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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 6 juin 2024

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd’hui, à 9 heures (HE), avec vidéoconférence, pour examiner le projet de loi C-50, Loi concernant la responsabilité, la transparence et la mobilisation à l’appui de la création d’emplois durables pour les travailleurs et de la croissance économique dans une économie carboneutre.

La sénatrice Ratna Omidvar (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bonjour, chers collègues.

[Français]

Je m’appelle Ratna Omidvar et je suis une sénatrice de l’Ontario.

[Traduction]

Avant de commencer, j’aimerais demander à tous les sénateurs et sénatrices et aux autres participants en personne de consulter les cartes sur la table afin de prendre connaissance des lignes directrices pour empêcher la rétroaction sonore.

Veuillez prendre note des mesures préventives suivantes pour protéger la santé et la sécurité de tous les participants, y compris les interprètes.

Si possible, assurez-vous de vous asseoir de manière à garder une bonne distance entre les microphones. Veuillez utiliser uniquement un casque d’écoute noir approuvé. Les anciens casques d’écoute gris ne doivent plus être utilisés. Gardez votre casque d’écoute à l’écart du microphone en tout temps, et lorsque vous ne l’utilisez pas, déposez-le face vers le bas sur l’autocollant placé sur la table à cette fin, à votre droite.

Merci de votre collaboration.

Aujourd’hui, nous poursuivons notre étude du projet de loi C-50, Loi concernant la responsabilité, la transparence et la mobilisation à l’appui de la création d’emplois durables pour les travailleurs et de la croissance économique dans une économie carboneutre.

Avant de commencer, j’aimerais demander à mes collègues de se présenter, en commençant par la vice-présidente du comité, la sénatrice Cordy.

La sénatrice Cordy : Bonjour. Bienvenue à notre comité. Je m’appelle Jane Cordy et je suis sénatrice de la Nouvelle-Écosse.

[Français]

Le sénateur Cormier : Bonjour. Je suis René Cormier, du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

Le sénateur Yussuff : Bonjour. Hassan Yussuff, de l’Ontario.

[Français]

La sénatrice Mégie : Marie-Françoise Mégie, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Osler : Bonjour. Gigi Osler, du Manitoba.

La sénatrice Dasko : Donna Dasko, de l’Ontario.

La présidente : Nous accueillons aujourd’hui notre premier groupe de témoins, soit Christine Jones, gestionnaire, Décarbonisation industrielle, Bleu Vert Canada; Alex Cool-Fergus, directrice des politiques nationales, Réseau action climat Canada; et Megan Gordon, analyste principale, Institut Pembina, qui se joint à nous par vidéoconférence. Merci de vous joindre à nous aujourd’hui.

J’aimerais maintenant vous demander de faire votre déclaration préliminaire. Chacun des témoins disposera de cinq minutes. Madame Jones, allez-y en premier.

Christine Jones, gestionnaire, Décarbonisation industrielle, Bleu Vert Canada : Merci.

Je remercie les sénatrices et sénateurs et le comité de me donner l’occasion de parler du projet de loi C-50.

Depuis près de 15 ans, Bleu Vert Canada, ou BGC, veille à ce que les Canadiens n’aient pas à choisir entre de bons emplois et la protection de l’environnement. Nous rassemblons les travailleurs et les organisations environnementales afin d’accorder la priorité à la préservation des emplois, à la réduction des émissions de carbone et à l’édification d’un avenir durable. Nous avons établi des partenariats avec de grands syndicats industriels — nous comptons parmi nos membres les Métallurgistes unis d’Amérique et Unifor — et avec des groupes environnementaux influents, dont l’Institut Pembina et Environmental Defence Canada, Clean Energy Canada, l’Institut Broadbent et le Columbia Institute. Nous sommes également membres du Réseau action climat Canada et nous menons nos travaux en harmonie avec les objectifs et les actions du Congrès du travail du Canada, ou CTC.

Le processus qui a mené à la Loi canadienne sur les emplois durables à ce stade-ci s’est déroulé dans une bonne mesure parce que des groupes comme Bleu Vert Canada ont travaillé avec des syndicats, des environnementalistes et une vaste gamme d’autres organisations de la société civile pour veiller à ce que l’expérience et les connaissances des travailleurs soient au cœur de cette mesure législative. L’adoption de ce projet de loi est un pas vers un Canada où les travailleurs participent de façon significative au processus décisionnel du gouvernement afin de promouvoir des stratégies axées sur les travailleurs et la collectivité qui réduisent les émissions, protègent les emplois dans les secteurs existants de l’industrie et de l’exploitation des ressources, créent des emplois durables qui sont bons pour les travailleurs et permettent de relever les défis climatiques.

Bleu Vert Canada appuie l’adoption du projet de loi C-50 sans amendement, et nous demandons que cela se fasse très rapidement, s’il vous plaît.

Le travail et l’industrie changent; ils changeront toujours. À elle seule, notre évolution technologique fait en sorte qu’il y aura toujours des changements industriels. Nous savons tous que ce n’est pas seulement la technologie qui a entraîné l’évolution et le changement industriels. Nous avons déjà vécu des incidents liés au climat qui ont touché les travailleurs et leurs collectivités et nous ont forcés à chercher de nouvelles façons de faire les choses, ainsi que de meilleures façons de nous soutenir les uns les autres à mesure que nous changeons. Le projet de loi C-50 est un bon début législatif pour veiller à ce que les travailleurs, les collectivités et l’économie du Canada n’aient pas à choisir entre être prêt à relever le défi climatique de l’avenir et occuper de bons emplois.

Notre économie, notre climat et nos collectivités ne sont pas uniques ou statiques. Le projet de loi C-50 et le Conseil du partenariat feront en sorte que les travailleurs qui ont des connaissances et de l’expérience et qui savent mieux que quiconque comment faire leur travail ne seront pas seulement consultés autour de tables comme celle-ci, mais seront au cœur même de ce qui devrait être notre planification stratégique nationale pour une industrie verte au pays.

Le projet de loi C-50 montre également que nous avons tiré des leçons des succès et des échecs que l’économie et les travailleurs du Canada ont déjà connus en période de changement. À Bleu Vert Canada, nous nous sommes demandé, au sujet d’une mesure législative comme le projet de loi C-50, comment le Conseil du partenariat qui marque sa création aurait permis d’appuyer et d’obtenir des résultats très différents à l’égard de divers défis industriels et économiques importants au Canada.

L’une des erreurs les plus évidentes — surtout dans le cas de la pêche à la morue — a été l’incapacité de s’engager à l’avance et en partenariat avec les syndicats, les travailleurs et les collectivités touchées. Les gens sur le terrain n’ont pas été écoutés. Il s’en est suivi une crise dont les effets se font encore sentir aujourd’hui.

De plus, la formation ne ciblait pas les emplois existants, et des jeunes ont dû quitter leur collectivité et leur foyer pour aller travailler dans l’Ouest.

L’engagement fédéral le plus récent dans la transition de l’industrie a été l’élimination progressive de la production d’électricité à partir du charbon. Le gouvernement fédéral a mis sur pied un groupe de travail qui s’est rendu dans les collectivités touchées de l’industrie du charbon et a rencontré les parties prenantes. Le groupe de travail a entendu dire que les travailleurs voulaient avoir leur mot à dire. Ils voulaient la sécurité d’emploi, ainsi qu’un gouvernement qui assure le leadership et élabore un plan.

Plus précisément, les travailleurs et les collectivités touchés doivent être au cœur du processus décisionnel pendant la transition vers une économie sobre en carbone. Les syndicats et les employeurs jouent un rôle clé dans la réussite de la transition. Des mesures gouvernementales ciblées et opportunes aideront les travailleurs à rester sur le marché du travail et à trouver de nouvelles possibilités d’emploi et permettront à d’autres travailleurs de partir à la retraite dans la dignité. C’est ce que nous avons appris et c’est ce que promet le projet de loi C-50.

Pour ces exemples et d’autres, l’échec a été causé notamment par un manque de leadership en matière de réflexion et de planification stratégiques actives pour les travailleurs et pour veiller à leurs besoins pendant la transition de l’industrie. De même, il n’y avait pas de cadres de responsabilisation en place pour ceux dont le travail est de veiller à ce que ce genre de planification et de réflexion stratégiques aient lieu. Ces problèmes ne se limitent pas aux exemples ci-dessus ni à ce qui arrivera à l’avenir. Ce sont des problèmes auxquels nous serons continuellement confrontés dans un monde en plein changement climatique.

Nous croyons que le Canada possède les compétences, les connaissances, la curiosité et le courage collectifs nécessaires pour bâtir un avenir florissant et décarboné, au lieu de rester statique et de vivre dans le passé. Nous y parviendrons ensemble grâce à un processus de planification coordonné et cohérent. Plus nous serons en mesure de nous préparer et de planifier à l’avance en fonction des changements, qu’il s’agisse d’intervenir en cas de catastrophe climatique impliquant une interruption de travail ou de la vie dans la collectivité, de chercher à bâtir un avenir décarboné pour les secteurs existants ou d’investir dans une vision stratégique pour les secteurs émergents, le projet de loi C-50 nous aidera à passer collectivement de l’atténuation des dommages à une capacité de gouvernance grâce à laquelle nous pourrons planifier une voie vers l’avenir qui est bonne pour tout le monde.

La présidente : Merci beaucoup. La parole est maintenant à Mme Alex Cool-Fergus.

[Français]

Alex Cool-Fergus, directrice, Politiques nationales, Réseau action climat Canada : Honorables sénateurs, madame la présidente, au nom du Réseau action climat Canada et de nos plus de 150 membres à travers le pays, je vous remercie de la chance de prendre la parole aujourd’hui. Nos membres rassemblent des groupes environnementaux, des syndicats, des associations des Premières Nations, des organisations de santé et de jeunesse et des regroupements de fermiers.

[Traduction]

Le Réseau action climat Canada et ses membres suivent de près la Loi canadienne sur les emplois durables depuis des mois et des années. Aujourd’hui, nous joignons notre voix à celle des syndicats, des groupes environnementaux, des jeunes et des travailleurs canadiens pour vous exhorter, sénatrices et sénateurs, à adopter la loi sans plus tarder.

Nous sommes ravis de voir que le gouvernement du Canada adoptera peut-être une loi qui aidera les travailleurs d’aujourd’hui et de demain à trouver un emploi satisfaisant, durable et équitable.

Le parcours n’a pas été facile, et ce projet de loi a parfois été controversé, mais en réalité, peu importe que la Loi canadienne sur les emplois durables soit adoptée ou non, le coût de l’énergie renouvelable continuera de diminuer. Le marché mondial du pétrole et du gaz diminuera et les travailleurs de ces industries auront besoin d’aide pour se recycler. Il y aura de nouvelles possibilités de développement économique liées au stockage d’énergie dans les batteries, aux parcs solaires, aux turbines, à l’énergie géothermique et à l’hydroélectricité. Il faudra installer des lignes de transport d’énergie partout au pays et mieux isoler les bâtiments.

Que la Loi canadienne sur les emplois durables soit adoptée ou non, l’écart entre les émissions et le PIB au Canada continuera de s’élargir. Il le fait déjà. Que vous adoptiez ou non la Loi canadienne sur les emplois durables, les feux de forêt brûleront, de nouvelles entreprises ouvriront et des entreprises bien-aimées fermeront. Certaines collectivités connaîtront une croissance explosive et d’autres continueront de décliner. Certains experts diront que c’était la bonne décision et d’autres la dénonceront comme très mauvaise. Que vous adoptiez ou non la Loi canadienne sur les emplois durables, les jeunes continueront d’être inquiets de ce que l’avenir leur réserve.

Que vous adoptiez ou non la Loi canadienne sur les emplois durables, les possibilités d’emploi de mes enfants seront très différentes des miennes. Les étudiants continueront de s’inscrire à des programmes comme la gestion des écosystèmes, l’assainissement de l’environnement et le génie électrique. Les capitaux continueront d’être investis dans de nouvelles possibilités économiques et de nouvelles technologies. Que vous adoptiez ou non la Loi canadienne sur les emplois durables, il faudra de bons emplois pour tous.

La décision d’adopter la loi en temps opportun vous revient, mais l’avenir de l’économie canadienne ne repose pas entre vos mains. La question ici, aujourd’hui, est de savoir si le Canada est équipé pour se préparer à ce que l’avenir nous réserve. La transition est déjà en cours. La question est de savoir si nous nous y préparons et si nous nous assurons qu’elle est juste et que les travailleurs sont à la table décisionnelle. Le Réseau action climat Canada estime qu’il est préférable pour notre pays de planifier l’avenir et de prévoir certains des changements qui seront nécessaires pour s’adapter à l’évolution de l’économie et de la planète. Voilà en quoi consiste la Loi canadienne sur les emplois durables.

[Français]

Nous n’avons pas le luxe du temps, ni pour réduire nos émissions ni pour mettre en œuvre les structures nécessaires pour la transition énergétique. Je vous en prie, agissez maintenant et adoptez la Loi sur les emplois durables.

Merci.

[Traduction]

La présidente : Merci beaucoup, madame Cool-Fergus.

Megan Gordon, analyste principale, Institut Pembina : Bonjour, honorables sénatrices et sénateurs. Je suis analyste principale au sein de l’équipe de transition équitable de l’Institut Pembina. L’Institut Pembina est un groupe de réflexion sur l’énergie propre qui a passé les quatre dernières décennies à travailler à réduire l’impact environnemental de la production d’énergie et à faire progresser les solutions d’énergie propre. Un des principes fondamentaux de notre travail est l’équité, et nous veillons à ce qu’une économie axée sur l’énergie propre maximise les avantages sociaux pour les travailleurs et les collectivités.

À l’Institut Pembina, nous croyons que les changements climatiques représentent l’un des plus grands défis pour les générations actuelles. La lutte contre les effets et les répercussions des changements climatiques exige l’adoption d’une approche globale, mais trop souvent, les travailleurs sont opposés à l’environnement comme si nous ne pouvions pas avoir de bons emplois dans un monde décarboné. Ce n’est tout simplement pas le cas. La décarbonation peut se traduire par des emplois décents, et nous avons l’intention de le prouver. C’est pourquoi l’Institut Pembina appuie l’adoption du projet de loi C-50 sans amendement.

J’ai personnellement eu le privilège d’entendre des dizaines d’histoires de travailleurs de communautés rurales, nordiques et axées sur les ressources. J’ai vu les cycles de prospérité et de ralentissement de l’industrie éroder le tissu social de ces communautés. Les expériences de transition, passées et présentes, sont encore fraîches à la mémoire des travailleurs. Le Canada n’a plus le luxe d’adopter une approche réactive aux changements que nous pouvons raisonnablement prévoir. Les changements à l’échelle mondiale dans nos systèmes énergétiques se produisent à un rythme accéléré. On s’attend à ce que la demande de pétrole diminue d’ici la fin de la décennie, et d’autres tendances, comme l’automatisation, modifient nos industries nationales et le paysage de l’emploi. Ces tendances échappent en grande partie à notre contrôle et auront une plus grande incidence sur notre économie que les choix de politique intérieure. Le changement s’en vient, que cela nous plaise ou non, et il incombe au gouvernement d’aider le Canada à se préparer.

La modélisation des systèmes économiques et énergétiques présente des scénarios futurs qui peuvent nous aider à nous préparer, et les travailleurs doivent être aux tables décisionnelles pour guider le processus. Une étude corédigée par l’Institut Pembina et le Congrès du travail du Canada montre que des interventions stratégiques modestes en matière de formation, de développement des compétences, de sécurité sociale et de soutien ciblé à la croissance économique régionale mènent à des résultats plus positifs pour les personnes les plus vulnérables aux répercussions de la transition mondiale.

Il incombe maintenant au gouvernement de prouver aux Canadiens qu’il prendra les mesures et fera les investissements nécessaires pour aider les travailleurs et les collectivités à se préparer. L’adoption du projet de loi C-50, la Loi canadienne sur les emplois durables, représente une étape cruciale à cet égard. La création du Conseil du partenariat permettra aux travailleurs, aux peuples autochtones, aux représentants de l’industrie et à d’autres experts de contribuer directement au processus d’élaboration des politiques. C’est essentiel pour que les travailleurs aient voix au chapitre, et cela contribuera grandement à rétablir la confiance dans notre démocratie.

La mise sur pied du Conseil du partenariat — après la création d’un plan d’action quinquennal dont le gouvernement devra rendre compte — garantira que des efforts transparents et coordonnés seront déployés pour harmoniser les plans de lutte contre les changements climatiques avec les plans pour la population dans la conjoncture économique.

L’Institut Pembina et d’autres groupes environnementaux et organisations syndicales ont collaboré au cours de la dernière année avec les décideurs pour apporter des améliorations à ce texte législatif, et nous en sommes satisfaits dans son état actuel. La mise en œuvre de politiques et d’investissements clés commence avec l’adoption du projet de loi C-50. C’est pourquoi l’Institut Pembina exhorte le Sénat à adopter ce projet de loi sans tarder. L’adoption du projet de loi C-50 nous aidera non seulement à nous préparer aux changements, mais aussi à saisir les occasions qui se présentent. La modélisation effectuée pour un rapport intitulé A Sustainable Jobs Blueprint montre qu’il y aurait 2 millions d’emplois dans le secteur de l’énergie propre en 2050 dans un avenir carboneutre.

C’est aussi une question de temps, car le Canada est en concurrence avec d’autres chefs de file mondiaux en matière de capitaux et de talents. Grâce aux mécanismes de planification et de coordination prévus dans le projet de loi C-50, nous pouvons créer plus d’emplois et accroître la prospérité économique.

Grâce à la diversité des perspectives qui ont été recherchées dans le cadre d’un processus stratégique solide, à la mobilisation des travailleurs, des Autochtones et des groupes méritant l’équité et à l’architecture de planification interne qui s’impose, nous pouvons tirer parti de la transition vers l’énergie propre pour assurer la prospérité de tous les Canadiens.

Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de m’adresser à vous aujourd’hui. Je serai heureuse de répondre à vos questions.

La présidente : Merci beaucoup, madame Gordon. Avant de passer aux questions, j’aimerais une petite précision. Avez-vous dit « 32 millions de nouveaux emplois dans un avenir carboneutre »?

Mme Gordon : Non, j’ai dit « 2 millions ».

La présidente : D’accord. Je me disais, aussi. Passons maintenant aux questions, chers collègues. Nous allons faire un tour de table en commençant par la vice-présidente, la sénatrice Cordy. Vous aurez quatre minutes pour votre question et votre réponse.

La sénatrice Cordy : Merci beaucoup. Vous avez tous livré d’excellents messages. Vous avez dit qu’il n’est pas nécessaire de choisir entre l’environnement et les emplois — que l’on peut faire les deux —, et pourtant, nous entendons les arguments politiques selon lesquels si nous nous concentrons trop sur l’environnement, nous allons perdre tous ces emplois. J’ai noté certaines de vos citations au sujet des travailleurs canadiens qui n’ont pas à choisir entre le climat et les emplois. Vous l’avez tous dit.

Que répondez-vous aux gens qui disent que si nous adoptons une loi comme celle-ci, nous allons perdre des emplois? D’après ce que nous avons entendu, c’est tout à fait faux? Quel devrait être le message à ce sujet? En tant que politiciens, en faisons-nous assez pour répondre à ces commentaires?

Mme Jones : Cette salle est remplie de leaders, de gens qui ont dirigé une variété d’organisations et de mouvements. Nous savons que le leadership exige du courage, si l’on veut voir de vrais changements. Nous savons aussi que ce courage est vraiment important pour la planification et la réflexion stratégiques innovantes. Mes deux collègues nous l’ont dit : nous n’avons plus de temps à perdre. Il faut vraiment comprendre la situation actuelle. En fait, nous ne parlons même pas de l’avenir. Nous avons déjà entamé des processus de changement industriel.

J’ai parlé de la transition vers l’élimination du charbon. Or, elle est déjà en marche. Puisque nous vivons déjà la transition de la décarbonation, c’est nier les faits de dire qu’elle est impossible à réaliser. C’est ce genre d’attitude qu’il faut éviter à tout prix.

Nous devons tenir compte des réalités de nos collectivités. Prenons l’exemple d’Ingersoll, en Ontario, où une usine existante est devenue l’une des premières installations de fabrication de véhicules électriques au Canada. C’est une transition qui est en cours. Nous parlons ici de travailleurs qui passent des moteurs à combustion aux véhicules électriques. Nous savons que c’est possible.

Nous le savons parce que la planification et la réflexion stratégiques qui s’imposaient ont eu lieu, tant en ce qui concerne la modélisation du marché du travail — dont Mme Gordon a parlé —, qu’en tenant compte de la réalité de nos plus proches amis du G7, qui ont été en mesure de déterminer comment avancer en la matière.

Je ne m’explique jamais ce fatalisme purement canadien qui nous pousse à toujours douter de nous, alors que nous savons que d’autres réussissent partout dans le monde dans le cadre d’économies et de démocraties différentes. La question que doivent se poser nos dirigeants politiques est la suivante : qu’est-ce qui nous empêche tous, toutes allégeances politiques confondues, de vouloir un avenir où le Canada n’est pas seulement un figurant, mais où il trouve des façons de prospérer et de centrer son travail sur l’atteinte d’une conjoncture qui comble les travailleurs, ici et maintenant, grâce à — comme Mme Cool-Fergus le disait — une économie mûrement réfléchie et stratégiquement planifiée pour que nos enfants aient accès au système d’éducation, à la formation et aux emplois qui correspondent à l’environnement climatique dans lequel ils vivront?

Mme Cool-Fergus : C’est attribuer beaucoup de poids à une loi de dire qu’elle a le potentiel de détruire des emplois. Il est difficile d’éliminer des industries de plusieurs milliards de dollars au moyen d’un seul comité consultatif, ce que serait essentiellement le conseil du partenariat.

Il y a différentes raisons à cela. Les transitions sont compliquées; elles sont vraiment difficiles à réaliser. Demandez-le à mon enfant de cinq ans. Il n’aime pas passer d’une activité à l’autre. C’est un défi, mais nous en avons déjà relevé des semblables et nous continuons d’en relever encore aujourd’hui. La réalité, c’est que de nouvelles industries qui n’existaient pas il y a cinq ans existent aujourd’hui. Le Canada a la possibilité de s’y préparer ou de rattraper plus tard le train en marche. Il s’agit de savoir dans quelle position il veut se placer.

La sénatrice Osler : Je remercie les témoins qui sont ici aujourd’hui. J’ai des questions pour vous tous. Je pense aux travailleurs de demain. Nous avons parlé de centrales géothermiques, de l’énergie éolienne et de l’énergie solaire, qui offrent autant de bons emplois pour l’avenir.

Pouvez-vous nous dire ce que vous entrevoyez pour le marché du travail canadien dans une future économie carboneutre? Combien de ces emplois seraient syndiqués? Combien ne le seraient pas? Le projet de loi C-50, dans sa forme actuelle, correspond-il à ce que vous envisagez pour ces futurs emplois du marché du travail carboneutre? Nous pourrions peut-être commencer par Mme Gordon, car je sais qu’elle est sur Zoom.

Mme Gordon : Je vous remercie de vos questions, qui sont importantes. Pour y répondre, je dirais que cela dépend si nous mettons en place des processus de planification qui nous aident à tirer parti des occasions qui se présentent. Bien sûr, en travaillant de concert avec les syndicats, nous savons que les emplois syndiqués et les voies menant à la syndicalisation créeront de meilleures normes sociales pour les travailleurs et pourront aider à régler d’autres problèmes auxquels nous sommes confrontés au pays, et je pense ici à la crise de l’abordabilité, qui est prioritaire.

Nous constatons que plusieurs industries sont en pleine croissance au Canada. Nous commençons à voir des pénuries de main-d’œuvre dans de nombreux secteurs où nous voulons plus de métiers spécialisés et de croissance. Nous savons qu’il y aura une forte demande d’électriciens à l’avenir. Nous pouvons utiliser ces modèles qui nous aident à prédire où se situera la croissance, mais il incombe vraiment aux gouvernements et aux décideurs d’aujourd’hui de mettre en place des investissements qui aideront à favoriser la réussite de ces industries. Ils doivent aussi mettre en place des filets de sécurité sociale pour les changements auxquels nous nous attendons lorsque des emplois disparaîtront dans certaines industries. Cela pourrait être dû aux forces du marché mondial ou aux répercussions de l’automatisation. Je pense à l’époque où je vivais dans le Nord de la Colombie-Britannique, dans des collectivités qui dépendent de la foresterie et qui étaient touchées par les feux de forêt et les infestations de ravageurs qui décimaient la production. Des scieries ont été contraintes de fermer leurs portes un peu partout.

Tous ces changements s’en viennent; il s’agit de s’y préparer. Le projet de loi C-50 met en place des mécanismes qui nous permettront d’harmoniser les travailleurs et leurs perspectives d’avenir avec les besoins des différents ministères qui ont des responsabilités en matière de formation et de développement régional, afin de les réunir et d’harmoniser la planification de l’emploi et le climat dans la même veine.

La sénatrice Osler : Merci. Madame Cool-Fergus.

Mme Cool-Fergus : Je ne m’étendrai pas sur le sujet, puisque Mme Gordon est la véritable experte en matière d’emploi. Cependant, bon nombre de ces emplois existent déjà. Bon nombre de ces catégories d’emploi — par exemple, celles des électriciens, des travailleurs de la rénovation domiciliaire et des gens qui élaborent et mettent en place des projets d’énergie renouvelable —, existent déjà à l’heure actuelle. Dans ces secteurs, on recherche des travailleurs et on recrute activement, mais il n’y a pas assez de candidats pour pourvoir ces postes.

Si vous le permettez, j’aimerais vous raconter une anecdote personnelle. J’ai récemment bénéficié du programme de la Subvention canadienne pour des maisons plus vertes, grâce auquel j’ai pu améliorer l’isolation de ma maison, installer une thermopompe et bien d’autres choses. Le processus a toutefois pris beaucoup de temps parce qu’il y avait tellement de gens qui avaient présenté leur demande avant moi et si peu d’électriciens dans ma collectivité. Ce sont des secteurs où il manque beaucoup de travailleurs. Il sera nécessaire de préparer les gouvernements, les universités, les collèges et les écoles secondaires techniques à diriger les étudiants vers ces différentes industries de l’avenir, sans quoi nous ne serons pas en mesure d’atteindre nos objectifs climatiques. De plus, nous ne serons pas en mesure de répondre aux besoins réels des gens qui veulent vivre dans des maisons convenables et dans des collectivités dont l’économie est florissante. Ce sont des répercussions réelles dont il faut tenir compte.

[Français]

Le sénateur Cormier : Ma première question s’adresse aux trois témoins. Merci d’être ici.

On a beaucoup entendu parler des besoins de formation chez les travailleurs, pour qu’ils soient en mesure de s’adapter et de participer à la décarbonation et pour qu’ils puissent obtenir des emplois durables. On sait que les niveaux de formation sont différents partout au Canada. On sait aussi que, sur le plan linguistique, il y a des défis selon les provinces et les territoires.

Ne croyez-vous pas qu’il serait important que, dans le projet de loi, on précise les obligations du gouvernement fédéral en matière de langues officielles pour que ces plans d’action reflètent effectivement lesdites obligations, étant donné qu’il y a beaucoup d’intervenants et qu’on veut s’assurer que la formation est disponible dans les deux langues officielles un peu partout, évidemment? Il faut que les minorités linguistiques puissent elles aussi profiter de ces emplois durables.

Qui veut répondre?

Mme Cool-Fergus : Je peux commencer. Pour nous, l’urgence est vraiment que la loi soit adoptée dès que possible. Il y a manifestement une urgence d’agir. Après, est-ce qu’elle est parfaite? Non. Il y a certainement des modifications qui devront être apportées une fois la loi adoptée, que ce soit au niveau des plans d’action ou du conseil de partenariat. Pour nous, ce qui est le plus important, c’est que le projet de loi soit adopté dès maintenant.

Il y a une question linguistique et une question régionale à ne pas négliger; absolument. La réalité au Québec n’est pas la même qu’en Colombie-Britannique ou en Alberta, par exemple. Il y aura d’ailleurs à cette table des intervenants de toutes les régions et de tous les secteurs, des gens qui offrent des formations et d’autres qui appuient les travailleurs, des experts et des universitaires. Cela permettra d’avoir des discussions sur ces questions et de pouvoir avancer ensemble pour mettre en œuvre les changements nécessaires, non seulement dans les programmes qui seront issus de cette loi, mais aussi dans d’autres programmes qui existent au sein de l’appareil gouvernemental et qui pourraient éventuellement être modifiés.

[Traduction]

Mme Jones : Je suis d’accord. Ce projet de loi doit être adopté. Nous passons ensuite au travail du Conseil du partenariat, dont la responsabilité consiste en partie à prendre en considération les autres lois du Canada auxquelles il sera lié, et la Loi sur les langues officielles en fait partie. J’aurais franchement de la difficulté à l’accepter si on ne comprenait pas déjà que tout doit être produit dans les deux langues officielles, y compris les plans de formation, ainsi que les plans de renouvellement des ressources, que ce Conseil du partenariat commencera vraisemblablement à examiner.

Ce conseil n’existera pas en dehors des activités courantes du gouvernement. Logiquement, il sera assujetti à toutes les normes auxquelles sont assujettis tous les autres conseils ou organismes supplémentaires du gouvernement.

Chez Bleu vert Canada, nous sommes en train de mettre tout cela en place et de nous préparer à l’entrée en service du Conseil du partenariat afin qu’il puisse commencer à documenter et à planifier les principaux travaux qu’il doit accomplir. La grande question que vous soulevez — et nous parlons en fait de collecte de données et de renseignements — est la suivante : comment pouvons-nous, au niveau national, nous assurer de fournir les ressources exactes dont nous avons besoin dans les régions, tout en tenant compte de la mobilité de la main-d’œuvre, si nous ne demandons pas à notre gouvernement de recueillir les données importantes sur le marché du travail, nécessaires à notre planification future et si nous ne lui donnons pas les moyens de le faire?

Nos collègues des Syndicats des métiers de la construction du Canada vous en ont également parlé hier.

D’après un certain nombre d’autres témoins qui ont comparu, l’un des éléments essentiels dont nous avons besoin, c’est un gouvernement, une loi et un cadre qui nous obligent à prendre des décisions stratégiques, réfléchies et à long terme. Ce processus est basé sur des renseignements et des données. C’est en partie ce que le Conseil du partenariat examinera. Plus vite nous le ferons, plus vite nous serons en mesure d’élaborer des plans équivalents ou supérieurs à ceux de nos partenaires du G7.

[Français]

Le sénateur Cormier : Je vous remercie de vos commentaires. Je vous trouve optimistes.

[Traduction]

Le sénateur Yussuff : Merci aux témoins d’être ici aujourd’hui. De toute évidence, il sera intéressant de faire tout cela dans un contexte multipartite. Les employeurs, les travailleurs, les environnementalistes, les Premières Nations et d’autres intervenants seront à la même table. Compte tenu des tensions qui ont été observées récemment et de la façon dont nous avons travaillé les uns avec les autres au fil du temps, comment pensez-vous que ce partenariat pourrait améliorer notre capacité de travailler ensemble pour le plus grand bien du pays?

Le deuxième point que j’aimerais soulever, c’est que la transition est en marche dans de nombreux secteurs différents — comme l’acier, l’automobile et l’énergie —, mais ce ne sont pas les seuls endroits où elle se produit. Elle se déroule également dans la production alimentaire. Elle est en cours dans d’autres régions du pays pour ce qui est de la construction et de la reconstruction de notre infrastructure.

Compte tenu de la complexité de tout ce processus, comment pensez-vous que le Conseil du partenariat peut mener des consultations pour avoir une idée de la planification à faire pour assurer l’avenir des travailleurs et des collectivités partout au pays? Ces questions s’adressent aux trois témoins.

Mme Gordon : Je vous remercie de votre question. Je pense qu’elle est pertinente, et je me souviens, pour avoir suivi les travaux du Groupe de travail sur la transition équitable dont vous faisiez partie, que ces groupes multipartites peuvent réussir à travailler ensemble très efficacement.

Le projet de loi prévoit un certain nombre d’exigences pour différents niveaux d’expertise, ainsi que différentes compositions de représentants de différents groupes autochtones, industries et organisations syndicales. Cela dépend des processus de recrutement qui seront mis en place dans le projet de loi C-50 par l’entremise de la gouverneure en conseil.

Ils doivent choisir pour le conseil des membres qui sont prêts à participer à un dialogue productif sur l’avenir, qui possèdent les compétences pertinentes établies dans le projet de loi, ainsi que les idées et les rapports avec leurs pairs pour pouvoir communiquer et agir comme représentants, non seulement entre pairs au sein du Conseil du partenariat, mais aussi au sein de leurs industries. Le fait de mettre en place ce processus pour négocier et apporter des points de vue différents mènera à de bonnes relations de travail. Il n’est pas absolument nécessaire que ce processus soit fondé sur le consensus, mais le fait de mettre à contribution toutes ces perspectives différentes ne pourra que renforcer le processus d’élaboration des politiques.

Nous insistons sur l’importance de compter au sein du Conseil du partenariat sur des membres qui démontrent qu’ils ont des relations de travail positives avec les Autochtones, les syndicats et les travailleurs, et qui, s’ils sont des représentants de l’industrie, ont des plans crédibles pour décarboner leurs activités et demeurer compatibles avec une économie carboneutre.

En tenant compte de tous ces aspects, nous tiendrons un processus stratégique plus solide.

Mme Cool-Fergus : Vos deux questions sont interreliées. Le Conseil du partenariat comptera de nombreux représentants de tous les secteurs qui présenteront des positions et des opinions différentes. Comme le disait Mme Gordon, puisqu’ils travaillent tous ensemble et collaborent à la réalisation d’objectifs communs, ils auront une diversité d’opinions et d’expertise. Cela leur permettra d’approfondir certaines des questions qui sont plus difficiles ou de remédier à certaines lacunes au niveau des connaissances.

C’est grâce à sa diversité que le Conseil du partenariat sera en mesure de fournir une riche expertise et des recommandations au gouvernement sur la façon d’avancer. C’est ce qui nous manque à l’heure actuelle. Le contexte politique qui a cours empêche les différents partis de se réunir pour discuter et se rapprocher d’un objectif. Tout le monde parle en même temps ou crie parfois dans le vide. C’est le contexte improductif qui existe malheureusement en ce moment.

Comment pouvons-nous nous unir, malgré nos différences, pour essayer d’atteindre les objectifs communs que bon nombre d’entre nous ont au sujet du bien-être de nos collectivités, de nos enfants et de la planète? Ce sont des dialogues très importants, mais ils ne peuvent avoir lieu que s’il existe un endroit où ils peuvent avoir libre cours.

Mme Jones : Nous avons de l’expérience dans tous ces domaines. On pourrait soutenir que la nation canadienne est l’une des plus habituées à naviguer dans des éléments, des personnes et des enjeux souvent disparates, et à rechercher de moyens de réunir le tout dans un seul espace. Le Conseil du partenariat est très prometteur, car on laisse entendre qu’il réunira des gens de divers secteurs et aux expériences variées pour qu’ils se réunissent et réfléchissent à des enjeux extraordinairement complexes.

[Français]

La sénatrice Mégie : Vous savez que le projet de loi C-50 chemine depuis déjà près d’un an au Parlement. Avez-vous trouvé, parmi les informations que vous avez, s’il y a des mesures budgétaires qui ont déjà été mises sur pied et qui vous font espérer que, dès que le projet de loi sera adopté, il y aura quelque chose qui va s’enclencher? Comme on le dirait en langue québécoise, que les bottines suivent les babines?

Mme Cool-Fergus : C’est une bonne question. Il faudrait que je vous revienne là-dessus. À ma connaissance, il y a déjà eu un certain montant qui a été accordé pour la mise sur pied de l’infrastructure de base. Je crois qu’il y a quelques fonctionnaires qui ont justement été affectés au processus de sélection, mais il faudrait que je vérifie et que je vous revienne là-dessus. Mme Gordon ou Mme Jones ont peut-être une réponse à vous donner.

[Traduction]

Mme Jones : Je vais répondre rapidement, puis céder la parole à Mme Gordon, qui connaît mieux ce dossier.

Si je me souviens bien, des ressources ont été réservées pour la mise sur pied du conseil. En raison de la façon dont le processus est géré dans les systèmes existants des ministères, comme à Ressources naturelles Canada, ou RNCan, des ressources sont déjà utilisées pour commencer à progresser dans la démarche de demande au Conseil du partenariat, par exemple.

L’autre jour, mon collègue a assisté à une séance d’information organisée par RNCan pour parler du processus du Conseil du partenariat et de la façon de présenter une demande. Il y a déjà différents types de ressources qui sont consacrées à l’avancement de ce projet de loi, et il y a déjà beaucoup de travail de préparation en cours pour qu’une fois qu’il sera adopté, nous puissions — comme on dit — nous mettre au travail sans tarder. De plus, le Conseil du partenariat devra examiner sérieusement d’où proviendront les ressources. Devrons-nous les obtenir à partir de nos budgets ministériels actuels? D’où viendra l’argent supplémentaire? Cet argent pourrait provenir de diverses sources si le gouvernement actuel et les gouvernements qui lui succéderont veulent sérieusement faire le genre de planification qui sera nécessaire.

Mme Gordon est probablement la personne qui peut donner plus de précisions au sujet du budget actuellement présenté.

Mme Gordon : Merci, madame Jones.

Ce qui me vient à l’esprit, ce sont les investissements effectués dans le cadre de l’Énoncé économique de l’automne 2022, qui a mis en place le Fonds de formation pour les emplois durables, des ressources pour le Secrétariat des emplois durables et des compléments au Programme pour la formation et l’innovation en milieu syndical, ou PFIMS, un autre fonds de formation pour le Sceau rouge. Les programmes mis en place pour appuyer la formation, la jeunesse, l’éducation et la participation des Autochtones à une économie propre contribuent tous à ce que nous appelons une « politique des emplois durables ».

Le Plan provisoire pour des emplois durables décrit un certain nombre de ces mesures, mais nous aimerions que les aspects budgétaires soient plus ambitieux. Lorsque ces plans d’action progressifs quinquennaux seront mis en branle comme le précise le projet de loi, nous nous attendons également à ce qu’il y ait des annonces régulières et des investissements continus dans la formation des Canadiens. L’intégration des nouveaux arrivants et les jeunes au Canada, qui formeront la majorité de notre main-d’œuvre future, doivent être prises en considération et coordonnées. Le Secrétariat des emplois durables jouera un rôle déterminant dans la coordination de cet aspect.

Selon les résultats de nos recherches, nous avons besoin d’environ trois fois plus de subventions pour la formation des travailleurs, non seulement pour la formation des travailleurs, mais aussi pour la capacité de dispenser la formation.

Nous attendons avec impatience l’adoption du projet de loi C-50 et nous continuerons de défendre l’aspect investissement et de surveiller de près les politiques énoncées dans le plan d’action de 2025 pour en assurer la mise en œuvre.

La présidente : Merci, madame Gordon.

La sénatrice Dasko : Merci à tous d’être ici aujourd’hui. J’ai écouté les commentaires, tous très utiles. Il semble que tous nos témoins d’aujourd’hui ont des attentes très élevées à l’égard de ce qui découlera du projet de loi. Toutefois, même sans le projet de loi, nous passerions d’une façon ou d’une autre à une économie différente. Cela va se produire, avec ou sans le projet de loi.

Que fait le projet de loi pour que cette transition soit très différente? J’essaie de comprendre à quoi cette transition ressemblera, avec ou sans le projet de loi. Qu’est-ce que le projet de loi ajoute à l’économie? Que concrétisera-t-il? Quelles seront ses répercussions? Je cherche simplement à me faire une idée de ce qui en découlera.

Mme Jones : Eh bien, nous pouvons soit continuer à faire des essais sur le terrain et voir si nous obtenons les résultats espérés, soit adopter une approche de planification stratégique, réfléchie et à long terme. Le projet de loi C-50 et le Conseil du partenariat favorisent une planification stratégique, réfléchie et à long terme, plutôt qu’un projet ou une réflexion ici et là. Les travailleurs seront peut-être invités à parler et les gens écouteront peut-être; peut-être va-t-on penser aux communautés, mais peut-être pas. J’ai donné des exemples aujourd’hui, comme celui de la pêche à la morue, où les collectivités et les travailleurs ne sont pas écoutés à des moments importants de la transition de l’industrie.

Cela nous assure d’un cadre législatif qui oblige le gouvernement à veiller à ce que sa stratégie de planification globale dans tous les ministères tienne compte de notre approche stratégique intégrée pour déterminer, tout d’abord, comment nous allons soutenir les travailleurs et leurs collectivités en période de changement industriel. Cela se fait déjà et se fera encore davantage à l’avenir. Cela permettra également à tous les ministères, parce qu’il y aura un secrétariat du partenariat, de réfléchir à ce que sera leur travail pour contribuer à ce processus de planification intégrée.

Ce que j’ai de plus important à ajouter, c’est que, même si nous parlons beaucoup de politique, en réalité, c’est la vie des gens qui est au cœur de tout cela. Il ne s’agit pas seulement de politiques et de mesures législatives, bien que ce soit en partie le cas. On parle de la vie des gens, ici et maintenant, et de la continuité des communautés, des familles, des industries et des secteurs. Si nous ne commençons pas au moins par le projet de loi C-50 et le Conseil du partenariat, nous resterons à l’étape qui consiste à faire des essais sur le terrain et à espérer qu’ils donnent les résultats escomptés, en prétendant en quelque sorte que le Canada est un pays exceptionnel, alors que le reste du monde poursuit son chemin en mettant en œuvre des plans pour faire exactement ce genre de travail. Ces plans ont cours dans d’autres pays depuis des années. Nous sommes en retard en ce qui concerne cette réflexion stratégique intégrée.

La sénatrice Dasko : Le projet de loi va-t-il sauver la pêche à la morue?

Mme Jones : Je n’ai pas de boule de cristal, mais le projet de loi aurait probablement prévu un espace pour la recherche et la réflexion coordonnées, et certainement pour la planification stratégique. D’après ce que le projet de loi laisse entendre, les gens sur le terrain auraient probablement été écoutés avant qu’il ne soit trop tard. En fait, personne n’a écouté les pêcheurs qui disaient avoir un grave problème et avoir besoin d’aide. Ils avaient besoin d’une aide financière. Ils avaient besoin d’une aide conjointe de l’industrie et du gouvernement, mais personne n’a écouté. Les stocks de morue se sont épuisés, et les communautés qui en dépendaient ont dépéri.

Le projet de loi C-50 nous donne l’occasion d’apprendre de ces erreurs et de veiller à ce que les Canadiens soient écoutés à part entière quand ils réfléchissent à leur vie professionnelle.

La présidente : J’ai quelques questions. J’aimerais d’abord en poser une à Mme Gordon au sujet de la transition vers une économie carboneutre et à savoir si le recyclage nécessaire est à la portée des travailleurs plus âgés. Dans ma situation, j’aime dire que l’âge n’est qu’un chiffre, mais il y a tout de même une réalité que personne ne peut éviter.

De plus, si le recyclage ou la retraite anticipée ne sont pas des options, comment pouvons-nous inclure les travailleurs plus âgés dans cette équation?

Mme Gordon : Je vous remercie de votre question. Nous savons qu’il y aura une attrition importante dans les industries en mouvement, mais la réalité est que de nombreux travailleurs qui approchent de l’âge de la retraite ne sont pas prêts à partir à la retraite. Ils ont des obligations financières qui ne le leur permettent pas. Nous savons que les travailleurs à mi-carrière font face à des défis supplémentaires sur le marché du travail. Investir dans un travailleur qui n’a plus que 5 ou 10 ans de carrière n’est pas nécessairement dans l’intérêt du résultat net de nombreuses entreprises, qui pourraient préférer choisir quelqu’un d’autre qui sera là pendant 30 ans.

En ce qui concerne ce genre de considérations, il y a des connaissances importantes que nous devons obtenir par l’entremise du Conseil du partenariat qui mobilise les travailleurs de tous âges; les générations futures qui ne sont pas encore sur le marché du travail, les travailleurs qui approchent de la retraite et ceux qui y sont déjà. C’est donc grâce à des mécanismes comme la mobilisation par l’entremise du Conseil du partenariat, ainsi qu’aux efforts que le gouvernement du Canada doit déployer en fonction de tout cela, que nous pourrons obtenir plus de précisions et mieux comprendre les besoins en matière de formation.

Mme Jones a soulevé un excellent point plus tôt au sujet des données et des projections du marché du travail. Ce sont d’autres renseignements que nous devons rendre accessibles aux employeurs, aux syndicats et au grand public afin qu’ils puissent prendre des décisions éclairées sur ce qui est à leur disposition et pour que nous puissions structurer les besoins de formation qui sont accessibles aux différents groupes qui méritent l’équité, aux personnes de tous âges, aux gens qui parlent des langues différentes et autres.

La présidente : Madame Jones, vous avez beaucoup parlé du fait que le Canada est en retard, que d’autres pays nous devancent, et ce, depuis des années. Pouvez-vous nous en parler concrètement? Donnez-nous un exemple d’un pays qui est en avance sur nous et qui fait participer les femmes, les personnes âgées et tous les autres afin qu’ils puissent profiter des possibilités offertes par une économie carboneutre.

Mme Jones : À l’échelle mondiale, il s’agit d’un portefeuille de politiques relativement nouveau. Les gouvernements nationaux n’ont commencé à faire ce genre de travail très sérieux que depuis une dizaine d’années. Vous-même, en tant que décideur, vous savez combien il est difficile de mener un projet de loi à terme en deux ans. Depuis combien d’années étudions-nous ce projet de loi au juste? Au moins cinq ans, et ce n’était qu’un rêve dans la tête de quelqu’un avant cela. La vérité, c’est qu’il n’y a pas d’État-nation où ce genre d’initiative est pleinement mise en œuvre.

Cependant, si vous regardez les pays du G7 et la façon dont ils ont commencé à procéder — et nous pouvons prendre l’exemple de l’Inflation Reduction Act, ou IRA, aux États-Unis —, ils envisagent des investissements massifs et toute une gamme de nouvelles industries propres, mais ils ont aussi financé ces industries en transition. Vous pouvez regarder essentiellement n’importe quel pays du G7; la plupart ont intégré ce genre de loi dans leur planification de la stratégie industrielle verte. Il ne s’agit donc pas simplement d’un plan élaboré sur le coin de la table, mais il fait plutôt partie de la planification globale du pays, ce que nous n’avons pas vraiment établi au Canada à l’heure actuelle. Nous n’avons pas de stratégie industrielle verte claire en place.

Si nous devions incorporer ce projet de loi — nous devons le faire adopter bientôt — et l’utiliser comme fondement de notre planification d’une stratégie industrielle verte, je vous garantis que nous commencerions à voir le genre d’information et de réponses que vous recherchez.

La présidente : Merci. C’était très utile.

Chers collègues, nous avons le temps de faire un deuxième tour. Je vais commencer parce que j’ai une question pour Mme Gordon, encore une fois au sujet des emplois.

Madame Gordon, nous avons entendu parler hier de l’écart entre les sexes dans les industries dont nous parlons, soit l’agriculture, le génie électrique, et ainsi de suite. L’écart entre les sexes est énorme : en 2022, 82 % des emplois dans ces domaines étaient occupés par des hommes.

Croyez-vous que cette transition pourrait combler l’écart entre les sexes dans ces secteurs? Si oui, comment?

Mme Gordon : En ce qui concerne le projet de loi C-50, je pense que nous commençons par le Conseil du partenariat. Encore une fois, le fait d’avoir des femmes au sein du Conseil du partenariat nous permettrait de veiller à ce que ces voix soient représentées. Cela se reflétera dans les conseils fournis au gouvernement du Canada sur la façon dont il dote les travailleurs du bon type de programmes de formation, à savoir une formation relative à une profession qui recrute des femmes, qui adopte une approche active pour communiquer avec différents groupes qui méritent l’équité, comme les femmes et les Autochtones, et qui assure la sécurité culturelle et sociale de ces personnes.

L’intégration d’une formation sur l’équité, la diversité et l’inclusion dans certains de ces programmes, grâce à l’injection de fonds publics, est une façon de maximiser les avantages sociaux de nos programmes de formation. Le fait d’avoir la voix des femmes à la table qui expriment leurs points de vue et leurs expériences et celles des autres permet de faire des choix politiques plus judicieux. Il est important que cela soit intégré au processus, en tenant compte du recrutement actif et d’autres facteurs qui peuvent être pris en considération par les membres du Conseil du partenariat, mais aussi dans le cadre de la démarche de mobilisation.

L’Institut Pembina a rédigé un certain nombre de rapports sur les femmes dans le secteur de l’énergie. Je serai heureuse de faire un suivi auprès de votre bureau pour vous faire part d’un certain nombre de nos principales constatations.

La présidente : Madame Gordon, à ce sujet, il y a un article dans le projet de loi qui décrit la composition du Conseil. Je suis heureuse de constater qu’il y a trois membres de la communauté autochtone. Il n’y a aucune mention du sexe des représentants au Conseil.

Va-t-il arriver par hasard que des femmes soient à la table ou devons-nous y travailler plus activement? Je m’interroge sur cette exclusion, de votre point de vue.

Mme Gordon : On réussit dans le projet de loi à souligner un certain nombre de considérations et à tenir compte des niveaux d’expertise. Des femmes seront en mesure de réaliser ces objectifs.

La semaine prochaine, l’Institut Pembina tiendra un webinaire sur les emplois durables avec une table ronde composée uniquement de femmes. Ce n’était pas intentionnel, mais c’est parce que nous avons trois grandes spécialistes de la formation, du développement régional et de la main-d’œuvre qui se trouvent à être des femmes.

Cela peut arriver. Le projet de loi peut progresser et ces choses pourraient se produire naturellement. Le gouvernement a de nombreuses intentions en ce qui concerne la représentation équilibrée des femmes. Vous avez soulevé un excellent point, mais je suis convaincue que cela se produira.

La présidente : La foi, c’est bien, mais une loi, c’est mieux. J’espère que nous sommes tous d’accord.

Le sénateur Cormier : J’aurais pu poser la même question, madame la présidente, sauf en ce qui concerne les minorités linguistiques autour de la table. Bien sûr, nous voulons adopter ce projet de loi bientôt, mais nous sommes là pour les minorités et les régions. Nous devons veiller à ce que le projet de loi en tienne compte.

Cependant, ce n’est pas ma question. Ma question s’adresse à Megan Gordon.

J’ai consulté votre site Web. Vous êtes associés au secteur de la construction.

[Français]

Environ 13 % des émissions de GES produites au Canada proviennent du secteur du bâtiment. Nous savons qu’il y a une crise du logement au Canada actuellement. Est-ce que le projet de loi tient compte de ces deux nécessités, la décarbonation et l’urgence liée à la crise du logement? Est-ce que la mise en place du projet de loi C-50 viendrait ralentir la question de la création de logements, ou jugez-vous que c’est tout à fait en phase avec cela?

[Traduction]

Mme Gordon : C’est une excellente question. Le projet de loi C-50 nous donne l’occasion d’examiner la composition de nos besoins actuels au niveau national, non seulement du point de vue du climat, mais aussi des défis plus vastes auxquels nous sommes confrontés, qu’il s’agisse de l’abordabilité ou de la pénurie d’emplois, comme vous l’avez dit. Nous pouvons souligner certains de ces défis et mettre en place des avantages connexes potentiels que nous pouvons réaliser grâce à une planification mieux coordonnée entre les différents ministères et en nommant à la table les bons représentants qui peuvent donner leur point de vue sur ce que le Canada doit faire pour s’équiper et se préparer pour l’avenir, peu importe ce à quoi cet avenir ressemblera.

La mise en place de ces mécanismes dans le projet de loi C-50 crée un processus qui nous permet d’harmoniser nos objectifs climatiques avec un plan de création d’emplois. Il y a une raison pour laquelle les plans d’action pour la création d’emplois durables sont mis en place par tranches de cinq ans, parallèlement aux plans quinquennaux de réduction des émissions mis en place par la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité, afin que nous puissions être encore plus déterminés à faire avancer ces deux dossiers en même temps. Encore une fois, pour revenir à ce que vous avez dit, il ne s’agit pas seulement de déterminer quels emplois seront créés grâce aux mesures de lutte contre les changements climatiques — qui seront nombreuses —, mais aussi de relever les défis auxquels nous sommes confrontés et de veiller à ce qu’une approche globale soit adoptée.

Le sénateur Cormier : Merci.

La présidente : Veuillez poser vos questions très rapidement. Les témoins devront peut-être nous répondre plus tard par écrit.

Le sénateur Yussuff : Ma question est d’ordre général. La transition se fait déjà dans les secteurs où il y a des travailleurs syndiqués. En l’absence d’une politique gouvernementale claire, les syndicats s’occupent de cette question dans leurs négociations.

Y a-t-il un exemple que vous pourriez nous donner pour nous guider dans ce qui se fait déjà, en l’absence de ce projet de loi, afin que nous sachions au moins que les gens réfléchissent à la question, y travaillent et négocient des clauses dans leurs conventions collectives pour régler ce problème?

[Français]

La sénatrice Mégie : Les trois témoins qui ont témoigné aujourd’hui étaient d’avis qu’il fallait adopter au plus vite le projet de loi C-50 tel qu’il est. Cependant, le Réseau action climat Canada avait affirmé en novembre dernier qu’il y avait des lacunes dans le projet de loi C-50. Est-ce que cela vous convient comme cela? Depuis le temps que cette déclaration a été faite, au mois de novembre dernier, est-ce que le projet de loi a été modifié à votre satisfaction? Y a-t-il des choses qui devraient être ajoutées? Si oui, pourriez-vous nous envoyer par écrit les éléments que l’on devrait ajouter pour améliorer encore le projet de loi C-50?

[Traduction]

La présidente : Ce sont de très bonnes questions importantes, monsieur Yussuff et madame Mégie. Les témoins pourraient peut-être prendre la peine d’envoyer leurs réponses à la greffière, et nous les distribuerons ensuite.

Chers collègues, cela nous amène à la fin de notre premier groupe de témoins. Chers témoins, vos observations ont toutes été très utiles. Merci beaucoup d’avoir pris le temps de nous renseigner.

Chers collègues, tous les membres du prochain groupe de témoins se joignent à nous par vidéoconférence. De la Coalition de Premières Nations pour les grands projets, ou FNMPC, nous accueillons Sharleen Gale, cheffe de la Première Nation de Fort Nelson et présidente de la Coalition, et Suzanne von der Porten, vice-présidente, Stratégie d’énergie propre. De l’Indigenous Resource Network, nous accueillons John Desjarlais, directeur général. De l’Indigenous Clean Energy, nous accueillons Freddie Huppé Campbell, directeur, Énergie et climat.

Merci d’avoir répondu à notre demande et de comparaître devant nous aujourd’hui. Nous allons commencer par la déclaration préliminaire de la Coalition de Premières Nations pour les grands projets, qui sera suivie de M. John Desjarlais et de M. Freddie Huppé Campbell. Cheffe Gale et madame von der Porten, vous avez la parole.

Sharleen Gale, cheffe, Première Nation de Fort Nelson et présidente, Coalition de Premières Nations pour les grands projets : Merci. Bonjour, mesdames et messieurs. Je suis heureuse de vous revoir. Je me joins au Sénat aujourd’hui depuis mon domicile, la Première Nation de Fort Nelson, sur le territoire non cédé du Traité no 8. Je comparais aujourd’hui en compagnie de la vice-présidente de la Stratégie d’énergie propre de la FNMPC, Mme Sue von der Porten.

Le moment n’aurait pu être mieux choisi pour présenter ce projet de loi sur les emplois durables pour les travailleurs et la croissance économique dans une économie carboneutre pour ma nation. Nous venons de rentrer chez nous après trois semaines d’évacuation en raison des feux de forêt qui menaçaient nos terres. La Première Nation de Fort Nelson, aux côtés de toutes les nations autochtones du Canada, ressent depuis un certain temps les effets directs des changements climatiques qui frappent à nos portes. Nous accueillons favorablement la transition vers une économie carboneutre afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

La Première Nation de Fort Nelson est propriétaire à 100 % du projet géothermique Tu Deh-Kah, une centrale qui fournira de l’énergie propre à notre région, qui dépend autrement des combustibles fossiles pour produire de l’électricité. L’histoire de notre nation en ce qui concerne ce projet d’énergie géothermique est la preuve directe d’emplois durables pour les travailleurs et de la croissance économique grâce à la transition vers une économie carboneutre.

À mesure que le Canada se tourne vers une économie sobre en carbone, nous devons non seulement soutenir la formation professionnelle, les compétences et l’éducation, mais aussi réfléchir à la façon dont les gens peuvent continuer à vivre et à élever leur famille sans avoir à déménager ou à voyager pour travailler. C’est tout à fait vrai pour les Premières Nations, puisque nous sommes intrinsèquement liées aux terres et aux eaux de nos territoires ancestraux.

Une fois construite, la centrale géothermique de ma Première Nation produira de l’électricité garantie et propre et de la chaleur directe à partir d’un puits de gaz épuisé que nous avons converti. Il favorisera également la création d’emplois garantis et propres pour les membres des Premières Nations et ceux qui choisissent de vivre parmi nous. Le projet géothermique Tu Deh-Kah est un exemple de projet carboneutre qui répond également aux besoins de viabilité économique, de transférabilité d’emploi, de souveraineté énergétique des Autochtones, de propriété autochtone et de fiabilité énergétique.

Fort Nelson n’est pas relié au réseau de transport d’électricité du reste de la Colombie-Britannique. Les interconnexions de transport qui relient notre région à l’Alberta ont été détruites l’été dernier par le plus grand feu de forêt jamais enregistré dans notre province. Elles ont encore brûlé lors de la récente évacuation d’urgence en raison d’un autre feu de forêt en mai. Il n’y a pas de lignes de transport en provenance du site C ou du réseau principal de la Colombie-Britannique qui atteignent notre région nord-est de la province. La destruction de cette ligne — et les pannes d’électricité à répétition — nous rappelle que le fait d’avoir notre propre source d’énergie locale, nos propres emplois locaux et notre propre économie seront très importants au cours des prochaines décennies à mesure que les feux de forêt s’intensifieront.

Pour notre Première Nation, comme pour bien d’autres au Canada, il sera important de renforcer notre souveraineté énergétique et de créer des emplois locaux grâce à la propriété autochtone de projets carboneutres. Les compétences professionnelles et les gens de métier nécessaires pour faire rouler l’industrie pétrolière et gazière sont transférables à l’économie de l’énergie propre. Un investissement énorme sera nécessaire pour éduquer nos jeunes, car bon nombre de nos travailleurs partent à la retraite.

Le projet géothermique Tu Deh-Kah est la preuve que nous pouvons créer des emplois propres à l’échelle locale. La conversion de puits de pétrole et de gaz et le redéploiement de travailleurs du secteur pétrolier et gazier de notre propre Première Nation vers ce projet géothermique cadrent bien avec les priorités et les intérêts de ma Première Nation pour ce qui est de générer des revenus stables, mais nous ne sommes pas les seuls au Canada à avoir besoin d’aide. Les nations autochtones sont déjà les plus grands propriétaires d’actifs d’énergie propre, après le gouvernement et les services publics. Pour que le Canada soutienne une transition vers la carboneutralité axée sur les nations autochtones, le gouvernement doit fournir un soutien à la capacité en appuyant les programmes du gouvernement fédéral pour soutenir non seulement les emplois autochtones, mais aussi la propriété autochtone dans les projets carboneutres où nous sommes à la fois des décideurs et des propriétaires.

De façon générale, la Coalition de Premières Nations pour les grands projets, ou FNMPC, appuie les éléments proposés qui sous-tendent le projet de loi C-50.

Si l’on songe à des mesures concrètes pour soutenir les travailleurs, nous suggérons que bon nombre de ces ressources soient dirigées vers les nations autochtones, dont les obstacles économiques sont beaucoup plus élevés que dans le reste du Canada. Parmi ces obstacles, mentionnons la pauvreté dans les réserves, l’isolement des communautés et l’accès restreint à l’éducation et aux services communautaires. Nous appuyons le renvoi dans le projet de loi à la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, mais nous recommandons que le paragraphe 16(3) soit modifié pour exiger que le plan pour la création d’emplois durables comprenne également des mesures expresses de mise en œuvre de la Loi. Nous sommes en faveur de l’envoi d’un signal fort aux investisseurs indiquant que le Canada est prêt à jouer un rôle de chef de file dans le monde émergent de l’industrie de la croissance propre.

Dans le cadre de la stratégie nationale autochtone d’électrification de la FNMPC et de tout le travail direct que nous accomplissons pour appuyer nos membres des Premières Nations dans les négociations commerciales, la FNMPC a prouvé que la propriété autochtone des grands projets offre une certitude aux investisseurs au Canada. Nous suggérons que le Conseil du partenariat pour des emplois durables compte de nombreux membres autochtones de partout au Canada et de différents secteurs.

Mme Von der Porten et moi sommes ici pour répondre à vos questions. Merci.

La présidente : Merci beaucoup, madame Gale.

John Desjarlais, directeur général, Indigenous Resource Network :

Bonjour à tous et merci de m’avoir invité à vous parler du projet de loi C-50.

Je suis Nehinaw, ou Métis-Cri, originaire de Kaministikominahikoskak, c’est-à-dire de Cumberland House, dans le nord-est de la Saskatchewan, au Canada. C’est en 2001 que j’ai commencé ma carrière dans le secteur des ressources naturelles, où j’ai occupé divers postes, notamment dans les domaines de l’environnement, de la radioprotection, de la sûreté, de la maintenance et de l’ingénierie de fiabilité, avant d’occuper des postes de direction dans les domaines du développement économique, de la construction, de l’expertise-conseil en gestion et de la gouvernance.

Je suis ici aujourd’hui en ma qualité de directeur général de l’IRN, l’Indigenous Resource Network. L’IRN est un organisme indépendant non partisan, voué à la défense des intérêts des travailleurs et des entreprises autochtones dans le secteur des ressources. Notre réseau s’intéresse plus particulièrement aux secteurs du pétrole et du gaz, de l’exploitation minière et de la foresterie. Les activités qui se déroulent dans ces secteurs ont des répercussions environnementales, mais elles sont une source très importante de développement économique pour nos nations. Comme intendants des terres — et, dans bien des cas, c’est effectivement le travail ou la tâche des membres de l’IRN —, nous essayons de créer un équilibre entre une solide protection de l’environnement, d’une part, et de bons emplois et des communautés en bonne santé, d’autre part.

Nous surveillons les initiatives du gouvernement en matière de transition équitable ou d’emplois durables depuis qu’elles ont été annoncées. Pour dire franchement, nos membres ont manifesté un peu de méfiance et d’anxiété. On a l’impression que le gouvernement fédéral n’est pas du côté que ceux qui travaillent, notamment, dans le secteur pétrolier et gazier. Les travailleurs et les entreprises autochtones du secteur pétrolier et gazier se sentent souvent dénigrés, même s’ils fournissent un service et un produit importants dont tout le monde dépend finalement.

Ce n’est qu’au cours de la dernière décennie ou à peu près que nous avons observé dans le secteur pétrolier et gazier un réel mouvement pour communiquer avec les travailleurs et les entreprises autochtones et pour les faire participer. Cela s’est traduit par beaucoup d’avantages mutuels et de succès.

Selon les données de Statistique Canada, les entreprises d’extraction pétrolière et gazière et de transport par pipeline offrent aux Autochtones les salaires les plus élevés au Canada. En fait, les Autochtones du Canada qui travaillent dans le secteur de l’extraction pétrolière et gazière gagnent trois fois le salaire moyen — soit plus de 140 000 $ par an.

L’écart salarial entre les travailleurs autochtones et non autochtones est en grande partie comblé. En 2021, les travailleurs autochtones en amont du secteur pétrolier et gazier gagnaient, en fait, 2,2 % de plus en salaire hebdomadaire moyen que le travailleur canadien moyen du secteur pétrolier et gazier. En comparaison, les fonctionnaires fédéraux autochtones gagnaient 9,3 % de moins que leurs homologues non autochtones.

Le secteur pétrolier et gazier prend aussi des mesures pour que les femmes autochtones aient des possibilités d’emplois bien rémunérés. Les trois secteurs dans lesquels les femmes autochtones sont le mieux rémunérées au Canada sont associés au secteur du pétrole et du gaz. On sait bien que de bons salaires offrent aux femmes et aux familles plus de possibilités et un meilleur avenir.

Outre les emplois directs, les entreprises autochtones du secteur pétrolier et gazier génèrent des milliards de dollars par an de recettes. Il peut s’agir d’entreprises individuelles soutenant des familles ou d’entreprises communautaires soutenant des nations grâce à leurs revenus propres. Ces entreprises ont un impact énorme. On voit aujourd’hui des nations autochtones prendre une participation dans les grands projets lancés sur leurs territoires, par exemple des pipelines, des terminaux de gaz naturel liquéfié et des centrales au gaz.

Je félicite le gouvernement d’avoir fait du Programme fédéral de garanties de prêts aux Autochtones un programme neutre, ce qui veut dire concrètement que les projets pétroliers et gaziers seront admissibles aux mesures de soutien.

Quand on lance de gros chiffres comme ceux-là, on ne pense pas toujours à ce qu’ils signifient vraiment pour les gens — à ce que cela signifie pour les entrepreneurs et leurs familles quand ils obtiennent un nouveau contrat, ou pour les communautés qui transforment les dividendes en services et en programmes dont elles ont besoin pour leurs populations.

Je peux vous dire d’expérience que les emplois bien rémunérés dans le secteur des ressources peuvent transformer des gens et des communautés — parce qu’ils peuvent subvenir aux besoins de leurs familles, sortir de la pauvreté et voir s’ouvrir des possibilités. C’est en voyant et en vivant cela que je me suis passionné pour cet enjeu et que je fais ce que je fais aujourd’hui dans l’IRN. Mais ce n’est pas seulement économique, car il s’agit aussi du sentiment de fierté et d’accomplissement ressenti quand on contribue. Je veux que les membres de l’IRN puissent être fiers de ce qu’ils font et qu’ils n’aient pas honte, et je ne veux pas qu’on leur dise qu’ils sont finis ou que leurs compétences ne sont plus utiles ou nécessaires, alors qu’il y a clairement un marché pour eux.

Je n’ai rien contre des mesures législatives visant à former des gens pour des emplois verts ou à créer de nouvelles possibilités économiques dans nos territoires. En fait, beaucoup de compétences sont les mêmes, qu’il s’agisse d’extraire de l’uranium pour produire de l’énergie nucléaire ou du cuivre pour l’électrification, ou de construire des pipelines pour capter le carbone ou l’hydrogène. Mais nous avons de très bonnes raisons de penser que les emplois liés à l’installation de panneaux solaires ou d’éoliennes ne seront pas aussi rémunérateurs que les emplois liés au pétrole et au gaz. Les membres de l’IRN ne veulent pas quitter ces emplois tant que le produit est en demande.

La requête que j’adresse au comité et dont je souhaite l’application à l’intention du projet de loi est la suivante : n’empêchez pas les Autochtones de diriger des entreprises prospères et de bien gagner leur vie. N’empêchez pas les nations autochtones de tirer des revenus autonomes de l’incroyable richesse de nos territoires. Aidez-nous plutôt à devenir des chefs de file mondiaux dans la production de pétrole, de gaz et d’autres produits aussi longtemps que nos sociétés et nos alliés en auront besoin. Aidez-nous à mettre au point du GNL à faibles émissions pour remplacer le charbon. Aidez-nous à capter le carbone, à développer l’hydrogène bleu et à extraire et à raffiner les minéraux plus écologiquement que partout dans le monde. Aidez-nous à créer de nouveaux emplois verts, et non pas à remplacer de bons emplois dans le secteur des ressources. La délocalisation de nos secteurs à fortes émissions vers des pays en développement n’est pas une bonne politique climatique, et ce n’est certainement pas propice à la réconciliation.

Enfin, dans ce nouveau conseil du partenariat pour des emplois durables, je voudrais que soient représentés les Autochtones qui travaillent dans les secteurs de l’énergie et des ressources, afin que leurs points de vue et leurs solutions soient pris en considération. Je me ferai un plaisir de vous recommander des noms le moment venu.

Kinanâskomitinâwâw, merci à tous. Je répondrai avec plaisir à vos questions.

La présidente : Merci beaucoup, monsieur Desjarlais.

Freddie Huppé Campbell, directeur de l’énergie et du climat, Indigenous Clean Energy : [Le témoin s’exprime en langue autochtone]. Bonjour, honorables sénateurs. Je suis un Métis de la région de Kootenay, dans les territoires de Ktunaxa Kinbasket.

Indigenous Clean Energy est un organisme sans but lucratif qui aide les communautés autochtones à former des champions de l’énergie propre par le renforcement des capacités, le perfectionnement des compétences, la formation professionnelle, le mentorat et des programmes d’apprentissage pratique, à l’échelle nationale et mondiale.

Les Autochtones sont touchés de façon disproportionnée par les changements climatiques et l’extraction de combustibles fossiles, mais ils sont des chefs de file dans la lutte contre les changements climatiques et dans la transformation des systèmes énergétiques. Les jeunes Autochtones constituent la plus importante population de jeunes au Canada et ils font partie intégrante de notre main-d’œuvre actuelle et à venir. Les nations et les communautés autochtones sont au deuxième rang des propriétaires d’actifs en matière d’énergie renouvelable au Canada, avec plus de 200 projets d’énergie renouvelable à moyenne et à grande échelle et 1 700 projets supplémentaires à petite échelle appartenant à des Autochtones ou en partenariat ou copropriété avec des Autochtones. Tout cela se traduit directement par une main-d’œuvre locale qualifiée et fiable. Par exemple, en 2022, 183 projets de technologies renouvelables ont été la source de plus de 115 000 emplois au pays.

Pour soutenir la participation et le leadership durables des Autochtones dans le cadre de la transition vers l’énergie propre, les programmes et les investissements fédéraux en matière d’emplois durables doivent être créés au moyen de partenariats avec les Autochtones et intégrer le droit à l’autodétermination. Voici quelques-unes des principales recommandations formulées par Indigenous Clean Energy — et je serai heureux d’en parler plus en détail pendant la période des questions : appuyez les définitions autochtones de « l’emploi durable » pour faire progresser la gouvernance conjointe et les processus décisionnels communs; favorisez l’équité autochtone pour les grands projets, l’approvisionnement, les objectifs d’emploi et la formation; et accélérez le renforcement des capacités.

En résumé, le projet de loi C-50 est ambitieux dans son intention et il souligne l’importance des cadres d’élaboration conjointe et des mécanismes de reddition de comptes pour sa mise en œuvre. Pour que cela se concrétise, les politiques en matière d’emplois durables ne doivent pas se limiter à des engagements sur papier, et il faut donc prévoir des moyens concrets de garantir le succès de ces emplois et de répondre aux besoins de formation dans la perspective des objectifs d’emploi durable. La politique sur les emplois durables devrait tenir compte de la marginalisation systémique plus générale des Autochtones dans l’économie et la main-d’œuvre canadiennes pour prendre en considération la réalité des Autochtones qui sont plus exposés aux chocs et aux risques en matière de sécurité d’emploi dans une économie en transition.

Le mode actuel de transition vers l’énergie propre reflète celui de la transition vers les combustibles fossiles, et cela risque d’accroître les pénuries de main-d’œuvre et l’insécurité actuelles dans une multitude de secteurs.

Les Autochtones sont clairement des chefs de file dans le secteur de l’énergie propre, et ce leadership peut faire progresser le Canada vers l’édification d’une économie plus durable et l’enraciner dans son rôle de modèle à l’échelle mondiale.

La Loi canadienne sur les emplois durables est un point de départ pour remédier aux pénuries et offrir des possibilités aux Autochtones, mais, pour ce faire, elle devrait aller au-delà de la recherche d’équité et concrétiser le respect des droits distinctifs. Des représentants des Métis, des Premières Nations et des Inuits doivent être présents à la table pour faire valoir les éléments uniques qui favorisent la résilience et la durabilité des emplois. Ainsi, les mesures de mise en œuvre devraient être élaborées en tenant compte des distinctions.

L’impact éventuel de cette loi dépendra de sa capacité à saisir ces inefficacités. Autrement dit, le résultat de la Loi canadienne sur les emplois durables et du plan qui s’ensuivra dépend de l’adhésion des entreprises et des employés autochtones du secteur. Pour que cette loi ait du succès et un impact, il faut que les Autochtones contribuent effectivement au Conseil du partenariat pour des emplois durables et au Plan d’action pour des emplois durables.

Maarsii poor toon Taan . Merci de votre temps.

La présidente : Merci beaucoup de vos exposés. Nous allons passer aux questions. Notre temps est limité, mais notre curiosité ne l’est pas. Chers collègues, trois minutes par question. La sénatrice Cordy, notre vice-présidente, sera la première à parler.

La sénatrice Cordy : Madame la présidente, nous devrions faire un petit cahier de vos formules quand vous présentez les groupes de témoins. Ce serait un succès de librairie.

Merci beaucoup d’être avec nous aujourd’hui. Il est très utile d’avoir le point de vue des Autochtones.

Cheffe Gale, je vous remercie de nous informer de tout ce qui se passe dans votre région. L’été dernier, il y a eu dans la région de l’Atlantique des incendies d’une ampleur sans précédent. Et, s’il y a encore des gens qui nient que le climat est en train de changer, c’est qu’ils ne regardent pas autour d’eux.

Cheffe Gale, vous avez parlé des emplois qui, dans le secteur pétrolier et gazier, sont transférables au secteur de l’énergie géothermique, et des témoins nous ont parlé hier de l’importance des emplois transférables.

Monsieur Desjarlais, vous avez également parlé de transferts et de transitions d’emplois, et vous craignez que la transition ne se traduise par le basculement d’emplois très bien rémunérés dans le secteur pétrolier et gazier à des emplois qui seraient loin du compte — je crois que c’était de l’ordre de 140 000 $ par an.

Pourriez-vous tous les deux nous parler de la transition équitable? Tout le monde comprend que les temps changent et que nous devons changer, nous aussi. Mais comment rendre cette transition aussi positive que possible pour les Autochtones?

M. Desjarlais : Excellente question. Il y a effectivement des possibilités. Certains projets permettent de transférer ces compétences. Le forage d’un puits, c’est le forage d’un puits, mais c’est aussi la maintenance et les services connexes. La question pour les gens qui travaillent dans le secteur pétrolier et gazier est la suivante : existe-t-il un marché, une possibilité ou un projet énergétique à proximité? Il ne s’agit pas seulement de savoir s’il est possible de transférer les compétences, mais aussi de savoir s’il est possible de commercialiser ces compétences. Ensuite, il y a évidemment la question de la rémunération. Est-ce le même genre de marché, la même économie, et est-ce que le salaire est le même?

On peut transférer ces compétences, mais les deux grandes questions que se posent beaucoup de gens avec qui nous parlons sont les suivantes : y a-t-il un marché et y a-t-il un projet? Est-ce qu’il y a non seulement un projet, mais quelque chose de durable qui leur permette de passer d’un gagne-pain ou d’une carrière d’un secteur à un autre, et est-ce qu’ils seront payés autant?

Il faut probablement supposer que le salaire ne sera peut-être pas le même — peut-être sera-t-il proche —, mais il faut aussi se demander s’il y a un emploi, s’il y a un marché, s’il y a une économie, s’il y a une ressource et s’il y a quelque chose où mettre à profit des compétences et garantir un moyen de subsistance durable pour l’avenir. Il y a beaucoup d’incertitudes.

Comme je l’ai expliqué, certaines compétences sont transférables — oui, absolument —, mais peut-on être payé autant, et est-il possible d’utiliser ces compétences? Est-ce que le marché offre les mêmes possibilités?

La sénatrice Osler : Merci à tous les témoins de leur présence ici aujourd’hui.

Je vais d’abord poser une question à la cheffe Gale. Le préambule du projet de loi C-50 indique que le gouvernement du Canada s’est engagé à « [tenir] compte des connaissances autochtones des peuples Autochtones dans la réalisation de l’objet de la présente loi ».

Cheffe Gale, comment l’interprétez-vous?

Mme Gale : Je l’interpréterais en veillant à ce que, dans le cadre de la mise en œuvre du projet de loi, les obstacles auxquels les Premières Nations sont confrontées soient levés. Le programme de garantie de prêts aux Autochtones permet aux Autochtones d’avoir accès à du capital à prix concurrentiel. C’est, à mon avis, un élément très important.

Ce plan doit avoir une perspective autochtone et être dirigé par les Autochtones. De plus, il faut vraiment régler la question de la capacité et s’assurer que les Premières Nations ont les moyens de participer à la gestion de projets à grande échelle, qu’elles peuvent prendre des décisions éclairées et que leurs membres en négocient les modalités.

Quand j’y pense, et je pense au projet de loi C-50, je me demande comment, avec la propriété, nos gens auront non seulement des sièges au conseil d’administration, mais aussi des postes de direction. Il n’y a pas que les métiers, il y a aussi l’accès à la technologie et à la connaissance du marché pour pouvoir prendre des décisions éclairées.

Il faut aussi veiller à ce que les nombreuses communautés autochtones des régions éloignées du Canada soient réellement reliées au réseau électrique — je rappelle que beaucoup d’entre elles dépendent du diésel — et à ce qu’elles disposent d’une connexion Internet et puissent participer effectivement à cette transition par toutes sortes de moyens, pour s’attaquer à la pauvreté des Premières Nations, compte tenu de la distance des projets.

Je songe aussi à la possibilité pour nos jeunes d’être formés pour cette économie, surtout en ce moment où beaucoup de baby-boomers prennent leur retraite. Il faudrait que le vocabulaire de la DNUDPA soit intégré au projet de loi et que les considérations de la FNMPC y soient également intégrées. Je crois que c’est fondamental.

La sénatrice Osler : Merci.

[Français]

La sénatrice Mégie : Ma première question s’adresse à M. Desjarlais.

J’ai cru comprendre qu’il y a plusieurs secteurs où les femmes travaillent qui sont vraiment étroitement liés ou même tributaires de l’industrie pétrolière. Compte tenu de l’esprit du projet de loi C-50, devrait-on subventionner la transition vers des emplois durables? Durant la période de transition, serait-on obligé de subventionner les compagnies pétrolières? Qu’en pensez-vous?

[Traduction]

M. Desjarlais : Toutes mes excuses. Je n’ai entendu que la deuxième partie de la question. Il était question, je crois, de l’interprétation du projet de loi.

On a évoqué la possibilité de subventionner les sociétés pétrolières pour assurer une transition équitable, et je vais donc en parler.

Quand il est question de subventionner des organisations, il s’agit davantage de savoir à quoi ressemblera une transition équitable pour les travailleurs et les entreprises autochtones. C’est la portée de ce que nous examinons.

La question pour ces Autochtones était celle du marché auquel ils participaient, et de façon beaucoup plus significative au cours des 10 dernières années, non seulement comme travailleurs, mais de façon plus large. Mme Gale a dit qu’il ne s’agit pas seulement des métiers. Les Autochtones participent de façon plus significative à l’ensemble des organisations. Les entreprises participent, elles aussi, beaucoup plus largement.

Quelle serait la forme de soutien à la transition pour les entreprises, organisations et entités qui se dirigent vers différentes économies et différents secteurs? C’est ce qui me préoccupe. C’est là qu’il y a un hiatus. Ce ne l’est pas tant pour l’organisation ou les grandes entreprises.

Cela nous amène, me semble-t-il, à nous poser la question suivante : qu’en est-il de la propriété et de la participation des Autochtones dans le cadre des grands projets pétroliers et gaziers? Beaucoup de communautés autochtones investissent aujourd’hui. Plus de 100 nations investissent dans des projets pétroliers et gaziers. Qu’est-ce que cela signifie pour ceux qui font de gros investissements aujourd’hui? Nous n’en avons même pas envisagé les répercussions économiques et les réactions en chaîne socioéconomiques. Nous nous intéressons davantage aux gens qui sont sur le terrain.

[Français]

La sénatrice Mégie : Merci.

Le sénateur Cormier : Ma question s’adresse à Mme Gale.

Vous avez parlé d’un amendement. Je veux juste bien comprendre. C’était au paragraphe 16(3), qui porte sur le contenu des plans d’action. Plusieurs témoins nous ont dit qu’il était urgent d’adopter ce projet de loi. Pouvez-vous nous donner plus de précisions sur l’impact qu’aurait votre amendement sur les emplois durables dans les communautés autochtones de ce pays?

[Traduction]

Mme Gale : Merci. En matière de soutien à l’emploi, le gouvernement pourrait fournir des ressources pour la planification communautaire globale des Autochtones et financer des investissements dans l’emploi et la formation en amont des projets, pour que nous puissions être prêts quand un projet en sera à l’étape de la construction ou même quand il sera simplement envisagé dans nos territoires. Il pourrait également aider les nations autochtones à occuper des postes au sein des services publics, des organismes de réglementation, des commissions, des comités consultatifs et des conseils d’administration. Le gouvernement pourrait aussi faciliter la réalisation de projets dirigés par des Autochtones qui intègrent notre vision, nos conceptions, nos valeurs, notre langue et la prise en compte de l’ensemble de la chaîne de valeurs, surtout en ce qui a trait à l’approvisionnement.

[Français]

Le sénateur Cormier : Je voudrais obtenir une précision. Il y a trois sièges du conseil qui sont destinés aux communautés autochtones. Cela n’est-il pas rassurant en ce qui concerne la prise en compte des enjeux dont vous parlez par rapport aux emplois durables?

[Traduction]

Mme Gale : Chacune des nations du Canada est tout à fait unique et affronte des enjeux différents. Tout est différent d’une province à l’autre. La LDNUDPA est interprétée et mise en œuvre de façons différentes selon les régions du pays. Par ailleurs, il est essentiel d’investir dans les jeunes Autochtones. M. Desjarlais a parlé de travailler à partir de la base et de veiller à ce que les jeunes Autochtones aient ces possibilités devant eux.

[Français]

Le sénateur Cormier : Merci.

[Traduction]

La sénatrice Dasko : Merci aux témoins d’aujourd’hui. L’une de mes questions fait suite à celle du sénateur Cormier, mais c’est à vous, madame Campbell, que je voudrais la poser parce que vous avez parlé de la représentation des Autochtones au sein du conseil. Je voudrais savoir si vous estimez que cette représentation est insuffisante. Pourriez-vous préciser votre point de vue à ce sujet? Ce serait utile.

Mme Campbell : Certainement. Je vous remercie de la question. Ce qui intéresse Indigenous Clean Energy est la forme que prendront les mécanismes de mise en œuvre et de reddition de comptes de ce conseil. S’il y a trois places pour les Autochtones au sein du conseil du partenariat, quels en seront les paramètres et quel sera le poids décisionnel de ces trois places? S’agissant du processus décisionnel commun, il faudra s’interroger sur les protocoles de fonctionnement du conseil, sur la reddition de comptes, sur le niveau décisionnel, sur l’attente à prévoir pour les différents participants et sur la représentation de la diversité. Des témoins du dernier groupe ont abordé la question, mais il est également essentiel de veiller à ce qu’il y ait de la place pour les femmes, les personnes 2ELGBTQQIA+, les Autochtones et les migrants, les immigrants et d’autres groupes marginalisés.

La sénatrice Dasko : Ma prochaine question s’adresse à M. Desjarlais. J’ai été sensible à vos réflexions sur la transition professionnelle dans les communautés autochtones, mais j’aimerais me concentrer davantage sur ce que vous dites du projet de loi proprement dit. Je ne sais pas très bien ce que vous en pensez — si vous pensez qu’il est bon ou non. Selon vous, en quoi ce projet de loi aidera-t-il ou non les communautés autochtones? Pourriez-vous nous donner des détails sur ce que vous en pensez? Merci.

M. Desjarlais : Mes préoccupations au sujet du projet de loi portent d’abord sur la question de savoir si les Autochtones y ont participé et si, dans leur ensemble, ils y ont beaucoup réfléchi et contribué. Représentaient-ils de nombreuses communautés diverses?

À cet égard, je me suis interrogé sur la mesure dans laquelle les Autochtones de différents secteurs, surtout ceux qui sont en transition, sont vulnérables et sur les réactions en chaîne socioéconomiques. Il y a l’emploi, l’impact économique et les salaires, mais qu’est-ce que cela signifie pour les gens qui commencent à peine à gagner leur vie et à établir une entreprise prospère?

Nos communautés sont très vulnérables et elles sont encore aux prises avec de nombreuses difficultés, non seulement pour des raisons historiques, mais aussi pour des raisons actuelles, avec les problèmes associés à une pauvreté abjecte.

Ce qui me préoccupe, ce sont les mesures de soutien économique et socioéconomique pendant la transition. Comment maintenir la confiance, la productivité et la participation grâce à ces mesures? Je n’ai rien vu de tel — nous n’avons rien vu de tel. Dans le cadre de cette transition, allons-nous faire quelques pas en arrière simplement pour faire trois pas en avant? Cela sera-t-il plus ou moins pénible et quels genres de problèmes cela causera-t-il? Voilà ce qui occupe mes pensées. L’intention est là, et c’est bien, mais la façon dont nous allons l’opérationnaliser, la façon dont ce sera concrétisé, surtout parmi les Autochtones et les communautés autochtones de ces différents secteurs, est ce qui me préoccupe.

La sénatrice Dasko : Pensez-vous que le projet de loi pourrait nuire aux communautés autochtones?

M. Desjarlais : Il pourrait nuire à celles qui sont très activement engagées dans le secteur du pétrole et du gaz — le secteur des combustibles fossiles. De plus, les communautés qui se trouvent à proximité de ces types de ressources pendant la transition auront une possibilité de commercialisation. Qu’en sera-t-il de leur possibilité de générer des revenus à la source, de la durabilité, etc.? Cela s’ajoute aux enjeux actuels globaux en matière d’énergie mondiale, de souveraineté, d’abordabilité, de sécurité — ce genre de contexte. C’est une lutte pour les communautés participantes. Elles voient la demande augmenter. Elles voient des problèmes de sécurité, d’abordabilité et de crise énergétique dans le monde, et leurs sources d’énergie sont utilisées. Ce sont les choses avec lesquelles ces communautés sont aux prises.

La sénatrice Dasko : Merci.

La présidente : Ma question fait suite à celle de la sénatrice Dasko. Le gouvernement vous a-t-il consultés, vous, vos organisations ou vos communautés, au cours de l’élaboration du projet de loi?

M. Desjarlais : Personnellement, non. Je pense que le projet de loi C-50 était déjà bien avancé quand nous avons été sollicités.

Mme Gale : Non plus. C’est l’une des premières fois qu’on me consulte au sujet du projet de loi C-50, mais je voudrais donner à Mme von der Porten la possibilité de s’exprimer à ce sujet.

Suzanne von der Porten, vice-présidente, Stratégie d’énergie propre, Coalition des grands projets des Premières Nations : Merci, cheffe Gale. J’ai pensé que nous pourrions peut-être faire quelques commentaires sur le libellé du projet de loi, puisque nous sommes invités à participer aujourd’hui. Le projet de loi dit ceci :

le plan en matière d’emplois durables devrait être inclusif et aborder les obstacles à l’emploi en mettant l’accent sur la création d’occasions d’emploi pour les groupes sous‑représentés dans le marché du travail, notamment les femmes, les personnes handicapées, les peuples autochtones, les personnes noires et racisées, les personnes 2ELGBTQI+ et les autres groupes en quête d’équité [...]

Le FNMPC convient que toutes ces personnes, tous ces groupes et toutes ces minorités devraient être aidés à trouver des emplois dans le cadre de la transition vers la carboneutralité, mais il faut comprendre que les Premières Nations sont distinctes des groupes énumérés dans le projet de loi C-50.

Les Premières Nations sont issues de leurs territoires et sont des nations distinctes et indépendantes antérieures à la colonisation. Cette distinction est importante pour définir la notion d’inclusion dans un Canada voué à la création de possibilités d’emploi dans le cadre de la transition vers la carboneutralité.

Les Premières Nations et toute nation autochtone ayant des terres ancestrales traditionnelles doivent être traitées de façon distincte, notamment lorsqu’il est question d’élaborer de nouveaux projets à consommation énergétique nette zéro sur des terres autochtones. Comme l’a dit Mark Trahant à la conférence sur la carboneutralité de la FNMPC, la carboneutralité passe exclusivement par les terres autochtones. Autrement dit, si le Canada veut atteindre ses objectifs de carboneutralité, ce sont les Premières Nations qui seront les hôtes des projets et qui décideront si elles les autorisent sur leurs terres et leurs eaux et si elles en sont copropriétaires ou partenaires. À défaut du consentement préalable, libre et éclairé des Autochtones, ces projets à consommation énergétique nette zéro producteurs d’emplois ne passeront pas.

S’il reste du temps, j’aimerais également commenter la réflexion de la sénatrice précédente au sujet des connaissances autochtones.

La présidente : Il nous reste quelques minutes.

Mme von der Porten : D’accord. Votre projet de loi prévoit aussi ceci :

le gouvernement du Canada est déterminé à renforcer sa collaboration avec les peuples autochtones en ce qui a trait à l’économie carboneutre et à la création d’emplois durables tout en tenant compte des connaissances autochtones des peuples autochtones dans la réalisation de l’objet de la présente loi [...]

Le libellé n’est pas assez fort pour décrire la relation de nation à nation que les nations autochtones ont avec le Canada. Ce n’est pas une simple relation de collaboration, comme le dit le libellé. Les nations autochtones sont des leaders et des propriétaires d’actifs dans la transition vers la carboneutralité et elles ont le droit de prendre des décisions concernant leurs terres et leurs eaux.

Comme on vient de le rappeler, le projet de loi C-50 dit que le gouvernement « [tiendra] compte des connaissances autochtones des peuples autochtones ». Cette formulation donne l’impression que le Canada pourra ou non tenir compte des connaissances autochtones acquises précisément sur les terres et les eaux où des projets à consommation énergétique nette zéro seront proposés. Une démarche à prendre ou à laisser n’est pas conforme à l’esprit de la DNUDPA et du consentement préalable, libre et éclairé. Les nations autochtones décideront quels projets seront réalisés, où ils seront réalisés et à qui ils appartiendront. Le libellé fondamental du projet de loi doit donc traduire la position des nations autochtones comme titulaires de droits et inclure les principes de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et du consentement préalable, libre et éclairé. Merci.

La présidente : Merci beaucoup. Nous voilà au terme de notre rencontre avec notre deuxième groupe de témoins. Je tiens à vous remercier tous de vos réflexions et de votre expertise.

Chers collègues, nous allons reprendre nos travaux pendant 15 minutes avant la pause. C’est un arrangement inhabituel, mais nous sommes convaincus que M. Rick Smith, du comté de Leduc, pourra nous éclairer considérablement.

M. Smith est conseiller municipal, Division Un du comté de Leduc. Il se joint à nous par vidéoconférence. Merci beaucoup, monsieur Smith. Vous aurez cinq minutes pour nous aider à comprendre ce qui se passe dans votre collectivité et le rapport que cela a avec le projet de loi, puis nous passerons à de brèves questions, parce que nous devons lever la séance à 11 heures. Merci, monsieur.

Rick Smith, conseiller municipal, Division Un, Leduc County : Merci à vous. Je suis conseiller du comté de Leduc, en Alberta. Notre municipalité comptait 5 des 18 dernières centrales au charbon en exploitation au Canada. J’ai fait partie du Groupe de travail sur la transition équitable, qui s’est occupé de l’élimination progressive du charbon, en se souciant surtout des collectivités, des travailleurs et des recettes fiscales pour permettre aux collectivités de notre région de continuer à offrir des programmes d’éducation et des services d’urgence — comme les services de lutte contre les incendies — et pour permettre aux gens de continuer à vivre dans leurs collectivités, afin qu’ils ne soient pas abandonnés et que leur mode de vie ne soit pas modifié.

Dans le comté de Leduc, nous représentons plus ou moins une étude de cas sur la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Je rappelle que l’un des plus importants projets de décarbonation s’est déroulé dans le comté de Leduc et le comté de Parkland quand on y a progressivement éliminé les centrales au charbon. Cela a été un moment historique pour le Canada. Jamais on n’avait autant décarboné.

Cela a causé beaucoup de difficultés dans notre municipalité, entre la perte de recettes fiscales, la perte éventuelle d’environ 450 emplois directs pour les gens qui travaillaient à l’usine, et la difficulté de notre municipalité à continuer de fournir des services — services d’incendie, services médicaux d’urgence, services de bibliothèque et services de loisirs. Cela aurait pu aussi être une catastrophe pour ces petites collectivités, avec l’abandon de nos enseignants, de nos enfants, de nos entraîneurs et de nos équipes sportives dans les écoles. Nous n’avions donc pas d’autre choix que d’envisager une étude de cas pour relayer les recommandations en matière de transition équitable.

Nous avons réorienté notre développement économique pour nous éloigner des secteurs d’activité à forte teneur en carbone, dont celui du pétrole et du gaz, qui commençaient déjà à disparaître dans le parc industriel de Nisku, tout près d’Edmonton.

Nous avons donc réorienté notre développement économique et examiné les enjeux les plus importants, à savoir l’agriculture et la sécurité alimentaire. Nous sommes passés à l’agriculture à valeur ajoutée, qui connaît un énorme succès et a permis de créer beaucoup d’emplois.

Nous nous sommes également intéressés à l’utilisation des terres et nous avons réorienté nos vieilles installations pétrolières et gazières susceptibles d’être transformées pour un retour du secteur manufacturier au Canada. C’est en cours.

Nous nous sommes également tournés vers la logistique et le fret, parce que l’aéroport est tout près. Nous nous sommes aussi intéressés à l’entreposage, la logistique et le transport du fret à l’aéroport.

Au cours de cette période, nous avons concentré nos efforts sur le développement économique et nous avons ouvert des terres, ce qui a donné lieu à des évaluations de 145 millions de dollars de plus dans le secteur qui nous intéressait, avec les nouvelles entreprises de l’économie à faibles émissions de carbone, qui ont permis de créer beaucoup d’emplois. Non seulement cela, mais nous avons également ouvert 400 terrains pour du logement, qui sont situés tout près du parc industriel que nous avons recréé et réaménagé, afin que les travailleurs puissent travailler dans un rayon d’un kilomètre de ces nouvelles zones. Cela aussi a permis de décarboner.

C’est grâce à cela que nous avons créé des milliers d’emplois. Nous avons enregistré un taux de croissance de plus de 7 % depuis trois ans. Le succès est donc mesurable. Nous sommes représentatifs de ce à quoi le Canada pourrait être confronté à l’avenir et nous continuerons dans cette direction.

Une mise en garde : nous avons profité du financement de la transition équitable pendant trois ans, mais il ne faut pas s’en tenir à une petite injection de fonds. Il faudra que ce soit récurrent. Nous avons encore du travail à faire et d’autres secteurs dans lesquels nous devons prendre des mesures pour continuer à créer des emplois. Les marchés sont là. Nous sommes prêts à continuer grâce à l’utilisation des terres — en mettant l’accent sur l’agriculture à valeur ajoutée, la sécurité alimentaire et l’utilisation des terres.

Ce que nous avons accompli en fermant 5 des 18 centrales électriques au charbon du comté de Leduc est phénoménal. C’était un moment historique pour la décarbonation.

En résumé, ce sont là les résultats obtenus dans le comté de Leduc parce qu’on y a accueilli la réalité de la nouvelle économie à faibles émissions de carbone vers laquelle nous nous dirigeons.

Par ailleurs, nous envisageons de nombreux projets d’énergie renouvelable dans notre parc industriel. L’aéroport ajoutera un immense parc solaire sur des terres qui ne sont pas vraiment utilisées à l’heure actuelle. Nous avons fait nôtre ce que les gens essaient de faire. Cinq ans se sont déjà écoulés, et nous avons réussi, même si cela n’a pas été sans difficulté. Merci.

La présidente : Félicitations pour votre transition réussie, monsieur Smith. Une brève question de ma part. Je ne voulais pas poser en poser, mais je meurs de curiosité.

Vous avez dit avoir fermé 5 usines sur 18 dans votre localité. Que sont devenus les travailleurs?

M. Smith : Ce sont eux qui ont été à l’origine du mouvement. Il y avait 450 emplois directs, et certains travailleurs ont été licenciés. On a proposé d’offrir deux années d’études postsecondaires. Les collectivités sont extrêmement proches — Warburg et Thorsby —, et nous avons donc essayé de créer des emplois à 30 minutes de distance ou moins, dans le secteur de Leduc, de l’aéroport et de Nisku, qui est le deuxième plus grand parc industriel du secteur de l’énergie en Amérique du Nord. Nous essayons de créer des emplois bien rémunérés permettant de payer des hypothèques pour les gens qui doivent faire la navette entre la maison et le lieu de travail, et nous essayons de faciliter le transport en commun. Nous savions que ces travailleurs allaient perdre leur emploi, et nous créons des emplois à moins de 30 kilomètres de chez eux.

La présidente : Merci.

Le sénateur Yussuff : Je suis heureux de vous voir par vidéo. Merci de votre leadership. Vous venez de l’Alberta, et certains se disent que la transition est tout un défi dans votre région. Et pourtant vous avez démontré en temps réel ce qu’il est possible de faire avec un plan permettant de réimaginer notre société, mais aussi de créer des emplois stimulants pour les travailleurs.

Compte tenu de votre expérience et du fait que ce projet de loi n’était pas en vigueur à ce moment-là, quels sont les éléments positifs de celui-ci qui, s’il devait être adopté sous peu, pourraient vous aider pour la suite des choses?

M. Smith : Je vais en revenir aux collectivités, qui sont extrêmement importantes. Je crois que ce projet de loi améliorera la situation de ces collectivités et leur permettra de poursuivre leur croissance, et on parle ici de services d’urgence, de pompiers volontaires, d’enseignants, d’entraîneurs sportifs et d’enfants fréquentant l’école. Les entreprises continueront d’y prospérer parce qu’il y aura des mesures de soutien. Il est également important que les travailleurs ne soient pas déplacés sans plan préalable. Nous nous sommes concentrés sur nos travailleurs et nous sommes convaincus que le maintien de la disponibilité d’emploi pour eux dans leur région — où leurs familles vivent probablement depuis des générations — est extrêmement important.

Je suis optimiste. Les petites collectivités dont nous avons parlé éprouvent encore des difficultés — comme beaucoup d’autres au Canada —, mais il y a un plan. Nous n’avons pas besoin de faire nos bagages pour nous installer à des centaines de kilomètres. Au lieu de cela, nous pouvons garder nos familles sur place, et nos maris et nos épouses peuvent continuer de travailler dans les services d’urgence. C’est une amélioration pour les travailleurs, c’est un filet de sécurité, et c’est aussi la possibilité pour les collectivités de rester viables.

Le sénateur Yussuff : J’ai une dernière question si vous voulez bien. Compte tenu de votre expérience au sein du Groupe de travail sur la transition équitable — et étant donné que vous avez pu voyager au pays, pas seulement en Alberta, mais aussi en Saskatchewan, en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick, dans le cadre de ce travail incroyablement important —, quelles sont certaines des conclusions positives que vous en avez tirées?

M. Smith : Si l’on songe non seulement à l’Alberta, mais aussi à la Saskatchewan et aux provinces des Maritimes, il est important, quand on envisage l’avenir, d’accueillir la réalité du changement. C’est la première chose importante à faire. Il faut s’assurer que ces changements se produisent et, comme chefs de file de nos collectivités, nous devons aller de l’avant. Dans les Maritimes, j’ai eu la chance d’aller dans des usines liées à certains des projets annoncés, de les inspecter et de passer par ces collectivités. J’ai trouvé qu’elle étaient très importantes pour la transition des travailleurs vers d’autres secteurs, comme le transport maritime, par exemple, dans les Maritimes. En Saskatchewan, c’est un enjeu de taille, parce que tout est loin, mais on sait qu’il faut faire quelque chose.

Quant à la transition équitable, les conditions énoncées étaient vraiment axées sur les travailleurs, les collectivités et la possibilité pour celles-ci de continuer à prospérer. Le passage à une économie à faibles émissions de carbone va être une source de bouleversements, mais c’est en cours. Comme dirigeants, nous devons prendre les devants, mettre en place les conditions qui permettront de la développer et ne pas lui faire obstacle.

Le sénateur Yussuff : Merci.

La présidente : J’aimerais poser une dernière petite question si vous le permettez. Selon vous, le projet de loi C-50 traduit-il le genre d’expérience que vous avez vécue au niveau macroéconomique? Aidera-t-il les collectivités à agir?

M. Smith : Je crois que tout doit finir par se retrouver dans la loi pour que cela puisse continuer. Cela me semble être une progression naturelle par rapport aux conditions d’une transition juste. À mon avis, il s’agit d’inscrire dans la loi ce que nous devons faire pour nous assurer que, comme dirigeants, nous orientons ce qui doit se produire — parce que c’est ce qui est en train de se produire. Le travail des élus, des dirigeants et des collectivités est de veiller à ce que nous soyons à l’avant-garde pour créer les conditions dans lesquelles les gens, les travailleurs et les collectivités puissent s’épanouir. C’est ce que je vois se produire ici.

La présidente : Merci beaucoup de nous avoir fait part de vos expériences remarquables, monsieur Smith. Il est bon d’entendre parler de ce qui se passe sur le terrain plutôt qu’à un niveau abstrait comme une loi.

Le sénateur Cormier : Monsieur, je tiens à vous féliciter de votre leadership. Puisque nous parlons d’une loi fédérale qui engage tous les paliers de gouvernement, pourriez-vous nous dire comment vous imaginez travailler avec votre gouvernement provincial à cet égard? Comme vous semblez avoir réussi par vos propres moyens, je voudrais comprendre en quoi cela va changer votre relation ou votre façon de travailler avec votre gouvernement provincial.

M. Smith : Eh bien, il est certain que nos municipalités souhaitent rester dans leur champ de compétence et continuer sur leur lancée. Nous n’avions pas le choix. Dans nos échanges avec l’administration provinciale, nous avons demandé de l’aide pour poursuivre la transition vers les nouvelles économies et pour les projets énergétiques en cours à l’aéroport. Nous avons un immense parc solaire qui nécessite des terres. L’administration provinciale nous permet d’utiliser des terres pour que les travailleurs puissent se rapprocher de leur emploi. Elle nous encourage à utiliser des terres pour nos projets industriels, pour les mesures de transition et pour la valeur ajoutée, et elle y ajoute du financement. Elle estime que l’agriculture à valeur ajoutée est un atout extrêmement important. Nous fabriquons des produits bruts, et leur expédition n’avait aucun sens. Cela permet maintenant de créer des emplois.

J’aimerais vous raconter une histoire édifiante. C’est l’administration provinciale qui a coupé le ruban. En Alberta, nous avons une entreprise appelée « The Little Potato Company » qui vient de construire une énorme usine. Ses ventes annuelles de pommes de terre se chiffrent à 300 millions de dollars. C’est un exemple de projet à valeur ajoutée. L’administration provinciale a accordé des subventions pour faciliter le projet. C’est une progression naturelle.

Il est bon que tous les élus — fédéraux, provinciaux et municipaux — prennent les rênes de ce qui est déjà en cours.

La présidente : Merci beaucoup, monsieur Smith.

(La séance est levée.)

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