Aller au contenu
SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 2 octobre 2024

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd’hui, à 16 h 21 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi C-64, Loi concernant l’assurance médicaments.

La sénatrice Ratna Omidvar (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Je m’appelle Ratna Omidvar, sénatrice de l’Ontario, et je suis la présidente du comité. Nous poursuivons aujourd’hui notre étude du projet de loi C-64, Loi concernant l’assurance médicaments. Chers collègues, étant donné que nous avons perdu un peu de temps, nous allons réduire un peu le temps de parole de ce groupe de témoins et celui du groupe suivant afin que nous soyons entièrement équitables. Je m’excuse auprès de nos invités, mais cela arrive au Sénat.

Avant de commencer, j’aimerais demander à mes collègues de se présenter, en commençant par la sénatrice Dasko.

La sénatrice Dasko : Donna Dasko, sénatrice de l’Ontario.

La sénatrice Pate : Kim Pate. Je vis ici sur le territoire non cédé et non abandonné des Algonquins Anishinabeg.

La sénatrice LaBoucane-Benson : Patti LaBoucane-Benson, du territoire visé par le Traité no 6, en Alberta.

[Français]

Le sénateur Brazeau : Patrick Brazeau, du Québec.

La sénatrice Petitclerc : Chantal Petitclerc, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Burey : Sharon Burey, de l’Ontario.

La sénatrice Osler : Flordeliz Gigi Osler, du territoire visé par le Traité no 1, patrie des Métis de la rivière Rouge.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

[Français]

La sénatrice Mégie : Marie-Françoise Mégie, du Québec.

La sénatrice Miville-Dechêne : Julie Miville-Dechêne, du Québec.

[Traduction]

La présidente : Nous accueillons aujourd’hui le premier groupe de témoins qui comparaissent en personne : Bettina Hamelin, présidente, et Declan Hamill, vice-président, Politiques, réglementations et Affaires juridiques, de Médicaments novateurs Canada, ainsi que Jim Keon, président, et Jody Cox, vice-présidente, Affaires fédérales et internationales, de l’Association canadienne du médicament générique. Merci de vous être joints à nous en personne.

Madame Hamelin, nous allons commencer par votre déclaration, puis ce sera au tour de M. Keon. Vous disposerez de cinq minutes chacun, après quoi mes collègues vous poseront des questions. Madame Hamelin, vous avez la parole.

Bettina Hamelin, présidente, Médicaments novateurs Canada : Merci, madame la présidente, et bonjour, honorables sénateurs.

Médicaments novateurs Canada, ou MNC, est l’association nationale de l’industrie pharmaceutique innovatrice, des petites entreprises en démarrage aux grandes sociétés multinationales.

[Français]

Notre industrie est très fière de contribuer à la santé des Canadiens, de soutenir nos écosystèmes de recherche et de sciences de la vie et de renforcer notre économie au Canada.

[Traduction]

Chaque année, elle investit directement une somme de 3 milliards de dollars dans la recherche et le développement, ce qui alimente l’économie du savoir du Canada et apporte une contribution de 16 milliards de dollars à l’économie canadienne dans son ensemble. Nos membres sont à l’avant-garde de la découverte, du développement et de la distribution de nouveaux médicaments, diagnostics et vaccins qui changent la vie de tous les Canadiens.

MNC est déterminée à trouver une solution de régime d’assurance médicaments qui garantit à tous les Canadiens un accès équitable aux médicaments, aux vaccins et aux traitements dont ils ont besoin, mais pas au détriment de l’innovation.

Nous sommes heureux d’avoir l’occasion de travailler avec le Sénat pour veiller à ce que tout programme d’assurance médicaments améliore l’accès des Canadiens à des médicaments novateurs.

Nous avons formulé quatre observations clés qui permettraient d’atteindre cet objectif, d’accroître la clarté du projet de loi C-64 et d’éviter des conséquences imprévues.

La première observation est qu’il faut miser sur l’assurance-médicaments actuelle du Canada, au lieu de la remplacer par des listes de médicaments publiques limitées et universelles. Le projet de loi actuel risque vraiment de réduire l’accès des Canadiens aux médicaments dont ils ont besoin et auxquels ils ont déjà accès.

À l’heure actuelle, 97 % des Canadiens sont admissibles au remboursement des médicaments d’ordonnance par l’intermédiaire d’un régime public ou d’un régime offert par l’employeur. Dans le cadre de leurs régimes d’avantages sociaux, 27 millions de Canadiens bénéficient d’une couverture solide.

L’adoption du projet de loi sous sa forme actuelle permettrait de contourner l’éventail plus large et plus facile d’accès d’options de traitement offertes par les régimes d’employeur. Il encouragerait également ces régimes à cesser de couvrir des produits thérapeutiques de rechange plus appropriés alors que les listes de médicaments publiques couvriraient des options de traitement limitées. D’abord et avant tout, le régime d’assurance médicaments devrait réduire les lacunes existantes en matière de couverture et s’occuper des Canadiens qui n’ont pas accès aux médicaments dont ils ont besoin dans notre système actuel. Cela exige une collaboration très étroite avec les provinces et les territoires ainsi qu’une approche personnalisée.

Notre deuxième observation est que le gouvernement devrait continuer d’utiliser les mécanismes existants pour réaliser des économies sur le coût des médicaments et ne pas ajouter un autre niveau d’autorité réglementaire en procédant à des achats en gros à l’échelle nationale.

Les provinces et les territoires qui possèdent une expertise et qui ont compétence en matière de soins de santé négocient déjà conjointement les prix des médicaments avec l’industrie par l’entremise de l’Alliance pharmaceutique pancanadienne, ou l’APP. Chaque année, l’APP fait réaliser aux Canadiens des économies dépassant les 2,6 milliards de dollars pour les médicaments de marque seulement. On ne sait pas très bien quelles économies supplémentaires sont attendues qui ne sont pas déjà obtenues par l’intermédiaire de l’APP. Les formalités administratives supplémentaires ne feront qu’allonger les temps d’attente pour les patients, qui ont un besoin d’accès urgent.

Troisièmement, le gouvernement devrait améliorer et accélérer l’accès aux médicaments novateurs. Toutefois, le projet de loi C-64 est muet sur l’innovation et pourrait jeter les bases d’un frein à l’innovation au Canada.

Notre industrie met au point des traitements qui sauvent des vies et qui étaient inimaginables il y a à peine cinq ans. Si nous voulons qu’il y ait de l’innovation au cours des cinq prochaines années et des cinq années suivantes, le programme d’assurance médicaments du Canada doit permettre l’accès à des médicaments novateurs en temps opportun.

Déjà, seulement 44 % des nouveaux médicaments accessibles dans le monde sont lancés au Canada, et seulement 21 % de ceux-ci sont offerts par l’intermédiaire de nos programmes publics de remboursement du prix des médicaments.

[Français]

Les retards dans l’accès aux médicaments innovateurs encouragent fortement les industries mondiales à investir dans d’autres pays où l’innovation est davantage valorisée.

[Traduction]

Par conséquent, le projet de loi C-64 devrait reconnaître et inclure la nature essentielle des thérapies et traitements nouveaux et novateurs.

Enfin, le gouvernement devrait veiller à ce que les parties intéressées, y compris l’industrie, soient véritablement consultées sur l’évolution de la politique pharmaceutique et à ce qu’elles soient représentées au sein du comité d’experts.

Nous constatons que le projet de loi ne mentionne aucun groupe d’intervenants en particulier, et nous vous suggérons de préciser le libellé de manière à inclure les parties intéressées des secteurs public et privé.

En terminant, j’aimerais souligner que nous appuyons tout effort qui améliorera réellement le bien-être des Canadiens.

La présidente : Merci, madame Hamelin. Monsieur Keon, vous avez maintenant cinq minutes.

Jim Keon, président, Association canadienne du médicament générique : Merci, madame la présidente. Bonjour.

Nous sommes heureux de contribuer à l’étude du projet de loi C-64 que mène le comité. Les Canadiens méritent d’avoir accès à des médicaments abordables, accessibles et sûrs. Les médicaments génériques et biosimilaires jouent un rôle essentiel dans cet accès et sont utilisés aujourd’hui pour remplir environ 80 % de toutes les ordonnances au Canada.

Santé Canada affirme clairement que les médicaments génériques et biosimilaires vendus au Canada sont assujettis aux mêmes exigences rigoureuses en matière d’innocuité, de qualité et d’efficacité que les médicaments de marque de référence. Les Canadiens peuvent avoir pleinement confiance en leurs médicaments génériques et biosimilaires.

[Français]

Le fait d’élargir l’accès aux médicaments pour que tous les Canadiens puissent bénéficier de médicaments qui sauvent ou changent des vies est un objectif important. Toutefois, comme nous l’avons indiqué dans notre mémoire, le projet de loi C-64 manque de clarté et crée une grande incertitude. Je concentrerai mes remarques aujourd’hui sur deux préoccupations importantes, soit la liste de médicaments à couvrir et les achats en gros.

[Traduction]

Premièrement, en ce qui concerne la liste des médicaments à couvrir, l’Association canadienne du médicament générique, ou ACMG, partage les préoccupations soulevées par d’autres groupes, dont Diabète Canada, au sujet des lacunes de cette liste. Nous en avons souligné certaines dans notre mémoire. Les lacunes au chapitre des produits soulèvent des préoccupations quant à l’équité envers les patients et présentent pour eux un risque accru de prescriptions non optimales et de résultats de santé sous-optimaux. Elles pourraient aussi dissuader les programmes publics de remboursement du prix des médicaments de continuer à inclure une vaste gamme de médicaments d’ordonnance sur leurs listes et dissuader les régimes d’étendre la couverture à de nouveaux médicaments dans l’avenir.

Les mêmes préoccupations s’appliquent aux programmes privés de remboursement du prix des médicaments offerts par les employeurs canadiens.

Par conséquent, l’ACMG recommande que tous les médicaments contre le diabète et les contraceptifs actuellement remboursés par les programmes publics d’assurance-médicaments au Canada soient couverts comme pratique courante si le régime d’assurance médicaments est mis en œuvre.

L’achat en gros n’est pas défini dans le projet de loi C-64, et la signification de ce terme n’est pas claire. Il est important de reconnaître que les gouvernements combinent déjà leur pouvoir d’achat afin de négocier des prix des médicaments concurrentiels à l’échelle internationale pour les Canadiens, ce qu’ils font par l’entremise de l’Alliance pharmaceutique pancanadienne, ou l’APP.

Les prix des médicaments génériques sont contrôlés par le Cadre de tarification par niveau de l’APP. Ils sont transparents, et tous les payeurs bénéficient des prix nationaux des médicaments génériques, y compris les programmes privés de remboursement du prix des médicaments et les patients qui paient de leur poche… tous les Canadiens. Ce cadre fournit un environnement stable et prévisible aux fabricants de médicaments génériques afin qu’ils puissent continuer à fournir les médicaments existants aux Canadiens et à effectuer les investissements nécessaires pour lancer de nouveaux médicaments à moindre coût.

Les efforts déployés de concert par de l’APP et l’ACMG ont permis aux programmes participants de remboursement du prix des médicaments d’économiser plus de 4 milliards de dollars au cours des 10 dernières années. Il est essentiel que le régime d’assurance médicaments respecte l’infrastructure actuelle d’établissement des prix des produits pharmaceutiques afin d’assurer la stabilité de l’approvisionnement en médicaments au Canada.

Toute pression supplémentaire sur le prix des médicaments génériques entraînera d’autres pénuries de médicaments, dont le nombre est déjà malheureusement élevé.

L’ACMG formule une mise en garde contre la poursuite d’appels d’offres risqués. En limitant le nombre de fournisseurs pour un médicament donné, l’appel d’offres augmente le risque de pénurie de médicaments. Si le ou les fournisseurs choisis ont des problèmes de production ou autres, il pourrait n’y avoir pratiquement aucune solution de rechange pour répondre aux besoins des patients.

Santé Canada est très préoccupé par les pénuries de médicaments. Le ministère a récemment créé toute une direction qui se concentre sur la gestion des pénuries de médicaments et sur l’éventail complexe de problèmes qui en découlent. Les gouvernements provinciaux ont également du personnel qui se consacre aux pénuries.

La fabrication nationale de médicaments génériques est un atout stratégique pour le Canada. Nos installations actuelles fabriquent des produits pour le pays sur plus de 100 marchés. Les installations fournissent des emplois de grande qualité et offrent de nombreux avantages à la chaîne d’approvisionnement en médicaments nationale. Les appels d’offres entraîneraient des risques et de l’incertitude qui rendraient la tâche difficile à ces installations lorsqu’il s’agira d’attirer de nouveaux mandats de production et des investissements permanents qui permettront de répondre aux urgences sanitaires futures.

En conclusion, les médicaments génériques et biosimilaires sont essentiels au maintien d’un système de santé abordable et accessible. L’ACMG exhorte le comité à modifier le projet de loi C-64 de manière à éliminer les risques et l’incertitude qui mineraient la stabilité et l’abordabilité de l’approvisionnement en médicaments au Canada.

Je vous remercie de cette occasion. Mme Cox et moi serons heureux de répondre à vos questions.

La présidente : Merci beaucoup, monsieur Keon. Chers collègues, nous allons passer aux questions.

La sénatrice Seidman : Je vous remercie des exposés que vous avez présentés aujourd’hui. Ma question s’adresse à vous, monsieur Keon.

Vous avez fait allusion dans votre exposé à un problème que vous avez également mentionné à la page 3 de votre mémoire. Vous affirmez que :

[l]’ACMG et sa division Biosimilaires Canada craignent que la liste restreinte des médicaments couverts par le régime d’assurance médicaments mène à des prescriptions non optimales des médicaments mis gratuitement à la disposition du public, ce qui pourrait conduire à des résultats de santé sous-optimaux pour les patients. Nous craignons également que l’absence d’une approche globale de la couverture universelle ne dissuade les régimes publics d’assurance médicaments de continuer à couvrir une large gamme de médicaments sur ordonnance et d’étendre la couverture à de nouveaux médicaments à l’avenir [...]

Je pense que vous soulevez un point crucial, et j’aimerais que vous approfondissiez un peu la question et que vous nous aidiez à comprendre pourquoi vous faites ce genre de déclaration.

M. Keon : Merci. Les provinces ont toutes des listes de médicaments pour leur population couverte; elles les remboursent, maintenant. Il y a des déductions et des quotes‑parts dans la plupart des provinces; cela dépend souvent du revenu de la personne.

Si le régime fédéral est adopté et qu’il y a des ententes avec les provinces, nous nous attendons à ce qu’elles cessent de payer pour ces médicaments. Selon le projet de loi C-64, ces patients obtiendront désormais leurs médicaments tout à fait gratuitement. Les autres médicaments qui ne figurent pas sur la liste du projet de loi seraient assujettis aux quotes-parts et aux franchises et pourraient être rajustés en fonction du revenu.

Nous nous attendons à ce qu’il y ait une déviation ou une tendance à utiliser les médicaments couverts par le régime, qui n’est pas exhaustif et qui ne couvre pas un grand nombre des nouveaux médicaments et des médicaments qui sont très importants, en particulier dans le domaine du diabète. Encore une fois, je vais revenir sur les préoccupations de Diabète Canada, qui craint que le projet de loi ne fasse dévier les traitements vers les médicaments qui sont couverts.

Lorsque nous avons demandé aux fonctionnaires de Santé Canada pourquoi les médicaments contre le diabète figurant dans la liste avaient été choisis, nous n’avons pas reçu une bonne explication. La réponse était toujours : « Eh bien, nous allons déterminer avec les provinces quels médicaments seront couverts. » Nos membres fabriquent la plupart des médicaments — certainement tous ceux qui ne sont pas brevetés —, et ils aimeraient avoir plus de certitude dans l’avenir.

La sénatrice Seidman : Vous laissez entendre que les listes de médicaments ne contiendront plus un certain nombre de produits parce qu’ils ne seront pas couverts au titre du régime universel national et qu’on aura alors tendance à abandonner ces produits. Qu’arrivera-t-il aux gens qui sont couverts pour ces produits une fois que ceux-ci ne figureront plus sur les listes?

M. Keon : Ou ils ne seront pas prescrits, parce qu’on se mettra vraisemblablement à prescrire ceux qui ne coûtent rien au patient. Ils sont entièrement remboursés; il y aura remboursement au premier dollar au titre du régime national.

La sénatrice Seidman : Qu’arrivera-t-il à un patient diabétique, par exemple, qui a essayé une dizaine de médicaments différents? Aucun n’a été très efficace, puis il essaye le onzième; il est efficace, et il veut continuer à le prendre. Mais, ensuite, il passe au régime universel, et ce médicament ne figure pas dans ce formulaire.

M. Keon : Je suis pas mal d’accord avec ce que vous dites. Nous craindrions que ces patients n’aient pas une couverture complète.

La présidente : Merci, monsieur Keon.

La sénatrice Osler : Je remercie les témoins de leur présence aujourd’hui. Ma question s’adresse aux représentants de Médicaments novateurs Canada et concerne votre commentaire sur la perte de l’accès rapide aux nouveaux médicaments. Votre mémoire écrit décrit comment les programmes de remboursement du prix des médicaments offerts par l’employeur procurent un accès plus rapide aux médicaments, comparativement aux régimes publics, et fournissent un plus grand éventail de nouveaux médicaments. Il aborde aussi les possibles conséquences néfastes du projet de loi C-64 sur la santé et le bien-être des patients, ainsi que de ses vastes répercussions sur les hôpitaux et le système de santé.

Un accès plus rapide ne signifie pas que les nouveaux médicaments offrent des avantages thérapeutiques importants par rapport aux médicaments existants. Un rapport du Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés a révélé que 88 % des nouveaux médicaments brevetés au Canada ne représentaient pas une amélioration thérapeutique importante par rapport aux médicaments existants et coûtaient plus cher. Les données de Santé Canada sur une période de 21 ans montrent que seulement un nouveau médicament sur huit à dix procurait un avantage thérapeutique important par rapport aux médicaments existants, que, un nouveau médicament sur cinq offrait un avantage modéré et que les 65 à 70 % de nouveaux médicaments restants présentaient un avantage marginal.

Avez-vous des données qui montrent que l’accès plus rapide aux nouveaux médicaments réduit les coûts du système de santé ou se traduit par de meilleurs résultats pour la santé des populations, en particulier les patients autochtones, noirs ou racisés?

Mme Hamelin : Premièrement, je voudrais dire que l’innovation est une question d’options. Afin d’améliorer les résultats pour les patients, les médecins doivent avoir accès à des options. La recherche nous a montré que les approches de traitement plus personnalisées sont associées à de meilleurs résultats, et il y a certainement des données que nous pouvons fournir à l’appui de cette affirmation. Nous serions heureux de vous fournir ces renseignements.

La présidente : Monsieur Keon, puis-je vous poser une question? Aucun projet de loi n’est parfait. Nous avons fait suffisamment d’études ici pour savoir que la perfection n’est pas à la portée d’une proposition législative. Je comprends ce que vous dites — que les patients devraient avoir plus d’options de médicaments qui leur conviennent —, mais je me mets à la place d’une personne pauvre qui n’a pas d’assurance-médicaments, qui n’est pas capable de payer, et dorénavant, elle aura accès à une assurance gratuite pour les médicaments et dispositifs qui sont essentiels aux diabétiques ainsi que pour la contraception et les appareils. N’est-ce pas un bon début?

M. Keon : Nous ne croyons pas qu’il faille modifier le projet de loi pour modifier la liste des médicaments couverts. Il sera possible d’élargir cette liste au moyen d’un financement fédéral. Comme je l’ai dit en réponse à la première question, il est certain qu’il y a des médicaments importants qui ne sont pas inclus dans cette liste, et il faudrait donc l’élargir, selon nous.

Les provinces couvrent les médicaments depuis des décennies. Au moyen de leur liste de médicaments et de leurs comités d’experts, elles ont déterminé quels produits elles veulent couvrir. La proposition du gouvernement fédéral est une gamme beaucoup plus limitée de médicaments, et nous ne comprenons pas pourquoi. C’est la raison pour laquelle nous recommandons que la liste soit élargie.

Nous avons recommandé un changement à l’article 9 du projet de loi, qui porte sur l’achat en gros. Nous aimerions que cet article soit supprimé.

La sénatrice Pate : C’est une transition parfaite vers l’achat en gros. Merci à nos témoins. En 2017, la vérificatrice générale de l’Ontario a constaté que le prix des médicaments génériques approuvés par l’APP dans les pharmacies de détail était près du double — 85 % plus élevé — de celui des mêmes médicaments dans les hôpitaux de l’Ontario, où la loi provinciale exige des appels d’offres concurrentiels pour les contrats d’approvisionnement.

Des recherches évaluées par des pairs menées en 2017 ont confirmé que les prix canadiens négociés par l’entremise de l’APP étaient 2,5 fois plus élevés que ceux négociés au titre du régime national d’assurance-maladie de la Suède et 6,25 fois plus élevés qu’au titre de celui de la Nouvelle-Zélande. Aujourd’hui, les prix canadiens demeurent 5,2 fois plus élevés que ceux de médicaments identiques dans le système à payeur unique de la Nouvelle-Zélande. Sur quelle base avez-vous déterminé que l’adoption d’un système national à payeur unique n’entraînerait pas d’économies importantes, étant donné que les chiffres semblent indiquer le contraire? Nous pourrions peut-être commencer par M. Keon, puis peut-être Mme Hamelin.

M. Keon : En ce qui concerne les médicaments génériques, depuis le rapport de 2017 que vous avez mentionné, nous avons conclu deux nouvelles ententes avec l’Alliance, en 2018 et en 2023. En 2018, on a dressé une liste de 67 produits dont le prix a été réduit dans une proportion allant jusqu’à 90 % du prix d’origine. Ils se vendent à 10 %. Je signale que le prix des médicaments génériques soutient un système de distribution au Canada et les pharmacies du pays, ainsi que la fabrication de médicaments génériques. Il y a donc un certain nombre d’intervenants qui dépendent du prix des médicaments génériques.

La sénatrice Pate : Pourriez-vous nous fournir les données dont vous parlez?

M. Keon : Oui. Je vais également vous fournir un rapport publié sur notre site Web qui porte sur les prix. Dans beaucoup de pays, les études qui ont été faites mesurent les prix au niveau du fabricant. Au Canada, c’est le maximum que nous pouvons exiger. Alors, quand on soutient les pharmacies ou les distributeurs, c’est retranché de nos revenus nets. Dans d’autres pays, les prix sont ajoutés à ce montant. Nous avons examiné les prix de détail réels, et nous avons constaté qu’en fait, au Canada, ils sont inférieurs à ceux dans les 11 pays de comparaison du Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés, qu’on appelle les pays du CEPMB11.

Mme Hamelin : Dans le cas des médicaments brevetés, le Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés, ou CEPMB, fixe des plafonds de prix. Le récent rapport du CEPMB montre que le Canada se classe au huitième rang des 11 pays comparés. Ce classement n’exclut pas les États-Unis et la Suisse, qui sont les pays où les médicaments coûtent le plus cher. Le Canada se classe au huitième rang des 11 pays d’après le prix courant, selon la parité du pouvoir d’achat. Nous ne sommes pas un cas particulier dans le monde en ce qui a trait au prix des médicaments.

La sénatrice Pate : À l’heure actuelle, le Canada n’a pas la réglementation étanche qu’exigeraient certains des processus destinés à combler les lacunes, et les experts en matière d’assurance-médicaments ont clairement indiqué que les régimes publics-privés, à payeurs multiples, où on comble les lacunes, comme ceux de l’Allemagne et de la Suisse, s’appuient sur une combinaison complexe de règlements étanches pour la gestion, le financement et les bénéfices afin d’obtenir des résultats raisonnables moyennant des coûts raisonnables. Même avec cette réglementation, ils ne sont pas aussi performants que les systèmes publics à payeur unique. Étant donné que le Canada n’a pas établi ce genre de processus, êtes-vous en train de défendre l’idée que le pays devrait relier le régime à un tel système de réglementation et que, sans ce système — comme nous l’avons vu aux États-Unis —, les coûts des médicaments payés par chaque employeur vont probablement monter en flèche? J’aimerais savoir si c’est bien ce que vous proposez.

La sénatrice Moodie : Je remercie les témoins. Je vais approfondir les questions de la sénatrice Osler. On a mentionné qu’il y a des lacunes dans la liste des médicaments contre le diabète qui est associée au projet de loi, y compris les inhibiteurs de la DDP-4 et les inhibiteurs de la SGLT2. En ce qui concerne celui qui est inclus — un inhibiteur de la SGLT2, la dapagliflozine —, quelle est votre évaluation de son rendement par rapport aux autres inhibiteurs de la SGLT2? Sont-ils comparables, en reconnaissant que les inhibiteurs de la SGLT2 présentent des avantages? Prévoyez-vous des différences cliniquement significatives dans les résultats pour les patients qui prennent les nouveaux inhibiteurs de la SGLT2 par rapport aux patients qui suivent des traitements conventionnels à la metformine ou à l’insuline?

M. Keon : Je ne suis pas en mesure de répondre à cette question. Je ne suis pas un expert en médecine clinique.

La sénatrice Moodie : Je veux parler des différences mineures entre les médicaments existants et les nouveaux médicaments qui sont en train de faire leur apparition. J’aimerais obtenir une réponse à cette question. Puis-je la recevoir par écrit, s’il vous plaît?

M. Keon : Bien sûr. Nous pourrons répondre à cette question.

La sénatrice Moodie : L’autre question s’adresse aux représentants de MNC. Vous avez dit qu’un système à payeur unique, au premier dollar, réduirait la couverture actuelle pour la plupart des Canadiens. Cependant, selon l’Enquête sur l’accès aux soins de santé et aux produits pharmaceutiques pendant la pandémie — ou l’EASSPPP — de 2021, plus de 21 % des Canadiens ont déclaré n’avoir aucune assurance pour tout type de médicaments d’ordonnance.

Entre le statu quo, soit une situation dans laquelle les Canadiens doivent composer avec un système à plusieurs niveaux — où certains ont un bon accès, d’autres un accès modéré et d’autres n’en ont aucun —, et le système que créerait le projet de loi C-64, pouvez-vous tous les deux me dire ce que vous préféreriez? Le projet de loi, sous sa forme actuelle, nous mettra-t-il dans une situation qui sera meilleure que le statu quo? C’est pour le grand public, pour les gens que j’ai mentionnés, les 21 %.

Mme Hamelin : MNC est favorable à l’idée que les Canadiens aient accès aux médicaments dont ils ont besoin quand ils en ont besoin. Il y a un coût associé à cela. Nous faisons également observer que, dans le système du Canada, 97 % des Canadiens ont accès à un régime offert par l’employeur ou à un programme public de remboursement du prix des médicaments offert par les provinces, alors ce système fonctionne très bien.

Pour les 3 % de Canadiens qui n’ont pas d’assurance — et il y en a peut-être aussi qui sont sous-assurés —, nous suggérons que le gouvernement se concentre vraiment sur les personnes qui ont vraiment besoin d’aide, parce qu’elles n’ont pas accès aux médicaments dont elles ont besoin.

Mais il y a un système en place qui fonctionne très bien. Pourquoi le réparer s’il n’est pas brisé?

La sénatrice Moodie : Je prierais les représentants de Médicaments novateurs Canada, ou MNC, de bien vouloir me faire part de leurs commentaires. Vos membres ont-ils un intérêt financier à proposer les amendements que vous avez présentés? Combien d’argent votre industrie risque-t-elle de perdre si le projet de loi est adopté sans amendement?

Mme Hamelin : En ce qui concerne les chiffres, monsieur Hamill, vous pourrez peut-être m’aider. Ce qui est clair, c’est que, dans l’industrie, nos membres sont fondés sur l’innovation. Ils veulent introduire de nouveaux médicaments novateurs au Canada afin que nous ayons des options de traitements et que les patients reçoivent les médicaments qui fonctionnent pour eux.

La sénatrice Moodie : Pouvons-nous obtenir les chiffres?

Mme Hamelin : Nous pouvons vous fournir…

Declan Hamill, vice-président, Politiques, réglementations et Affaires juridiques, Médicaments novateurs Canada : Nous n’avons pas ces chiffres, et je tiens à préciser que c’est parce qu’il est impossible d’évaluer toutes les répercussions du projet de loi pour l’instant.

[Français]

La sénatrice Mégie : Merci aux témoins d’être parmi nous. Ma première question s’adresse à Mme Hamelin. Je vois qu’il y a beaucoup d’inquiétude par rapport aux médicaments novateurs. Faut-il commencer par les médicaments contre le diabète ou les contraceptifs? Où croyez-vous qu’on devrait placer des médicaments novateurs dans ces listes? Cela viendra un jour de se servir de médicaments novateurs, mais on doit commencer quelque part. Quelle est la raison de votre réticence? On va finir par y arriver. Cela causera peut-être un retard en ce qui a trait aux revenus de la compagnie, mais donnez-moi plus d’arguments pour vous expliquer.

Mme Hamelin : Voici l’inquiétude : c’est le manque de prévisibilité pour ce qui est de savoir quand ces médicaments novateurs seront énumérés dans les formulaires. Déjà, les délais d’importation de ces médicaments au Canada — et le fait que l’on retarde à les indiquer dans des formulaires — sont deux fois plus importants qu’ailleurs dans le monde ou même dans d’autres pays qui se comparent à nous. En matière de retards, nous sommes les derniers parmi les pays du G7 à énumérer les médicaments novateurs dans nos formulaires.

Un projet de loi qui propose de commencer de telle façon, cela viendra, mais quand? Pourrons-nous demander à l’industrie de continuer d’innover et d’investir dans les découvertes quand on ne connaît pas l’avenir? Voilà l’inquiétude par rapport au délai qui est déjà trop long, et il s’élargira encore plus. Voilà l’inquiétude. Au Canada, on a un écosystème propice à la découverte et au développement de médicaments, mais on manque d’occasions. Cela crée beaucoup d’inquiétudes. Le projet de loi ne se prononce pas du tout à ce sujet. Il ne faut pas s’attendre à ce que l’industrie attende; cela crée des problèmes en matière de viabilité au Canada.

La sénatrice Mégie : Ma deuxième question s’adresse à M. Keon. Vous avez parlé des lacunes de la liste de médicaments. Avez-vous déjà la liste? Je n’ai pas l’impression qu’elle est déjà dressée. L’avez-vous déjà?

M. Keon : Oui. La liste est publique. Le ministre a publié une liste de médicaments.

La sénatrice Mégie : Vous avez vu qu’il y avait certains médicaments qui n’étaient pas dans cette liste et cela vous inquiète?

[Traduction]

Jody Cox, vice-présidente, Affaires fédérales et internationales, Association canadienne du médicament générique : Mes excuses pour la réponse en anglais. Il y a deux choses différentes. Il y a l’entente qui a été conclue le 29 février et qui comprenait une liste de médicaments. C’est de cela que parlait M. Keon. Pour ce qui est du formulaire, nous n’en avons aucune idée, parce que c’est mentionné dans le projet de loi. Il y a des processus qui se dérouleront par la suite, et le ministre aura beaucoup de pouvoir discrétionnaire à cet égard. Il y a donc beaucoup d’incertitude quant aux domaines thérapeutiques et aux produits qui seront inclus ainsi qu’à la place que prendra cet achat en gros.

C’est intéressant parce qu’on ne sait pas vraiment ce que cela signifie, car qui achète les médicaments? Au Canada, ce sont les pharmacies qui les achètent.

La sénatrice Bernard : Merci à tous d’être présents. En fait, je vais poser à M. Keon une question qui fait suite à celle de ma collègue, la sénatrice Seidman, à laquelle vous n’avez pas pu répondre complètement. Donc, pour revenir en arrière, vous parliez de l’incidence sur les médicaments qui seront prescrits, et vous disiez que certains pourraient ne pas l’être. J’aimerais entendre votre réponse à la question à laquelle vous n’avez pas eu le temps de répondre tout à l’heure, à savoir qu’arrivera-t-il au patient diabétique qui n’aura pas accès aux médicaments qui ne figurent pas sur la liste? Je voudrais ajouter quelque chose. Je m’intéresse en particulier aux répercussions sur les personnes qui cherchent à obtenir un accès culturellement sûr à leurs médicaments.

M. Keon : Sous le régime du projet de loi C-64, en supposant qu’il y aura des ententes avec les provinces, certains médicaments contre le diabète seront entièrement remboursés, au premier dollar, et ne coûteront absolument rien aux patients. Les autres médicaments ne le seront pas. Alors, il faudra déterminer si le patient est un aîné. Dans la plupart des provinces, la majeure partie des médicaments sont couverts par les régimes provinciaux. Le patient en question occupe-t-il un bon emploi rémunéré? Si c’est le cas, il pourrait avoir une assurance privée. Mais, s’il s’agit d’un jeune patient qui n’est pas couvert par une assurance, il devra payer, et cela va lui coûter cher.

La question que nous soulevons, c’est que, dans le projet de loi C-64, vous instaurez une nouvelle couverture de l’écosystème qui fonctionne de façon compliquée, mais bonne en ce moment, et dont les conséquences sont incertaines, et on ne sait pas si le fait que certains médicaments seront mieux couverts que d’autres va changer les pratiques de prescription par rapport à ce qui est, d’un point de vue clinique, la meilleure ordonnance pour le patient en question.

La sénatrice Bernard : Qu’est-ce que cela signifiera pour les médecins qui doivent prendre des décisions au sujet des ordonnances? Je songe aux personnes atteintes de diabète qui ne sont pas assurées. C’est de cette population que je veux que vous parliez.

Qu’arrivera-t-il alors aux médecins qui doivent décider ce qu’ils prescriront si le médicament ne figure pas sur la liste fédérale?

M. Keon : S’il y a cette nouvelle liste de médicaments, je pense que les médecins la consulteront d’abord et vérifieront si le médicament peut être prescrit au patient en question, qu’ils croient ou non qu’il s’agit du meilleur médicament. C’est le point que nous avons soulevé. Ces médicaments sont disponibles, ils sont couverts par divers régimes publics et privés, et les patients y ont accès, mais nous croyons que, si vous changez le système, ces régimes vont cesser de couvrir ces médicaments, ce qui aura des conséquences malheureuses.

La sénatrice Bernard : Merci.

La sénatrice Burey : Merci beaucoup d’être ici. Madame Hamelin, je veux m’assurer de bien comprendre, ce que vous avez dit au sujet de ces 3 % et du fait que 97 % des Canadiens sont couverts. Je crois que nous avons entendu le témoignage de M. Eddy Nason, directeur de la santé, du rapport du Conference Board du Canada, ainsi que celui de M. Barry-Shaw, du Conseil des Canadiens. Ils disaient que 3 % n’est qu’un chiffre qui a été lancé et qu’il y a en fait beaucoup plus de gens qui n’ont pas les moyens de payer leurs médicaments, que ce soit parce qu’ils ne sont pas du tout assurés ou parce qu’ils n’ont tout simplement pas assez d’argent pour payer la quote-part.

C’était un chiffre plus élevé. Je n’arrive pas à m’en souvenir, mais c’est plus de 20 %, alors c’est un chiffre considérable. Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez?

Mme Hamelin : Le chiffre de 97 % provient d’une étude du Conference Board du Canada. Il est fondé sur des données exhaustives provenant de diverses sources publiques, y compris Statistique Canada, l’Agence du revenu du Canada, des rapports provinciaux et bien d’autres, ainsi que sur les données de l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes, ou ACCAP, concernant la couverture des payeurs privés. Ces données sont fondées sur le rapport du Conference Board du Canada.

La sénatrice Burey : M. Nason a fait un commentaire à ce sujet et a affirmé qu’il s’agissait simplement d’un plancher absolu, mais que la vraie proportion de personnes qui n’ont pas les moyens de payer leurs médicaments, que ce soit parce qu’elles sont sous-assurées, qu’elles ne pourraient pas s’acheter à manger, qu’elles ne pourraient pas payer leur loyer ou pour toute autre raison, est beaucoup plus élevée. C’était dans le corps du rapport, mais je me demande pourquoi nous n’arrêtons pas de dire que ce n’est que 3 % alors que c’est beaucoup plus.

Mme Hamelin : C’est un rapport publié. Il s’agit d’un autre argument en faveur de l’idée que nous devrions nous occuper des personnes qui ne sont pas couvertes par les fonds disponibles pour la fourniture de médicaments aux patients. Le rapport a été publié.

La sénatrice Burey : Êtes-vous d’accord pour dire que le pourcentage de personnes qui ne peuvent pas les commander est beaucoup plus élevé que 3 %? Pas vraiment? D’accord.

Mme Hamelin : Je ne peux me fier qu’aux données. Il y a d’autres rapports de Statistique Canada. Je n’ai pas entendu le témoignage que l’autre personne a présenté ici.

La sénatrice Burey : Il représentait le Conference Board du Canada.

M. Hamill : Il s’agit de l’admissibilité à la couverture… selon ces 97 %. Un certain nombre de Canadiens ont une couverture moins adéquate; c’est certainement vrai. De plus, il y a des Canadiens qui ne se prévalent pas de la couverture à laquelle ils sont admissibles, et ces données figuraient également dans le rapport.

Je pense que, là où nous voulons en venir, c’est au fait que même si le chiffre n’est pas 3 % — disons que c’est 6 % —, il est tout de même plus efficace et efficient de combler les lacunes d’un système que de le reconstruire.

La sénatrice Burey : Merci.

La sénatrice Dasko : J’aimerais revenir sur ces arguments concernant le financement fédéral. Vous êtes tous des critiques du projet de loi. J’aimerais comprendre quel rôle, le cas échéant, vous voyez le gouvernement fédéral jouer pour ce qui est d’offrir des avantages aux Canadiens sur le plan individuel, par opposition au financement de la recherche et de l’innovation, par exemple.

Vous avez parlé de toutes sortes de lacunes dans le système actuel, et pas seulement du fait que certaines personnes ne sont pas couvertes du tout. Il y a d’autres lacunes, notamment en ce qui a trait aux quotes-parts et à de nombreux autres éléments du système. Alors, je voudrais adresser la question suivante à tous les témoins : le gouvernement fédéral a-t-il un rôle à jouer dans le financement des médicaments d’ordonnance ou d’autres médicaments et, dans l’affirmative, quel est-il? Que devrait-il être?

Jody Cox, vice-présidente, Affaires fédérales et internationales, Association canadienne du médicament générique : Je commencerai peut-être par dire que nous vivons dans une fédération. La prestation des soins de santé relève de la compétence des provinces et des territoires. Je pense que tout débute par une conversation. Nous observons, par exemple, un bon travail de collaboration entre les gouvernements fédéral et provinciaux dans le domaine des maladies rares, et d’autres ententes sont probablement à venir. C’est donc un domaine que je mentionnerais d’emblée.

La sénatrice Dasko : Nous savons tous que le gouvernement fédéral finance les soins de santé, même s’il s’agit d’une compétence provinciale. Nous avons ce financement grâce au pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral, qui a essentiellement de l’argent pour financer divers programmes de santé avec les provinces, et d’autres programmes également. Le gouvernement fédéral a donc un rôle à jouer à bien des égards.

M. Keon : Nous avons recommandé que le gouvernement fédéral intervienne davantage en ce qui concerne les médicaments nécessaires qui sont en pénurie. Pendant la pandémie, le gouvernement fédéral a établi un programme d’achat de médicaments. Il était très limité. Ce n’était que 12 médicaments qui étaient nécessaires pour les patients hospitalisés, et ainsi de suite. On a mis en place un programme. On a lancé un appel pour obtenir des médicaments. Les compagnies ont répondu, le gouvernement fédéral a acheté les médicaments, et le système a très bien fonctionné.

Nous pensons que le gouvernement fédéral a un rôle continu à jouer en ce qui a trait aux médicaments essentiels qui pourraient être à risque de pénurie, qu’il doit intervenir, les acheter et essayer d’assurer une continuité. C’est un rôle que nous continuons d’encourager le gouvernement fédéral à jouer, et il pourrait le faire en achetant directement les médicaments.

Mme Hamelin : Le gouvernement fédéral a un rôle à jouer dans le traitement des maladies rares. En fait, il offre un programme de traitement des maladies rares et des fonds à cette fin. Je pense que nous attendons encore que ce programme soit mis en œuvre, mais il a certainement un rôle à jouer.

L’autre rôle consiste à aider les provinces à combler les diverses lacunes qui existent. La collaboration du gouvernement fédéral avec l’Île-du-Prince-Édouard pour l’aider à combler les lacunes de son formulaire médical est un très bon exemple. Dans des domaines précis où les provinces ont des lacunes et ont besoin de soutien, le gouvernement fédéral a certainement un rôle à jouer.

La sénatrice Dasko : J’aimerais céder le temps qu’il me reste à la sénatrice Pate. Je ne pense pas qu’on ait déjà répondu à sa question.

La sénatrice Petitclerc : Je vous remercie de votre présence. Merci à mes collègues du secteur médical. Il m’a été très utile d’entendre vos questions et réponses.

Je n’ai qu’une brève question au sujet de la liste. Je crois comprendre que la liste est publiée. On peut ajouter des choses, comme des médicaments. Je crois savoir que vous voyez des défis dans le processus; je comprends cela. Je crois aussi savoir que la liste ne couvre pas tout ce qui existe.

Ma question est la suivante : y a-t-il des analyses ou des données qui laissent entendre que ce qui figure actuellement sur la liste ne sera pas optimal pour les résultats en matière de santé? Ma question est axée sur le patient ou client. En ce qui concerne les résultats en matière de santé, avons-nous des données indiquant que ce qui figure actuellement sur ces listes n’est pas optimal?

Mme Hamelin : Ce qui est sur la liste est moins que ce qui est actuellement couvert par les régimes publics ou privés. Ce devrait être une indication quant aux options qui sont nécessaires pour un traitement approprié.

Le projet de loi parle aussi de traitement approprié et d’utilisation appropriée des médicaments. À mon avis, l’utilisation la plus appropriée des médicaments consiste à déterminer le médicament dont un patient a besoin compte tenu de son état particulier.

Pour ce qui est des résultats en matière de santé, des données sur le portefeuille de médicaments par rapport à ce qui se trouve dans ce portefeuille particulier de médicaments, je pense qu’il faudrait que l’on mène une étude pour le démontrer… mais seulement une indication du fait que c’est beaucoup moins de médicaments.

Le problème tient aussi au fait que le domaine du diabète est en pleine évolution. C’est un domaine très dynamique où nous pouvons traiter le diabète et l’obésité, mais ces médicaments ne figurent pas sur la liste. Combien de temps faudrait-il pour les faire inscrire sur cette liste? Nous devons tenir compte des médicaments biologiques et du fait qu’il est impossible de prévoir quand la liste sera élargie. L’incidence sur la chaîne d’approvisionnement est importante parce que ces médicaments sont produits dans des installations qui sont très occupées. Quand le Canada produira-t-il les médicaments pour les Canadiens? La prévisibilité est absolument cruciale.

M. Keon : J’insisterais sur le fait que les gouvernements provinciaux utilisent des formulaires depuis des décennies. Ils ont des experts qui les conseillent sur les médicaments qui devraient être couverts. La liste des médicaments contre le diabète est beaucoup plus longue que celle qui a été publiée avec le projet de loi C-64. Je pense que c’est une autre bonne indication.

L’autre point que nous avons fait valoir, c’est que Diabète Canada s’inquiète également au sujet de la liste des médicaments, car elle est trop étroite et ne couvre pas de la même manière un grand nombre des médicaments que les patients prennent actuellement.

Nous n’avons pas de bonne explication concernant la façon dont la liste a été créée, mais il y a beaucoup de préoccupations au sujet de son adoption dans le cadre de ce type d’accord.

La sénatrice Senior : Ma question s’adresse aux représentants de MNC et concerne leur recommandation numéro 4, selon laquelle il faudrait que les intervenants ou les consultants soient représentés au sein du comité d’experts. Les consultations, je comprends, parce que je crois comprendre que c’est l’une des choses dont on parle. Mais je suis très surprise que l’industrie pharmaceutique — ou votre préoccupation particulière en tant qu’intervenant — veuille faire partie du comité d’experts. Voyez-vous un conflit d’intérêts à cet égard?

Mme Hamelin : Il s’agit d’une politique qui touche l’industrie que nous représentons dans son ensemble. Je crois que les parties intéressées, dont nous sommes une des principales, devraient participer à la discussion sur la façon dont le projet de loi est formulé.

La sénatrice Senior : Je parle précisément du fait de faire partie du comité d’experts et pas nécessairement de consultations.

Mme Hamelin : Tous les membres de ce comité d’experts sont en conflit d’intérêts. Pourquoi l’industrie se trouverait-elle dans une situation de conflit d’intérêts plus grave que toute autre partie intéressée?

La sénatrice Senior : C’est une question que je vous renverrais probablement.

Mme Hamelin : Si vous me la posez, je ne le crois pas.

La présidente : Merci. Chers collègues, nous allons passer à la deuxième série de questions.

La sénatrice Osler : Puis-je lire ma question pour le compte rendu, demander une réponse écrite et céder mon temps de parole à la sénatrice Pate? Merci.

Nous partageons tous le même objectif, soit celui d’améliorer la santé des Canadiens. Comment l’industrie pharmaceutique pourrait-elle collaborer avec les gouvernements pour s’assurer que les médicaments essentiels figurant sur la liste convenue sont fournis au régime national d’assurance médicaments au coût le plus bas possible?

La sénatrice Pate : Le gouvernement a été clair : conformément au rapport Hoskins et à l’analyse d’experts comme M. Morgan et d’autres, l’objectif de la liste devrait être non pas de tout couvrir, mais plutôt de chercher les médicaments dont la valeur et l’efficacité ont été démontrées, ce qui assurera une couverture importante. J’aimerais savoir si vous avez des preuves — et, le cas échéant, si vous pouvez les fournir au comité — si ce ne sont pas les médicaments qui ont été choisis.

Deuxièmement, pour revenir à ce que disait la sénatrice Moodie, dans le cas des médicaments qui ne sont pas disponibles gratuitement, les gens pourraient toujours compter sur les régimes provinciaux, territoriaux ou privés existants. La situation n’empirera pour personne, et bien des gens bénéficieront d’un nouvel accès gratuit aux médicaments. Je voudrais que chacun d’entre vous nous dise quels sont les risques, selon vous, que les gens soient aux prises avec des fardeaux administratifs, perdent l’accès à des médicaments qu’ils utilisent actuellement ou s’il y a d’autres problèmes que vous prévoyez.

Juste auparavant, ma merveilleuse adjointe, Mme Grant — et elle n’est pas qu’une adjointe; elle est aussi une directrice des politiques extraordinaire au sein de notre bureau — a trouvé le rapport auquel je crois que vous faites allusion. Il montre tout de même que c’étaient les médicaments génériques qui permettaient de réaliser des économies importantes, mais il n’aborde aucun des rabais confidentiels que les sociétés pharmaceutiques offrent aux acheteurs. Y a-t-il le moindre de ces documents qui soit accessible? Je sais qu’il s’agit d’un problème persistant en ce qui concerne les prix.

M. Keon : Pour ce qui est des prix, les nôtres sont négociés avec l’APP. Ce sont des experts des provinces. Nous avons négocié avec le Québec, l’Ontario, la Colombie-Britannique, les experts qui dirigent les programmes de médicaments. Ils connaissent nos médicaments. Nous les avons rencontrés; cela a pris 18 mois. Nous avons eu des discussions approfondies avec eux. C’est un accord que nous avons conclu, qui couvre tous les médicaments génériques administrés à tous les Canadiens au Canada.

Il vise à permettre aux provinces de réaliser des économies massives — il a produit le résultat escompté, et j’ai mentionné 4 milliards de dollars au cours des 10 dernières années — ainsi qu’à créer une industrie durable qui peut continuer à fabriquer ces produits. Un nombre record de médicaments ont cessé d’être produits parce que les entreprises y perdent de l’argent. Les prix sont très bas. Ils ne peuvent pas baisser davantage, sinon, nous allons faire face à d’autres pénuries de médicaments. J’ai tenté de faire valoir ce point.

Comment rendre la liste aussi abordable que possible? Nous maximisons l’utilisation des médicaments génériques et biosimilaires. Partout où ils sont disponibles, c’est ce qui devrait être remboursé, parce qu’ils ne sont pas protégés par un brevet. Ce sont les entreprises créatrices qui jouissent des brevets, et, maintenant, les gens devraient en profiter.

Vous avez mentionné le rapport Hoskins. Il s’agissait aussi de ses recommandations, alors, c’est quelque chose que nous recommandons fortement. Ce n’était pas énoncé précisément dans le projet de loi, mais nous recommanderions que ce soit un principe directeur dans toutes les ententes que le gouvernement fédéral pourrait conclure.

La sénatrice Moodie : Ma question est orientée vers quelque chose que je vous demande de reconnaître. L’APP inclut le gouvernement fédéral, l’armée et les services de santé non assurés dans son groupe de personnes qui appuient cette organisation. Vous le savez, n’est-ce pas? D’accord. Ce ne sont donc pas seulement des experts provinciaux. Elle est influencée par le fédéral et par l’armée.

Je voulais aussi vous poser une question sur la sécurité de la chaîne d’approvisionnement. On en parle beaucoup, et, dans des témoignages antérieurs, nous avons entendu dire qu’il existe des moyens que les compagnies pharmaceutiques concluent une entente avec le gouvernement — et d’autres gouvernements l’ont fait dans d’autres pays — et se fassent demander d’inscrire dans ce contrat qu’elles seront responsables de toute pénurie, réduction ou manque d’accessibilité, et qu’elles assumeront les coûts financiers de cette interruption. Cela a été fait dans certains pays. Il y a des exemples, et nous pouvons certainement vous en faire part. Le fait est qu’au Canada, on s’intéresse de plus en plus à la sécurité et aux chaînes d’approvisionnement mondiales.

Pourquoi cela ne serait-il pas possible ici, et pourquoi ne pourrions-nous pas avoir cela dans un futur régime d’assurance-médicaments qui essaie d’assurer l’approvisionnement pour les Canadiens?

M. Keon : En ce qui concerne les médicaments génériques et biosimilaires, lorsqu’il y a une pénurie, on paie la différence, qu’il s’agisse d’un contrat avec un hôpital ou d’une entente avec une chaîne de pharmacies. On est tenu de couvrir cette différence.

Je pense que, ce que nous essayons de dire, c’est que nous ne devrions pas procéder à un nivellement par le bas, puis nous attendre à ce qu’il y ait des fonds disponibles pour combler les pénuries. Nous faisons partie d’une chaîne d’approvisionnement mondiale. Il y a des pénuries partout dans le monde. Lorsque des entreprises canadiennes ou des sièges sociaux canadiens essaient d’importer des médicaments, les prix sont trop bas au Canada. Il est très difficile d’attirer la moindre attention à cette fin.

La présidente : Merci beaucoup, monsieur Keon. Chers collègues, nous sommes arrivés à la fin de la période consacrée à ce groupe de témoins. Mesdames Cox et Hamelin, messieurs Keon et Hamill, merci beaucoup d’avoir été des nôtres aujourd’hui et de nous avoir fait part de vos points de vue.

Je voudrais souhaiter la bienvenue à Stephen Frank, président et chef de la direction, de l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes; à Liam MacDonald, directeur, Politiques et relations gouvernementales, et Kathy Megyery, vice-présidente principale et directrice générale, Québec, de la Chambre de commerce du Canada; ainsi qu’à Siobhán Vipond, vice-présidente exécutive, et Elizabeth Kwan, recherchiste principale, du Congrès du travail du Canada.

Certains des témoins sont assis derrière nous parce que nous n’avons pas beaucoup de place à la table; ils seront appelés à venir à la table. Je vous remercie de vous joindre à nous.

Nous allons commencer par les déclarations préliminaires de M. Frank, puis de Mme Megyery et de Mme Vipond.

Les représentants de l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes, de la Chambre de commerce du Canada et du Congrès du travail du Canada disposeront de cinq minutes chacun.

Stephen Frank, président et chef de la direction, Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes : Merci. Je suis heureux de comparaître.

[Français]

Il est peut-être à propos que je sois l’un des derniers intervenants que vous entendrez dans le cadre de votre diligence raisonnable à l’égard du projet de loi C-64, car l’ensemble des commentaires entendus au cours des derniers jours renforcent un point que mon organisation a soulevé depuis plusieurs mois maintenant. Il y a trop de questions en suspens auxquelles il faut répondre.

[Traduction]

Il y a trop de questions ouvertes auxquelles il faudra répondre avant que ce projet de loi aille de l’avant. Que vous croyiez que le projet de loi C-64 va trop loin ou pas assez loin, il n’est tout simplement pas prêt. Son adoption sous sa forme actuelle entraînera des risques et des coûts énormes et beaucoup d’incertitude concernant l’accès aux médicaments pour une grande majorité de Canadiens.

Une partie importante de mon travail consiste à représenter les 27 millions de Canadiens qui bénéficient d’un régime d’assurance-maladie offert par leur employeur et d’autres régimes d’assurance-maladie. La grande majorité d’entre eux sont des travailleurs syndiqués de première ligne, les gens qui nous servent des cafés le matin, qui changent nos pneus ou qui prennent soin de nos proches dans des établissements de soins de longue durée ou les hôpitaux. Ils dépendent de leur assurance pour garder leur famille en santé et ne peuvent pas se permettre de se livrer à des jeux politiques risqués.

Précédemment, le ministre de la Santé a déclaré que les gens qui ont déjà un régime d’assurance-médicaments continueront d’avoir accès à leurs médicaments et a même affirmé que les craintes que le projet de loi C-64 élimine la couverture privée équivalaient à de la désinformation. Toutefois, pas plus tard que cette semaine, le ministre a écrit aux membres du comité que le régime d’assurance-médicaments du Canada serait financé et administré exclusivement par un régime public plutôt que par un mélange de payeurs publics et privés. Selon la dernière interprétation qu’a faite le ministre du projet de loi C-64 à l’intention du comité, le projet de loi créera des obstacles pratiques et juridiques à notre capacité de fournir aux Canadiens les prestations pharmaceutiques dont ils bénéficient actuellement et auxquelles ils sont attachés. Il risque aussi réellement d’inciter les employeurs à réduire la couverture des médicaments offerte à leurs employés.

Pour la majorité des Canadiens, le projet de loi, dans sa forme actuelle, éliminera la part des médicaments d’ordonnance payée par les employeurs. Il limitera le choix, utilisera les maigres fonds fédéraux pour remplacer la couverture actuelle et laissera une énorme lacune chez les Canadiens non assurés qui dépendent d’autres médicaments que ceux contre le diabète et les contraceptifs.

Je vous exhorte à prendre un instant pour réfléchir sérieusement aux conséquences de cette proposition sur la famille canadienne moyenne, à un moment où nous savons que l’abordabilité et l’accès aux soins de santé sont des problèmes qui les empêchent de dormir la nuit.

[Français]

Les assureurs de personnes du Canada croient que tous les Canadiens devraient avoir accès aux médicaments qui leur ont été prescrits. Pour y parvenir, nous savons que les régimes privés et publics sont une nécessité. Le projet de loi C-64 met en péril ce qui fonctionne bien aujourd’hui et risque de créer plus d’écarts qu’il n’en comble.

[Traduction]

Lorsqu’on leur pose la question, 85 % des Canadiens répondent que leur régime de soins de santé leur permet d’économiser de l’argent. Ils ne veulent pas qu’il soit perturbé. Si on leur en donnait le choix, ils préféreraient de loin que le gouvernement se concentre sur la couverture des Canadiens qui n’ont pas d’assurance. C’est la meilleure façon de procéder.

En conclusion, nous croyons que cette mesure législative est imparfaite et qu’elle doit être modifiée de manière à protéger les régimes d’avantages sociaux offerts par l’employeur des 27 millions de travailleurs canadiens qui dépendent quotidiennement de leur assurance pour préserver leur santé et celle de leur famille. Merci. Je serai heureux de répondre à vos questions.

La présidente : Merci beaucoup, monsieur Frank. Madame Megyery?

[Français]

Kathy Megyery, vice-présidente principale et directrice générale, Québec, Chambre de commerce du Canada : Madame la présidente et honorables sénateurs, au nom de la Chambre de commerce du Canada, nous vous remercions de cette invitation à discuter du projet de loi C-64. Pourquoi ce projet de loi est-il important pour la Chambre de commerce du Canada et ses 220 000 membres, des entreprises de tous les secteurs et de toutes les tailles partout au Canada?

Il est courant pour les entreprises de fournir à leurs employés un ensemble d’avantages sociaux. Bien que ces régimes de prestations parrainés par l’employeur ne soient pas obligatoires, environ 80 % des entreprises offrent un ensemble de prestations pour attirer et retenir les employés.

Ainsi, les programmes de prestations, y compris la couverture de médicaments, ne sont pas seulement essentiels pour attirer des talents. Ils représentent un investissement important dans la santé et la productivité des employés. L’absentéisme ou le mauvais rendement attribuable à des problèmes de santé est une préoccupation majeure pour les employeurs en raison de leur impact négatif sur la compétitivité des entreprises.

[Traduction]

Avec ce préambule, permettez-nous de vous communiquer certains commentaires et préoccupations. Premièrement, la chambre croit fermement que tous les Canadiens devraient avoir un accès équitable au remboursement du prix des médicaments d’ordonnance. Afin de mieux comprendre ce qu’il faut faire pour y arriver, commençons par cerner le problème. Le Conference Board du Canada a constaté que 97 % de la population est admissible à une assurance-médicaments. Le nombre de personnes qui ne sont pas admissibles à un régime public et qui ne sont pas inscrites à un régime privé est inférieur à 1 million.

De plus, 3,8 millions de Canadiens sont admissibles, mais ne sont pas inscrits à un régime privé ou public, parce qu’ils ne connaissent pas les programmes ou que les coûts à payer de leur poche sont inabordables. Voilà le problème que nous devons régler pour nous assurer que les Canadiens qui ne sont pas assurés ou qui ne le sont pas adéquatement ont accès aux médicaments dont ils ont besoin grâce à une solution pragmatique et financièrement responsable. Un système universel à payeur unique n’est ni l’un ni l’autre.

Regardons les coûts. Dans le cas de la première phase visant à couvrir les contraceptifs et les médicaments et dispositifs pour les diabétiques, le directeur parlementaire du budget a fixé le coût à 5,7 milliards de dollars sur cinq ans. Ce dernier suppose que le projet de loi C-64 n’aurait aucune incidence sur la couverture des régimes d’avantages sociaux offerts par l’employeur. Ce n’est pas ce qui est énoncé dans le projet de loi. Si c’était le cas, le coût du projet de loi C-64 serait compensé considérablement, mais il s’élèverait tout de même à près de 1,9 milliard de dollars sur cinq ans. Voilà qui nous amène à la question du pragmatisme.

Il n’est pas nécessaire de défaire complètement un système qui offre à la majorité des Canadiens la couverture dont ils ont besoin et dont ils sont reconnaissants. Un régime universel d’assurance-médicaments à payeur unique ne ferait qu’aggraver la situation de la plupart des Canadiens. À l’heure actuelle, la majorité sont assurés par leur employeur. Ces Canadiens ont accès à des médicaments en deux fois moins de temps que ceux qui bénéficient de régimes publics et à trois fois plus de nouveaux médicaments novateurs approuvés par Santé Canada.

En 2023, Ottawa a annoncé le Régime de soins dentaires du Canada, en déclarant que celui-ci vise non pas à remplacer les régimes de soins dentaires existants qui sont offerts dans le cadre des programmes parrainés par l’employeur, mais plutôt à combler les lacunes actuelles au chapitre de la couverture.

Le ministre de la Santé, Mark Holland, a déclaré que le régime fédéral d’assurance médicaments ne compromettrait pas l’assurance privée des Canadiens, mais le projet de loi mentionne à maintes reprises un système national universel à payeur unique.

Le projet de loi devrait être amendé de façon à ce que l’assurance-médicaments cible les Canadiens qui n’ont pas la protection dont ils ont besoin, tout comme le gouvernement l’a fait dans le cas du Régime de soins dentaires du Canada. Un tel modèle ciblé serait plus pragmatique et financièrement viable et respecterait mieux les compétences provinciales et territoriales.

Merci.

La présidente : Je vous remercie.

Madame Vipond?

Siobhán Vipond, vice-présidente exécutive, Congrès du travail du Canada : Merci, madame la présidente, et bonjour aux membres du comité. C’est un honneur d’être des vôtres aujourd’hui sur le territoire non cédé du peuple algonquin anishinabe.

Le Congrès du travail du Canada représente plus de 3 millions de travailleurs dans la quasi-totalité des secteurs, industries, professions et régions du pays, y compris des centaines de milliers de travailleurs de notre système de soins de santé et un demi-million de retraités.

Nous représentons des travailleurs qui sont entièrement assurés pour les médicaments d’ordonnance et beaucoup d’autres qui ne le sont pas du tout. Honorables sénateurs, le projet de loi C-64 constitue la plus importante amélioration de notre système de soins de santé depuis l’instauration du régime public de soins de santé au Canada. Nous vous exhortons à l’adopter rapidement, sans amendement, afin que des millions de Canadiens puissent avoir accès à des contraceptifs et à des médicaments et dispositifs pour diabétiques, vivre en meilleure santé et bénéficier d’un certain allégement du coût élevé de la vie.

Je ne saurais trop insister sur l’importance et l’urgence d’adopter ce projet de loi. Aujourd’hui, 7,5 millions de personnes au Canada n’ont pas d’assurance pour leurs médicaments d’ordonnance et les paient de leur poche. À un moment où tant de gens sont aux prises avec des coûts quotidiens, les Canadiens qui gèrent leur diabète paient de 10 000 à 18 000 $ par année pour rester en santé, et les femmes en âge de procréer et les personnes ayant diverses identités de genre paient 240 $ par année pour des contraceptifs oraux et 500 $ pour un dispositif intra-utérin.

À cause de notre système disparate de médicaments d’ordonnance, près d’un million de Canadiens sacrifient certains de leurs besoins fondamentaux, comme la nourriture et le chauffage, afin de payer leurs médicaments. Un autre million de Canadiens empruntent de l’argent pour payer leurs médicaments. Le fait de ne pas avoir accès à des médicaments abordables entraîne des décès prématurés, des souffrances terribles, des maladies et des complications ou une mauvaise qualité de vie. L’adoption du projet de loi C-64 sans amendement permettra à des millions de Canadiens d’avoir accès à des contraceptifs ainsi qu’à des médicaments et à des dispositifs pour le traitement du diabète, ce qui permettra de les garder en bonne santé et les aidera à faire face aux coûts de la vie quotidienne.

Toutefois, je tiens à préciser que ce projet de loi n’est qu’un premier pas vers la création d’un programme d’assurance-médicaments universel, public et à payeur unique qui offrira un accès équitable aux médicaments et des résultats équitables en matière de santé d’un océan à l’autre. En fait, le Congrès du travail du Canada recommande que le gouvernement fédéral s’engage à élargir le projet de loi C-64 après que la loi aura reçu la sanction royale en vue d’en faire un programme national complet d’assurance-médicaments à payeur unique, couvrant au premier dollar une liste complète de médicaments d’ordonnance en fonction de leur efficacité et de leur bon rapport qualité-prix.

L’un des éléments les plus importants du projet de loi C-64 est le comité d’experts, et nous exhortons le gouvernement à faire preuve de diligence raisonnable dans la sélection des membres du comité d’experts. Nous devons veiller à ce qu’il n’y ait pas de conflit d’intérêts qui pourrait influencer leur travail en ce qui a trait à la formulation de recommandations d’intérêt public concernant le fonctionnement et le financement d’un régime d’assurance-médicaments national, universel et à payeur unique.

Le travail du comité d’experts est trop important, et la pratique courante de signer des formulaires de divulgation de conflits n’est pas une garantie suffisante. Sénateurs, de nombreux opposants au projet de loi C-64 qui ont des motifs de profits directs ou indirects liés aux compagnies d’assurance et aux sociétés pharmaceutiques veulent un modèle d’assurance-médicaments qui comble les lacunes, en particulier par rapport aux modèles du Québec ou de l’Île-du-Prince-Édouard.

Le modèle de l’assurance-médicaments privée est fondé sur la capacité des personnes de payer de leur poche des frais remboursables et est principalement lié à l’assurance-médicaments offerte par l’employeur. Aucune de ces trois options ne crée l’équité, et aucune d’elles ne nous permettra, à nous, à nos familles et à nos voisins, de rester en santé, de participer pleinement à la vie de nos collectivités et d’atteindre notre plein potentiel.

Le plan visant à instaurer un régime d’assurance-médicaments universel, public et à payeur unique figure dans le rapport final du Conseil consultatif sur la mise en œuvre d’un régime national d’assurance-médicaments. Le projet de loi C-64 n’est peut-être pas parfait, mais c’est un pas dans la bonne direction. Nous avons besoin du projet de loi C-64 maintenant pour que nous puissions ensuite commencer à travailler à la mise en place d’un régime public et universel d’assurance-médicaments.

Nous ne pouvons pas laisser la perfection être l’ennemi du bien. Tout amendement au projet de loi augmentera considérablement le risque qu’aucun projet de loi sur l’assurance-médicaments ne soit adopté, et c’est pourquoi nous vous exhortons à adopter le projet de loi C-64 rapidement, sans amendement.

Merci. Je serai heureuse de répondre à vos questions.

La présidente : Merci, madame Vipond.

Nous allons passer aux questions. Chers collègues, vous aurez chacun quatre minutes pour poser votre question et entendre la réponse.

La sénatrice Seidman : Merci beaucoup de vos présentations aujourd’hui. Ma question s’adresse à M. Frank de l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes.

Monsieur Frank, vous avez présenté un mémoire, et vous y avez inclus des tableaux très intéressants. Si vous me le permettez, j’aimerais passer à la page 6, tableau 2, et vous demander de nous aider à comprendre exactement ce que ce tableau signifie.

Ce tableau s’intitule :

Analyse des coûts totaux couverts par les régimes de garanties au travail pour les médicaments, dispositifs et fournitures pour le traitement du diabète et les contraceptifs inscrits ou non sur la liste fédérale des médicaments

M. Frank : Je regarde le bon tableau, et il y en a deux. Dans l’un, nous faisons le calcul en fonction du nombre de demandeurs, dans l’autre, en fonction des coûts.

La sénatrice Seidman : « Analyse des coûts totaux couverts […] », mais oui.

M. Frank : Nous avons examiné les montants totaux que nous remboursions pour le diabète et les contraceptifs au Canada aujourd’hui, par province, et nous les avons comparés aux montants totaux que nous rembourserions si nous ne payions que pour les médicaments figurant sur la liste proposée par le gouvernement lorsqu’il a présenté le projet de loi C-64, et c’est cet écart que nous avons essayé de mettre en évidence.

Vous pouvez voir dans le tableau que l’écart est d’environ 2,3 milliards de dollars. Si vous regardez le nombre de demandeurs, vous pouvez aussi voir le nombre de Canadiens qui se font rembourser des médicaments aujourd’hui dans le cadre d’un régime. Comparez cela à ce qui serait couvert selon la liste préconisée par le gouvernement fédéral et vous verrez que 4 millions de Canadiens prennent aujourd’hui des médicaments qui ne seraient pas couverts par ce nouveau programme.

Cet écart est alarmant, et c’est une réalité avec laquelle nous devons composer.

Nous ne croyons pas que l’adoption de ce programme va combler les lacunes; nous pensons qu’elle va les accentuer, et nous nous demandons, à tout le moins, ce que ces 4 millions de Canadiens vont faire.

Nous avons déjà vécu cette situation avec l’Assurance-santé Plus. Nous savons ce qui se passe lorsque nous faisons passer les gens de leur régime privé à un régime public. Il faut communiquer et essayer de gérer cela. C’est un processus très difficile et très incertain, et nous craignons que vous ne finissiez par créer plus de problèmes que vous n’allez en régler.

Encore une fois, pour revenir à l’idée principale de notre proposition, et je crois que d’autres témoins vous ont dit la même chose aujourd’hui, à savoir que la meilleure approche consiste à cibler notre intervention là où elle est nécessaire et à permettre aux gens de conserver ce qui fonctionne extrêmement bien pour eux aujourd’hui. La grande majorité des Canadiens — la grande majorité — bénéficie d’une excellente couverture dans le cadre du système actuel.

La sénatrice Seidman : Merci. C’est utile.

Si je regarde le tableau, la dernière colonne, « Médicaments contre le diabète »...

M. Frank : Allez-y. Je dois m’assurer que je regarde la même chose.

La sénatrice Seidman : Il s’agit de la colonne « Produits non inscrits sur la liste fédérale (%) ». Je peux vous fournir le tableau. Voulez-vous que je vous donne le tableau?

M. Frank : J’ai deux tableaux ici. Donnez-moi le chiffre qui figure à cet endroit.

La sénatrice Seidman : C’est le tableau 2 de votre mémoire. À la ligne du haut, c’est écrit : « Médicaments contre le diabète »; « Coût total », 1,6 milliard de dollars; « Produits inscrits sur la liste fédérale », 252 millions de dollars; « Produits non inscrits sur la liste fédérale », 1,4 milliard de dollars; et, sous « Produits non inscrits sur la liste fédérale (%) », 85 %.

M. Frank : C’est exact. La liste qui a été présentée est extrêmement courte.

La sénatrice Seidman : Et cette liste a été incluse en annexe au projet de loi.

M. Frank : Oui, du projet de loi qui a été présenté. Si vous additionnez les contraceptifs et les médicaments contre le diabète, vous obtenez environ le tiers de ce qui est actuellement offert aux Canadiens. C’est un peu ce qui est en jeu ici. Si on arrondit, nous allons passer de 100 à 30 médicaments offerts aux Canadiens. Nous devons avoir la certitude que cela se traduira par un meilleur résultat. Je pense que c’est une proposition incertaine. Il est extrêmement risqué de s’engager dans cette voie. Je le répète, si nous voulons combler les lacunes et aider les gens qui ont besoin d’aide — et nous sommes tous d’accord là‑dessus —, nous pouvons cibler notre intervention sur ceux qui en ont besoin.

La sénatrice Osler : Je remercie les témoins de leur présence. Ma question s’adresse à l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes. Nous avons entendu des préoccupations au sujet du projet de loi C-64 et de cette première phase du régime national d’assurance-médicaments selon lesquelles les Canadiens bénéficiant d’un régime d’assurance privé pourraient perdre leur couverture pour ce qui est des médicaments contre le diabète et des contraceptifs. Vous avez cité le ministre de la Santé, qui a dit ce qui suit :

Dans le cadre de ce programme, le coût de ces médicaments sera payé et administré par le régime public, plutôt que par une combinaison de payeurs publics et privés.

Dans votre mémoire, vous signalez que le projet de loi C-64 n’interdit pas expressément aux Canadiens de souscrire des régimes d’assurance-médicaments complémentaires ou aux assureurs d’offrir de tels régimes. Rien dans le projet de loi C-64 n’oblige les assureurs privés à maintenir la couverture des médicaments contre le diabète et des contraceptifs.

Le ministre a donc déclaré publiquement que les gens ne perdront pas leur assurance privée pour ces catégories, mais, au bout du compte, ce sont les assureurs qui établiront ce qui est couvert et ce qui ne l’est pas.

Votre association ou des assureurs ont-ils eu des discussions ou conclu des ententes avec le gouvernement fédéral afin de garantir que les assureurs privés ne supprimeront pas la couverture des médicaments contre le diabète et des contraceptifs si un régime national d’assurance-médicaments est en place?

M. Frank : Je vous remercie de votre question. Je suis heureux d’avoir l’occasion d’apporter des précisions.

Les assureurs ne prennent pas ces décisions. Ce sont les employeurs qui prennent ces décisions. Je peux vous dire qu’à l’heure actuelle, nous recevons des questions d’employeurs qui demandent s’ils devraient exclure ces médicaments. Cela se fait déjà. Nous recevons des appels de conseillers qui nous demandent de les aider à comprendre comment ils doivent s’y prendre pour discuter de cette question.

Je vais vous donner un exemple : vous êtes un fabricant, un petit employeur à Kingston ou à Kelowna, et vous fabriquez des pneus. Vous avez 200 ou 300 employés, et ils bénéficient d’un régime d’assurance-médicaments. Vous prenez le journal et vous voyez que le gouvernement fédéral a annoncé qu’il couvrirait gratuitement les médicaments contre le diabète. Vous vous dites : « Excellent. Je n’ai plus besoin de le faire. » C’est la conversation que nous avons avec des dizaines de milliers d’employeurs. Ils se demandent s’ils devraient continuer de fournir une couverture.

Il s’agit d’un risque réel. Nous avons déjà connu cette situation. Les employeurs cesseront de fournir la couverture. Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour leur expliquer que ce programme est petit et limité et qu’il ne couvre que le tiers de ce qu’ils aident les gens à obtenir. Nous leur expliquons que ce n’est pas bon pour leurs employés. Nous leur expliquerons les risques. Cependant, de nombreux employeurs décideront que s’il y a un programme gouvernemental gratuit et que le ministre de la Santé a déclaré qu’il couvrait les médicaments contre le diabète, ils n’ont plus besoin de le faire. Nous avons déjà commencé à nous engager dans cette voie.

C’est très risqué, et nous mettons beaucoup de choses en jeu avec ce projet de loi. Encore une fois, je vais revenir à la meilleure façon de combler les lacunes existantes, c’est-à-dire cibler nos interventions là où elles sont nécessaires et laisser en place ce qui fonctionne bien pour les Canadiens à l’avenir. J’insiste sur le fait qu’il ne faut pas négliger le risque que les gens perdent autant qu’ils gagnent avec ce projet de loi. Nous en discutons déjà.

La présidente : Est-ce que, au Canada, lorsque les gouvernements interviennent, les employeurs retirent la couverture? Nous avons entendu, je crois, le témoignage ou une question au sujet de ce qui se passe dans d’autres administrations où l’assurance-médicaments est mise en œuvre. Les employeurs et les agents d’assurance ont-ils retiré la couverture ou ont-ils simplement modifié l’assurance afin qu’elle couvre d’autres médicaments?

M. Frank : Si vous êtes un employeur d’une entreprise de taille moyenne qui a du mal à joindre les deux bouts et qu’on vous dit qu’il existe un programme gratuit et que vous n’avez plus besoin de cotiser, c’est ce que vous allez faire. Je pense qu’il est très risqué de supposer qu’on va négocier ou amener l’employeur à réinvestir cet argent dans son régime d’avantages sociaux. Ce n’est pas notre expérience. Cela peut arriver dans certains cas, mais c’est un risque qu’il faut être prêt à prendre. Je demanderais au comité de bien réfléchir aux raisons pour lesquelles on voudrait ouvrir cette porte.

Si vous voulez combler les lacunes qui existent au Canada, faisons-le. Tout le monde est d’accord avec le résultat que nous essayons d’obtenir ici. Nous avons un point de vue fondamentalement différent sur la meilleure façon d’y arriver. L’introduction d’un modèle de payeur unique non éprouvé comporte de nombreux risques.

Le projet de loi fait deux pages. Pour l’instant, nous avons plus de questions que nous n’avons de réponses sur la façon dont les choses fonctionneront. Il n’est tout simplement pas prêt. Il faut y réfléchir davantage et le faire bien afin de ne pas perturber ce qui fonctionne pour les gens.

Mme Vipond : En ce qui concerne l’approche des employeurs, je crois qu’ils vont téléphoner à l’assureur pour savoir s’ils vont économiser de l’argent sur leur régime et qu’ils vont prendre une décision sur ce qu’ils vont faire de ces économies, c’est la raison pour laquelle nous voulons toujours la syndicalisation, parce que le fait d’avoir de nombreux régimes fiduciaires conjoints fait en sorte qu’on cherchera d’autres endroits où dépenser l’argent. C’est aussi la raison pour laquelle nous devrions élargir le programme, car les employeurs peuvent réaliser des économies s’ils n’assument pas le coût des médicaments auxquels les gens devraient avoir accès.

La sénatrice Moodie : Je remercie les témoins d’aujourd’hui. J’aimerais creuser un peu plus la question, car nous avons entendu quelque chose de très différent de la part des petites entreprises, à savoir qu’elles voient cela comme une occasion d’économiser de l’argent sur leurs régimes, mais aussi de renégocier ce qui est couvert.

Les détracteurs du projet de loi ont soulevé la question de ce que les compagnies d’assurance feront, mais je veux me concentrer davantage sur ce que feront les syndicats. Les gens, les entreprises et les syndicats négocient des régimes. Quelle sera votre réaction au projet de loi? Si les compagnies d’assurance modifiaient leur couverture en fonction du projet de loi, que répondriez-vous? Est-ce une occasion de négocier une meilleure couverture pour vos membres afin de l’étendre à d’autres catégories de médicaments qui ne sont pas couvertes dans le projet de loi C-64? Est-ce que c’est ce que vous voulez faire?

Mme Vipond : Absolument. Je pense que l’objectif des dépenses en soins de santé dans une situation d’emploi est de faire ce qu’il y a de mieux pour les employés. Si les employeurs réalisent des économies grâce à la couverture de ces catégories de médicaments et de dispositifs, il est certain qu’il faudra trouver la meilleure façon d’utiliser cet argent. Je suis persuadée que les compagnies d’assurance trouveront un moyen de vendre des assurances qui combleront les écarts par rapport à ce qui manque ou ce qui n’est pas offert, jusqu’à ce que nous étoffions le régime.

Cependant, la capacité de se pencher sur la santé des gens sans que ce soit une occasion financière ou un coût financier signifie que nous pouvons envisager d’élargir toutes ces autres choses. Les membres nous font part de leurs préoccupations constamment. Que ce soit parce que le montant couvert par leur régime est plafonné ou parce que la couverture de leur régime comporte des exceptions, il y a un coût. Les membres ne discutent donc pas de leurs besoins médicaux; ils discutent de leurs contraintes financières et de leur capacité d’obtenir les médicaments dont ils ont besoin.

C’est pourquoi il est si important de commencer par ces deux catégories. Nous pourrons voir comment le régime fonctionne, puis nous pourrons l’étoffer, car beaucoup de données probantes montrent partout dans le monde que ce sera une réussite.

La sénatrice Moodie : Madame Megyery, vous représentez la Chambre de commerce du Canada. Y a-t-il des compagnies d’assurance-maladie qui en font partie? Dites-nous franchement, il y a donc des petites et moyennes entreprises, mais il y a-t-il aussi des assureurs?

Mme Megyery : Oui.

La sénatrice Moodie : Merci. Ma question complémentaire est la suivante : pourquoi adoptez-vous une position qui protège les assureurs de soins de santé plutôt que les petites entreprises?

Mme Megyery : Pour les raisons que j’ai exposées. Pour les entreprises, dépenser pour la santé et la richesse de leurs employés et pour leur productivité est un investissement. Avoir un employé en congé d’invalidité ou en congé de maladie coûte très cher. Le remplacement de cette personne ou la recherche d’un moyen de la remplacer représente un coût énorme.

Donc, dans bien des cas, comme je l’ai mentionné dans mon exposé, ces régimes sont des moyens pour les employeurs d’attirer et de maintenir en poste des employés, mais aussi de veiller à ce qu’ils soient en bonne santé et productifs, ce qui contribue à la productivité de l’entreprise.

La sénatrice Pate : J’ai une question pour le Congrès du travail du Canada, puis une pour l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes.

Tout d’abord, un sondage commandé par la Coalition canadienne de la santé cet été a révélé que la majorité des électeurs de chaque province et territoire appuient le régime d’assurance-médicaments et que 8 personnes sur 10 sont en faveur de la collaboration entre les premiers ministres des provinces et des territoires et le gouvernement fédéral à l’élaboration d’un régime national.

Des groupes syndicaux du Québec se sont joints à la société civile pour appuyer le projet de loi C-64, malgré les préoccupations exprimées au Québec, en tant que première étape vers un régime d’assurance-médicaments national, universel et à payeur unique.

Si vous le pouvez, j’aimerais que vous nous en disiez davantage sur l’appui des électeurs dans les provinces et sur les raisons de cet appui et que vous nous disiez si la situation est semblable dans l’ensemble des provinces et des territoires. Ensuite, concernant l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes, 85 % des employeurs disent qu’ils aimeraient utiliser les économies réalisées grâce à un système d’assurance-médicaments à payeur unique pour offrir d’autres avantages pour la santé aux employés. Ma question est la suivante : quelles mesures votre organisation prévoit-elle prendre pour répondre aux employeurs et les appuyer, afin qu’ils aient la possibilité d’investir ces économies potentielles si le projet de loi C-64 est adopté? Par exemple, en plus de couvrir les médicaments contre le diabète ou les contraceptifs qui ne sont pas couverts par la couverture fédérale ou par une couverture supplémentaire d’autres médicaments, on pourrait passer à l’étape suivante en ajoutant des médicaments supplémentaires et en passant au système à payeur unique que prévoit le projet de loi C-64.

Nous entendrons d’abord Mme Vipond, puis M. Frank.

Mme Vipond : Je vous remercie de votre question. Oui, nous avons vu tous les sondages concernant la position des gens. L’une des choses dont nous sommes les plus fiers au Canada pour ce qui est de notre infrastructure publique, c’est notre système de soins de santé, et ce n’est que lorsque les gens doivent passer par là qu’ils apprennent les limites de ce système, et l’une d’entre elles est le manque d’accès aux médicaments pharmaceutiques, à moins d’avoir une couverture supplémentaire. Non seulement nous voyons les sondages, mais nous entendons les histoires des gens; j’ai la chance de pouvoir parler souvent aux gens. Ils disent : « Oh, cela réglerait tant de problèmes pour moi. » L’argent qu’ils dépensent sera dépensé ailleurs. Ils ne prendront pas de décisions en fonction des coûts, et c’est extrêmement important. Cela signifie également que nous prenons soin les uns des autres, et je pense que nous croyons fondamentalement que c’est une bonne chose à faire.

Cette discussion est importante. Et il est important d’examiner comment le projet de loi devrait être mis en œuvre et comment il sera étudié. C’est une étape très importante, mais plus nous tardons, plus le nombre de personnes qui attendent est grand. Pour elles, leur santé est importante. C’est leur priorité, et elles doivent pouvoir se procurer des médicaments abordables et accessibles. C’est pourquoi nous disons que c’est un très bon pas en avant, et que les gens sont enthousiastes et qu’ils attendent. C’est pourquoi nous essayons de faire bouger les choses.

M. Frank : Je vous remercie de votre question. J’aimerais parler des sondages, car c’est très intéressant. Si vous demandez aux Canadiens s’ils sont en faveur d’un régime d’assurance-médicaments, ils répondront oui. Si vous leur demandez s’ils sont en faveur du régime si cela signifie qu’ils vont perdre leur assurance privée, ils répondent en très grande majorité par la négative. Cet appui s’effondre complètement. Une fois que les Canadiens ont compris les compromis à faire, il n’y a plus d’appui au système à payeur unique. C’est clair, et nous sommes heureux de fournir des quantités abondantes de données à ce sujet.

En ce qui concerne les employeurs fournissant plus qu’ils ne le font aujourd’hui, le régime typique au Canada couvre actuellement 13 000 médicaments. Le régime public le plus généreux du pays en couvre 8 000. Nous couvrons déjà tout.

Vingt-sept millions de Canadiens bénéficient déjà d’une excellente couverture. La très grande majorité d’entre eux en sont contents; ils ne veulent pas qu’elle soit mise en péril. Le projet de loi la met en péril. Nous devons être honnêtes avec eux à ce sujet. Nous devons être honnêtes avec nous-mêmes à ce sujet.

Le projet de loi soulève de nombreuses questions auxquelles nous ne pouvons pas répondre. Il n’est tout simplement pas prêt. Il doit faire l’objet d’un examen plus approfondi. Il a été précipité. Il est impossible de le lire et d’en comprendre les conséquences.

La sénatrice LaBoucane-Benson : Je viens du secteur sans but lucratif, et il y a des milliers d’organisations sans but lucratif. Je me suis assise à la table des négociations avec nos compagnies d’assurance concernant les médicaments qui figuraient sur la liste. Il s’agissait d’une organisation autochtone, et le diabète était donc un problème particulièrement important.

J’ai du mal à accepter la façon dont vous présentez l’argument, car je sais qu’on examine la liste médicament par médicament. On négocie les médicaments accessibles.

Si j’étais encore à cette table et que ces médicaments devenaient gratuits grâce à un système à payeur unique, nous essaierions de mettre d’autres médicaments à la disposition de nos gens parce que nous entendons constamment des gens parler de choses qui ne sont pas couvertes. Ces programmes d’assurance coûtent très cher. Ils ne sont pas gratuits. L’organisation sans but lucratif les paie, puis l’employé les paie. Souvent, les employés ont l’impression qu’ils n’en ont pas pour leur argent parce que leur médicament particulier n’est pas couvert.

Avez-vous des preuves qui nous montrent qu’en fait, les gens ne négocieraient pas simplement d’autres médicaments contre le diabète? Personne ne croirait que tous les médicaments contre le diabète sont couverts. Nous regarderions la liste et nous dirions : « C’est fantastique. C’est maintenant couvert. Nous voulons l’inclure dans notre régime; combien cela coûtera-t-il? » Il me semble que des Canadiens intelligents responsables de ces régimes s’assoiraient et négocieraient. Quelles preuves avez‑vous que cela ne se produirait pas?

M. Frank : Vous décrivez une grande organisation qui dispose des ressources nécessaires pour effectuer ce genre d’analyse. Au Canada, 120 000 employeurs offrent des avantages sociaux. La grande majorité des entreprises sont très petites. Elles peuvent compter 50 ou 100 employés. Ils ne remplissent pas de formulaire, ils n’examinent pas les médicaments et ils ne négocient pas avec leur employeur. Ils acceptent un forfait qui est offert. Lorsqu’ils entendent dire qu’un nouveau programme fédéral couvrira les médicaments contre le diabète pour tous les Canadiens, ils se disent : « Je n’ai plus à faire cela. » Nous avons ces discussions aujourd’hui. Ils n’auront pas le degré de connaissance nécessaire.

Il est dans notre intérêt de les garder de la partie. Nous nous assoyons avec eux et nous essayons d’expliquer toutes les raisons pour lesquelles il n’est pas dans leur intérêt de faire cotiser leurs employés à ce programme fédéral. Nous y consacrerons énormément de temps et d’efforts. Cependant, un certain pourcentage d’entre eux décideront quand même de l’abandonner, et ce dès cette année. En 2025, nous aurons de nouveau la même discussion. Puis, en 2026, nous aurons encore la même discussion. Si la vision proposée par le Congrès du travail du Canada est élargie pour couvrir tous les médicaments, nous aurons cette conversation au sujet de 15 000 médicaments.

Je pense qu’il est très risqué de croire qu’en fin de compte, les employeurs contribueront autant qu’ils le font, et ce n’est pas ce que nous avons constaté. Comme je l’ai dit, nous recevons déjà des appels d’employeurs qui nous demandent ce qu’ils devraient faire. Nous essayons de repousser cette éventualité, mais c’est un risque réel. Rien que pour le diabète et les contraceptifs, quatre millions de personnes prennent aujourd’hui des médicaments qui ne figurent pas sur cette liste. Des gens demandent ce qu’ils vont faire demain si le projet de loi est adopté. Nous ne pouvons pas répondre à cette question. Nous ne pouvons pas lire le projet de loi et le comprendre assez bien pour vraiment savoir ce qu’il en est.

Nous sommes tous d’accord sur l’objectif : fournir à chacun les médicaments dont il a besoin. Je pense que tous les témoins que vous avez entendus vous ont dit que le projet de loi est opaque, incertain, non défini et dépourvu de pouvoir de réglementation. Il n’est pas prêt. Il faut prendre le temps de bien faire les choses afin de ne pas mettre toutes ces choses en péril.

Je pense que c’est le point essentiel. Nous travaillerons avec n’importe qui pour combler les lacunes et améliorer le système, mais le projet de loi ne le fait pas.

La sénatrice Petitclerc : J’ai une brève question complémentaire. Je me concentre sur les clients et les patients canadiens. Je simplifie peut-être, mais j’ai besoin d’éclaircissements.

Si une personne, grâce au projet de loi, a accès à une liste — disons de médicaments contre le diabète — et qu’elle ne le veut peut-être pas, mais qu’elle est également couverte par une assurance, je crois comprendre qu’elle aura accès à ce qui est couvert par l’assurance.

C’est ce que je pense. Pourquoi l’assurance ne fournirait-elle pas ce qui ne figure pas sur la liste? C’est la question que je me pose. Quelle serait la valeur d’un assureur qui ne couvrirait pas ce qui ne figure pas sur la liste?

M. Frank : Je pense qu’il y a deux points. Premièrement, à la lecture du projet de loi, et surtout à la lumière des commentaires que le ministre a faits dans sa lettre d’aujourd’hui, nous nous posons des questions sur notre capacité de faire les choses. Ce sont des questions qui nous concernent. Lorsqu’on lit l’ensemble du projet de loi, on constate qu’il comporte des risques que nous ne comprenons pas. C’est un point sur lequel nous avons besoin de conseils avant de pouvoir être confiants.

Deuxièmement, les assureurs veulent offrir une couverture globale. Notre objectif serait de continuer à donner accès à tous les médicaments. La question est de savoir si les employeurs voudront le faire. Je suis ici pour vous dire de ne pas supposer que les petites entreprises du Canada estimeront qu’elles continuent de jouer un rôle dans l’accès à ces médicaments. Bon nombre d’employeurs décideront que ce n’est pas le cas parce qu’ils liront dans les journaux que le gouvernement fédéral paie maintenant les médicaments contre le diabète, et nous allons travailler fort pour les convaincre que le programme fédéral n’est pas solide. Il n’est pas assez vaste, il n’est pas assez vaste et il est préférable que les employeurs continuent d’offrir leur régime privé. Bon nombre d’entre eux accepteront de le faire, d’autres pas, et nous devrons en débattre chaque année.

Au fur et à mesure que le programme prend de l’expansion, ce qui, selon la loi, sera obligatoire d’ici un an, on pourrait éventuellement commencer à devoir discuter de centaines ou de milliers de médicaments. La vision d’un modèle à payeur unique poussera les employeurs à s’écarter de ce système. La couverture de 27 millions de personnes passera de 13 000 à, disons, 5 000 ou 6 000 médicaments. C’est ainsi que les choses se passent.

Nous pensons que cette lacune n’a pas été éprouvée. Nous ne pensons pas qu’il soit judicieux de procéder de la sorte, et il faut étudier la question beaucoup plus attentivement avant de s’engager dans cette voie.

La sénatrice Petitclerc : Voulez-vous ajouter quelque chose, madame Vipond?

Mme Vipond : Nous sommes ici pour parler de la santé des gens, et le plus gros problème, ce sont les employeurs et les compagnies d’assurance qui décident de la façon de procéder. Je ne suis pas certaine que ce soit eux qui devraient prendre cette décision.

Il s’agit essentiellement d’avoir un bon système de soins de santé qui permette aux gens d’être en bonne santé. Le projet de loi, à l’avenir, couvrira cela.

Comme je l’ai dit, je suis convaincue que les compagnies d’assurance vendront de l’assurance et détermineront à quoi cela ressemblera. En tant que représentants des travailleurs, nous veillerons à ce qu’ils bénéficient de ce qu’il y a de mieux dans leur milieu de travail, mais ils ne devraient pas être redevables à un milieu de travail en raison de leur couverture en matière de santé. Ils ne devraient pas être assujettis à des décisions relatives à leur santé fondées uniquement sur les finances. Je pense que nous devons revenir sur ce point en tant que collectivité, en tant que Canadiens; il devrait s’agir de décisions médicales, et non pas de décisions financières. C’est ainsi que nous serons le mieux placés pour aller de l’avant.

Nous nous présenterons à la table de négociation afin de déterminer ce que les gens devraient faire de l’argent qu’ils récupèrent, et nous ferons de notre mieux pour les travailleurs.

La présidente : Madame Megyery, veuillez répondre brièvement. Vous représentez des employeurs. On parle d’employeurs qui abandonnent leur régime et cessent tout simplement d’offrir une assurance-médicaments. Que vous disent vos membres? Le feront-ils?

Mme Megyery : Le pays compte 400 chambres de commerce. Nous avons téléphoné à bon nombre d’entre elles il y a quelques semaines, et leurs représentants sont très préoccupés par l’incertitude qui entoure le projet de loi. Ils ne savent pas s’ils peuvent encore maintenir des régimes privés. Ce n’est pas clair. Ce n’est pas ce que dit le projet de loi.

Leur préoccupation rejoint tout à fait ce que M. Frank vient de dire, à savoir que cela soulève trop de questions. Ils sont très nerveux. Ce que leurs collectivités et leurs membres de partout au Canada leur disent, c’est qu’il y a trop de questions soulevées par le projet de loi et trop peu d’information sur ce que pourraient être les prochaines étapes. Quelles sont les prochaines catégories thérapeutiques? Comment cela se passerait-il? La décision revient-elle au ministre? Il y a trop d’incertitude dans le projet de loi.

La sénatrice Pate : Je me demande comment vous conciliez cela avec le fait qu’en Colombie-Britannique, il y a déjà un protocole d’entente. Malgré ces craintes que la couverture des médicaments fasse en sorte que les gens en abandonneront d’autres, il y a eu un protocole d’entente très clair selon lequel lorsque les contraceptifs sont couverts, les fonds fédéraux seront utilisés pour financer le traitement hormonal substitutif, ou THS. Il y a un protocole d’entente concernant la recherche sur les maladies rares. Cela va donc à l’encontre de ce que vous dites… que, en fait, les gens seront abandonnés. Au contraire, cela montre que des discussions de rechange auront lieu dans différentes administrations, selon la nature des ententes.

J’aimerais que chacun d’entre vous apporte des éclaircissements. Madame Vipond, si vous voulez aussi nous dire où vous voyez les risques que les gens se retrouvent aux prises avec ce fardeau administratif ou risquent de perdre l’accès aux médicaments qu’ils utilisent actuellement, alors que des négociations déjà entamées dans le cadre d’un protocole d’entente public montrent exactement le contraire et n’alimentent pas cette crainte.

M. Frank : Ce protocole d’entente n’a pas encore été signé, et ce programme n’est pas encore effectif. On a annoncé l’intention de le faire si le projet de loi est adopté. Ce genre d’annonce suscite des questions de la part des employeurs que nous recevons aujourd’hui. Il est donc faux de laisser entendre qu’il n’y a pas eu de répercussions.

Les employeurs se demandent déjà ce qu’ils doivent faire. Comme ce protocole d’entente a déjà été élargi au-delà des contraceptifs et des médicaments contre le diabète afin d’inclure d’autres catégories, il prend déjà de l’ampleur. Cela crée plus d’incertitude. Les employeurs posent encore plus de questions.

Pour reprendre les propos de Mme Megyery, il y a beaucoup d’incertitude qui entoure le projet de loi. Il s’agit d’un système parfaitement adapté. Nous délivrons six ordonnances par seconde en temps réel au Canada. Les gens vont à la pharmacie, et ils s’attendent à recevoir leurs médicaments.

Il est extrêmement risqué de s’engager dans cette voie avant d’y avoir réfléchi. Nous savons ce qui va se passer. Nous comprenons les règles. Le projet de loi ne nous permet pas de le faire.

La sénatrice Seidman : J’aimerais revenir au premier jour où de nos délibérations. Nous avons entendu le ministre dans le premier groupe de témoins, puis le directeur parlementaire du budget dans le deuxième. Il nous a exposé des points de vue très intéressants qui correspondent tout à fait à ce que vous dites.

Pour revenir aux transcriptions de ce jour-là, je lui ai demandé :

Pensez-vous que le marché inciterait les assureurs privés à réduire ou à supprimer la couverture des médicaments qui seraient couverts par un régime public universel?

Lorsque je l’ai poussé à en dire davantage, il a répondu :

Tout à fait. Si le gouvernement offre un régime qui couvre 100 % des médicaments d’ordonnance pour le diabète et les contraceptifs, alors que les régimes privés doivent supporter ces coûts, il est évident qu’ils seront tentés de dire qu’ils suppriment cette couverture dans le cadre de négociations collectives […]

Je lui ai posé la question encore une fois : « Dans votre évaluation des coûts, vous nous avez dit qu’il est tentant pour les assureurs privés de supprimer leur couverture. »

Il a répondu :

Si l’on veut limiter la possibilité pour les régimes privés et les régimes publics de se délester de ces coûts sur le dos des provinces, il faut rédiger un projet de loi ou un règlement qui oblige à s’adresser d’abord à son assureur privé ou à sa province. Les autorités fédérales ne couvriraient alors que le reste.

Il a ensuite dit qu’il était possible :

[…] qu’une compagnie d’assurance astucieuse se dise : « Écoutez, il y a un payeur aux poches pleines. » Puis elle supprime discrètement une partie de la couverture pour le diabète et les contraceptifs, non pas — et vlan! — le jour même de la sanction royale du projet de loi, mais progressivement au fil du temps.

Il a parlé d’un changement, et je crois que c’est ce dont vous avez parlé, monsieur Frank.

Je suppose que je pourrais vous demander de commenter le témoignage du directeur parlementaire du budget, qui, à mon avis, est tout à fait crédible.

M. Frank : Je pense qu’il soulève exactement les bonnes préoccupations.

Mme Megyery a évoqué le Régime de soins dentaires du Canada. Lorsque ce programme a été conçu, il a été soigneusement pensé en vue de protéger la structure incitative afin que les employeurs et les provinces n’abandonnent pas ce qu’ils offrent déjà. Les gens doivent attester qu’ils ne sont pas couverts. Il y a des règles, des exigences et des règlements à cet égard. Il a été conçu pour être un second payeur.

Le régime dont nous discutons ne bénéficie d’aucune de ces protections. En fait, il est conçu pour offrir une couverture universelle à payeur unique au premier dollar. Il est conçu pour nous exclure. Il ne faut donc pas s’étonner que ce soit le cas. C’est ce qui pourrait découler du projet de loi.

La sénatrice Moodie : Monsieur Frank, je vais vous donner l’occasion de répondre à ma question. Comme vous venez d’une industrie qui dispose d’un mécanisme parfaitement réglé, vous pouvez me dire le nombre exact d’ordonnances par minute. Combien d’argent votre industrie risque-t-elle de perdre si ce projet de loi est adopté sans amendement; vos membres ont-ils un intérêt financier à proposer les amendements que vous avez présentés?

M. Frank : Nous pouvons essayer de déterminer quelles seraient les répercussions financières. C’est un système très compliqué, et je ne connais donc pas ces données par cœur.

Nous examinons la question du point de vue des patients. Nous sondons nos clients tous les jours et nous leur demandons ce qu’ils veulent. Nos clients me disent qu’ils ne veulent pas que ce qu’ils ont aujourd’hui soit perturbé. La grande majorité d’entre eux ne veulent pas de cela. Ils aiment ce qu’ils ont. Ils obtiennent tout ce qu’ils demandent et tout ce dont ils ont besoin, et ils ne veulent pas que cela soit perturbé. Ils veulent aider les gens qui en ont besoin. Encore une fois, nous pouvons fournir beaucoup de preuves à l’appui. Les Canadiens ne veulent pas d’un régime d’assurance-médicaments à payeur unique.

La sénatrice McBean : J’ai l’impression d’être la cerise, mais j’aurais dû être au milieu.

Je reviens au tableau à propos duquel la sénatrice Seidman vous a posé des questions, et je rejoins également la question de la sénatrice LaBoucane-Benson. Je suis nouvelle ici. Je suis une invitée, mais j’ai l’impression qu’il ne s’agit pas de la plupart ou de la totalité des médicaments contre le diabète, et votre tableau indique peut-être qu’il ne s’agit que de quelques-uns d’entre eux. Vous dites qu’il y a un écart énorme entre les médicaments qui sont actuellement couverts et ceux qui le seraient. Je n’ai pas le tableau, mais ce n’est pas grave. Je n’en ai pas besoin.

Je me demande si ce tableau, qui indique le montant des médicaments qui sont actuellement couverts par rapport au montant de ceux de la liste qui seraient couverts, englobe réellement la majorité des utilisateurs. Est-ce que cela inclut la plupart des utilisateurs, et ce n’est que les médicaments rares et coûteux qui sont exclus, ou…?

M. Frank : C’est une bonne question. C’est dans l’annexe de notre mémoire, l’annexe A. C’est probablement le meilleur tableau. Il s’agit du nombre de demandeurs, du nombre de personnes, et vous pouvez voir que ce régime ne couvre qu’environ… eh bien, il y a environ 4 millions de personnes qui prennent actuellement un médicament qui ne figure pas sur cette liste.

La sénatrice McBean : Et combien y en a-t-il sur la liste?

M. Frank : Elle ne couvre qu’environ 30 %, soit moins de la moitié. Moins de la moitié des gens prennent des médicaments qui seraient couverts par ce nouveau régime.

Je répète que les régimes privés couvrent 13 000 médicaments au total.

La sénatrice McBean : Limitons-nous aux médicaments contre le diabète.

M. Frank : Je n’ai pas les chiffres concernant les médicaments, mais moins de la moitié des gens seraient couverts par le programme fédéral. C’est environ 52 % qui ne figurent pas sur la liste.

La sénatrice McBean : Merci.

La présidente : Madame Vipond, dans la dernière minute, souhaitez-vous répondre?

Mme Vipond : J’ai entendu dire que 48 % des gens seraient couverts pour leurs médicaments contre le diabète et leurs dispositifs connexes, et c’est un bon début pour aider les gens.

Je dirais que c’est un bon projet de loi. Il doit en faire plus, et nous ne le nions pas. En l’adoptant, nous pourrons nous assurer que nous sommes sur la bonne voie pour prendre soin de la santé des gens, et nous en ressentirons tous les bienfaits. Donc, je le répète, nous encourageons l’adoption rapide de ce projet de loi afin que les provinces puissent conclure des accords bilatéraux et profiter des occasions qui s’offrent à elles pour concevoir ces accords et que nous puissions aller de l’avant.

La présidente : Merci, madame Vipond. Chers collègues, cela nous amène à la fin de cette table ronde. Je remercie nos témoins de nous avoir fait part de leurs points de vue et de leurs connaissances.

Honorables sénateurs, nous procéderons demain à l’étude article par article à notre réunion de 11 h 30. J’aimerais rappeler à tous les membres du comité que s’ils ont l’intention de proposer des amendements ou des observations à la réunion de demain, ils doivent les transmettre à la greffière avant la réunion et, si possible, à leurs collègues, dans les deux langues officielles.

(La séance est levée.)

Haut de page