LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le lundi 13 décembre 2021
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd’hui à 18 h 45 (HE), avec vidéoconférence, pour examiner la teneur du projet de loi C-3, Loi modifiant le Code criminel et le Code canadien du travail.
La sénatrice Ratna Omidvar (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Je suis Ratna Omidvar, sénatrice de l’Ontario et présidente du comité.
Le comité poursuit son examen de la teneur du projet de loi C-3, Loi modifiant le Code criminel et le Code canadien du travail, qui a été présenté à la Chambre des communes le 26 novembre 2021. Nous accueillons deux groupes de témoins aujourd’hui. Notre premier témoin est l’honorable Seamus O’Regan, c.p., député et ministre du Travail. Bienvenue, monsieur le ministre. Il est accompagné de Mme Sandra Hassan, sous-ministre du Travail, et d’Andrew Brown, sous-ministre adjoint, Programme du travail.
Merci beaucoup, monsieur le ministre, de participer à notre audience. Je vous invite à faire votre présentation. Toutefois, pour respecter le temps qui nous est imparti, je vous informe que vous disposez de cinq minutes pour faire votre présentation. Si vous me voyez lever la main, c’est parce qu’il vous reste 10 secondes pour terminer votre discours. J’espère que cette façon de procéder nous permettra de respecter l’horaire et m’évitera de devoir interrompre quelqu’un, ce qui me déplaît au plus haut point.
La parole est à vous, monsieur le ministre.
L’honorable Seamus O’Regan, c.p., député, ministre du Travail : Merci, madame la présidente et honorables sénateurs. Je tiens à souligner que je vous parle depuis l’île de Terre-Neuve, qui est le territoire traditionnel des Béothuks et des Mi’kmaqs.
Je vous remercie aussi de m’avoir invité pour parler du projet de loi. Le projet de loi sera très important pour contribuer à la santé des travailleurs. C’est une triste réalité, mais, partout au Canada, certains travailleurs n’ont pas droit à des congés de maladie payés, ce qui signifie que de nombreux travailleurs ne peuvent pas se permettre de rester à la maison en raison d’une maladie. Pour certains, perdre des journées de salaire en raison d’une maladie signifie qu’ils ne pourront pas payer leur hypothèque ou leur loyer ou les nombreuses factures qu’ils doivent régler pour subvenir aux besoins de leur famille. C’est un choix carrément injuste que l’on impose aux travailleurs canadiens.
Malgré les progrès réalisés par le gouvernement du Canada dans le dossier du travail, il est évident que la pandémie a mis en évidence les lacunes de notre filet de sécurité sociale. Le moment est venu de combler les lacunes au chapitre des congés de maladie payés.
À l’heure actuelle, le Code canadien du travail accorde aux employés des secteurs sous réglementation fédérale plusieurs congés sans solde qu’ils peuvent prendre pour une maladie personnelle ou une blessure, ainsi que trois jours de congé personnel payé qu’ils peuvent prendre pour traiter une maladie ou une blessure. Toutefois, si on examine les statistiques de 2019, on constate que les travailleurs canadiens ont pris en moyenne 8,5 jours de congé pour une maladie ou un problème lié à une invalidité. Il est donc devenu évident que trois jours ne suffisent tout simplement pas.
Le projet de loi modifierait le Code canadien du travail de façon à offrir 10 jours de congé de maladie payé par année aux travailleurs du secteur privé assujettis à la réglementation fédérale. Ce changement aura un effet concret dans la vie des travailleurs canadiens. En ce moment, il y a environ 18 500 employeurs, j’ai bien dit employeurs, dans les secteurs sous réglementation fédérale et, en tout, ils représentent plus de 950 000 travailleurs.
[Français]
Le secteur sous réglementation fédérale emploie des millions de travailleurs provenant d’un large éventail d’industries. Il comprend notamment les transports interprovinciaux, les liens ferroviaires, terrestres et maritimes, les pipelines et les services bancaires, postaux et les messageries. Ce sont des industries sur lesquelles les gens comptent tous les jours.
[Traduction]
Il incombe au gouvernement fédéral de soutenir ces travailleurs. Le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd’hui permettra à la fois aux travailleurs de ces secteurs essentiels de rester à la maison pour se reposer lorsqu’ils sont malades et de prévenir la propagation de maladies sur les lieux de travail. Plus précisément, le projet de loi modifiera la partie III du Code canadien du travail.
[Français]
Le premier changement vise à faire en sorte que, pour chaque année civile, les employés cumuleraient une journée de congé payé par mois complet de travail, jusqu’à un maximum de 10 jours par année civile.
[Traduction]
Le deuxième changement vise à éviter la reprise de dispositions en matière de congé payé dû à une maladie ou à une blessure déjà prévues dans le Code canadien du travail. Ces deux changements toucheraient près de 600 000 employés, plus précisément 582 700 employés du secteur privé sous réglementation fédérale qui n’ont pas accès en ce moment à au moins 10 jours de congé de maladie payé.
Une augmentation du nombre de jours de congé de maladie payé aiderait les employés en les protégeant de trois façons.
[Français]
Tout d’abord, les congés de maladie payés protégeraient les revenus des travailleurs. Les travailleurs n’auront pas à choisir entre rester à la maison pour se remettre sur pied ou recevoir leur salaire.
Deuxièmement, cela protégerait leur emploi. Enfin, cela protégerait la santé des travailleurs. Les congés de maladie supplémentaires leur permettraient de récupérer à la maison, ce qui protégerait leurs collègues dans le milieu de travail.
[Traduction]
Qui plus est, le gouvernement souhaite que les congés de maladie payés soient offerts dans tous les secteurs du pays. Pour y arriver, nous discuterons avec les provinces et les territoires d’un plan visant à légiférer sur la question des congés de maladie. Ce plan devra respecter les champs de compétence et tenir compte des besoins particuliers des propriétaires de petites entreprises.
À l’heure actuelle, ce ne sont pas toutes les provinces et tous les territoires qui offrent des congés de maladie payés, et cela ne devrait pas être le cas. Nous avons la responsabilité de veiller à ce que tous les Canadiens aient accès à des congés de maladie payés. C’est essentiel pour l’avenir économique du Canada. Ces congés permettront de protéger la santé des travailleurs maintenant et à l’avenir.
Madame la présidente et honorables sénateurs, alors que nous terminons la lutte contre la pandémie de COVID-19, une étape essentielle de la relance économique du Canada est de veiller à ce que les Canadiens aient accès à des congés de maladie payés. Avec ce projet de loi, le gouvernement agit pour donner aux travailleurs l’appui dont ils ont besoin. Les travailleurs canadiens des quatre coins du pays comptent sur nous pour apporter ces changements nécessaires et importants.
Merci de votre temps.
La présidente : Merci, monsieur le ministre. Nous passons maintenant aux questions des sénateurs.
Selon la pratique courante, je rappelle aux sénateurs qu’ils disposent de cinq minutes pour poser leurs questions et entendre les réponses. Si vous souhaitez poser une question, veuillez l’indiquer au greffier à l’aide du bouton « lever la main ». Les premières questions seront posées par la sénatrice Bovey, vice-présidente du comité et sénatrice du Manitoba.
La sénatrice Bovey : Merci d’être là, monsieur le ministre. C’est toujours un plaisir d’entendre vos observations, et je vous en remercie.
J’ai deux questions. La première découle des témoignages que nous avons entendus la dernière fois et porte sur la façon d’acquérir les 10 jours de congé de maladie, soit au rythme d’un jour par mois. On a fait valoir qu’il ne faut pas nécessairement 10 mois à une personne pour tomber malade et avoir besoin d’utiliser ces 10 jours. La question suivante a été soulevée : pourquoi avez-vous adopté cette approche au lieu d’accorder d’emblée 10 jours aux gens pour qu’ils puissent les utiliser dès le départ? Pourquoi ne pas leur avoir donné les jours de congé d’entrée de jeu au lieu de leur faire acquérir ces jours avant de pouvoir les utiliser? Je tiens à commencer par cette question, puis, si c’est possible, j’aimerais poser une question complémentaire.
M. O’Regan : Merci, madame la sénatrice. L’idée n’était pas d’accorder d’emblée 10 jours de congé de maladie payé à tout le monde, mais de permettre aux gens d’en acquérir sur une période donnée. Au cours d’une année, plus une personne travaille longtemps dans un emploi, plus elle acquiert des jours de congé. Selon les observations soulevées par vous et par les témoins que vous avez entendus, nous sommes ouverts aux suggestions concernant notamment cette partie de l’application du projet de loi. De plus, je vous suggère de m’envoyer vos suggestions par écrit pour que nous puissions les examiner.
La sénatrice Bovey : Je vais vous les envoyer par écrit.
M. O’Regan : Je sais que c’est ce que vous ferez. Je sais que cet auguste groupe préfère présenter des choses par écrit plutôt que faire de simples suggestions. Nous voudrons avoir le temps d’examiner vos propositions avec des fonctionnaires pour nous assurer qu’elles correspondent à l’objet de la mesure législative et qu’elles sont simples à appliquer. C’est une question que nous pouvons examiner plus en profondeur.
La sénatrice Bovey : Je vous remercie et vous en suis reconnaissante.
Ma deuxième question porte sur les congés non payés et les congés payés pour raisons médicales, où, dans le premier cas, les employeurs peuvent exiger un certificat médical seulement après une période d’au moins trois jours, alors que, dans le deuxième cas, ils peuvent exiger que l’employé présente un certificat médical attestant qu’il était incapable de travailler peu importe la durée du congé. Pourquoi fait-on une distinction entre les deux types de congés en ce qui concerne les situations où les employeurs peuvent exiger un certificat médical? Ainsi, si nous tentons de convaincre les gens de prendre un congé de maladie quand ils sont malades pour prévenir la propagation de maladies sur les lieux de travail, comme vous l’avez dit, croyez-vous que ces dispositions pourraient influencer la décision des employés de prendre ou non un congé de maladie? J’aimerais savoir ce que vous pensez de l’équilibre qui a été trouvé en ce qui concerne les exigences liées aux certificats pour les congés payés et les congés non payés, et pourquoi il existe des règles différentes pour les deux types de congés.
M. O’Regan : Je parlerai brièvement de cet élément pour donner suffisamment de temps de parole à ma sous-ministre parce que je veux qu’elle étaye ma réponse.
Madame la sénatrice, comme je l’ai indiqué dans ma déclaration liminaire, l’objet du projet de loi est de veiller à ce que les travailleurs n’hésitent pas à prendre un congé à cause de raisons extérieures, comme leurs conditions d’emploi ou le fait de ne pas pouvoir se faire payer, dans une situation où ils croient avoir des symptômes de la COVID. C’est ce que nous voulons éviter. Nous voulons que les travailleurs n’aient aucune hésitation, qu’ils se sentent à l’aise de pouvoir rester à la maison et qu’ils soient protégés en le faisant. Ainsi, s’il y a la moindre possibilité qu’une personne ait contracté la COVID-19, elle ne la propagera pas sur son lieu de travail. Voilà l’objet du projet de loi.
Examinons en profondeur les mesures que nous mettons normalement en place pour nous assurer que les gens n’exploitent pas les systèmes. Soyons francs. Nous voulons nous assurer que, quand une personne prend un congé pour raisons médicales, c’est vraiment pour des raisons médicales, et l’une des façons de s’en assurer, c’est d’exiger un certificat médical délivré par un professionnel. Cela dit, les circonstances actuelles sont extraordinaires : nous sommes en pandémie. Conséquemment, nous voulons faire la bonne chose et soulager les gens de l’hésitation qu’ils éprouvent.
Je vais passer la parole à ma sous-ministre, qui répondra à vos questions sur les certificats médicaux exigés pour les congés payés et non payés.
Sandra Hassan, sous-ministre du Travail, Emploi et Développement social Canada : Merci, monsieur le ministre. Comme vous l’avez indiqué, cette mesure vise à donner aux employeurs la possibilité de contrôler les congés pris expressément pour raisons médicales. En vertu des dispositions actuelles du Code canadien du travail, les employés disposent de cinq jours de congé personnel, dont trois peuvent être utilisés à des fins médicales. C’est pour s’assurer que les dispositions sont appliquées conformément à leur intention.
Le sénateur Patterson : Merci d’être là, monsieur le ministre.
Je dispose seulement de cinq petites minutes, alors j’aimerais poser trois questions à brûle-pourpoint, ce qui ne devrait pas vous étonner, vous et votre cabinet. J’espère que nous pourrons obtenir des réponses brèves et précises aux questions qui sont particulièrement importantes pour moi à titre de porte-parole responsable du projet de loi pour l’opposition officielle au Sénat.
Premièrement, les 10 jours de congé de maladie payé que le projet de loi propose d’instaurer fixent-ils un plancher ou s’ajoutent-ils aux autres types de congés auxquels les employés ont droit par l’entremise de leur employeur? Devrais-je m’arrêter ou souhaitez-vous entendre les deux autres questions?
M. O’Regan : Ils fixent un plancher.
Le sénateur Patterson : Voilà qui est clair. Merci beaucoup.
Deuxièmement, les employés pourront-ils prendre ce congé pour participer à un traitement de toxicomanie ou s’accorder une pause pour des raisons de santé mentale?
M. O’Regan : C’est une très bonne question. Madame la sous-ministre, pouvez-vous répondre à la question en ce moment?
Mme Hassan : Monsieur le sénateur, c’est une excellente question. Les dispositions visent à permettre aux employés de prendre des jours de congé pour des raisons médicales. L’objet du projet de loi est certainement de permettre aux employés de prendre ces jours de congé qu’il s’agisse d’un problème de santé physique ou mentale. Toutefois, je ne suis pas en mesure pour l’instant de répondre à l’excellente question sur les types de traitement. Néanmoins, le ministère préparera de la documentation pour les employeurs ainsi que les intervenants, et celle-ci traitera assurément de cet élément. Merci de cette question.
M. O’Regan : J’ajouterai que je suis sensible à cette question et que je tiens à ce que la réponse soit bonne.
Le sénateur Patterson : Merci.
Troisièmement, la mesure législative s’appliquera-t-elle aux employés nommés à temps partiel dans le cadre d’un contrat à court terme — c’est-à-dire six mois moins un jour — ou aux personnes employées à la fonction publique par l’entremise d’une agence de dotation de ressources humaines? Je signale qu’ils n’ont actuellement pas droit aux mêmes prestations que les employés à temps plein nommés pour une durée déterminée ou indéterminée.
M. O’Regan : Madame la sous-ministre, je vous demanderais de répondre à la question, qui est très bonne.
Mme Hassan : Merci, monsieur le sénateur. Les dispositions du Code canadien du travail s’appliqueraient aux employés travaillant à temps plein ou à temps partiel. En fait, les dispositions s’appliquent en fonction de la durée de l’emploi.
En ce qui concerne la deuxième partie de votre question, qui porte sur les agences de ressources humaines, il sera important d’examiner le statut de l’employé. Le projet de loi s’applique aux employés sous réglementation fédérale, et une personne embauchée par l’entremise d’une agence de ressources humaines pourrait être couverte par les lois provinciales. Conséquemment, il faudra examiner chaque cas pour déterminer si une personne est assujettie à la réglementation fédérale ou provinciale...
Le sénateur Patterson : Merci beaucoup.
Monsieur le ministre, à la lumière des réponses que vous venez de donner à la sénatrice Bovey, j’aimerais savoir si vous envisagez d’apporter des amendements au projet de loi. Le cas échéant, cela signifierait que nous examinons actuellement un rapport d’étude préalable concernant un projet de loi dont le fond pourrait changer avant qu’il soit officiellement renvoyé au Sénat.
M. O’Regan : Nous cherchons des façons d’améliorer le projet de loi en collaboration avec d’autres intervenants. Oui, je crois qu’il nous incombe d’agir en ce sens.
Le sénateur Patterson : Merci.
[Français]
La sénatrice Verner : Merci, monsieur le ministre, pour votre présence ce soir. Je vais tâcher d’être concise, puisque nous sommes plusieurs à vouloir vous poser des questions ce soir.
J’aimerais aborder le sujet des petites et moyennes entreprises, qui sont très importantes au Canada et au Québec. Comme on le sait, il y a un problème majeur de pénurie de main-d’œuvre.
Les travailleurs devraient effectivement profiter de congés payés lorsqu’ils sont malades; il faut vraiment se pencher sur cette question. Cependant, que peut-on faire pour équilibrer tout cela?
Les entreprises sous réglementation fédérale, même si on dit qu’elles représentent 6 % de toutes les entreprises, auront un avantage important par rapport à d’autres petites entreprises qui n’ont pas les moyens d’offrir ces 10 jours de congé. La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante suggérait, la semaine dernière, de compenser les coûts liés à ces congés pour amener les entreprises qui ne sont pas sous réglementation fédérale à adhérer à ce régime et être en mesure de l’offrir aux employés. Les coûts pourraient être remboursés sous forme de crédits d’impôt ou en réduisant les contributions au Régime de pensions du Canada ou les cotisations de l’employeur au Régime d’assurance-emploi. Ainsi, les plus petites entreprises, qui ont déjà beaucoup de difficulté à trouver de la main d’œuvre, ne seraient pas si nettement désavantagées par rapport au programme beaucoup plus complet et intéressant qui est offert aux employeurs sous réglementation fédérale.
[Traduction]
M. O’Regan : Madame la sénatrice, merci de votre question.
Je tiens à signaler que le rapport du directeur parlementaire du budget sur l’évaluation du coût du projet de loi C-3 indique que les congés de maladie payés pourraient entraîner une augmentation des recettes du gouvernement. Cette conclusion découle du fait que les employés qui n’ont actuellement pas droit à des congés de maladie payés y auraient maintenant droit, ce qui générerait des recettes fiscales. Le rapport ne tient pas compte de la collaboration nécessaire avec les employeurs ainsi que de leurs besoins particuliers entourant la mise en œuvre des congés de maladie payés.
Quant à la question plus large des coûts, les deux dernières années nous ont montré que ne pas agir maintenant pourrait entraîner des conséquences comme une perte de productivité, des quarantaines, des fermetures et des confinements. Le coût économique de l’inaction est beaucoup plus élevé. Nous pouvons minimiser les répercussions économiques du virus ou, comme nous le voyons actuellement, du variant Omicron ainsi que les préoccupations qu’il suscite au sein du gouvernement et partout dans le monde. Nous savons quelle est la plus grave répercussion économique, à savoir une nouvelle suspension des activités économiques.
Nous nous sommes engagés à réunir les provinces et les territoires pour élaborer un plan national à cet égard. Comme vous l’avez souligné, ce n’est pas une question qui se limite aux travailleurs fédéraux; il faut renforcer le filet de sécurité sociale pour tous les travailleurs du Canada. Nous reconnaissons que les employeurs ont des besoins particuliers et nous devons consulter les intervenants, les employeurs et les travailleurs afin que la mise en œuvre se fasse correctement. Une grande partie de cette question a trait non seulement à la santé des travailleurs et de tous les Canadiens, mais aussi à la santé de l’économie. Dans ce cas-ci, les deux vont très certainement de pair. Nous devons bien faire les choses. Nous devons agir.
Madame la sous-ministre, avez-vous autre chose à ajouter?
[Français]
Mme Hassan : Madame la sénatrice, merci pour votre question. Comme l’indiquait le ministre, nous sommes bien conscients que l’impact peut être différent sur les petites et moyennes entreprises et nous gardons cela en tête. Comme le disait le ministre, des consultations seront effectuées dans le cadre d’une table réunissant le gouvernement fédéral et ceux des provinces et des territoires. Bien entendu, ces considérations seront prises en délibéré, et l’objectif est d’offrir des bénéfices semblables partout au pays. Vous avez bien identifié le fait que toutes les provinces offriraient moins que ce qui est proposé dans le projet de loi C-3.
[Traduction]
La présidente : Merci, madame Hassan. Nous devons passer à la prochaine question.
Je vais intervenir et poser une brève question. Le projet de loi ne contient aucune disposition relative à la collecte de données probantes. Comment déterminerons-nous le taux de participation? Comment déterminerons-nous les employeurs, les secteurs et les régions dont les travailleurs utilisent les congés? Plus important encore, s’il n’y a aucune donnée, comment saurons-nous si les minorités ou les Autochtones sont touchés différemment des autres groupes? C’est une question qui porte sur les données et la division des données. Merci.
M. O’Regan : Sénateurs, je demande votre indulgence. Je vais demander à ma sous-ministre de répondre à votre question puisque je dois voter à la Chambre en ce moment.
Mme Hassan : Madame la sénatrice, merci pour votre question. Le ministère de l’Emploi et du Développement social et le ministère du Travail surveilleront l’impact des changements proposés dans le projet de loi C-3 et, à l’instar des répercussions d’autres dispositions du Code canadien du travail, ils examineront leurs répercussions sur les divers employeurs et les employés.
La présidente : Merci.
La sénatrice Lankin : Monsieur le ministre, merci beaucoup de vous être joint à nous. Je tiens à dire d’emblée que je suis très favorable au projet de loi. Il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’une amélioration importante des lois du travail et il est absolument essentiel que nous en comprenions l’importance dans le cadre de la pandémie.
Mes questions ont déjà été posées par la sénatrice Bovey. La première portait sur la politique d’accumulation des jours de congé de maladie et j’ai apprécié votre réponse. Je veux que vous sachiez que j’ai travaillé avec le légiste du Sénat aujourd’hui sur l’élaboration d’un tel amendement et que nous comparerons nos notes à celles de tout autre membre du comité qui a fait de même avant de les envoyer au ministre. Je sais également que l’un de mes autres collègues travaille sur l’élaboration d’un amendement concernant les certificats médicaux.
J’aimerais vous dire quelques mots. Vous avez parlé de la consultation des intervenants, du milieu des affaires et des différences entre les grands et les petits employeurs, et c’est tout à fait vrai. À mesure que vous avez continué à perfectionner la réponse à la pandémie, notamment les récentes subventions à l’embauche dans certains secteurs industriels, je pense que vous avez continué à perfectionner les mesures et à examiner les répercussions les plus graves.
Les commentaires de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante et d’autres organismes au sujet des petites entreprises me préoccupent parce qu’ils donnent l’impression que les jours de congé de maladie représentent des fonds supplémentaires qui n’auraient pas été versés. En fait, il s’agit de postes permanents. En vertu du projet de loi, une personne qui occupe un poste et qui est rémunérée pour son travail continue maintenant d’être rémunérée si elle s’absente du travail. Les recherches montrent que le nombre moyen de jours de congé de maladie pris par les travailleurs est bien inférieur à 10 jours.
Je ne comprends pas pourquoi même votre projet de loi, qui est très positif, propage l’idée préjudiciable que les gens abusent des congés de maladie. Ce n’est pas ce que les faits montrent. Même la méthode d’accumulation encourage cette façon de penser. J’aimerais savoir, d’un point de vue politique, si les consultations que vous avez menées vous ont porté à conclure que 10 est le nombre dont vous avez besoin dans le monde des affaires? Je pose la question parce que j’ai vu des entreprises faire des commentaires qui sont très favorables à cette politique et qui n’ont pas soulevé cette préoccupation. J’aimerais que vous nous en disiez un peu plus à ce sujet afin que nous puissions comprendre ce que vous et les membres du Cabinet aviez à l’esprit lorsque vous avez pris cette décision. Merci beaucoup.
M. O’Regan : Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question et j’apprécie vos commentaires. Si le projet de loi laisse entendre quoi que ce soit, ce n’est certainement pas que les travailleurs abuseront en quelque sorte des jours de congé. Ce n’était certainement pas notre intention. Que puis-je dire? Il y a une perception répandue, mais pas nécessairement fondée sur des faits, que les travailleurs pourraient exploiter le système ou abuser en masse des jours de congé. Je pense que nous savons que ce n’est pas le cas.
Il y a un dicton, que je ruinerais probablement en ce moment à Terre-Neuve, à propos du « plus grand filou dans le port ». C’est parfois ce qui nous préoccupe — le plus grand filou, c’est-à-dire le membre de la communauté qui pourrait être sournois et exploiter des systèmes, pour ainsi dire. Ils représentent l’exception et non la règle. La plupart des gens se comportent de manière très honorable dans leur utilisation de ces jours de congé de maladie et autres avantages — je ne devrais pas parler d’« avantages », mais plutôt d’autres éléments nécessaires qui font essentiellement partie d’un contrat de travail.
Comme je l’ai dit en réponse aux questions éclair du sénateur Patterson, le projet de loi C-3 établirait une norme minimale de 10 jours de congé de maladie payé. Cependant, les modifications proposées ne supplanteraient pas un arrangement plus avantageux qui est prévu dans une convention collective et le projet de loi C-3 n’ajouterait pas de congés de maladie payés à un autre arrangement plus avantageux qui prévoit au moins 10 jours de congé de maladie payé.
Étant donné que je n’ai peut-être pas été assez clair dès le début, je répète aux sénateurs que nous sommes arrivés à 10 jours parce que cela correspond essentiellement à deux semaines, c’est-à-dire deux semaines de travail de cinq jours. Comme vous vous en souviendrez, nous avons demandé aux gens de rester en quarantaine pendant deux semaines; c’est ainsi que nous sommes arrivés à 10 jours. C’est pourquoi il était si essentiel pour nous d’accorder 10 jours; c’était parce que cela constituait essentiellement deux semaines de travail de cinq jours qui seraient nécessaires pour une quarantaine.
La sénatrice Lankin : Le sénateur Patterson vous a demandé si ces jours étaient cumulables avec d’autres régimes et je pense que vous avez répondu qu’ils ne le sont pas. Le projet de loi prévoit un nombre minimal. Je voulais simplement le préciser, car je pense que le sénateur Patterson, comme nous tous, aurait compris votre réponse à sa question différemment. Merci.
M. O’Regan : Nous fixons le nombre minimal. C’est exact.
La sénatrice Griffin : Monsieur le ministre, je vous remercie d’être ici. Ma question est très brève et simple. Pensez-vous qu’il est aussi facile pour une personne qui vit dans une région rurale de Terre-Neuve d’obtenir un certificat médical que pour une personne qui vit dans un grand centre urbain au Canada?
M. O’Regan : En tant que personne qui a grandi dans une collectivité rurale du Labrador, je dirais que non. Cependant, je tiens aussi à ajouter — et je ne suis pas entièrement heureux de le faire — qu’il est malheureusement aussi de plus en plus difficile d’obtenir ces certificats médicaux dans le Canada urbain. Dans beaucoup de grandes villes, il n’y a pas assez de gens qui ont un médecin généraliste régulier. Cela dit, je comprends tout à fait votre point de vue, car j’ai grandi dans une région rurale du Canada, au Labrador, et il n’est pas nécessairement facile d’avoir accès à un médecin. Je vous comprends donc et c’est une question que nous devrons aborder. Nous voulons évidemment que les gens se sentent bien chez eux et qu’ils n’aient pas à payer assidûment pour ce faire, tant pour le bien collectif que pour leur propre bien-être.
La sénatrice Griffin : Merci.
Le sénateur Harder : Merci, monsieur le ministre, d’être parmi nous. J’ai une observation à faire et une question à poser.
Mon observation est la suivante : je me joins à ceux qui vous exhortent à accepter un amendement à l’autre endroit, avant même qu’il n’arrive ici, qui appuierait la politique d’accumulation qui est en place au lieu de celle qui est prévue dans le projet de loi, comme la sénatrice Bovey l’a proposé dans ses commentaires et comme la sénatrice Lankin l’a appuyé.
Ma question vise à vous donner l’occasion de nous dire comment vous envisagez actuellement vos discussions entre le gouvernement fédéral et les provinces et territoires en ce qui concerne l’élargissement du champ d’application afin d’inclure les employeurs qui ne sont pas sous réglementation fédérale. J’entends votre engagement, mais j’aimerais savoir si vous pensez que le champ d’application sera élargi et dans quel délai afin qu’il y ait une vaste équité entre les travailleurs, qu’ils soient ou non sous réglementation fédérale ou provinciale. Il s’agit d’une grande préoccupation pour beaucoup d’entre nous.
M. O’Regan : Merci, sénateur Harder. Je vais parler brièvement du sujet et je demanderai peut-être à ma sous-ministre d’en parler sur le plan des représentants.
J’ai pris la route assez tôt dans mon mandat, comme j’ai l’habitude de le faire, et j’ai comparu devant des sénateurs dans le cadre de mes trois portefeuilles précédents. S’il y a une constante, c’est que j’aime prendre la route, sortir et parler à mes collègues provinciaux et territoriaux et aux intervenants. De plus, j’aime particulièrement me rendre dans des régions qui n’ont pas nécessairement une salle de conférence dans un hôtel Delta — comme je l’ai déjà dit, j’ai grandi dans une région rurale du Canada.
Mes collègues provinciaux et territoriaux ont tous fait preuve d’ouverture d’esprit et de cœur dans nos conversations sur ce sujet. Comme ce fut le cas avec le portefeuille précédent, j’ai eu la chance d’avoir des collègues provinciaux et territoriaux extraordinaires dans ce portefeuille et ils ont certainement démontré une ouverture d’esprit.
Je pense que l’idée était de ne pas mettre la charrue devant les bœufs et de s’attaquer d’abord à notre propre compétence, c’est-à-dire la compétence fédérale, et d’envisager ensuite d’organiser une réunion de mes collègues provinciaux et territoriaux au début de la nouvelle année. Nous ne voulons pas perdre trop de temps, étant entendu que peu de chose se ferait en janvier, mais il serait possible de mettre les choses en branle très peu de temps après.
Pour ce qui est du long terme, je ne sais pas si je peux demander à la sous-ministre de nous donner son avis sur le sujet. Je sais qu’elle a eu des conversations avec des représentants.
Mme Hassan : Merci, monsieur le ministre. Merci pour votre question, monsieur le sénateur.
Comme le ministre l’a dit, étant donné que cette question lui tenait à cœur dans les discussions entre sous-ministres et avec d’autres hauts fonctionnaires, nous l’avons soulevée à titre de point clé pour les prochaines réunions. La prochaine réunion des ministres fédéral, provinciaux et territoriaux aura lieu au début de 2022 et ce point sera certainement à l’ordre du jour.
[Français]
La sénatrice Petitclerc : Merci beaucoup, monsieur le ministre et madame Hassan, d’être ici ce soir. Si le temps le permet, j’aurais deux questions. La première question est plutôt une précision. Je vais citer un des témoins que nous avons entendus la semaine dernière, M. Michael Villeneuve.
[Traduction]
Michael Villeneuve, chef de la direction de l’Association des infirmières et infirmiers du Canada, a dit ceci :
Il nous semble très clair que l’intention de ce projet de loi est de protéger les gens contre toute menace, tout harcèlement et toute intimidation sur un portail en ligne comme Facebook ou même par courriel.
[Français]
Je m’intéresse au degré de protection offert par rapport à l’intimidation en ligne qui pourrait se produire. J’aimerais avoir des précisions sur cet élément, si possible.
[Traduction]
M. O’Regan : Madame la sénatrice, sauf erreur, le ministre Lametti a expliqué cette partie du projet de loi. Je vais donc en parler de manière plus large et plus générale et dire que nous avons évidemment tenu compte de la cyberintimidation des employés du secteur de la santé et de leur état mental.
Cette section du projet de loi découle du fait que les Canadiens étaient presque tous d’accord pour dire qu’il était tout à fait déplorable de voir les travailleurs de la santé, qui font l’objet d’énormément de pressions pendant une pandémie, être confrontés à ce genre d’abus et d’obstruction lorsqu’ils tentent de se rendre au travail pour faire ce que nous leur demandons de faire. Nous voulions clarifier les choses pour les forces de l’ordre en ce qui concerne l’intimidation et l’obstruction par des moyens physiques visant à empêcher les travailleurs de la santé à exercer leurs fonctions afin qu’elles sachent exactement ce qu’elles doivent faire.
La première fois que j’ai présenté ce projet de loi au ministre Lametti, certains m’ont dit : « Vous savez, bon nombre de ces pouvoirs existent déjà, et ce n’est qu’une question de politique. » Pour être précis, les amendes et les peines augmenteront manifestement. Pour le reste, la politique n’est pas toujours une si mauvaise chose. Parfois, c’est une bonne chose. Le fait de dire très clairement aux travailleurs de la santé que nous les soutenons et que nous sommes là pour eux de manière concrète tandis qu’ils exercent leurs fonctions envoie un message très important, et je pense que c’est de la bonne politique.
[Français]
La sénatrice Petitclerc : Merci, monsieur le ministre. Si je dispose d’encore un peu de temps, j’aimerais poser la question suivante. En fait, plusieurs témoins ont émis des réserves quant à l’exigence d’un certificat médical pour obtenir un congé payé.
Jusqu’à maintenant, vous avez touché à certains aspects de la question, mais avez-vous analysé les risques ou l’incidence d’une telle exigence sur certains groupes qui sont déjà vulnérables?
Je pense notamment aux personnes qui vivent en situation de handicap. Pour ces personnes, le fait d’aller chercher ce fameux certificat médical leur apporte un lot de complications plus important. L’impact est le même pour une maman célibataire, par exemple. Ce que nous avons entendu de la part des témoins, c’est que certains groupes risquent de ne pas utiliser le congé payé à cause des complications qu’entraîne l’exigence de l’obtention d’un certificat médical. Que pensez-vous de cela?
[Traduction]
M. O’Regan : Madame la sénatrice, merci pour votre question.
En fonction de la forme actuelle du projet de loi, un employeur peut, par écrit et au plus tard 15 jours après le retour au travail d’un employé, exiger que cet employé lui présente un certificat. Ce certificat doit être délivré par un professionnel de la santé et attester que l’employé était incapable de travailler pendant son congé payé.
Je comprends que la situation puisse être coûteuse pour les travailleurs, surtout à la lumière de la pandémie. Il existe également des données qui portent à croire que les travailleurs sont moins susceptibles d’utiliser les congés de maladie auxquels ils ont droit lorsqu’un certificat médical est requis. C’est important. Selon un sondage Ipsos de novembre 2018, 82 % des Canadiens préféraient aller au travail lorsqu’ils sont malades plutôt que de se donner la peine d’obtenir un certificat médical.
Comme je l’ai dit dans mes questions précédentes, je suis conscient des obstacles potentiels aux congés de maladie payés et à l’accès aux congés de maladie payés et je suis aussi conscient des moyens potentiels de les éliminer. J’aurais besoin de voir le libellé exact de tout amendement afin de déterminer s’il renforcerait le projet de loi. C’est aussi ma façon de vous dire que je suis ouvert à cette option.
La sénatrice Moodie : Merci, monsieur le ministre, et madame Hassan, de vous être joints à nous aujourd’hui.
J’ai juste une observation à ajouter à la discussion sur les certificats médicaux, car je suis médecin et je travaille dans ce domaine. Je peux vous dire que, de nos jours, il y a même une nouvelle couche de complexité qui vous empêche d’entrer dans certains bureaux de médecins — vous ne pouvez certainement pas entrer dans un hôpital ainsi que dans certains immeubles de bureaux de médecins et certaines cliniques — si vous êtes symptomatique. Il est donc impossible de se rendre sur place pour obtenir ce certificat. La télésanté, une option qui est offerte de manière limitée, est la seule solution de rechange. La capacité réelle d’obtenir un certificat est sévèrement limitée. J’appuierais tout changement dans ce domaine que vous pourriez envisager.
Ma question est vraiment liée à ce que nous ont dit les témoins précédents au sujet du coût et des répercussions pour les petites entreprises et les employeurs, surtout en cette période de grandes difficultés pour les entreprises. Ils ont soulevé la question suivante : quelles seraient les répercussions de la mise en œuvre de 10 jours de congé de maladie sur les petites entreprises et les employeurs et cela pourrait-il les faire basculer? Avez-vous tenu compte de cette question? Quelle est votre opinion sur cet argument?
M. O’Regan : Merci, madame la sénatrice.
Pour ce qui est de la première question, comme vous l’avez déjà entendu et comme je l’ai souligné, je dirais que nous sommes ouverts à un compromis quelconque concernant les certificats médicaux. Je pense toutefois qu’ils sont importants. Le délai de 15 jours après le retour au travail de l’employé offre une certaine souplesse. Ce délai de 15 jours commence dès que l’employé revient au travail. La disposition comporte une certaine souplesse. Elle est souple et elle reconnait les obstacles à obtenir un certificat.
Cela dit, la disposition a pour but de nous empêcher de vivre une situation que nous avons déjà vécue, que ce soit l’apparition d’un variant ou une autre pandémie. Nous ne voulons pas revenir sur une situation et dire que nous aurions pu faire ceci et que nous savions que nous aurions dû faire cela, mais que nous ne l’avons pas fait. C’est notre réponse à une telle situation.
Je ne saurais trop insister, mais je le ferai quand même, sur le fait que le coût le plus important pour beaucoup de ces entreprises est évidemment celui qui découle des mesures de confinement et de la fermeture de l’entreprise. Croyons-nous, pour toutes sortes de raisons, que c’est une chose intelligente à faire pour éviter des mesures de confinement aussi sévères que celles adoptées au cours des deux dernières années? Oui, nous le croyons. C’est parce qu’il s’agit d’une question de gens qui vont au travail et de gens qui vont au travail dans le doute.
Cela dit, je sais où vous voulez en venir. Il y aura un coût. Je le comprends. C’est un point sur lequel nous sommes prêts à écouter les intervenants. La mise en œuvre de cette mesure sera cruciale. Nous le savons. Nous essayons de trouver le juste milieu entre agir rapidement et efficacement, ce qui n’est pas une tâche facile, comme je sais que vous en êtes tous conscients. Agir efficacement signifie écouter les intervenants et les personnes sur le terrain. Je suis déterminé à le faire. Les quelques prochains mois seront chargés.
La sénatrice Moodie : Merci. J’ai une petite question complémentaire.
En ce qui concerne la règle des 15 jours pour demander un certificat médical, je suis sûre que vous êtes conscient que cela place le médecin dans la position de devoir documenter sa consultation d’un patient pour pouvoir confirmer qu’elle a eu lieu. Sans cela, le médecin se fie à la parole du patient et il se peut qu’il ne l’ait jamais vu pendant la période où il était malade. Pourquoi prendre la peine d’exiger un certificat médical lorsque le médecin confirme une maladie qu’il n’a pas réellement soignée? C’est juste un point que je tiens à soulever. Je vous remercie de votre réponse.
La présidente : Merci, sénatrice Moodie.
Monsieur le ministre, aimeriez-vous faire une observation?
M. O’Regan : Merci, sénatrice Moodie.
Je m’apprêtais à saluer le commentaire qui est le fruit d’un second examen objectif. Merci.
La présidente : Merci. Vous pouvez compter sur les sénateurs pour cela.
La sénatrice Martin : Je vous remercie, monsieur le ministre.
Je comprends que vous êtes soumis à des contraintes de temps et que vous avez du pain sur la planche. Mes collègues ont posé des questions très pertinentes. Je partage les préoccupations exprimées au sujet des petites entreprises et de toutes les questions auxquelles il faudra s’attaquer. À titre de leader adjointe de l’opposition au Sénat, je me concentre sur les processus et les échéanciers.
Je constate qu’on a accordé cinq minutes à mon collègue le sénateur Dennis Patterson, qui est le porte-parole pour le projet de loi. Je devrais peut-être lui donner mes cinq minutes, mais il aurait besoin de bien plus de temps.
Si j’ai bien compris, Scott Aitchison, le porte-parole à la Chambre, n’a pas encore eu l’occasion de vous rencontrer pour une séance d’information. J’ose espérer que vous ferez l’exercice avec le sénateur Patterson. Le 9, il a été confirmé qu’il agirait à titre de porte-parole. Ma première question porte sur l’importance de tenir une séance d’information pour les porte-paroles et d’accorder plus que cinq minutes de votre temps ou quelques minutes de plus au comité. Puis-je vous demander de confirmer qu’il en sera ainsi pour les porte-paroles des deux Chambres?
M. O’Regan : Oui, sénatrice, je le confirme. Si je ne m’abuse, le personnel de mon cabinet a communiqué avec le bureau du sénateur Patterson pour lui proposer des séances d’information à quelques occasions. Je pense qu’il faut simplement trouver un moment qui convienne au sénateur et qui nous convienne aussi. Ce sera certainement possible.
La sénatrice Martin : Formidable. J’ai bien pensé que ce serait le cas. Je suis ravie.
Maintenant, monsieur le ministre, pour ce qui est du temps, même durant la présente séance, nous avons entendu parler de la possibilité d’amendements. Des amendements seront probablement présentés à la Chambre. Le projet de loi a été renvoyé au comité le 9. Aujourd’hui, nous sommes le 13. C’est vraisemblablement la dernière semaine où nous siégeons, mais il se peut que nous devions siéger une autre semaine.
J’essaie simplement de comprendre. J’estime que nous devrions consacrer beaucoup plus de temps à cet important projet de loi. Il s’agit d’une mesure complexe. Le fait de ne pas examiner attentivement des amendements éventuels et d’autres questions peut avoir des conséquences imprévues. Vous affirmez que l’adoption de cette mesure constitue une priorité pour le gouvernement, mais si je ne m’abuse, au cours de la législature précédente, 36 projets de loi du gouvernement ont été renvoyés au Sénat. Je regarde le calendrier et je me demande comment nous allons arriver à faire notre travail, monsieur le ministre. Le comité est saisi du projet de loi et vous lui demandez d’envisager des amendements alors que c’est la dernière semaine où il siège. Pourriez-vous nous assurer que s’il s’agit effectivement d’une priorité, nous pourrons faire notre travail? Je me demande comment nous y arriverons compte tenu du peu de temps dont nous disposons.
M. O’Regan : Madame la sénatrice, je reconnais et je répète que nous devons à la fois étudier cette mesure de façon efficace et approfondie et tenir compte de l’urgence de la situation. En regardant les manchettes aujourd’hui — quand j’ai eu un moment pour le faire, parce que je me suis occupé de ce dossier toute la journée —, j’ai lu que le premier ministre a fait état de ses préoccupations à l’égard du variant Omicron, notamment parce que le nombre de cas augmente, et que la nature de ce variant est très inquiétante. Il faut tenir compte de ces deux éléments.
Il vaut la peine de souligner que cette mesure législative est l’une des premières que nous présentons. Cela indique de toute évidence que le gouvernement considère qu’il s’agit d’une priorité.
Je signale également que la Chambre des communes a appuyé cette mesure à l’unanimité à l’étape de la deuxième lecture, ce qui n’arrive pas fréquemment, comme vous le savez. J’estime significatif que les députés souscrivent unanimement à cette mesure. Je ne dirais jamais qu’un projet de loi est parfait, mais l’appui qu’il suscite indique certainement que nous comprenons, collectivement, l’importance d’agir aussi rapidement que possible dans ce dossier afin de disposer de tous les outils nécessaires pour protéger les gens, les travailleurs, les entreprises, bref, la société canadienne de l’ensemble des répercussions de ce nouveau variant.
Bref, je me permets de vous rassurer en ajoutant qu’un grand nombre de personnes brillantes travaillent sans relâche cette semaine pour que cette mesure législative soit la meilleure que nous puissions élaborer.
La présidente : Merci, monsieur le ministre.
Le sénateur Kutcher : Je vous remercie d’être ici, monsieur le ministre. À l’instar de la sénatrice Lankin, je souscris à l'intention du projet de loi, et comme elle, je pense qu’il nous incombe d’améliorer les mesures législatives qui nous sont renvoyées. C’est de moi que la sénatrice Lankin parlait au sujet des amendements aux jours de maladie.
Jusqu’ici, je n’ai entendu aucun argument pour justifier l’idée d’exiger un certificat médical. J’avais l’intention d’avancer le même argument que la sénatrice Moodie. Le fait que le certificat médical soit présenté après 15 jours signifie que le travailleur se présente chez le médecin en disant « Docteur, j’ai été malade ». Le médecin lui fait confiance et lui donne une note confirmant à l’employeur que le travailleur a été malade. L’employeur fait confiance au médecin, mais pas au patient. Ce délai de 15 jours est absolument insensé. Je ne vois pas comment on peut le justifier. Je ne vois pas non plus de cas pour lesquels on peut exiger un certificat médical. Quel objectif visait-on en inscrivant cette exigence dans le projet de loi?
M. O’Regan : Sénateur, nous avons ajouté cette exigence au projet de loi pour éviter les abus. Vous dites essentiellement que vous n’êtes pas convaincu que cette exigence soit nécessaire pour éviter les abus. Ai-je bien compris?
Le sénateur Kutcher : Oui, et je crois vous avoir entendu dire plus tôt que d’après les données dont vous disposez, ce n’est pas vraiment un problème. Le nombre de cas d’abus n’est pas élevé. Vous avez cité la belle province de Terre-Neuve à titre d’exemple.
M. O’Regan : Cela peut effectivement induire en erreur.
Le sénateur Kutcher : Bref, j’essaie de comprendre la raison d’être de cette exigence dans le projet de loi.
M. O’Regan : Il y a peut-être d’autres moyens de nous assurer de la légitimité des demandes. Quoi qu’il en soit, j’estime qu’il nous incombe de vérifier — même si dans la majorité des cas il n’y a pas d’abus — que les prestations versées au titre d’un programme gouvernemental que nous avons mis en œuvre servent aux fins pour lesquelles elles ont été prévues et que, s’il y a des gens qui abusent, nous puissions en réduire le nombre. Voilà notre intention. Je ne pense pas qu’il soit possible d’avoir une certitude absolue à ce sujet. Vous soulevez un argument très pertinent en demandant si cette exigence est vraiment nécessaire. Il y a peut-être d’autres mesures que nous pourrions prendre pour réduire les abus, mais je comprends votre point de vue.
Le sénateur Kutcher : Merci beaucoup.
La sénatrice Dasko : Je vous remercie, monsieur le ministre ainsi que les membres de votre équipe d’être ici aujourd’hui.
J’ai un point de vue légèrement différent quant à l’incidence, sur les petites entreprises, de ce que nous avons appris la semaine dernière. Par ailleurs, en écoutant les représentants des petites entreprises qui ont témoigné, j’ai compris que cette mesure aura probablement très peu d’incidence sur elles parce qu’elle s’applique aux industries sous réglementation fédérale qui sont généralement de très grandes sociétés, comme l’ont expliqué les représentants syndicaux qui ont témoigné lors de la dernière séance. Les petites entreprises craignent que les provinces n’emboîtent le pas et n’appliquent la même réglementation. Évidemment, c’est ce que vous cherchez à faire en négociant avec les provinces. En tant que ministre fédéral, vous n’avez qu’un pouvoir de persuasion auprès des provinces. Vous pouvez leur dire qu’il serait formidable qu’elles accordent des jours de maladie. Mais je connais quelques premiers ministres qui répondraient « Je ne pense pas, monsieur le ministre » ou quelque chose du genre.
Cela dit, ma question est complémentaire. Des économistes de grand talent travaillent pour votre ministère; ils ont peut-être la réponse à ma question. À votre avis, si on change les règles et qu’on accorde 10 jours de congé de maladie payé, quelle est l’incidence de cette mesure sur le marché, en termes de forces du marché? D’après l’expérience passée, quand le gouvernement fédéral a pris l’initiative dans des secteurs comme celui-ci, y a-t-il eu une incidence sur les provinces, particulièrement en ce qui concerne les forces du marché? Les sociétés auxquelles s’applique la réglementation fédérale et les autres auxquelles elle ne s’applique pas sont-elles poussées à mettre en place elles aussi de telles mesures à cause des forces du marché? Cette réglementation s’inscrit à l’extérieur du cadre de réglementation provincial. Ma question est un peu alambiquée, mais je la soumets à votre attention.
M. O’Regan : C’est justement pour les questions alambiquées que nous nous entourons de sous-ministres. Je vais permettre à Mme Hassan de répondre à une partie de la question si elle est en mesure de le faire, mais j’aimerais dire une chose. La simplicité d’un énoncé n’enlève rien à sa véracité. L’argument simple qu’on peut avancer — et qui est à l’emporte-pièce, mais qu’il faut répéter — est que le scénario le plus dispendieux et coûteux qui pourrait arriver aux entreprises, c’est de subir un autre confinement. Quelles mesures pouvons-nous prendre, dans la mesure du raisonnable, qui auront aussi l’avantage de renforcer le filet de sécurité sociale dans son ensemble, d’améliorer le sort des travailleurs et de ménager la santé de tous en milieu de travail? Et étant donné le rythme de transmission du virus, et particulièrement le plus récent variant et sa virulence, comment protéger tout le monde?
Si nous pouvons adopter des mesures raisonnables — et je crois que ce projet de loi en est une, et que nous sommes prêts à prévoir des accommodements raisonnables pour qu’il le demeure — celle-là me semble être plein de bon sens. C’est un argument que je ferais valoir aux entreprises canadiennes, peu importe leur taille. Cela dit, je suis conscient que les entreprises de plus petite taille sont plus vulnérables et font souvent plus facilement les frais des changements que les plus grandes sociétés. Il faut aussi être sensible à cette réalité.
Mais, à la base, je reviens toujours à cet argument : le scénario le plus coûteux, la pire situation qui peut arriver — encore une fois surtout aux petites entreprises, pourrait-on avancer — c’est de subir un autre confinement. Sur ce, je cède la parole à ma sous-ministre pour répondre à votre question alambiquée, qui, en toute franchise, ne l’était pas tant que ça.
Mme Hassan : Merci de votre question. De nombreuses industries relevant de la compétence fédérale sont propres au monde fédéral. Bien que certaines sont sous réglementation soit fédérale ou provinciale, comme l’industrie du camionnage, la plupart d’entre elles ne sont pas touchées par une certaine influence des entreprises fédérales se déteignant sur les entreprises provinciales.
Avec votre excellente question, vous cherchez à savoir s’il y aura un ajustement du marché qui motivera les provinces à emboîter le pas. Nous espérons qu’elles suivront cet exemple parce que ce sont les employés qui exercent des pressions; ils verront dans la loi fédérale un modèle, un seuil minimal et des conditions devant être imitées partout au Canada pour donner à tous les employés canadiens ce nombre de journées de maladie, qu’ils travaillent pour une entreprise de compétence fédérale ou provinciale. C’est ce que nous espérons et nous verrons — dans le cadre de nos négociations avec les provinces également — dans quelle mesure nous pourrons faire des percées.
La sénatrice Dasko : Merci.
La présidente : Merci, monsieur le ministre. Nous avons très bien respecté le temps alloué. En fait, il nous reste une minute et des poussières, alors nous allons commencer le deuxième tour de questions en commençant par la sénatrice Bovey.
La sénatrice Bovey : Merci, monsieur le ministre. J’aimerais revenir aux certificats médicaux. On qualifie le Sénat comme étant la chambre de second examen réfléchi en raison des consultations que nous menons. On nous a dit que les médecins n’ont pas le temps de rédiger des certificats médicaux et que les patients ont du mal à trouver des médecins. On nous a aussi dit que les patients doivent souvent — quoique pas dans tous les cas — payer pour obtenir ces certificats. Je pense qu’il faut tenir compte de ces facteurs. Pourquoi exiger des certificats si les employés qui sont atteints de la COVID ont des résultats de tests prouvant qu’ils sont malades?
M. O’Regan : Je réfléchis peut-être à voix haute, mais je pense qu’il faut attribuer du mérite à ceux qui croyaient manifester des symptômes, qui n’ont pas nécessairement attrapé la COVID, mais qui ont fait la bonne chose en prenant des précautions le nombre de jours nécessaires avant de pouvoir passer un test.
La sénatrice Bovey : On peut se faire tester rapidement. Si nous avions plus de tests rapides, je crois que les résultats seraient instantanés, comme on le voit dans d’autres pays.
M. O’Regan : Entendu, mais il y a une période tampon de quelques jours où il faut s’occuper des gens dans cette situation. Je comprends votre point de vue. J’en prends bonne note et, oui, ces facteurs entrent en ligne de compte.
Le sénateur Patterson : J’aimerais remercier ma collègue la sénatrice Martin d’avoir soulevé la séance d’information pour le porte-parole. Je suis content d’avoir l’occasion d’en parler. Ce n’est pas une question, mais j’aimerais dire aux fins du compte rendu que ce qui pose le plus problème avec cette séance pour le porte-parole, c’est qu’elle n’a pas eu lieu — même si j’en ai demandé une jeudi dernier — avant la comparution du ministre ou avant le début de notre étude en comité. Je n’ai pas non plus reçu les réponses à mes questions écrites que j’ai posées pour remplacer la séance d’information. C’est important d’avoir cette information avant que le comité ne commence son travail, mais notre étude préalable est maintenant presque terminée. C’est une pratique bien établie au Sénat : les séances d’information pour les porte-paroles ont lieu avant que le comité commence son travail. Je suis déçu de ne pas y avoir eu droit cette fois-ci, malgré ma demande auprès du bureau du ministre. Ce n’est pas ainsi que nous devrions travailler, et je voulais que la situation figure dans le compte rendu.
M. O’Regan : J’aimerais avoir l’occasion de faire figurer au compte rendu que deux offres ont été présentées au sénateur pour une telle séance d’information. Je ne sais pas exactement ce qui s’est passé.
Le sénateur Patterson : Non, je n’ai pas eu d’offres.
M. O’Regan : Mon bureau a fait deux offres. J’apprécierais que mes dires soient versés au compte rendu, madame la présidente.
Le sénateur Patterson : Permettez-moi d’affirmer que ce n’est pas vrai, monsieur le ministre. Votre bureau a seulement communiqué avec le mien en fin d’après-midi aujourd’hui pour annoncer qu’il n’y avait pas assez de temps pour une séance d’information.
M. O’Regan : J’ai vérifié auprès de mon personnel aujourd’hui, monsieur le sénateur.
La présidente : Merci messieurs. Je crois que le temps est écoulé.
J’aimerais vous remercier, monsieur le ministre et madame Hassan. Vous êtes très occupés, et nous apprécions le temps que vous nous avez consacré. J’aimerais remercier les sénateurs qui ont su poser d’excellentes questions brèves.
Vous allez recevoir un exemplaire de notre étude préalable sous peu. Nous espérons de tout cœur que vous prendrez nos observations et nos commentaires au sérieux. Vous nous avez dit aujourd’hui à quelques reprises que vous êtes ouverts aux suggestions et aux idées. J’ai l’impression que le projet de loi définitif sera différent de celui que nous avons examiné pendant l’étude préliminaire. J’aimerais ajouter ma voix à celle de la sénatrice Martin par rapport aux possibilités et aux échéanciers nécessaires pour cet exercice. Je sais que les Canadiens attendent impatiemment l’adoption de ce projet de loi, mais, de notre côté, nous attendons impatiemment l’adoption du projet de loi dans sa meilleure mouture possible.
Je vous remercie encore une fois de votre temps.
M. O’Regan : Merci beaucoup.
Mme Hassan : Merci de nous avoir invités à participer à votre réunion. Bonne soirée, mesdames et messieurs les sénateurs.
La présidente : Nous allons passer à notre prochain panel. Je remercie les témoins d’être parmi nous à cette heure assez tardive et malgré le court préavis qui a été donné. Nous sommes reconnaissants de pouvoir entendre vos commentaires dont nous avons besoin pour terminer notre étude préalable.
Nos témoins sont, de l’Association des Employeurs des transports et communications de régie fédérale — ou ETCOF —, Derrick Hynes, président et chef de la direction; du Syndicat canadien de la fonction publique, Chandra Pasma, agente principale de recherche; et de Worker’s Action Centre, Deena Ladd, directrice générale.
Chers témoins, vous disposerez comme à l’ordinaire de cinq minutes pour vos présentations. Je vous demanderais de vous en tenir au délai qui vous est imparti. Veuillez conclure si vous me voyez agiter ma main lorsqu’il restera 10 secondes. J’espère que cela nous aidera à respecter le temps alloué et que je n’aurai ainsi pas à vous interrompre.
Monsieur Hynes, vous pouvez commencer.
Derrick Hynes, président et chef de la direction, Association des Employeurs des transports et communications de régie fédérale : Merci, madame la présidente et bonsoir, honorables sénateurs. Je suis ravi d’être parmi vous ce soir pour partager mes commentaires sur le projet de loi C-3.
J’aimerais d’abord vous dire quelques mots sur ETCOF et l’organisation que je représente : ETCOF est la plus importante association d’employeurs dans le secteur privé sous réglementation fédérale. Nos membres sont de grands employeurs, surtout dans les secteurs des transports et des communications. Ils emploient environ 500 000 employés; nous comptons donc dans nos rangs plus de la moitié des travailleurs du secteur privé régi par le fédéral. En termes concrets, nous représentons tous les principaux services de messagerie, compagnies aériennes, ports maritimes, compagnies ferroviaires, sociétés de télécommunications ainsi que certaines autres entreprises. Il s’agit surtout de grands employeurs, et la majorité d’entre eux sont fortement syndiqués.
D’emblée, j’aimerais dire que nos membres n’ont pas d’arguments précis contre l’esprit du projet de loi. Nous reconnaissons qu’il incarne un engagement que le gouvernement a promis en campagne électorale. Nous sommes aussi conscients que, dans les circonstances exceptionnelles de la pandémie mondiale, les congés de maladie sont de toute évidence importants. Par contre, nous croyons que le projet de loi contient une erreur pernicieuse qui, si elle n’est pas corrigée, entraînera des conflits en milieu de travail qui auraient pu être évités. Je vais donner plus de détails à ce sujet plus tard dans mon intervention.
La plupart des employeurs que nous représentons — voire chacun d’entre eux — ont déjà des régimes de congés avantageux pour les situations où un employé est malade et ne peut travailler. Dans les organisations syndiquées, qui représentent la majorité de nos membres, ces dispositions ont été négociées de plein gré entre les parties au fil de décennies de négociations collectives.
Nous croyons — et je pense qu’il l’a confirmé pendant sa présentation un peu plus tôt — que le ministre n’a pas l’intention de s’ingérer dans ces ententes existantes, c’est-à-dire qu’il ne permettra pas aux employés d’accumuler ces 10 jours de congé de maladie payé en plus des crédits de congés actuels si un employeur peut démontrer que les avantages sociaux offerts sont au moins égaux ou plus avantageux pour les employés. Nous avons tous entendu le ministre affirmer plus tôt que les dispositions du projet de loi proposent un seuil minimal qui ne serait pas voué à être accumulé.
Toutefois, le projet de loi est muet à ce sujet, ce qui, selon nous, représente une grave erreur dans le libellé. À notre avis, on pourrait croire que les dispositions signifient que les congés peuvent être accumulés en plus d’autres types de congé, ce qui entraînera malheureusement des conflits en milieu de travail. C’est inéluctable. Rien dans le projet de loi n’empêche une telle accumulation. Dans la partie du Code canadien du travail qui mentionne les droits ou les avantages supérieurs, ces dispositions ne s’appliquent pas. Par conséquent, on pourrait comprendre que l’accumulation est permise.
Cela dit, nous croyons que le projet de loi est lacunaire et pourrait être amélioré de trois façons, et il me fera plaisir d’en discuter pendant la période de questions. Je vais vous donner les grandes lignes de nos recommandations.
Tout d’abord, le projet de loi doit être amendé en y ajoutant une référence explicite qui garantit que, lorsqu’un employeur offre un droit ou un avantage supérieur, les nouvelles dispositions sur les congés de maladie ne s’appliquent pas.
Deuxièmement, il faut que, conformément aux autres dispositions du code — comme les jours de congé personnel payé, le congé familial payé, le congé pour violence payé, le congé de décès payé —, tout nouvel employé attende trois mois pour être admissible à cet avantage payé.
Troisièmement, nous demandons que soit clarifié le dernier article du projet de loi qui mentionne de futures consultations réglementaires auprès des parties prenantes en ajoutant du texte qui accordera au gouvernement, lorsqu’approprié, un pouvoir réglementaire d’exempter des catégories d’emploi ou d’industrie de cette exigence en raison de leurs pratiques d’emploi.
Pour chacune de ces suggestions, il fera plaisir à ETCOF de fournir à votre comité des libellés précis qui, selon nous, devraient servir à amender et améliorer le projet de loi. Nous jugeons que nos recommandations sont raisonnables et en complète harmonie avec l’intention du gouvernement d’intégrer des congés de maladie payés dans le secteur privé sous réglementation fédérale.
Voilà mes commentaires. Je serai ravi de répondre à vos questions.
Chandra Pasma, agente principale de recherche, Syndicat canadien de la fonction publique : Merci, et bonsoir.
Je suis ravie de me joindre à vous ce soir depuis les territoires non cédés des Algonquins et Anishinabes pour parler du projet de loi C-3 au nom des 700 000 membres du Syndicat canadien de la fonction publique.
Le SCFP s’est battu farouchement tout au long de la pandémie, et même avant, pour que tous les travailleurs aient droit à des congés de maladie payés. Nous sommes donc très heureux de voir que le gouvernement du Canada propose des congés de maladie payés pour tous les travailleurs qui relèvent de la compétence fédérale, et nous espérons que les gouvernements provinciaux et territoriaux emboîteront le pas. Toutefois, nous avons des réserves quant à la façon dont certains éléments du projet de loi C-3 limiteront l’accès aux congés de maladie payés.
Premièrement, nous sommes préoccupés par le modèle d’accumulation mensuelle, en l’absence d’un report avantageux, parce que les travailleurs doivent attendre 11 mois avant d’obtenir réellement 10 jours de congé de maladie payé, ce qui rend aussi leur utilisation beaucoup plus difficile lorsque les employés en ont le plus besoin. Par exemple, si le projet de loi C-3 devait entrer en vigueur avant le 1er janvier 2022, il faudrait tout de même attendre jusqu’en novembre 2022 pour que les travailleurs aient effectivement 10 jours de congé de maladie payé. Cela signifie qu’un travailleur qui tombe malade en février prochain n’aura qu’un seul jour de congé de maladie payé, et ce, uniquement s’il a travaillé tout le mois de janvier. Les travailleurs embauchés en janvier n’auront toujours pas de congé de maladie payé.
Par ailleurs, étant donné que les 10 jours de congé de maladie payé doivent être accumulés d’un mois à l’autre chaque année et que tout congé reporté de l’année précédente est soustrait du nombre maximal de congés pouvant être acquis dans l’année en cours, les travailleurs sont forcés de prendre une décision difficile. Soit ils se retrouvent sans aucun congé de maladie payé à leur disposition en janvier, soit ils doivent faire attention de ne pas utiliser tous leurs congés de maladie chaque année afin de pouvoir reporter quelques jours à la haute saison du rhume et de la grippe entre janvier et mars. Le SCFP vous exhorte à amender le projet de loi C-3 pour accorder à tous les travailleurs un total annuel de 10 jours de congé de maladie payé, au lieu d’une attribution mensuelle. Ce total devrait être disponible dès l’embauche ou après une très brève période de probation.
Notre deuxième préoccupation concerne le droit des employeurs d’exiger un certificat médical, même pour une seule journée de congé de maladie. Les médecins ont dit très clairement que les billets médicaux ne constituent pas une utilisation appropriée des ressources en matière de soins de santé, ce qui soulève de graves inquiétudes à un moment où notre système de santé est déjà mis à rude épreuve. De plus, cela expose les gens à d’autres maladies infectieuses en les obligeant à se présenter dans un établissement de santé alors que leur maladie ne nécessite pas vraiment de traitement médical.
Cette exigence constitue également un obstacle qui empêche les travailleurs de se prévaloir de leurs congés de maladie payés. Tout d’abord, ce ne sont pas tous les travailleurs qui ont un médecin de famille. Selon les données les plus récentes de Statistique Canada, 4,6 millions de Canadiens n’ont pas de fournisseur habituel de soins de santé primaires. Parmi les Canadiens qui en ont un, moins de 40 % ont déclaré pouvoir obtenir un rendez-vous chez leur médecin le jour même ou le lendemain, et ce, avant la pandémie. Une proportion importante de travailleurs devront donc prendre congé plus tard pour se présenter à un rendez-vous chez le médecin afin d’obtenir une note attestant qu’ils ont été atteints d’une maladie que le médecin n’est même pas en mesure de vérifier. Ensuite, comme les certificats médicaux ne sont pas couverts par les régimes provinciaux d’assurance-maladie, les médecins dans certaines provinces sont autorisés à facturer des frais allant jusqu’à 30 $ par billet médical. Un travailleur au salaire minimum pourrait se voir facturer le tiers de son salaire quotidien ou plus pour obtenir un billet médical, en plus des frais de transport et de stationnement. Voilà qui dissuade sérieusement les gens de prendre une journée de congé de maladie. Le SCFP recommande fortement que cette disposition soit entièrement retirée du projet de loi.
Le dernier aspect qui nous préoccupe est la disposition permettant aux employeurs d’exiger que le congé soit pris par tranches d’au moins une journée. Cela signifie que la personne qui se présente au travail en se sentant bien, mais qui développe de la fièvre ou un mal de gorge en cours de journée, aura intérêt à terminer son quart de travail, infectant potentiellement ses collègues et la clientèle de l’employeur, parce qu’en rentrant plus tôt à la maison, elle perdra une journée entière de congé de maladie payé. Or, on sait que pour sortir de cette pandémie, il faudra entre autres permettre aux gens de rester à la maison ou d’y retourner lorsqu’ils sont malades. Cette disposition va dans le sens contraire. Nous recommandons de la modifier pour permettre aux travailleurs de prendre des congés de maladie par tranches plus petites, même par tranches d’une demi-journée, ou de supprimer complètement la deuxième moitié du paragraphe 1.5 qui est proposé.
En conclusion, le SCFP appuie fermement l’objectif du projet de loi, qui est de donner aux travailleurs sous réglementation fédérale 10 jours de congé de maladie payé, et nous espérons que le projet de loi sera rapidement adopté et mis en œuvre, mais nous vous encourageons également à apporter ces trois amendements, qui feront en sorte que les travailleurs bénéficient d’un véritable accès à ces congés de maladie payés.
Deena Ladd, directrice générale, Workers’ Action Centre : Le Workers’ Action Centre œuvre auprès de travailleurs non syndiqués, qu’il s’agisse de travailleurs contractuels, temporaires, à temps partiel ou d’entrepreneurs indépendants qui sont généralement mal classifiés. Nous intervenons également auprès d’un large éventail de travailleurs qui sont de nouveaux arrivants, des immigrants, des migrants, des femmes et des travailleurs racialisés. Bon nombre des travailleurs que nous soutenons occupent des emplois précaires et ont peu accès aux prestations de santé et aux congés de maladie payés.
J’aimerais remercier le comité de me donner l’occasion de parler du projet de loi C-3, qui permettrait d’accorder 10 jours de congé de maladie payé aux travailleurs sous réglementation fédérale.
Je pense qu’une politique efficace en matière de congés de maladie est essentielle à la santé et au bien-être des travailleurs, en particulier des travailleurs que nous représentons. La possibilité de prendre des congés sans perdre de salaire est l’une des questions les plus importantes auxquelles font face les travailleurs que nous soutenons. Perdre une journée de salaire, c’est se priver de nourriture ou de l’argent nécessaire pour prendre soin de sa famille — on ne parle pas de luxe, mais simplement de besoins fondamentaux de la vie quotidienne. Bon nombre des travailleurs que nous appuyons n’ont pas accès à des prestations de santé, de sorte que leur seule solution, c’est de rester à la maison. Ils n’ont certainement pas d’argent pour se procurer des médicaments d’ordonnance, ce qui m’amène au premier amendement important à apporter au projet de loi C-3.
Les travailleurs ont besoin de leurs congés de maladie payés dès maintenant. Comme nous le savons, personne n’est à l’abri de la grippe, de la COVID ou de toute autre maladie. Ce n’est pas comme si les virus choisissaient de ne pas infecter les gens qui n’ont pas accumulé suffisamment de congés de maladie au mois de janvier. Les maladies ne se soucient pas de savoir si la personne occupe son emploi depuis peu, si elle travaille dans un domaine où elle est davantage exposée à des maladies ou si elle souffre d’une immunodéficience. Selon la version actuelle du projet de loi C-3, les employés accumulent un congé au début de chaque mois. Cela n’a pas de bon sens. Aucun travailleur ne peut prévoir de contracter la grippe intestinale en avril, de sorte qu’il puisse au moins rester à la maison pendant trois jours et éviter d’infecter d’autres personnes sur son lieu de travail. C’est totalement absurde d’un point de vue médical, et cela va à l’encontre de la raison pour laquelle les nouveaux congés de maladie payés sont instaurés. À notre avis, il est essentiel que le projet de loi C-3 soit amendé afin de permettre un accès complet et immédiat aux 10 jours de congé de maladie payé.
Le deuxième amendement dont j’aimerais parler concerne la possibilité pour un employeur d’exiger que son employé lui remette un certificat médical. Bon nombre des travailleurs que nous appuyons n’ont pas les moyens de payer les 40 ou 50 $ — et nous avons même entendu parler de 100 $ — qui sont parfois facturés pour un certificat médical, ce qui est absolument ridicule. En plus d’être malades, ils doivent trouver un moyen de payer un billet médical, d’en obtenir un et même de se rendre chez le médecin. De nombreux travailleurs à bas salaire n’ont pas de médecin de famille, et leurs seules options consistent donc à trouver une clinique sans rendez-vous ou à se présenter aux urgences. Cela n’a absolument aucun sens, et ce n’est bon pour personne. La dernière chose dont on a besoin, c’est qu’une personne grippée emprunte les transports en commun ou se rende dans des lieux où d’autres personnes sont malades ou ont des problèmes de santé, et qu’elle risque d’infecter les autres. Les membres du milieu médical s’accordent largement à dire que les congés de maladie sont un fardeau pour le système de santé, que les professionnels de la santé ont déjà suffisamment à faire sans ce fardeau et que forcer les travailleurs à entrer dans des espaces publics lorsqu’ils sont malades ajoute des risques inutiles pour la santé publique.
Lorsque le gouvernement libéral de l’Ontario a déposé le projet de loi 148, Loi pour l’équité en milieu de travail et de meilleurs emplois, qui prévoyait 10 jours de congé pour urgence personnelle, il a fini par supprimer la disposition permettant aux employeurs d’exiger un certificat de la part d’un praticien de la santé qualifié. De plus, les travailleurs ont eu immédiatement accès aux 10 jours de congé personnel. On permettait ainsi à 1,5 million de personnes de se prévaloir de ces nouveaux congés parce qu’elles travaillaient pour des entreprises employant moins de 50 personnes. Nous n’avons constaté aucun cas d’abus et, en fait, cela a en quelque sorte allégé le fardeau lié aux congés de maladie payés. Au lieu de s’inquiéter des abus, les décideurs devraient s’efforcer d’assurer une accessibilité sans heurt. Les travailleurs sont plus susceptibles de ne pas utiliser les congés de maladie payés nécessaires que d’en faire un usage abusif parce que ces congés ne sont pas facilement accessibles.
Il y a déjà suffisamment de pression sur les travailleurs pour qu’ils viennent travailler. Je pense donc qu’il est vraiment essentiel que nous examinions la Prestation canadienne de maladie pour la relance économique, ou PCMRE, et même le programme provincial qui a été mis en place par le gouvernement de l’Ontario. La participation à ces programmes a été plus faible que prévu en raison des obstacles à l’accès, ce qui a été clairement démontré. En tant que défenseurs des travailleurs, nous voulons qu’ils bénéficient des avantages prévus de cette politique, c’est-à-dire la possibilité de rester à la maison en ayant un accès facile à ces congés, sans perdre un revenu essentiel. Nous vous demandons donc de retirer complètement du projet de loi C-3 la disposition qui permet aux employeurs d’exiger un certificat médical.
Merci beaucoup.
La présidente : Nous allons passer aux questions des sénateurs, et nous connaissons tous la façon de procéder : chaque intervenant aura cinq minutes pour poser ses questions et entendre les réponses.
Permettez-moi d’abord de poser une très brève question à M. Hynes. Monsieur Hynes, vous avez entendu les observations de Deena Ladd et de Chandra Pasma, et nous avons entendu celles d’autres témoins. J’aimerais savoir ce que vous pensez, en tant que président et chef de la direction d’ETCOF, de la proposition selon laquelle tous les travailleurs devraient obtenir leurs congés de maladie payés selon une distribution annuelle, plutôt que selon le modèle cumulatif proposé dans le projet de loi.
M. Hynes : Je dois dire que je n’ai pas de réponse à votre question parce que nous n’en avons pas vraiment discuté avec nos membres, étant donné ce qui était prévu dans le projet de loi tel quel. Le libellé utilisé dans le projet de loi, à savoir l’accumulation d’un jour par mois jusqu’à concurrence de 10 jours, était acceptable pour les employeurs. La contre-proposition dont il est question ici n’est pas une solution que nous avons envisagée.
Comme je l’ai dit dans mon exposé, la plupart de nos membres, sinon tous, offrent déjà des avantages qui respectent ou dépassent ce qui est exigé par cette mesure législative. Donc, à bien des égards, votre question pourrait ne pas s’appliquer à nos membres.
La présidente : Je vous remercie. Nous allons passer à notre première intervenante : la sénatrice Bovey, vice-présidente du comité et sénatrice du Manitoba.
La sénatrice Bovey : Je tiens à remercier tous les témoins, et je leur suis reconnaissante de nous avoir éclairés.
Étant donné les discussions que nous avons déjà eues sur l’accumulation et les certificats médicaux, je ne vais pas m’aventurer de nouveau sur ce terrain.
Si je comprends bien, les secteurs sous réglementation fédérale et les sociétés d’État fédérales représentent environ 6 % de tous les employés du Canada, et j’aimerais savoir quel pourcentage de travailleurs, parmi ces 6 %, sont effectivement syndiqués et quel pourcentage d’entre eux ne le sont pas. Parmi ceux qui le sont, vous avez dit, monsieur Hynes, que la plupart de vos membres ont accès à de meilleurs avantages que ce qui est prévu dans le projet de loi. Est-ce vrai pour tous les travailleurs syndiqués qui seront touchés par cette mesure législative?
Ma deuxième et dernière question sera la suivante : avez-vous tous été consultés lors de l’élaboration du projet de loi?
M. Hynes : Est-ce à moi que vous posez la question?
La sénatrice Bovey : J’aimerais obtenir une brève réponse de chacun d’entre vous, si possible. Oui, monsieur Hynes, vous pouvez commencer. Merci.
M. Hynes : Nous n’avons pas été consultés au sujet du projet de loi, mais ce n’est pas une surprise puisque cette mesure législative était clairement inscrite dans le programme électoral du gouvernement actuel. Il n’est donc pas étonnant que le projet de loi soit adopté dans les 100 premiers jours de son mandat.
En ce qui concerne votre autre question, je n’ai pas de statistiques à portée de main sur le taux de syndicalisation dans le secteur privé sous réglementation fédérale, mais je dirai que parmi nos membres — et notre syndicat englobe environ la moitié des travailleurs du secteur privé sous réglementation fédérale —, la plupart sont des organisations syndiquées. Les syndicats et les employeurs ont négocié des dispositions pour tenir compte des congés de maladie dans leur propre contexte. Je dirais que chaque solution est unique. Il ne s’agit pas toujours de « congés de maladie payés ». Il peut y avoir des régimes d’assurance-invalidité de courte durée auxquels les employés peuvent recourir après avoir accumulé un certain nombre de jours de congé de maladie.
Nos membres diraient qu’ils ont un régime qui respecte, voire dépasse les exigences de cette mesure législative. C’est pourquoi nous croyons que le projet de loi doit apporter cette précision et permettre à ces employeurs d’être exemptés de ces dispositions.
La sénatrice Bovey : Madame Pasma, voulez-vous ajouter quelque chose et, ensuite, madame Ladd?
Mme Pasma : Merci, madame la sénatrice. Le SCFP n’a pas, lui non plus, été consulté au sujet du projet de loi, mais nous n’avons jamais caché notre soutien à l’égard des congés de maladie payés au cours de la pandémie et même avant.
Je ne suis pas non plus certaine des statistiques sur la proportion de la main-d’œuvre sous réglementation fédérale qui est syndiquée, mais je tiens à souligner que même lorsque les travailleurs sont syndiqués, cela ne signifie pas nécessairement qu’ils ont accès à tous les avantages prévus dans leur convention collective. C’est particulièrement le cas pour les employés temporaires et occasionnels, comme l’a signalé la semaine dernière Bea Bruske, présidente du Congrès du travail du Canada. Voilà pourquoi il est si important d’avoir une réglementation comme celle-ci qui établit un point de référence pour tous les travailleurs afin que les travailleurs non syndiqués et les travailleurs temporaires et occasionnels, qui sont parfois exclus des avantages d’une convention collective, parviennent tout de même à se prévaloir de congés de maladie payés. Comme Mme Ladd l’a mentionné, la COVID et la grippe ne se soucient pas vraiment de savoir si vous faites partie ou non des travailleurs qui sont visés par les dispositions.
Mme Ladd : C’est 65 % des travailleurs sous réglementation fédérale qui sont non syndiqués, ce qui veut dire que 35 % sont syndiqués. Je n’ai pas été consultée mais, absolument, les congés de maladie payés ont été une énorme priorité pour notre organisme. Je pense que nous devons noter, comme Mme Pasma l’a mentionné, que l’augmentation des emplois précaires — ce qui concerne de nombreux emplois sous réglementation fédérale — signifie que nous sommes témoins d’une détérioration croissante des salaires et des conditions de travail, dont l’accès aux avantages sociaux. Merci.
M. Hynes : Puis-je ajouter quelque chose? Le fait d’être non syndiqué ne signifie pas qu’un employé n’a pas accès à des avantages comme celui-là. Nous avons des membres qui sont de grands employeurs et qui offrent des dispositions importantes en matière de congés de maladie à leurs employés, dont la plupart ne sont pas syndiqués.
La sénatrice Bovey : J’en prends bonne note, et je vous remercie d’avoir souligné ce point.
Madame la présidente, je vais céder le reste de mon temps de parole.
Le sénateur Patterson : Distingués collègues, avant de poser ma question, j’aimerais revenir sur ce segment du dernier groupe d’experts où j’ai osé discuter de certains faits avec le ministre. Son bureau a maintenant clarifié que les deux séances d’information auxquelles il faisait référence et dont il a dit qu’elles m’avaient été offertes étaient les séances d’information technique du 26 novembre à l’intention de tous les parlementaires et la séance d’information du 6 décembre qui s’adressait aux sénateurs. Ces séances ne sont pas l’équivalent d’une séance d’information à titre de porte-parole. Une séance d’information à titre de porte-parole n’est pas la même chose qu’une séance d’information technique. Elles ont toujours eu lieu séparément, et ce, avant la comparution du ministre et les travaux du comité. Je veux simplement m’assurer que cela soit rapporté correctement dans le compte rendu.
Ma question s’adresse à M. Hynes. Vous avez soulevé une question importante au sujet des droits cumulables concernant ces 10 jours de base pour les congés de maladie. Je comprends que vous pensez que les assurances que vient de donner le ministre ne sont pas suffisantes. J’aimerais savoir si vous avez verbalisé cette préoccupation et si vous avez envoyé vos trois propositions de modification au gouvernement. Dans l’affirmative, quelle réponse avez-vous reçue? Je vous remercie.
M. Hynes : Oui, j’ai soulevé ces préoccupations. Oui, j’ai relayé ouvertement nos renseignements. Ils ne sont aucunement confidentiels. Nous cherchons toujours à être aussi ouverts, transparents et constructifs dans le processus.
Je crois que le ministre et son équipe ont été très clairs. Il l’a confirmé plus tôt dans la soirée : ils n’ont pas l’intention de faire en sorte que cette disposition soit une chose cumulable. Nous pensons — et nos avocats nous soutiennent sur ce point — que le fait qu’il n’y ait pas de référence explicite à cet égard dans la mesure législative signifie que la disposition sera probablement interprétée comme étant quelque chose de cumulable. C’est l’amendement le plus facile à faire au monde : l’ajout d’une phrase au projet de loi qui permettrait d’éviter un conflit inévitable dans les situations où les grands employeurs offrent déjà un avantage qui satisfait ou dépasse cette norme.
Le sénateur Patterson : Merci de votre réponse.
Voici ma deuxième question. Nous venons d’entendre le ministre dire qu’il est ouvert à l’idée de modifier ce projet de loi pour répondre aux préoccupations soulevées par d’autres intervenants, comme la demande de supprimer l’exigence de fournir un certificat médical. Je note qu’aux termes de l’article 206.6(4) du Code du travail, un employeur peut demander par écrit à un employé de fournir des documents justificatifs dans les 15 jours après le retour d’un congé personnel. Je pense que cela peut probablement être fait par un appel téléphonique ou autrement. Seriez-vous d’accord que le gouvernement supprime les dispositions qui permettent aux employeurs de demander des certificats médicaux?
M. Hynes : De façon générale, je dirais non, ce qui fera de moi la voix de l’opposition à ce que je crois être un soutien bien appuyé quant à la suppression de cette disposition.
Je dirais que parmi nos membres, les grands employeurs n’exigent pas de certificats médicaux pour les employés qui prennent un, deux ou trois jours de congé de maladie. Ces dispositions ont pour fonction d’intercepter les gens qui abusent de ce privilège. Ces congés sont censés servir de filet de sécurité. On ne doit pas les utiliser sur une base régulière. Le Code a été modifié, il y a quelques années, je crois, pour élargir la définition de professionnel de la santé. Il n’est plus nécessaire que ce soit nécessairement un médecin.
Je comprends tout à fait les observations formulées ce soir sur le fait qu’il est difficile d’obtenir ces certificats. Ce que les employeurs aiment dans cette possibilité d’exiger un certificat médical, c’est que cela vient en quelque sorte contrecarrer les comportements inappropriés sur le lieu de travail, bien que cela ne soit pas la norme. Je suis d’accord avec tout ce qui a été dit ce soir, à savoir que la plupart des employés sont honnêtes et francs, et qu’ils ne prendront un congé de maladie que s’ils en ont vraiment besoin. Tous les employeurs souhaitent que ce soit effectivement le cas. La fonction de cette mesure est bel et bien de servir de filet de sécurité.
Le sénateur Patterson : Merci, monsieur Hynes. Si je vous comprends bien, vous dites que les employeurs n’ont pas besoin de demander le certificat médical et qu’en fait, ils ne le demandent pas toujours. Ce recours ne doit être utilisé que dans certaines circonstances plus rares. Est-ce exact?
M. Hynes : Je ne peux pas parler pour tous les employeurs, mais ce que je peux dire en fonction des circonstances dans lesquelles les grands employeurs évoluent, c’est que je ne crois pas que ces certificats sont systématiquement demandés pour des congés de maladie de courte durée. Je crois que ces demandes sont utilisées comme filet de sécurité pour exposer les mauvais plis et les cas d’abus.
Le sénateur Patterson : Merci beaucoup.
La sénatrice Lankin : Ma première question s’adressait à M. Hynes et à Mme Pasma, mais je crois qu’ils ont tous deux répondu à ma question.
Monsieur Hynes, seriez-vous prêt à faire circuler les amendements dont vous avez parlé et à les fournir au greffier du comité pour que les sénateurs puissent les voir? Ce serait formidable.
Je vais poser ma question à Mme Ladd. Vous avez parlé des travailleurs que vous représentez et de nombreuses catégories différentes. Vous avez aussi abordé la question de l’augmentation du nombre. Je crois que vous y avez fait référence en parlant de travailleurs mal classifiés.
Le comité devant lequel vous vous trouvez envisagera éventuellement la possibilité de procéder à une étude approfondie sur l’avenir des travailleurs de l’économie des petits boulots, et je pense que l’une des choses qui nous intéressent et nous préoccupent est l’accès aux avantages sociaux. Pour ce qui est de cette mesure législative et des employés mal classifiés qui sont désignés — disons, à tort — comme entrepreneurs indépendants alors qu’ils sont en fait des employés, comment ce projet de loi aiderait-il ces travailleurs à accéder aux avantages, et dans ce cas, aux congés de maladie?
Mme Ladd : Je pense que ce que nous voyons au Workers’ Action Centre — et ce dont s’occupent de nombreuses cliniques juridiques —, ce sont surtout des camionneurs qui sont classifiés à tort comme des entrepreneurs indépendants. Or, lorsqu’ils suivent le processus ou contestent les questions entourant le statut de leurs réclamations, nous gagnons parce qu’il s’agit très clairement d’une classification erronée. Pour ces travailleurs, une mesure législative comme celle-là, qui permet aux travailleurs d’avoir accès à des congés de maladie payés, est absolument essentielle, car ces travailleurs n’ont rien. D’une certaine manière, ils ne font que demander à ce qu’on les classifie comme employés et qu’on leur donne accès à des choses comme le salaire minimum. Ce faisant, ils veulent aussi s’assurer que des déductions illégales ne sont pas prélevées de leur paie et qu’il n’y aura pas de problèmes de vol de salaire.
Il s’agit d’avoir la possibilité de bénéficier de jours de congé de maladie payé, surtout si l’on pense au genre de travail éreintant que représente le fait de conduire pendant deux semaines à travers le pays ou aux États-Unis pour faire des livraisons. À long terme, ce genre de travail peut donner lieu à des problèmes de santé et à toutes sortes de conséquences sur le plan physique. C’est un enjeu qui va devenir vraiment névralgique pour eux, mais comme vous l’avez noté, les classifications erronées sont aussi un énorme problème. J’attends avec impatience tout ce qui pourrait être fait pour fournir un cadre législatif très clair à ces enjeux, comme ce que nous demandons en Ontario, et pour veiller à ce que ce soit l’employeur qui soit tenu de démontrer que le travailleur n’est pas considéré comme étant un employé ou l’inverse. Cela va être vraiment déterminant.
L’Agence du revenu du Canada a des lignes directrices très rigoureuses lorsqu’il s’agit d’établir si un travailleur est un employé ou non, et nous devons nous assurer que c’est également le cas au niveau fédéral.
La sénatrice Lankin : D’accord. Merci beaucoup, madame Ladd.
Merci, monsieur le président, s’il me reste du temps...
La présidente : Il vous en reste, sénatrice Lankin, mais nous entendons un bruit de fond venant de votre côté, alors nous pourrions peut-être régler cela aussi. Il vous reste effectivement une minute et des poussières.
Le sénateur Harder : Merci à nos témoins.
J’aimerais approfondir un peu la question de l’accumulation. Vous avez entendu les observations que nous avons formulées collectivement à l’endroit du ministre et concernant les questions qui ont été posées à ce sujet. Vous avez compris que le comité a une certaine sympathie à cet égard. Je voudrais d’abord m’adresser à Mme Pasma, puis obtenir la réaction de M. Hynes.
Madame Pasma, je suis frappé et intrigué par le commentaire que vous avez fait à savoir que vous seriez favorable à une brève période de probation. Dans ses observations, M. Hynes a parlé d’autres avantages associés à une période probatoire de trois mois. Quelle est votre définition d’une brève période probatoire? Et monsieur Hynes, j’aimerais avoir votre avis sur la réponse de Mme Pasma afin de voir si nous pourrions arriver à un consensus au sujet de ce qui serait approprié.
Mme Pasma : Merci de cette question, monsieur le sénateur. Selon moi, une brève période probatoire serait de deux semaines. Nous avons déjà entendu la comparaison avec d’autres avantages, mais il y a une grande différence entre un congé de maladie payé et le fait d’aller voir son dentiste, par exemple. Non pas que je recommande de vivre avec un mal de dents pendant trois mois, mais cela pourrait se faire, alors que si vous avez la COVID, vous devez prendre un congé sur-le-champ. Comme les travailleurs pourraient tomber malades n’importe quand au cours de ces trois mois et que, le cas échéant, nous aurions vraiment besoin qu’ils restent à la maison, il n’est pas logique de les faire attendre jusqu’au bout des trois mois pour obtenir ce congé. Ils en ont besoin dès qu’ils tombent malades.
C’est pourquoi je recommande qu’il n’y ait pas de période probatoire du tout. Or, s’il devait absolument y en avoir une — si les employeurs sont vraiment terrifiés à l’idée que les gens s’inscrivent à un nouvel emploi et ne se présentent pas dès leur premier jour —, alors faites en sorte qu’elle soit très courte — deux semaines, par exemple.
M. Hynes : Je ne veux pas essayer de m’engager dans une discussion sur la gradation de la gravité des maladies, car c’est indubitablement un argument que je vais perdre si la COVID est l’ennemie numéro un. Aux termes du code, trois mois, c’est la norme pour n’importe laquelle des dispositions de ce type. C’est la norme pour de multiples dispositions où un employé doit acquérir une certaine ancienneté chez l’employeur avant d’avoir droit à des avantages comme celui-là. Je ne vois pas pourquoi ce serait différent dans ces circonstances.
La présidente : Avez-vous votre réponse, sénateur Harder? Avez-vous une autre question?
Le sénateur Harder : Je n’ai pas mon consensus, mais j’ai ma réponse.
La présidente : Madame Ladd, voulez-vous commenter la question précédente? Nous avons le temps.
Mme Ladd : Oui, je veux bien, madame la présidente. J’aimerais simplement mentionner qu’avec le projet de loi 148 de l’Ontario, les congés de maladie étaient immédiatement disponibles pour les travailleurs. Il est essentiel de comprendre à quel point il est nécessaire d’y avoir accès pendant une pandémie.
Au Workers’ Action Centre, nous gérons une ligne d’écoute téléphonique. Or, pendant la pandémie, de nombreux travailleurs nous ont contactés pour nous rapporter qu’ils étaient arrivés sur des lieux de travail où de sérieuses éclosions de COVID-19 s’étaient produites, et des situations où ils avaient littéralement découvert lors de leur premier ou deuxième jour en poste qu’il y avait une épidémie de COVID en cours sur leur lieu de travail, mais où les employeurs soutenaient qu’ils avaient besoin de travailleurs sur place. Les travailleurs ne savent pas dans quoi ils s’engagent, surtout s’ils vont dans des endroits où il y a eu des problèmes de santé. Nous voulons que les travailleurs soient en sécurité dès le premier jour, surtout en cas de pandémie. Il est vraiment essentiel que nous veillions à ce que les travailleurs aient la possibilité de ne pas se rendre au travail s’ils commencent à ressentir des symptômes, lorsqu’ils se rendent compte qu’ils sont dans cette situation. Je tenais à le mentionner. C’était un énorme problème qui revenait fréquemment sur nos lignes d’écoute téléphonique. La situation pourrait devenir assez préoccupante si vous ne permettez pas aux travailleurs d’y avoir accès dès qu’ils commencent un emploi.
Le sénateur Kutcher : Merci à tous les membres du groupe d’experts.
Ma question s’adresse à Mme Ladd. Vous avez parlé de la loi de l’Ontario, et vous nous l’avez joliment décrite. Je n’ai pas bien compris si vous avez dit que cette loi avait ouvert la porte à des abus. Nous avons entendu parler des inquiétudes quant aux abus potentiels soulevés par les employeurs, de cette dynamique où les travailleurs en profiteraient et où il faudrait par conséquent exiger des certificats médicaux. Pourriez-vous nous préciser ce qui s’est passé en Ontario concernant ces cas d’abus ou nous parler des préoccupations au sujet des abus potentiels?
Mme Ladd : À vrai dire, il n’y a pas eu de cas d’abus. Ce qui était vraiment remarquable à propos du projet de loi 148, qui a été en vigueur pendant environ un an, c’est qu’avant lui, si vous étiez dans un lieu de travail comptant moins de 50 employés, vous n’étiez même pas autorisé à prendre un jour de congé sans solde sans risque de perte d’emploi. Essentiellement, le projet de loi 148 a permis à 1,5 million de personnes de plus de prendre un jour de congé sans solde sans risque de perte d’emploi si elles étaient malades. Au cours de l’année 2018, 1,5 million de travailleurs de plus ont eu accès à ce congé sans solde sans risque de perte d’emploi, et pour la première fois, les travailleurs ont eu deux jours de congé de maladie payé. En Ontario, nous avons 6 millions de travailleurs qui comptent sur la protection de la Loi sur les normes d’emploi.
D’après les recherches que nous avons effectuées et les conversations que nous avons eues en cours d’année avec des travailleurs et même avec des employeurs, il n’y a absolument pas eu d’abus. En fait, les travailleurs ont pris leur congé lorsqu’ils en avaient besoin, et nous n’avons pas entendu parler de problèmes d’abus du tout. Que ce soit à San Francisco, à New York, à Seattle, etc., où il y a plusieurs jours de congé de maladie payé — San Francisco en a neuf et la ville de New York en a beaucoup elle aussi —, nombre d’études ont montré que les problèmes d’abus n’existent tout simplement pas. Les travailleurs prennent les congés dont ils ont besoin. La recherche et les données probantes montrent que ce n’est pas un problème.
Nous devrions examiner les données probantes et prendre nos décisions en fonction de celles-ci. Merci.
Le sénateur Kutcher : Merci beaucoup.
La sénatrice Martin : Merci à tous les témoins. On voit tout de suite l’étendue de votre expertise dans les domaines liés à ce projet de loi.
Je fais une fixation sur le processus employé pendant la dernière session et sur le fait que vous n’avez pas été consultés. Cette mesure législative aura une incidence sur des centaines de milliers de Canadiens. Elle pourrait être amendée, mais comme nous en faisons l’étude préalable, nous ignorons ce que contiendra le texte qui nous sera finalement transmis. Certaines idées font l’objet de discussions, alors le texte sera presque assurément différent.
Dans le but d’éviter les conflits, les erreurs de classification et les différents problèmes dont vous avez parlé, j’aimerais en savoir plus sur la nature des consultations qui devraient avoir lieu. Si vous n’avez pas été consultés, je me demande qui le gouvernement a pu consulter et qui il consulte actuellement. J’espère que vous ferez partie de la discussion.
Pourriez-vous nous dire ce que vous pensez des échéanciers actuels? Le texte est présentement à l’étude par l’un des comités de la Chambre des communes. Il y a eu attribution de temps, alors l’étude ne pourra pas se prolonger indéfiniment. Il se peut que le texte soit amendé avant qu’on nous le renvoie. Qu’auriez-vous à dire au gouvernement et au comité concernant le processus dans son ensemble? Commençons par vous, monsieur Hynes.
M. Hynes : Nous préférons bien sûr que les consultations soient les plus vastes et les plus complètes possible. Dans ce cas-ci, ce n’est pas vraiment une surprise, car ce projet de loi a vu le jour très tôt après les élections. Il s’agissait d’une promesse phare de la campagne.
En ce qui nous concerne, c’est la question des droits et avantages supérieurs qui constitue la véritable ligne rouge, comme je le disais tout à l’heure. Si le ministre estime qu’il s’agit d’un seuil et que les congés ne peuvent pas s’accumuler — et je le crois quand il le dit —, alors il faut que ce soit écrit noir sur blanc dans la loi. Cela s’est déjà fait et je me demande bien pourquoi ce n’est pas le cas cette fois-ci. Il s’agit d’un amendement tout simple, mais il ferait des miracles pour éviter les conflits de travail dans les organismes qui embauchent, disons, plus de la moitié des travailleurs de ressort fédéral. Il s’agit du principal enjeu à nos yeux. Ce serait excellent si on pouvait discuter du reste aussi, mais en ce qui nous concerne, c’est ce qui prime.
Mme Ladd : Il est énormément question des congés de maladie payés depuis deux ans. Je pense qu’il n’y a pas une seule journée depuis le début de la pandémie où je n’en entends pas parler : qui y a droit, qui n’y a pas droit, en a-t-on vraiment besoin? Disons que le sentiment d’urgence est particulièrement fort ces jours-ci. Cette discussion aurait dû avoir lieu il y a plusieurs années, si vous voulez mon avis, autant dans les provinces qu’au niveau fédéral, mais bon, les choses sont ce qu’elles sont, et l’important, c’est qu’elle ait lieu le plus tôt possible.
Essentiellement, il n’y a pas grand-chose à redire sur le projet de loi. Selon moi, seuls quelques amendements sont vraiment nécessaires. Nous pourrions par exemple régler aisément la question des congés de maladie payés sans rien demander d’autre, même s’il faudrait évidemment déterminer à partir de quand les travailleurs devraient y avoir droit et s’ils y auraient droit de manière rétroactive.
J’aimerais maintenant répondre à la question de M. Hynes au sujet de l’accumulation des différents types de congés. S’il s’agit d’avantages comparables, le plus difficile sera de déterminer si les congés déjà offerts sont aussi avantageux que les nouveaux, afin que les travailleurs ne perdent pas au change. Cela dit, s’ils ne sont pas de nature comparable, mais qu’ils sont de valeur égale, alors il faut modifier le texte, c’est sûr et certain.
Selon moi, il faut aller vite dans le dossier des congés de maladie payés. Les travailleurs en ont désespérément besoin, et personne ne devrait se sentir obligé d’aller travailler quand il est malade. Or, c’est ce qui se passe à l’heure actuelle. Nous devons inciter les provinces à se doter d’une politique permanente sur les congés de maladie payés. L’initiative du gouvernement fédéral ne pourrait pas mieux tomber.
Mme Pasma : Je suis d’accord avec Mme Ladd : c’est dommage que ce projet de loi n’ait pas vu le jour en avril 2020. Le moment aurait été mieux choisi, mais puisque les choses ne se sont pas passées ainsi, disons que c’est maintenant ou jamais. Ce projet de loi doit être mis en œuvre de toute urgence. On ne peut pas passer des mois à consulter juste pour avoir un texte parfait. C’est beaucoup mieux d’avoir un régime de congés de maladie imparfait que pas de congés du tout.
Cela étant dit, il me semble que le projet de loi pourrait être facilement remanié. Les amendements requis n’ont rien de complexe ni de technique. La solution est très simple. Tout ce qu’on entend au sujet du variant Omicron, qui pourrait faire doubler le nombre de cas tous les trois jours, ne fait qu’ajouter à l’urgence. Il faut absolument que les travailleurs puissent rester à la maison quand ils sont malades. Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour qu’ils aient les moyens de le faire.
La sénatrice Martin : Je vous remercie. Il pourrait s’agir de notre dernière semaine de travaux. Les choses seront nécessairement retardées si on commence à parler d’amendements, surtout qu’ils devront être étudiés par les deux Chambres. Comme vous le dites, toute cette démarche aurait dû avoir lieu plus tôt, mais c’est ainsi. Je vous remercie.
La sénatrice Dasko : Ma question est à peu près la même que celle du sénateur Kutcher, alors j’aimerais que Mme Ladd nous en dise un peu plus sur le projet de loi 148. Que lui est-il arrivé? Il a été adopté, mais il a été entièrement abrogé par le nouveau gouvernement. Pourriez-vous me rappeler quand? Vous dites qu’il n’y a pas eu d’abus, mais vous dites aussi que cette mesure a été moins populaire que prévu en Ontario. Pourriez-vous nous en dire un peu plus? En terminant, s’agit-il selon vous d’un modèle susceptible d’inspirer les provinces?
Mme Ladd : Le projet de loi 148 était en vigueur en 2018, mais vous avez effectivement raison : aussitôt arrivé au pouvoir, en juin 2018, le gouvernement Ford a fait adopter le projet de loi 47, qui annulait les deux congés de maladie payés et qui compliquait la vie des travailleurs qui souhaitaient se prévaloir de leurs 10 congés payés pour urgence personnelle. Le gouvernement Ford a réduit le nombre de congés de maladie offerts à chaque travailleur, même s’il s’agissait de congés non rémunérés, et il a ramené la disposition sur les billets médicaux. Le 1er janvier 2019, toutes les initiatives visant à mieux protéger les travailleurs précaires ont été jetées aux orties.
Pour ce qui est de l’accès aux congés, je disais que les congés de maladie payés temporaires que le gouvernement Ford a créés en mai dernier, afin que les travailleurs aient momentanément droit à trois jours de maladie payés par l’État, étaient seulement accordés en lien avec la COVID-19. Autrement dit, les travailleurs qui tombent malades, mais qui ne souffrent pas de la COVID n’ont droit à rien.
Nous avons finalement constaté que seuls les travailleurs qui souhaitaient prendre une journée de congé pour se faire vacciner se prévalaient de ce congé. Au lieu de prendre un congé de maladie ordinaire, les travailleurs pouvaient négocier avec leur employeur et obtenir le droit de prendre une journée de maladie temporaire. Parce que les travailleurs doivent obtenir la permission de leur employeur, ils étaient à l’aise d’en faire la demande seulement si c’était pour aller se faire vacciner, probablement parce que ce prétexte semblait plus acceptable aux yeux des employeurs. Voilà pourquoi ce programme n’a pas eu davantage de succès.
Aucun abus n’a été signalé pour l’année 2018. À l’époque, c’est le congé pour urgence personnelle qui était en vigueur. Pour tout dire, cette année-là, les professionnels de la santé ont commencé à dire que chaque travailleur devrait avoir accès aisément et de manière permanente à 10 congés de maladie payés par année. Ils en réclament aujourd’hui 14 de plus en période de crise sanitaire, comme une pandémie. C’est ce qu’on pourrait appeler une politique exhaustive de congés de maladie. Aucune autre politique du genre ne permet de réclamer des congés de manière rétroactive, alors les professionnels de la santé voudraient avoir accès immédiatement à au moins 10 congés de maladie payés, sans avoir à produire de billet médical, et à 14 jours de plus en cas de pandémie. Ce geste serait considéré comme un sceau d’approbation par les professionnels de la santé.
La sénatrice Dasko : Merci infiniment. C’est très utile. Je vais relire attentivement la retranscription de la réunion afin de bien comprendre toute l’information que vous nous avez transmise. Je vous remercie.
La présidente : Merci à vous, chers collègues et honorables sénateurs. C’est ce qui conclut la réunion, je crois bien. Je remercie les trois témoins — Mme Ladd, Mme Pasma et M. Hynes — d’avoir illuminé notre étude préalable de leur sagesse et de leur point de vue. Je remercie aussi M. Hynes de nous avoir fait parvenir ses trois amendements. Nous les ferons circuler parmi les membres du comité.
Honorables sénateurs, nous nous réunirons à huis clos demain à 14 h 30 afin de discuter de la version préliminaire du rapport sur notre étude préalable.
(La séance est levée.)