LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mercredi 2 mars 2022
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd’hui, à 16 h 11 (HE), avec vidéoconférence, , pour étudier le projet de loi S-209, Loi instituant le Jour commémoratif de la pandémie, et le projet de loi C-10, Loi concernant certaines mesures liées à la COVID-19.
La sénatrice Ratna Omidvar (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Je m’appelle Ratna Omidvar, sénatrice de l’Ontario et présidente de ce comité.
Nous poursuivons notre étude du projet de loi S-209, Loi instituant le Jour commémoratif de la pandémie.
J’aimerais vous présenter nos témoins, qui comparaissent à nouveau cette semaine, Gisèle Tassé-Goodman, présidente du Réseau FADOQ; Hannah Ehler, présidente intérimaire du conseil d’administration de l’Alliance canadienne des associations étudiantes; et Stéphane McLachlan, professeur à l’Université du Manitoba, Kitatipithitamak Mithwayawin : Mesures autochtones de lutte contre le coronavirus.
J’invite Mme Tassé-Goodman à commencer sa présentation. Ce sera ensuite au tour de Mme Ehler et de M. McLachlan.
Pour que nous sachions à quoi nous en tenir, je tiens à vous dire que notre temps est limité. Vous avez cinq minutes pour faire votre exposé. Si vous me voyez lever la main, cela voudra dire que votre temps est sur le point d’écouler et que vous devez conclure. Je préfère ne pas avoir à interrompre les gens, alors j’espère que nous saurons avancer de manière efficace et productive.
[Français]
Gisèle Tassé-Goodman, présidente, Réseau FADOQ : Mesdames et messieurs les sénateurs, je me nomme Gisèle Tassé-Goodman, je suis présidente du Réseau FADOQ. Tout d’abord, j’aimerais remercier les membres du comité pour cette invitation.
Le Réseau FADOQ est un regroupement de personnes de 50 ans et plus qui compte près de 550 000 membres. Dans chacune de nos représentations politiques, nous souhaitons contribuer à l’amélioration de la qualité de vie des aînés.
C’est avec une douleur certaine que nous sommes présents aujourd’hui afin de discuter de la création d’un Jour commémoratif de la pandémie.
D’entrée de jeu, le Réseau FADOQ est éminemment en faveur de l’instauration d’une telle journée de commémoration. Nous baignons toujours dans cette réalité pandémique, mais ce devoir de mémoire est essentiel pour l’avenir. Il importe de s’assurer que l’on se rappelle les personnes décédées des suites de la COVID-19. Le travail des personnes œuvrant en première ligne doit être souligné. Nous devons nous remémorer l’impact de la COVID-19 sur notre société.
Il importe également de mettre en perspective l’état de nos systèmes de santé relativement aux ravages engendrés par la pandémie. Nous avons tous fraîchement en mémoire les drames humains qui se sont multipliés pendant la pandémie.
Comme présidente du Réseau FADOQ, je me dois d’aborder le sujet des milieux d’hébergement et de soins de longue durée. De nombreux aînés ont fait les frais d’un système de santé défaillant dans le cadre de la pandémie de la COVID-19.
Depuis longtemps, les provinces souffrent d’un sous-financement dans le domaine de la santé de la part du gouvernement fédéral. Il est vrai que des sommes ont été injectées dans le cadre de la crise actuelle ainsi que lors du dernier budget fédéral. Néanmoins, cette aide n’est ni récurrente ni proportionnelle.
Le financement des soins de santé des provinces et territoires accapare 40 % du budget de ces administrations, alors que le gouvernement canadien ne finance que 22 % de ces dépenses.
Selon le Conference Board du Canada, la proportion fédérale consacrée au financement des soins de santé chutera à moins de 20 % d’ici 2026. Il est nécessaire que le gouvernement fédéral effectue un rattrapage dans le financement des soins de santé. Il importe également de rehausser l’indexation du Transfert canadien en matière de santé de 6 % annuellement, c’est-à-dire au niveau auquel il évoluait avant 2017. Par ailleurs, la réalité démographique doit être prise en compte dans le financement des soins de santé.
Dans le cadre de la crise de la COVID-19, les gestes et paroles teintés d’âgisme se sont également multipliés. Notre organisation a d’ailleurs transmis une correspondance à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, puisque les droits et libertés des aînés avaient été sérieusement escamotés avec le confinement et que les invectives liées à l’âge étaient nombreuses.
Nous profitons donc de l’occasion qui nous est offerte aujourd’hui pour dénoncer cette forme de discrimination.
Il est nécessaire de se rappeler que les aînés ont été victimes de gestes disgracieux en surenchère au grand nombre de décès parmi eux. Pour l’avenir, il importe de sensibiliser les gens au sujet de cette discrimination. La pandémie de la COVID-19 a fait son lot de victimes et les aînés constituent une proportion importante parmi elles.
J’aimerais remercier les membres de ce comité de nous avoir écoutés.
[Traduction]
La présidente : Merci, madame Tassé-Goodman.
Stéphane McLachlan, professeur, Université du Manitoba, Kitatipithitamak Mithwayawin : Mesures autochtones de lutte contre le coronavirus (COVID-19) Bonjour à tous. Merci de m’avoir invité à prendre la parole. Je m’appelle Stéphane McLachlan et je viens de Winnipeg, sur le territoire du Traité no 1. Je suis professeur à l’Université du Manitoba, et mon programme de recherche porte sur la santé environnementale et la justice environnementale. Il est fondamentalement mené pour et par les communautés autochtones de notre pays et du monde entier.
Depuis février 2020, nous avons documenté les répercussions de la COVID-19 sur les communautés autochtones et les mesures qu’elles ont prises pour y remédier, tout en leur donnant notre appui tout au long du processus. Ce sont des aînés du Nord du Manitoba qui ont nommé notre programme Kitatipithitamak Mithwayawin, ce qui signifie, en cri, assumer le contrôle de la santé et du bien-être.
De façon générale, nous appuyons sans réserve le projet de loi S-209 présenté par la sénatrice Mégie, mais nous voudrions souligner certains aspects importants de cette commémoration qui pourraient autrement passer inaperçus.
Premièrement, dans sa forme actuelle, le projet de loi ne fait aucune mention explicite de l’iniquité extrême en matière de santé à laquelle sont confrontées de nombreuses populations au pays. Les diverses collectivités n’ont pas été touchées de la même façon par la COVID-19. Outre les personnes âgées, les groupes racisés — Autochtones, Noirs et personnes de couleur — ont affiché des taux d’hospitalisation et de recours aux soins intensifs nettement supérieurs à ceux du reste de la population. Cela a toujours été le cas et il en sera toujours ainsi dans une pandémie. Dans l’idéal, le projet de loi devrait comporter une mention explicite de la gravité de cette iniquité en santé et de la nécessité de s’y attaquer de façon proactive.
Deuxièmement, le projet de loi reconnaît à juste titre le rôle énorme que jouent les travailleurs de première ligne dans l’atténuation des effets de la COVID, mais il ne mentionne pas explicitement les soins et les services offerts par de nombreuses organisations non gouvernementales et communautaires. Leurs interventions se faisaient dans le respect de la langue et de la culture des groupes racisés et, dans certains cas, venaient à combler les lacunes du système de santé.
Je vais consacrer le reste de mon temps de parole à souligner quelques-unes des initiatives qui ont été documentées dans le cadre de notre programme.
Par exemple, des cliniques sans rendez-vous dans le centre urbain de Winnipeg et des services de traduction qui combinent les meilleures connaissances scientifiques et les enseignements culturels pour atténuer la crainte et l’inquiétude tout à fait compréhensibles que les vaccins suscitent chez les Autochtones et les nouveaux arrivants. Elles ont été organisées par des groupes comme le Centre Ma Mawi Wi Chi Itata et le Newcomer Vaccine Awareness Working Group. En effet, au 22 février de cette année, les taux de vaccination de ces groupes étaient considérablement plus élevés que ceux de la population générale du Manitoba et les taux d’hospitalisation des Blancs étaient surreprésentés, ce qui témoigne de l’importance de ce travail.
Un deuxième exemple, c’est le confinement que les communautés des Premières Nations de partout au Canada ont mis en place avant chaque vague de COVID-19 et l’incroyable planification proactive que cela a nécessité.
Le troisième exemple, c’est le recours à des cérémonies culturelles et à des remèdes traditionnels pour aider les Premières Nations à prendre soin de leur santé, parfois au lieu et, dans bien des cas, en plus de l’utilisation de vaccins.
Un quatrième exemple réside dans une approche novatrice en matière de santé qui se voulait culturellement appropriée, conçue en collaboration et destinée à faire beaucoup d’effet. C’est ainsi qu’est née notre marionnette de langue crie, le corbeau Kahkakiw, qui donne les renseignements pertinents sur la santé avec humour, et qui a eu un succès viral dans le monde entier.
Un dernier exemple est la promotion de la souveraineté des données et de la recherche en réponse aux obstacles systémiques auxquels les collectivités sont encore confrontées lorsqu’il s’agit d’accéder aux données sur la santé de manière pertinente et opportune. C’est dans ce souci que nous avons lancé une application sur nos données autochtones, « Our Data Indigenous », dans 13 collectivités des Premières Nations à l’échelle du pays.
Il ne fait aucun doute que les répercussions de la COVID-19 auraient été sensiblement plus graves sans ces nombreuses mesures proactives. Nous espérons que vous ferez explicitement mention de la force et de la résilience remarquables dont ont fait preuve de nombreux groupes et organismes autochtones, noirs et de couleur, ainsi que d’autres groupes et organisations communautaires, du fait qu’ils ont entrepris de prendre soin de leur santé, de célébrer leurs propres forces et traditions culturelles, et qu’il soit question également de la nécessité de documenter de telles initiatives, d’en tirer des leçons et de les appuyer davantage face à toute autre pandémie ou crise sanitaire.
Merci.
La présidente : Merci beaucoup, monsieur McLachlan. Avant de passer à notre dernière intervenante, Mme Ehler, permettez-moi de présenter mes excuses à M. McLachlan pour avoir si mal prononcé le nom de votre organisation. Je suis moi-même constamment victime de la mauvaise prononciation de mon nom, alors je crois vraiment que j’aurais dû m’y prendre un peu mieux.
M. McLachlan : J’ai eu deux ans pour m’exercer, alors je comprends tout à fait votre difficulté.
Hannah Ehler, présidente intérimaire du conseil d’administration, Alliance canadienne des associations étudiantes : Merci beaucoup. Bonjour, madame la présidente, mesdames et messieurs.
J’aimerais commencer ma déclaration en reconnaissant que je m’adresse à vous aujourd’hui depuis le territoire des peuples micmacs, qui couvre maintenant une grande partie de l’Est du Canada et qui est régi par des traités de paix et d’amitié.
Je suis présidente intérimaire de l’Alliance canadienne des associations étudiantes, l’ACAE. Je suis également vice-présidente des Affaires extérieures du syndicat étudiant de Mount Allison, et j’en suis à ma quatrième année d’un programme de baccalauréat ès arts en planification communautaire internationale, avec des mineures en français et en études environnementales.
L’Alliance est un organisme national, non partisan et sans but lucratif qui représente les étudiants des collèges, des écoles polytechniques et des universités d’un océan à l’autre. Grâce à un partenariat officiel avec l’Union étudiante du Québec, nous sommes une voix fiable et éclairée par des données probantes qui représente 364 000 étudiants de niveau postsecondaire partout au Canada.
Je tiens à remercier le comité de nous avoir invités à prendre la parole aujourd’hui pour appuyer le projet de loi S-209 et parler des répercussions de la pandémie de COVID-19 sur les étudiants de niveau postsecondaire partout au pays. J’aimerais d’abord rendre hommage aux plus de 36 000 Canadiens et aux millions de personnes dans le monde qui ont perdu la vie inutilement en raison de la pandémie. Les 24 derniers mois ont été extrêmement difficiles pour nous tous, en particulier nos aînés, nos personnes les plus vulnérables, nos systèmes de soins de santé et leurs travailleurs, nos entreprises et, bien sûr, nos étudiants.
Nous nous adressons à vous aujourd’hui pour appuyer une nouvelle journée annuelle de commémoration qui servira à sensibiliser les Canadiens aux répercussions persistantes de la pandémie, les invitant à s’en souvenir et à y réfléchir.
Les étudiants de niveau postsecondaire ont ressenti la myriade d’effets de la COVID-19 de façon particulièrement intense. Selon un sondage que notre alliance a mené en collaboration avec Abacus Data, près des deux tiers des étudiants de niveau postsecondaire au Canada ont déclaré un équilibre malsain entre le travail et la vie personnelle pendant la pandémie; 56 % ont dit que la COVID-19 avait eu une incidence négative sur leur apprentissage et la moitié des répondants ont dit que la pandémie était également venue chambouler leurs perspectives d’emploi d’été ou d’un premier emploi après l’obtention du diplôme.
La santé mentale est peut-être le principal sujet de préoccupation pour les étudiants de niveau postsecondaire, et les répercussions se poursuivront probablement longtemps après que l’impact immédiat du virus sera passé. Nos données nous indiquent que 84 % des étudiants ont éprouvé de nouveaux problèmes de santé mentale ou que des problèmes existants se sont aggravés en raison de la pandémie. De plus, 53 % ont déclaré éprouver des sentiments intenses de désespoir, et 71 % qu’ils se sentaient tout simplement dépassés. Nombreux sont ceux qui ont fondamentalement attribué leurs problèmes de santé mentale à l’absence d’interaction personnelle, de vie sur le campus et de soutien par les pairs.
Le stress causé par la pandémie se manifeste également sous forme de préoccupations à l’égard des moyens, 6 étudiants sur 10 nous disant que la COVID-19 a rendu plus difficile l’accès aux études postsecondaires. Seulement 11 % des étudiants affirment que la pandémie n’a eu aucun effet sur leurs finances personnelles.
Bien que ces répercussions à court terme semblent maintenant diminuer, bon nombre des étudiants continuent de s’inquiéter au sujet de leur avenir financier.
Les étudiants de niveau postsecondaire ont par ailleurs dû composer avec un environnement d’apprentissage virtuel, et 75 % d’entre eux ont déclaré que la qualité globale de l’apprentissage numérique n’était pas à la hauteur de l’équivalent en mode présentiel. Plus de la moitié ont signalé de graves problèmes de connectivité tout au long de l’année scolaire, et plus de 45 % ont déclaré ne pas avoir la technologie nécessaire pour terminer leurs études.
Somme toute, les défis auxquels a dû faire face toute une génération de jeunes Canadiens au cours des 24 derniers mois ont été immenses, et tout cela laissera des traces durables qui nécessiteront une attention et une réflexion constantes.
C’est pourquoi je comparais devant vous aujourd’hui, au nom de l’Alliance canadienne des associations étudiantes, pour appuyer le projet de loi S-209. S’il est adopté, ce projet de loi offrira aux Canadiens une journée annuelle de commémoration qui servira à rendre hommage à tous ceux que nous avons perdus en plus de nous faire réfléchir aux répercussions plus générales de la pandémie sur la société canadienne. Les futures journées commémoratives de la pandémie pourraient être utilisées pour accroître la sensibilisation à la santé mentale et à l’importance de l’interaction sociale. Elles pourraient servir à célébrer l’unité plutôt que l’isolement, et à souligner les effets persistants de la pandémie afin de nous assurer d’investir dans des domaines comme les soins de santé et le soutien en santé mentale, qui ont tous deux fait défaut pendant la pandémie.
Ce n’est pas une expérience que nous oublierons de sitôt, et il faudra une commémoration soutenue. Dans cet esprit, l’Alliance canadienne des associations étudiantes est tout à fait favorable au projet de loi S-209.
Sur ce, je tiens à remercier le comité de nous avoir invités à comparaître. Je serais heureuse de répondre à vos questions. Merci.
La présidente : Merci beaucoup, madame Ehler.
Nous allons maintenant passer aux questions des sénateurs. Comme toujours, nous devons respecter la limite de cinq minutes pour les questions et les réponses. Je rappelle qu’il est utile d’adresser les questions à un témoin en particulier, s’il y a lieu.
Les premières questions pour ce groupe viennent de la vice-présidente.
La sénatrice Bovey : Je remercie tous les témoins. J’apprécie la façon dont vous avez défini les multiples répercussions de la COVID-19 sur les travailleurs, les familles et les personnes d’origines diverses.
Si vous me le permettez, je vais adresser ma question à M. McLachlan. J’apprécie et j’admire énormément le travail que vous faites. Au cours des 30 dernières années, je me suis intéressée aux liens qui existent entre les arts, la culture et la santé, quoique probablement sous des optiques différentes.
Les enjeux sont tous importants, mais je crois que vous avez mis le doigt sur des aspects absolument fondamentaux.
J’allais vous poser une question très simple sur la façon dont vous avez tous observé la Journée nationale commémorative de l’an dernier et sur son devenir, mais j’ai changé d’idée.
Monsieur McLachlan, compte tenu de vos recherches et des groupes avec lesquels vous travaillez, les groupes autochtones, noirs et de couleur, j’aimerais votre avis sur la manière dont cette journée peut aider le public à mieux comprendre les inégalités et sur ce que nous pouvons faire pour les atténuer. Est-ce qu’il s’agit d’énumérer tous les groupes et les enjeux dans le projet de loi, ou faut-il simplement une approche inclusive qui nous permette à tous — et en particulier à vos groupes — de définir différents enjeux au fur et à mesure?
M. McLachlan : Je vous remercie de votre commentaire et de votre question. Il va de soi que je respecte énormément votre travail aussi.
Compte tenu de la grande diversité et de la complexité des enjeux, l’approche que nous avons toujours suivie, les gens avec qui je travaille et moi, est une approche ascendante où le gouvernement et les systèmes de soutien — et je m’inclus comme professeur d’université — sont les mieux placés pour fournir les ressources et le soutien nécessaires pour que ces groupes eux-mêmes prennent l’initiative de cerner leurs besoins et de répartir les ressources le mieux possible. Il ne s’agit pas de résoudre les problèmes d’amont en aval, mais de s’y prendre dans un esprit de collaboration.
Évidemment, en cas de pandémie, les approches systémiques descendantes sont importantes, mais elles doivent être complétées par d’autres. J’ai énormément de respect pour la force et la résilience dont nous avons été témoins, souvent sans beaucoup de ressources. D’innombrables bénévoles aidaient les autres au sein de leurs groupes culturels et de leurs communautés, et surtout au sein de la grande diversité des Premières Nations.
On ne peut pas attendre qu’une pandémie éclate pour s’y mettre. De toute évidence, ce sont cette réflexion proactive et l’établissement de ressources et de partenariats qui entreront en jeu la prochaine fois qu’une pandémie surgira. On ne saurait plus se contenter de tourner la page allègrement, comme on a fait par le passé, heureux de pouvoir reprendre les activités. Je pense qu’il y a un intérêt énorme de la part d’une grande diversité de groupes à établir des partenariats avec des organismes fédéraux et provinciaux et entre eux. C’est ce que je prévois pour l’avenir.
La sénatrice Bovey : Rapidement, car que je sais que beaucoup d’autres personnes veulent poser des questions, le gouvernement établissait cette journée au moyen du projet de loi de la sénatrice Mégie, et je suis tout à fait d’accord avec vous pour dire qu’une bonne politique est établie à la fois de manière ascendante et descendante. Croyez-vous que cette journée sera plus importante que ce qu’on aurait pu penser au début de l’étude de ce projet de loi? Pensez-vous que ce mouvement peut prendre de l’ampleur?
M. McLachlan : Oui. Je pense qu’il est extrêmement important de se souvenir et de réfléchir, tout comme de tirer des leçons du passé, mais, en même temps, il faut aller de l’avant, sans attendre la prochaine pandémie pour réagir. Le libellé actuel du projet de loi est important, certes, mais ce n’est qu’en parlant de force et de résilience qu’on réussira à faire des progrès.
La sénatrice Bovey : Merci.
Madame la présidente, je cède le reste de mon temps. Ce groupe est très intéressant, et d’autres pourront aborder d’autres questions.
La sénatrice Poirier : Merci à tous les témoins d’être ici. Nous vous en sommes très reconnaissants.
J’ai une question à poser à Mme Ehler, de l’Alliance canadienne des associations étudiantes. Si le temps le permet, je vais ouvrir la discussion au cas où les deux autres témoins voudraient faire des commentaires à ce sujet. Ce serait d’ailleurs très apprécié.
Le préambule du projet de loi S-209 décrit l’objectif visé par la « journée nationale de commémoration », qui s’est tenue en mars 2021, comme étant de « rendre hommage aux personnes décédées des suites de la COVID-19, […] [de] souligner le travail des personnes œuvrant en première ligne et [de] souligner les répercussions graves de la COVID-19 sur la santé de la population canadienne ».
À qui devrait-on rendre hommage le « Jour commémoratif de la pandémie » proposé? À votre avis, le projet de loi S-209 devrait-il préciser l’objectif de ce jour commémoratif et, dans l’affirmative, quel devrait être cet objectif selon vous?
Mme Ehler : Merci beaucoup de la question. Les possibilités sont aussi nombreuses que variées. J’estime qu’il est extrêmement important de garder le projet de loi ouvert, car je crois que les expériences des Canadiens à l’égard de la COVID-19 ont été radicalement différentes. Les étudiants ont connu des défis qui n’ont peut-être pas été ressentis par nos courageux travailleurs de la santé et vice versa. Nos aînés, nos familles et tous les autres, nous avons tous vécu la pandémie de façon très différente.
Je crois qu’il est utile de garder le projet de loi ouvert et de permettre aux Canadiens d’interpréter la journée comme ils l’entendent, en fonction de ce qui leur tient à cœur. Dans le cas des étudiants, il pourrait s’agir de se réunir en personne et de reprendre les liens sociaux et l’interaction qui faisaient tant défaut pendant la pandémie, d’avoir plus de discussions sur la santé mentale, les problèmes financiers et toutes les répercussions que les étudiants ont ressenties. Ce n’est peut-être pas la même chose pour d’autres.
Cela dit, je trouve qu’il est utile de définir cette intention clairement. Il est extrêmement important pour notre pays de nous souvenir de tout ce que nos travailleurs de la santé ont fait pendant la pandémie. Absolument. Il faut prévoir du temps pour réfléchir et se souvenir de ceux qui ont perdu la vie et de ceux qui ont aidé le pays à s’en sortir tout au long de la pandémie. Je tiens également à mettre en relief la réponse de M. McLachlan, qui a dit que c’est aussi le moment d’aller de l’avant. Laisser aux Canadiens le loisir de réfléchir comme ils l’entendent et de discuter de ce qu’il faut faire à l’avenir, voilà qui serait une excellente approche à mon avis.
La sénatrice Poirier : Merci beaucoup. Si les autres témoins veulent répondre, je leur en serais reconnaissante.
[Français]
Mme Tassé-Goodman : De petits-enfants ont été privés de la présence de leurs grands-papas et leurs grands-mamans, qui sont passés de vie à trépas sans qu’ils puissent leur dire un dernier au revoir. Plusieurs aînés sont partis seuls sans aucun contact avec la famille.
Nous croyons que nous devons, comme peuple, reconnaître la part des professionnels de la santé et des bénévoles qui ont risqué leur vie et quitté leurs familles pour sauver les vies de nos frères et sœurs et accompagner les familles éplorées par les pertes. Un Jour commémoratif de la pandémie est un geste de respect pour tous ceux qui ont vu partir les leurs, pour tous ceux qui ont été rescapés, qui sont partis, pour nos salvateurs et salvatrices qui ont mis corps et âme dans cette pandémie. Pour toutes ces raisons, le Réseau FADOQ croit qu’un Jour commémoratif de la pandémie a sa place au Canada.
[Traduction]
M. McLachlan : Très rapidement, je suis d’accord avec tout ce que les deux autres témoins ont dit. Je dirais aussi qu’il est important de ne pas se limiter au Canada, mais d’apprendre d’autres régions du monde. Par définition, une pandémie a des répercussions mondiales. Il est utile d’établir des liens de façon proactive, de communiquer, de raconter nos pertes, mais aussi de parler de l’avenir, d’aller de l’avant dans nos échanges avec des groupes d’autres pays.
Le sénateur Patterson : Merci beaucoup aux témoins.
Monsieur McLachlan, vous avez parlé d’iniquités extrêmes dans le domaine de la santé, et Mme Tassé-Goodman a parlé d’un grave sous-financement du secteur. J’aimerais vous demander à tous les deux de nous en dire un peu plus à ce sujet. L’un des graves problèmes de la pandémie semble être les pressions exercées sur nos hôpitaux surpeuplés et la pénurie de lits aux soins intensifs. Je crois que le Canada se situe peut-être bien en deçà de bon nombre de ses pairs en ce qui concerne le nombre de lits de soins intensifs par habitant.
Je me demande si vous pourriez vous étendre sur ce que vous avez dit au sujet des leçons à tirer de l’efficacité de notre système de santé et peut-être vous pencher sur la question des lits de soins intensifs. Merci.
M. McLachlan : Comme nous l’avons dit, cela varie vraiment selon la culture de la région de provenance géographique. Dans notre cas, au Manitoba, il est manifeste que l’accès aux soins de santé a toujours été difficile dans le Nord du Canada et que cette situation s’est aggravée. Une étude récente a révélé que l’accès à l’hospitalisation a été retardé de près d’un mois pour de nombreuses collectivités des Premières Nations. Si l’interaction avec la famille et la collectivité était déjà assez difficile en pleine pandémie, elle a été d’autant plus difficile pour les gens du Nord.
Il est primordial de trouver des façons proactives d’appuyer les soins de santé en établissement.
Au Manitoba, dont je peux parler le plus directement, juste avant la pandémie, nous fermions des salles d’urgence. Nous fermions des hôpitaux. Nous concentrions le système. Avec le recul, nous pouvons avouer que c’était une erreur, mais seulement parce que nous savons ce qui s’est passé. Les habitants des collectivités rurales et éloignées n’en ont souffert que davantage, au point où c’est devenu vraiment critique.
Le sénateur Patterson : J’aimerais que Mme Tassé-Goodman réponde également à cette question.
[Français]
Mme Tassé-Goodman : Vous avez parlé du transfert canadien en santé. Le Réseau FADOQ l’a mentionné, on souhaite que le gouvernement fédéral augmente le Transfert canadien en matière de santé de façon permanente et de façon ponctuelle. Actuellement, le taux de croissance du Transfert canadien en matière de santé est fixé de sorte que la proportion fédérale consacrée au financement des soins de santé va chuter de 20 % d’ici 2026.
Les coûts en matière de santé augmentent de façon fulgurante. Par ailleurs, certaines provinces, dont le Québec, doivent vivre avec le phénomène du vieillissement de la population, ce qui augmente la pression sur leur système de santé et, inévitablement, sur leurs coûts.
Il faudrait également que le gouvernement fédéral tienne compte d’une variable en tenant compte du vieillissement de la population. Cela doit être inclus dans la formule du calcul au titre du Transfert canadien en matière de santé.
La sénatrice Mégie : Merci à tous les témoins pour vos témoignages aujourd’hui.
Je pose une question et chacun d’entre vous devrait pouvoir me fournir une réponse. Compte tenu de toutes les répercussions catastrophiques de la pandémie sur nos aînés, compte tenu des différentes atteintes pluridimensionnelles sur la vie des étudiants et compte tenu des répercussions négatives de la pandémie sur les collectivités autochtones, j’aimerais savoir ce que l’on fera si le projet de loi est adopté. Comment chacun de vos groupes va-t-il commémorer cet événement, ce 11 mars? J’aimerais obtenir une réponse de chacun de vous, s’il vous plaît.
[Traduction]
Mme Ehler : Merci beaucoup. Je crois que la façon dont les étudiants commémoreront cette journée variera d’un bout à l’autre du pays. L’alliance représente des campus de toutes tailles un peu partout, mais je crois qu’il s’agira grosso modo de se réunir en personne, espérons-le, d’avoir cette interaction en personne qui a été perdue, de sensibiliser les gens à la santé mentale, de parler aux étudiants de questions d’abordabilité et de finances, et de poursuivre la conversation d’une manière progressive en allant de l’avant sans oublier les répercussions de la COVID-19 que nous avons vécues.
[Français]
Mme Tassé-Goodman : Il y aura certainement une célébration parce que les familles s’attendent à ce qu’il y ait un temps de réflexion, un temps d’arrêt, un temps de recueillement pour réfléchir à tout ce que les familles ont vécu depuis le début de la pandémie.
De nombreux aînés ont vécu des difficultés, ont été invectivés et ont dû quitter les commerces pendant la pandémie parce qu’ils avaient 70 ans et plus.
Il est évident que le Réseau FADOQ, avec ses 550 000 membres aînés, tiendra un moment de recueillement qui sera lancé partout dans la province et partout au Canada.
[Traduction]
La présidente : Merci. Monsieur McLachlan, puisqu’il reste du temps à la sénatrice Mégie, aimeriez-vous répondre à cette question? À votre avis, comment les collectivités vont-elles célébrer cette journée?
M. McLachlan : Comme je ne suis qu’un colon, je ne peux pas parler au nom des Autochtones. Mais je peux imaginer une situation où nous pourrions nous adresser à notre conseil consultatif, qui est composé de représentants d’organisations de santé autochtones, de conseils tribaux, de dirigeants élus et d’aînés de tout le Manitoba et du Nord-Ouest de l’Ontario. Je pourrais envisager un processus par lequel nous communiquerions avec eux pour avoir une idée de la façon dont ils souhaiteraient procéder.
Nous communiquerions ensuite avec les collectivités concernées — songez à la grande diversité des collectivités des Premières Nations avec lesquelles nous travaillons dans l’ensemble du pays — et, à titre de chercheurs, facilitateurs et prestataires du système de soutien, nous ferions tout en notre pouvoir pour les aider à trouver un processus de réflexion qui leur serait propre.
Je pense qu’il serait également important, si les collectivités le jugent opportun, de documenter les démarches et d’échanger des idées. Il s’agira de regarder en arrière tout en avançant à travers le rassemblement, à travers le souvenir et le deuil, mais ces journées peuvent également servir à trouver des solutions et à les soumettre en aux décideurs et aux autres intervenants clés.
La sénatrice McPhedran : J’ai une brève question pour nos trois témoins. On considère généralement qu’il s’agit d’un projet de loi qui ne coûte rien ou si peu. Permettez-moi de vous poser la question suivante : y a-t-il quelque chose que ce projet de loi vous permet de faire que vous ne pourriez pas faire autrement?
Mme Ehler : C’est une excellente question. Elle est aussi très intéressante.
Je crois qu’il est important d’avoir une journée réservée à la réflexion et au souvenir pour créer cet espace à bon escient. J’espère qu’en dehors de cette journée, il y aura une conversation continue sur les façons de progresser, sur les répercussions et sur la manière dont nous allons façonner notre monde pour l’avenir. Mais je crois qu’il est très important de réserver cet espace à cette fin.
M. McLachlan : Pour moi, cela a évidemment une valeur intrinsèque sur le plan stratégique et pratique, parce qu’un grand nombre des collectivités avec lesquelles nous travaillons n’ont pas accès aux ressources et, dans certains cas, vivent dans la pauvreté, le sous-emploi et le chômage.
Le fait d’avoir cette journée une fois par année nous permettrait de tendre la main aux fondations, de financer les organismes de recherche, de contribuer à la sensibilisation, mais aussi de générer des ressources qui pourraient ensuite être transmises à ces différents groupes, qu’ils soient autochtones ou d’autres communautés de couleur, et qu’ils les utilisent comme ils l’entendent.
En l’absence de ces ressources financières, de nombreuses collectivités auront beaucoup de difficulté à participer et on risque de rater une occasion extraordinaire de réfléchir.
[Français]
Mme Tassé-Goodman : Il est important que nous ayons cette journée commémorative. Ce sera un moment de rassemblement et un moment, aussi, où tellement de gens ayant vécu des situations similaires pendant ces deux dernières années pourront partager et se rassembler. Cela peut se faire dans l’inclusion. Il y a plusieurs communautés culturelles et issues de la diversité qui ont été touchées, ainsi que les aînés, les enfants. Ce sera un moment où on pourra parler de rassemblement et d’échanges sur les bons coups, et sur la façon d’aller de l’avant et d’avancer de façon positive.
[Traduction]
La sénatrice McPhedran : Les témoins savent peut-être que le comité ne compte aucun sénateur autochtone, alors je cède le reste de mon temps de parole à la sénatrice McCallum.
La sénatrice McCallum : Merci à tous de vos exposés et du travail que vous avez dû faire pour venir témoigner devant le comité.
Ma question s’adresse à M. McLachlan. Je suis très heureuse de vous revoir. Je tiens à vous remercier pour tout le travail que vous faites avec Kitatipithitamak Mithwayawin, ainsi que ce que vous faites virtuellement avec Wa Ni Ska Tan.
Je vais d’abord placer ma question dans son contexte.
Dans le cas de nombreux enjeux, le gouvernement a parfois de la difficulté à comprendre le contexte de la vie et de l’histoire des Autochtones. Je songe par exemple au vide juridique qui se creuse entre les lois fédérales et autres et à son incidence sur l’accès aux soins de santé et à la justice, pandémie comprise.
Votre groupe travaille à l’intersection du savoir traditionnel et du savoir occidental. Cette journée est cruciale, et on peut la considérer comme un tremplin, car elle ne saurait suffire à elle seule pour faire ressortir tous les enjeux qui doivent être soulevés pour les peuples autochtones. Nous avons en effet beaucoup de rattrapage à faire par rapport à une grande partie de notre histoire et des injustices qui nous ont menés là où nous en sommes aujourd’hui.
Comment le Sénat ou la Chambre des communes peuvent-ils participer à cette journée au-delà des déclarations de trois minutes, compte tenu du fait que de nombreuses collectivités n’ont pas Internet? Les gens ne savent peut-être pas lire ou ont du mal à absorber les messages qui sont diffusés, ce qui explique les mythes et malentendus au sujet, en l’occurrence, de la COVID-19.
Comment pensez-vous que nous pourrions passer de cette journée à d’autres journées qui seraient utiles pour les peuples autochtones?
M. McLachlan : Merci, sénatrice McCallum. Je suis heureux de vous revoir également.
Oui, je suis tout à fait d’accord. Il y a un danger lorsqu’on a une journée par année où les gens pensent qu’ils peuvent faire autre chose pour ensuite reprendre leur vie normale les 364 jours restants.
Je pense que lorsqu’on travaille avec les communautés et les organisations autochtones, et d’autres groupes diversifiés, il est extrêmement important d’être proactif, de travailler, de bâtir des systèmes de soutien, de bâtir des communications et des partenariats tout au long des 364 autres jours.
Comme toujours — et nous en avons déjà parlé, vous et moi —, je trouve qu’il est essentiel de créer des événements et des occasions qui accueillent ces groupes, ces communautés et ces organisations pour les laisser parler d’eux-mêmes.
Je pense et je crois sincèrement qu’il y a un intérêt énorme de la part d’une grande diversité de ces groupes à s’asseoir à la table et à participer à la prise de décisions à titre de partenaires égaux. Cela ne se passera pas comme il faut tant qu’il y aura cette disparité d’influence et de pouvoir.
Ensuite, il y a toujours le danger que, malgré de bonnes intentions, on fasse plus de mal que de bien. Je pense donc à des groupes comme Wa Ni Ska Tan et Kis Kin Ha Ma Ki Win, un groupe où nous réunissons des scientifiques et des aînés sur le terrain pour parler de questions environnementales, et à notre groupe autochtone sur la COVID-19 que je représente ici aujourd’hui. Ce qu’ils ont en commun, c’est de trouver des façons de réunir plusieurs groupes — des communautés et des organisations autochtones, bien sûr, mais d’autres intervenants clés aussi — pour amorcer ce processus de partage et d’apprentissage. C’est ce que nous faisons depuis un an et demi.
Vous avez parlé de la rencontre que nous avons eue en mai 2021. Vous étiez une conférencière d’honneur. Je pense que c’était un exemple parfait de ce qui a amené les orateurs autochtones du monde entier à se réunir virtuellement pour commencer à réfléchir à ce que les gens ont en commun et à ce qu’ils pourraient partager pour apprendre les uns des autres et mettre le cap sur l’avenir de la façon proactive dont vous parlez.
J’ai l’impression que les collectivités sont plus ouvertes à cette idée, compte tenu des vidéoconférences et du genre de connectivité que les gens ont développé en réponse à la COVID-19, ainsi que de la volonté et de la capacité de communiquer, d’apprendre d’autres collectivités et d’autres groupes.
Comme je suis essentiellement optimiste, je tire beaucoup de force et de vision de cette approche également.
La sénatrice Bernard : Merci à tous nos témoins.
J’aimerais parler un peu de la double pandémie.
Une chose que nous avons entendue de la part de nombreux témoins, c’est que la COVID a certainement mis en lumière bon nombre des disparités que nous avons au pays.
De nombreuses personnes — des chercheurs, des membres de la collectivité et des décideurs — parlent de la double pandémie, de la pandémie de violence fondée sur le sexe et de la pandémie de racisme qui entrent en collision avec la pandémie du coronavirus.
En pensant à cette journée et à la guérison dans ces contextes plus vastes, et en songeant à l’avenir et à la reconstruction du pays en mieux, y a-t-il des éléments que ce projet de loi pourrait faciliter pour nous aider à régler certains problèmes généraux qui ont une incidence sur la façon différente dont les gens ont vécu la pandémie dans divers contextes à l’échelle du pays?
[Français]
Mme Tassé-Goodman : J’écoutais récemment la Fondation Émergence qui disait que, durant la pandémie, plusieurs aînés — on parlait de 10 % en tout d’aînés qui sont de la communauté LGBTQ — n’ont pas osé s’afficher ni au travail ni à l’hôpital, et que certains sont retournés dans le placard. Il y a une sensibilisation à faire de ce côté.
Les membres des communautés culturelles ont aussi été isolés puisqu’ils ne pouvaient pas socialiser avec les leurs et que certains ont été cloîtrés contre leur gré. C’est important de pouvoir les réunir. Je participais à une conférence internationale juste avant la période des Fêtes et j’ai vu, dans certains milieux au Canada, qu’on réunissait certaines communautés qui ne parlaient ni anglais ni français; on créait des chorales pour qu’ils puissent s’exprimer, socialiser et se rencontrer.
Il y a donc certainement moyen de trouver des façons d’intégrer les gens et d’être plus inclusif au sein de notre pays.
[Traduction]
Mme Ehler : Merci beaucoup de cette question. Ces idées et ces questions de pandémies doubles et multiples sont soulevées dans beaucoup de contextes éducatifs. D’après ce que j’entends de mes amis, de mes pairs et de ma propre expérience postsecondaire, nous parlons beaucoup des pandémies de racisme, notamment à l’égard des communautés LGTBQ+, mais aussi de l’avenir. L’éducation est vraiment un excellent milieu pour gonfler ces conversations, ou pour lancer des mouvements, des débats et des idées.
Je conviens que le fait de réunir des gens et des étudiants dans le cadre d’une journée comme celle qui nous occupe suscitera des conversations sur la santé mentale et sur la commémoration de ceux que nous avons perdus. Nous devrions peut-être songer que les campus des universités, collèges et écoles polytechniques sont des endroits où l’on peut amorcer ces conversations au moyen de tables rondes et d’autres activités pour interagir avec les étudiants, mais il faudrait que le grand public puisse y avoir accès. Peut-être qu’une journée, comme le jour commémoratif de la pandémie, pourrait faciliter les choses.
M. McLachlan : Je suis tout à fait d’accord. Les pandémies doubles ou multiples sont essentielles pour comprendre la COVID-19 et les autres pandémies et y réagir à l’avenir. On ne peut pas séparer ces obstacles systémiques, et il est extrêmement important de le faire.
Je vois évidemment l’intérêt des universités, de l’éducation spécialisée et de l’apprentissage des étudiants. En même temps, il y a tellement de choses à apprendre des communautés avec lesquelles nous travaillons, et elles sont si bien situées parce qu’elles se sont rapprochées virtuellement les unes des autres au-delà des frontières et de fuseaux horaires différents. Il est extrêmement important de trouver des façons de tirer parti de cet élan, et bon nombre de ces personnes appartiennent à des groupes sous-représentés.
J’appuie donc l’idée que nous devons penser de façon holistique à ces questions.
La sénatrice Dasko : Merci à tous d’être ici aujourd’hui et de parler de l’importance de cette journée commémorative.
La sénatrice Mégie, il y a quelques réunions, a mentionné que l’ancienne pandémie mondiale de 1918 n’avait pas été commémorée. Toutes les lectures que j’ai faites à ce sujet — pas très volumineuses, je l’avoue — ont laissé entendre que les gens ne voulaient pas se souvenir de cette pandémie, même si d’autres événements terribles ont été commémorés, dont les deux Guerres mondiales.
Vous avez beaucoup réfléchi. Pensez maintenant comme des historiens et demandez-vous pourquoi les Canadiens voudraient se souvenir de cette pandémie en particulier. Je pose cette question en raison de ce que je vois dans ma collectivité et au Canada aujourd’hui. Beaucoup de gens semblent vouloir se débarrasser des restrictions de la pandémie. Ils en ont assez. Ils ont hâte de léguer cette terrible expérience aux oubliettes et d’aller de l’avant, même s’il y a des leçons à tirer de la pandémie. Ce qui subsiste, c’est le désir de passer à autre chose et de retrouver une vie meilleure.
Je vais vous demander de spéculer, puisque vous avez beaucoup réfléchi à ce sujet et que vous êtes venus ici pour en discuter avec nous. Avez-vous une idée de la raison pour laquelle les Canadiens voudraient s’en souvenir envers et contre tout? Dans le passé, ce n’était pas quelque chose dont les gens voulaient vraiment se souvenir.
Est-ce que quelqu’un voudrait émettre des hypothèses à ce sujet?
[Français]
Mme Tassé-Goodman : Merci d’avoir posé cette question. Comme vous le savez, nous ne sommes pas habitués à ce genre de pandémie. Nous n’avons pas vécu la pandémie du siècle dernier. Les familles souhaitent observer une journée commémorative parce qu’elles ont perdu des êtres chers, qu’elles ont vu souffrir des membres de leur famille et parce qu’elles n’ont pas eu la chance de leur dire adieu une dernière fois. Le son de cloche qu’on entend du côté des familles et des aînés qui ont vu partir les leurs, c’est que nous voulons un temps d’arrêt pour nous rassembler, réfléchir et tenir un rassemblement en mémoire des membres de notre famille que nous avons perdus.
C’est le son de cloche qu’on entend chez nous, du côté des aînés.
[Traduction]
Mme Ehler : Merci beaucoup de la question. Je crois que nous vivons à une époque où nous n’avons jamais été plus mondialisés, plus urbanisés et branchés par rapport aux pandémies historiques du passé.
Je peux vous dire quant à moi que j’étudiais en France quand la pandémie de COVID-19 a fait éclosion et que j’ai eu 24 heures pour faire mes valises et partir. Beaucoup de gens comme moi ont vécu ce genre d’expériences liées à d’autres parties du monde d’une façon que l’histoire humaine n’a jamais connue auparavant, virtuellement, mais aussi en personne. Or, de nombreuses familles éparpillées dans le monde qui se seraient normalement arrangées pour se réunir n’ont pas pu le faire.
Je pense que c’est la trajectoire du monde et notre réalité contemporaine qui ont fait que la situation diffère tellement des pandémies et des expériences passées.
M. McLachlan : Dix secondes. Je suis d’accord avec tout le monde et, en même temps, je dis qu’il faut tirer des leçons de l’histoire, car ces gens voulaient peut-être raconter leurs expériences et réfléchir, eux aussi, mais on ne leur a jamais donné l’occasion de le faire.
La présidente : Merci beaucoup. Chers collègues, nous avons le temps pour une deuxième série de questions.
La sénatrice Bovey : Je pense que cette discussion a été très intéressante et qu’elle nous a amenés à de nombreux endroits — passés, présents et futurs, multiculturels, multigéographiques et multigénérationnels. Elle a mis en lumière certains problèmes auxquels la société devra faire face à l’avenir, comme la façon de dire merci aux gens qui ont été en première ligne et la façon d’aider les gens à surmonter le deuil de ne pas avoir pu dire adieu à leurs êtres chers. Il me suffit de songer au nombre d’étudiants et d’autres personnes qui m’ont exprimé des préoccupations au sujet de la santé mentale pour constater qu’il y a de nombreux problèmes.
Je voudrais modifier la question que j’allais poser au départ et vous demander plutôt comment vous comptez marquer cette journée pour refléter cette société multitentaculaire, semblable à une pieuvre, et les conséquences avec lesquelles nous devons composer?
Je pense que nous sommes en train de commencer quelque chose de très vaste. Je m’intéresse à votre vision de ce que nous pouvons faire pour améliorer le monde, le pays ou la société. Quelles mesures prendriez-vous?
M. McLachlan : Merci de votre question. C’est une question délicate. D’une certaine façon — et cela rejoint ce que la sénatrice McCallum disait tout à l’heure —, je consacre probablement les 364 autres jours à travailler avec une grande diversité de collectivités, à établir le cadre et la trame nécessaires pour que nous puissions nous attaquer à ces problèmes.
Personnellement, je passerais cette journée à réfléchir. J’ai perdu des amis et des membres de ma famille, comme la plupart d’entre nous — sinon tous — ici. Je pense qu’il est important de ralentir et de prendre le temps de réfléchir et de se souvenir, tout en bâtissant une énergie et une guérison à partir de là.
Je passerais donc ce temps avec ma famille et mes amis, en profitant de l’occasion pour réfléchir et me souvenir.
[Français]
Mme Tassé-Goodman : Dans notre organisation, il faudra en discuter, mais je peux vous dire que nous avons eu beaucoup de témoignages au Réseau FADOQ d’aînés et de familles qui ont fait part de leur deuil, des pertes et des répercussions qu’ont laissés la pandémie.
Pour ma part, dernièrement, j’ai eu l’occasion de voir mon dernier petit-fils, qui est né pendant la pandémie. Il marchait, donc, je ne l’ai pas vu lorsqu’il est né. Il ne me connaissait pas lorsqu’il a eu 1 an. Je ne suis pas la seule dans cette situation; il y a des aînés qui n’ont pas vu les nouveau-nés.
Je pense que ce sera un temps de rassemblement. On pourra échanger sur les bons coups, et sur la manière dont on pourra passer à travers parce que ce ne sera possiblement pas la dernière pandémie.
Je pense qu’il sera important que cela se fasse dans un temps de rassemblements et d’amour.
[Traduction]
Mme Ehler : Merci beaucoup. Oui, je crois que la clé, c’est le rassemblement. Étant moi-même une étudiante en planification, quand je pense à l’idée générale que se font les étudiants des progrès de la société, je m’aperçois à quel point il est essentiel de briser le cloisonnement entre nos campus à l’échelle du pays pour nous rallier et formuler nos revendications d’un commun accord. Je crois que les collectivités et la société doivent faire de même, et la pandémie l’a peut-être souligné.
Les pôles universitaires sont un excellent endroit pour l’éducation, certes, mais il faut briser le cloisonnement entre ces pôles et la collectivité, réunir tout le monde dans le même espace, tout comme dans le milieu des affaires, l’industrie et partout ailleurs. Je crois que nous nous sommes enfin rendu compte que nous avons besoin les uns des autres. Nous avons besoin les uns des autres pour aller de l’avant et bâtir un monde meilleur pour nous tous, et je pense que l’élimination des cloisons que nous avons créées est un excellent point de départ.
La sénatrice McCallum : Je poursuis la question que j’ai posée à M. McLachlan. J’ai oublié de mentionner que, si nous utilisons cette journée comme tremplin, des thèmes précis ne manqueront pas de s’en dégager, des événements concrets qui se produiront dans les années à venir.
En Australie, le gouvernement fédéral a mis sur pied un groupe de travail autochtone national chargé d’élaborer un plan d’intervention d’urgence pour les collectivités aborigènes afin de lutter contre la propagation de la COVID-19. Quand on a demandé au Cabinet du premier ministre ce qu’il en était au Canada, il a répondu que le comité du Cabinet s’en occupait pour veiller à ce que tous les Canadiens et les communautés autochtones soient en sécurité et prêts à toute éventualité, tout en précisant que le ministre des Relations Couronne-Autochtones, Marc Miller, serait membre de ce comité.
Y a-t-il moyen d’aider les groupes avec lesquels vous travaillez à se prévaloir de cette journée comme tremplin, à l’instar de ce groupe de travail national?
M. McLachlan : Je vous remercie de la question et du commentaire. Je pense qu’il est essentiel de créer des espaces supplémentaires — des espaces spéciaux — pour les communautés autochtones. Notre groupe, Kitatipithitamak, vient d’être approché au sujet de l’hydroélectricité et de la justice énergétique par un expert-conseil engagé par le gouvernement du Manitoba, qui voulait que nous participions à un processus de consultation au sujet de ce que l’on appelle l’hydrogène vert, une forme d’énergie qui commence à avoir des répercussions sur les collectivités du Nord.
Nous lui avons dit non, que nous ne le pouvions pas, parce qu’il fallait une masse critique d’attention et d’espace, en l’occurrence pour les communautés autochtones au sujet de l’hydroélectricité. Je pense que ce genre de démarche est extrêmement important pour d’autres questions, en l’occurrence celles liées aux pandémies. En même temps, bien sûr, les choses ne peuvent pas se faire en vase clos. Cependant, si nous traitons les Autochtones simplement comme un autre intervenant, je crains que ces préoccupations particulières — cette histoire unique et souvent douloureuse — ne soient éclipsées par tout le reste.
Il est donc extrêmement important d’avoir des groupes de travail qui ont un objectif concret, qui disposent de ressources suffisantes et qui peuvent soutenir une masse critique de dirigeants, d’aînés et d’organisations autochtones qui se réunissent pour mieux répondre à leurs besoins futurs. Ils peuvent servir de modèle pour d’autres groupes sous-représentés, qu’il s’agisse de personnes âgées, de personnes autochtones, noires et de couleur, ou d’étudiants.
En l’absence d’un objectif concret, les gens iront chercher ailleurs pour apprendre les uns des autres. Ce ne sont pas les occasions qui manquent. Je n’ai rien vu au sujet d’un groupe de travail sur la pandémie, mais je pense que c’est d’une importance cruciale et qu’il s’agit aussi — si je puis ajouter rapidement — d’apprendre de ce qui a bien marché dans ces collectivités. L’ensemble de la société canadienne peut apprendre énormément des mesures proactives que les collectivités de tout le pays ont prises et qui sont pourtant relativement inconnues.
Il est certain que les collectivités apprennent les unes des autres par l’entremise de ce groupe de travail, mais globalement, nous apprenons aussi de l’excellence et de la clairvoyance dont elles ont su faire preuve et qui sont d’une importance cruciale.
La présidente : Sénatrice McCallum, il vous reste une minute. Désirez-vous poser une autre question?
La sénatrice McCallum : Non, merci. Les autres groupes voudront peut-être répondre selon leur propre contexte, compte tenu des groupes et des personnes qu’ils représentent.
Mme Ehler : Tout ce que j’ajouterais à cette réponse, c’est que l’Alliance canadienne des associations étudiantes représente également les étudiants autochtones. Nous avons un comité de conseillers autochtones, et il y a des étudiants autochtones sur nos campus respectifs. Je crois qu’il est important que les communautés autochtones participent aux discussions. Il existe déjà une intersectionnalité entre elles et les étudiants, alors il serait extrêmement utile de réunir tout le monde à la table pour offrir une diversité d’optiques.
La présidente : Je tiens à remercier tous nos témoins de leur participation aujourd’hui. Nous vous sommes extrêmement reconnaissants de votre aide dans le cadre de notre étude. Je vous remercie aussi de votre indulgence à l’égard de nos règles sur les limites de temps, mais elles doivent être respectées pour que tout se déroule normalement. Merci encore.
Y a-t-il des objections, chers collègues, à ce que le comité passe à l’étude article par article du projet de loi S-209, Loi instituant le jour commémoratif de la pandémie?
Une voix : D’accord.
La présidente : Y a-t-il des objections à ce que le titre soit reporté? S’il n’y en a pas, c’est d’accord.
Y a-t-il des objections à ce que le préambule soit reporté?
Une voix : D’accord.
La présidente : Y a-t-il des objections à ce que l’article 1 soit adopté? S’il n’y en a pas, c’est d’accord.
Y a-t-il des objections à ce que l’article 2 soit adopté? S’il n’y en a pas, c’est d’accord.
Y a-t-il des objections à ce que le préambule soit adopté?
[Français]
La sénatrice Mégie : Je voudrais déposer un amendement au préambule.
Daniel Charbonneau, greffier de comité : Que le projet de loi S-209 soit modifié au préambule à la page 1 par substitution à la ligne 12 de ce qui suit :
la population canadienne, qu’il est important de reconnaître les effets multidimensionnels de la pandémie sur toutes les personnes au Canada, que cette pandémie qui a exacerbé les différentes formes d’inégalité au Canada et qu’elles ont eu un impact disproportionné sur les personnes vulnérables de la société et sur les membres de groupes historiquement discriminés, qu’il convient de désigner officiellement le 11 mars de chaque année comme « le Jour commémoratif de la pandémie » afin de permettre à la population canadienne de souligner les efforts effectués pour se souvenir de cette pandémie, pour se souvenir de ses impacts et de réfléchir aux façons de se préparer aux éventuelles pandémies,
[Traduction]
La présidente : Comme l’a proposé la sénatrice Mégie.
Sénatrice Mégie, voulez-vous parler de votre amendement?
[Français]
La sénatrice Mégie : Oui, madame la présidente. Comme vous le voyez, j’ai tenu compte de toutes les préoccupations des membres du comité, des préoccupations que j’ai reçues lors de la première rencontre du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie, et que j’ai reçues encore aujourd’hui. Je suis contente que les préoccupations d’aujourd’hui soient déjà incluses dans l’amendement que j’ai préparé ce matin et que je vous ai envoyé.
Parmi ces préoccupations, comme vous le voyez, la date du 11 mars a été même soutenue par — ce qui m’a inspirée, c’est le rapport spécial préparé par la Protectrice du citoyen du Québec, qui a proposé à sa recommandation 27 que cela nécessite des actes annuels de recueillement, de commémoration. Cela m’avait inspirée au moment de rédiger le projet de loi. À la suite de cela, j’ai eu des objections par rapport au fait que cela ne décrit pas vraiment à qui cela s’adresse, mais comme vous le savez, dès qu’on commence dans les citations et les descriptions, on risque d’oublier quelqu’un, d’oublier un groupe donné.
Donc, pour être plus inclusive, comme vous l’avez vu, puisque toutes les personnes au Canada ont souffert de la pandémie, j’ai inclus toutes les personnes et tous les groupes qui habituellement sont discriminés dans la société. Ils ont tous subi des dommages ou des impacts disproportionnés de la pandémie par rapport au reste de la population. Donc, en les incluant ainsi, je suis certaine de n’oublier personne. Donc cela reste large.
En ce qui concerne la troisième partie de mon amendement, dans mon discours de première lecture, j’avais mentionné les objectifs du projet de loi par rapport au fait, premièrement, de travailler pour s’en sortir; deuxièmement, se souvenir des personnes décédées et des personnes qui ont travaillé fort pour qu’on s’en sorte; le troisième objectif est de réfléchir à ce qui devrait être fait en tirant des leçons de ce qu’on a vécu pendant la pandémie. Ces leçons peuvent nous servir pour regarder vers l’avenir.
Comme nous le constatons aujourd’hui encore, nos témoins nous ont souligné les mêmes choses. Il faut qu’on réfléchisse, qu’on prenne un temps d’arrêt et qu’on aille de l’avant. Notre temps de réflexion va nous permettre de penser à toutes les initiatives possibles. Comme vous voyez, cela peut se vivre de différentes façons : parmi les étudiants, il y a une façon dont ils peuvent le vivre; parmi les personnes aînées, il y a d’autres façons, tels le recueillement et les rassemblements; parmi les communautés autochtones, il y a d’autres façons de le vivre. Il y a aussi d’autres façons dans les réflexions. Chaque groupe peut avoir ses propres réflexions selon les dommages et les impacts qu’il a vécus à cause de la pandémie.
Grâce à cet amendement au préambule, je pense avoir couvert toutes les préoccupations qui ont été soulevées durant nos réunions.
Merci, madame la présidente.
[Traduction]
La présidente : Merci beaucoup, sénatrice Mégie. Nous avons des questions ou des commentaires.
La sénatrice Bovey : Je tiens à remercier la sénatrice Mégie d’avoir si bien saisi le sens de ce que nous avons entendu de la part de tous les témoins au cours de notre débat sur ce projet de loi. On nous a demandé d’élargir ou de définir le contexte, et je sais que les préambules des projets de loi ne sont pas souvent modifiés, alors je tiens à la remercier d’avoir écouté ce qui a été dit et d’avoir produit une nouvelle version du préambule.
[Français]
Merci, sénatrice Mégie, pour votre travail.
La sénatrice Mégie : Merci.
[Traduction]
La sénatrice Bernard : À l’instar de la sénatrice Bovey, je tiens à remercier la sénatrice Mégie d’avoir proposé cet amendement et d’avoir comblé certaines des lacunes que divers témoins nous ont signalées.
Si la sénatrice est prête à envisager cette possibilité, j’aimerais proposer un petit ajout. Un autre aspect dont nous avons entendu parler et qui n’est pas reflété dans cet amendement, c’est la guérison. Je propose que nous ajoutions l’expression « de participer de diverses façons à la guérison », afin que le pays comprenne clairement que ce projet de loi crée également un espace pour la guérison et reconnaît qu’il y a une diversité de façons de guérir.
La présidente : Sénatrice Bernard, vous proposez un sous‑amendement à l’amendement. Afin de respecter les paramètres du libellé, nous devons le vérifier auprès du légiste et puis nous reprendrons.
Chers collègues, la sénatrice Bernard a déposé un sous‑amendement à l’amendement, et nous en avons le libellé en anglais. Pendant qu’on met la dernière main à la version française, on peut aussi débattre du sous‑amendement.
Je vais d’abord demander à notre greffier de lire le sous‑amendement à l’amendement de la sénatrice Mégie.
M. Charbonneau : L’honorable sénatrice Bernard propose :
Que les mots « de ses impacts » soient remplacés par les mots « des nombreuses pertes, de participer de diverses façons à la guérison ».
La présidente : Et ce serait quelle ligne?
M. Charbonneau : L’avant-dernière ligne.
La présidente : Pourriez-vous relire cela, monsieur Charbonneau?
M. Charbonneau : Oui. La motion vise à remplacer les mots « de ses impacts » » par « des nombreuses pertes subies, de trouver différents moyens de guérison ».
S’il est adopté, le paragraphe se lirait comme suit :
Et attendu qu’il convient de désigner officiellement le 11 mars de chaque année comme « le Jour commémoratif de la pandémie » afin de permettre à la population canadienne de souligner les efforts effectués pour se souvenir de cette pandémie, de se souvenir des nombreuses pertes subies, de trouver différents moyens de guérison, et de réfléchir aux façons de se préparer aux éventuelles pandémies.
La présidente : Comme je l’ai dit, il faudra attendre la version française officielle, qui est en cours de préparation. Entretemps, sénatrice Bernard, aimeriez-vous apporter d’autres précisions, ou devrions-nous passer aux autres sénateurs?
La sénatrice Bernard : Je n’ai rien à ajouter.
La présidente : D’accord, merci. Ce sous‑amendement reflétait-il votre intention?
La sénatrice Bernard : Oui.
La présidente : Sénatrice Mégie, je suis sûre que vous aimeriez intervenir, alors je vous en prie.
[Français]
La sénatrice Mégie : Merci, sénatrice Bernard, pour votre proposition. Je vais voir ce que mes autres collègues en pensent. Cependant, l’esprit de ce projet de loi, c’est de donner un sens large au texte de loi afin d’inclure tout le monde, parce que chaque Canadien et chacun des groupes ont été touchés par la COVID de façon différente.
La pandémie a été catastrophique pour les aînés en raison des nombreux décès. Les étudiants l’ont vécu d’une autre façon. Ils ont fait face à des problèmes de santé mentale, à des difficultés scolaires et à des problèmes personnels sur le plan de l’interaction sociale. Les peuples autochtones ont eu aussi leur lot de problèmes. Ils ont dû faire appel à des organismes pour obtenir du soutien. Donc, chaque groupe a été confronté à ses problèmes. C’est pourquoi je veux laisser la formulation large.
Comme vous pouvez le constater, je n’ai pas inclus le mot « deuil » ni le mot « guérison » dans mon texte, parce que chacun aura sa façon de vivre cette journée, chacun aura sa façon de vivre cette commémoration. Si j’ajoute d’autres mots, je diminue l’incidence du projet de loi. Je veux que la formulation du texte reste large pour que tout le monde se sente engagé, chacun à sa façon. C’est le commentaire que je voulais ajouter.
[Traduction]
La sénatrice Bovey : J’aime cette adjonction, mais je crois comprendre que la sénatrice Mégie — et je n’ai pas les deux versions sous les yeux — a dit « de ses impacts ». Je me demande si nous ne pourrions pas avoir les deux expressions, parce que je pense que le concept de « guérison » correspond vraiment à ce que nous avons entendu aujourd’hui. Si on mentionne des pertes, des impacts, la guérison et l’avenir, on a quatre voies pour se remémorer le passé et mieux composer avec les caprices du présent. On se penchera ensuite sur la façon de gérer les futures pandémies.
J’aime donc le mot « guérison », l’expression « participer à la guérison », pour de nombreuses raisons, et c’est qu’elle témoigne de notre diversité d’âge, de génération, de géographie, de culture et de démographie. J’appuierais donc le sous‑amendement de la sénatrice Bernard, mais je ne crois pas qu’il faille nécessairement remplacer « de ses impacts » qui pourrait rester à sa place au début de la phrase de la sénatrice Mégie.
Mais j’aime vraiment le concept de guérison.
La sénatrice McCallum : Tout le monde a parlé aujourd’hui de diverses façons de guérir, des diverses façons de composer avec la pandémie. Il s’agit invariablement du traumatisme et de la façon de s’en remettre.
Ne pensez-vous pas que cette idée se retrouve déjà dans le premier « attendu qu’il est important de reconnaître les effets multidimensionnels de la pandémie », n’est-il pas là aussi question de guérison? C’est ma question.
La sénatrice Bernard : Je vous remercie de la question. D’après moi, ce n’est pas le cas. Je comprends tout à fait l’intention de garder cette disposition suffisamment générale. De nombreuses personnes nous ont parlé du besoin de guérison, et ce besoin n’est pas seulement lié à la perte de vie. Les gens subissent toutes sortes de pertes.
C’est en grande partie la raison pour laquelle nous proposons ce sous‑amendement.
La présidente : Merci.
La sénatrice Poirier : Merci. Je n’ai rien contre l’ajout du mot « guérison », pour vous dire la vérité. La seule chose que j’aimerais clarifier, c’est que j’ai une copie de l’amendement que la sénatrice Mégie nous a remis aujourd’hui, et j’essaie de me souvenir du libellé exact de ce que notre greffier nous a lu en reprenant le sous‑amendement que la sénatrice Bernard a proposé.
Je sais que quelqu’un a dit il y a quelques minutes qu’il serait peut-être préférable de faire un ajout plutôt que de remplacer le terme, et quand il a lu le sous‑amendement, j’ai eu l’impression que c’était exactement ce que nous faisions; il ne s’agissait pas vraiment de remplacer, mais simplement d’ajouter une ligne, à moins que j’aie mal compris.
S’il ne s’agit que d’un ajout, et si cela ne change pas vraiment le résultat recherché avec ce projet de loi, je n’ai absolument aucune réserve à laisser le mot « guérison ». Je pense que les témoins en ont amplement parlé, et je conviens volontiers que nous devons tous guérir. Nous avons tous eu des problèmes avec la COVID-19. Il n’y a aucune famille au Canada ou dans le monde qui n’a pas de guérison à faire à l’issue de cette pandémie, alors je n’ai aucun problème avec cela, pour vous dire la vérité.
La présidente : Sénatrice Poirier, voulez-vous que le greffier relise le sous‑amendement?
La sénatrice Poirier : Oui, s’il vous plaît. Cela clarifierait effectivement les choses pour moi, merci.
La présidente : Ensuite, la sénatrice Dasko voudrait faire une observation.
La sénatrice Dasko : Oui. Je voulais demander au greffier si nous pouvions obtenir une copie du sous‑amendement, parce que j’ai entendu différentes choses quant à savoir si c’est un remplacement ou un ajout. Je ne sais pas vraiment de quoi il s’agit.
La présidente : Chers collègues, j’ai une proposition à vous faire.
La version française du sous‑amendement est encore en cours de rédaction. Je propose que nous reportions notre étude article par article à la prochaine réunion afin d’avoir les textes par écrit et de pouvoir les examiner de façon appropriée.
Êtes-vous d’accord pour que l’étude article par article du projet de loi S-209 soit reportée à la prochaine réunion du Comité?
La sénatrice Poirier : Je suis d’accord. Merci.
La sénatrice Bernard : Bonne idée, madame la présidente.
La présidente : Très bien. Nous allons reporter l’étude article par article.
Nous poursuivons notre examen du projet de loi C-10, Loi concernant certaines mesures liées à la COVID-19. J’aimerais vous présenter notre premier témoin, l’honorable Jean-Yves Duclos, ministre de la Santé. Merci d’avoir pris le temps de venir nous rencontrer malgré un préavis aussi court.
Le ministre est accompagné de représentants de Santé Canada, qui sont Stephen Lucas, sous-ministre, Serena Francis, sous-ministre adjointe et dirigeante principale des finances, et Cameron MacDonald, sous-ministre adjoint, Secrétariat du dépistage de la COVID-19, recherche des contacts et stratégies de gestion de données.
J’invite le ministre à faire son allocution de cinq minutes. Allez-y, monsieur le ministre.
[Français]
L’honorable Jean-Yves Duclos, c.p., député, ministre de la Santé : Madame la présidente et chers membres du comité, je vous remercie de l’occasion de m’adresser au comité aujourd’hui. Je suis très heureux d’être ici pour discuter avec vous du projet de loi C-10, une loi qui accorderait à Santé Canada l’autorisation législative d’acheter et de distribuer partout au pays des tests de dépistage rapide de la COVID-19 d’une valeur maximale de 2,5 milliards de dollars.
[Traduction]
Les représentants du ministère qui m’accompagnent aujourd’hui sont Stephen Lucas, sous-ministre, Serena Francis, sous-ministre adjointe et dirigeante principale des finances, et Cameron MacDonald, Secrétariat du dépistage de la COVID-19, recherche des contacts et stratégies de gestion de données.
Pour commencer, je tiens à souligner l’importance de ce projet de loi et la nécessité de rendre les tests rapides largement accessibles dès maintenant.
[Français]
Comme vous le savez, la situation entourant la pandémie de la COVID-19 se stabilise partout au pays. Les taux d’infection du variant Omicron ont déjà dépassé le pic dans la plupart des régions, et ont été suivis d’une baisse plus ou moins rapide des taux d’hospitalisations.
Il s’agit de très bonnes nouvelles, mais nous ne sommes toutefois pas encore tirés d’affaire, puisque nous avons déjà vécu cette situation auparavant.
[Traduction]
Alors que nous passons à la prochaine phase de notre réponse à la pandémie, nous devons disposer d’un ensemble complet d’outils pour éviter une résurgence du virus.
[Français]
Les tests de dépistage jouent un rôle primordial dans les efforts que nous déployons pour contenir la pandémie et atténuer ses effets. La détection des infections contribue à prévenir la propagation du virus par transmission entre les personnes.
Les tests rapides peuvent détecter les cas de façon efficace et réduire la propagation de la COVID-19 dans des milieux comme les écoles, les milieux de travail et d’autres endroits où le taux de transmission peut être particulièrement élevé.
[Traduction]
Madame la présidente, ce ne sont pas toutes les personnes infectées par le variant Omicron de la COVID-19 qui présentent des symptômes. En fait, la prévalence des infections asymptomatiques est probablement un facteur important à l’origine du taux élevé de transmission de ce variant.
[Français]
Le projet de loi C-10 contribuerait ainsi à répondre à la demande de tests rapides des provinces et des territoires, et à améliorer le programme national de dépistage en milieu de travail, ainsi qu’à d’autres initiatives fédérales de dépistage.
Au moyen de ce financement, le gouvernement canadien achèterait des centaines de millions de tests supplémentaires de dépistage rapide de la COVID-19 et les distribuerait aux provinces et aux territoires ainsi qu’aux communautés autochtones au cours des prochains mois, sans frais.
[Traduction]
Le financement permettra également à Santé Canada de continuer à fournir des tests aux fins de distribution par l’entremise de partenaires comme la Croix-Rouge canadienne, les chambres de commerce et les pharmacies.
Tout au long de la pandémie, le gouvernement du Canada a travaillé en étroite collaboration avec ses partenaires provinciaux et territoriaux, et d’autres partenaires, pour s’assurer qu’ils disposent des outils dont ils ont besoin pour gérer les éclosions et assurer la sécurité des gens.
[Français]
En octobre 2020, le gouvernement canadien a commencé à acheter et à distribuer gratuitement aux provinces et aux territoires des tests de dépistage rapide. Jusqu’à présent, nous avons acheté plus de 520 millions de tests rapides, pour une somme totale de près de 3,8 milliards de dollars.
Au cours d’un seul mois, en décembre, le gouvernement du Canada a distribué plus de 35 millions de tests rapides aux provinces et aux territoires. En janvier 2022, nous avons obtenu 140 millions de tests rapides supplémentaires et les avons aussi distribués aux provinces et aux territoires.
[Traduction]
Le projet de loi C-10 permettrait à Santé Canada et à l’Agence de la santé publique du Canada de continuer d’appuyer les provinces et les territoires en leur fournissant les tests de dépistage rapide dont ils ont besoin pour assurer la sécurité et la santé des Canadiens. Il garantirait également un accès essentiel à ces tests d’un bout à l’autre du pays.
[Français]
En conclusion, après avoir vécu deux années dans le contexte de la pandémie de la COVID-19, nous en avons toutes et tous assez. Toutefois, en réalité, la COVID-19 continue de faire partie de nos vies.
Les tests rapides demeurent, parmi d’autres outils, des outils essentiels, tant que le virus circule et qu’il continuera de circuler au pays. Ces tests sont sûrs, efficaces, faciles à utiliser, et ils donnent des résultats en moins de 15 minutes.
[Traduction]
Le projet de loi C-10 aiderait le gouvernement du Canada à fournir des centaines de millions de tests de dépistage rapide de plus partout au pays. Cette loi aiderait à réduire le risque d’éclosion, à repérer et à isoler rapidement les cas et à limiter la propagation de la COVID-19 et de ses variants préoccupants. Il aiderait à assurer la sécurité des Canadiens pendant la transition vers la prochaine phase de notre réponse à la pandémie. Merci.
La présidente : Merci, monsieur le ministre. Nous allons passer aux questions des sénateurs. Comme toujours, je vous demanderais de bien vouloir limiter vos questions et vos réponses à cinq minutes. Je vais faire une exception à ma règle. Chers collègues, avec votre permission, je vais poser la première question.
Monsieur le ministre, je voudrais comprendre pourquoi vous êtes si pressé. Les provinces distribuent des tests — pas parfaitement, et cela peut être amélioré. Mais nous devons comprendre — j’ai besoin de comprendre — la raison pour laquelle ce comité va étudier un projet de loi qui coûtera au Canada 2,5 milliards de dollars de plus, alors que nous disposons pour cela de moins de deux heures. Je ne sais pas comment nous pouvons nous acquitter de notre devoir envers le public en tant que Chambre de second examen objectif. J’ai besoin de comprendre les raisons de fond ou techniques pour lesquelles il faut que ce projet de loi reçoive la sanction royale d’ici la fin de la semaine.
M. Duclos : Je vous remercie de la question. Je vais peut-être demander au sous-ministre de vous fournir de plus amples renseignements sur les autorisations nécessaires non seulement pour acheter, mais aussi pour payer ces tests.
Permettez-moi d’être très clair. La concurrence pour les tests rapides est extrêmement féroce dans le monde. Nous avons réussi, mais pas autant que nous aurions pu le faire au cours des derniers mois, à obtenir et à fournir ces tests rapides. Nous sommes dans une lutte mondiale pour ces tests, qui sont encore très rares. Non seulement la demande est très forte, mais l’offre est encore très limitée. Nous avons besoin d’autorisations financières pour obtenir ces tests de la façon la plus raisonnable et la plus efficace possible.
Je sais que j’ai parlé un peu trop longtemps avant de céder la parole au sous-ministre Lucas, mais si vous le désirez, je peux lui demander de vous fournir des précisions sur les autorisations nécessaires pour que cette lutte soit couronnée de succès pour les Canadiens.
La présidente : Nous aimerions entendre M. Lucas.
Stephen Lucas, sous-ministre, Santé Canada : Merci, madame la présidente. Comme l’a dit M. Duclos, s’il est urgent d’étudier ce projet de loi à ce moment-ci, c’est effectivement en raison de la forte demande mondiale. Il est essentiel que nous prenions des dispositions d’achat à l’avance, que nous signions des contrats avec les fournisseurs pour mars et jusqu’en avril afin d’assurer ces livraisons pour les Canadiens. Dans ce marché mondial exigeant, il est nécessaire non seulement d’obtenir des contrats, mais aussi de payer les fournisseurs à l’avance — et d’avoir la possibilité d’obtenir ces ententes contractuelles et d’effectuer des paiements anticipés pour ces achats — afin d’assurer des livraisons en mars et en avril.
Il faut que le projet de loi soit adopté pour nous autoriser à conclure ces contrats, à faire des paiements anticipés et à gérer la situation jusqu’au prochain exercice financier. Notre ministère et l’Agence de la santé publique n’ont pas, à ce stade-ci de l’exercice, suffisamment de pouvoirs pour conclure ces contrats. Nous avons donc besoin de ces fonds, comme le prévoit le projet de loi.
La présidente : Merci beaucoup.
La sénatrice Bovey : Merci, monsieur le ministre, d’être ici. J’ai deux questions, et je vais les poser toutes les deux d’entrée de jeu. Ma première question concerne la distribution des tests rapides après leur acquisition par le gouvernement du Canada. L’Accord sur la relance sécuritaire mentionne que le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires collaborent avec les associations de l’industrie, les organismes sans but lucratif et d’autres organismes pour distribuer des tests rapides dans les milieux de travail afin de les rendre plus sécuritaires.
Où en est le gouvernement fédéral aujourd’hui en ce qui concerne la distribution de ces nouveaux tests rapides aux Canadiens? De plus, je sais que, conformément à l’Accord sur la relance sécuritaire, les premiers ministres des provinces et des territoires se sont engagés à partager des renseignements et des données pertinents. Pourriez-vous nous dire quels progrès ont été réalisés à cet égard?
M. Duclos : Merci beaucoup. J’inviterai le sous-ministre, qui se tournera peut-être plus tard vers l’un des autres sous-ministres, à fournir des détails sur les chiffres exacts concernant la distribution et l’utilisation exacte de ces tests rapides.
Essentiellement, nous avons utilisé deux canaux. Le plus important a été la livraison aux provinces et aux territoires. La grande majorité des tests ont été envoyés aux provinces et aux territoires, qui ont ensuite pu les distribuer aux hôpitaux, aux écoles, aux lieux de travail, aux services publics, aux industries, aux groupes communautaires et aux organismes communautaires. Ce canal de distribution a été le plus important.
Le gouvernement fédéral a également veillé à ce que les tests soient offerts aux communautés autochtones, aux services correctionnels, aux forces armées, à la Croix-Rouge, à d’autres partenaires, aux chambres de commerce, à des organisations communautaires particulières et des pharmacies particulières avec lesquelles nous avions une relation privilégiée et efficace. C’était le contexte général.
Pendant de nombreux mois, la demande venant des provinces et des territoires a été relativement faible. Entre octobre 2020 et novembre 2021, les provinces et les territoires ont demandé en moyenne de 5 à 6 millions de tests de dépistage rapide par mois, mais ce nombre est passé à 35 millions en décembre, puis à 140 millions en janvier. Comme on vient de le dire, nous essayons de maintenir cet élan.
Pour des détails précis sur les chiffres et les utilisations, je vais vous céder de nouveau la parole, monsieur Lucas, et vous voudrez peut-être la céder à quelqu’un d’autre.
La présidente : Monsieur le sous-ministre, vous avez exactement deux minutes. Nous avons une liste de sénateurs, et nous n’avons le ministre que pendant une heure.
M. Lucas : Je dirai simplement que le gouvernement fédéral, dans le cadre de son entente de collaboration avec les provinces, fournit des tests directement aux grandes entreprises et aux PME par l’entremise des pharmacies — comme le ministre l’a mentionné —, et par l’entremise de la Croix-Rouge canadienne et d’organismes communautaires, à divers organismes sans but lucratif, comme les refuges pour les sans-abri, par exemple.
Je vais demander à Cameron MacDonald, qui est avec nous, de vous donner une idée du nombre et de la distribution de ces tests.
Cameron MacDonald, sous-ministre adjoint, Secrétariat du dépistage de la COVID-19, recherche des contacts et stratégies de gestion de données, Santé Canada : Merci madame la présidente et sénatrice Bovey. Aujourd’hui, nous avons livré plus de 10 millions de tests rapides aux grandes entreprises et aux PME. Les livraisons par l’entremise de la CRC aux collectivités vulnérables ont commencé un peu après Noël. Nous avons livré un peu plus d’un million de tests par mois et ce chiffre est monté jusqu’à 3 millions. Cela montre l’ampleur du problème. Dans le cadre de l’Accord sur la relance sécuritaire, nous avons également un accord de contribution avec la Chambre de commerce du Canada, qui travaille avec les chambres de commerce provinciales et territoriales pour s’assurer que les entreprises reçoivent des tests par l’entremise de modèles de distribution PT. Merci.
La sénatrice Bovey : Merci.
La sénatrice Poirier : Merci, monsieur le ministre, d’être parmi nous aujourd’hui et merci aux fonctionnaires. Nous vous en sommes très reconnaissants.
Monsieur le ministre, le 14 février, à l’autre endroit, vous vous êtes formellement engagé à faire rapport au Parlement tous les six mois sur l’acquisition, la distribution et l’utilisation des tests antigéniques rapides. Vous avez dit :
Je suis tout à fait d’accord évidemment sur le fait que le gouvernement canadien doive rendre des comptes. À nouveau, je signale l’engagement que nous prenons auprès du député néo-démocrate de New Westminster—Burnaby afin que des comptes soient rendus tous les six mois. Des rapports complets sur les montants, les nombres et les usages consacrés pour les tests rapides seront publiés.
Bien qu’il s’agisse d’un engagement important, il ne s’agit que d’un engagement verbal. Monsieur le ministre, seriez-vous prêt à accepter un amendement favorable au projet de loi C-10, qui intégrerait la reddition de comptes et l’obligation de faire rapport dans le projet de loi?
M. Duclos : Merci, sénatrice Poirier. J’aurais dû mentionner plus tôt que je suis heureux de pouvoir répondre à ces questions.
C’est un engagement que nous avons pris et que nous maintiendrons. Non seulement nous le ferons tous les six mois, mais nous le ferons tous les trois mois. Il s’agira d’un rapport sur le nombre et l’utilisation de ces tests rapides que les sénateurs seront évidemment en droit de recevoir. Comme vous l’avez dit, la transparence est essentielle non seulement pour informer les sénateurs et les députés, mais aussi pour informer les Canadiens. C’est ce que nous allons faire, pas seulement tous les six mois, mais tous les trois mois.
La sénatrice Poirier : Monsieur le ministre, dans vos diverses observations sur ce projet de loi, vous avez parlé des tests rapides, et vous l’avez fait encore aujourd’hui. Dans le projet de loi, il est simplement question de « tests ». Pourquoi ne pas être plus précis dans le projet de loi et parler de « tests rapides » et pas seulement de « tests »? La sénatrice Seidman a dit dans son discours qu’il y a une différence dans l’efficacité des différents tests. Alors, encore une fois, pourquoi ne pas être plus précis dans le projet de loi?
M. Duclos : C’est aussi une excellente question. Il y a effectivement un grand nombre de tests dits rapides. Dans certains cas, il s’agit de tests moléculaires rapides, et vous pouvez réaliser rapidement un test RCP ou un test moléculaire à l’aide de la technologie. Il faut 30 ou 40 minutes pour obtenir un résultat.
Habituellement, lorsque les gens parlent de tests rapides, ils font allusion aux tests antigéniques rapides. Ces tests sont légèrement moins sensibles que les tests moléculaires, mais lorsque les charges virales sont importantes, ils sont habituellement très efficaces pour détecter si une personne est infectée par la COVID-19.
Il y a donc manifestement un compromis à faire entre la rapidité du résultat et sa sensibilité.
Mais comme je l’ai dit, le taux de précision des tests antigéniques rapides qui ont été approuvés par Santé Canada est très élevé et rend l’utilisation de ces tests très efficace.
La sénatrice Poirier : J’ai une autre question. Monsieur le ministre, lorsque vous étiez à la Chambre, au début de février, ma collègue, la sénatrice Marshall, vous a demandé pourquoi il n’y avait pas de détails sur la façon dont les 2,5 milliards de dollars seront dépensés. À ce moment-là, votre réponse, qui n’en était pas une, a été que les tests rapides sont importants.
Je pose donc de nouveau la question : pourquoi n’y a-t-il pas de détails sur les 2,5 milliards de dollars de dépenses que vous demandez pour ce projet de loi? Et si vous étiez un député de l’opposition, accepteriez-vous cela?
M. Duclos : Ce montant est destiné à des tests antigéniques rapides. Comme vous l’avez gentiment et correctement demandé plus tôt, il y aura un rapport tous les trois mois sur les chiffres exacts et les utilisations de ces tests rapides. C’est donc un plan qui sera documenté et transparent lorsque nous connaîtrons les chiffres concernant l’approvisionnement et la livraison — à la fois les chiffres et les utilisations de ces tests —, et ces renseignements seront communiqués de façon transparente aux sénateurs, aux députés et, par conséquent, à tous les Canadiens.
La sénatrice Poirier : Merci, monsieur le ministre.
Le sénateur Patterson : Il est essentiel que le ministre soit là aujourd’hui. Je me réjouis de sa présence ici, avec ses collaborateurs.
Monsieur le ministre, je sais que vous avez été président du Conseil du Trésor. La Chambre est saisie d’un projet de loi, le projet de loi C-8, qui met en œuvre la mise à jour économique et financière. Il contient 1,723 milliard de dollars pour les tests rapides. Si j’ai bien compris, le projet de loi prévoit que le montant s’appliquera à toutes les dépenses engagées après le 1er avril 2021.
J’aimerais donc poser une question au sujet du projet de loi C-8, parce qu’il s’agit d’une autre dépense importante pour les tests rapides que nous devrons examiner lorsqu’il viendra au Sénat. L’argent prévu dans le projet de loi C-8 a-t-il été versé, et le projet de loi sert-il à rembourser ces fonds?
M. Duclos : Je vous remercie de cette bonne et pertinente question. Il y a effectivement deux projets de loi, soit le projet de loi C-8, qui découle de l’énoncé économique de l’automne, et le projet de loi C-10, qui est celui dont nous discutons présentement. Le projet de loi C-8 couvre l’acquisition et, par conséquent, le paiement des tests rapides jusqu’à récemment. Le projet de loi C-10 couvrira les semaines qui viennent de s’écouler et les semaines à venir.
Pour ce qui est des autorisations financières correspondant au montant inscrit dans le projet de loi C-8, je vais me tourner vers le sous-ministre dans un instant, mais il s’agit d’investissements complémentaires.
Si nous avions parlé en novembre des tests rapides, l’ordre de grandeur du projet de loi C-8 aurait probablement été pertinent, raisonnable et responsable, mais les choses ont radicalement changé depuis novembre. Nous connaissons tous le variant Omicron maintenant, et c’est pourquoi la demande de tests rapides au Canada, mais aussi à l’échelle mondiale, a énormément augmenté, et pourquoi nous parlons maintenant du projet de loi C-10.
Je vais maintenant céder brièvement la parole à M. Lucas au sujet des projets de loi C-10 et C-8.
M. Lucas : Pour gagner du temps, je vais demander à Serena Francis, notre dirigeante principale des finances, de vous expliquer comment on comptabilise les tests achetés à l’avance en vertu du projet de loi C-8.
Serena Francis, sous-ministre adjointe et dirigeante principale des finances, Santé Canada : Certainement. Je vous remercie de la question.
Le financement qui a été prévu, ou qui est demandé dans le projet de loi C-8, a été géré par les ministères à même leur trésorerie, comme il est indiqué, de sorte que nous avons été en mesure de faire avancer les acquisitions de tests rapides pour la première tranche de 1,7 milliard de dollars. Cela nous permet d’assurer un approvisionnement. Nous avons dû faire de la gestion de trésorerie à partir d’autres ressources au sein du ministère pour y arriver, et lorsqu’il a été déposé, le projet de loi C-8 nous donnait la capacité de faire ces paiements.
Depuis, cependant, le Budget supplémentaire des dépenses (C) contient également une disposition à ce sujet.
Nous devons donc nous assurer — et c’est ce que nous faisons — qu’aucune partie de cet argent n’est dépensée en double. Tout ce qui est dépensé en vertu de l’autorisation législative est automatiquement gelé par le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada dans les crédits.
Le sénateur Patterson : Dois-je comprendre que le projet de loi C-8 rembourse au gouvernement l’argent que vous avez déjà dépensé? Ensuite, le projet de loi C-10 vous permet de recouvrer rétroactivement les sommes dépensées jusqu’à concurrence de 2,5 milliards de dollars après le 1er janvier 2022. S’agit-il donc de 1,723 milliard de dollars jusqu’en décembre et de 2,5 milliards de dollars par la suite? Ai-je bien compris?
Mme Francis : Oui.
Le sénateur Patterson : C’est bien.
Je me demande donc pourquoi on nous presse. Vous obtiendrez les fonds dont vous avez besoin lorsque le projet de loi sera adopté. Vous obtenez les fonds dont vous aviez besoin l’an dernier dans le cadre du projet de loi C-8, alors qu’est-ce qui presse?
Nous avons besoin de temps pour étudier ce projet de loi, faire des recommandations et peut-être même apporter des améliorations. Vous obtiendrez les fonds rétroactivement en vertu de ce projet de loi. Ne pouvons-nous pas prendre le temps de bien l’étudier?
La présidente : Je m’excuse. Votre temps est écoulé. Nous reviendrons peut-être à vous au deuxième tour. Je dois être juste envers tout le monde.
[Français]
La sénatrice McPhedran : Monsieur le ministre Duclos, je vous remercie pour vos efforts à ce sujet. Si le projet de loi est adopté, pouvez-vous estimer quand les tests seront mis à la disposition des citoyens et citoyennes qui en auront besoin?
M. Duclos : Merci pour cette importante question. Il est important de parler du produit, mais surtout de son utilité et son arrivée. Comme je le disais un peu plus tôt, il y a eu 35 millions de tests rapides distribués en décembre, ce qui est à peu près cinq fois plus élevé que la moyenne d’avant : 140 millions, nous avons multiplié par quatre le nombre de tests distribués entre décembre et janvier, et depuis février, Services publics et Approvisionnement Canada, Santé Canada et l’Agence de la santé publique travaillent fort tous les jours pour aller chercher le maximum de tests disponibles sur les marchés mondiaux. Une fois reçus au Canada, ces tests sont distribués immédiatement aux provinces et territoires ou aux partenaires comme les chambres de commerce, aux communautés autochtones, aux services correctionnels et aux Forces armées canadiennes, dont le gouvernement du Canada doit aussi s’occuper. Donc, 140 millions de tests en janvier, 35 millions en décembre et plusieurs dizaines de millions en février — immédiatement, ces tests seront livrés à nos partenaires.
Je lisais encore hier que les aînés de la Colombie‑Britannique avaient accès à des tests rapides plus facilement en raison des dernières livraisons du gouvernement du Canada.
La sénatrice McPhedran : Pouvez-vous nous expliquer comment vous allez vous assurer que les tests que vous recevrez grâce à ce projet de loi seront distribués équitablement?
M. Duclos : C’est aussi une excellente question et merci de la poser. Il y a deux aspects à votre question sur l’équité. Il y a l’équité dans un cadre de relations directes entre le gouvernement du Canada et ses partenaires, et l’équité dans l’usage et la distribution des tests avec les provinces et les territoires.
Tout d’abord, le gouvernement du Canada a une relation privilégiée avec les communautés autochtones. C’est pourquoi une partie importante des tests ont été livrés aux communautés et aux leaders autochtones. On doit s’assurer que les gens qui travaillent et qui vivent dans les milieux correctionnels, ainsi que les gens qui travaillent dans les forces armées et dans la fonction publique ont accès à des tests rapides. Cet enjeu d’équité, directement de responsabilité fédérale, est important.
Jusqu’à la fin de décembre, les provinces et les territoires faisaient des demandes variables. Certaines provinces étaient plus ambitieuses quant aux demandes pour obtenir des tests rapides, alors que d’autres provinces en demandaient beaucoup moins. Cela a donné lieu à une certaine forme d’iniquité partout au pays pour ce qui est de la distribution des tests rapides. À partir du 1er janvier, nous avons changé de méthode. Les tests sont désormais distribués selon le nombre d’habitants. Ainsi, depuis le début de janvier, les provinces et les territoires reçoivent le même nombre de tests rapides par habitant.
La sénatrice McPhedran : Monsieur le ministre, jusqu’à quel point ce projet de loi pourra-t-il soutenir les efforts de dépistage du gouvernement face à cette pandémie? Est-ce que le gouvernement aura besoin d’un financement supplémentaire à cet égard?
M. Duclos : Vous posez de nouveau une très bonne question. Le dépistage a pris un nouveau sens avec l’arrivée d’Omicron. Comme on le sait, le dépistage moléculaire et les tests PCR sont beaucoup moins accessibles qu’auparavant. C’est pourquoi on s’assure de mieux outiller les citoyens en leur fournissant des tests rapides qu’ils peuvent faire eux-mêmes, selon les circonstances qui se présentent.
Il s’agit d’une responsabilité individuelle. Chaque personne dispose de tests rapides à la maison et chacun les utilise en fonction de ses contacts et de ses symptômes, ce qui est une méthode plus efficace. Si le test est positif, la personne concernée prend les mesures appropriées pour protéger sa santé et celle de ses proches.
[Traduction]
La sénatrice McPhedran : Merci.
Le sénateur Kutcher : Merci, monsieur le ministre et monsieur le sous-ministre, d’être parmi nous aujourd’hui. Monsieur le ministre, je vous adresse ma question non seulement en tant que sénateur, mais aussi en tant que médecin et en tant que personne qui vient de se remettre de la COVID-19 et dont la famille vient juste de s’en remettre.
Nous savons à quel point ces tests sont importants, mais ils ne sont utiles que si les gens les ont et les utilisent correctement. Nous savons tous que nous avons eu pas mal de difficulté, partout au Canada, à établir comment ces tests rapides ont été distribués et utilisés. Il y a d’énormes différences entre les provinces et les territoires. Par exemple, je viens de la Nouvelle‑Écosse où nous avons obtenu de bons résultats avec les tests de dépistage rapide, contrairement à d’autres provinces comme celle de l’Ontario.
La responsabilité et la reddition de compte à l’égard de la distribution et de l’utilisation des tests de dépistage rapide suscitent des préoccupations importantes. Étant donné ce qui s’est passé jusqu’ici, comment pouvons-nous savoir que tous ces nouveaux fonds seront utilisés de façon raisonnable et responsable, afin que nous puissions avoir l’assurance que la bonne personne passera le test au bon endroit, au bon moment, et de ne pas simplement injecter plus d’argent dans un modèle de distribution qui s’est révélé inefficace par le passé?
M. Duclos : Merci beaucoup, sénateur Kutcher. Vous avez raison. Lorsque j’ai parlé tout à l’heure des différentes demandes et des différentes utilisations des tests rapides à travers le Canada, j’avais en tête, comme vous l’avez mentionné, l’exemple de la Nouvelle‑Écosse qui, en 2020 et 2021, a fait de plus grandes demandes et de plus grandes utilisations des tests rapides. En fait, l’exemple de la Nouvelle‑Écosse n’est pas seulement quelque chose dont vous pouvez être légitimement fier en tant que Néo-Écossais. Il a aussi aidé d’autres provinces à progresser plus rapidement dans la lutte contre la crise du variant Omicron. Ce qui s’est passé en Nouvelle‑Écosse au début de la pandémie est donc à la fois une source de fierté légitime et une source de gratitude.
Pour ce qui est de la reddition de comptes, de la responsabilité et de l’efficacité de l’utilisation des tests rapides dans une province, nous sommes une fédération, évidemment, et une fédération a toutes sortes d’avantages, mais cela s’accompagne aussi de différents niveaux de gouvernance. C’est la raison pour laquelle nous faisons confiance aux provinces et aux territoires et nous les appuyons dans leur travail visant à s’assurer que l’utilisation de ces tests soit la plus efficace et la plus équitable possible.
En fin de compte, ils prennent leurs propres décisions, et ils doivent rendre des comptes à leurs propres citoyens, mais, encore une fois, nous avons des conversations régulières. Je crois avoir eu huit ou neuf conversations avec mes collègues, les ministres de la Santé de partout au Canada, et nous parlons ouvertement de l’importance d’utiliser ces tests de la façon la plus responsable et équitable possible. Mais au bout du compte, c’est à chaque province et territoire de prendre ses propres décisions.
Le sénateur Kutcher : Merci, monsieur le ministre. Je comprends les défis de notre système fédéral. Je me demande comment les Canadiens peuvent avoir l’assurance qu’il existe de nouvelles façons d’envisager la reddition de comptes. Ne serait-il pas possible que le gouvernement fédéral, lorsqu’il donne tout cet argent supplémentaire, dise : « Nous voulons que les provinces rendent des comptes pour montrer qu’elles utilisent ces tests d’une manière raisonnable et qui répond aux besoins des Canadiens »?
M. Duclos : La réponse est oui. Nous avons demandé, et je crois que c’est légitime, une plus grande reddition de comptes, une plus grande transparence de la part des provinces et des territoires. Maintenant, bien sûr, au milieu d’une crise, comme nous l’avons vu en décembre et en janvier, lorsque vous devez agir rapidement, vous voulez créer le moins d’obstacles et de retards possible. Il faut donc agir rapidement. Mais il était entendu à l’époque, et il est clair maintenant, que nous avons besoin d’une reddition de comptes. Nous avons besoin de données sur les chiffres et les utilisations, en partie, comme je l’ai dit plus tôt, pour être en mesure de faire rapport de façon transparente et responsable aux membres du Sénat et de la Chambre des communes.
La sénatrice Lankin : Je remercie le ministre et ses collaborateurs d’être ici. J’ai deux questions. J’aimerais revenir sur les répercussions budgétaires. Je pense que vous avez très bien expliqué, en réponse au sénateur Patterson, le montant de 1,7 milliard de dollars qui provenait du projet de loi C-8 et, maintenant, le montant de 2,5 milliards de dollars prévu dans le projet de loi C-10.
Hier, à l’étape de la deuxième lecture, la sénatrice Marshall, qui est notre gourou en matière de chiffres, a soulevé la question, alors que le Comité des finances nationales s’est réunit pour étudier le Budget supplémentaire des dépenses (C), à savoir qu’il y a aussi deux lignes qui se rapportent à cette conversation; un premier montant de 3,2 milliards de dollars, et un deuxième, de 750 millions de dollars. Donc, dans les projets de loi C-8 et C-10, c’est un peu plus de 4 milliards de dollars, 3,2 milliards de dollars et 750 millions de dollars, dans le Budget supplémentaire des dépenses (C), c’est un peu moins de 2 milliards de dollars.
De plus, nous savons que certaines provinces ont acheté leurs propres tests. Je crois que l’Ontario en a acheté 44 millions et le Québec, 100 millions.
À quoi sert l’argent du Budget supplémentaire des dépenses (C)? Est-ce une façon de rendre compte de ce qui se trouve dans les projets de loi C-8 et C-10? Pouvez-vous me dire quelle est la différence, sinon? Dans les cas où les provinces ont acheté des tests, de leur propre initiative, un remboursement leur est-il accordé? Est-ce que c’est déduit du nombre de tests que vous leur distribuez? Y a-t-il un lien, ou est-ce seulement que les provinces décident de fournir un supplément de tests pour combler les besoins de leur population?
M. Duclos : Merci, sénatrice Lankin. Ce sont de bonnes questions. Permettez-moi d’abord de parler de la question générale du coût de ces mesures. Évidemment, 2,5 milliards de dollars, c’est beaucoup d’argent. Cela dit, le coût pour l’économie, pour les recettes de l’État, sans parler du coût pour la santé et la vie, de ne pas se procurer et de ne pas fournir des tests rapides est énormément plus élevé. Des centaines de milliards de dollars de revenus ont été perdus pour les familles et les entreprises au cours des derniers mois en raison de la COVID-19, 35 000 personnes sont mortes et des centaines de milliers d’autres ont été hospitalisées. Chaque personne hospitalisée coûte en moyenne 23 000 $ si c’est à cause de la COVID-19. Ce sont de gros montants. Nous devons penser globalement lorsque nous parlons de ces investissements. Évidemment, tout cela est assumé par le gouvernement fédéral. On pourrait faire valoir que cela devrait être payé par les provinces et les territoires. C’est peut-être une question dont on pourrait discuter plus tard.
Pour ce qui est des autres excellentes questions que vous posez au sujet du chevauchement ou de la complémentarité entre le projet de loi C-8, le projet de loi C-10 et le Budget supplémentaire des dépenses (C), je vais peut-être céder la parole à M. Lucas, qui voudra peut-être se tourner vers Mme Francis.
M. Lucas : Merci, monsieur le ministre. Pour répondre à votre question, je vais revenir sur un point que j’ai soulevé plus tôt et je céderai ensuite la parole à Mme Francis dans un instant pour une explication plus technique. Dans le marché très concurrentiel des tests rapides, il est extrêmement important de pouvoir s’y prendre à l’avance afin que nous puissions les obtenir en mars, en avril et au-delà, comme nous devons le faire, grâce au financement prévu dans le projet de loi C-10. Comme je l’ai dit, nous avons épuisé toute la latitude dont nous disposions pour utiliser les pouvoirs existants en prévision de l’adoption des projets de loi ou des mesures budgétaires, d’où l’urgence du projet de loi C-10.
Afin d’avoir le maximum de souplesse et de tenir compte de l’incertitude potentielle quant au moment, le financement des projets de loi C-8 et C-10 a été inscrit dans le Budget supplémentaire des dépenses. Cependant, comme Mme Francis l’a fait remarquer, et je vais lui céder la parole dans un instant, avec l’adoption du projet de loi C-10, nous procéderions immédiatement à la finalisation des contrats et nous autoriserions les paiements anticipés nécessaires pour obtenir et harmoniser la livraison de ces tests. Tous les fonds obtenus au moyen d’une autorisation législative, comme le propose le projet de loi C-10, seraient déduits ou bloqués dans les crédits, de sorte qu’il n’y aurait pas de double dépense.
La sénatrice McCallum : Merci de nous rencontrer, monsieur le ministre. Quelles sont les données qui démontrent que les tests rapides permettent effectivement d’assurer la sécurité et la santé du public alors que ces tests requièrent que les gens reconnaissent en avoir besoin et que certaines personnes ne suivent peut-être pas les lignes directrices en matière de santé que nous suivions normalement avant la COVID-19? Les gens vont plus souvent à l’encontre des lignes directrices qu’auparavant. Y a-t-il une possibilité qu’ils aient besoin d’un test tous les jours parce que les provinces ont aboli leurs lignes directrices sur la COVID-19? Merci.
M. Duclos : Merci beaucoup. C’est une question très pertinente. C’est une question d’équité et de protection de la santé. C’est pourquoi j’entends dire et je crois que l’utilisation de tests rapides peut contribuer à une meilleure protection de notre santé et de celle de notre entourage, mais aussi à s’assurer qu’il s’agit d’une protection, d’une capacité qui est plus accessible pour de nombreux Canadiens, notamment ceux qui sont généralement plus marginalisés ou plus isolés ou qui ont plus peur des milieux de soins de santé traditionnels et formels.
Les tests de dépistage rapide peuvent être faits à la maison. On peut les effectuer à n’importe quel moment. Ils peuvent être faits plus ou moins fréquemment, selon le moment où la personne perçoit le risque qu’elle a pris ou auquel elle a été exposée. De toute évidence, c’est un produit qui peut être transporté, pris et retiré facilement dans les collectivités nordiques et isolées, contrairement aux tests PCR moléculaires qui exigent habituellement une technologie plus lourde et qui sont plus coûteux et plus compliqués à utiliser. Ce n’est pas seulement, comme vous l’avez laissé entendre, quelque chose qui peut être efficace pour protéger la santé d’une personne, selon l’état de cette personne, mais aussi quelque chose qui peut être accessible de façon plus équitable pour des personnes ayant divers problèmes de santé.
La sénatrice McCallum : Je ne sais pas si vous n’avez pas compris ma question, mais certaines des personnes qui se soumettent aux tests rapides ne vont pas nécessairement suivre les lignes directrices. Elles vont quand même infecter d’autres personnes. Je connais des étudiants dans cette situation, qui ont infecté d’autres étudiants universitaires. Personne ne surveille les gens qui se soumettent aux tests rapides.
M. Duclos : Je suis désolé de ne pas avoir répondu assez clairement à cette question. C’est exact, vous avez raison. Cela habilite les gens. Cela les informe sur leur état de santé, mais vous avez raison, cela ne force personne à agir après coup. C’est évidemment quelque chose que le gouvernement a du mal à contrôler au niveau individuel. Dans la plupart des cas, nous croyons que les gens feront ce qui s’impose s’ils savent qu’ils sont infectés par la COVID-19.
La sénatrice Moodie : Merci, monsieur le ministre, d’être ici aujourd’hui. Comme nous le savons, les tests de dépistage de la COVID-19 détectent les protéines du virus avec un succès variable, selon le variant. Nous sommes de plus en plus conscients qu’il y a un risque accru de faux résultats négatifs avec les variants actuels, et qu’il est possible d’être infecté par le virus et d’avoir un résultat négatif pendant de nombreux jours. Je peux en parler parce que cela s’est produit dans ma famille, où pendant trois ou quatre jours, nous avons été symptomatiques, mais ces tests antigéniques sont restés négatifs chaque jour. Le test PCR reste le test le plus précis, le test de référence, mais ce n’est pas ce que nous fournissons ici.
Monsieur le ministre, il s’agit d’un investissement important, et vous dites que l’objectif est de donner aux gens la capacité de prévenir l’exposition au virus. Dites-nous comment ces tests seront utilisés efficacement pour guider la pratique, les décisions en milieu de travail et les décisions visant à prévenir l’exposition. Le taux de faux négatifs sera-t-il pris en compte dans votre plan pour fournir des conseils aux personnes qui utilisent les tests? Comment ces tests nous permettront-ils d’obtenir les résultats que nous souhaitons et leur bonne utilisation? Il me semble que nous risquons fort de dépenser beaucoup d’argent pour des tests d’une efficacité incertaine.
M. Duclos : Très bien, et merci de la question. Nous convenons tous, j’en suis certain, qu’il n’y a rien de parfait. Tous les outils que nous utilisons ont des limites et des avantages. Les tests rapides, comme les tests de dépistage PCR, le port d’un masque et la vaccination, ne fournissent pas une protection parfaite contre la COVID-19 ni des renseignements parfaits sur l’infection. Il n’y a donc pas d’outil parfait. C’est une combinaison d’outils qui permet aux gens de mieux protéger leur santé et celle des autres.
Donc, oui, les tests PCR sont plus sensibles et permettent habituellement d’obtenir un niveau de précision plus élevé si vous êtes porteur du virus, mais ils sont plus coûteux, plus compliqués à obtenir et à trouver, et de plus en plus limités dans les provinces et les territoires.
Donc, l’ajout de la disponibilité des tests rapides donne plus de pouvoir aux gens. Vous avez fait ce qu’il fallait. Si vous avez des symptômes, vous restez à la maison, vous utilisez vous-même le test, et vous le faites à répétition. C’est pourquoi, même si votre test n’est pas positif la première fois, si vous présentez des symptômes, si votre charge virale est importante, le test rapide finira par la détecter. Dans certains cas, il le fait rapidement, parce que vous pourriez vous sentir asymptomatique, mais vous pourriez avoir une charge virale élevée, qui sera détectée par le test rapide.
Tout cela fait donc partie d’un ensemble de mesures de santé publique plus vaste et plus complet, qui est complété et amélioré par une plus grande disponibilité des tests de dépistage rapide.
La sénatrice Moodie : En tant que médecin, l’une des choses qui me préoccupent ici, c’est le changement important que nous avons fait par rapport aux lignes directrices et aux règles, en laissant la prise de décisions aux individus. J’espère que l’on compte fournir des directives claires aux gens au sujet de l’efficacité de ces tests et de la meilleure façon de les utiliser, parce qu’autrement, nous injecterons beaucoup d’argent dans la population sans voir les résultats que nous recherchons.
M. Duclos : Je conviens tout à fait qu’il doit y avoir des directives claires. Elles doivent être données et répétées. Les Canadiens sont tous trop occupés pour pouvoir suivre quotidiennement, comme certains d’entre nous, les développements en virologie, épidémiologie et immunologie. Nous devons continuer d’informer les Canadiens, comme vous l’avez dit à juste titre, afin de leur permettre de prendre les meilleures décisions pour eux-mêmes.
Le sénateur Gold : Merci, monsieur le ministre, d’être ici. J’aimerais poursuivre dans la même veine que le sénateur Patterson. Si j’ai bien compris, en demandant des autorisations de dépenses législatives et votées, Santé Canada et l’Agence de la santé publique du Canada disposeraient d’une marge de manœuvre maximale pour faire l’acquisition de trousses de tests à grande échelle, surtout en raison du fait que, comme vous l’avez souligné, la demande de tests rapides a augmenté et qu’elle augmentera inévitablement. Par conséquent, puis-je vous demander, à vous et à vos fonctionnaires, de nous dire pourquoi il est important que le projet de loi C-10 reçoive la sanction royale en temps opportun et comment il complètera et accompagnera les affectations de fonds prévues dans le projet de loi C-8 ainsi que dans le Budget supplémentaire des dépenses (C) pour répondre aux demandes des provinces et des territoires auxquelles le gouvernement fait face? Merci, monsieur le ministre.
M. Duclos : Merci, sénateur Gold. Je vais céder la parole à M. Lucas dans un instant.
Je pense que tout le monde se rend compte de la nécessité des tests de dépistage rapide dans cette période incroyablement difficile de notre histoire, et cela va continuer. La COVID-19 ne va pas disparaître soudainement. Elle va rester longtemps avec de nouvelles vagues et de nouveaux variants, alors les tests rapides sont là pour rester. Donc, la demande, puis l’offre — comme vous nous l’avez rappelé à juste titre, l’offre est très tendue. La demande mondiale de tests rapides est extrêmement forte. Nous sommes en concurrence avec de nombreux autres pays. La disponibilité et les conditions dans lesquelles nous pouvons avoir accès à des tests rapides dépendent de nos pouvoirs financiers et d’approvisionnement. Si on veut obtenir le meilleur prix possible pour les meilleurs outils possible au meilleur moment, il faut avoir les bons outils pour le faire.
Pour ce qui est des pouvoirs et des outils dont nous aurons besoin, je vais demander au sous-ministre, M. Lucas, de répondre plus précisément à la question du sénateur Gold.
M. Lucas : Merci, monsieur le ministre.
En ce qui concerne le projet de loi C-8, ces fonds ont servi à acheter des tests en décembre, en janvier et en février. Nous avions une certaine marge de manœuvre, et cela nous permettra de rembourser ces fonds.
En ce qui concerne le projet de loi C-10, l’urgence réside dans notre capacité de conclure des contrats avec paiement anticipé jusqu’à la fin mars, avril et mai. La concurrence mondiale demeure féroce, et notre capacité d’assurer ces approvisionnements nécessite ce délai. Par conséquent, l’adoption urgente du projet de loi C-10 nous permettra de conclure ces contrats au cours des prochaines semaines, avant l’adoption du Budget supplémentaire des dépenses, donc en mars, et de faire le paiement anticipé que les fournisseurs demandent pour fournir ces tests et les livrer au cours du prochain exercice, en avril et en mai, comme je l’ai mentionné.
Le sénateur Gold : Pour que je comprenne bien, monsieur le ministre ou monsieur le sous-ministre, si nous n’adoptons pas le projet de loi C-10 ou tant que le projet de loi C-10 ne sera pas adopté, le gouvernement ne pourra pas prendre les mesures nécessaires pour conclure des contrats et acheter les tests que les provinces et les territoires demandent actuellement? Autrement dit, les retards dans l’adoption du projet de loi C-10 réduiraient-ils le nombre de tests disponibles pour les provinces et les territoires à court terme?
M. Duclos : Je répondrai très brièvement que cela entraînerait certainement un plus grand risque et un coût plus élevé pour le gouvernement du Canada, parce que si nous n’avons pas l’autorisation et les outils nécessaires pour travailler dans un système mondial féroce, il est non seulement moins probable que nous obtiendrons ces tests dans une période où la demande est encore très élevée pour ces tests au Canada, mais il est également probable que les conditions financières et les conditions de livraison seront affaiblies par notre incapacité à concurrencer férocement nos concurrents mondiaux.
La sénatrice Dasko : Je remercie le ministre et ses collaborateurs d’être ici aujourd’hui. Ma question fait suite à celle du sénateur Kutcher sur la reddition de comptes. Monsieur le ministre, vous avez mentionné la collecte de données dans le cadre d’un processus de distribution des tests. Pouvez-vous donc me dire si la collecte de données est effectivement intégrée aux ententes que vous concluez avec les provinces en ce qui concerne ces tests? Pouvez-vous me dire si vous avez des protocoles de collecte de données normalisés pour toutes les provinces, ou si vous recueillez des données bilatérales ou des données propres aux provinces en ce qui concerne les variables qui sont recueillies?
Je sais que cela a posé un problème dans le passé pour l’Accord sur la relance sécuritaire ou ARS, et de nombreux autres accords que le gouvernement fédéral a conclus avec les provinces en matière de collecte de données. Je me demande si vous pourriez nous décrire comment vous procédez à la collecte des données et peut-être nous parler des variables que vous recueillez en ce qui concerne la distribution des tests. Merci.
M. Duclos : Merci. C’est une excellente question. Je vais céder la parole à M. Lucas. Avant de le faire, permettez-moi de dire que ces conversations se déroulent à deux niveaux. J’ai ces conversations avec mes collègues — les ministres de la Santé de partout au Canada — et les attentes et les demandes sont identiques parce que nous siégeons tous au même forum. Tout est multilatéral en un sens, donc les mêmes avantages et les mêmes règles régissent et influencent notre environnement commun. Mais je vais demander au sous-ministre de nous dire exactement comment cela se fait au niveau des fonctionnaires.
M. Lucas : Merci, monsieur le ministre.
Effectivement, madame la sénatrice, les exigences initiales en matière de partage des données ont été énoncées dans l’Accord sur la relance sécuritaire, et les provinces se sont engagées à les appuyer. Nous avons travaillé de mois en mois, et littéralement de semaine en semaine, avec les provinces au cours de la dernière année et demie en ce qui concerne les tests rapides pour partager nos pratiques exemplaires, mais aussi pour leur indiquer les champs de données qui nous intéressent. Je le fais régulièrement au niveau des sous-ministres — c’est la même chose dans toutes les provinces, mais dans le cadre d’un engagement précis avec chacune d’elles — pour comprendre et confirmer le nombre de tests qu’elles ont reçus au moment de l’expédition, l’endroit où ils sont déployés et la façon dont ils sont utilisés, et pour vérifier les inventaires — afin de mieux cerner l’utilisation des tests, par exemple dans les établissements de soins de longue durée, le système de soins de santé, les écoles, les collèges et les universités, les milieux de travail ou pour le grand public.
Ces renseignements ont été fournis de façon continue sur le site Web de Santé Canada. C’est donc un domaine dans lequel nous continuons de travailler avec les provinces et les territoires pour mieux comprendre leurs besoins et mieux y répondre en connaissant leur utilisation et le nombre de tests utilisés.
La présidente : Merci, monsieur le ministre et monsieur le sous-ministre. Avant de passer au deuxième tour, j’aimerais confirmer, monsieur le ministre, que vous et vos fonctionnaires pouvez rester encore 10 minutes.
M. Duclos : Je pense pouvoir rester encore 10 minutes.
La présidente : C’est très aimable de votre part.
La sénatrice Lankin : J’aimerais poursuivre sur la question de la collecte de données.
Permettez-moi de vous dire que j’appuie ce projet de loi. J’appuie l’affectation des fonds et l’achat de ces tests, mais il y a beaucoup de bruit autour de cela qui m’inquiète. Je ne sais pas quelles données nous recevons et comment elles sont utilisées — ce qui est utile —, à part le nombre de tests qui sont allés dans une province et qui ont été distribués à tel collège ou à tel foyer de soins de longue durée. Depuis l’arrivée du variant Omicron, l’arrêt des tests PCR, et maintenant l’autoadministration des tests, nous nous fions au nombre d’hospitalisations, mais nous n’avons vraiment aucune idée de ce qui se passe.
Je ne devrais pas dire cela; je généralise un peu trop, désolée. Mais nous n’avons aucune idée de la pénétration et de l’utilisation. Par exemple, j’ai obtenu une boîte dans un Pharmaprix. Elle contient cinq tests. Je l’ai depuis une semaine, et j’ai l’intention de me tester le matin avant de quitter Ottawa pour rentrer chez moi. Je suis asymptomatique, mais je vais l’utiliser à cette fin. Il me restera quatre autres tests. Je ne sais pas quand j’utiliserai le prochain.
Il est très difficile pour nous de savoir comment les tests sont utilisés et quels avantages ils apportent au système de santé. Comme nous n’avons plus le test PCR, nous n’avons plus le nombre réel d’infections.
Je vais m’arrêter là. Je suis préoccupée par les données — ce que nous savons et la façon dont elles sont utilisées — et si nous envisageons — c’est là où j’allais en venir — d’avoir à nouveau besoin de tests PCR à l’avenir s’il y a un nouveau variant plus semblable à Delta qu’à Omicron.
M. Duclos : Merci. C’est une très bonne série de questions.
Permettez-moi de parler de la surveillance. Vous avez tout à fait raison, nous avons moins de tests PCR, et ceux qui sont utilisés sont surtout déployés dans certains environnements et donc moins représentatifs de la population totale. Heureusement, l’Agence de la santé publique du Canada et d’autres organismes et partenaires partout au Canada investissent dans la surveillance, y compris la surveillance des eaux usées, qui est très efficace et moins coûteuse, et qui est donc très utile pour réduire la transmission, ce qui est une deuxième chose. Le variant Omicron est beaucoup plus transmissible que le variant original et plus transmissible que toute autre variant antérieur. La transmission est donc un facteur essentiel, comme nous l’avons vu au cours des dernières semaines. Comme les tests de dépistage rapide permettent aux gens de savoir s’ils sont infectés, ils sont mieux en mesure de réduire la transmission et, par conséquent, de protéger leur collectivité.
Donc, pour ce qui est des avantages précis des tests rapides, c’est une question extrêmement importante, mais à laquelle il est difficile de répondre. C’est une combinaison de plusieurs facteurs complexes. Nous avons constaté une diminution importante du nombre de cas et certainement des hospitalisations au cours des dernières semaines. Dans quelle mesure est-ce attribuable à l’utilisation accrue des tests rapides, au fait que les doses de rappel ont augmenté ou qu’il y a maintenant une immunité post-infection plus répandue? Lequel de ces facteurs contribue à la réduction des cas et des hospitalisations? Vous avez raison de dire que nous ne le savons pas vraiment. Nous savons toutefois que la réduction de la transmission dépend en partie de la possibilité pour les gens de savoir s’ils sont infectés par la COVID-19.
La sénatrice Poirier : Monsieur le ministre, merci encore d’être ici. À la Chambre, vous aviez accepté de faire rapport tous les six mois et, ce soir, vous parlez de tous les trois mois. Pour quelle raison cela a-t-il été changé à tous les trois mois?
M. Duclos : Un parti de l’opposition a fait cette demande raisonnable à la Chambre des communes. Il a dit que six mois, c’était bien, mais que trois mois, c’était mieux. Nous avons examiné sa demande et nous avons estimé, en collaboration avec les provinces et les territoires, qu’il serait encore mieux de le faire dans ce délai relativement court.
La sénatrice Poirier : Merci. Je comprends.
La sénatrice McPhedran : Je ne peux m’empêcher de poser cette question, et je ne vais pas vous infliger mon français, monsieur le ministre; je vais le faire en anglais.
Près de 90 % des Canadiens admissibles ont reçu leur première dose. Environ 80 % d’entre eux sont entièrement vaccinés. Dans les pays à faible revenu, le taux est de moins de 10 % pour le premier vaccin. Je sais que ce projet de loi concerne les résidants du Canada, mais nous savons tous que nous n’allons pas régler le problème à l’intérieur de nos frontières. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez?
M. Duclos : Très volontiers. Je vous remercie de la question.
Selon l’OMS, l’Organisation mondiale de la santé, environ 60 % de la population mondiale est maintenant vaccinée, mais comme vous l’avez laissé entendre, il y a un grand écart entre les taux de vaccination des pays à revenu moyen et élevé et ceux des pays à faible revenu, particulièrement en Afrique.
L’objectif de l’OMS est de vacciner environ 70 % de la population mondiale d’ici le milieu de 2022, ce qui devrait être réalisable étant donné que nous en sommes déjà à 60 %. Nous pensons peut-être tous que cela devrait être réalisable. Le problème maintenant, et il est de plus en plus connu et mieux compris, c’est qu’il ne s’agit pas des vaccins comme tels, mais de la capacité réelle des pays à faible revenu de les recevoir, de les entreposer, de les distribuer et de les administrer. Ajoutez à cela les contraintes liées à l’infrastructure, qui concernent à la fois la machinerie, l’infrastructure physique nécessaire et l’infrastructure des ressources humaines nécessaires pour administrer les doses. Dans de nombreux contextes, il y a un niveau élevé de réticence vaccinale. Les gens ont peur...
La sénatrice McPhedran : Nous allons manquer de temps, monsieur. Y a-t-il de l’argent supplémentaire venant du Canada pour le programme COVAX?
M. Duclos : Il y a deux choses. Le Canada était présent au début du programme COVAX, et il a été et continue d’être l’un des principaux contributeurs de ce programme, même s’il est plus petit que de nombreux autres grands pays. Nous continuerons d’être là parce que, comme on l’a dit, nous ne mettrons pas fin à la COVID-19 où que ce soit si nous ne l’éradiquons pas partout.
Le sénateur Patterson : Monsieur le ministre, j’ai cru comprendre que vous aviez acheté 520,5 millions de tests de dépistage rapide. Sur ces 520,5 millions, combien ont été utilisés ou déployés, et de combien d’autres avez-vous besoin maintenant?
M. Duclos : C’est une excellente question et, pour vous donner une bonne réponse, je vais immédiatement céder la parole à M. MacDonald, qui la connaît probablement.
M. MacDonald : Merci, sénateur. Plus de 200 millions de tests ont été déployés au Canada. Nous avons des canaux de distribution provinciaux et territoriaux. Nous avons aussi des canaux fédéraux. Et nous expédions constamment des tests aux provinces et aux territoires. Il est difficile de donner une réponse précise lorsqu’on reçoit, chaque semaine, les données provenant des provinces et des territoires.
Pour ce qui est des niveaux requis, de la demande actuelle, nous avons distribué 140 millions de tests en janvier. La demande était beaucoup plus élevée que cela, et elle demeure extrêmement élevée. Le projet de loi C-10 vise à couvrir les besoins pendant au moins trois mois, car nous nous attendons ensuite à une diminution de la demande. Il y aura suffisamment de tests rapides entre les mains des Canadiens, dans les provinces et les territoires, et suffisamment pour en conserver un approvisionnement stratégique.
Le sénateur Patterson : Combien de tests allez-vous obtenir avec le projet de loi C-10?
M. MacDonald : Nous estimons maintenant qu’au moins 400 millions de tests seront achetés grâce au financement prévu dans le projet de loi C-10.
Évidemment, comme l’ont mentionné le sous-ministre Lucas et le ministre Duclos, nous travaillerons avec SPAC pour conclure des contrats qui nous permettront d’optimiser les ressources grâce aux fonds disponibles.
La présidente : Merci beaucoup. Monsieur le ministre, nous vous remercions de votre participation d’aujourd’hui et de votre empressement à répondre à toutes nos questions. Je remercie également vos fonctionnaires.
Nous nous demandons, chers collègues, si nous pourrions demander aux fonctionnaires de rester 10 minutes de plus avant de passer au reste de notre ordre du jour. Est-il possible que le sous-ministre et son personnel restent 10 minutes de plus s’il y a d’autres questions? Si quelqu’un ici estime qu’on n’a pas répondu entièrement à sa question, voici l’occasion de le faire.
Le sénateur Patterson : Si les fonctionnaires sont disponibles, madame la présidente, je vais simplement donner suite à la question que je viens de poser. Le Canada a obtenu 520 millions de tests pour 3,8 milliards de dollars. Quand on additionne le projet de loi C-8, à 1,723 milliard de dollars, et le projet de loi C-10, à 2,5 milliards de dollars, on obtient 4,223 milliards de dollars. Je me demande pourquoi nous prévoyons moins de tests. La réponse était 400 millions, et pourtant nous avons dépensé 3,8 milliards de dollars pour acheter 520,5 millions de tests. Pourquoi cela coûte-t-il si cher? Il semble que cela coûte beaucoup plus cher pour obtenir moins de tests.
M. Lucas : Comme je l’ai indiqué plus tôt, avec le dépôt de la mise à jour économique de l’automne et l’engagement du gouvernement de verser 1,7 milliard de dollars, qui s’est concrétisé par le dépôt du projet de loi C-8, le gouvernement, en utilisant sa marge de manœuvre financière, notamment à Santé Canada et à l’Agence de la santé publique, s’est procuré des tests pour soutenir les livraisons en décembre, en janvier et en février. Par conséquent, ces fonds ont tous été dépensés et, si le projet de loi C-8 est adopté, ils seront remboursés par ces sources de financement.
Les nouveaux tests supplémentaires qui seront obtenus avec les 2,5 milliards de dollars associés au projet de loi C-10, comme M. MacDonald vient de le dire, seront au nombre d’environ 400 millions, selon notre estimation de la valeur du contrat obtenu avec les 2,5 milliards de dollars.
Le sénateur Kutcher : Merci, monsieur Lucas, d’être resté et merci à votre personnel d’être resté plus longtemps. Je sais à quel point vous et votre équipe avez travaillé pendant cette pandémie, et nous vous en sommes très reconnaissants.
J’ai une question dans une veine légèrement différente. Notre approvisionnement pour ces tests est mondial. Quelle proportion de nos achats provient de sources canadiennes — pas d’intermédiaires canadiens, mais directement de producteurs canadiens? Quels efforts, le cas échéant, le gouvernement canadien a-t-il faits pour augmenter la proportion de tests provenant directement de sources canadiennes?
M. Lucas : Je vais commencer par répondre à votre dernière question. Depuis le printemps 2020, le gouvernement du Canada, par l’entremise d’investissements dans Innovation, Sciences et Développement économique Canada et le Conseil national de recherches dans le cadre de son programme global de production canadienne, appuie le développement de technologies canadiennes, y compris pour les tests rapides. Une entreprise canadienne, Artron, de la Colombie‑Britannique, a obtenu l’approbation réglementaire et est un fournisseur de tests rapides dont la livraison commencera en janvier de cette année.
D’autres entreprises canadiennes qui ont reçu du soutien par l’entremise du Conseil national de recherches et d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada sont en cours d’examen réglementaire et pourraient être approuvées et devenir également des fournisseurs.
Une partie de notre stratégie globale consiste à soutenir la production canadienne dans le cadre de cet approvisionnement et à améliorer notre sécurité d’approvisionnement.
La présidente : Sénateur Gold, vous pouvez poser la dernière question, puis nous devrons laisser partir nos vaillants fonctionnaires.
Le sénateur Gold : Merci beaucoup, messieurs les fonctionnaires. Je veux simplement m’assurer de bien comprendre votre réponse à la question très légitime du sénateur Patterson. Ai-je bien compris qu’en fait, nous n’ajoutons pas les 2,5 milliards de dollars prévus dans le projet de loi C-10 au 1,7 milliard de dollars prévus dans le projet de loi C-8 — des fonds qui, comme vous l’avez expliqué, ont été dépensés par l’entremise d’autres autorisations? Dites-moi si j’ai raison de croire inexact que nous obtenons moins de tests pour notre argent. Parce qu’en fait, nous ne dépensons pas 2,5 milliards de dollars, plus 1,7 milliard de dollars pour les 400 millions de tests. Nous parlons seulement des 2,5 milliards de dollars dont nous aurons besoin pour répondre aux demandes prévues ce mois-ci et dans les mois à venir. Ai-je bien compris votre réponse?
M. Lucas : C’est bien cela.
Le sénateur Gold : Merci beaucoup.
La présidente : Je remercie le sous-ministre Lucas et son personnel. Nous vous sommes reconnaissants d’être restés un peu plus longtemps pour nous aider à mieux comprendre.
Chers collègues, avez-vous des objections à ce que le comité procède à l’étude article par article du projet de loi C-10, Loi concernant certaines mesures liées à la COVID-19?
Le sénateur Patterson : Madame la présidente, puis-je soulever une vive objection et expliquer pourquoi? Tout d’abord, ce n’est pas la pratique habituelle d’avoir l’étude article par article juste après la comparution des témoins, surtout dans le cas d’un projet de loi du gouvernement. Nous avons besoin de temps pour étudier la transcription et déterminer si des questions soulevées sont restées sans réponse. Si nous remettons à plus tard l’étude article par article, c’est pour étudier la question et permettre de préparer des amendements et des observations.
Ce projet de loi est très important. Nous n’avons même pas pu profiter, comme d’habitude, des notes d’information indépendantes de la Bibliothèque du Parlement.
Je tiens donc à ce que ces graves préoccupations soient consignées au compte rendu, madame la présidente.
La présidente : Tout à fait, sénateur Patterson. Elles seront consignées au compte rendu.
Je reviens à ma question : avez-vous des objections à ce que le comité procède à l’étude article par article du projet de loi C-10, Loi concernant certaines mesures liées à la COVID-19?
Le sénateur Patterson : Eh bien, je m’y oppose.
La présidente : Vous vous y opposez, sénateur Patterson. Pouvons-nous procéder avec dissidence?
Des voix : D’accord.
La présidente : Y a-t-il des objections à ce que le titre soit reporté? S’il n’y en a pas, le titre est reporté.
Y a-t-il des objections à ce que l’article 1 soit adopté? Avec dissidence.
Y a-t-il des objections à ce que l’article 2 soit adopté? Adopté avec dissidence.
Y a-t-il des objections à ce que le titre soit adopté? S’il n’y en a pas, le titre est adopté.
Y a-t-il des objections à ce que le projet de loi soit adopté? Adopté avec dissidence.
Le comité souhaite-t-il envisager d’annexer des observations à ce rapport? Dans l’affirmative, le comité poursuivra à huis clos pour discuter du texte de ces observations.
(La séance se poursuit à huis clos.)
(La séance publique reprend.)
La présidente : Honorables sénateurs, s’il n’y a pas d’objection, êtes-vous d’accord pour que je fasse rapport de ce projet de loi, avec des observations, au Sénat? Comme il n’y a pas d’objections, la motion est adoptée.
L’ordre du jour étant épuisé, honorables sénateurs, la séance est levée.
(La séance est levée.)