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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 23 mars 2022

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd’hui, à 16 heures (HE), avec vidéoconférence, afin d’étudier le projet de loi S-203, Loi concernant un cadre fédéral relatif au trouble du spectre de l’autisme.

La sénatrice Patricia Bovey (vice-présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La vice-présidente : Je suis la sénatrice Bovey. Je suis sénatrice du Manitoba et vice-présidente du comité. Nous amorçons aujourd’hui l’étude du projet de loi S-203, Loi concernant un cadre fédéral relatif au trouble du spectre de l’autisme.

La loi proposée prévoit l’élaboration d’un cadre fédéral destiné à soutenir les Canadiens autistes, leur famille et leurs aidants naturels. Parmi les étapes à inclure dans l’élaboration d’un cadre national, on retrouve un processus de consultation pour définir le processus, la création d’une conférence pour élaborer le cadre, le dépôt du cadre fédéral et des rapports au Parlement après la publication du cadre fédéral.

Je tiens à avertir tous les membres du comité que les heures limites pour l’audience de chacun des groupes d’experts de la séance d’aujourd’hui ne sont pas négociables.

J’aimerais maintenant présenter nos premiers témoins, c’est-à-dire l’honorable sénateur Leo Housakos, parrain du projet de loi, et l’honorable Jim Munson, ancien sénateur et défenseur de longue date des personnes autistes, de leur famille et de leurs aidants naturels.

J’invite le sénateur Housakos à commencer son exposé. Il sera suivi de l’ancien sénateur Munson. Comme c’est notre pratique actuelle, j’aimerais rappeler à tous les sénateurs qu’ils disposent de cinq minutes pour poser leurs questions et que cela inclut vos réponses, chers témoins.

L’honorable Leo Housakos, parrain du projet de loi : Merci, madame la présidente. Je suis très honoré de comparaître devant vous en tant que témoin, et plus particulièrement en compagnie du sénateur Munson, bien sûr, qui, lorsque je suis arrivé ici, était un champion des questions de santé mentale et de la défense des autistes. Il est toujours un champion et le sera toujours dans mon esprit.

Chers collègues, je vous remercie d’avoir traité ce projet de loi de manière aussi rapide et réfléchie, et je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de me présenter devant vous. Nous parlons fréquemment, au Sénat et ailleurs, du rapport révolutionnaire que nous avons publié il y a près de 15 ans et qui est intitulé Payer maintenant ou payer plus tard : les familles d’enfants autistes en crise. Chers collègues, ce rapport soulignait la nécessité d’avoir un cadre fédéral pour les Canadiens autistes et leur famille il y a 15 ans. Cela fait longtemps que le rapport a été publié. On dirait que c’était hier, mais cela fait longtemps. À bien des égards, cette mesure législative est un travail réalisé avec beaucoup d’amour.

Ici même au Sénat, j’ai eu la chance de participer à de nombreux événements visant à attirer l’attention sur les problèmes qu’affrontent les Canadiens autistes et leurs proches, et bon nombre de ces événements ont été organisés par le sénateur Munson. J’ai également travaillé à la promotion de la Children First Society et de la campagne de financement « On peut ». Il s’agit d’une collecte de fonds organisée dans ma propre ville de Montréal au profit de l’incroyable École à pas de géant, qui est un centre de ressources. Je vois que le sénateur Loffreda fait partie de votre comité. Il travaille assidûment avec moi au soutien de l’École à pas de géant.

Comme bon nombre d’entre vous le savent peut-être déjà, Montréal abrite également un incroyable centre de recherche appelé le Réseau pour transformer les soins en autisme. Comme un grand nombre de personnes qui sont présentes dans la salle et, bien sûr, en ligne, ma famille a été touchée personnellement par l’autisme. Ce que cela m’a appris, c’est que l’autisme en soi ne limite pas les personnes. Au contraire, les personnes autistes ont leur propre potentiel, comme toutes les autres personnes.

Ce qui empêche trop souvent les personnes autistes de réaliser leur potentiel, c’est le manque de ressources, le manque de possibilités et l’absence de cadre dans notre société.

C’est ce que la mesure législative vise à fournir, et ce, d’une manière qui garantit une accessibilité équitable à ces ressources et à ces possibilités, sans l’adoption d’une approche universelle. La conception et la mise en œuvre d’un cadre fédéral ne doivent pas être considérées comme une tentative de classer tout le monde dans une même catégorie. Le cadre ne doit pas être le résultat d’une approche universelle, et il ne doit certainement pas être perçu comme un mécanisme qui limite les dispositions et les recherches déjà mises en place.

Un cadre fédéral devrait faire en sorte que les Canadiens autistes bénéficient d’un accès équitable aux possibilités et aux ressources, quel que soit l’endroit où ils se trouvent au Canada, quel que soit leur statut économique ou social ou quels que soient leurs besoins compte tenu de leur position sur le spectre.

Personne ne devrait passer entre les mailles du filet en raison de l’approche disparate que nous mettons actuellement en œuvre au Canada. Le projet de loi vise à élargir la portée du soutien afin de garantir un traitement uniforme et des solutions à long terme, surtout pour les autistes de plus de 18 ans, ce qui est, bien sûr, le plus grand défi que nous devons relever, selon moi.

Ce cadre devrait prévoir des pratiques exemplaires, des recherches, de l’éducation, de la sensibilisation, des traitements, un accès équitable à des services de soutien médical et financier et une aide pour résoudre les problèmes d’emploi et de logement.

Chers collègues, il est crucial de vous faire remarquer que la mesure législative ne définit pas le cadre, et il est important que tout le monde le comprenne. Bien qu’elle décrive certains domaines d’inclusion particuliers, elle a été intentionnellement rédigée de manière à ne pas être prescriptive, afin d’accorder au gouvernement la marge de manœuvre nécessaire pour proposer le meilleur cadre possible.

L’objectif était de donner au gouvernement les meilleures chances de réussir plutôt que de le forcer à faire quelque chose, juste pour avoir l’air d’avoir fait quelque chose. Nous voulons que le gouvernement et les différents intervenants réussissent. Il s’agit donc d’un premier pas de géant, d’une demande pour que le gouvernement réunisse les intervenants et les hauts fonctionnaires provinciaux afin qu’ils négocient les mesures qui s’imposent vraiment. Merci, chers collègues.

La vice-présidente : Merci, monsieur le sénateur. Je vais maintenant demander au sénateur Munson de formuler ses observations. Soyez le bienvenu, sénateur Munson.

L’honorable Jim Munson, ancien sénateur, à titre personnel : C’est merveilleux d’être ici parmi tant de visages familiers et amicaux. Je peux apercevoir des visages souriants, et cette vision est agréable.

La mesure législative porte sur un sujet très sérieux, qui me tient toujours à cœur, et je tiens à féliciter les sénateurs Housakos et Boehm de leur travail. De plus, je sais que le sénateur Loffreda a parlé de ce projet de loi.

J’ai réfléchi aujourd’hui au pouvoir de la mesure législative. Oui, il y a 15 ans, nous avons publié le rapport du Sénat intitulé Payer maintenant ou payer plus tard : les familles d’enfants autistes en crise, et à ce moment-là, j’ai rencontré un homme sur la Colline du Parlement devant la Flamme du Centenaire. Il tenait devant lui une affiche qui disait : « Aidez-moi. Aidez mon fils. » Nous sommes allés dans mon bureau, nous avons pleuré, et nous avons parlé de son fils, qui est adulte maintenant.

Comme j’étais un sénateur novice à l’époque, je ne savais pas quoi faire. Quelqu’un m’a dit : « Faites une déclaration. » Qu’est-ce que je dois faire ensuite? Quelqu’un m’a dit : « Lancez une enquête. » Puis quelqu’un m’a dit : « Eh bien, pourquoi ne pas aller plus loin? » Que dois-je faire d’autre? Je parle entre les quatre murs du Sénat. Alors j’ai convaincu le Comité des affaires sociales, qui était composé d’Art Eggleton et du Dr Wilbert Keon, d’amorcer la rédaction du rapport intitulé Payer maintenant ou payer plus tard : les familles d’enfants autistes en crise. Ce que je suis heureux de constater aujourd’hui, c’est le fait que cette loi-cadre fédérale fait écho à ce qui figure dans ce rapport, lorsque nous parlons d’augmenter les avantages fiscaux, d’octroyer plus d’argent aux aidants naturels et d’aider les gens à soutenir ceux qui font partie de la communauté de l’autisme.

La mesure législative préconise également la conduite d’une opération de recherche nationale. Il y a une grande similitude entre les deux, mais la mesure exercera un pouvoir législatif, par opposition à un pouvoir de persuasion exercé par l’intermédiaire d’un rapport. Les gouvernements ont mis en œuvre de nombreuses initiatives en vue d’élaborer une stratégie nationale sur l’autisme, mais, bien sûr, ce n’est pas suffisant. Lorsque cette loi sera adoptée — et j’espère vraiment qu’elle le sera cette année —, le Sénat sera bien placé pour intervenir. Pourquoi? Parce que vous parlez tous d’une seule voix. Pourquoi? Parce que vous vous souciez vraiment de cette question. En fin de compte, nous sommes en bons termes avec les défenseurs et les experts, et tout le monde s’efforce, je pense, d’obtenir une stratégie nationale sur l’autisme.

Selon le cadre fédéral que je vois dans la mesure législative parrainée par le sénateur Housakos, le ministre de la Santé doit faire rapport au Parlement dans les 18 mois suivant l’entrée en vigueur de la loi. Et la mesure législative a le pouvoir d’obliger un gouvernement à agir. À l’heure actuelle, l’Académie canadienne des sciences de la santé, qui est un groupe indépendant, étudie et évalue les mesures à prendre pour mettre en œuvre une stratégie nationale sur l’autisme. Je crois comprendre que leur rapport sera publié le mois prochain. Ce rapport représentera un autre outil qui nous aidera à progresser vers un cadre fédéral.

Je vais m’en tenir là pour le moment. Je suis disposé à répondre à toutes vos questions à ce sujet. Ce n’est pas parce que vous quittez le Sénat qu’un enjeu vous quitte, n’est-ce pas? Je tiens à vous féliciter tous d’avoir défendu ceux qui ont besoin que vous parliez d’une seule voix. Merci.

La vice-présidente : Merci beaucoup.

Nous allons maintenant passer aux questions des sénateurs. Je vous demande à nouveau de respecter votre temps de parole et le sujet. Pour gagner du temps, essayons d’éviter de poser une question qui a déjà été posée et à laquelle on a déjà répondu. Distingués témoins, comme vous le savez, nous n’avons pas vraiment besoin de répéter l’information, car nous la recevons tous très peu de temps après la réunion par l’intermédiaire des transcriptions. Aujourd’hui, nous avons trois groupes d’experts, alors nous n’avons pas de temps à perdre.

La sénatrice Poirier : Merci aux deux sénateurs de leur présence.

Ma première question s’adresse au parrain du projet de loi, le sénateur Housakos. En 2018, le Parlement a adopté la Loi sur le cadre fédéral relatif à l’état de stress post-traumatique. Ce cadre a été livré il y a un peu plus d’un an, soit en octobre 2019.

Si le Parlement adopte le projet de loi S-203 en temps opportun, est-il concevable qu’un cadre fédéral relatif au trouble du spectre de l’autisme soit prêt dans un délai similaire?

Je vais poser la deuxième partie de ma question en même temps. Avez-vous eu l’occasion de discuter avec le ministre ou ses fonctionnaires de la volonté du gouvernement de favoriser une adoption rapide du projet de loi S-203 à la Chambre des communes?

Le sénateur Housakos : C’est une très bonne question, madame la sénatrice. Bien sûr, le projet de loi a un échéancier, comme la plupart de nos projets de loi. Cet échéancier est flexible, car le projet de loi, comme je l’ai mentionné, a été conçu d’entrée de jeu pour être non normatif. L’objectif ici — établi manifestement dans un esprit non partisan — est de faire en sorte qu’une seule voix sorte du Sénat sur ce projet de loi particulier. J’espère qu’il n’y aura aussi qu’une seule voix lors de sa présentation et de son adoption à la Chambre des communes.

Je pense qu’il y aura de la bonne volonté. Le rôle du sénateur Boehm a été déterminant. Bien que je sois le parrain du projet de loi, il a travaillé avec moi à toutes les étapes du processus. Je le considère comme le co-parrain du projet de loi. Lui et moi avons approché tous les partis à la Chambre des communes — le gouvernement, les partis d’opposition, les critiques de toutes les allégeances politiques — pour les sensibiliser au fait que nous ne pouvons pas laisser la politique prendre le dessus sur cette mesure législative, comme cela s’est malheureusement produit dans le passé.

Comme je l’ai dit, le projet de loi est souple. Il est normatif. Il prévoit un échéancier en ce qui concerne le moment où le gouvernement est censé livrer ces produits. C’est un échéancier raisonnable. La volonté est plus forte actuellement qu’elle ne l’a été par le passé.

La sénatrice Poirier : Sénateur Housakos, le projet de loi S-203 table-t-il sur les leçons apprises de l’adoption en octobre 2019 du Cadre fédéral relatif à l’état de stress post-traumatique?

Le sénateur Housakos : La leçon que nous avons apprise, c’est que trop de chefs dans la cuisine peuvent plomber la tentative de créer une bonne tarte. Il y avait trop de parties prenantes qui avaient trop de demandes. Le projet de loi a par conséquent été poussé dans trop de directions à la fois. Je pense que c’est l’une des raisons pour lesquelles les responsables gouvernementaux de l’époque — et je n’essaie pas ici de leur trouver des excuses — ont probablement un peu baissé la garde. Lorsque les législateurs essaient d’être trop normatifs et de mettre trop d’éléments dans un cadre comme celui-là, il devient difficile de le faire passer par le processus législatif. C’est une leçon importante que nous avons tirée de cet échec particulier, si on peut l’appeler ainsi.

La sénatrice Poirier : Cette question s’adresse au sénateur Munson. C’est un plaisir de vous voir, et merci d’être de nouveau parmi nous. Je sais que vous avez consacré de nombreuses années à l’autisme. Nous nous ennuyons assurément de toutes les prises de parole que nous avons entendues de votre part au cours de vos années au Sénat.

Pourriez-vous nous décrire l’incidence qu’aurait l’adoption du projet de loi S-203 sur les familles et les Canadiens qui vivent avec l’autisme?

Et selon votre expérience et vos connaissances, comment le projet de loi S-203 fonctionnerait-il en conjonction avec la stratégie nationale sur l’autisme en cours d’élaboration?

M. Munson : Merci de cette question, madame la sénatrice. Ce cadre sera extrêmement utile parce qu’il aura des lignes directrices. En lisant attentivement le projet de loi, il y a, comme je l’ai déjà dit, quatre ou cinq choses qui m’ont sauté aux yeux.

La première, c’est que, bien entendu, les gens peuvent aujourd’hui bénéficier d’avantages fiscaux ou placer de l’argent dans des abris fiscaux pour aider les membres de leur famille qui sont atteints d’autisme. Ces dispositions législatives permettront d’améliorer le fonctionnement de ces avantages fiscaux, car l’aide doit également provenir des familles.

Au cours des dernières années, nous avons vu les gouvernements provinciaux agir à leur guise et nous avons vu des gens se déplacer d’un bout à l’autre du pays pour obtenir de meilleurs services en matière d’autisme. Comme le prévoit le projet de loi, une stratégie nationale sur l’autisme obligerait le gouvernement fédéral à travailler en étroite collaboration avec les provinces, sur le plan légal, relativement à l’affectation et au suivi de l’argent destiné à aider les personnes atteintes d’autisme ou souffrant de toute autre déficience intellectuelle.

Ce que je vois ici, c’est une approche de collaboration. Comme il s’agira de mesures législatives, les gouvernements provinciaux devront prêter attention à ce que le gouvernement veut faire et dire. Il reste que c’est aussi une approche qui mise beaucoup sur la collaboration. Une stratégie nationale n’est rien d’autre que cela : une stratégie nationale.

Le sénateur Patterson : Je suis ravi que le sénateur Munson soit des nôtres aujourd’hui pour enrichir notre discussion.

J’aimerais signaler mon appui enthousiaste au projet de loi et dire que j’espère qu’il sera traité rapidement au cours de la présente session du Sénat, lequel semble bien se débrouiller avec de bons projets de loi d’initiative parlementaire comme celui-là.

J’aimerais vous poser à tous deux la question suivante. Nous savons qu’il est demandé au ministre de la Santé d’élaborer un cadre en vertu de ce projet de loi, mais le gouvernement du Canada entreprend aussi actuellement des consultations en vue de l’élaboration d’une stratégie nationale sur l’autisme. C’est peut-être une question mal avisée, mais je ne voudrais pas que la stratégie détourne l’attention de ce qui est probablement plus important, à savoir l’élaboration d’un cadre.

Pouvez-vous nous dire, s’il vous plaît, en quoi un cadre fédéral sur les troubles du spectre de l’autisme serait différent d’une stratégie nationale sur l’autisme?

Le sénateur Housakos : En fait, le moment n’a pas été choisi sans une certaine planification. Le sénateur Boehm et moi savions que le gouvernement travaillait à une stratégie sur l’autisme. Or, un cadre pour l’autisme sera un tremplin formidable pour cette stratégie, car au moment d’élaborer et de négocier ce cadre, vous aurez un éventail beaucoup plus large de discussions et de consultations avec les parties concernées qui seront autour de la table pour faire leurs demandes. Cela s’inscrira parfaitement dans l’élaboration par le gouvernement de cette stratégie sur l’autisme.

Les ministères et leurs fonctionnaires mettent au point des stratégies nationales. Or, au moment où elles deviennent des lois, où elles sont transmises au cabinet et au gouvernement, et où elles prennent leur envol dans le processus législatif, il n’est pas rare que nous découvrions en cours de route, en tant que personnalités publiques et parlementaires, qu’il y avait des omissions. C’est ce que notre expérience ici nous a enseigné, et nous l’avons constaté à maintes reprises.

Je pense que le cadre servira bien l’élaboration de la stratégie nationale en veillant à ce qu’il n’y ait pas de lacunes aux termes de cette dernière et en faisant en sorte d’en inscrire la prestation dans un cadre ministériel et logistique.

Le sénateur Patterson : Voilà qui est bien.

Puis-je demander au sénateur Munson s’il a aussi des observations à formuler à ce sujet?

M. Munson : Merci, monsieur Patterson. C’est compatible. Cela fonctionne ensemble. C’est une collaboration. Je fais écho à ce que le sénateur Housakos a dit. Je m’en tiendrai à cela.

Le sénateur Patterson : Je vous remercie.

Le sénateur Kutcher : Sénateur Munson, c’est un plaisir de vous revoir. C’est formidable de voir que nous allons de l’avant pour pousser le Canada à s’occuper plus rapidement de la question de l’autisme. Ayant travaillé dans ce domaine pendant de nombreuses années, je suis d’avis que cela aurait dû être fait il y a longtemps.

Ma question est un peu plus nuancée, mais elle reprend les questions de la sénatrice Poirier et du sénateur Patterson.

L’Académie canadienne des sciences de la santé est sur le point de publier son rapport, qui sera probablement rendu public dans un mois. Ils ont eu des milliers et des milliers d’entretiens avec des gens parce qu’ils sont en train de mettre au point la stratégie nationale sur l’autisme.

Quels types de discussions avez-vous eues avec des personnes de l’académie ou du gouvernement pour vous assurer que le cadre de travail n’ira pas à l’encontre de la stratégie? J’entends qu’on espère qu’ils fonctionneront en tandem, mais j’aimerais avoir l’assurance qu’ils ne travailleront pas en sens contraire l’un par rapport à l’autre.

M. Munson : Je sais que l’Alliance canadienne des troubles du spectre de l’autisme a été très active dans la rédaction d’un plan directeur et dans l’élaboration d’une stratégie nationale sur l’autisme. Elle a probablement eu des discussions avec le conseil scientifique dans le cadre de l’élaboration du rapport dont vous venez de parler. Je ne vois pas d’inconvénient à cela, sénateur Kutcher. Oui, il y aura probablement des gens qui n’aimeront pas ce cadre, mais je pense qu’à moins d’avoir une loi en place, il est très difficile de faire avancer les choses.

C’est pourquoi, ces derniers temps, tous les partis ont souscrit à l’idée d’avoir une stratégie nationale sur l’autisme, et il n’y a aucune raison pour que cette stratégie ne puisse pas fonctionner dans ce cadre fédéral. Nous verrons ce que nous verrons lorsque ce rapport sera rendu public. Or, je n’ai parlé à personne de l’Académie canadienne des sciences de la santé, mais je connais la qualité du travail qu’ils ont fait, la valeur des gens qui en font partie et ce qu’ils pensent. Je ne vois donc rien d’autre que de la collaboration, de la coopération et la réalisation de tout cela.

Merci.

Le sénateur Housakos : Je voudrais ajouter quelque chose à cela. Je pense que les deux sont très compatibles. Ces mesures législatives — que nous n’avons jamais eu auparavant — obligent le gouvernement, par la voix du Parlement, à mettre au point un cadre qui a de la substance et qui se transforme en une stratégie. Toutefois, comme je l’ai vu très souvent, une stratégie peut être défectueuse. Beaucoup de stratégies gouvernementales élaborées dans cette ville ont été conçues sans qu’on ait procédé aux consultations du plus large éventail possible. En fin de compte, pour la plupart des stratégies, c’est le gouvernement qui définit qui, quand et comment il consulte.

Ce cadre demande au gouvernement et à ce processus stratégique d’être aussi englobant que possible et de ne laisser personne de côté. Si l’on demande à toutes les parties prenantes et à tous les organismes gouvernementaux concernés de se réunir autour d’une table pour élaborer un cadre, je pense que, les échanges aidant, on se retrouvera avec un cadre très abouti.

Je pense donc que cela dynamisera les efforts entourant l’élaboration d’une stratégie nationale solide. Sans cela, nous risquons d’accoucher d’une stratégie nationale pleine de trous qui devra être renvoyée au Parlement aux fins d’examen, comme je l’ai vu à maintes reprises. Je pense donc que cela renforcera vraiment l’un d’eux, et qu’il n’y aura pas de concurrence ou de désaccord entre les deux. La stratégie et le cadre ne sont pas antagoniques, ils sont complémentaires.

Le sénateur Kutcher : Je comprends ce que vous dites, sénateur, et j’espère que vous avez raison. Ma question est la suivante : avez-vous pu parler à des gens pour vous assurer que cette cohésion existe?

Le sénateur Housakos : Lorsque le sénateur Boehm et moi avons élaboré ce projet de loi, nous nous sommes focalisés sur ce que nous avons appris du rapport Payer maintenant ou payer plus tard et sur ce que nous savions au sujet des parties concernées. Encore une fois, nous n’avons pas eu de table ronde ou de consultation élargie avec les intervenants, et cela était intentionnel parce qu’il ne s’agit pas d’un cadre. Toutes les parties prenantes avec lesquelles vous discutez regarderont ce document et diront : « C’est génial. Nous en avons besoin. Nous le voulons, mais nous voulons ceci et nous avons besoin de cela ». Et je dis : « Absolument. »

Donc, une fois que le gouvernement aura lancé la discussion et mis l’appareil en place pour étoffer le cadre, allons-y.

Ce qui est arrivé auparavant — et pour répondre à la question que la sénatrice Poirier a posée tout à l’heure —, c’est-à-dire la raison pour laquelle nous n’avons pas réussi à faire cela il y a quelques années — et nous avons reculé entretemps —, c’est que nous avons essayé d’élaborer le cadre à l’étape législative. Ce n’est pas le moment pour le faire. C’est ici qu’il faut le lancer et dire au gouvernement : « Regardez, nous devons le faire. Voici des paramètres très larges et très souples. S’il vous plaît, faites-le. »

La vice-présidente : Monsieur le sénateur, nous devons passer à autre chose. On m’a dit que le segment pour ce groupe d’experts doit se terminer à 16 h 30, ce qui nous laisse environ cinq minutes. Nous n’allons pas être en mesure de passer tout le monde sur la liste, alors je vais dire à la sénatrice Petitclerc et à ceux qui sont sur la liste des intervenants que vous serez les premiers à poser des questions au prochain groupe d’experts afin que nous puissions poursuivre notre conversation.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Merci, sénateur Housakos. Merci à vous aussi, sénateur Munson. C’est un réel plaisir de vous voir.

Ma question empiète quelque peu sur celle du sénateur Kutcher. En fait, je voulais plus de détails au sujet du processus. Le cadre du projet de loi prévoit certaines mesures, et on voit que six mesures y sont énumérées. Tout cela me semble très bien, mais j’aimerais savoir comment vous en êtes arrivés à l’élaboration de ces six mesures. Pourquoi ne pas en ajouter d’autres, ou bien en avoir moins?

En ce qui concerne les discussions, on sait que les parties prenantes du spectre de l’autisme forment une coalition très diversifiée. C’est la raison pour laquelle je voulais savoir comment vous en étiez arrivés là.

Le sénateur Housakos : D’abord, nous avons tenté de notifier les thèmes qui sont généraux et qui nous donnent la possibilité d’ajouter éventuellement des détails à l’intérieur de chaque section. Nous nous sommes inspirés du rapport du Sénat intitulé Payer maintenant ou payer plus tard : les familles d’enfants autistes en crise, ainsi que d’autres organismes qui ont témoigné devant le comité.

L’objectif est de demeurer flexible et d’avoir la possibilité d’ajouter des détails à chaque section du projet de loi. Par exemple, pendant que le gouvernement et les parties prenantes élaborent le cadre législatif, rien n’empêche d’ajouter d’autres thèmes ou d’autres aspects au projet de loi.

[Traduction]

M. Munson : J’aimerais juste ajouter une chose à cela, une chose importante en ce qui concerne l’ingéniosité de ce projet de loi : adoptez-le au Sénat, acquittez-vous-en et renvoyez-le à la Chambre des communes, car c’est un projet de loi qui est très ouvert. À la Chambre des communes, ils pourront s’asseoir devant leurs comités et ajouter à ce que la sénatrice Petitclerc vient de mentionner à propos du vote, de ceux qui défendent eux-mêmes leur cause, des différents groupes, etc.

Je ne vois pas la mesure à fournir, c’est-à-dire les consultations, comme un élément strict du cadre. Il y a beaucoup plus à faire, et faisons en sorte que la Chambre des communes participe et que cela fonctionne.

La vice-présidente : Je tiens à vous remercier tous. Je suis désolée que nous soyons soumis à de telles contraintes de temps; c’est le travail qu’on m’a confié pour l’après-midi. Sénateur Housakos et sénateur Munson, merci beaucoup à vous deux. Je sais que les gens peuvent vous appeler à tout moment pour vous demander des réponses et que vous serez heureux de leur en donner.

M. Munson : Merci de votre grande gentillesse.

La vice-présidente : Chers collègues, nous allons suspendre la séance pendant une ou deux minutes, le temps d’accueillir nos prochains témoins, puis nous poursuivrons.

Merci, chers collègues, et j’aimerais souhaiter la bienvenue à nos prochains invités. Je rappelle à tous que notre temps est compté.

[Français]

De l’Alliance canadienne des troubles du spectre de l’autisme, nous accueillons Jonathan Lai, directeur général, et Deepa Singal, directrice des initiatives scientifiques et des données. D’Autisme Canada, nous recevons Dermot Cleary, président du conseil d’administration, ainsi que Paul Finch, directeur.

[Traduction]

J’aimerais que nous commencions par la présentation de M. Lai, qui sera suivie de celle de M. Cleary. Bienvenue, et nous sommes impatients d’entendre vos observations. Nous demandons à tout le monde de respecter le temps imparti et les sujets abordés, et d’essayer de ne pas reprendre des questions qui ont déjà été posées, car notre temps est limité.

Jonathan Lai, directeur général, Alliance canadienne des troubles du spectre de l’autisme : Bonjour, sénateurs. Je m’appelle Jonathan Lai, et je suis le directeur général de l’ACTSA, l’Alliance canadienne des troubles du spectre de l’autisme. Je suis accompagné de ma collègue, Deepa Singal, directrice des initiatives scientifiques et des données de l’ACTSA. Nous sommes honorés de vous parler aujourd’hui au nom des 400 et quelques organismes et personnes de partout au Canada qui forment l’Alliance canadienne des troubles du spectre de l’autisme.

Au fil des ans, le Sénat a été un allié formidable pour les personnes autistes qui vivent au Canada et leurs proches, en contribuant à accroître la sensibilisation à ce que doivent affronter les familles et en se faisant le champion de l’acceptation des personnes autistes. Comme l’ont bien souligné les sénateurs Housakos et Munson, nous nous en voudrions de ne pas mentionner que 14 années se sont écoulées depuis la production du rapport Payer maintenant ou payer plus tard : les familles d’enfants autistes en crise qui a été présenté par le Sénat en 2007. Il y a 14 ans, les principaux défenseurs des organismes voués à l’autisme de tout le pays, dont beaucoup sont maintenant membres de l’ACTSA, sont intervenus devant le Sénat dans le cadre des consultations menées pour la préparation du rapport Payer maintenant ou payer plus tard. Ils ont tous convenu que ce pays devait établir un cadre visant à faire progresser une stratégie nationale relative à l’autisme permettant d’assurer la coordination, la transparence et les niveaux d’organisation systématique indispensables pour superviser le déploiement des ressources.

Nous savons, évidemment, que ni le gouvernement de l’époque ni aucun autre en 14 ans n’a tenu compte de l’appel à l’action du Sénat. Malheureusement, nous savons aussi que les Canadiens autistes et leurs familles en font aujourd’hui les frais.

Deepa Singal, directrice des initiatives scientifiques et des données, Alliance canadienne des troubles du spectre de l’autisme : Bien des choses peuvent se produire en 14 ans. Les Canadiens ont réalisé d’énormes progrès en matière de politique sociale et de santé. Cependant, et c’est catastrophique, notre communauté — les personnes autistes, leur famille et les personnes qui les soignent et les soutiennent — sait que beaucoup de choses ne se sont également pas produites. Les enfants diagnostiqués à l’âge de 4 ans il y a 14 ans ont maintenant 18 ans. Ces enfants et leur famille ont dû s’y retrouver dans l’ensemble de services disparates de nos systèmes de santé, d’éducation et de services sociaux. Ils ont dû subir des temps d’attente inacceptables, pouvant aller jusqu’à deux ans, pour pouvoir accéder à un diagnostic et à des services susceptibles de faire une profonde différence dans la trajectoire de développement de l’enfant. Dans bien des cas, ces services pourraient coûter jusqu’à 150 000 $ par an en frais à leur charge. Cette somme est tout simplement trop élevée pour la plupart des familles canadiennes. Cette réalité inacceptable suscite chez les familles un sentiment d’impuissance et de désespoir.

Il y a 14 ans, en 2007, Jennifer, 15 ans, a reçu un diagnostic tardif. Jennifer a maintenant 29 ans. Si Jennifer avait résidé dans l’une des rares provinces dotées d’un programme provincial relatif à l’autisme, elle n’aurait été admissible à un soutien que pendant trois ans avant que ses services ne cessent, à ses 18 ans. Soyons bien clairs : contrairement à de nombreux services gouvernementaux, les handicaps ne disparaissent pas comme par magie à l’âge de 18 ans. Les enfants autistes grandissent et deviennent des adultes autistes. Ce manque de soutien tout au long de leur vie montre que nos politiques actuelles ne sont pas fondées sur des preuves. Faute de services de diagnostic et de soutien ces 14 dernières années, Jennifer n’a pas eu accès aux programmes d’aide à la transition de carrière, aux services de santé mentale et à l’aide au logement. Son cas pourrait s’ajouter aux statistiques alarmantes qui révèlent que plus de 80 % des adultes autistes sont sous-employés et que plus de 55 % d’entre eux recevront un diagnostic de trouble mental concomitant à l’âge adulte. Il est tout simplement tragique qu’en 2022, la communauté de l’autisme soit encore confrontée aux mêmes difficultés et obstacles qu’il y a 14 ans.

M. Lai : Mais il y a de l’espoir. Les avancées réalisées ces dernières années pour jeter les bases de l’élaboration d’une stratégie nationale sur l’autisme sont encourageantes. L’Agence de la santé publique du Canada dispose actuellement d’un secrétariat chargé de l’élaboration d’une stratégie, et l’Académie canadienne des sciences de la santé a publié un rapport qui établit les fondements de la stratégie nationale sur l’autisme.

Nous craignons que l’histoire ne se répète, que nos espoirs collectifs ne soient exacerbés pour ensuite s’effondrer en raison d’une évolution des priorités ou d’un changement de gouvernement. Heureusement, ce projet de loi aide à répondre directement à cette préoccupation. Il met en place non seulement le mécanisme de leadership et de surveillance du gouvernement fédéral, mais aussi, et c’est peut-être le plus important, les différentes mesures de responsabilisation requises — une forme de surveillance que seule une instance du Sénat peut assurer.

En conclusion, la semaine prochaine marquera la Journée mondiale de la sensibilisation à l’autisme, le 2 avril, qui en est à sa 14e édition depuis l’introduction du rapport Payer maintenant ou payer plus tard. Si nous devions formuler une seule requête pour cette Journée mondiale de la sensibilisation à l’autisme, ce serait que l’on ne demande plus aux Canadiens autistes, à leur famille, à leurs soignants et à leur équipe de soutien de souligner une journée célébrant leur existence sans prendre de mesures concrètes et significatives.

La présidente : Merci beaucoup pour vos interventions.

Dermot Cleary, Autisme Canada, président du conseil d’administration : Bonjour. Je remercie les honorables sénateurs et toutes les personnes présentes de me donner l’occasion de comparaître. Je m’appelle Dermot Cleary et je suis le président du conseil d’administration d’Autisme Canada, une société représentant les personnes autistes au Canada qui travaille depuis plus de 45 ans à accroître la sensibilisation à l’autisme.

J’aimerais commencer par remercier le Sénat, et en particulier l’honorable sénateur Housakos, d’avoir produit ce projet de loi. Nous sommes largement favorables à l’établissement d’un cadre indispensable pour les services de soutien à l’autisme dans tout le pays et à la création d’une capacité de coordonner les efforts entre les administrations, ce qui fait actuellement cruellement défaut.

Nous aimerions commencer par dire qu’après examen et mûre réflexion, nous accueillons favorablement ce cadre, car il vise à promouvoir l’égalité d’accès aux soutiens financiers et autres indispensables aux personnes atteintes de troubles du spectre de l’autisme. Nous aimerions nous référer à l’honorable sénateur Boehm et au discours qu’il a prononcé en faveur du projet de loi en novembre dernier. Dans son discours, le sénateur évoque la nécessité d’un cadre de leadership national, mais il met également l’accent sur les questions les plus urgentes pour les personnes atteintes de troubles du spectre de l’autisme. L’emploi, le logement et l’accès équitable aux soutiens pour tous les Canadiens en font partie. Autisme Canada aimerait souligner trois préoccupations majeures liées au projet de loi S-203 dans sa forme actuelle. Pour les présenter, je m’en remets à mon collègue, Paul Finch, directeur du conseil d’administration d’Autisme Canada.

Paul Finch, directeur, Autisme Canada : Honorables sénateurs, je m’appelle Paul Finch et je m’adresse à vous aujourd’hui depuis mon bureau situé à Burnaby, en Colombie-Britannique, sur le territoire traditionnel non cédé des peuples Musqueam, Squamish et Tsleil-Waututh. Je tiens à vous remercier pour cette opportunité et à remercier mes collègues. Je suis le directeur d’Autisme Canada et j’ai reçu un diagnostic officiel d’autisme. Bien que mon expérience ne résume pas celle de beaucoup d’autres personnes atteintes du trouble du spectre de l’autisme, je crois qu’il est important que les voix des personnes autistes soient incluses dans ce processus, et je remercie le Sénat de le faire.

Nous avons cerné trois questions clés que nous souhaitons aborder, et ce, en partie parce que nous pensons que des discussions et des débats solides et approfondis seront organisés. La première est la nécessité d’établir un lien concret avec les incitatifs financiers fédéraux dans tout cadre relatif à l’autisme. Ce point est essentiel à sa réussite, et l’établissement d’un cadre sera confronté à une forte résistance de la part des provinces qui non seulement contrôlent les soutiens à l’heure actuelle, mais qui s’orientent également dans une direction plus divergente, comme nous le voyons dans ma province d’origine, la Colombie-Britannique. Nous prévoyons que de nombreux travaux exigeront l’établissement de liens avec les structures fiscales fédérales, ce qui sera essentiel à la réussite de l’action du gouvernement relative au cadre.

Le deuxième point sur lequel nous souhaitons attirer votre attention est le libellé de l’article 3 sur les consultations. Il commence par citer les communautés de la recherche médicale et de la défense des droits comme étant les premières à consulter. Bien que cette question de formulation puisse sembler insignifiante, nous avons remarqué que ces groupes ont été privilégiés, ce qui fait ressortir la lutte plus générale des personnes atteintes du trouble du spectre de l’autisme, de leur famille et de leurs soignants, à la fois en tant que personnes et en tant qu’organisations de défense, comme la nôtre et, bien sûr, de nos collègues ici présents. Nous estimons qu’il est particulièrement important que les personnes atteintes du trouble du spectre de l’autisme prennent part à la discussion.

Ces personnes sont les principales parties prenantes de ce projet de loi, et elles ont tout à gagner ou à perdre en fonction de son résultat. Par conséquent, nous voulons insister pour que ces groupes, à commencer par les personnes atteintes du trouble du spectre de l’autisme, comme moi ou non, reçoivent une priorité officielle. Pendant trop longtemps, ceux d’entre nous qui vivent avec l’autisme — ou qui sont des proches et des soignants de personnes vivant avec l’autisme — ne bénéficient pas de la priorité ou du statut auxquels elles devraient avoir droit. Nous pensons que cette situation doit absolument être rectifiée dans le cadre de ce processus.

La troisième question sur laquelle nous voulons insister concerne les problèmes de logement que nous constatons actuellement chez toutes les personnes atteintes du trouble du spectre de l’autisme et leur famille. Pour les personnes qui reçoivent des soins ou un soutien et celles qui vivent de manière indépendante, la montée en flèche du coût du logement, exacerbée par l’inflation, crée des obstacles extrêmes qui ont une incidence sur leur qualité de vie dans tous ses aspects. Dans sa forme actuelle, le projet de loi prévoit un soutien financier pour les personnes autistes, et nous voulons évidemment insister sur le fait que la stratégie doit fournir un logement sûr et stable en plus d’un soutien financier.

Merci beaucoup. Nous nous tenons bien sûr à votre disposition pour répondre à vos questions.

La vice-présidente : Merci, monsieur Finch et monsieur Cleary. Je remercie également nos deux premiers intervenants. Je vais passer aux questions des sénateurs.

Le sénateur Loffreda : Lorsque j’ai parlé du projet de loi S-203 à l’étape de la deuxième lecture, en décembre dernier, j’ai parlé du cas de PizzAut, une pizzeria italienne gérée par de jeunes adultes autistes. Leur initiative est une source d’inspiration et je m’intéresse au modèle de PizzAut, car il donne aux personnes autistes un sentiment d’utilité, de dignité et d’appartenance. Il est important de donner aux personnes autistes la possibilité de sentir qu’elles contribuent à la société d’une manière significative.

Le sénateur Housakos a mentionné que c’est lorsque les personnes autistes atteignent l’âge de 18 ans qu’elles sont confrontées à leur plus grande difficulté.

Pensez-vous qu’un modèle semblable pourrait être mis en œuvre au Canada? Quels pourraient être les obstacles ou les difficultés à surmonter pour lancer une telle entreprise? Pensez-vous qu’il existe une demande pour un projet comme PizzAut, et connaissez-vous d’autres programmes ou initiatives semblables qui pourraient également permettre d’atteindre l’objectif d’aider les personnes autistes à trouver un emploi? Nous aimons être des leaders au Canada, alors y a-t-il quelque chose que nous puissions faire pour stimuler, promouvoir ou encourager les investissements visant à aider la communauté autiste et les personnes autistes lorsqu’elles atteignent l’âge de l’emploi?

M. Lai : Je vous remercie de votre question.

Au Canada, nous créons actuellement des modèles d’aides préalables à l’emploi et d’aides en cours l’emploi pour les adultes autistes. Nous savons que le besoin en la matière est énorme dans notre pays. L’ACTSA s’est associée à Inclusion Canada pour gérer un programme nommé Prêts, désireux et capables dans 20 collectivités, et nous espérons l’étendre à 10 autres. Il s’agit d’un programme d’aide à l’emploi destiné aux personnes atteintes du trouble du spectre de l’autisme.

Nous savons également que l’Agence de la santé publique du Canada, dans le cadre de l’élaboration d’une stratégie nationale sur l’autisme, a cerné trois thèmes : l’inclusion sociale, l’inclusion économique et les interventions fondées sur des preuves. Pour ce qui est de l’inclusion économique, l’agence a beaucoup travaillé avec les groupes de travail pour promouvoir l’emploi et veiller à la résolution des problèmes de sous-emploi que nous constatons chez les Canadiens autistes.

Le sénateur Loffreda : Tout autre commentaire des autres membres de notre groupe de témoins serait le bienvenu à ce stade.

M. Finch : C’est une excellente question. Malgré les programmes en place, nous avons constaté un écart considérable, presque impossible à combler.

J’aimerais raconter une anecdote tirée de mon expérience personnelle. Lorsque j’ai quitté le domicile de mes parents, il m’a été incroyablement difficile de trouver un emploi. Je me souviens que ma candidature a été rejetée par plusieurs établissements de restauration rapide où j’avais postulé juste pour joindre les deux bouts et subvenir à mes besoins. Cependant, les difficultés auxquelles sont confrontées les personnes sont différentes en fonction de l’endroit où elles vivent, et celles-ci sont aggravées par certains facteurs dans les régions éloignées et rurales du Canada. Je tiens à souligner que ces aides n’existent tout simplement pas dans ces régions, et que nous ne trouvons que des aides sommaires dans certains des centres plus urbains.

L’un des objectifs essentiels de la stratégie nationale sera de combler le fossé entre les villes et la campagne et de fournir les différents types de soutien nécessaires. Je vais être franc. Au sein de la communauté des personnes autistes, il y a une partie spécifique des personnes atteintes du spectre de l’autisme qui est capable d’accéder à un emploi rémunéré et significatif à un certain niveau, et nos besoins diffèrent de ceux d’une autre partie de cette communauté. Ces deux ensembles de besoins doivent être pleinement pris en compte pour aborder la question de l’emploi et des enjeux connexes. L’autisme fait l’objet d’une stigmatisation très importante, qui est purement liée à la façon dont nous percevons les choses.

Le sénateur Loffreda : Je vous remercie. Rapidement, vous avez mentionné des préoccupations, mais quelle est votre opinion sur ces six mesures du projet de loi S-203? Je m’intéresse évidemment particulièrement à votre point de vue sur l’emploi des adultes autistes, et vous en avez parlé, alors je vous en remercie.

La vice-présidente : Chers témoins, notre temps est écoulé. Je suggère que vous envoyiez d’autres commentaires au greffier pour répondre à la question du sénateur Loffreda, qui est légitime. Ces réponses écrites seront envoyées à tous les membres. Nous pourrons ainsi compenser notre manque de temps. Je vous remercie pour les réponses à l’intention du sénateur Loffreda.

La sénatrice Moodie : Merci aux témoins de s’être joints à nous pour cette discussion.

J’aimerais connaître votre point de vue, monsieur Lai et madame Singal, sur la question suivante. L’une des principales difficultés auxquelles se heurte toute personne confrontée à la possibilité de ce diagnostic est l’accès au diagnostic et la pénurie très réelle de professionnels qualifiés capables de poser rapidement un diagnostic. Le répit dont les aidants ont souvent désespérément besoin, l’assurance d’un logement adéquat et la responsabilisation à l’égard du financement fédéral font tous partie des préoccupations concrètes auxquelles sont confrontées les familles qui ont reçu un diagnostic d’autisme. En tant que pédiatre, j’ai passé de nombreuses années à travailler avec ce diagnostic et à essayer de trouver des soutiens adaptés et des services pour mes patients. Comment ce cadre va-t-il faciliter ce processus? Pouvez-vous m’aider à le comprendre?

Mme Singal : Nous sommes tout à fait d’accord avec vous. Nous voyons chaque jour à quel point la situation est complexe pour les familles et les défenseurs de l’autonomie sociale avec qui nous travaillons. Ce cadre est un premier pas pour approfondir les nuances dont vous parlez. Il est possible de faire des avancées importantes dans tous les domaines que vous avez mentionnés en ayant une intervention ciblée et adaptée qui tient compte de la diversité des besoins et de l’ensemble du spectre.

Une stratégie nationale sur l’autisme est un besoin mondialement reconnu. Par rapport à des pays comparables, le Canada tire nettement de l’arrière pour ce qui est de l’établissement d’une telle stratégie. De multiples nations en ont une, notamment les États-Unis, Malte, l’Angleterre, l’Écosse, l’Espagne et le Danemark, qui tient compte des nuances et des complexités que vous soulevez aujourd’hui. Beaucoup d’entre elles commencent à observer les retombées substantielles que cela leur apporte du côté de l’emploi, de l’accès à un diagnostic et à des approches plus personnalisées, de même que de l’accès plus équitable aux services où que ce soit sur leur territoire.

Ce cadre est donc la première étape pour créer des mesures d’intervention ciblées qui vont ensuite aider les experts, les défenseurs de l’autonomie sociale et notre communauté à trouver des solutions.

La sénatrice Moodie : J’ai une question de suivi très courte.

Beaucoup de discussions sont déjà en cours concernant la stratégie nationale sur l’autisme. Pouvez-vous nous aider à comprendre où se trouvent les différences? L’ajout d’un cadre viendra-t-il ralentir le travail en cours, ou pensez-vous qu’il stimulera les efforts dans la bonne direction? J’aimerais savoir ce qu’il en est.

Mme Singal : Bien sûr, et je vous remercie de poser la question.

Nous pensons que ce cadre ferait vraiment progresser le travail en cours. Il rassemblera les bonnes personnes, des représentants des gouvernements provinciaux, du monde médical, du milieu de la recherche et des groupes de défense des droits, et surtout, comme d’autres témoins l’ont souligné, des gens qui ont une expérience personnelle de l’autisme, des défenseurs de l’autonomie sociale et des aidants. De plus, il nous donne, ainsi qu’au gouvernement, un échéancier réalisable.

Il prévoit aussi des mesures redditionnelles, un élément toujours absent des tentatives qui ont été faites au cours des dernières décennies.

La vice-présidente : Monsieur Finch ou monsieur Cleary, aimeriez-vous répondre à la question de la sénatrice Moodie?

M. Finch : Je vous remercie.

Notre collègue a très bien résumé la question. Nous ajouterions simplement qu’il s’agit d’une question d’une grande importance, non seulement pour ceux qui sont touchés comme nous, mais aussi pour leurs familles. Je connais plusieurs cas — et je sais qu’il s’agit d’une tendance générale — où l’absence de collaboration dans les programmes, le soutien et les services entre les provinces a des conséquences négatives sur notre économie. Une telle collaboration est mise en place ailleurs, mais pas ici.

La chose qui nous inquiète à ce sujet, c’est que cela ne doit pas se faire au détriment des droits des autistes et du fait qu’ils ont des besoins différents. Nous ne voulons pas créer un modèle monolithique. Je tiens à insister sur ce point.

La sénatrice Bernard : Je tiens à remercier tous les témoins d’être avec nous aujourd’hui.

J’ai plusieurs questions et je sais que je n’aurai pas le temps de toutes les poser. Ma première question s’adresse à M. Lai.

Les mots peuvent être déshumanisants et déshabilitants. Ils peuvent aussi être discriminatoires. L’Alliance canadienne des troubles du spectre de l’autisme a-t-elle des suggestions à faire pour rendre les mots utilisés dans le projet de loi plus habilitants? Je pense par exemple à des mots comme « difficultés » et « troubles ».

Avez-vous des suggestions à ce sujet?

M. Lai : Je vous remercie, sénatrice. C’est une excellente question et nous avons des suggestions à faire. Dans notre mémoire, nous avons proposé quelques amendements et leurs justifications.

Avant de les mentionner, je veux souligner que la force de ce projet de loi réside notamment dans le rassemblement des bonnes personnes, l’établissement d’un échéancier réalisable et le dépôt de rapports.

Cela étant dit, nos amendements visent à rendre cet excellent projet de loi encore meilleur afin de tenir compte des nuances qui façonnent la société et la culture et qui reposent sur la connaissance approfondie que nous avons des besoins actuels de la communauté.

À titre d’exemple, dans la disposition où il est question d’une campagne nationale, nous proposons de remplacer le mot « sensibilisation » par « acceptation ». Notre but n’est pas de sensibiliser les gens à un trouble, mais de favoriser l’acceptation des personnes autistes, de voir la question du point de vue des droits de la personne et de faire de l’inclusion sociale et économique des autistes et de leurs familles une priorité.

Je dirais que la communauté se méfie beaucoup des campagnes médiatiques ponctuelles qui ont peu d’effets mesurables à l’heure actuelle. Il faut s’éloigner de cette culture de la sensibilisation à une déficience pour passer à une acceptation des gens et à l’adoption de mesures qui mèneront à une société plus inclusive et qui soutiendront tous ses membres pour que chacun puisse y participer pleinement. C’est l’une des propositions.

Nous en avons quelques autres, mais je ne sais pas si vous voulez que je les détaille. Je peux vous faire parvenir un mémoire à ce sujet. Je sais que nous n’avons pas beaucoup de temps.

La vice-présidente : Il serait bon que vous fassiez parvenir vos propositions au greffier, et je peux vous assurer qu’elles seront acheminées à tous les membres du comité et prises en considération dans le cadre de notre rapport en vue de la troisième lecture au Sénat.

La sénatrice Bernard : Je vous remercie. Ma prochaine question s’adresse à M. Finch.

Je tiens à vous remercier très sincèrement d’avoir parlé de l’importance de l’inclusion. Dans le précédent groupe de témoins, le parrain du projet de loi a dit que les intervenants n’avaient pas été consultés lors de son élaboration, et vous avez mentionné très clairement l’importance d’inclure les premiers concernés tout au long du processus.

Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet? J’aimerais aussi que vous nous donniez votre avis sur le leadership et la surveillance à long terme, de même que sur la participation et l’inclusion des premiers concernés à ce chapitre. Je vous remercie.

M. Finch : Je vous remercie, sénatrice. C’est une excellente question.

Je vais être honnête parce que nous devons avoir une discussion franche. Les points de vue diffèrent au sein de la communauté des défenseurs des droits des autistes, et les discussions sont houleuses. Cela nous ramène à votre première question à l’Association canadienne des troubles du spectre de l’autisme sur le vocabulaire inclusif. Le fait est, selon nous, que le cadre devrait être le mécanisme servant à établir un langage inclusif, et la seule façon de le faire, c’est d’avoir les bonnes personnes à la table.

Nous ne nous attendons pas à ce que tous les intervenants à la table soient d’accord. C’est le cas au sein de la communauté, et je veux le dire très franchement. Toutefois, nous savons qu’historiquement, la voix des personnes autistes n’a pas eu la place qui lui est nécessaire pour faire avancer les choses. II est donc essentiel pour réussir ici que des personnes du spectre autistique — pas uniquement des gens comme moi, mais d’autres qui ont une expérience très différente de la mienne, et je tiens à le souligner — soient incluses et jouent un rôle d’intervenant.

On accorde beaucoup d’importance dans ce cas à la recherche et aux activités de défense des droits. Toutefois, trop souvent, la recherche et la défense des droits ont pris les devants au lieu de jouer un rôle de soutien pour les personnes autistes, leurs familles et les aidants. Pour être très honnête, nous devons renverser cette situation et veiller à ce que des autistes soient inclus dans toutes les étapes du processus. C’est essentiel. Comme je l’ai mentionné, nous serons très heureux — tout comme l’Association canadienne des troubles du spectre de l’autisme — de soumettre nos propositions pour un cadre et un langage plus inclusifs.

Je tiens à vous avertir toutefois que c’est un débat en cours actuellement. La situation évolue presque chaque mois, comme chacun pourra vous le dire. L’essentiel sera de s’en servir comme d’un véhicule pour parvenir à un consensus sur le vocabulaire habilitant et faire le lien avec le soutien.

Ce qu’il faut ici, c’est s’assurer d’avoir un pourcentage minimal — et je vais être catégorique sur ce point — de personnes autistes qui prennent part à l’établissement du cadre.

La vice-présidente : Je vous remercie beaucoup, monsieur Finch. En terminant avec le mot « cadre », je pense que vous avez donné le ton pour avoir des consultations exhaustives.

La sénatrice Lankin : Ma question s’adresse à M. Finch.

Vous avez dit notamment qu’il est très important de veiller à avoir un accès équitable, mais le sénateur Housakos et vous avez dit tous les deux aussi qu’il ne faut pas que ce soit monolithique, universel. Est-il question d’un accès équitable? Est-il question du fait que les besoins varient en fonction de l’expérience personnelle de la personne et d’où elle se situe sur le spectre? Pourriez-vous nous préciser cela, s’il vous plaît?

M. Finch : Bien sûr. Je vous remercie, sénatrice. C’est un élément, mais il faut aussi d’abord prendre en considération le fait que le spectre est large et diversifié. Le soutien dont j’ai ou ai eu besoin et que je n’ai pas reçu peut être très différent de celui dont d’autres ont et ont eu besoin et n’ont pas reçu. Je ne veux absolument pas comparer mon expérience à celle de quelqu’un qui est totalement incapable de s’exprimer. Nos problèmes sont différents. Nous sommes très semblables à certains égards, mais avons des problèmes différents. Je prends bien soin d’apporter cette distinction.

Je veux aussi mentionner que, dans notre pays, les taux de diagnostics nous montrent que beaucoup de groupes au sein de la population — et je veux attirer l’attention sur les populations autochtones — n’ont même pas accès à du soutien diagnostic pour entrer dans un système où ils pourront commencer à obtenir certaines formes d’aide. Il s’agit d’un problème structurel. C’est un problème d’inégalité structurelle et de racisme structurel dans le système, et cela repose en grande partie sur le fossé entre citadins et ruraux. Les provinces n’ont pas réussi à juguler ce problème, et je ne pense pas qu’elles pourront y arriver sans un cadre fédéral doté d’une orientation claire.

Je veux préciser clairement que ce n’est pas seulement la différence entre les types d’autistes et leurs expériences. Nos expériences et le soutien dont nous avons besoin varient grandement le long du spectre. L’endroit où nous vivons et celui d’où nous venons sont des éléments tout aussi importants qui entrent en ligne de compte.

La sénatrice Lankin : Je vous remercie, c’est pourquoi nous avons besoin d’une stratégie nationale ou d’un cadre national. J’ai entendu des gens parler de la différence entre un cadre et une stratégie. Je pense qu’on accorde un peu trop d’importance à cela. J’appuie ce projet de loi parce qu’il contient des échéanciers, des mécanismes redditionnels et le dépôt de rapports qui permettent de juger de la situation. Les promesses, qu’il s’agisse du fédéral, des provinces ou des territoires, ont trop tardé à se concrétiser. Je suis consciente que cela fait probablement double emploi avec ce que fait le gouvernement et ce qui est prévu dans les lettres de mandat des ministres, mais je l’appuie en raison des mesures redditionnelles qu’il contient.

Je me demande toutefois ce que contiendra le rapport de l’Académie canadienne des sciences de la santé. Je pense qu’il s’agira d’un document très important. Je suis optimiste. J’ai écouté les recommandations au sujet des amendements pour bonifier le projet de loi. Je me demande si, sans vouloir retarder le processus, nous devrions attendre ce rapport pour examiner les amendements proposés et savoir si d’autres seraient nécessaires — sans avoir une liste plus spécifique. Je pense que le sénateur Housakos a raison de dire que la nature non spécifique et non prescriptive du projet de loi est importante.

Avez-vous des commentaires à ce sujet? Nous pourrions arriver à le faire adopter par le Sénat avant la fin de la session en juin. Pensez-vous que nous devrions terminer notre travail et notre étude, mais attendre la publication du rapport pour mettre la touche finale aux amendements?

M. Finch : Au risque de répondre rapidement, je dirais que ce rapport n’est pas nécessaire ou essentiel au travail en cours pour créer ce cadre. Je pense que ce qu’il contient pourra y être intégré après l’adoption du projet de loi.

La sénatrice Lankin : D’accord, je vous remercie beaucoup.

Mme Singal : Non, nous ne devrions pas attendre. Le but de ce rapport est de faciliter l’élaboration d’une stratégie nuancée par l’Agence de la santé publique du Canada. Ce que ce projet de loi nous apportera, c’est un échéancier de mise en œuvre, afin que cela demeure une priorité pour le ministre de la Santé et les Canadiens.

La vice-présidente : Je vous remercie.

La sénatrice Dasko : Je remercie les témoins. Je vais creuser la question de la campagne nationale de sensibilisation du public, soulevée un peu plus tôt par M. Lai. Une des dispositions du projet de loi prévoit une campagne de cette nature pour mieux connaître et comprendre le trouble du spectre de l’autisme.

Monsieur Lai, si je peux poursuivre sur ce que vous avez dit — et aussi avoir le point de vue de M. Cleary sur le sujet —, dites-vous que l’on ne devrait pas avoir une campagne nationale? Ne devrait-il pas y avoir une campagne de sensibilisation? J’aimerais comprendre ce que vous souhaitez en matière de sensibilisation du public?

J’aimerais aussi savoir si vos organismes ont déjà participé à une campagne de sensibilisation du public, qu’elle soit nationale, provinciale, régionale ou autre, pour informer et sensibiliser les Canadiens et mieux leur faire comprendre en quoi consiste le trouble du spectre de l’autisme. Si on arrive à ce point, vous pourriez me parler des éléments nécessaires. Quel serait son rôle dans le cadre? Je vous remercie.

M. Lai : Je vous remercie de la question, sénatrice. Je pense qu’une campagne, la préparation d’une sorte de stratégie de communications du gouvernement, est en soi un outil qui peut être utile. Il ne faut pas mettre l’accent sur la sensibilisation mais sur l’acceptation, soit le fait de comprendre les gens. Je pense à ce que la sénatrice Bernard a dit un peu plus tôt, soit que les mots sont importants. C’est ce qui forme nos pensées, notre façon d’approcher les gens et d’aborder les problèmes. Nous prônons l’idée de parler d’acceptation plutôt que de sensibilisation.

En ce qui concerne la deuxième partie de votre question, nos organismes membres ont participé à différentes campagnes pour informer les gens et montrer les forces et les côtés positifs de l’autisme que beaucoup d’entre eux ne voient pas, mais tout en prenant conscience, comme l’OMS le mentionne dans la Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé, qu’il y a des limitations. En prenant conscience des limitations d’une personne d’interagir avec son environnement, on lui permet de participer aussi pleinement que possible au sein de la société. Je pense que nous en sommes à l’étape de l’acceptation, au fait de comprendre qu’il existe un point de contact entre une personne et son environnement. C’est là où il faut déployer des efforts, et non pas voir sa participation au sein de la société par la lorgnette du capacitisme.

M. Cleary : Je vous remercie.

Nous faisons de la sensibilisation à Autisme Canada, mais ce que nous recherchons, c’est une acceptation qui repose sur une éducation et une compréhension plus large de l’autisme. Je dirais qu’on passe de la campagne à l’éducation. La sensibilisation est importante pour accroître le soutien de la population à l’allocation de ressources afin de remédier aux limitations qui existent à l’heure actuelle. Nous aimerions que les efforts portent sur l’éducation, plutôt que sur la simple sensibilisation. Même si l’acceptation est très importante, nous pensons que l’éducation est vraiment la clé pour faire de tout cela une réussite.

La sénatrice Dasko : [Difficultés techniques]... pour une campagne nationale. Je me demande simplement si ce terme n’est pas celui que vous recherchez.

M. Cleary : Je ne dirais pas le contraire, sénatrice.

La sénatrice Dasko : Et vous, monsieur, voyez-vous les choses ainsi? Ce ne sont pas ces mots que vous emploieriez pour décrire cette mesure, oui ou non?

M. Lai : Je pense que le mot « campagne » pourrait être mal interprété quand il est utilisé dans le processus d’élaboration des politiques. S’il existe un mot plus adéquat, il conviendrait de l’employer.

La sénatrice Dasko : Je vous remercie.

La sénatrice Poirier : Je vous remercie. Comme ma question a trouvé réponse en partie, je la poserai très brièvement et laisserai à quiconque souhaite y répondre le soin de le faire.

En vous appuyant sur votre expérience, pourriez-vous décrire les répercussions du projet de loi S-203 sur les familles, les citoyens canadiens qui vivent avec l’autisme et votre organisation?

M. Finch : L’établissement d’un cadre national offrira de l’espoir aux nombreuses personnes atteintes du spectre de l’autisme, ainsi qu’aux familles, aux prestataires de soins et aux personnes qui travaillent dans le domaine. Cet espoir constitue une arme à double tranchant, car il peut être comblé avec des gestes concrets ou profondément déçu si les attentes suscitées par la mesure législative ne sont pas remplies.

Cela peut aller dans un sens ou dans l’autre.

Ce projet de loi est extrêmement important, car il établira une norme et une attente. Il reviendra ensuite au gouvernement de veiller à ce que cette attente soit comblée.

L’important, c’est de faire de l’élargissement de l’attente du gouvernement fédéral dans toutes les provinces un élément clé du projet de loi. C’est la principale lacune que nous observons.

La sénatrice Poirier : Je vous remercie.

Le sénateur Patterson : Je voudrais remercier les deux organisations nationales et indiquer que je soutiens l’adoption rapide du projet de loi.

Nous ne voulons pas que certaines personnes viennent dire au comité qu’elles n’ont jamais été consultées ou que le projet de loi a été élaboré sans l’apport des personnes autistes. De vos deux organisations nationales, l’Alliance canadienne des troubles du spectre de l’autisme est la plus vaste, alors qu’Autisme Canada est la seule organisation canadienne de l’autisme ayant un point de vue national, selon ce que je comprends.

Je voudrais vous demander — en commençant avec l’Alliance canadienne des troubles du spectre de l’autisme, qui peut répondre par écrit si le temps manque — comment les professionnels et les membres de la communauté de l’autisme influencent les positions stratégiques de votre organisation. Je voudrais vous interroger sur vos membres et votre structure de gouvernance. Est-ce que des membres de la communauté de l’autisme influent sur les positions stratégiques?

Comment consultez-vous vos membres et comment intégrez-vous l’information ainsi recueillie dans vos positions stratégiques et les conseils que vous prodiguez à cette communauté?

La vice-présidente : Je vous remercie de la question, sénateur Patterson. Je remercie également nos invités. Je suis terriblement désolée, mais notre temps est écoulé. La question, qui est excellente, a été portée au compte rendu. Nous aimerions beaucoup recevoir vos réponses écrites. Si vous voulez obtenir le texte de la question que le sénateur Patterson a posée, je suis certaine que les greffiers seraient plus d’heureux de vous le faire parvenir.

Sur ce, je crains que c’est ici que se termine le présent volet de la séance. Je vous remercie beaucoup. Cette rencontre a été des plus instructives, et nous vous remercions de vos contributions.

Nous accueillons maintenant notre troisième groupe de témoins d’aujourd’hui concernant le projet de loi. Je souhaite la bienvenue à nos témoins, soit la Dre Evdokia Anagnostou, de la Chaire de recherche du Canada sur la thérapeutique translationnelle du trouble du spectre de l’autisme; Anna Betty Achneepineskum, grande cheffe adjointe de la Première Nation Nishnawbe Aski; ainsi que Beedahbin Desmoulin et Wendy Arseneault, du Groupe d’action de la nation Nishnawbe Aski sur les troubles du spectre de l’autisme, où Mme Desmoulin est gestionnaire du développement de l’enfant et Mme Arseneault, directrice du développement de l’enfant.

Beedahbin Desmoulin, gestionnaire du développement de l’enfant, Groupe d’action de la nation Nishnawbe Aski sur les troubles du spectre de l’autisme : Bonjour, honorables sénateurs. Je m’appelle Beedahbin Desmoulin, et je voudrais d’abord prendre le temps de reconnaître que la terre où moi et mon organisation nous trouvons se situe dans le territoire traditionnel du peuple anishinabe du Nord de l’Ontario. Nous travaillons et vivons sur les terres ancestrales de la Première Nation de Fort William, signataire du traité Robinson-Supérieur de 1850.

La nation Nishnawbe Aski, ou NNA, est honorée d’être ici, d’avoir été conviée à ces délibérations et d’avoir l’occasion de formuler des observations dans le cadre des travaux visant à établir un cadre national relatif à l’autisme, tel que prévu dans le projet de loi S-203.

Le territoire de la nation Nishnawbe Aski englobe les terres visées par le Traité no 9 dans la baie James, et la partie des terres visées par le Traité no 5 se trouvant en Ontario, constituant une masse terrestre de 210 milles carrés couvrant les deux tiers de l’Ontario. Traditionnellement, notre peuple parle cri et algonquin dans l’Est, oji-cri dans l’Ouest, et ojibwé dans le Centre-Sud.

La NNA représente également 49 Premières Nations dont la population totalise quelque 45 000 personnes vivant à l’intérieur et à l’extérieur des réserves, groupées par conseil tribal. Six de nos nations membres ne sont pas associées à un conseil tribal précis.

La nation Nishnawbe Aski salue l’honnêteté, le courage et la résilience des enfants, des jeunes, des familles et des aînés de la nation Nishnawbe Aski. Ces personnes nous ont raconté leurs histoires au cours des dernières années, relatant les défis qu’elles affrontent quotidiennement en aidant leurs êtres chers atteints d’autisme, mais aussi leurs victoires quand elles emmènent leurs enfants sur la terre et les font participer à des activités axées sur la terre.

Je témoigne aujourd’hui pour m’assurer que les voix des familles de la nation Nishnawbe Aski sont entendues et que ces familles participent à un dialogue constructif afin d’élaborer un cadre fédéral qui comblera leurs besoins et respectera leur culture, leurs langues, leurs traditions et leurs valeurs.

La nation Nishnawbe Aski collabore avec l’Alliance canadienne des troubles du spectre autistique depuis 2015 et a pris la parole lors de ses conférences annuelles pour sensibiliser les gens aux réalités et aux difficultés quotidiennes que les personnes autistes et leurs familles rencontrent au sein des communautés de la nation Nishnawbe Aski.

Les citoyens de la nation Nishnawbe Aski sont, en grande partie, mal servis par les soins de santé universels au Canada. Cette situation est devenue criante pendant la pandémie de COVID-19, qui a révélé l’extrême vulnérabilité des communautés de la nation Nishnawbe Aski et les disparités qui existent entre leurs services de santé et ceux du reste du Canada.

L’accès à des ergothérapeutes, des orthophonistes, des spécialistes du comportement, des psychologues, des pédiatres et d’autres professionnels de la santé est limité ou inexistant dans certaines de nos communautés, et le projet de loi S-203 offre une occasion de commencer à éliminer les écarts à ce chapitre.

Nous avons entendu des familles qui ont dû prendre la décision crève-cœur de confier leur enfant au réseau d’aide à l’enfance ou qui ont décidé de quitter leur communauté et leur réseau de soutien familial pour s’installer en région urbaine afin d’avoir accès aux services offerts à la population en général.

Malheureusement, elles n’ont pas tardé à comprendre que ces services n’étaient pas aisément accessibles. Elles se sont retrouvées sur de longues listes d’attente et ont trouvé difficile et stressant de gérer la confusion au sein de réseaux complexes.

Comme le stipule la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones à l’article 22 :

Une attention particulière est accordée aux droits et aux besoins spéciaux des anciens, des femmes, des jeunes, des enfants et des personnes handicapées autochtones dans l’application de la présente Déclaration.

Il faut donc adopter une approche coordonnée et élaborer des politiques inclusives qui aident les familles à accéder aux services quand et où elles en ont besoin dans leurs communautés. Les familles ne comprennent pas ce qu’est l’autisme et pourquoi leur enfant éprouve des difficultés. Cela engendre un stress immense dans les familles et les communautés, et pousse des familles et leurs enfants à s’isoler de la communauté.

Des aînés nous ont indiqué qu’il n’existe aucun mot pour « autisme » dans leur langue, et les familles, les écoles, les pédiatres et les dirigeants de la NNA admettent que la crise prend de l’ampleur. La plupart des familles représentées par la NNA peinent à atteindre le niveau de vie de base, notamment en ce qui concerne l’alimentation, le logis et la sécurité sociale, qui sont autant de facteurs qui contribuent au bien-être.

La nation Nishnawbe Aski appuie donc sans réserve l’intégration du soutien de ceux et celles qui prodiguent de soins aux personnes autistes dans le cadre, et souligne le besoin urgent de fournir des soins axés sur la famille et du soutien familial fondés sur la culture, la langue, les traditions et les pratiques anishinabées, lesquels seraient offerts et accessibles dans les communautés. Il faut qu’il y ait en place des mécanismes et du soutien pour élaborer des services d’évaluation, de diagnostic et de suivi fondés sur la culture et la langue de la nation Nishnawbe Aski. Les services offerts à la population générale et les fournisseurs de service qui ne comprennent ou ne reconnaissent pas cette culture ne répondent pas aux besoins de nos enfants et de nos familles, et peuvent accroître les difficultés et la méfiance à l’égard des systèmes.

Comme le stipule la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones à l’article 23 :

Les peuples autochtones ont le droit de définir et d’élaborer des priorités et des stratégies en vue d’exercer leur droit au développement. En particulier, ils ont le droit d’être activement associés à l’élaboration et à la définition des programmes de santé, de logement et d’autres programmes économiques et sociaux les concernant, et, autant que possible, de les administrer par l’intermédiaire de leurs propres institutions.

En privilégiant un cadre fédéral qui augmente l’accessibilité des services sécuritaires et adaptés à la culture, et un accès équitable aux ressources pour élaborer des approches et des stratégies communautaires, on soutiendra mieux toutes les familles et les enfants et les jeunes vivant avec l’autisme, et commencera à éliminer les disparités dans les services de santé.

En conclusion, je veux pouvoir vous transmettre certaines déclarations que nous avons recueillies auprès de nos aînés, de parents et de médecins avec lesquels nous travaillons.

Une personne a affirmé :

Il manque d’outils d’évaluation normalisés et adaptés à la culture, et les outils actuels contribuent à donner l’impression qu’un endroit n’est pas sûr.

Une autre a indiqué :

Les modèles de financement actuels sont, de par leur nature, à court terme, ce qui fait qu’il est difficile de trouver du personnel et contribue au roulement élevé et au manque de cohérence. Un engagement financier sur cinq ans aiderait à embaucher du personnel et soutiendrait la durabilité.

Quelqu’un d’autre a déclaré :

Souvent, les problèmes ne sont pas résolus avant que l’enfant ou le jeune et sa famille soient en crise. Le roulement élevé du personnel fait en sorte que des enfants, des jeunes et des familles ne reçoivent pas d’aide jusqu’à ce qu’ils soient en crise.

Ce qui existe n’est pas un système. Il n’y a donc pas de suivi une fois qu’un enfant ou un jeune a reçu un diagnostic...

La vice-présidente : Je déteste devoir intervenir, mais le temps est dépassé. Les citations sont extraordinaires; peut-être pourrez-vous y revenir en répondant aux questions.

Mme Desmoulin : C’est ce que je ferai.Meegwetch.

La vice-présidente : Docteure Anagnostou, je vous accorderai la parole, puis nous passerons aux questions. Je vous remercie.

Dre Evdokia Anagnostou, Chaire de recherche du Canada sur la thérapeutique translationnelle du trouble du spectre de l’autisme, à titre personnel : Je suis honorée de témoigner après Mme Desmoulin.

Bonjour à tous. Je suis médecin, neurologue pour enfants et professeure de pédiatrie à l’Université de Toronto. Je dirige le centre de recherche sur l’autisme de l’Hôpital de réadaptation pour enfants Holland Bloorview. C’est pour moi un honneur de témoigner. Je peux présenter des données issues d’observations cliniques et de recherches dans le cadre de votre étude.

De 1 à 2 % des Canadiens sont considérés comme étant autistes ou comme ayant le trouble du spectre de l’autisme, mais en vérité, nous en ignorons le nombre exact, puisqu’il n’existe pas d’étude épidémiologique réellement nationale qui englobe tout le monde afin de déterminer exactement combien personnes ont besoin de soutien.

À ce que je sache, le Canada est le seul pays ayant un réseau de santé publique qui ne possède pas de données justes en temps réel sur le nombre de personnes ayant le trouble du spectre de l’autisme. Si nous ne savons pas combien il y en a, nous ne pouvons pas savoir quels services elles reçoivent, combien de temps elles attendent pour les obtenir et dans quelle mesure ces services comblent leurs besoins.

Comme Mme Desmoulin l’a fait remarquer, nous ignorons également qui est inclus et qui est exclu des systèmes que nous créons. Nous peinons à instaurer des systèmes d’amélioration de la qualité qui assurent l’équité de l’accès et la qualité du service.

L’autisme ne disparaît pas; il fait partie de la manière dont le cerveau et le corps se développent. Il fait partie intégrante de la personne. Par conséquent, il faut que les besoins des personnes autistes soient compris et satisfaits de le la petite enfance au grand âge. En outre, l’autisme, selon sa définition, est très souvent accompagné de problèmes de développement et de santé mentale et physique qui ont une incidence notable sur la manière dont les personnes autistes interagissent avec le secteur des services actuel et leurs besoins sont comblés tout au long de leur vie.

Si vous me permettez de donner quelques exemples pour vous faire comprendre la situation, je dirais que jusqu’aux deux tiers des jeunes autistes auront des troubles du sommeil importants, jusqu’à 80 % d’entre eux éprouveront une anxiété importante sur le plan clinique, jusqu’à la moitié des enfants autistes seront également atteints d’un déficit d’attention avec ou sans hyperactivité, environ un tiers des personnes autistes ont un handicap intellectuel et jusqu’au quart des adultes autistes souffrent d’épilepsie.

Si de nombreuses personnes autistes prospèrent, d’autres traînent des problèmes de santé mentale et physique tout le long de leur vie, alors que d’autres n’acquièrent jamais les compétences nécessaires pour vivre sans une aide substantielle.

C’est en partie en raison de cette complexité et de cette hétérogénéité des besoins qu’il faut adopter une stratégie nationale relative à l’autisme. Comme quelqu’un l’a déjà souligné, cette complexité et cette hétérogénéité font que personne ne peut parler pour tout le monde. Les voix multiples et diversifiées qui s’expriment tout le long du spectre sont importantes, pas seulement parce qu’elles rendent compte des préférences des Canadiens, mais aussi parce qu’elles révèlent des besoins très diversifiés que notre système doit combler.

Nos secteurs sont actuellement organisés de manières qui n’ont pas souvent profité des données probantes. Nous admettons que de nombreuses considérations sont importantes lors de la conception des systèmes de santé, d’éducation et de services sociaux, mais à la base, il faut savoir ce qui fonctionne, pour qui et quand afin de comprendre les considérations d’ordre économique et sanitaire qui nous aident à établir des systèmes durables.

Il est essentiel d’investir dans la recherche, en biologie, car nous devons comprendre toutes les formes d’autismes et la complexité des divers besoins, et mener des études d’intervention afin de comprendre qu’est-ce qui fonctionne pour qui. Ces investissements cruciaux sont également essentiels pour comprendre la myriade d’expériences vécues tout au long de la vie, comme je l’ai déjà fait remarquer, et les infrastructures qui nous aideront à comprendre comment élargir les programmes. Il existe, dans de petites régions, de nombreux programmes réussis qui ne sont jamais élargis au reste du pays afin d’en offrir l’accès aux personnes autistes à l’échelle nationale.

Voilà pourquoi je juge importante la recommandation en faveur d’un effort ou d’un réseau national qui coordonne et intègre les enseignements tirés de l’expérience dans les systèmes actuels, peu importe la manière dont nous agençons le tout. Nous devons pouvoir évaluer les effets de nos actions. Si nous mettons des mesures en place, nous devons pouvoir en évaluer les effets pour développer des systèmes apprenants qui continuent d’intégrer les connaissances dans les infrastructures provinciales et nationales, tout en tenant compte de l’équité.

À l’heure actuelle, comme le secteur des services est fragmenté et varie grandement d’une province à l’autre, et comme ce genre de données sur la complexité et les préférences n’est pas intégré de manière uniforme, il arrive souvent que l’adresse et le code postal d’une personne fassent en sorte qu’il lui est plus difficile de connaître une bonne vie que l’aurait laissé présager la biologie initiale du cerveau et du corps. Voilà la tragédie de l’investissement actuel du Canada en autisme.

Il faut manifestement tenir compte de considérations propres au Canada en ce qui concerne les habitants du Nord et les Autochtones. Je ne veux pas parler en leurs noms; ils sont ici. Il faut également tenir compte du grand nombre de nouveaux immigrants, lequel accroît encore la complexité et pourrait exiger une coordination et une mobilisation gérées par le gouvernement fédéral.

Si la question nous tient à cœur, le Canada a également une occasion d’être un chef de file à l’échelle internationale dans ce domaine.

La vice-présidente : Je n’aime pas devoir intervenir, docteure Anagnostou, mais une longue liste de sénateurs veulent vous poser des questions à toutes les deux. Nous passerons donc aux questions.

La sénatrice Poirier : Ma question s’adresse à la Dre Anagnostou.

Parmi les mesures que doit comprendre le cadre fédéral figure un réseau national de recherche destiné à promouvoir la recherche et à améliorer la collecte de données sur le trouble du spectre de l’autisme. Pourriez-vous décrire les effets qu’aurait cette mesure sur la recherche relative au trouble du spectre de l’autisme et les effets à long terme sur les personnes autistes?

Dre Anagnostou : Je vous remercie de la question. Tout d’abord, je recommanderais potentiellement de reformuler légèrement cette mesure, qui a peut-être été proposée par d’autres acteurs. Ce n’est pas que nous ayons besoin d’un nouveau réseau de recherche. Ce dont nous avons besoin, c’est d’une structure permettant de coordonner les données de recherche qui sont déjà recueillies au pays, mais qui ne sont pas intégrées dans les provinces et dans un cadre national. Il pourrait donc y avoir un réseau, mais pour la collaboration en recherche. Nous pouvons envisager des structures très différentes pour y parvenir.

Le fait est que des données de recherche sont générées et doivent continuer de l’être. Je ne veux pas prétendre que nous savons tout ce que nous devons savoir pour pouvoir apporter des changements dramatiques dans la vie des personnes autistes, mais une fois que les données de recherches sont générées, il faut les intégrer dans une structure qui permet de passer immédiatement à la mise en œuvre afin de nous aider à réfléchir aux personnes à qui ces données peuvent s’appliquer et ce qu’il faudrait faire pour les mettre en œuvre dans les systèmes de soins et de services locaux.

En fait, il ne manque pas de données montrant que le Canada se démarque au chapitre de la productivité de la recherche, mais le fruit de ces recherches n’est pas mis en œuvre à l’échelle locale. Il existe beaucoup d’exemples montrant que les données sont mises en œuvre à l’échelle internationale, mais pas à l’échelle locale.

Si cela se produit, vous avez alors l’idée d’un système de santé qui apprend, ou d’un système d’éducation ou d’un système de services sociaux où les données sont générées dans une structure comme celle-ci et où elles sont intégrées en continu dans les secteurs de services que nous construisons. Nos secteurs de services tirent les leçons de cette mise en œuvre et continuent de modifier leur modèle en fonction des données probantes, de sorte qu’il y a une amélioration continue de la qualité qui reste à la hauteur des données probantes. Je pense que c’est le but de tout cela, de s’assurer que les familles ne tirent pas parti de la recherche 15 ans plus tard seulement, mais qu’au moment même, en temps réel, la recherche a réellement un impact sur la vie des enfants, des jeunes et des adultes qui se trouvent sur le spectre de l’autisme.

Le sénateur Patterson : Je vais essayer de poser deux questions si je peux. Tout d’abord, j’aimerais vous remercier toutes les deux et poser une question à la Dre Anagnostou. Comme vous l’avez décrit, de nombreuses personnes ayant reçu un diagnostic d’autisme ont d’autres handicaps, et vous avez mentionné les troubles du sommeil, l’anxiété et les troubles de l’attention, entre autres. Je pense qu’on peut parler de « multiplicité des troubles », si je ne m’abuse.

J’appuie totalement ce projet de loi, mais en prévision d’une question que nous pourrions recevoir, pourriez-vous expliquer comment les complexités de l’autisme justifient une réponse politique ciblée et une stratégie nationale sur l’autisme, par opposition, disons, à une simple stratégie globale sur les handicaps? Pourriez-vous expliquer comment ces multiples problèmes justifient une stratégie pour l’autisme en particulier?

Dre Anagnostou : Merci. C’est en fait une question très importante, et il serait justifié de faire ce commentaire.

Je dirais que c’est la complexité qui rend la mise en œuvre de services fondés sur des preuves dans tous les secteurs particulièrement difficile, notamment en ce qui concerne la coordination entre les différents systèmes provinciaux. Ainsi, bien que les besoins de tous les enfants handicapés doivent être satisfaits, l’autisme est presque comme le prototype, si vous voulez, d’un handicap complexe.

On peut envisager la chose de la façon suivante : premièrement, pour répondre à leurs besoins, nous devons faire mieux que ce que nous faisons actuellement, et il semble que nous ayons besoin de mécanismes adoptés à l’échelon fédéral pour nous obliger à rendre des comptes, peu importe l’endroit où nous exerçons et les rôles que nous jouons. Deuxièmement, si nous réussissons dans le cas de l’autisme, les leçons tirées de la complexité de l’autisme auront un impact sur les systèmes relatifs aux handicaps, même au-delà de l’autisme.

Au cours de l’année dernière, des efforts de portée internationale ont mené à la production d’un document de la Commission Lancet que nous sommes ravis de vous fournir. Le document présente des recommandations internationales sur ce qui peut être fait au cours des cinq prochaines années pour améliorer de façon spectaculaire la vie des enfants, des jeunes et des adultes atteints d’autisme. L’un des principaux points soulevés est que si nous pouvons trouver une solution à l’autisme, nous aurons trouvé une solution à de nombreux autres handicaps en raison de cette complexité.

Le sénateur Patterson : Merci beaucoup. Si vous le permettez, madame la présidente, très rapidement, j’aimerais m’adresser aux représentants de la Première Nation Nishnawbe Aski. Vous avez vraiment très bien décrit l’énorme besoin d’accès au diagnostic et aux services pour les Autochtones autistes dans les communautés éloignées, et je connais bien cette situation.

Je vois que vous travaillez toutes deux dans le domaine du développement de l’enfant et qu’il existe un groupe d’action sur les troubles du spectre. Pouvez-vous nous parler de votre groupe d’action sur les troubles du spectre de l’autisme, et de ce que vous réussissez à faire malgré les obstacles que vous rencontrez et que vous avez décrits?

Mme Desmoulin : Absolument. À l’heure actuelle, nous avons une équipe d’action sur l’autisme, laquelle est composée de plusieurs médecins, dont la Dre Anagnostou, qui est également présente à la réunion. Nous avons des membres de la communauté. Nous avons des parents et des soignants. Nous avons des médecins qui assistent cette équipe d’action et la font avancer.

Toutes les orientations proviennent en fait d’un réseau régional, un organe directeur plus large, qui oriente toutes ces différentes équipes d’action, dont l’une est notre équipe d’action sur l’autisme. Nous nous penchons actuellement sur la sensibilisation à l’autisme et sur la promotion, ce qui nous amène à rédiger un certain nombre de guides différents. Ce sont des choses que nous apportons à la communauté. Ils sont également traduits. Nous envisageons de les fournir à notre réseau de parents. Nous étudions la possibilité de fournir des services de proximité et de sensibilisation au moyen des médias sociaux. De même, tous les types de formation, de renforcement des capacités, de répit — tous ces éléments sont importants pour faire bouger et aider les membres de notre communauté, nos parents et nos familles. L’autre élément est l’éducation et l’école, et la capacité d’aider dans ces domaines.

La vice-présidente : Avez-vous un rapport ou un document qui en fait état? Cela nous serait très utile. Docteure Anagnostou, vous avez mentionné un rapport. Ce serait également utile si vous pouviez nous l’envoyer. Nous cherchons des conseils, non pas pour formuler le cadre, mais pour l’étoffer.

Mme Desmoulin : Absolument.

Le sénateur Kutcher : Merci beaucoup aux témoins d’être avec nous. Il y a un certain nombre de choses dans ce projet de loi que j’aime beaucoup, notamment les dispositions législatives et les échéanciers. Ce que je ne sais pas avec certitude, c’est la justesse des six éléments du paragraphe 2(2) du projet de loi. Nous n’avons pas entendu parler de logement sûr et stable, de formation des fournisseurs de soins de santé, de diagnostic et de traitement ou d’emploi. Nous n’avons pas entendu parler de culture ou de peuples autochtones. Est-ce que ce sont les six éléments appropriés et, sinon, quels seraient les six éléments appropriés?

La vice-présidente : Madame Desmoulin, voulez-vous amorcer cette discussion? J’ai bien peur de vous avoir coupé la parole à quelques reprises. Pourquoi ne commencez-vous pas?

Mme Desmoulin : Quelle est la question?

La vice-présidente : La question est de savoir si les six points du projet de loi sur lesquels il faut agir sont les bons ou s’il devrait y en avoir d’autres. Si vous n’avez pas la réponse maintenant, encore une fois, vous pouvez y réfléchir et nous transmettre votre réponse par écrit. Cela nous serait utile.

Mme Desmoulin : Souvent, ce qui manque dans la perspective globale et dans l’ensemble, c’est une voix autochtone. Je pense que la recherche fait défaut. Nous n’essayons pas de changer le projet de loi. Nous essayons de contribuer à en faire un projet de loi très solide.

L’une des principales choses qui manquent, ce sont les recherches et les données. Cette discussion n’a pas eu lieu. Pour autant que je sache, il n’y a pas eu beaucoup de discussions au sein des communautés des Premières Nations. Nous, en Ontario, pour la nation Nishnawbe Aski, nous avons 49 communautés, et je ne suis au courant d’aucune discussion nette et pertinente qui aurait mobilisé nos communautés en ce qui concerne les données, l’information et la recherche sur l’autisme.

Dre Anagnostou : Je dirais très rapidement que j’approuve l’idée de laisser le projet de loi vague sur les principes, parce que le rapport de l’Académie canadienne des sciences de la santé est à venir et qu’il aborde beaucoup de ces questions, comme vous le verrez, y compris l’expérience autochtone. Il alimentera la stratégie nationale sur l’autisme. Ce dont nous avons besoin, c’est que le projet de loi crée les mécanismes de responsabilisation et de mise en œuvre plutôt que d’entrer dans les détails de ce qui va émerger du rapport de l’Académie canadienne des sciences de la santé et de son incidence sur la stratégie nationale sur l’autisme.

La sénatrice McPhedran : Je pense que ma question s’adresse principalement à Mme Desmoulin, mais je serai contente d’entendre les deux témoins. Ma question porte sur le paragraphe 2(3) du projet de loi qui vise les consultations. Quels conseils nous donneriez-vous pour garantir un accès équitable aux consultations? En particulier, pourriez-vous nous parler des communautés autochtones et des communautés qui sont situées dans des régions éloignées ou rurales de notre pays?

Mme Desmoulin : Je vous remercie beaucoup de votre question. Je dirais qu’il faut adopter une approche pour la collecte d’information auprès de nos communautés. Il faut, pour être en mesure de recueillir les données et l’information, une approche coordonnée qui va aider et, je dirais, faire en sorte que la stratégie soit applicable et puisse répondre à tous ces besoins de nos communautés. Je pense qu’il n’y a tout simplement pas assez d’information sur nos communautés en ce qui concerne les services fournis et le nombre de membres autistes. Ce sont, je dirais, des éléments très fondamentaux qui nous font défaut. Cette information et ces données nous font défaut. Il serait très difficile d’aller de l’avant et de trouver la capacité d’adapter un projet de loi ou une stratégie à nos communautés et à nos membres si nous n’avions pas les structures en place pour le faire.

Dre Anagnostou : Je ne prétends pas parler de l’expérience et des besoins des Autochtones. Les écrits sont là.

Je ferais une suggestion. Une question a été soulevée beaucoup plus tôt aujourd’hui sur la façon dont la stratégie nationale sur l’autisme, le rapport de l’Académie canadienne des sciences de la santé et ce projet de loi se conjuguent. Je suggère qu’on élabore un cadre qui les considère comme complémentaires les uns des autres, parce qu’il y a déjà eu beaucoup de mobilisation autour de certains aspects de ce dossier et que cela serait très important pour la promulgation du projet de loi.

Nous aimerions que le plus grand nombre possible d’expériences vécues soient représentées lors des consultations sur le projet de loi. Ne vous laissez pas décourager par la diversité des points de vue. Ils ne traduisent pas un désaccord, mais des expériences différentes, car il existe de nombreux autismes différents, et c’est là toute la complexité de la question que vous abordez avec un projet de loi potentiel.

Je mentionne également l’engagement important qui a eu lieu dans le contexte du rapport de l’Académie canadienne des sciences de la santé — un engagement stratégique qui a touché toutes les communautés. Vous trouverez beaucoup de réponses dans ce rapport lorsqu’il sera publié d’ici un mois environ.

La vice-présidente : Madame Arseneault ou madame Achneepineskum, voulez-vous ajouter quelque chose? Vous êtes très silencieuses, et je me demande si vous aimeriez exprimer vos idées en réponse à la question de la sénatrice McPhedran. Est-ce que vos points de vue ont déjà été exprimés?

Anna Betty Achneepineskum, grande cheffe adjointe, Première Nation Nishnawbe Aski : Je ferais quelques observations, si vous me le permettez. En ce qui concerne nos citoyens qui vivent dans des communautés éloignées, nous avons de la documentation sur le manque de services et le manque d’accès aux services et aux ressources. En outre, pour nous assurer de leur participation à tout type de processus de consultation et de leur inclusion dans toute collecte de données, nous recueillons des preuves à cet égard.

Ce que nous voulons, c’est qu’il y ait un cadre qui reconnaisse cela et qui garantisse que cela ne continue pas.

La sénatrice Bernard : Ma prochaine question pourrait s’adresser à n’importe quel témoin, alors si vous êtes en mesure d’y répondre, je vous en serais reconnaissante, et je vous remercie d’être ici ce soir.

J’aimerais vous poser une question sur le cadre et vous demander si vous pensez qu’il est possible d’y inclure la nécessité d’une approche intersectionnelle. Les témoins autochtones nous ont bien sûr parlé du manque de services, du besoin de services adaptés à la culture et du besoin d’inclusion.

Je sais que dans la communauté dont je fais partie, les personnes de descendance africaine, il est très, très difficile d’avoir des discussions sur l’autisme, et il y a manifestement un manque de soutien quant à l’intersection entre la race, le racisme et l’autisme.

Alors, est-ce que ce cadre prévoit la possibilité de veiller intentionnellement à ce que soient abordées les questions d’intersectionnalité, au-delà de la réduction du fossé entre les régions rurales et urbaines dont nous avons entendu parler ce soir, et les réalités auxquelles sont confrontés bon nombre de membres de notre communauté atteints d’autisme?

Dre Anagnostou : Sénatrice Bernard, merci beaucoup de cette question. Elle est extrêmement importante.

Nos différences cérébrales et physiques ne sont pas les seuls déterminants des résultats à long terme. Il y a également notre expérience de nos différences dans ce monde. Bien sûr, plus une personne accumule d’identités, plus l’intersectionnalité entre ces identités complique la gestion de cette expérience. Nous savons que les enfants autistes ont de moins bons résultats s’ils appartiennent à des communautés marginalisées — par exemple, s’ils sont plus pauvres ou s’ils présentent d’autres types d’intersectionnalité, comme les enfants transgenres, qui sont surreprésentés dans la communauté des autistes. Je pense donc que la question de l’intersectionnalité est cruciale.

Je vais m’en remettre à mes collègues, cependant. Vous m’avez surprise avec cette question, alors je veux y réfléchir un peu plus. Habituellement, en raison de ma perspective, je pense à ces questions sous l’angle de la recherche et de la mise en œuvre, car cela fait partie de ce qui permet de prédire de bons résultats et une bonne compréhension. La façon dont la procédure aborde la mise en œuvre de stratégies appropriées est ce qui prédit la qualité de vie, donc je les considère de cette façon, mais vous me poussez à réfléchir à la question de savoir si cela ne mériterait pas sa propre catégorie.

La vice-présidente : Est-ce que quelqu’un d’autre souhaite répondre? Comme vous le savez, nous accueillons volontiers les réflexions des témoins après la séance, alors n’hésitez pas à communiquer avec les greffiers. Sénatrice Bernard, vous avez encore une minute, si vous avez une question complémentaire.

La sénatrice Bernard : Je me demande si quelqu’un a des idées sur la nécessité ou non d’un cadre particulier pour les Premières Nations, les Inuits et les Métis.

Mme Achneepineskum : Je vais faire deux commentaires, puis j’aimerais que Mme Arseneault réponde également.

Nous vous remercions de votre observation, sénatrice. Je crois que nous avons besoin d’une stratégie particulière pour mettre en évidence les besoins des citoyens des Premières Nations et les disparités qui les touchent, non seulement en Ontario, mais partout au Canada — surtout pour ceux qui sont déjà en situation de crise. Nous avons des taux élevés d’enfants qui ont intégré le système de protection de l’enfance parce qu’ils sont incapables d’accéder aux services et aux ressources dans la résidence qu’ils partagent avec leurs parents. Cela constitue en soi une crise. Merci.

Wendy Arseneault, directrice du développement de l’enfant, Groupe d’action de la nation Nishnawbe Aski sur les troubles du spectre de l’autisme : Je suis d’accord avec la grande cheffe adjointe Anna Betty Achneepineskum. Je pense que nous devons envisager un cadre distinct en raison des besoins et des défis uniques de nos communautés nordiques, mais je vois aussi la nécessité de le faire concorder avec la discussion sur le cadre national, ainsi qu’avec ce projet de loi. Nous établissons des relations et des collaborations avec les fournisseurs traditionnels et les autorités sanitaires des Premières Nations. Nous devons intégrer les deux côtés de ces pratiques.

On pourrait veiller à ce que la culture et la langue soient intégrées dans le cadre afin d’aider les fournisseurs traditionnels à adapter leurs pratiques pour mieux répondre aux besoins de nos communautés. Nous ne pouvons pas le faire par nous-mêmes. Nous devons avoir ce soutien dans le projet de loi et dans le cadre national.

La vice-présidente : Nous n’avons que quelques secondes avant que notre équipe technique doive nous quitter. Sénatrice Moodie, c’est vous qui allez poser la dernière question.

La sénatrice Moodie : Ma question s’adresse à la Dre Anagnostou. Vous avez parlé tout à l’heure de la complexité et des lacunes du système. Dans ce projet de loi, nous examinons six domaines choisis qui visent à répondre aux besoins des enfants autistes et de leurs familles une fois le diagnostic posé. J’ai mentionné plus tôt que le diagnostic est souvent plus difficile à obtenir que nous le souhaiterions. Dans de nombreuses communautés ici à Toronto, c’est la même chose.

Il n’y a rien dans les six domaines recommandés par le projet de loi qui parle de soins cliniques continus, de services de diagnostic ou de soins thérapeutiques. L’orthophonie, par exemple, est l’un des soutiens les plus difficiles à obtenir pour les familles. Pouvez-vous me dire s’il s’agit là d’un élément manquant? Est-ce que nous devrions penser à ce genre de soins, ou est-ce que cela va apparaître dans la stratégie qui sera présentée dans le rapport de l’Académie canadienne des sciences de la santé?

Dre Anagnostou : Je vous remercie de votre question. J’ai effectivement contribué au rapport de l’Académie canadienne des sciences de la santé, mais je ne peux encore rien divulguer parce que vous n’avez pas vu le rapport.

Je suis un peu coincée entre les deux, mais je pense qu’il s’agit d’une décision stratégique. Vous êtes les experts qui savent ce qu’il faut faire pour adopter des lois qui donnent suite à d’autres preuves. Les données seront examinées dans le rapport, et il y aura des recommandations précises sur le dépistage, le diagnostic et les soins cliniques tout au long de la vie d’une personne, en plus des questions d’emploi, de logement et de justice sociale.

La question est de savoir si vous pensez qu’il serait pratique et pragmatique d’inclure ces enjeux dans le projet de loi, ou si le projet de loi peut y faire vaguement référence et se concentrer sur la responsabilité et la mise en œuvre. Je vous laisse sur cette question, mais ces recommandations sont à venir.

La vice-présidente : Chers collègues et témoins, je tiens à vous remercier. Merci aux trois groupes de témoins. Nous avons eu un après-midi instructif, essentiel et intéressant. Au nom de nous tous au Sénat, je tiens à vous remercier du temps que vous nous avez consacré, de vos connaissances et de votre expérience, ainsi que de votre franchise et de votre ouverture. Je sais que ce sont des questions difficiles, alors je vous remercie de votre honnêteté.

En plus de vous remercier, je dois vous présenter des excuses. Je sais que j’ai coupé deux d’entre vous et que vous avez dû vous arrêter avant d’avoir terminé vos déclarations liminaires, faute de temps. Nous pouvons ajouter ces derniers paragraphes dans les transcriptions si vous le souhaitez. Je vous laisse décider de cela.

Encore une fois, je tiens à vous remercier de votre collaboration. Mesdames et messieurs les sénateurs et les témoins, il n’y a pas d’autres questions à traiter, alors la séance est levée. Merci.

(La séance est levée.)

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