identifier les cas où ces mesures sont nécessaires. Il y a des modèles, comme le Comité des droits de l’homme des Nations unies, qui ont des mécanismes de mesures intérimaires.
[Traduction]
Comme Mme Sreenivasan l’a mentionné, nous comprenons que le comité voudra sans doute avancer rapidement pour garantir la mise sur pied d’un organisme d’examen indépendant pour l’ASFC. S’il n’y a pas d’amendements, nous espérons que vous ajouterez dans votre rapport des observations selon lesquelles la commission doit aviser l’ASFC de la gravité d’une plainte dans le contexte du sursis d’une mesure de renvoi. Merci.
Le président : Merci beaucoup.
Notre troisième intervenant représente le Conseil canadien des affaires publiques musulmanes. Bienvenue, monsieur Khaled Al-Qazzaz.
Khaled Al-Qazzaz, directeur exécutif, Conseil canadien des affaires publiques musulmanes : As-salamu alykum. Que la paix soit avec vous. Honorables sénateurs et sénatrices du Comité permanent du Sénat de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants, merci de me donner l’occasion de m’exprimer devant vous aujourd’hui. Je m’appelle Khaled Al-Qazzaz, et je suis le directeur exécutif du Conseil canadien des affaires publiques musulmanes, ou CCAPM.
Le Conseil canadien des affaires publiques musulmanes a mené de multiples consultations et a présenté des mémoires au Sénat ainsi qu’au gouvernement au sujet des problèmes avec lesquels la communauté musulmane compose directement, telle que l’islamophobie, le racisme anti-palestinien, la sécurité nationale, le ciblage financier des organisations caritatives musulmanes et, récemment, la loi sur l’ingérence étrangère. Nous avons également soumis un mémoire au comité, qui comprend nos recommandations concernant le projet de loi C-20.
Je partage l’avis de mes collègues qui se sont exprimés aujourd’hui, mais je souhaite commencer par mentionner un principe de notre enseignement religieux, qui s’applique directement dans ce contexte. Dans la traduction du Coran, le verset 32 du chapitre 5 dit, « et quiconque lui fait don de la vie, c’est comme s’il faisait don de la vie à tous les hommes ».
En tant que communauté, vous apprécions le rôle que le Canada joue dans la communauté internationale en tant de havre de paix pour les personnes subissant de l’oppression et de la persécution, et qui souhaitent avoir une nouvelle chance de contribuer à une société libre et diversifiée. J’ai personnellement été victime de persécution injuste dans mon pays natal, l’Égypte, à la suite du coup d’État militaire en 2013, où j’ai été injustement emprisonné pendant 18 mois. J’ai principalement été détenu en isolement, sans qu’on m’ait inculpé, jusqu’à ce que ma famille canadienne et le gouvernement canadien interviennent et m’aident à rentrer chez moi, en sécurité.
Je souhaite vous faire part d’un moment que je n’oublierai jamais. Aussitôt que l’avion a atterri, on m’a poussé hors de l’avion sur une chaise roulante, on a dépassé les services d’immigration, et j’ai enfin retrouvé ma famille et ma communauté, qui m’attendaient à l’aéroport. Je me suis prosterné au sol en remerciant mon créateur pour ce moment, et pour le fait que je me sente enfin en sécurité, loin de la persécution. J’ai dit à mon frère que, pour la première fois en trois ans, j’avais l’impression que je pouvais parler sans crainte.
Cependant, cette expérience n’est pas l’expérience de tous, surtout pour les personnes issues de notre communauté, qui proviennent de pays à prédominance musulmane, avec des régimes autoritaires et des États policiers. Elles cherchent à fuir la persécution, et recherchent la sécurité et la liberté que leur offre le Canada. Bon nombre d’entre elles sont victimes de profilage en raison de leur pays d’origine, et on les traite comme des personnes coupables jusqu’à preuve du contraire. Hormis des interrogatoires difficiles, beaucoup de ces personnes sont placées en détention à des fins d’immigration. Certaines sont confrontées à un processus stressant d’interdiction de territoire tandis que d’autres finissent par se faire expulser vers leur pays d’origine, dans lequel elles sont exposées à de la persécution ou à la mort.
Il est important de mentionner qu’en tant que communauté, nous comprenons la priorité de protéger la sécurité nationale canadienne et l’importance de réduire au minimum le risque de faire entrer des individus susceptibles de représenter un risque pour notre pays. Toutefois, notre communauté, les organismes de libertés civiles et même le gouvernement s’accordent sur le fait que le processus doit être juste, humain et non discriminatoire ou abusif. Des années durant, la société civile a demandé que les pratiques de l’ASFC soient surveillées et améliorées, et nous pensons que le projet de loi C-20 nous permettra de nous rapprocher de cet objectif. Cependant, il y a certaines choses importantes, c’est-à-dire, des amendements et des observations potentiels, qui s’imposent. Nous avons exposé ces recommandations dans un mémoire commun avec nos collègues, et nous avons parlé de la perspective de notre communauté dans ce mémoire. Je souhaite mentionner cette perspective en ce qui concerne deux recommandations principales.
Bon nombre d’entre nous ont mentionné leurs préoccupations quant aux plaintes déposées par des tierces parties. Notre engagement dans la communauté nous a permis de voir que bien des victimes de profilage et de discrimination sont réticentes à déposer des plaintes, soit parce qu’elles se sentent impuissantes et craignent des représailles, soit, tout simplement, parce qu’elles n’ont pas accès aux mécanismes de plainte. Pourtant, les organismes tiers jouent un rôle important dans le soutien des personnes qui se sentent vulnérables.
Nous croyons fermement que le projet de loi C-20 doit permettre aux organismes tiers de déposer des plaintes au nom des personnes qui ne peuvent pas le faire elles-mêmes. Le libellé actuel du projet de loi ne le permet pas. Il mentionne que les plaintes déposées par des tierces parties ne seront acceptées que si ces dernières sont « directement concernées » par l’incident. Ces termes sont trop restreints et ne reflètent pas les problèmes systémiques plus larges en jeu. Nous proposons de modifier le libellé afin de permettre aux organismes tiers de représenter les personnes en se fondant sur un « intérêt authentique », ce qui permettrait davantage de participation communautaire et un signalement plus fidèle des problèmes systémiques.
Le deuxième aspect concerne le mécanisme de recours, ou plutôt son absence. Un autre aspect essentiel concerne l’absence de mesure de redressement efficace. Sans mesure de redressement efficace, y compris l’arrêt de la procédure d’expulsion, une compensation financière et des mesures provisoires, le processus de plainte reste inefficace.
Nous avons raconté des histoires, et les médias ont publié des histoires de personnes qui sont restées pendant plus de 1 500 jours en détention à des fins de l’immigration, soi-disant pour des raisons de sécurité nationale.
Nous croyons que la Commission d’examen et de traitement de plaintes du public doit avoir le pouvoir de recommander des mesures provisoires, y compris le sursis des mesures de renvoi et le versement d’une compensation financière lorsqu’il y a lieu. Cela permettrait de garantir que les personnes ne soient pas laissées en plan à attendre que le processus d’enquête de leurs plaintes aboutisse. Cela leur donnerait également plus d’options efficaces pour que justice leur soit rendue.
Pour conclure, le projet de loi C-20 peut potentiellement être un pas de plus vers la responsabilisation et la justice pour toutes les personnes visées par ce processus, mais seulement s’il s’attarde aux préoccupations uniques et pressantes des communautés marginalisées.
Les amendements que nous proposons aujourd’hui et dans nos mémoires ne sont pas seulement des recommandations juridiques; elles sont également des éléments essentiels pour rétablir la confiance, garantir l’équité et protéger les droits de tous les Canadiens.
Compte tenu des limites de temps, du cycle législatif et de l’importance de créer cet organisme de surveillance, nous appuyons l’adoption du projet de loi C-20 immédiatement, sans amendements, et nous préconisons d’ajouter, à la place, les observations des sénateurs qui intègrent nos recommandations. Nous continuerons de soutenir les améliorations futures, après l’adoption du projet de loi.
Au nom du CCAPL et des communautés que nous représentons, nous vous prions de tenir compte de nos préoccupations et de nos recommandations. Nous nous engageons à travailler à vos côtés pour faire de cette loi un outil important pour la justice.
Merci.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Al-Qazzaz, et merci à tous nos autres témoins d’aujourd’hui. Nous passons maintenant aux questions. Nous disposons de trois minutes et 30 secondes pour chaque question, y compris la réponse. Donc, je demande à mes collègues de ne pas poser de questions longues pour que nous puissions avoir le plus d’interventions possible.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Ma question s’adresse à Me Webster. Maître Webster, le gouvernement actuel a beaucoup de difficulté à gérer les dossiers de réfugiés qui se trouvent au pays. Croyez-vous sincèrement en la capacité de la commission de traiter rapidement les plaintes? De plus, est-ce que cette option de pouvoir porter plainte à la commission aura pour effet de retarder l’évaluation de l’admissibilité d’un réfugié?
Me Webster : Je suis désolée de ne pas pouvoir répondre en français.
[Traduction]
Merci beaucoup de la question, sénateur Dagenais.
Je comprends que le gouvernement a plusieurs demandes d’asile en attente. Je ne saurais dire s’il a du mal à gérer ces dossiers, mais, dans tous les cas, il y a un important arriéré dans le traitement des demandes d’asile.
En ce qui concerne la relation entre le processus de demande d’asile et le besoin de surveillance pour l’ASFC, ce mécanisme d’examen, je pense sincèrement que les deux organismes concernés devraient travailler main dans la main. Une partie du problème pour les personnes détenues ou qui ont eu à composer avec l’ASFC dans le cadre d’une demande d’asile, c’est lorsqu’elles subissent de la violence ou de la maltraitance. Cela peut se présenter de plusieurs façons. Lorsque ces personnes sont détenues, le recours à un avocat peut être limité. Il en va de même pour l’accès aux moyens de communication. Ainsi, il leur sera difficile d’obtenir des éléments de preuve provenant de l’étranger, pour appuyer leur demande d’asile. Dans la mesure où toute forme de maltraitance exacerbe ces problèmes, ces derniers doivent être réglés afin que le gouvernement puisse examiner adéquatement les demandes d’asile, et que nous puissions respecter nos obligations, conformément au droit national et international.
De même, lorsqu’un individu a affaire à l’ASFC, c’est souvent le début d’une demande d’asile, surtout pour les personnes qui arrivent par la voie terrestre. Je ne peux pas vous dire le nombre de fois où, lors de l’audience d’un demandeur d’asile, j’ai entendu un commissaire dire : « Mais, vous avez dit X, Y, Z à l’agent de l’ASFC à l’arrivée, et maintenant, vous dites quelque chose de complètement différent. » Cela peut être dû à un malentendu, à de la discrimination, à une perception culturelle erronée, à un traumatisme. Plusieurs choses peuvent être en cause, mais le fait que l’ASFC ne fasse pas l’objet de surveillance et d’examen de la maltraitance que les demandeurs d’asile sont susceptibles de subir est très problématique, car il en va de l’intégrité du système de demande d’asile.
Je conclurai en disant ceci : avons-nous la capacité de traiter rapidement les demandes d’asile et les plaintes? Je n’en suis pas sûr. Je demande que le comité ajoute d’importantes observations concernant l’affectation de ressources adéquates. Les ressources sont limitées partout. Nous en sommes très conscients, mais la restriction des ressources ne signifie pas que nous pouvons faire fi d’un processus déficient. L’ASFC est l’un des plus grands organismes d’application de la loi en Amérique du Nord. Or, il est dépourvu de surveillance, et nous devons donc changer les choses.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Selon vous, est-ce que des éléments juridiques de nature constitutionnelle dans le projet de loi pourraient faire l’objet de contestations de la part des avocats?
[Traduction]
Me Webster : Je comprends la question que vous me posez, c’est-à-dire, s’il y a des éléments dans le projet de loi qui pourraient faire l’objet d’une contestation constitutionnelle, la réponse est qu’il est difficile de commenter à l’avance. Toutefois, l’organisme que je représente, c’est-à-dire, l’Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés, a assurément participé à une cause type contestant toutes sortes de lois, et nous attachons beaucoup de valeur à notre rôle dans le processus législatif. C’est le cas particulièrement à ce stade, et je pense qu’il reste encore du travail avant que nous y arrivions.
Mais, dans la mesure où les dispositions du projet de loi n’empêchent pas leur mise en application discriminatoire, je peux voir qu’il sera vulnérable à une contestation, au même titre que toute autre loi. Mais, je ne pense pas que ce soit quelque chose qui devrait nous empêcher d’agir.
Le sénateur Boehm : Merci aux témoins. Vous avez probablement entendu la question que j’ai posée aux derniers témoins, et celle que je vais poser maintenant est une variante.
Vous êtes très clairs quand vous nous demandez d’adopter ce projet de loi parce que c’est une étape importante, mais qu’il faut y inclure des observations. Je présume que vous allez nous accompagner, le gouvernement et nous, pour étoffer tout cela.
Je pense que ce genre de projet de loi place le Canada à l’avant-garde parmi d’autres pays qui reçoivent un grand nombre de nouveaux arrivants et où beaucoup de gens traversent la frontière et des choses comme cela. En même temps, nous avons des défis sur le plan des sphères de compétence. Nous avons essentiellement une agence des services frontaliers, comme d’autres pays. Nous disposons des forces policières à différents niveaux qui ont différentes responsabilités.
Vous êtes des membres d’associations. Qu’entendez-vous dire dans d’autres régions du monde? Entendez-vous quelque chose? Entendez-vous « allez-y, les Canadiens »? Entendez-vous des critiques? J’aimerais vraiment le savoir.
Mme Sreenivasan : Merci beaucoup de la question. Il est intéressant de savoir si le Canada serait ou non à l’avant-garde s’il mettait finalement en œuvre un mécanisme de surveillance pour l’ASFC. C’était une grande lacune au Canada d’avoir un grand organisme de surveillance qui n’est pas lui-même surveillé.
En ce qui concerne la question de savoir si d’autres pays nous encouragent ou nous regardent, il serait intéressant de savoir ce qu’en pensent mes collègues témoins afin d’avoir d’autres points de vue, mais je dirais que, à ce jour, les pratiques du Canada au chapitre de la détention ont fait sourciller à l’international. Je viens de participer à une réunion du Comité de direction du HCR, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, où j’ai eu la chance de faire partie de la délégation du gouvernement canadien, et j’ai entendu à maintes reprises du haut-commissariat et de pays comme la Colombie et le Brésil qu’il était de la plus haute importance de séparer les adultes et les enfants en détention, de ne pas détenir du tout les enfants et qu’ils déployaient des efforts pour améliorer leur réglementation et leurs organes législatifs afin de protéger ces droits.
Je crois en fait qu’il y a eu de l’intérêt de la part de pays qui perçoivent le Canada très favorablement en raison de sa générosité habituelle et de son ouverture envers les réfugiés qui se réétablissent, mais même les membres du HCR ont souligné une préoccupation au sujet de la détention, ce qui est un enjeu de la plus haute importance dans ce projet de loi.
Selon moi, relier les points et élaborer ce projet de loi nous aident à mieux nous positionner en ce qui concerne la surveillance d’un aspect qui était préoccupant.
Le sénateur Boehm : Cela a été très utile.
Me Webster : J’aimerais ajouter brièvement que oui, nous tirons de l’arrière. Selon les normes internationales, le Canada tire de l’arrière. Nous avons un énorme organe responsable de faire respecter la loi qui n’est pas surveillé. Nous ne sommes pas en phase avec nos partenaires ou nos concurrents internationaux... quelle que soit la façon dont vous voulez les définir.
En ce qui concerne d’autres pays, je peux parler brièvement des États-Unis. J’ai commencé ma pratique aux États-Unis en tant qu’avocate spécialisée en droit de l’immigration et en droit des réfugiés. Il y a de nombreux mécanismes qui permettent de surveiller le département de la Sécurité intérieure, en tant qu’entité, ainsi que ses parties constituantes, soit le contrôle aux frontières et le contrôle douanier ainsi que les services de citoyenneté et d’immigration. Il y a un bureau de l’inspecteur général et un bureau des droits civils et des libertés civiles qui est intégré dans chacun de ces services, et il existe de nombreux mécanismes de dépôt de plaintes. J’en aurais beaucoup à dire au sujet de l’efficacité de ces mécanismes de dépôt de plaintes, mais ils existent. Ils existent depuis longtemps. Ils recueillent des données et font rapport de ces données et des tendances et font des recommandations au Congrès.
Enfin, le Groupe de travail sur la détention arbitraire des Nations unies est venu au Canada en mai cette année et il a dit précisément, pour la troisième fois, que le Canada n’avait pas de mécanisme de surveillance pour l’ASFC. C’est dommage que nous n’ayons pas pu réagir à cette recommandation plus tôt.
[Français]
Le sénateur Carignan : Ma question s’adresse au Conseil canadien des affaires publiques musulmanes. Je l’ai posée tout à l’heure à l’Association canadienne des avocats musulmans et elle concerne l’indépendance de la commission. Vous soulignez l’importance d’une véritable indépendance dans les enquêtes. J’ai suggéré aux autres témoins la possibilité que les enquêtes soient mixtes et comprennent des enquêteurs civils et des forces policières. J’aimerais vous entendre sur cette question en particulier. Quelles sont vos suggestions pour garantir une indépendance dans le processus d’enquête?
Ma question s’adresse à vous.
[Traduction]
M. Al-Qazzaz : Excusez-moi, je n’ai pas compris la première partie de l’interprétation.
Le sénateur Carignan : C’était une question adressée aux avocats de la première série de témoins. Cela concerne l’indépendance. Quels genres de normes ou de critères voulez-vous mettre en œuvre pour rendre les enquêtes plus indépendantes?
M. Al-Qazzaz : Rapidement, j’aimerais donner un exemple. J’ai été un témoin dans le cadre d’une audience relative à une demande d’asile. Je ne suis pas avocat et je ne pratique pas le droit, mais cela reflète l’expérience de la collectivité dans ce processus. J’ai assisté à plusieurs audiences similaires. Même s’il y a plusieurs personnalités dans une audience, qu’il s’agisse d’une enquête ou d’une audience relative à une demande d’asile, l’impression que les gens ont, c’est que, essentiellement, je fais partie du groupe qui partage ma culture... ou le même groupe ou les mêmes antécédents policiers. L’agent ou le représentant du ministre, bien souvent, a de l’expérience ou a déjà été agent. Les gens qui participent à une audience, même dans le cas d’une décision favorable pour l’intéressé, ont l’impression que tout le monde est contre eux. C’est comme s’il n’y avait pas de couches de justice qui nous permet de nous opposer.
En ce qui concerne la question des plaintes, cela a beaucoup plus de sens, et l’apparence de justice est aussi importante que la pratique elle-même et le processus. Quand il n’y a pas d’indépendance, cela donne davantage l’impression que je me plains au juge, au bourreau, à la personne qui a recueilli l’information et qui témoigne contre moi en tant que demandeur d’asile. Nous pensons qu’il est important de militer pour plus d’indépendance et de s’assurer que l’examen indépendant est distinct de cela.
Le sénateur Carignan : Comment pouvons-nous régler le problème?
M. Al-Qazzaz : Il faut essentiellement inclure plus de personnes qui ne font pas partie des organismes de sécurité et permettre à plus de civils de participer à plus de comités, à la mise en œuvre, au processus lui-même et favoriser la participation de civils.
Le sénateur Carignan : Merci.
Me Webster : Comme l’a reconnu ma collègue, il s’agit là d’un principe directeur de l’exécution de la loi, et le problème tient au fait que la police enquête sur la police. Ainsi, la justice ne semble pas être rendue même si elle l’est. En réalité, nous avons très peu de ressources, et il est évident que, selon l’Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés, si la commission est le seul organe qui peut recevoir les plaintes, ce sera comme un coup d’épée dans l’eau. Elle n’aura aucune ressource pour faire avancer le dossier. La CCETP actuelle a elle-même dit cela. Elle a le pouvoir d’enquêter, et elle n’a effectué que quelques enquêtes parce qu’elle n’a pas accès à suffisamment de ressources.
Pour ce qui est de choses faciles à régler, présentement, un organisme qui reçoit une plainte n’a pas de période précise pour accuser réception de la plainte, enquêter sur elle ou faire rapport à ce sujet. Si on pouvait ajouter des échéances précises en disant « D’accord, l’ASFC, vous enquêtez sur la plainte en premier, mais vous devez respecter ces échéances, et si vous ne le faites pas, l’affaire devrait être automatiquement renvoyée à la commission. »
De même, l’article 111 du projet de loi propose un amendement à la Loi sur l’ASFC au sujet des incidents graves, l’article 14 de la loi. Je dirais aussi qu’un « incident grave », tel qu’il est défini, devrait être automatiquement renvoyé à la commission. C’est là où l’on pourrait voir de l’indépendance dans certains types de cas. Il y a déjà des dispositions à l’article 14 qui proposent de faire appel à un observateur indépendant pour vérifier l’impartialité de l’organisme qui enquête sur lui-même, donc, si nous sommes déjà préoccupés quant à l’impartialité, nous n’avons qu’à mettre cela en place pour favoriser l’indépendance.
Le sénateur Al Zaibak : Merci aux témoins d’être présents. Ma question pourrait être liée à celle du sénateur Carignan et à vos réponses aussi. On est toujours préoccupé par la façon dont les organismes chargés de faire respecter la loi et les organismes de sécurité communiquent avec les communautés qui ont une culture et une religion distinctes, comme les Arabes et les musulmans, mais on inclut aussi d’autres communautés racisées. Selon moi, il faut s’assurer que ces organismes reçoivent une formation appropriée sur la sensibilité culturelle pour réduire la discrimination et le profilage injuste.
Selon vous, est-ce que le projet de loi C-20, tel qu’il est présentement libellé, traite adéquatement du besoin de former les agents d’application de la loi et des organismes de sécurité au sujet d’approches sensibles à la culture et libres de préjugés, surtout lorsqu’ils interagissent avec des communautés racisées, y compris les communautés arabes et les musulmanes? La question s’adresse à M. Al-Qazzaz et à d’autres témoins.
M. Al-Qazzaz : Merci. J’ai compris toute la question. Dans le cadre de la pratique actuelle, comme de nombreuses personnes l’ont souligné, surtout celles faisant partie de communautés racisées, plus précisément les Arabes et les musulmans, le défi se complexifie. Ces réfugiés viennent habituellement de régimes autoritaires, où il y a un certain degré de collaboration entre les organismes de sécurité, donc ils arrivent déjà désavantagés, même en raison de la façon dont sont perçus les éléments de preuve et parfois les documents, qui les désavantagent. Ils arrivent ici, comme ma collègue l’a mentionné, après avoir vécu un traumatisme important en général. Donc, en ce qui concerne la participation, la rencontre elle-même, ces personnes sont déjà désavantagées.
Notre expérience en ce qui concerne la formation en matière de différences culturelles et de sensibilité, c’est que nous ne faisons qu’un survol. Elle ne change pas les vraies pratiques. On ne fait que former et sensibiliser davantage, mais on ne change pas en profondeur les pratiques.
Ce que nous voyons dans ce projet de loi, c’est une première étape visant à créer une autre couche pour garantir une certaine équité et un certain degré de surveillance qui nous permet d’examiner la situation sous cet angle précis. Il y a des dispositions qui traitent essentiellement de la discrimination ou des préjugés, surtout lorsqu’il y a des plaintes qui concernent la culture et un préjugé lié à certaines personnes précises.
Une affaire dont nous avons été témoins incluait cette composante, ainsi qu’un handicap; c’était une affaire survenue à Vancouver récemment. Un Égyptien a tenté d’arriver par Vancouver, et il a été désavantagé en raison de sa prothèse auditive qui n’a pas fonctionné pendant plus d’un mois.
Ce sont tous des enjeux supplémentaires. Nous espérons que l’introduction de cet organe dans le projet de loi permettra de de mettre en place un processus qui traitera de ces enjeux sous forme de plaintes et qui, espérons-le, donnera accès à des recours, qu’il s’agisse de cette version du projet de loi ou d’une version future.
Le sénateur Al Zaibak : Y a-t-il d’autres témoins qui aimeraient répondre à cette question?
Mme Sreenivasan : J’ajouterais, essentiellement pour appuyer ce qu’a dit M. Al-Qazzaz, que ce projet de loi ne mentionne pas de ressources précises qui pourraient être utiles dans le cadre de formation sur la sensibilité.
L’importante boucle de rétroaction qui serait créée, si nous avions un organe de surveillance efficace, ce qui veut dire qu’il y aurait des conséquences lorsque des plaintes soulignant clairement la présence de racisme et de racisme systémique étaient déposées, et, avec le temps, cela enverrait une rétroaction au système afin que les agents puissent commencer à se comporter différemment.
Il est aussi important que ce projet de loi ne concerne pas nécessairement la possibilité de traiter une plainte précise au sujet d’un agent précis, comme il a été souligné dans un témoignage; il faut surtout — probablement au moyen de plaintes déposées par des tierces parties — qu’une tendance au racisme systémique puisse aussi être cernée. Il est important de continuer de trouver des occasions de formation pour changer les gens en amont. Il est de la plus haute importance d’adopter ce projet de loi parce que nous aurons un mécanisme qui nous permettra de faire subir des conséquences aux gens qui font de la discrimination systémique, et c’est ce qui sera à l’origine du changement au sein de l’institution.
Le sénateur Al Zaibak : Merci.
Le sénateur Richards : Merci d’être présent.
Vous parlez comme si vous vouliez des amendements, or vous voulez ajouter des observations. Le problème avec les observations, c’est que je trouve qu’elles n’ont pas de mordant. Les amendements auraient du mordant, mais vous voulez que le projet de loi soit adopté. Nous sommes face à un dilemme. C’est le problème selon moi, avec ce projet de loi.
La majeure partie du projet de loi — pas l’intégralité, mais une partie, est vraiment idéaliste, mais il n’est pas vraiment ciblé, ce qui est dommage.
Voici ma question : lorsque je le lis, je pense qu’il devrait y avoir deux commissions; une pour la frontière et une pour la police. Quand je lis ça, c’est ce que je pense. Maître Webster, pourriez-vous me donner votre avis à ce sujet?
Me Webster : J’apprécie vos commentaires du début. Je suis d’accord pour dire que nous nous retrouvons tous dans une situation frustrante. Le projet de loi a de grandes lacunes. Pourtant, nous voici, et je vous demande de l’adopter. Je demande aussi que vous l’adoptiez avec des observations dans votre rapport.
Je vais vous le dire simplement; non, elles n’ont pas de mordant. La prochaine fois que j’aurai un client passible de renvoi, et qu’il me raconte la chose horrible qui s’est produite en détention, que des propos racistes ont été tenus à son égard, qu’il n’avait pas l’impression de pouvoir faire avancer sa demande d’asile et qu’il a déposé une plainte, lorsque j’irai voir l’ASFC qui le représente et que je demanderai de reporter son renvoi, je dirai : « Vous savez quoi? Le comité sénatorial qui a examiné ce projet de loi a cru qu’il était important que l’ASFC considère une plainte en attente comme un facteur dont il faut tenir compte dans une demande de report du renvoi. »
Je ferai de mon mieux pour donner un peu de mordant aux observations que vous faites; je crois qu’elles guideront la réglementation et je travaillerai là-dessus. Je vous demande de le faire, même si cela semble être un exercice inutile. Je crois toujours que nous pouvons travailler avec le projet de loi que nous avons.
En ce qui concerne la question de savoir s’il devrait y avoir deux commissions, possiblement. Il y en a eu une pour la GRC. Cela visait peut-être à remédier à ces défauts, à remédier à l’absence totale de surveillance de l’ASFC. Visons-nous trop haut? Peut-être. Manquons-nous le bateau? Peut-être. Je demande toujours que ce projet de loi soit adopté.
Le sénateur Richards : Nous n’allons pas avoir deux commissions. Je vous ai demandé votre opinion à ce sujet.
Le point au sujet de l’application de la loi est provincial comme fédéral. Il y a une tonne de choses qui pourraient arriver ici avec cela. C’est pourquoi j’ai posé la question. J’aimerais deux commissions, mais ce n’est pas ce que nous aurons, pas vrai?
Mme Jeanes : J’aimerais ajouter quelque chose; vous savez que l’ASFC existe depuis plus de 20 ans. C’est plus de 20 ans pendant lesquels des questions sérieuses s’accumulent, et beaucoup se déroulent derrière des portes littéralement closes. Les personnes en détention ne sont pas vues. Les choses ne sont pas enregistrées. L’avocat n’est pas présent dans bon nombre d’interactions.
Certaines des pires choses dont nous entendons parler se produisent lorsqu’il n’y a pas de caméras, de témoins ou d’enregistrements. Cette contradiction à laquelle vous faites face, nous la vivons nous aussi. Même si une plainte de plus est traitée, fait l’objet d’une enquête et met en lumière ces problèmes, c’est un point de départ. Présentement, nous n’en savons pas plus.
Lors d’une consultation du Conseil canadien pour les réfugiés, j’étais assise à côté du ministre Goodale, qui s’est engagé à combler la lacune. C’était il y a sept ans. Nous voici. Nous ne pouvons pas risquer d’aller de l’avant sans combler cette lacune. C’est pourquoi nous sommes tous prêts à être réalistes, à ce stade, à établir comment nous pouvons améliorer les choses pour les années à venir. Vos mots, vos conseils, vos orientations et vos observations seront très utiles à cet exercice.
Le sénateur Richards : Merci.
Le sénateur Yussuff : Merci, chers témoins, d’être ici. Laissez-moi également vous remercier pour le travail incroyable que vous faites au quotidien pour défendre les personnes qui, souvent, ne peuvent pas se faire entendre. Si vous ne faisiez pas votre difficile travail, bon nombre des choses que nous faisons maintenant, y compris ce projet de loi, ne seraient pas débattues par notre comité.
J’aimerais revenir sur la nature des problèmes systémiques. Comme vous le savez, la GRC n’est pas une nouvelle institution; elle a été fondée en fonction de la façon dont nous avons développé le pays. Certaines des difficultés auxquelles nous faisons face sont toujours ancrées dans cette culture. Les femmes disent, depuis un certain temps, que leur expérience n’a pas été positive; d’autres groupes nous disent également la même chose.
L’ASFC est peut-être une nouvelle organisation, mais elle n’est pas apparue de nulle part. Elle est issue d’une organisation fusionnée avec une histoire.
Comment faire face aux problèmes systémiques si la commission ne peut pas trouver une façon de s’y attaquer qui mène à un changement durable? Sans cela, nous pouvons continuer à traiter des plaintes individuelles. Si les attitudes des personnes et des institutions ne changent pas, nous ne verrons pas grands changements. Nous donnerons peut-être un peu de justice à certaines personnes.
Dans une large mesure, notre problème, avec ces deux institutions, jusqu’à un certain point, c’est que bien des gens ne croient pas qu’elles sont justes, s’ils ont vécu une mauvaise expérience et, surtout, ils ne pensent pas que ce projet de loi réglera ce que nous essayons de régler, en tenant compte du fait qu’il faut commencer quelque part.
Un préjugé institutionnel n’est pas une chose facile. Quand il existe au sein d’une organisation, cela exige un changement culturel. C’est toujours plus difficile, car il est question de changer des comportements individuels au sein d’une organisation.
En passant, l’application de la loi tient au fait que les gens tentent de donner un sens à la loi; dans certains cas, ils exagèrent, dans d’autres cas, ils font ce que la loi leur permet de faire. Comment composons-nous avec cela, dans le contexte de ce que vous espérez que nous pourrons accomplir avec ce projet de loi, s’il entre en vigueur dès son adoption, mais, également, si les règlements sont rapidement adoptés?
Mme Sreenivasan : Merci, sénateur, de reconnaître le travail incroyable que font nos nombreux organismes de première ligne, et de votre question pertinente.
Il n’y a pas de réponse facile à la question de savoir de quelle manière nous devons nous attaquer aux problèmes systémiques et au racisme.
Un des aspects auxquels je crois qu’il est important de réfléchir, car je suis moi aussi réaliste, est la façon dont vos observations pourraient orienter l’interprétation et potentiellement la création de règlements. En plus des plaintes individuelles, il y a dans ce projet de loi la possibilité, pour les tiers intervenants, de mener un examen d’activités spécifiques. C’est une tâche herculéenne.
Je suis continuellement épatée par la détermination et l’ambition de nombreux organismes à but non lucratif et organismes de défense des droits de la personne, membres du CCR, qui veulent suivre les tendances systémiques et les activités spécifiques. Cela ne se réglera pas par le mécanisme de plaintes. Dans la mesure où ce projet de loi crée un outil supplémentaire pour s’attaquer aux problèmes systémiques, le rôle d’un tiers pour ce qui est d’examiner des activités spécifiques est important.
Les orientations que vous pouvez donner sur la manière dont un tiers peut déposer une plainte, pour un examen spécifique, sont très importantes.
Encore une fois, j’aimerais revenir, et je sais que nous sommes nombreux à en avoir parlé, à notre préoccupation, à cette contradiction où le projet de loi a été modifié pour permettre les plaintes par une tierce partie, et où on a ensuite ajouté ce terme inhabituel et étroit, « directement concernée ». C’est le terme que je n’aime pas; mon cerveau ne cesse de le rejeter.
S’il y avait une façon de clarifier cela, « directement concernée » doit permettre aux ONG de demander un examen spécifique, dans l’esprit dans lequel les tribunaux ont utilisé le critère de l’intérêt véritable. Si vous trouvez une façon de faire un lien avec vos commentaires, alors nous pourrons en débattre dans le règlement, car nous avons là des décennies de jurisprudence sur la façon d’interpréter « directement concernée ».
Pensez par exemple à une ONG qui visite régulièrement des personnes dans un centre de détention. Ces personnes sont-elles directement concernées si l’ONG dépose une plainte à propos d’un comportement de l’ASFC dont elle a eu connaissance lors de ses visites, même si elle n’était pas présente?
Imaginez par exemple une ONG qui s’occupe de personnes sans papiers et qui dépose une plainte fondée sur les déclarations d’un client faisant état d’abus de la part d’un agent. Ce sont les véhicules et les organismes les plus susceptibles de soulever ces questions. Maintenant, nous avons constaté cette tendance systémique pour tous les clients dont nous nous occupons. Plus vous pouvez habiliter les tierces parties pour qu’elles effectuent les examens d’activités précises et soulèvent les problèmes systémiques, meilleur sera l’outil pour nous. Autrement, la lutte sera longue et continue. Merci de la question.
Le sénateur Cardozo : Merci d’être ici et, bien sûr, merci pour le travail que vous faites continuellement.
En ce qui concerne la question que le sénateur Richards a soulevée plus tôt, je m’interroge au sujet du nouvel organisme qui s’occupera des plaintes provenant de la GRC et de l’ASFC. Votre expérience dans le traitement des plaintes est-elle un avantage? On ne part donc pas de zéro si l’on crée un organe distinct pour l’ASFC, même si j’ai cru comprendre, d’après les personnes qui l’organisent, qu’il y aurait toujours deux processus différents pour le dépôt des plaintes.
Ma deuxième question est de savoir si vous pensez qu’une commission de cinq membres est suffisante. On nous a proposé différents types de représentation à la commission. Le modèle à cinq membres semble être un peu juste pour assurer les différents types de représentation. Que pensez-vous de ces deux problématiques?
Me Webster : Merci de la question, sénateur. Je répondrai à votre deuxième question en premier sur le nombre d’employés ou de ressources. Nous devons voir la commission au-delà de ses commissaires. Oui, peut-être qu’augmenter le nombre à sept permettrait de mieux représenter les différentes communautés, mais nous devons voir au-delà du nombre de commissaires et penser au type de ressources qu’aura la commission. Ce ne sont pas les commissaires eux-mêmes qui vont mener les enquêtes et examiner les plaintes, aux premiers paliers. Ce ne sont pas les commissaires qui sont chargés de surveiller l’ASFC ou la GRC dans leurs enquêtes sur des problèmes graves, comme le libellé actuel du projet de loi l’indique.
Ma préoccupation va bien au-delà de ces cinq personnes, car il faut veiller à ce que le reste du personnel aide ces cinq personnes à être efficaces et efficientes dans leurs propres audiences limitées. La plus grosse partie du travail de la commission se déroulera à l’extérieur de cette chambre précise.
Le sénateur Cardozo : L’expérience de la GRC à ce chapitre, est-ce une bonne ou une mauvaise chose?
Me Webster : D’après ce que je comprends du projet de loi, il y a un certain degré d’expérience, mais nous parlons d’une nouvelle commission, et de nouveaux commissaires seront nommés. Nous pouvons tous tirer des leçons des préoccupations qui sont apparues avec la CCETP. D’après ce que je comprends, la surveillance de la GRC sera confiée à ce nouveau mécanisme parce que l’on cherchait à assurer un contrôle indépendant et parce qu’il y avait des lacunes au chapitre de l’indépendance et de la capacité, de sa capacité à collecter des données, de la nature de ces données et des rapports à ce sujet.
Nous avons tiré des leçons en cours de route, mais il y a plus à faire. Nous sommes aussi un peu coincés avec la commission telle qu’elle est. Je le répète, je vous encourage à adopter ce projet de loi ou à le faire avancer. Nous travaillerons dans le respect des règlements et des observations que vous nous donnerez dans votre rapport afin de donner du mordant à la commission.
Mme Jeanes : Nous sommes préoccupés par les ressources de la commission, par sa capacité, mais j’aimerais aborder la question sous un autre angle. Ma plus grande préoccupation, si ce projet de loi est adopté et que le mécanisme va de l’avant, c’est de savoir si les personnes qui ont le plus besoin de déposer des plaintes contre l’ASFC pourront le faire et sauront qu’elles le peuvent. Auront-elles accès aux outils? Les personnes avec qui je travaille, premièrement, n’ont pas souvent accès à Internet ou à des outils d’aide à la rédaction. Elles n’ont pas les informations adéquates. Elles ne sont pas toujours représentées par un avocat. Elles ont peur des pouvoirs et du contrôle qu’a l’ASFC. Pourront-elles sortir de détention? Seront-elles renvoyées? Dans combien de temps? Comment seront-elles traitées? Quels dispositifs de contention seront-elles forcées de porter lors de ce renvoi?
Il y a tant de craintes par rapport à l’ASFC que beaucoup de gens ne se plaindront pas, peu importe la qualité du mécanisme. Je me demande surtout si la commission peut travailler avec la société civile afin de communiquer l’information, pour que les plaintes pertinentes remontent à la surface. Bien sûr, plus cela se produit, plus nous verrons que les ressources sont inadéquates. J’espère qu’au moins quelques-unes de ces questions clés seront mises en lumière.
M. Al-Qazzaz : J’aimerais faire un commentaire rapide sur ces multiples questions. En fait, la valeur de cette commission et de l’adoption immédiate de ce projet de loi vont bien au-delà de la législation. Bien sûr, nous ne siégeons pas ici en tant que législateurs, mais ce projet de loi nous offrira, en tant qu’organismes communautaires et organismes de défense, beaucoup de ressources avec lesquelles travailler. Cela nous aidera à donner à nos clients non pas seulement une perception de justice, mais un moyen d’accès à la justice et à l’équité.
Cela nous fournira également une documentation appropriée, que nous pourrons utiliser pour régler les problèmes que nous constatons à différents endroits, comme les tendances dans les pratiques. Cela nous évitera de répéter ce genre d’erreurs, pendant le processus. Nous pensons que l’initiation est une étape importante, avec toutes ces réserves, mais les mots que vous utiliserez dans les observations nous aideront dans notre défense des droits bien au-delà de la simple résolution d’un problème ou d’un autre par la législation.
Le président : Merci. C’est tout pour ce groupe de témoins. Au nom de tous nos collègues et en mon nom, je tiens à remercier sincèrement Me Webster, Mme Jeanes, Mme Sreenivasan et M. Al-Qazzaz d’être venus et de nous avoir donné leurs meilleurs conseils. Je n’essaierai pas de vous féliciter mieux que le sénateur Yussuff l’a fait, car je ne crois pas que quiconque aurait pu faire mieux. Considérez cela comme le ressenti du comité. Vous avez accepté de faire un dur travail. Vous faites une grande différence. Certains parmi vous sont arrivés ici après avoir vécu des expériences amères. Nous vous remercions de votre persévérance. C’est très important.
Pour notre dernier groupe de témoins de la soirée, j’aimerais accueillir, par vidéoconférence, Mme Roxanne M. Gagné, directrice civile de l’Unité d’enquête indépendante du Manitoba, et Mme Heather Campbell, commissaire à la Commission de police de Calgary, qui comparaît à titre personnel. Merci de vous joindre à nous aujourd’hui.
Je vous invite toutes les deux à présenter vos déclarations liminaires. Vous avez cinq minutes chacune pour votre témoignage. Nous commencerons ce soir par Mme Gagné. Veuillez commencer lorsque vous êtes prête, madame Gagné.
Roxanne M. Gagné, directrice civile, Unité d’enquête indépendante du Manitoba : Merci au comité de m’avoir offert l’occasion de comparaître aujourd’hui.
[Français]
Je m’appelle Roxanne Gagné et je suis directrice civile de l’Unité d’enquête indépendante du Manitoba. J’occupe ce rôle depuis un an et demi.
[Traduction]
Mon rôle en tant que responsable de l’Unité d’enquête indépendante du Manitoba n’est pas de réclamer des amendements spécifiques à ce projet de loi, mais plutôt de fournir de l’information sur le régime de surveillance du Manitoba et répondre à toutes les questions que vous pouvez avoir qui pourraient aider à mettre en œuvre le projet de loi C-20.
Le mandat de l’unité est d’effectuer des enquêtes indépendantes et impartiales sur des policiers impliqués dans des affaires où il y a des blessures graves ou des décès. Nous enquêtons aussi sur d’autres infractions désignées, comme les faux témoignages, les entraves à la justice et sur des affaires que nous estimons être d’intérêt public, par exemple les agressions sexuelles.
Nous avons aussi l’option de surveiller les enquêtes et conduire une enquête si nous croyons que certaines étapes de l’enquête ont été négligées.
Nous enquêtons sur des affaires qui impliquent des agents de police des services de police municipaux, des services de police de Premières Nations ainsi que de la GRC. Cela inclut les membres qui sont ou ne sont pas en fonction.
Je reçois des avis des chefs de police, non pas directement du public. Depuis sa création en 2015, l’Unité d’enquête indépendante du Manitoba a reçu 643 avis, et nous avons lancé 566 enquêtes. L’année dernière, nous avons atteint nos plus hauts niveaux depuis la création de l’unité, avec 99 avis et 76 enquêtes, ce qui représente une hausse d’environ 30 % par rapport aux deux ou trois dernières années.
Notre effectif comprend un directeur des enquêtes. En plus de la directrice civile, nous avons un directeur des enquêtes, deux chefs d’équipe, huit enquêteurs principaux et du personnel administratif.
Tous nos enquêteurs sont soit des policiers à la retraite, soit des civils avec une grande expérience en matière d’enquête. Même si la Loi sur les services policiers nous permet d’embaucher des membres en exercice, nous ne l’avons pas fait pendant plusieurs années.
Nous avons aussi maintenant une nouvelle directrice des relations avec les Autochtones et la communauté. Elle a été nommée en juillet 2023. Elle aide l’unité à communiquer avec les communautés des Premières Nations ainsi que d’autres communautés marginalisées, particulièrement dans les cas où nous enquêtons sur un décès et qu’un plus grand traumatisme affecte les familles ou les proches. Un jour, nous aurons des agents de liaison avec la communauté qui travailleront avec le directeur des enquêtes et des relations communautaires, qui aideront les gens à s’y retrouver et fourniront des informations aux communautés, aux membres des familles et aux organismes.
Les décisions et les enquêtes de l’unité sont publiques. Elles sont publiées sur notre site Web. Je publie un rapport final qui exposera toutes les conclusions de fait, les déclarations, le sujet, les opinions, les dispositions législatives applicables et, bien sûr, ma décision. Mon rapport final anonymise les parties. Le seul moment où le rapport final n’est pas publié est lorsque des accusations sont portées; alors l’enquête devient publique, devant les tribunaux, ou, s’il y a des sujets de nature délicate, par exemple de la violence faite aux enfants ou une agression sexuelle et qu’une des parties pourrait être identifiée, nous ne publions pas les enquêtes sur notre site Web, mais elles sont accessibles aux parties.
J’espère que cette information est utile. Je vous remercie de votre temps et je suis prête à répondre à n’importe quelle question que vous pourriez avoir.
Le président : Merci, madame Gagné. Chers collègues, madame Campbell prendra maintenant la parole. Madame Campbell, veuillez commencer lorsque vous êtes prête.
Heather Campbell, commissaire, Commission de police de Calgary, à titre personnel : Merci. Bonsoir.
Pendant que votre comité sénatorial effectue son évaluation du projet de loi C-20, mon témoignage, aujourd’hui, est présenté à titre personnel. Mes commentaires sont exclusivement les miens et non pas ceux de la Commission de police de Calgary.
Je me concentrerai sur trois aspects qui concernent la mise en œuvre pratique du projet de loi C-20 : la collecte de données, les compétences des enquêteurs et les mesures disciplinaires qui découlent d’inconduites.
Je suis ravie de voir les changements qui ont été faits après que le projet de loi C-20 a été déposé à la Chambre des communes. Mes commentaires et mon témoignage sont reflétés dans les clauses sur la collecte de données sur les plaignants, y compris la communication de données démographiques et raciales désagrégées qui permettront d’analyser les tendances et de tirer des conclusions sur les modèles de comportement au sein des services de police et des organismes de sécurité publique.
Cédant au penchant des ingénieurs, je dois parler des outils concrets qui seront nécessaires pour soutenir la loi lorsqu’elle entrera en vigueur.
Il faut tenir compte des compétences en matière d’enquêtes et des outils des équipes de la commission des plaintes et de la commission d’examen professionnel.
Je vais donner un exemple spécifique tiré d’une décision du tribunal de la Commission des droits de la personne de l’Alberta, dans John v. Edmonton Police Service, concernant la décision de la Direction de normes professionnelles du Service de police d’Edmonton, de rejeter une plainte fondée exclusivement sur la discrimination raciale; l’issue a été très différente lorsque la plainte a été soumise à un tribunal de la Commission des droits de la personne de l’Alberta. Le paragraphe le plus intense, à mon avis, est le paragraphe 19, où l’un des agents dit, après que les trois hommes noirs victimes ont été aspergés de poivre de Cayenne par la police : « Eh bien, vous avez été chanceux. On aurait pu vous tirer dessus. »
À propos de cette décision historique, les juristes ont indiqué que la perle se trouve au paragraphe 30, où il est dit essentiellement que les deux policiers n’étaient pas ouvertement racistes; leurs préjugés implicites ont motivé leur geste, mais la discrimination raciale était toujours présente. Le Service de police d’Edmonton, dans son enquête initiale, ne pouvait pas voir le racisme du tout.
Les enquêteurs devront être formés et développer des approches de recrutement pour permettre la réalisation d’enquêtes dans lesquelles les seules plaintes sont les préjugés, la discrimination, le racisme, l’homophobie et la transphobie, par exemple. Les enquêteurs doivent être motivés à enquêter sur des allégations de façon adéquate et pour réduire activement les préjugés. Les décideurs, pendant les audiences, devraient toujours tenir compte des traumatismes.
Les enquêteurs devraient pouvoir demander l’avis d’experts lors de leurs enquêtes relatives aux plaintes. Par exemple, des traducteurs devraient être disponibles pour traduire l’enregistrement des vidéos des caméras corporelles. Il y a aussi la possibilité d’utiliser de la technologie, comme l’intelligence artificielle et l’intelligence artificielle générative, pour aider dans ce travail. Les services de traduction pour une langue rare du Soudan du Sud, comme cela a été nécessaire à Calgary, pourraient être mis en place avec du talent, de la réflexion ou de la volonté.
Les matrices disciplinaires pour les inconduites de la police sont archaïques, et les services de police n’ont pas reflété le changement culturel ou une compréhension moderne de la gravité avec laquelle les Canadiens considèrent les plaintes sur les inconduites des corps policiers ou de sécurité publique, en particulier celles qui impliquent un recours excessif à la force, l’inconduite sexuelle, y compris le harcèlement sexuel et les agressions sexuelles, la discrimination raciale et toute autre inconduite sur le continuum des comportements pour lesquels un civil serait normalement accusé en vertu du Code criminel du Canada.
Pour soutenir la nouvelle loi, il faudra améliorer l’uniformité, la pondération et l’intensité des mesures disciplinaires pour inconduite, et mettre à jour la reconnaissance de la gravité du caractère criminel des allégations dans certains processus de plaintes, d’enquêtes et d’audiences subséquentes qui sont envisagées dans le projet de loi C-20.
Les chefs des corps policiers et services de sécurité publique doivent exprimer leur soutien total au projet de loi C-20 et appliquer la loi de manière à ce qu’elle garantisse une approche de tolérance zéro pour certains types de comportements, qui vont d’inacceptables à criminels, une approche que les Canadiens veulent et attendent des corps policiers et des services de sécurité publique.
Merci.
Le président : Merci beaucoup, madame Campbell et madame Gagné. Nous allons maintenant passer aux questions. Revenons à quatre minutes par question, incluant la réponse. Je demande aux sénatrices et sénateurs de poser des questions succinctes afin de permettre le plus d’interventions possible.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Ma question sera pour Mme Campbell.
Plusieurs des témoins entendus ont utilisé le qualificatif « systémique » pour décrire certaines interventions qui pourraient faire l’objet de plaintes à la commission d’examen. Je suis un ancien policier. Je me considère chanceux de ne plus avoir à composer avec ce genre de situation. J’aimerais savoir si l’utilisation du mot « systémique » constitue aujourd’hui un frein à la capacité des policiers d’intervenir face à une situation qu’ils considèrent comme illégale. Comment décririez-vous votre position en tant que commissaire?
Mme Campbell : Je vous remercie de la question. Je vais répondre en anglais.
[Traduction]
Je réponds à titre personnel. En tant que citoyenne et en tant que Calgarienne, je crois que le mot « systémique » n’est pas problématique; il est en réalité tout à fait adéquat.
Nous avons un défi culturel au sein des services policiers et des services de sécurité publique, et il faut le surmonter. On se demande souvent s’il s’agit de quelques pommes pourries ou si c’est la caisse entière qui est pourrie. Je crois que ce n’est aucune de ces réponses. En réalité, c’est le terreau. C’est la culture et l’environnement dans lesquels nous formons, recrutons et développons nos services de sécurité publique et les recrues de la police.
Nous devons être des spécialistes de la bonification du terreau et créer un changement culturel. Nier qu’il existe des problèmes systémiques, c’est nier notre rôle en tant que spécialistes de la bonification du terreau. Il s’agit d’un changement culturel et d’une transformation qui doivent se produire pour régler les problèmes systémiques. Merci.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Bon nombre de plaintes sont rejetées parce qu’elles sont frivoles ou sans fondement. J’ai moi-même été témoin dans ma carrière de policier de l’incapacité de postuler pour un grade, car les policiers faisaient souvent l’objet d’une enquête. Une plainte non fondée peut donc ralentir l’ascension d’un policier dans son organisation et je ne veux pas enlever le droit de porter une plainte sérieuse. Or, pensez-vous qu’on devrait réfléchir à une forme de processus de compensation quand un policier ou un agent des services frontaliers fait l’objet d’une enquête sur des allégations qui sont malicieuses et non fondées et qui peuvent nuire à sa carrière?
[Traduction]
Mme Campbell : La possibilité pour un citoyen de déposer une plainte frivole et vexatoire est un problème que les organismes et les commissions chargés des plaintes doivent régler. Je crois qu’une approche plus appropriée serait d’accélérer le processus d’enquête sur ces plaintes de manière à réduire le stress, l’anxiété et la pression que subit le policier pendant que la plainte fait l’objet d’une enquête. Il y a une reconnaissance significative à l’international de la pression et de la difficulté que peut vivre un agent de police lorsqu’il fait l’objet d’une enquête; ce défi est largement reconnu.
Nous serions probablement mieux servis si nous avions des ressources supplémentaires et des enquêteurs supplémentaires hautement qualifiés, bien formés, qui peuvent traiter plus rapidement les plaintes afin d’éviter qu’une plainte ne devienne une épée de Damoclès sur la tête d’un policier.
La sénatrice Patterson : Je vous remercie toutes les deux pour vos exposés. C’est très intéressant. J’aimerais revenir aux données et aux données qui seront recueillies selon le projet de loi. Étant donné le domaine dans lequel vous travaillez, vous avez beaucoup d’expérience et vous comprenez le type de données que nous devrions collecter.
Le projet de loi traite certainement des données désagrégées en fonction de la race, mais nous savons aussi que ces renseignements démographiques peuvent refléter, ou pas, des facteurs comme le sexe, le genre ou d’autres motifs de discrimination interdits selon la Charte. Oui, cela peut être interprété libéralement, mais ce que j’aimerais savoir de votre travail est ceci : publiez-vous des rapports, à quelle fréquence et quel type de données publiez-vous, au-delà des données démographiques ou fondées sur la race? Ce sera pour le plaignant. Je vous demanderais aussi quel type de données vous publiez, désagrégées mais anonymisées, sur l’intimé. Vous pouvez y aller, madame Gagné.
Mme Gagné : Je dois dire que nous rencontrons des difficultés dans la collecte de données. J’ai l’impression que les données que nous avons recueillies ne sont pas exactes. C’est un problème dont nous avons discuté et sur lequel nous travaillons.
Nous recueillons des données sur la base de l’auto-identification des personnes. C’est très difficile lorsque les familles ou les personnes affectées vivent des traumatismes. Nous posons la question, mais nous n’obtenons pas beaucoup de réponses.
Je trouve difficile de préparer des rapports sur les données. Nous le faisons, mais les chiffres ne sont pas exacts. Je peux vous dire que notre directrice des relations avec les Autochtones et la communauté, qui travaille pour nous depuis maintenant un an et demi, nous a aidés à comprendre un peu les réalités culturelles concernant la personne affectée. Parfois, c’est une discussion difficile. Vous ne voulez pas carrément demander aux gens leur nationalité, mais c’est important, car nous pouvons avoir recours aux services de notre directrice des relations avec les Autochtones et la communauté pour qu’elle nous aide dans ce processus ou qu’elle échange également avec, par exemple, des organismes communautaires et des organismes politiques autochtones qui viennent aussi en aide aux familles.
Je n’ai pas de réponse claire à vous donner, mais nous essayons, et une chose sur laquelle nous travaillons présentement est d’établir comment nous pouvons mieux obtenir des données exactes et en faire rapport.
La sénatrice Patterson : Merci.
Mme Campbell : Je vous remercie de la question. Calgary a commencé à recueillir des données et c’est, selon moi, un processus très courageux. La Commission de police de Calgary vient tout juste de publier des données, même si je comparais ici à titre personnel. Calgary, depuis longtemps, produit des rapports de données au moyen des formulaires appelés « Infos Posts », qui s’apparentent aux contrôles policiers.
Pour ce qui est des données sur les plaignants, Calgary a eu du mal à poser des questions de manière respectueuse aux plaignants, même si la ville reconnaît qu’il serait utile de recueillir des données sur les plaignants et de les comparer aux données sur les personnes visées par les plaintes.
Je souhaite attirer votre attention sur le rapport intitulé Missing and Missed —Report of The Independent Civilian Review into Missing Person Investigations, de la juge torontoise Epstein, qui concerne les enquêtes sur les personnes disparues. Je vais être très transparente : regardez le profil des personnes disparues, dans les affaires examinées par la juge Epstein. Ce sont des personnes à la peau brune ou noire. Ce sont des personnes homosexuelles ou trans qui ont disparu, puis ont été tuées, et la police n’a pas déployé beaucoup d’efforts pour les retrouver.
Ce n’est pas ce qui se produit à Calgary. La ville recherche toutes les personnes disparues et les retrouve dans 99 % des cas. Le fait qu’il y a des données sur cela est important, parce que cela lui a permis de mettre en place, dans les services de police, des services d’encadrement uniques et adaptés pour les femmes et les personnes bispirituelles autochtones disparues et assassinées, afin de fournir des services tenant compte des traumatismes et des services culturellement adaptés aux familles des personnes disparues, en sachant que c’est un enjeu national pour la population autochtone.
Le sénateur Richards : Merci d’être ici, aujourd’hui. Je crois qu’on a répondu à ma question, ou que du moins, on en a discuté, mais je vais la répéter pour que ce soit clair.
Ma question est la suivante : que disent vos données sur les pourcentages en matière de race et l’ethnicité, comparativement à la population générale? Je crois que vous en avez déjà parlé, mais pourriez-vous répéter? Merci.
Mme Campbell : Je vais répondre avant Mme Gagné.
Les données de Calgary sont fondées sur ce que l’on appelle la perception des agents de police, donc, encore une fois, ce n’est pas nécessairement un processus exact. Les catégories des données sont fondées sur les bases de données créées par la GRC. Les catégories, les classifications et l’étiquetage sont assez archaïques. Elles sont également liées à des données de Statistique Canada, donc l’étiquetage, les classifications et les critères sont également quelque peu archaïques.
Il y a un grand nombre d’organismes et d’entités interreliés qui devront faire avancer leur capacité d’observation, leur connectivité et leur processus de collecte de données.
Je vais laisser le rapport témoigner de la disproportionnalité observée.
Le sénateur Richards : Est-ce que l’autre témoin peut répondre brièvement, s’il vous plaît?
Mme Gagné : Oui. Comme je l’ai dit plus tôt, nous recueillons les données selon l’autodéclaration. Nous posons la question, mais nous n’obtenons pas toujours une réponse, donc nous devons trouver une manière d’obtenir une information fiable d’une manière qui respecte la culture et les sensibilités. Malheureusement, je n’ai pas vraiment de réponse claire pour la suite des choses.
Le sénateur Richards : Vous entrez le nom des personnes dans le système informatique. Est-ce que vous indiquez également la race ou l’ethnicité, ou est-ce que c’est tabou? Comment est-ce que cela fonctionne?
Mme Gagné : Si nous obtenons une réponse, nous l’entrons dans notre système informatique. Nous identifions les membres de la famille ou d’une communauté que nous savons être, par exemple, des personnes autochtones, grâce à notre nouvelle directrice des relations avec les Autochtones et la communauté. Nous ne sommes pas à l’aise à l’idée de rendre publiques ces données, parce qu’elles reflètent la perception des agents de police, ce dont il faut discuter avec notre directrice des relations avec les Autochtones et la communauté. Nous discutons avec elle, et elle nous aide dans certains dossiers, donc nous sommes contents de la compter parmi nous.
Le sénateur Richards : Merci beaucoup.
[Français]
Le sénateur Carignan : Ma question s’adresse à Mme Gagné.
Pouvez-vous nous parler de la définition des incidents graves? Vous vous penchez sur les plaintes lorsqu’il y a un incident grave. J’aimerais vous entendre sur les critères qui déterminent ce qu’est un incident grave.
De plus, j’aimerais entendre vos commentaires sur le processus. Actuellement, dans la loi, lorsque la plainte porte sur un incident qui concerne la GRC, le processus d’enquête est dirigé par un organisme indépendant. Par contre, lorsque la plainte vise un incident grave commis à l’ASFC, cela est rapporté à la GRC, au service de police compétent. J’aimerais vous entendre sur cette forme de deux poids deux mesures. Cela ne devrait-il pas être aussi un organisme indépendant qui enquête sur le comportement des agents de l’ASFC?
Mme Gagné : Je vous remercie de votre question.
Notre mandat est bien défini. Dans les règlements, on définit ce qu’est une blessure grave. On va même jusqu’à décrire les os du corps humain qui pourraient subir une fracture. On parle aussi d’armes à létalité atténuée, comme des balles de caoutchouc. Toute blessure infligée lors de l’utilisation d’une arme par un policier est incluse.
Les os de la cavité orbitaire ne sont pas inclus dans la définition de blessure grave, mais notre régime est assez flexible pour me permettre d’effectuer une enquête dans l’intérêt public. On décrira ce qu’est une blessure grave. Cela aide les chefs de police à déterminer s’ils doivent communiquer avec la directrice civile, tout en nous permettant de préciser le genre d’incidents qu’il faut enquêter.
En ce qui concerne votre deuxième question, il faut toujours se rappeler qu’on ne reçoit pas les plaintes directement du public. La GRC nous contactera en cas de plainte. On enquêtera si cela correspond à la définition de blessure grave ou d’intérêt public. Il faut aussi que le membre soit un policier. Les membres de l’ASFC, n’étant pas des policiers, ne relèvent pas de notre sphère de compétence pour le moment.
Le sénateur Carignan : Cela est effectivement le sens de ma question. Lorsqu’une plainte contre un agent de l’ASFC est déposée, cela ne devrait-il pas être examiné par un service comme le vôtre, indépendant des services de police, pour plus de transparence, d’indépendance et d’impartialité?
Mme Gagné : Avec le projet de loi C-20, on ira combler le vide qui existe actuellement. On ira chercher toutes les plaintes dont on n’entend pas parler.
Je dois préciser qu’il doit s’agir d’enquêtes de nature criminelle. Sinon, on dirige le tout vers la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC. Pour l’instant, ce n’est pas quelque chose qui fait partie de notre mandat. Par contre, le nouveau projet de loi viendra combler ce vide.
[Traduction]
La sénatrice M. Deacon : Je vous remercie de votre travail, et je vous remercie d’être présentes, ce soir, pour cette longue séance. Nous vous en sommes reconnaissants.
Madame Gagné, j’essayais de bien comprendre ce que vous avez dit dans votre introduction. Vous travaillez avec un certain nombre de personnes, et j’essayais d’imaginer la hiérarchie et les gens qui, comme vous l’avez dit, sont peut-être des policiers à la retraite ou des personnes ayant œuvré dans le secteur communautaire. Est-ce que c’est une organisation récente ou a-t-elle été restructurée afin d’améliorer l’efficacité du travail de supervision de la directrice civile? Est-ce que c’est ce que vous faites depuis longtemps, dans le cadre de ce travail? Est-ce que vous pourriez améliorer le projet de loi et nous dire s’il est utile ou pas?
Mme Gagné : Je vous remercie de votre question. L’Unité d’enquête indépendante du Manitoba a été créée en 2015, donc c’est un organisme relativement jeune. Je suis sa deuxième directrice civile. J’ai été nommée il y a un an et demi. L’Unité existe depuis neuf ans. Il y aura probablement encore des modifications des dispositions législatives à venir, qui soutiendront le mandat.
Il y a eu beaucoup de tentatives pour « faire bouger les choses. » Certains des défis, que nous devions gérer au début, n’existent plus. Par exemple, les agents de police étaient réticents à fournir leurs notes. Selon la loi, si vous êtes agent de police et témoin désigné, vous êtes obligé de vous présenter, de témoigner et de donner vos notes. Nous avons eu des difficultés avec certains aspects de la divulgation. Mais cela n’est plus un problème maintenant, et les chefs de police, y compris l’Unité d’enquête indépendante du Manitoba, tout le monde sait comment notre mandat doit fonctionner.
Pour ce qui est de la structure de l’organisme, pour y revenir, je suis la directrice civile. Il y a un directeur des enquêtes et puis, sous le directeur des enquêtes, il y a deux chefs d’équipe et huit enquêteurs principaux qui mènent les enquêtes, et puis il y a le personnel administratif. La hiérarchie est la même depuis 2015. Nous n’avons pas créé de nouveaux postes.
Nous envisageons d’embaucher un directeur civil adjoint pour soutenir les travaux de la directrice civile. Cela concorderait avec tous les autres organismes de surveillance civile du Canada.
Pour ce qui est des huit enquêteurs principaux et des deux chefs d’équipe, ces postes existent depuis 2015. Il y aura peut-être de nouvelles dispositions législatives, bientôt. Nous allons peut-être élargir le mandat pour inclure davantage d’enquêtes obligatoires et cibler davantage d’infractions désignées dans les règlements. Si cela se produit, nous devrons peut-être embaucher d’autres enquêteurs, car nous anticipons une hausse des avis.
La sénatrice M. Deacon : J’ai une question à ce sujet. Pourriez-vous clarifier? Est-ce que les communautés autochtones sont les bienvenues dans ce processus, ou ont-elles un processus parallèle indépendant?
Mme Gagné : Non. Elles font partie du même processus. Il y a un seul processus pour la province du Manitoba, pour tous les agents de police du Manitoba.
Nous avons maintenant une directrice des relations avec les Autochtones et la communauté, qui nous aide pour ce qui est de la responsabilisation et de la transparence. Moi-même, depuis que j’occupe ce poste, je fais plus de rayonnement, je donne des conférences.
Il y a quelques organisations politiques autochtones, au Manitoba. Nous sommes très chanceux de les avoir ici, car elles nous aident avec les communiqués et les exposés que nous présentons aux grands chefs et aux chefs de différentes Premières Nations.
J’ai présenté une allocution pendant une conférence, l’année dernière. J’ai été surprise d’apprendre que l’un des chefs des Premières Nations n’avait jamais entendu parler de l’Unité d’enquête indépendante. Je dois m’assurer de faire connaître notre présence et de parler aux communautés.
Depuis ma nomination, j’ai également été à la rencontre des familles dans lesquelles il y a eu un décès. Je ne peux rencontrer toutes les familles. Mais, lorsque le cas est très sérieux, lorsqu’il y a un décès, pouvoir rencontrer les familles dès le départ avec le soutien de la directrice des relations avec les Autochtones et la communauté, et pouvoir leur dire ce qu’est l’Unité, ce que nous faisons... Nous expliquons ce que donne le processus. Évidemment, nous ne pouvons pas donner de détails sur notre enquête.
Je sais que les personnes qui ont vécu un traumatisme doivent être renseignées sur le processus, car cela diminue le stress des familles qui attendent la fin de l’enquête, ce qui peut prendre beaucoup de temps lorsqu’il y a un décès.
La sénatrice M. Deacon : J’ai l’impression que vous avez trouvé, pendant ces neuf années, des manières de rendre les gens plus à l’aise à l’idée de venir à vous et d’accéder aux services. Nous avons entendu dire que c’est un obstacle ou un défi pour de nombreux groupes. C’est quelque chose que nous pouvons apprendre de votre travail. Merci.
Mme Gagné : Merci.
Le président : Merci.
Chers collègues, c’était nos derniers témoins pour ce soir. Il me revient de remercier Mme Campbell et Mme Gagné de leur présence, et je les remercie de nous avoir conseillés, d’avoir parlé de leurs expériences touchant ces enjeux difficiles. Nous vous félicitons de l’important travail que vous faites chaque jour, dans un domaine difficile. Vous faites une différence, c’est important.
Vous nous avez aidés à comprendre ce projet de loi et comment il fonctionnera, espérons-le; c’est très apprécié par les gens qui se trouvent dans cette pièce et par ceux qui tireront profit de la loi, si elle est adoptée. Merci de vous être jointes à nous.
Chers collègues, voilà qui conclut les témoignages de la séance d’aujourd’hui.
Nous allons maintenant passer à l’étude article par article du projet de loi C-20, Loi établissant la Commission d’examen et de traitement des plaintes du public et modifiant certaines lois et textes réglementaires.
Je souligne que nous avons, ce soir, parmi nous, des représentants de Sécurité publique Canada, de l’Agence des services frontaliers du Canada et de la Commission d’examen et de traitement des plaintes du public de la GRC. Ils vont nous aider à répondre aux questions techniques que nous pourrions avoir pendant le processus. Merci de vous joindre à nous, ce soir.
Avant de commencer, je souhaite rappeler deux ou trois choses aux sénatrices et aux sénateurs. Si vous ne savez pas où nous sommes rendus dans le projet de loi, veuillez s’il vous plaît demander que l’on apporte des clarifications.
Lorsque plus d’un amendement est proposé pour un article, les amendements doivent être proposés suivant l’ordre des lignes du texte à modifier. Si un sénateur s’oppose à la totalité d’un article, je tiens à rappeler au comité que le processus approprié consiste non pas à adopter une motion pour supprimer l’article en entier, mais à voter contre son adoption.
Je tiens également à rappeler aux sénatrices et aux sénateurs que certains amendements proposés peuvent avoir des répercussions importantes sur d’autres parties du projet de loi. Si c’est le cas, il serait utile que ceux qui proposent un amendement indiquent au comité les autres articles du projet de loi sur lesquels son amendement pourrait avoir une incidence. Autrement, il sera difficile pour les membres du comité de prendre des décisions cohérentes.
Le personnel s’engage à nous signaler les endroits où des amendements subséquents doivent être proposés.
Si les membres du comité ont des questions sur le processus ou sur le bien-fondé de quoi que ce soit, ils peuvent invoquer le Règlement. En tant que président, je vais écouter leurs arguments, et rendre une décision lorsque je jugerai que nous avons suffisamment discuté de la question de procédure, mais le comité est maître de ses travaux dans les limites établies par le Sénat. Il est possible d’interjeter appel d’une décision de la présidence en demandant à l’ensemble du comité si cette décision doit être maintenue.
En tant que président, je vais faire de mon mieux pour que toutes les sénatrices et tous les sénateurs qui souhaitent prendre la parole puissent le faire. Cependant, je vais devoir compter sur votre coopération et je vous demande à tous de penser aux autres sénateurs et de faire des interventions aussi brèves et concises que possible.
Enfin, je tiens à rappeler aux sénateurs que, s’ils ont le moindre doute concernant les résultats d’un vote par oui ou par non ou d’un vote à main levée, ils n’ont qu’à demander un vote par appel nominal, lequel produira comme il se doit des résultats sans équivoque. Les sénateurs savent en outre qu’en cas d’égalité des voix, la motion sera rejetée.
Est-ce que vous avez des questions? Je ne crois pas, nous allons donc procéder à l’analyse article par article.
Chers collègues, est-il convenu de procéder à l’étude article par article du projet de loi C-20, Loi établissant la Commission d’examen et de traitement des plaintes du public et modifiant certaines lois et textes réglementaires?
Des voix : D’accord.
Le président : Convenu. Êtes-vous d’accord de suspendre l’adoption du titre?
Des voix : D’accord.
Le président : Convenu. Êtes-vous d’accord de suspendre l’adoption de l’article 1, qui contient le titre abrégé?
Des voix : D’accord.
Le président : Convenu. Chers collègues, avec votre consentement, est-il convenu que le comité regroupe les articles en fonction de la table analytique du projet de loi C-20, lorsque cela est à propos?
Des voix : D’accord.
Le président : L’article 2, qui comprend l’interprétation, aux pages 1 à 3, est-il adopté?
Des voix : Adopté.
Le président : Est-ce que la Partie 1, intitulée Commission d’examen et de traitement des plaintes du public, qui comprend les articles 3 à 32, est adoptée?
Des voix : Adoptée.
Le sénateur Cardozo : J’envisageais de proposer un amendement pour l’article 3, mais je ne vais pas le faire. Je me ferai un plaisir d’en parler dans les observations.
Le président : Est-ce que les articles 3 à 32 sont adoptés?
Des voix : Adoptés.
Le président : Est-ce que la Partie 2, intitulée Enquêtes, révisions et audiences relatives aux plaintes, qui comprend les articles 33 à 72, est adoptée?
Des voix : Adoptée.
Le président : Est-ce que la Partie 3, intitulée Examen des opérations transfrontalières intégrées de contrôle d’application de la loi, qui comprend les articles 73 à 82, est adoptée?
Des voix : Adoptée.
Le président : Est-ce que la Partie 4, intitulée Dispositions générales, qui comprend les articles 83 à 92, est adoptée?
Des voix : Adoptée.
Le président : Est-ce que la Partie 5, intitulée Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, qui comprend les articles 93 à 107, est adoptée?
Des voix : Adoptée.
Le président : Est-ce que la Partie 6, intitulée Loi sur l’Agence des services frontaliers du Canada, qui comprend les articles 108 à 111, est adoptée.
Des voix : Adoptée.
Le président : Est-ce que la Partie 7, intitulée Modifications terminologiques, qui comprend l’article 112, est adoptée?
Des voix : Adoptée.
Le président : Est-ce que la Partie 8, intitulée Dispositions transitoires, modifications corrélatives, dispositions de coordination et entrée en vigueur, qui comprend les articles 113 à 146, est adoptée?
Des voix : Adoptée.
Le président : L’article 1, qui contient le titre abrégé, est-il adopté?
Des voix : Adopté.
Le président : Le titre est-il adopté?
Des voix : Adopté.
Le président : Le projet de loi est-il adopté?
Des voix : Adopté.
Le président : Nous passons maintenant à la possibilité d’amendements. Je vous pose la question suivante : est-ce que le comité veut annexer des observations au rapport?
Le sénateur Cardozo : Oui. J’ai soulevé une question dans un amendement, mais il y a également d’autres choses qui ont été soulevées par des membres, à la suite des observations faites par les témoins, si cela vous intéresse. Je n’ai pas les formulations exactes, mais je serais prêt à tenir compte des questions qu’un grand nombre de témoins ont jugées importantes, et qui pourraient être prises en considération dans le règlement. J’ai souligné que, dans l’article 3, il est indiqué que la commission est composée d’un président, d’un vice-président et d’au plus trois autres membres. J’ai suggéré une motion pour que la commission soit composée d’au plus cinq autres membres, pour un total de sept membres, afin de nous assurer de refléter divers aspects de la diversité, quelque chose qui a été soulevé par certains des témoins.
Le président : Avant de commencer, je vais demander si le comité préfère discuter de cela à huis clos ou s’il souhaite poursuivre les travaux?
Une voix : Nous pouvons poursuivre.
Le président : D’accord. Monsieur Cardozo, je tiens à dire que si une personne ici présente a votre formulation, il serait important pour nous de l’entendre.
Le sénateur Cardozo : La formulation était en lien avec un amendement, et je ne vais pas proposer cet amendement. Je ne vais pas suggérer d’augmenter le nombre de membres, parce que cela nécessiterait des amendements, mais je crois qu’il est important de renforcer ce qui est dit au paragraphe 3.1(1). Nous avons entendu des témoins parler de l’importance d’inclure divers aspects de la diversité, comme cela est indiqué au paragraphe 3.1(1), et nous encourageons le gouvernement à s’assurer que le plus d’aspects de la diversité possible soient inclus, compte tenu du large éventail d’expertise qu’il recherche.
Le président : Cela peut être assez facilement formulé par nos analystes, ici présents, et pourrait nous être relu, ce soir, ou nous être envoyé cette nuit pour que nous en discutions le matin venu, afin de pouvoir avancer à un bon rythme. Est-ce que vous êtes d’accord?
La sénatrice Omidvar : Aujourd’hui, des témoins ont dit que la taille de la commission n’était pas importante; c’est plutôt le niveau de diversité du nouveau personnel qui importe. Nous devons garder cela en tête.
Toutefois, vous avez soulevé quelque chose d’important, et peut-être que vous devriez prendre la parole au moment de la troisième lecture, au lieu de formuler une observation.
Le sénateur Cardozo : Je vais y penser. Je me ferais un plaisir de faire une observation.
Le sénateur Boehm : J’aimerais réagir aux observations faites par le sénateur Cardozo. Une commission composée de cinq personnes — un commissaire, un sous-commissaire et les autres membres — est suffisante pour assurer une certaine diversité, le cas échéant.
J’ai eu un certain nombre de discussions aujourd’hui, dont l’une avec des membres de la Fédération de la police nationale. Ils ne se préoccupaient pas tant de la taille de la commission, du nombre de commissaires, que de la capacité de déterminer les priorités, d’avoir suffisamment d’employés et d’avoir un budget suffisant, plutôt que d’avoir quelques autres personnes nommées par décret, au sommet de la pyramide.
Je partage la position de notre collègue, la sénatrice Omidvar, qui dit que c’est une bonne chose. Nous pouvons tous nous entendre là-dessus. Mais à mesure que la commission franchit de nouvelles étapes, elle devrait tenir compte de ces éléments en particulier, et il serait peut-être préférable de le préciser dans une intervention, pendant la troisième lecture.
Je ne suis pas entièrement contre l’idée. Je comprends ce que vous dites, mais je me demande si cinq personnes sont capables d’accomplir le travail de sept personnes.
Le sénateur Cardozo : Puisque cela nécessiterait un amendement, et que je ne propose pas un amendement, je ne souhaite pas agrandir le comité, mais je souhaite souligner, au gouvernement, ce qu’ont dit les témoins. Je ne crois pas qu’ils ont suggéré d’ajouter des membres. Ils voulaient simplement être certains que, dans la commission — peu importe sa taille —, nous tiendrons compte de la diversité.
Je suggère de donner la parole à ceux qui sont venus comparaître et qui ont dit que la diversité est un aspect important de la commission.
Je retire ma proposition d’ajouter des membres, pour qu’un total de sept membres siègent à la commission.
Le président : Nous pouvons établir le libellé, ici, ce soir, et nous entendre pour dire, probablement dans une observation à ce sujet, que c’est réglé, et nous allons enregistrer cela, ce soir, et notre travail sera terminé.
Pourriez-vous le relire à l’intention du sénateur Cardozo?
Le sénateur Yussuff : Tout d’abord, je tiens à remercier le sénateur Cardozo d’envisager de retirer son amendement.
Je crois que, essentiellement, ce qu’il essaie de dire, c’est que la commission devrait refléter la diversité, puisque sa responsabilité et son rôle consistent à traiter de questions qui ont une importance capitale pour les organisations de défense des droits de la personne et des organisations non gouvernementales. La commission a été créée, d’abord et avant tout, pour répondre à ces préoccupations.
Afin de faire une observation qui reflète la réalité de la façon dont nous allons formuler cela, je crois qu’il faut faire ce qu’essayait de faire le sénateur Cardozo dans son amendement, qu’il a maintenant retiré. Je ne crois pas que cela ferait une différence. Je crois que nous pouvons tous nous entendre là-dessus, essentiellement. C’est l’élément fondamental dont ont parlé les témoins, aujourd’hui, et dont ont également parlé d’autres personnes qui ont comparu devant le comité, au nom du gouvernement.
Le sénateur Boehm : Je suis d’accord avec notre collègue, le sénateur Yussuff.
Je crois que la diversité et le fait que la commission doit être sensible à la diversité qui caractérise notre pays sont des éléments très importants. Nous allons avoir quelques autres observations, et nombre de nos témoins les ont essentiellement déjà formulées. Il y en a probablement quatre ou cinq, mais nous pourrions peut-être, dans la première phrase, indiquer très clairement que les travaux de la commission doivent refléter la diversité et que ses membres doivent également refléter la diversité de notre pays.
Je fais simplement une suggestion, parce que, sénateur Cardozo, c’est très important, ce que vous dites. Peut-être que cela pourrait être la façon de procéder.
Le sénateur Cardozo : Je suis d’accord avec la sénatrice Omidvar, qu’il s’agit de la commission, mais également des membres du personnel de la commission.
La sénatrice Omidvar : Je n’essaie pas de critiquer les observations, mais je tiens à souligner que le projet de loi a été amendé à la Chambre des communes avec le nouvel article « Diversité et autres facteurs », qui prévoit que le ministre « cherche à ». Ce n’est pas écrit « peut ». Il doit chercher à tenir compte de la diversité, donc je vais laisser cela à la discrétion du comité. Je ne suis pas un membre en règle du comité. Je ne connais pas la culture du comité. Je laisse cela à votre discrétion, mais je tiens à vous dire que la préoccupation a été abordée à la Chambre des communes.
Le président : Nous allons maintenant nous demander si une observation est nécessaire dans ce contexte, compte tenu de l’amendement fait à la Chambre des communes et du libellé utilisé dans le projet de loi actuel.
Le sénateur Kutcher : Je ne sais pas si d’autres personnes trouvent cela aussi difficile que moi, de ne pas avoir un document écrit indiquant clairement l’observation, et d’essayer de faire cela au pied levé, ce que je trouve difficile. Je me demande si nous pourrions adopter une autre approche, qui nous permettrait d’avoir assez de temps pour écrire nos idées et qu’elles soient dûment examinées, pour que tous les membres du comité puissent consulter les observations a priori, au lieu d’essayer de répondre spontanément.
Le président : Oui, c’est possible. Tout cela est une question de temps, et selon mon expérience, cela prendra un certain temps, donc si nous pouvons régler cela, ce soir, nous pourrions passer à la prochaine étape afin de terminer les travaux qui doivent être effectués dans l’ensemble du Sénat.
Le sénateur Cardozo : Est-ce que d’autres personnes souhaitent faire des observations? Je ne veux pas retarder le processus pour cela. S’il y a d’autres observations, c’est très facile de les rassembler et de le faire, mais je ne veux pas retarder la séance pour cette unique observation.
Le président : Je ne crois pas qu’il y ait d’autres observations.
Le sénateur Yussuff : Ce qui deviendra une observation... Je crois que nous avons entendu beaucoup de témoignages, ce soir, et dans le passé, sur la question de la discrimination systémique. Je sais que le projet de loi a reconnu cette réalité. Les organisations non gouvernementales se préoccupent visiblement de la capacité de la commission et de la façon dont elle utilisera ces pouvoirs présentement reconnus dans le projet de loi.
Il y a eu une tentative de s’assurer que le projet de loi favorise une solide compréhension — pas dans un contexte limité, mais dans un contexte étendu — parce que les institutions qui ont demandé ce projet de loi, dans son ensemble, reconnaissent que les enjeux systémiques devront être traités dans le cadre du pouvoir accordé à la commission. Et, de ce fait, ils ne veulent pas être marginalisés quant à la manière dont ils peuvent faire entendre la voix collective de l’ensemble de la communauté, pour traiter des problèmes systémiques et renforcer le rôle et l’évolution de la commission au service des Canadiens, de la manière la plus étendue possible.
Donc, je crois que ce que nous disons, c’est que, si le projet de loi n’est pas amendé, la commission devrait prendre cela à cœur et, si possible, utiliser ses pouvoirs étendus pour que les organisations non gouvernementales et les autres organisations aient la capacité d’agir; qu’elle réfléchisse à la manière de traiter des problèmes systémiques qui pourraient être soulevés dans le contexte de plaintes faites par des personnes; mais, ultimement, qu’elle soit capable d’utiliser son propre pouvoir pour enquêter sur des problèmes systémiques, sans que le projet de loi soit amendé.
[Français]
Le sénateur Carignan : Oui, j’ai peut-être une autre observation que j’aimerais suggérer. Je suis président du Comité des finances — je pense que je suis le seul membre du Comité des finances ici — et au cours des derniers mois et des dernières semaines, on a entendu, lors de l’étude des budgets principaux des dépenses, quelques commissaires tels que le commissaire aux plaintes, le commissaire à l’intégrité du secteur public et le commissaire à l’information. Ils se plaignent beaucoup des ressources financières disponibles. Cela nuit à leur travail, les empêche d’enquêter, augmente les délais et fait perdre confiance aux groupes administrés, selon le concept, dans le processus qui est mis en place.
J’ai posé quelques questions à cet effet; on a entendu plusieurs craintes par rapport à l’efficacité, à la transparence, aux délais, aux capacités d’enquête et aux capacités de prendre des décisions dans un délai raisonnable. On nous a même suggéré de mettre des délais pour que les décisions puissent se prendre et suivre un processus. Or, cela met en évidence toutes les questions des ressources financières et matérielles disponibles pour remplir les fonctions efficacement.
Je suggérerais donc qu’on ajoute une observation selon laquelle certains membres s’inquiètent que les ressources financières et matérielles soient disponibles de façon à ce que la commission puisse remplir ces fonctions dans des délais raisonnables et donc qu’on invite le gouvernement à s’assurer que la commission ait toujours les ressources financières disponibles pour remplir efficacement ses tâches.
Je proposerais une formulation qui ressemblerait à cela. Je ne sais pas ce que mes collègues en pensent.
[Traduction]
Le président : Est-ce que nos analystes ont saisi l’idée générale de cette observation? Nous avons une observation ou une proposition pour les ressources financières qui, je crois, était assez claire. Allons-nous continuer d’envisager une observation comme celle observée par le sénateur Cardozo?
Pourriez-vous...
Le sénateur Cardozo : Je suis d’accord avec les observations du sénateur Carignan, et vous les avez expliquées très bien.
Le président : Et voilà, c’est fait. L’observation a été formulée. Je crois que nous l’avons tous comprise. Est-ce que tout le monde est d’accord pour que les observations soient transmises avec le projet de loi?
Des voix : D’accord.
Le président : Y a-t-il d’autres observations?
La sénatrice Patterson : J’aimerais revenir à ce qu’a dit le sénateur Yussuff. Nous avons certainement entendu beaucoup de témoins dire que, puisque nous parlons de problèmes systémiques, il y aura beaucoup de travail à faire, à l’échelle individuelle, pour les plaintes qui seront déposées. Un statut de tierce partie donnant la capacité de soumettre des observations systémiques devrait être envisagé. Évidemment, je lance rapidement des idées et cela devra être peaufiné, mais mon observation serait plus ou moins qu’il faudrait envisager de clarifier l’accès de tierces parties à la procédure de plainte, afin d’inclure les organisations qui s’intéressent réellement au problème en question — ou quelque chose de ce genre. Oui, en plus de n’avoir qu’un simple lien direct, à la fin.
Le président : Nous avons saisi les grandes lignes de cette observation. Donc, nous avons une observation sur les ressources et une observation sur l’accès de tierces parties, deux choses que nous avons entendues souvent lors des témoignages d’aujourd’hui.
Y a-t-il d’autres choses?
Le sénateur Kutcher : J’allais proposer la même chose que la sénatrice Patterson. En y pensant bien, il pourrait être raisonnable de suggérer d’ajouter « intérêt véritable » au passage qui parle de « directement concernée », prévu par le projet de loi. Je crois que la formulation est « directement concerné » dans le projet de loi. Je crois que c’est le libellé utilisé, et nous voulons, dans cette observation, que la définition soit élargie pour inclure « ayant un intérêt véritable », et ne pas s’en tenir seulement à « directement concernée », une définition plus restrictive. C’est ce que moi et la sénatrice Patterson avions de la difficulté à formuler.
Le sénateur McNair : Pour faire suite à ce qu’ont dit la sénatrice Patterson et le sénateur Kutcher, je crois que la formulation que la témoin a utilisée était « intérêt général pour la question »; c’était le terme juridique qu’elle estimait être important et qui a été interprété un certain nombre de fois.
Le président : D’accord. Y a-t-il quelque chose d’autre? S’il n’y a rien d’autre, acceptez-vous que le comité directeur approuve la version finale des observations?
Des voix : D’accord.
Le président : D’accord. Si tel est le cas, est-ce que vous êtes d’accord pour que j’envoie au Sénat, dans les deux langues officielles, le projet de loi accompagné des observations?
Des voix : D’accord.
Le président : Merci, chers collègues. Sur ce, nous avons terminé notre travail sur le projet de loi. Je vous remercie tous de votre patience.
Le sénateur Cardozo : Quand pensez-vous faire rapport au Sénat?
Le président : Dès que nous aurons vérifié la formulation auprès du comité directeur. Je vais fixer un objectif, personnellement, en tant que président, et, compte tenu de ce que j’ai entendu de presque tout le monde, sur le projet de loi proposé : nous allons essayer de régler cela d’ici demain midi.
Je ferais probablement un rapport du projet de loi jeudi.
Le sénateur Yussuff : Est-ce que vous pourriez le faire plus tôt? Serait-ce possible de le faire mardi?
Le président : Eh bien, procédons de cette façon : pouvez-vous nous lire les deux observations, comme vous les avez formulées, pour que nous puissions les approuver maintenant?
Nous allons suspendre la séance et les sénateurs qui sont les auteurs de la proposition travailleront avec nos analystes. Nous allons revenir dans 15 minutes, et nous allons peut-être être capables de les approuver et de régler cela ce soir.
Des voix : D’accord.
Le président : Chers collègues, nous sommes prêts à vous lire ce que nous avons formulé. Je demande aux analystes de la Bibliothèque du Parlement de le faire maintenant.
Ariel Shapiro, analyste, Bibliothèque du Parlement : Merci. Nous avons écrit trois observations selon ce qui a été discuté au comité.
La première est la suivante :
Après avoir entendu des témoins préoccupés par les questions de la diversité et de la représentation, votre comité exhorte le gouvernement du Canada à veiller à ce que les membres de la Commission proposée, ainsi que le personnel embauché par la Commission proposée, reflètent une diversité d’horizons et d’expériences.
La deuxième est la suivante :
Votre comité a aussi entendu des préoccupations concernant la capacité des parties tierces, y compris les organisations d’intérêt public et les organisations non gouvernementales, de déposer des plaintes, notamment en ce qui concerne les problèmes systémiques.
Selon votre comité, le gouvernement du Canada devrait étudier des options pour clarifier que les parties tierces ayant un intérêt véritable dans l’affaire peuvent déposer des plaintes auprès de la Commission proposée.
La troisième est la suivante :
En ce qui concerne les préoccupations soulevées par les témoins au sujet des ressources, le comité est d’avis que le gouvernement du Canada doit fournir à la Commission proposée les ressources humaines et financières dont elle a besoin pour accomplir efficacement son mandat.
Le président : Merci. Nous sommes d’accord avec les observations.
Est-il convenu que le Sous-comité du programme et de la procédure soit autorisé à approuver la version finale des observations qui seront annexées au rapport, dans les deux langues officielles, en tenant compte de la discussion d’aujourd’hui et en apportant tout changement nécessaire lié à la forme, à la grammaire ou à la traduction?
Est-ce convenu?
Des voix : D’accord.
Le président : Merci.
Est-il convenu que je fasse rapport de ce projet de loi avec des observations au Sénat, dans les deux langues officielles?
Des voix : D’accord.
Le président : Merci, chers collègues.
Sur ce, notre travail est terminé. Je remercie tous les sénateurs, et leur personnel, de leur patience et de la diligence dont ils ont fait preuve en nous aidant dans notre travail.
Le sénateur Cardozo : Je suis ébahi de voir que le projet de loi a autant progressé. Comme nous l’avons entendu à maintes reprises, nous en sommes à la troisième tentative pour adopter ce projet de loi. Félicitations, monsieur le président, pour votre excellente supervision. Ce moment est très inspirant.
Le président : Merci beaucoup. Voilà qui conclut parfaitement la séance. Merci tout le monde.
(La séance est levée.)