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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 24 octobre 2024

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd’hui, à 11 h 30 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi C-284, Loi prévoyant l’élaboration d’une stratégie nationale sur les soins oculaires.

La sénatrice Ratna Omidvar (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente : Je m’appelle Ratna Omidvar et je suis une sénatrice de l’Ontario.

[Traduction]

Je suis la présidente de ce comité.

Aujourd’hui, nous poursuivons notre étude du projet de loi C-284, Loi prévoyant l’élaboration d’une stratégie nationale sur les soins oculaires.

Avant de commencer, j’aimerais faire un tour de table pour que nos témoins et notre public sachent qui nous sommes, en commençant par la vice-présidente du comité, la sénatrice Jane Cordy.

La sénatrice Cordy : Je m’appelle Jane Cordy. Je suis sénatrice de la Nouvelle-Écosse. Je vous souhaite la bienvenue.

La sénatrice Osler : Flordeliz « Gigi » Osler, sénatrice du Manitoba.

[Français]

Le sénateur Cormier : René Cormier, du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

La sénatrice Bernard : Wanda Thomas Bernard, sénatrice de la Nouvelle-Écosse, territoire des Mi’kmaqs.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

[Français]

La sénatrice Mégie : Marie-Françoise Mégie, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Dasko : Donna Dasko, sénatrice de l’Ontario.

[Français]

Le sénateur Boudreau : Victor Boudreau, du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

La présidente : Merci beaucoup, chers collègues. Pour le premier groupe de témoins, nous accueillons aujourd’hui en personne Mme Elizabeth Toller, directrice générale, Direction des stratégies de soins de santé, Direction générale des politiques de santé, Santé Canada.

Je vous remercie de vous être jointe à nous aujourd’hui. Nous commencerons par les remarques préliminaires de Mme Toller. Vous disposerez de cinq minutes pour votre déclaration d’ouverture, qui sera suivie des questions de mes collègues. Madame Toller, vous avez la parole.

Elizabeth Toller, directrice générale, Direction des stratégies de soins de santé, Direction générale des politiques de santé, Santé Canada : Bonjour à tous. Je vous remercie de me donner l’occasion de comparaître devant vous aujourd’hui. Je dois admettre que c’est la première fois que je me présente devant un comité parlementaire, et je suis heureuse que ce soit ce comité, ici au Sénat, qui est, si j’ai bien compris, un comité convivial. Je vous remercie donc de m’accueillir.

Je suis ici aujourd’hui pour vous présenter la perspective de Santé Canada et du gouvernement du Canada en matière de santé oculaire et de soins de la vue. Je vais commencer par une petite mise en contexte — je crois que vous avez déjà entendu le parrain du projet de loi hier soir, alors je ne rentrerai pas trop dans les détails —, puis je vous donnerai une idée de la façon dont Santé Canada soutient les soins de santé et les soins oculaires dans l’ensemble.

[Français]

Plus de huit millions de personnes sont atteintes de l’une des quatre maladies oculaires courantes et risquent sérieusement de perdre la vue. La perte de vision peut gravement affecter la qualité de vie et l’indépendance d’une personne.

Lorsque les Canadiens ont accès aux soins de la vue, ils peuvent en bénéficier à tous les stades de leur vie. Une bonne vision est particulièrement importante pour le développement des jeunes enfants et elle facilite de nombreuses activités de la vie quotidienne. Avec l’âge, le maintien d’une bonne santé oculaire réduit les risques de cécité et de perte de vision et améliore les résultats liés aux maladies oculaires comme la cataracte et le glaucome.

[Traduction]

La perte de vision évitable peut avoir des conséquences importantes sur notre système de santé, notamment une augmentation des coûts des soins de santé et une perte de productivité.

Nous savons que la pandémie de COVID-19 a exacerbé le problème de la perte de vision au Canada. Un plus grand nombre de personnes ont subi une perte de vision en raison d’examens ou de traitements ophtalmologiques manqués ou reportés, et les temps d’attente pour les chirurgies liées à la vision ont également augmenté.

Comme vous le savez, les provinces et les territoires sont les principaux responsables de l’administration et de la prestation des services de santé. Cependant, le gouvernement fédéral a un rôle important à jouer dans le soutien à la santé et aux soins de santé par le biais de la législation, du pouvoir d’achat, de la recherche et de la réglementation. Le portefeuille fédéral de la Santé s’est engagé à prévenir et à traiter les maladies oculaires et à collaborer avec les provinces et les territoires pour renforcer le système de santé public du Canada, qui couvre les services de soins de la vue dispensés par des médecins agréés et dans les hôpitaux.

Le Programme des services de santé non assurés de Services aux Autochtones Canada offre également une couverture pour les soins de la vue, y compris les examens de la vue et les lunettes, aux clients autochtones admissibles qui ne sont pas couverts par d’autres régimes d’assurance.

[Français]

Quant au système de santé dans son ensemble, le gouvernement du Canada a investi d’importantes sommes dans le système de soins de santé afin d’aider les provinces et les territoires à fournir de meilleurs soins aux Canadiens, ce qui peut comprendre les soins de la vue. Par exemple, en réaction à d’importantes pénuries de personnel dans le milieu de la santé et à des retards dans les opérations chirurgicales, y compris les opérations liées à la vision, le gouvernement a fourni en 2023 un complément unique de 2 milliards de dollars aux provinces et aux territoires pour répondre aux pressions urgentes dans les salles d’urgence, les salles d’opération et les hôpitaux pédiatriques.

[Traduction]

Le budget fédéral de 2024 a également reconfirmé près de 200 milliards de dollars sur 10 ans pour le financement de la santé dans le cadre du plan Travailler ensemble pour améliorer les soins de santé pour les Canadiens. Cette somme comprend plus de 46 milliards de dollars de fonds nouveaux pour les provinces et les territoires, dont 25 milliards ont été réservés pour répondre à quatre priorités communes en matière de santé. Il y a l’élargissement de l’accès aux services de santé familiale, y compris dans les zones rurales et éloignées, le soutien aux travailleurs de la santé pour réduire les arriérés, l’amélioration de l’accès à des services de qualité en matière de santé mentale et de toxicomanie, et la modernisation du système de santé avec des données de santé normalisées et des outils numériques.

Ces investissements peuvent être utilisés par les provinces et les territoires pour renforcer la capacité de leurs systèmes de santé et contribuer à résoudre les problèmes liés aux soins oculaires, tels que les lacunes dans les effectifs d’ophtalmologistes.

Le gouvernement du Canada reconnaît également que le soutien à la recherche est essentiel pour une compréhension poussée de la santé oculaire, y compris de la manière de prévenir la perte de vision.

Depuis 2018, les Instituts de recherche en santé du Canada ont investi environ 61 millions de dollars dans la recherche sur la vision, qui couvre le champ de la prévention, du diagnostic, du traitement et de la gestion de diverses conditions liées à la vision.

En outre, Santé Canada réglemente les médicaments et les dispositifs médicaux, y compris ceux destinés aux maladies et aux troubles oculaires. Lorsque c’est justifié, Santé Canada dispose de procédures d’examen accélérées qui peuvent être utilisées pour avoir un accès plus rapide aux produits de santé qui traitent, préviennent ou diagnostiquent des maladies et des conditions graves ou mettant en jeu le pronostic vital.

Santé Canada travaille également en étroite collaboration avec les principaux intervenants afin de repérer et d’atténuer les pénuries graves de produits ophtalmiques lorsqu’elles se produisent.

[Français]

En résumé, je tiens à réaffirmer que le gouvernement du Canada s’est engagé à prévenir et à traiter les maladies oculaires et que c’est une parmi bien d’autres mesures qu’il prend pour aider les provinces et les territoires à fournir des soins de santé. S’il est adopté, le projet de loi C-284 d’initiative parlementaire chargera Santé Canada de s’appuyer sur les efforts existants en réunissant les provinces, les territoires, les communautés autochtones et les intervenants pour élaborer une stratégie nationale pour les soins oculaires afin de soutenir la prévention et le traitement des maladies oculaires et d’assurer de meilleurs résultats en matière de santé pour les Canadiens.

[Traduction]

Je vous remercie encore. Je répondrai volontiers à vos questions.

La présidente : Merci beaucoup, madame Toller. Nous allons passer aux questions.

La sénatrice Cordy : Merci beaucoup d’être venus témoigner devant notre comité et d’avoir expliqué une grande partie des activités du ministère. C’est très utile. Ce projet de loi prévoit la coordination et l’échange d’informations entre les gouvernements fédéral et provinciaux. Vous en avez parlé vers la fin de votre déclaration d’ouverture, à savoir de la compétence de la province et du gouvernement fédéral. Ce projet de loi prévoit la coordination et l’échange d’informations. Je sais que dans le domaine de la santé, on se demande toujours ceci : s’agit‑il d’une affaire provinciale, fédérale ou territoriale, ou d’une question liée aux populations autochtones? Comment fonctionnerait ce projet de loi, s’il était adopté tel quel? Comment ferait-on pour assurer une certaine homogénéité?

Mme Toller : Je remercie la sénatrice de sa question. Comme je l’ai mentionné dans mes remarques préliminaires, il incombe bel et bien aux provinces et aux territoires de fournir des soins de santé, mais il n’est pas inhabituel que Santé Canada ou les membres du portefeuille de la Santé soutiennent les soins de santé et les provinces et les territoires à l’aide de nos différents leviers, qu’il s’agisse de la législation, du pouvoir de dépenser, de la recherche ou de la réglementation.

Mais l’un des outils les plus efficaces dont nous disposons est notre pouvoir de mobilisation des ressources. Il n’est pas rare que le portefeuille de la Santé collabore avec les provinces et les territoires pour élaborer des stratégies nationales.

Voici quelques exemples récents. Il y a une stratégie sur le diabète ou un cadre pour les soins palliatifs, où nous réunissons les provinces, les territoires, les populations autochtones et les parties prenantes pour élaborer un cadre commun avec une même vision et des principes directeurs, des priorités et un plan d’action, ce qui peut ensuite conduire à une action collective. Le rôle du gouvernement fédéral est de coordonner cette action et de réunir tous les acteurs concernés afin de faciliter le partage des informations et de réduire les doubles emplois.

La sénatrice Cordy : Il s’agit de quelque chose qui se fait — j’utiliserai le terme « régulièrement » —, mais est-ce quelque chose que le ministère fait assez fréquemment?

Mme Toller : Oui. Nous entretenons des relations très étroites avec les provinces et les territoires. Nous avons toutes sortes de discussions officielles et de groupes de travail et nous facilitons l’échange d’informations.

La sénatrice Cordy : Je vous remercie.

La présidente : Madame Toller, si vous me permettez de poser une question, j’espère vraiment que vous sortirez de cette expérience avec le désir de revenir à notre comité. Nous sommes, en effet, un excellent comité devant lequel témoigner.

Si vous faites ce que vous dites faire — parler constamment aux provinces et vous concentrer sur les aspects des soins oculaires —, pourquoi une stratégie est-elle nécessaire?

Mme Toller : C’est une excellente question. Il faut parfois entendre les différentes parties prenantes pour comprendre que certaines questions ne reçoivent pas l’attention qu’elles méritent. Je pense donc que l’intérêt d’une stratégie est de pouvoir rassembler tous les acteurs concernés afin qu’ils aient une compréhension commune des problèmes et qu’ils travaillent ensemble pour trouver des solutions communes dans l’objectif qu’on s’intéresse davantage au dossier.

La présidente : Je vous remercie.

La sénatrice Seidman : Merci beaucoup d’être avec nous. Je vais poursuivre sur la même veine que ma collègue au sujet des questions de compétence. En tant que comité, nous traitons très souvent des projets de loi et des enjeux sur la santé et, immanquablement, les questions de compétence nous frappent de plein fouet. Les représentants des provinces nous répètent sans cesse qu’il s’agit de leur compétence. C’est donc très compliqué, et je suis sûre que même s’il s’agit de développer une stratégie, des résultats sont requis ou attendus, ce qui signifierait alors une certaine forme de relation avec les provinces. J’ai trouvé intéressant que vous disiez qu’il existe déjà une certaine forme de relation avec les provinces et les territoires en matière de soins oculaires, et je pense que vous avez même parlé de l’utilisation d’argent à cet effet.

Ma question est la suivante : quel type de coordination et d’échange d’informations existe actuellement avec les provinces? Le financement des soins ophtalmologiques est-il actuellement ciblé et balisé dans le budget?

Mme Toller : La collaboration et le partage d’informations que Santé Canada effectue actuellement se situent à un niveau plus élevé et ne sont donc pas nécessairement liés aux soins ophtalmologiques. Pour commencer à répondre à votre question sur le financement, comme je l’ai décrit dans mes remarques préliminaires, nous avons fourni un investissement important dans les soins de santé. Les provinces et les territoires pouvaient ensuite choisir parmi quatre priorités communes en matière de santé dans lesquelles ils souhaitaient investir leur argent. Je vous rappelle qu’il s’agit d’améliorer l’accès aux soins primaires, y compris dans les zones urbaines et reculées. C’est là que l’on peut également trouver des soins de la vue.

La sénatrice Seidman : Excusez-moi. Je ne veux pas vous interrompre, mais mon temps est limité. Il n’y a donc rien de précisé ou de ciblé pour l’instant en ce qui concerne les soins de la vue.

Mme Toller : Non, il n’y a rien.

La sénatrice Seidman : Par ailleurs, j’ai une autre question : les provinces doivent-elles vous rendre compte de la manière dont elles dépensent l’argent?

Mme Toller : Oui, c’est le cas. Il existe un mécanisme de responsabilité et de transparence très solide dans le cadre du plan Travailler ensemble pour améliorer les soins de santé au Canada. Dans le cadre de ce plan, toutes les provinces et tous les territoires se sont engagés à mieux collecter, utiliser et partager les données sur la santé, et à transmettre ces données à l’Institut canadien d’information sur la santé, ou ICIS, qui élabore, en consultation avec les provinces, les territoires et les parties prenantes, un ensemble d’indicateurs communs auxquels les données sur la santé sont comparées.

Aujourd’hui même, l’ICIS a publié un rapport qui constitue une sorte de référence pour les années à venir, afin de mesurer les progrès réalisés en matière d’investissements et de communiquer de manière transparente aux Canadiens les progrès accomplis.

La sénatrice Seidman : Je répète qu’un des enjeux continus qui semblent très évidents au comité dans toutes les études que nous avons menées, c’est le manque de données cohérentes entre les provinces et territoires, puis leur communication — ou même leur volonté de communiquer les données — au gouvernement fédéral. Je sais que l’ICIS participe à ces travaux. Êtes-vous en train de nous dire qu’en fait, il existe un meilleur système pour recueillir les données, une méthode plus systématique et normalisée dans les provinces, et qu’elles les communiquent bel et bien?

Mme Toller : Ce que je vous dis, c’est que nous faisons de grands progrès et améliorons la façon dont nous recueillons et communiquons les données sur la santé. En fait, les engagements que je vous ai mentionnés en matière de communication des données à l’ICIS en fonction d’indicateurs communs sont bien plus vastes. Les provinces et territoires cherchent aussi à adopter des normes d’interopérabilité communes pour soutenir la normalisation et le flux des données, harmoniser leurs cadres stratégiques et les propulser dans l’ère numérique, ainsi qu’aider à changer la culture afin d’avoir une approche efficace en matière d’administration et de communication des données dans l’intérêt public, tout en renforçant la confiance et le niveau de connaissance de la population relativement aux données sur la santé.

Ce sont certains des engagements clés relatifs au Plan d’action FPT conjoint sur les données de santé et la santé numérique. Toutes les provinces et tous les territoires y travaillent activement. Je siège à un comité FPT, aux côtés de ma sous‑ministre adjointe Jo Voisin. Les 13 provinces et territoires sont très actifs et participent à des tribunes multilatérales. L’objectif de ce plan d’action multilatéral consiste à les appuyer dans leurs efforts individuels et à utiliser le financement bilatéral pour moderniser leurs propres systèmes.

La sénatrice Seidman : Merveilleux. Je pense qu’il faut faire un suivi à ce propos. Je dois dire que je suis impressionnée, parce qu’il s’agit d’un problème continu.

Mme Toller : C’est un enjeu de très longue date, mais je suis ravie de dire que nous sommes sur une lancée et que nous faisons de grands progrès, y compris l’adoption de la charte. J’aurais dû le mentionner. C’est la Charte pancanadienne des données sur la santé, qui place les patients et les personnes au centre de toute approche que l’on adopte.

La sénatrice Seidman : Merci.

La sénatrice Osler : Merci de votre présence. Ma question se compose de trois volets. En vertu de l’alinéa 2(2)d) du projet de loi, la stratégie nationale peut comprendre des mesures pour que le ministre de la Santé puisse rapidement examiner certaines demandes et présentations concernant des appareils et des médicaments pour traiter des maladies oculaires. Je sais que Santé Canada a déjà des voies pour expédier certaines demandes et présentations. Donc, avons-nous besoin de l’alinéa 2(2)d)? Pourrait-il potentiellement causer de l’ingérence ministérielle dans les processus de Santé Canada? Et savez-vous si des données montrent que les délais sont plus longs pour l’évaluation des demandes et présentations relatives aux médicaments et appareils pour traiter les maladies oculaires? Les délais de traitement pour cet aspect précis sont-ils plus longs que les autres? Avez-vous des données qui justifient la présence de cet alinéa dans le projet de loi?

Mme Toller : Merci de cette question. Cet alinéa est-il requis? Eh bien, de manière générale, Santé Canada fait tout en son pouvoir pour évaluer les produits de santé et les appareils médicaux dans des temps opportuns et suit des processus très rigoureux comparables à ceux d’autres organismes de réglementation ailleurs dans le monde.

Comme vous l’avez mentionné, oui, il existe des voies permettant d’expédier les évaluations. Je vais simplement vous les décrire. La première voie s’appelle la voie des évaluations prioritaires. On parle ici de conditions graves qui mettent la vie en danger et de documentation d’appui substantielle.

La deuxième voie s’appelle l’Avis de conformité avec conditions. Cela concerne les médicaments pour lesquels on peut donner une approbation si les données sont prometteuses, mais à condition qu’on soumette de plus amples données pour démontrer l’efficacité clinique de ces médicaments. La troisième voie permet aux médecins eux-mêmes, au cas par cas, de demander un médicament à Santé Canada pour une condition grave ou qui menace la vie, tandis qu’un médicament classique a échoué ou est indisponible. Ce sont donc les trois voies menant à une évaluation.

Concernant votre question sur l’ingérence ministérielle, Santé Canada ne met pas en priorité un type de médicament. Il traite tous les médicaments de manière égale. Afin d’accélérer leur évaluation, on doit remplir les conditions précises que je viens de décrire dans les trois voies.

En matière de données, je devrai sans doute vous revenir là‑dessus, mais il serait raisonnable de présumer qu’il n’y aurait pas de retard pour un sous-groupe de médicaments par rapport aux autres. Toutes les présentations doivent passer par le même processus et répondre aux mêmes normes de service très rigoureuses.

La sénatrice Osler : Si ce projet de loi est adopté, quel effet l’alinéa 2(2)d) aurait sur Santé Canada, les délais de traitement des demandes et les voies?

Mme Toller : Je ne pense pas qu’il changerait quoi que ce soit, sauf qu’il encouragerait peut-être une collaboration précoce entre les fabricants de médicaments pour la santé oculaire et Santé Canada pour que l’on sache que les voies d’évaluation prioritaire existent.

La sénatrice Osler : Merci.

La sénatrice Moodie : Merci, madame Toller, d’être ici aujourd’hui. En 2023, la Food and Drug Administration, la FDA, des États-Unis a approuvé 12 nouvelles biothérapies ophtalmologiques, mais la même année, aucune nouvelle thérapie n’a été approuvée au Canada. Une partie du projet de loi permettra au ministre de la Santé d’évaluer rapidement les nouvelles thérapies pour les soins oculaires. Qu’est-ce qui empêche présentement Santé Canada d’évaluer et d’approuver de nouveaux traitements ophtalmologiques? Comment une stratégie nationale pour les soins oculaires aiderait-elle à cet égard? Sera‑t-elle utile?

Mme Toller : Merci de cette question. Souvent, ce n’est pas nécessairement à cause de Santé Canada qu’aucun nouveau médicament n’est pas approuvé. C’est possible qu’un promoteur ou l’entreprise n’ait pas déposé de présentation au Canada, mais qu’il l’ait fait aux États-Unis. Donc, même si je ne peux pas vraiment vous confirmer que c’est ce qui s’est produit en 2023, je présume que c’est ce qui est sans doute arrivé.

Rien ne limite la capacité de Santé Canada d’évaluer les nouveaux traitements qu’un promoteur propose. Le ministère les traiterait comme il le fait habituellement, selon les normes de service rigoureuses que je vous ai mentionnées.

[Français]

Le sénateur Cormier : Bienvenue. Tout cela touche aussi la question des champs de compétence, mais dans la section « Élaboration » du projet de loi, il est bien spécifié que :

Le ministre de la Santé, en consultation avec les représentants des gouvernements provinciaux responsables de la santé, des groupes autochtones et d’autres intervenants concernés, élabore une stratégie [...]

Quelle est la vision du gouvernement fédéral, si ce projet de loi devient loi, par rapport aux communautés de langue officielle en situation minoritaire? Le Comité sénatorial permanent des langues officielles est en train de mener une étude sur les services de santé dans la langue de la minorité, et il y a énormément de problèmes d’accès à des services en français. Il n’y a rien dans la stratégie qui a été annoncée à cet égard. Est-ce qu’il y aura une consultation auprès des communautés de langue officielle en situation minoritaire, et de quelle manière va-t-on s’assurer que cette stratégie tienne compte des responsabilités du gouvernement fédéral en matière de langues officielles? C’est ma première question.

Mme Toller : Je vous ai entendu poser la question hier soir, alors je suis venue préparée pour y répondre. La partie VII de la Loi sur les langues officielles oblige le gouvernement du Canada à soutenir les communautés minoritaires francophones et anglophones et à promouvoir le bilinguisme. À Santé Canada, nous devons travailler avec les provinces et les territoires pour améliorer l’accès aux services pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire et pour les impliquer dans nos initiatives nationales lorsque c’est approprié. Si la loi est adoptée, nous allons assurément les consulter et les engager dans ce contexte.

Le sénateur Cormier : Qu’est-ce que cela veut dire quant aux relations avec les provinces? C’est à l’échelle des provinces que cela se passe. Est-ce que cela implique de conclure des accords avec des dispositions linguistiques? Qu’est-ce que cela implique concrètement dans la relation du gouvernement fédéral avec les provinces pour faire en sorte que ces services soient offerts?

Mme Toller : L’élaboration des consultations est certainement une chose à laquelle nous allons réfléchir. Il est possible que nous demandions aux provinces et territoires de le faire, mais nous pouvons également nous engager directement avec eux. C’est quelque chose que nous faisons régulièrement dans le contexte de nos initiatives nationales.

Le sénateur Cormier : D’accord. Ma deuxième question touche la formation des professionnels. Je l’ai posée hier, alors vous vous en souviendrez peut-être. Ma question porte surtout sur la télémédecine dans les régions éloignées et dans les communautés francophones, qui se trouvent souvent dans des régions plus éloignées. Il y a des défis de formation des professionnels par rapport aux instruments de la télémédecine comme tels, mais aussi par rapport aux enjeux linguistiques.

De quelle manière est-ce que cela sera pris en compte? Souvent, ces appareils sont en anglais. Pour les francophones dans cet environnement, qu’est-ce que cette stratégie nationale pourrait apporter comme précisions pour faire en sorte qu’on s’occupe de ces problèmes-là?

Mme Toller : C’est une très bonne question. Dans le contexte du Plan d’action FPT conjoint sur les données de santé et la santé numérique que j’ai mentionné précédemment, il y avait plusieurs initiatives. L’une d’elles est axée sur la littératie numérique et les données. Nous travaillons avec l’Agence de la santé publique du Canada et les provinces et territoires pour faire progresser des engagements et des initiatives provinciaux et territoriaux pour mieux sensibiliser les professionnels et les Canadiens sur l’utilisation des outils numériques et des données elles-mêmes.

Dans ce contexte, nous tentons d’organiser des tables rondes avec des groupes spécifiques de la population, et nous voulons encourager l’engagement auprès des communautés de langue officielle en situation minoritaire et promouvoir l’importance de la communication et de l’utilisation de ces outils dans les deux langues officielles.

Le sénateur Cormier : Merci.

J’ai une petite question sur les données désagrégées qui rejoint celle de la sénatrice Seidman. Dans quelle mesure Santé Canada est-il satisfait des données et est-il en mesure de les utiliser adéquatement? Là aussi, il semble y avoir énormément de défis.

Mme Toller : C’est très important de pouvoir collecter des données désagrégées. C’est une des ententes que nous avons avec les provinces et les territoires dans le contexte du travail qu’ils font en fournissant leurs données à l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS).

Le sénateur Cormier : Êtes-vous satisfaite de ce que donnent les provinces et territoires comme données?

Mme Toller : Je dirais que oui. Nous recevons aussi des données de Statistique Canada, qui met beaucoup d’efforts pour désagréger l’information.

Le sénateur Cormier : Merci.

Le sénateur Boudreau : Merci à mes collègues de me permettre de poser une question. Je suis un nouveau sénateur et je ne suis pas encore membre de ce comité, mais je suis ici comme invité et observateur.

C’est un sujet qui m’intéresse beaucoup et qui me touche particulièrement. Nous sommes tous ici pour le bien commun, mais dans mon cas personnel, je suis légalement aveugle de l’œil droit en raison d’une condition oculaire qui n’a pas été bien traitée dans mon enfance. Dès que je vois ce sujet, cela vient me chercher plus qu’un autre. Je me dis que toute chose que nous pouvons faire pour améliorer la situation sur le plan des soins oculaires est très importante. J’aime beaucoup l’idée d’une stratégie nationale.

Je sais que notre collègue le sénateur Ravalia en avait parlé au Sénat à l’étape de la deuxième lecture. Il y a évidemment beaucoup de bénéfices et d’avantages. J’aimerais poser une question d’une différente manière. J’aimerais qu’on travaille à trouver une solution plutôt qu’à identifier des problèmes. Je veux quand même vous poser la question : selon Santé Canada, quels sont les obstacles au développement une stratégie nationale? Si on les connaissait, on pourrait trouver la meilleure manière de les traiter pour faire en sorte d’avoir une stratégie nationale. Y aurait-il des obstacles évidents si ce projet de loi devenait loi, et quels seraient les obstacles les plus importants à la réalisation de ce projet?

Mme Toller : Il y a un gros fardeau sur les épaules des gouvernements des provinces et des territoires. Ils ont beaucoup de priorités et ils essaient de leur mieux de livrer des services de soins de santé à leurs résidants. C’est une autre obligation sur les épaules des provinces de venir à la table et travailler sur une stratégie. Je pense que cela peut les encourager à travailler ensemble pour trouver des solutions communes. L’autre obstacle, c’est que l’objectif de la stratégie est de mieux se partager les informations et de se sensibiliser aux problèmes de la vision, mais nous voulons voir de grands changements. Des fois, cela peut coûter beaucoup d’argent. Dans le contexte fiscal actuel, c’est quelque chose qui pourrait être difficile. Ce sont deux réflexions que je partage avec vous.

Le sénateur Boudreau : Merci. Pour moi, c’est important de connaître ces obstacles afin de pouvoir les surmonter, sachant qu’ici, on parle d’une stratégie et non pas d’un programme de financement. Cependant, si je fais le parallèle avec le programme qui a été mis en place pour les soins dentaires, un autre programme auquel je crois beaucoup, nous avons vu qu’une fois que le programme a été mis sur pied, il y a eu de la pression sur le plan des ressources humaines. Il n’y avait pas assez de dentistes pour voir à l’ensemble des besoins d’un nouveau programme national. Supposons que la stratégie mène à un programme national, est-ce que les ressources professionnelles humaines sont suffisantes pour considérer une telle approche?

Mme Toller : Je sais que des intervenants dans la communauté des soins de la vision vont dire qu’il y a des défis dans le contexte de la capacité des professionnels de la santé. Du côté du gouvernement fédéral, nous avons fourni des fonds aux provinces et territoires qui tenaient compte des quatre priorités. L’une d’elles est de soutenir les professionnels de la santé, qui pourraient inclure les ophtalmologistes, les optométristes et les opticiens.

Nous faisons des efforts multilatéraux pour soutenir les travailleurs de la santé. Par exemple, il y a de la collaboration avec les provinces et les territoires afin de minimiser le fardeau administratif, améliorer le recrutement et la rétention et accélérer l’intégration de ceux qui sont formés à l’échelle internationale. Aussi, cela permet de mieux étudier l’offre et la demande des professionnels et de mieux partager les données. Dans ce contexte-là, je pense qu’on pourrait aussi mieux comprendre les défis auxquels fait face la communauté oculaire.

Le sénateur Boudreau : Merci pour vos réponses.

La sénatrice Mégie : Ma question porte sur la réadaptation visuelle. Cela fait partie de la stratégie. Qu’est-ce que cette stratégie peut couvrir en ce qui concerne la réadaptation visuelle? C’est un champ très vaste, si je comprends bien. Quelle partie de la réadaptation visuelle la stratégie va-t-elle couvrir?

Mme Toller : C’est encore à déterminer. C’est en faisant les consultations avec les provinces et territoires et avec tous les autres intervenants que nous devons déterminer l’ampleur de la stratégie, mais je pense que la vision de la stratégie veut qu’elle soit très large et qu’elle tienne compte de tous les besoins, de l’enfance au troisième âge, et que l’on considère ce qui est nécessaire pour la réadaptation.

La sénatrice Mégie : Merci.

[Traduction]

La sénatrice Dasko : Merci d’être parmi nous aujourd’hui. Ma question fait suite à la question précédente du sénateur Boudreau. Elle porte sur vos commentaires relatifs aux nombreuses priorités des provinces — elles en ont tant à faire concernant tellement d’enjeux — et à votre volonté, si ce projet de loi est adopté, de réunir les provinces pour parler de cet enjeu.

Ne pourraient-elles pas vous dire qu’elles sont très occupées et qu’elles n’ont pas le temps de vous rencontrer à cette fin? Que feriez-vous dans cette situation? Pourriez-vous leur dire que vous avez quelque chose à leur offrir? Évidemment, il se pourrait que les provinces veuillent obtenir des fonds.

Est-ce une possibilité? Pensons, évidemment dans ce projet de loi, à l’enjeu des soins oculaires? Est-ce que cela pourrait arriver?

Mme Toller : C’est toujours possible, et cela peut être difficile de réunir les représentants des provinces et territoires s’ils ont trop de priorités. Cela dit, nous avons des relations très efficaces et fortes avec eux, et nous pouvons utiliser les mécanismes en place, comme la Conférence des sous-ministres, pour réunir les provinces et territoires.

Comme la stratégie l’indique clairement, la première étape consiste à sensibiliser les gens, à recueillir de l’information et à la communiquer. Ce n’est pas tellement demander des provinces et territoires. Je pense que nous pouvons les convaincre de venir à la table et de discuter pour comprendre quels sont les grands enjeux et trouver ensemble les solutions qui pourraient être nécessaires.

Puis, après avoir tenu ces discussions initiales, nous pourrons déterminer le genre de soutien supplémentaire dont on pourrait avoir besoin.

La sénatrice Dasko : Avez-vous toujours du succès dans vos demandes aux provinces? Leurs représentants participent-ils toujours aux discussions?

Mme Toller : Je pense que cela dépend du climat et des enjeux dont nous discutons. Je dirais que les relations avec les provinces et territoires sont saines actuellement. Le gouvernement fédéral leur a accordé des milliards de dollars en soutien à la prestation des soins de santé. Ils veulent donc apporter leur soutien et collaborer.

La sénatrice Dasko : J’ai posé une question à la marraine du projet de loi hier, et je veux simplement revenir à ce sujet. La stratégie demande de mentionner très précisément et à répétition la prévention et le traitement des maladies oculaires. J’aimerais examiner cette question d’un peu plus près que nous n’avons pu le faire hier. Quelles seraient les activités de prévention?

Mme Toller : Je ne suis pas certaine que je pourrai répondre avec plus de précision que la marraine du projet de loi. Je pense que cela fait partie de ce que nous devons faire dans les consultations qu’il faudrait tenir avec les provinces et territoires.

Comme vous l’aurez vu dans le cadre des soins palliatifs, on saurait très clairement quels sont les enjeux clés, la vision commune, les principes directeurs et les grandes priorités, ainsi que certaines mesures à prendre potentiellement. C’est grâce aux consultations et à la mobilisation que nous pourrions définir les types d’activités de prévention que nous pourrions inclure.

La sénatrice Dasko : Pourriez-vous nous nommer des activités de ce genre maintenant, sans leur attribuer de priorité?

Mme Toller : L’activité la plus simple, c’est de s’assurer de sensibiliser les gens davantage pour qu’ils passent un examen de la vue, surtout les enfants. Cela semble être un des enjeux clés pour nous, ainsi que la communication de l’information générale et les campagnes de sensibilisation.

La sénatrice Dasko : La marraine du projet de loi a aussi mentionné la sensibilisation. Est-ce que c’est le principal enjeu en matière de sensibilisation, les examens de la vue pour les enfants?

Mme Toller : Humblement, je ne suis pas experte en soins oculaires, mais il me semble que c’est un des principaux aspects sur lesquels il faut mettre l’accent, parce que nous entendons, comme la sénatrice l’a mentionné, que quand on ne passe pas des examens de manière régulière, il se peut qu’on omette des choses qui auraient pu être évitées avec de tels examens. Plus les examens se font tôt, mieux c’est.

La sénatrice Dasko : Le gouvernement fédéral mène souvent des initiatives de sensibilisation dans divers secteurs de la santé. Avez-vous mené des initiatives de sensibilisation à ce propos?

Mme Toller : Pas à ce que je sache. C’est quelque chose que nous pourrions envisager dans le contexte de nos consultations sur la stratégie.

La sénatrice Dasko : Merci.

La présidente : Je vais revenir là où la sénatrice Dasko a commencé en matière de prévention. Il me semble, et je suis d’accord avec vous, que la prévention commence par un examen de la vue. Nous avons parlé des enfants.

Essentiellement, partout au Canada, les enfants de moins de 18 ou 19 ans sont couverts, et les aînés sont couverts dans le cadre des examens de santé provinciaux. C’est du milieu, les adultes en âge de travailler de 19 à 65 ans, dont il est question. Et les examens de la vue coûtent de 100 à 250 $. Dans cette stratégie, pourrait-on considérer de créer une passerelle pour qu’en fait, tous les Canadiens soient couverts pour cet examen de la vue qui est essentiel?

Mme Toller : Je reconnais que la couverture pour les soins oculaires au Canada varie beaucoup. Ils sont en grande partie dispensés à l’extérieur du système de santé public. La plupart des aspects, dont les examens de la vue et les lentilles cornéennes, sont couverts par les régimes d’avantages sociaux des employeurs ou privés ou sont remboursables. Comme je l’ai mentionné, cela n’est pas considéré comme des soins de santé en vertu de la Loi canadienne sur la santé, sauf s’il s’agit d’un service médical nécessaire fourni par un médecin autorisé ou un hôpital, comme une chirurgie oculaire.

Comme vous l’avez dit, les provinces et territoires assurent tous un certain niveau de couverture pour les choses comme les examens de la vue pour certains segments de la population, comme les enfants, les aînés ou les gens à faible revenu. C’est vraiment eux qui établissent les modalités de leurs régimes publics pour déterminer qui est admissible à quels services.

La présidente : Ce pourrait être le gouvernement fédéral qui verse les fonds servant à combler l’écart. Nous venons de terminer une étude assez intensive sur l’assurance médicaments dans laquelle nous avons pu déterminer que, hormis avec les régimes privés, certaines personnes choisissent de ne pas subir d’examen, parce qu’il y a une quote-part à payer ou même une prime.

Mme Toller : Oui.

La présidente : Je vais simplement laisser germer cette idée.

La sénatrice Seidman : Merci. Je vais revenir à ma question sur les données. À l’article 2 du projet de loi, il est indiqué que :

(2) La stratégie nationale décrit les différentes formes de maladies oculaires et peut prévoir des mesures visant à...

Et cela se poursuit ainsi :

b) promouvoir la recherche et améliorer la collecte de données sur la prévention et le traitement des maladies oculaires et sur la réadaptation visuelle;

c) promouvoir l’échange de renseignements et de connaissances entre les gouvernements fédéral et provinciaux...

Savez-vous quel genre de données nous avons maintenant en matière de recherche, de prévention et de traitement relatifs aux maladies oculaires?

Mme Toller : Je devrai sans doute vous revenir là-dessus concernant les données que nous avons en ce moment. Je peux vous confirmer du côté de la recherche que l’Institut canadien d’information sur la santé a investi plus de 61 millions de dollars dans divers types de recherche sur les soins de santé oculaire, donc on est toujours actifs à cet égard. Je pourrai vous reparler des données précises dont nous disposons.

La sénatrice Seidman : Je parle des données provinciales normalisées qu’on pourrait comparer entre les provinces et territoires.

Mme Toller : L’information viendrait de l’Institut canadien d’information sur la santé, ou ICIS.

La sénatrice Seidman : Voilà qui m’amène à ma prochaine question. À quel point la disponibilité des soins oculaires, de la prévention et du traitement varie-t-elle entre les provinces et les territoires?

Mme Toller : Je peux m’engager à vous revenir avec les renseignements disponibles auprès de l’ICIS, qui tire ses données des provinces et des territoires.

La sénatrice Seidman : D’accord, je vous remercie.

Au risque d’être trop négative — comme l’a dit mon collègue le sénateur Boudreau, j’essaie de voir les choses d’un bon œil —, ce projet de loi pourrait-il entraîner des conséquences imprévues, selon vous?

Mme Toller : L’intention de la législation est assez simple. La première étape consiste à réunir les gens pour discuter afin d’avoir une compréhension collective des problèmes et des solutions qui doivent être abordés et d’avoir une orientation commune. Je pense que c’est une première étape assez simple, mais nécessaire.

La sénatrice Seidman : L’une des questions que j’ai posées hier au parrain concernait l’article 5, qui ajoute au projet de loi le Mois de la sensibilisation à la dégénérescence maculaire liée à l’âge. Cet élément ne semble pas concorder avec le projet de loi lui-même, surtout si nous parlons d’enfants. L’un des aspects les plus importants de ce projet de loi est que les enfants, à un jeune âge, aient accès au dépistage et à la prévention. Pourquoi serait-il important d’avoir l’article 5 et de mettre l’accent sur la dégénérescence maculaire liée à l’âge, en quelque sorte?

Mme Toller : Je n’ai pas participé personnellement à l’élaboration du projet de loi, mais il semble qu’il existe déjà de nombreuses journées de sensibilisation aux soins oculaires, et c’est l’une de celles qui manquaient. C’est une maladie assez répandue qui touche les personnes âgées, et je pense que c’est la principale raison d’être de cet article.

La sénatrice Seidman : Merci beaucoup.

[Français]

Le sénateur Cormier : Mes questions iront dans le même sens que celles de la sénatrice Seidman. Dans les ententes avec le gouvernement fédéral, les provinces et territoires, à part le Québec, ont pris l’engagement d’augmenter la disponibilité des données désagrégées pour les indicateurs communs actuels et nouveaux afin de pouvoir rendre compte des progrès accomplis auprès des populations mal desservies ou désavantagées, y compris, mais sans s’y limiter, les peuples autochtones, les Premières Nations, les Inuits, les Métis, les communautés de langue officielle en situation minoritaire, les collectivités rurales et éloignées, les enfants, les communautés racisées et la communauté 2ELGBTQIA+. Donc, il y a un engagement des provinces à travailler à obtenir des données désagrégées. Je me permets d’insister sur cette question, car il y a de réels problèmes de cueillette de données claires. Je parle particulièrement des communautés de langue officielle en situation minoritaire.

Cette stratégie nationale et ce projet de loi mettent en lumière tous ces enjeux. Dans la mise en œuvre de cette loi et l’élaboration de cette stratégie nationale, comment le gouvernement fédéral, dans ses relations avec les provinces et territoires et les communautés, va-t-il tenir compte des enjeux actuels, dont celui que je viens de nommer? Ils semblent être récurrents et on arrive avec une nouvelle stratégie qui touche un secteur très particulier des besoins en santé, soit les soins oculaires. Comment peut-on s’en assurer? Ce n’est pas présent dans le projet de loi et on ne sent pas d’engagement clair. Ne faudrait-il pas qu’il y ait dans le projet de loi quelque chose de plus précis à ce sujet?

Mme Toller : Merci pour la question. Je dirais qu’il semble avoir un peu de lacunes en ce moment sur les données numériques dans le contexte du travail actuel avec les provinces et territoires dans le but de bien recueillir et partager les données avec l’ICIS. C’est très commun qu’on encourage la désagrégation des données. Cela fait partie du travail qui se fait tous les jours. C’est une condition du partage de données; en fait, les provinces devaient nous donner des données désagrégées.

Le sénateur Cormier : Cela rejoint ce qu’a dit la sénatrice Seidman; ils appellent cela « l’interopérabilité », c’est-à-dire l’échange des informations entre les provinces et les territoires. Il semble qu’il y ait énormément de lacunes à ce niveau et que le pays pourrait bénéficier de plus d’intercommunication par rapport aux données.

Mme Toller : Oui, absolument. C’est un projet à long terme sur lequel les provinces et territoires travaillent assidûment. Le problème, c’est que nous avons beaucoup de systèmes électroniques pour gérer l’information, mais ils ne peuvent pas se parler entre eux. Il faut adopter des normes communes : des normes pour les données elles-mêmes pour que ce soit cohérent du point de vue de la collecte et des normes pour l’échange. Nous avons une feuille de route sur l’interopérabilité pancanadienne, qui est gérée par Inforoute avec le soutien de l’ICIS. Ils travaillent avec les provinces et territoires et les vendeurs de systèmes d’information électroniques pour adopter ces normes communes.

Le sénateur Cormier : Y a-t-il un échéancier par rapport à cela? La livraison est urgente et importante.

Mme Toller : Oui, c’est très urgent. La feuille de route est un plan à long terme de 5 à 10 ans. Il y a des progrès importants. Il y a déjà des normes qui ont été publiées et qui sont en train de se faire adopter par les provinces et territoires. Par exemple, il y a une norme qui s’appelle le sommaire des patients internationaux, qu’on appelle en anglais International Patient Summary. C’est un résumé de données importantes, comme les allergies dont on souffre et les médicaments que l’on prend, qui peut être partagé facilement entre les différents points du système de soins de santé.

Le sénateur Cormier : Merci.

[Traduction]

La présidente : Nous manquons de temps. Chers collègues, il nous reste deux intervenants pour le deuxième tour, mais très peu de temps. Nous devons également installer nos prochains témoins. Je vais donc suggérer que les sénatrices Moodie et Osler présentent leurs questions pour que vous puissiez nous répondre par écrit, madame Toller.

La sénatrice Moodie : Je me retire.

La sénatrice Osler : Je remercie la présidente. Le Comité permanent de la santé de la Chambre des communes a modifié le paragraphe 3(1) du projet de loi pour que le délai d’établissement d’un rapport énonçant la stratégie nationale passe d’un an à 18 mois suivant la date d’entrée en vigueur de la loi. Pourquoi le délai d’un an prévu dans la version précédente n’était-il pas suffisant? Le délai de 18 mois est-il convenable?

Mme Toller : Je vous remercie de cette question. Il faut beaucoup de temps pour rassembler autant de communautés diverses et réunir 13 juridictions différentes. Un an est une courte période pour se réunir afin d’organiser une conférence et de développer un cadre politique et une orientation commune, alors que 18 mois serait plus réaliste.

La sénatrice Osler : Je vous remercie.

La présidente : Merci beaucoup, madame Toller. J’espère que vous avez apprécié le temps que nous avons passé avec vous. Vous avez livré un témoignage très éclairé et intéressant, et je suis certaine que nous vous reverrons au sein de ce comité.

Pour notre prochain groupe, nous accueillons en personne les représentants de l’Institut canadien des aveugles : M. Michael Baillargeon, directeur principal des Initiatives en matière de soins oculaires, et M. Ian White, président du Chapitre des Visionnaires de Toronto. Nous recevons les représentantes de Vaincre la cécité Canada : Mme Jennifer Jones, présidente et directrice générale, et Mme Larissa Moniz, directrice des Programmes de recherche et de mission. Nous avons enfin les représentantes de l’Alliance pour l’égalité des personnes aveugles du Canada : M. Lee Pigeau, directeur général, qui comparaît en personne, et Mme Linda Bartram, première vice‑présidente, qui comparaît par vidéoconférence.

Nous vous remercions de vous joindre à nous aujourd’hui. Nous commencerons par les remarques liminaires de M. Pigeau et de Mme Bartram, suivies de celles de Mmes Jones et Moniz, puis de celles de MM Baillargeon et White. Je crois comprendre que chaque organisation partage les cinq minutes entre ses deux représentants. Comme il y a six témoins dans le groupe, nous aurons beaucoup de questions. Je vous demande donc de ne pas dépasser vos cinq minutes pour que nous puissions passer aux questions et réponses.

Monsieur Pigeau et madame Bartram, vous avez la parole.

Lee Pigeau, directeur général, L’Alliance pour l’égalité des personnes aveugles du Canada : Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité sénatorial, je vous remercie de nous donner l’occasion de discuter de ce projet de loi.

L’Alliance pour l’égalité des personnes aveugles du Canada, ou AEPAC, soutient le projet de loi, mais pense que son exécution doit être affinée en ce qui a trait à quelques définitions très précises, en particulier pour la réadaptation visuelle. Nous recommandons également de veiller à ce que les personnes ayant vécu la perte de vision soient incluses à la table des décisions. Nous voulons aussi rendre obligatoire une formation de sensibilisation au handicap pour les personnes impliquées dans la création et l’exécution de ce projet de loi.

Nous ne nous contentons pas de soutenir le projet de loi; nous souhaitons également jouer un rôle actif dans l’élaboration et la mise en œuvre de la Stratégie nationale sur les soins oculaires. Nous sommes prêts à collaborer avec les décideurs et les autres parties prenantes pour que la stratégie aborde l’ensemble des défis que rencontrent les Canadiens qui perdent la vue.

Pour vous aider à mieux comprendre nos recommandations et notre détermination dans le processus, je vais vous présenter Mme Bartram, notre première vice-présidente, qui donnera plus de détails. Je vous remercie.

Linda Bartram, première vice-présidente, L’Alliance pour l’égalité des personnes aveugles du Canada : Merci beaucoup. Bonjour, et merci de nous avoir réinvités à vous parler de ce sujet très important.

L’AEPAC est très satisfaite que la stratégie englobe la réadaptation visuelle, ainsi que la prévention et le traitement. Or, nous sommes préoccupés par l’absence de définition, dans le projet de loi, de ce que la réadaptation visuelle inclurait. Comme l’a mentionné l’un des orateurs précédents, il s’agit d’un sujet très vaste, mais il est souvent interprété comme l’amélioration de la vision restante. Il s’agit donc de réadapter la vision qu’une personne possède déjà.

Malheureusement, nous savons qu’il n’existe pas de traitement pour toutes les maladies oculaires. Pour celle dont je souffre en particulier, il n’y a aucun traitement à ce jour. Nous espérons qu’il y en aura un à l’avenir.

La réadaptation visuelle doit aussi comprendre la réadaptation après une perte de la vision. Ainsi, les personnes pour lesquelles il n’existe pas de traitement ou dont les traitements n’ont pas fonctionné pourront apprendre l’orientation, la mobilité, les aptitudes à la vie quotidienne et la technologie dont elles ont besoin pour fonctionner sans leur vision. Nous aimerions donc que la « réadaptation visuelle » soit définie afin d’éviter tout malentendu lors de l’élaboration de la stratégie. Nous voulons que la réadaptation après une perte de la vision y soit incluse.

D’autre part, à l’heure où « rien sur nous ne se fera sans nous », nous tenons beaucoup à ce que les personnes ayant vécu une perte de vision grave, et les organisations qui les représentent, soient incluses aux consultations. Il ne faut pas laisser le hasard décider si nous serons l’une des parties prenantes. Nous aimerions que notre nom figure sur la liste. À l’instar des groupes autochtones, nous aimerions y figurer également.

En ce qui concerne la liste des éléments à inclure dans la stratégie, M. Pigeau a évoqué la nécessité d’intégrer à l’ensemble du processus une formation pour sensibiliser à la perte de vision.

On ne sait peut-être pas très bien que le taux de chômage des personnes souffrant d’une perte de vision est très élevé et atteint jusqu’à 75 %. Or, il est dû en grande partie à la méconnaissance des capacités et des aptitudes des personnes souffrant d’une grave perte de vision ou de cécité. Nous voulons nous assurer que ceux qui ont cette conversation comprennent cela avant d’aller plus loin.

Enfin, nous voulons nous assurer que ce processus est financé de manière adéquate. Nous aimerions disposer d’un moyen de garantir que la stratégie sera financée suffisamment et que les progrès pourront être surveillés.

Je retourne la parole à M. Pigeau pour qu’il conclue.

M. Pigeau : Je vous remercie.

Nous demandons instamment à tout le monde d’examiner les recommandations et d’élaborer une stratégie qui couvre l’ensemble du spectre. Avec ces amendements, nous savons qu’il peut s’agir d’une législation porteuse.

La présidente : Je vous remercie. Nous passons maintenant à Mmes Jones et Moniz.

Jennifer Jones, présidente et directrice générale, Vaincre la cécité Canada : Merci, madame la présidente et honorables sénateurs, de nous avoir invités à vous parler aujourd’hui du projet de loi C-284. Chez Vaincre la cécité Canada, Mme Larissa Moniz et moi-même travaillons en étroite collaboration pour défendre toute la communauté de personnes souffrant d’une perte de vision.

C’est un plaisir d’être ici. C’est une période exceptionnelle pour nous tous. Avec nos collègues, nous travaillons pour soutenir les personnes vivant avec une perte de vision, qui ont des besoins réels, complexes et multiples. Pour que nous puissions les servir le mieux possible, il faut que les organisations collaborent de façon très transparente.

Vaincre la cécité Canada est au service de ces personnes depuis plus de 50 ans. Au cours de cette période, nous sommes devenus le plus important bailleur de fonds caritatif pour la recherche sur la vue au Canada. Ce sont des parents dont les enfants étaient nés avec une maladie oculaire qui les rendrait aveugles qui ont fondé l’organisation. À l’époque, il n’y avait aucun espoir de traitement. Depuis 1974, notre objectif est d’investir dans la recherche de classe mondiale afin de trouver des traitements et des remèdes pour les personnes confrontées à la perte de vision en raison d’une maladie oculaire menant à la cécité.

Pourquoi est-ce si important? Au Canada, 8 millions de personnes vivent avec une maladie oculaire qui pourrait les rendre aveugles. Parmi elles, au moins 1,2 million sont déjà sur le point de perdre la vue. Dans certains cas, il peut s’agir de maladies oculaires que vous connaissez bien, comme la dégénérescence maculaire liée à l’âge ou le glaucome, mais il existe aussi des maladies oculaires plus rares, comme la rétinite pigmentaire et l’uvéite.

L’honorable Judy Sgro vous a parlé hier des répercussions économiques significatives de près de 33 milliards de dollars en raison de la perte de qualité de vie financière et de la dépendance à l’égard du système de soins de santé. Derrière ces chiffres, il y a des vies réelles, comme des personnes qui perdent leur permis de conduire et s’isolent chez elles à cause de la dégénérescence maculaire liée à l’âge. L’un des nouveaux membres de notre conseil d’administration a dû prendre sa retraite en tant que responsable des services actuariels chez PricewaterhouseCoopers parce que sa rétinite pigmentaire ne lui permettait plus de poursuivre sa carrière.

Ce n’est qu’un exemple. Il y a aussi des parents dont les enfants sont nés avec une maladie oculaire qui leur fera perdre la vue à l’adolescence ou au début de l’âge adulte. Ces parents se demandent si leur enfant sera capable de vivre de manière autonome et faire ce dont il rêve. C’est la situation dans laquelle se trouvaient mes grands-parents lorsque leur fils cadet, le frère de ma mère, est né avec une rétinite pigmentaire. Il est devenu aveugle au sens de la loi à l’âge de 20 ans.

Cependant, lorsqu’on y consacre des ressources, des soins, de la passion et du temps, ces maladies, comme beaucoup d’autres, peuvent être évitées. En fait, 75 % de ces cas sont évitables, et c’est ce qui motive notre travail.

La perte de vision est soulignée certains jours. La Journée mondiale de la vue, par exemple, a eu lieu le 10 octobre. C’est un moment pour nous regrouper. Mais en réalité, ce dont nous avons vraiment besoin, c’est d’une application systématique des soins oculaires nationaux. C’est la raison pour laquelle cette stratégie est si importante pour nous. Nous voulons nous assurer que l’accent est mis de manière globale et cohérente sur l’ensemble des soins de santé oculaire, dont nous allons tous parler à tour de rôle: une meilleure éducation et une meilleure sensibilisation, un meilleur accès aux diagnostics et aux traitements et davantage d’investissements dans la recherche qui permettront d’obtenir de meilleurs résultats et une meilleure qualité de vie.

Larissa Moniz, directrice, Programmes de recherche et de mission, Vaincre la cécité Canada : Je vais maintenant parler de la recherche, car c’est vraiment l’objectif de Vaincre la cécité Canada, comme l’a mentionné Jennifer. Au cours des 50 dernières années, nous avons investi plus de 45 millions de dollars dans la recherche et l’éducation. Nous savons donc qu’il existe une passion la recherche et que son importance pour améliorer les traitements et les résultats est bien comprise. Cependant, la capacité des donateurs est insuffisante pour répondre aux besoins de la communauté de recherche sur la vue.

C’est pourquoi nous attendons de la stratégie nationale de soins oculaires qu’elle fasse partie de l’ensemble des mesures qui permettront d’améliorer la sensibilisation, la prévention, l’accès aux traitements et la réadaptation, ainsi que de consacrer des fonds à la recherche sur la vision. Au Canada, nous ne disposons pas de fonds dédiés à la recherche sur la vue. C’est un domaine dans lequel nous sommes vraiment à la traîne. Voici deux exemples démontrant comment la recherche, qui est le fondement de l’amélioration des traitements, peut faire progresser la situation. Il y a une vingtaine d’années, un nouveau traitement à base de médicaments a été approuvé et a permis de réduire de 50 % le taux de cécité dû à la dégénérescence maculaire liée à l’âge. De même, très récemment, en 2020, la première thérapie génique de remplacement a été approuvée au Canada, et ce, pour une maladie oculaire héréditaire rare. Nous avons parlé à des personnes qui ont reçu ce traitement et qui maintenant ont l’espoir de ne pas devenir aveugles et ont pu voir les étoiles pour la première fois. Des parents ont raconté que leurs enfants pouvaient reconnaître le visage de leurs amis à l’école, alors qu’ils ne le pouvaient pas auparavant.

C’est ce que nous voulons : plus d’espoir et de victoires. Dans de nombreux cas, cette démarche reposera sur des recherches qui permettront de conserver l’expertise canadienne au Canada, d’améliorer les soins cliniques et de mettre au point des solutions canadiennes.

Je pense que nous sommes d’accord pour dire que l’importance de la santé oculaire a été sous-évaluée pendant très longtemps, et nous espérons donc que le Sénat adoptera le projet de loi C-284.

La présidente : Merci, Madame Moniz. Monsieur Baillargeon et Monsieur White, allez-y, s’il vous plaît.

Michael Baillargeon, directeur principal, Initiatives de soins oculaires, Conseil canadien des aveugles : Bonjour, madame la présidente et membres de cet important comité sénatorial. Au nom du Conseil canadien des aveugles, j’aimerais vous remercier de m’avoir donné l’occasion de m’adresser à vous aujourd’hui pour appuyer l’adoption rapide du projet de loi C-284.

Notre organisation a été fondée en 1944 par d’anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale rendus aveugles par la guerre, et nous célébrons 80 ans de défense et de soutien dévoués. Le Conseil est reconnu comme la voix des aveugles au Canada. Il est chargé non seulement de représenter et de défendre les 1,2 million de Canadiens aveugles, sourds-aveugles et malvoyants, mais aussi plus de 8 millions de Canadiens qui, comme l’a souligné Jennifer Jones, vivent avec une maladie oculaire qui pourrait conduire à la cécité.

Par le biais de la défense des droits et de la recherche, l’Institut canadien des aveugles se consacre à la sensibilisation du public et à l’amélioration du bien-être et de la qualité de vie des personnes vivant avec une perte de vision.

Je vous ai fourni plusieurs documents par l’intermédiaire de la greffière décrivant la perte de vision et le soutien de la communauté de la santé pour une stratégie nationale de soins oculaires. Mes collègues ici présents attendent vos questions avec impatience. Cela dit, j’aimerais vous présenter un homme d’expérience, le président de la section des Visionnaires de Toronto du Conseil, Ian White.

Ian White, président, Chapitre des visionnaires de Toronto, Conseil canadien des aveugles : Merci. C’est tout un privilège d’être ici et de prendre la parole devant vous aujourd’hui.

Je voudrais me faire l’écho de certains des commentaires qui ont déjà été formulés en disant que la prévention, le traitement et la recherche sont absolument essentiels pour éviter de perdre la vue inutilement. Ce projet de loi vise essentiellement à réduire au minimum le nombre de personnes qui perdront la vue.

Il y aura toujours un certain nombre d’incidents de perte de vision et de cécité qui ne pourront être évités. Certaines personnes sont confrontées à une perte de vision plus tard dans leur vie, comme cela a été mon cas. D’autres naissent aveugles. Il y a ceux qui, malgré les meilleurs traitements disponibles aujourd’hui, perdent malheureusement la vue très tôt dans la vie et auront besoin d’être soutenus.

Bien que nous soyons nombreux à suivre un traitement pour diverses maladies oculaires, beaucoup d’entre nous ne se considèrent pas comme malades ou ayant besoin d’un traitement. Nous sommes différents et défavorisés, mais nous ne sommes pas malades.

Je pense que cette distinction doit être clairement comprise. Le diagnostic et le traitement d’une atteinte à la santé constituent le parcours médical d’un patient. Mais une fois que le parcours médical est terminé, c’est le parcours en tant que personne ayant un handicap visuel qui commence, avec les répercussions sociales complètes de la perte de vision sur la vie de la personne. Tous les Canadiens ayant une déficience visuelle, malgré leur pronostic médical, qu’ils soient des patients ou non, doivent être inclus dans cette stratégie pour qu’ils puissent maximiser leur indépendance, améliorer leur qualité de vie et s’intégrer pleinement à la société canadienne.

La différence de niveau de soins entre les personnes qui reçoivent des services de réadaptation pour la perte de vision et celles qui reçoivent d’autres types de services de réadaptation est à la fois substantielle et inacceptable. Les programmes et soutiens existants pour les personnes vivant avec une perte de vision sont actuellement inadéquats, inégalement répartis et représentent un obstacle majeur à l’inclusion et à la prospérité de millions de Canadiens vivant avec une perte de vision.

Par exemple, l’un des meilleurs systèmes de financement au pays pour les aides visuelles, le Programme d’appareils et accessoires fonctionnels de l’Ontario, est censé soutenir l’achat d’aides visuelles pour les personnes qui en ont besoin. Près d’un demi-million d’Ontariens sont admissibles à ce soutien financier, mais seulement 1 % d’entre eux y ont effectivement accès. Les dispositifs financés sont obsolètes et ne répondent pas aux besoins actuels des personnes vivant avec une perte de vision en 2024. Cette triste statistique s’étend à toutes les provinces où des aides sont disponibles, et certaines n’offrent aucun soutien pour les aides visuelles. C’est pourquoi une stratégie nationale est si vitale pour garantir que, partout au Canada, tous les Canadiens qui vivent avec une perte de vision puissent accéder équitablement et facilement aux soins de réadaptation visuelle dont ils ont besoin.

Conformément à l’adoption par le Canada de la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, ce projet de loi est une étape essentielle de l’engagement du Canada à respecter les droits des personnes ayant des déficiences visuelles, à honorer cet engagement en écoutant attentivement les voix de ceux qui ont une expérience vécue et à honorer l’esprit de « rien à notre sujet sans nous ».

Lors de l’élaboration des règlements qui définiront l’efficacité de ce projet de loi historique, le gouvernement du Canada doit consulter systématiquement les personnes qui ont une expérience vécue et toutes les organisations d’intervenants qui représentent les intérêts des personnes vivant avec une perte de vision au Canada. Nous sommes d’avis que toute lacune potentielle dans la formulation du projet de loi peut être corrigée lors de l’élaboration des règlements s’il y a consultation adéquate.

La présidente : Merci, Monsieur White. Chers collègues, les questions dureront quatre minutes chacune. Je vais essayer de faire respecter le temps imparti du mieux que je peux.

La sénatrice Cordy : Cela veut dire que nous devons être rapides, et je vais donc parler rapidement. Je vais combiner deux questions.

Nous avons entendu hier l’auteure du projet de loi, Mme Sgro, parler de la nécessité d’une campagne de sensibilisation et du fait que de nombreuses personnes ignorent qu’elles ont un problème oculaire avant qu’il ne soit trop tard pour y remédier. Nous avons entendu ce matin notre collègue parler de son cas. Une campagne de sensibilisation est importante parce que les gens ne savent pas à quel point c’est important et pour s’assurer que les gens fassent examiner leurs yeux à un âge précoce.

Deuxièmement, vos commentaires, Monsieur White, selon lesquels seulement 1 % des personnes ont accès à un financement pour des aides visuelles ont retenu mon attention. Cela m’étonne beaucoup. Je m’interroge sur l’importance d’une campagne de sensibilisation, d’abord pour les examens de la vue, ensuite pour que les gens soient au courant du soutien pour l’accès aux aides visuelles dont ils peuvent bénéficier. Peut‑être pourriez-vous commencer à répondre à ma question très alambiquée, et d’autres témoins pourront intervenir ensuite.

M. White : C’est une conversation que nous menons actuellement à plusieurs niveaux avec le gouvernement de l’Ontario.

La principale difficulté réside dans le fait que le grand public manque généralement d’informations sur les maladies oculaires, sur ce que cela signifie d’en avoir une et de vivre avec, et la perte de vision qui s’ensuit. La plupart des gens ignorent qu’il existe des aides pour permettre aux personnes comme moi de mieux gérer leurs tâches quotidiennes. Comme vous l’avez vu, j’ai utilisé un outil technologique pour faire mon exposé aujourd’hui.

L’appel à une campagne de sensibilisation du public est un élément essentiel d’une stratégie globale pour les yeux. Il s’agit de faire savoir aux personnes qui reçoivent des soins oculaires primaires qu’il existe des aides et des services qui peuvent prendre le relais après la fin du traitement. Il s’agit d’une approche sur l’accès aux soins oculaires comme étant une suite de possibilités, et j’aimerais que les gens de l’Alliance pour l’égalité des personnes aveugles du Canada et de Vaincre la cécité Canada participent à la discussion.

M. Baillargeon : Je voudrais ajouter quelque chose à ce que M. White vient de dire et à ce que vous avez mentionné au sujet de la prévention et des maladies oculaires. À l’heure actuelle, il doit y avoir un modèle principal émanant du gouvernement fédéral qui collaborerait ensuite avec les provinces et leur donnerait l’occasion et la possibilité d’en mettre en œuvre certains éléments.

Peut-être devrions-nous exiger que les enfants entrant en première année passent un examen de la vue, de la même manière qu’ils doivent être vaccinés. Le rapport que Vaincre la cécité Canada et l’Institut canadien des aveugles publieront la semaine prochaine vous dira que nous avons un problème majeur avec la myopie. Nous disposons d’informations anecdotiques.

La présidente : Merci, Monsieur Baillargeon. Je dois être strict et juste envers mes collègues.

La sénatrice Osler : Merci à tous les témoins présents aujourd’hui.

J’examine le paragraphe 2(1) du projet de loi, qui porte sur les groupes que le ministre de la Santé doit consulter pour élaborer la stratégie nationale. On peut y lire : « … les représentants des gouvernements provinciaux », et je note qu’on ne mentionne pas les territoires, c’est peut-être un oubli, « responsables de la santé, des groupes autochtones et d’autres intervenants concernés… ». L’Alliance pour l’égalité des Canadiens aveugles nous a suggéré d’ajouter les personnes ayant une expérience vécue.

J’aimerais entendre chacun des groupes, peut-être en commençant par le Conseil canadien des aveugles, puis Vaincre la cécité Canada et en terminant par l’Alliance pour l’égalité des personnes aveugles du Canada. Pouvez-vous nos dire quels seraient les intervenants pertinents et si vous pensez qu’il faut les inclure au libellé du projet de loi?

M. Baillargeon : J’aimerais préciser qu’il existe divers types d’intervenants.

Il y a les organismes qui traitent avec ce que nous pourrions appeler le groupe des patients, comme le Conseil canadien des aveugles et Vaincre la cécité Canada. Il y a ensuite les organismes de services comme l’Institut national canadien pour les aveugles, qui offre du soutien aux patients concernés, de même que Réadaptation en déficience visuelle Canada, qui travaille pour les personnes aveugles qui ont besoin de ces types de soins. Il y a une différence entre, d’une part, les organismes de services tels que l’Alliance pour l’égalité des Canadiens aveugles, Vaincre la cécité Canada et l’Institut canadien des aveugles, qui représentent les patients, et d’autre part, les organismes appartenant au domaine médical tels que l’Association canadienne des optométristes et la Société canadienne d’ophtalmologie. Une catégorisation pourrait se faire de cette façon.

La lettre que j’ai fait parvenir au comité par l’intermédiaire du bureau de la greffière, Mme Barrette, signée par les 11 présidents d’organismes importants — la lettre que nous avons transmise à la sénatrice Plett l’année dernière — vous donne un assez bon portrait des intervenants. Ce groupe pourrait se subdiviser en petits comités correspondant chacun à un domaine.

Mme Jones : Je suis d’accord avec M. Baillargeon pour dire que conformément à l’esprit du projet de loi, plusieurs voix doivent participer au résultat final. M. Baillargeon a indiqué que les interlocuteurs étaient nombreux. Il en a énuméré plusieurs, mais il faudrait assurément ajouter à cette liste les personnes qui vivent avec une maladie oculaire. Les aidants naturels devraient eux aussi être inclus en raison de la connaissance incroyablement importante qu’ils ont de la manière dont les personnes atteintes de maladies oculaires mènent leurs activités quotidiennes.

Les organismes qui ont été énumérés ont chacun leurs forces dans le spectre de la perte de vision. Ensemble, nous couvrons tous les angles. Il faut convier à la discussion les intervenants qui représentent les personnes concernées de façon à ce que leur point de vue, et non pas seulement le nôtre soient pris en compte. Ces intervenants doivent participer à l’élaboration de la politique.

La présidente : Merci, madame Jones.

Mme Bartram : Je suis d’accord avec les témoins qui ont répondu à la question. Je proposerais par contre qu’au lieu de dresser une liste de tous les groupes, on emploie tout simplement des génériques tels que les groupes composés de personnes aux prises avec une perte de vision et les organismes qui les représentent. Ces termes engloberaient probablement tout le monde et permettraient de garantir la présence de tous les intervenants concernés.

La présidente : Merci, madame Bartram.

La sénatrice Moodie : Comme je suis pédiatre, je sais — à l’instar de plusieurs d’entre vous en fait — que le système de santé de provinces telles que l’Alberta, l’Ontario, la Saskatchewan, la Colombie-Britannique et le Manitoba remboursent les frais liés aux examens de la vue annuels des enfants âgés de moins de 18 ans. Je voulais seulement le mentionner.

Ma question s’adresse à Vaincre la cécité Canada. Dans le cadre de son rapport de 2023, votre organisme a mené des entrevues avec trois optométristes autochtones qui ont dénoncé le taux disproportionnel de patients autochtones atteints de maladies oculaires et de perte de vision. Ces optométristes ont souligné la difficulté d’accéder aux soins des yeux et de la vue par l’entremise du programme des services de santé non assurés.

Comment comptez-vous mettre sur pied en premier lieu une stratégie sur les soins oculaires plus accessible et plus respectueuse des valeurs culturelles des Canadiens autochtones? Quelles informations et données scientifiques supplémentaires doivent être produites pour améliorer les soins de santé et les soins oculaires offerts aux Autochtones au Canada?

Mme Moniz : La première étape serait de travailler en collaboration et en consultation avec les groupes autochtones. Par exemple, nous finançons en ce moment un projet de recherche qui consiste pour nous à aller dans les régions éloignées du Nord pour demander aux communautés quels sont leurs besoins en soins et leurs préférences sur le plan de la prestation des soins. Je ne suis pas une experte et je ne prétends pas savoir ce qui devrait être fait en premier, mais je pense qu’il faut comprendre les besoins à la fois sur le plan de la santé et sur le plan de la prestation des soins et du respect des valeurs culturelles. Il faut tenir compte de ces facteurs pour mettre en place une stratégie nationale des soins de santé suffisamment robuste.

Dans l’ensemble, la recherche menée sur la santé oculaire et les résultats obtenus dans ce domaine sont insuffisants. Pour avoir travaillé sur le cancer, je sais que les données sur les traitements, les résultats et la prévalence dans ce secteur sont très accessibles et faciles à trouver et que ces données contribuent grandement à orienter les décisions sur les soins de santé. Il est impossible de prendre de décisions liées aux soins de santé et d’améliorer les résultats sans se fonder sur ces matières premières que sont les données. La stratégie doit également leur accorder une place centrale pour ce qui touche à la fois les Autochtones et la santé oculaire de la population en général.

La sénatrice Moodie : Comme je l’ai dit tout à l’heure, les spécialistes recommandent la tenue d’un premier examen de la vue à l’âge de trois ans. Des données sur la fréquence des examens de la vue sont-elles produites? Le cas échéant, que disent-elles?

Mme Moniz : Nous avons des données. Je ne les connais pas par cœur, mais je sais qu’en 2012 ou en 2010, lorsque l’Ontario a radié de la liste les examens de la vue pour les personnes âgées de 18 à 64 ans — elle les a conservés pour personnes en deçà et au-delà de cette tranche d’âge —, une baisse générale des examens de la vue a été enregistrée. Je pense que vous avez raison. Le système de santé couvre les soins de la vue de certaines tranches de la population — selon les provinces —, mais tant que l’accès ne sera pas universel et que ces soins ne seront pas considérés comme importants, les Canadiens pourront difficilement leur accorder un statut prioritaire. Même si les soins sont couverts par le système de santé, un bon nombre de parents n’en profitent pas.

[Français]

La sénatrice Mégie : Ma question s’adresse à M. Baillargeon et M. White. Je vais vous la poser en français, mais vous pouvez me répondre dans la langue de votre choix.

Je pourrais paraître hors sujet; cependant, pour les dispositifs en soutien à la vision pour les personnes qui ne sont pas totalement aveugles, mais qui ont une grande perte visuelle, il existe des dispositifs qu’on leur donne pour la lecture. Avec ces dispositifs — je suis médecin de famille et j’avais des patients avec cette déficience visuelle —, je sais qu’ils pouvaient lire les pages avec deux colonnes. J’aimerais savoir une chose : est-ce que ces dispositifs existent ou, à l’heure actuelle en 2024, est-ce qu’ils ont évolué et permettent de mieux faire ce qu’ils faisaient en 2000?

[Traduction]

M. White : Oui. Certains appareils traitent de mieux en mieux le matériel imprimé. Nous avons remarqué que bon nombre des régimes qui remboursent les aides visuelles au pays visent essentiellement à pallier une déficience de lecture des imprimés. Pourtant, dans une société numérique comme la nôtre, les régimes devraient donner préséance aux outils numériques. De nombreux programmes accordent encore une place centrale à la déficience de lecture des imprimés au lieu de soutenir l’accès aux technologies numériques.

Le maintien d’un soutien adéquat est ardu en raison de la vitesse à laquelle évoluent les technologies. Ce facteur doit être pris en compte dans la stratégie nationale des soins oculaires si nous voulons que les personnes aux prises avec une perte de vision prennent part aux activités courantes de la société. J’espère avoir répondu à votre question, sénatrice.

[Français]

La sénatrice Mégie : Merci. J’ai une seconde question. Est‑ce qu’ils sont accessibles au public, ceux qui sont disponibles maintenant? Est-ce qu’ils sont accessibles et est-ce qu’ils sont couverts par une assurance ou par la province?

[Traduction]

M. Baillargeon : Le Programme d’appareils et accessoires fonctionnels de l’Ontario, par exemple, rembourse une partie des coûts des appareils. Une partie du problème en Ontario est le temps d’attente de 8 à 12 semaines avant la tenue d’une entrevue qui permet au patient de déterminer exactement ses besoins et de franchir les étapes subséquentes du processus.

Pour revenir à ce que M. White a dit à propos des régimes qui soutiennent surtout la lecture de l’imprimé, en Ontario, les données révèlent que 75 % des personnes aux prises avec une perte de vision considèrent leur canne blanche comme leur accessoire le plus important. Une proportion égale de ces personnes accorde la deuxième place au téléphone intelligent. Or, le Programme d’appareils et accessoires fonctionnels ne finance pas les téléphones intelligents en raison des biais et des obstacles inhérents aux politiques dudit programme. À l’heure actuelle, comme le soulignait M. White, les vieilles mentalités empêchent la modernisation des politiques. La motivation ne semble pas énorme.

La dame de l’Alliance pour l’égalité des personnes aveugles du Canada a raison de souligner — je tiens moi aussi à le souligner — que les sénateurs et les spécialistes qui discutent de la stratégie à établir doivent comprendre ce que vivent les personnes aveugles. Or, c’est ce qui manque dans les discussions. Certains peuvent souhaiter mettre en place des traitements, mais il faut aussi tenir compte du grand apprentissage que font les personnes malvoyantes comme moi des conditions de vie des personnes aveugles. Comment vivent les personnes nées aveugles? Que peut ressentir quelqu’un qui était propriétaire avec sa femme d’une entreprise prospère de design d’intérieur au centre-ville de Toronto, mais qui a perdu la vue et qui se retrouve sans emploi? C’est l’histoire de M. White. Les expériences de ce genre pullulent.

Il est primordial de savoir en quoi consiste au juste la vie des personnes aveugles. Comme le soulignait Vaincre la cécité Canada, la recherche est une partie importante de l’équation — l’organisme mène d’ailleurs des recherches médicales — , mais il faut aussi produire des études sur la situation des personnes aveugles dans les communautés autochtones. Les obstacles économiques auxquels sont confrontées les personnes aveugles à la recherche d’emploi, peu importe leur niveau de compétences, sont tout simplement astronomiques.

La présidente : Merci, monsieur Baillargeon.

[Français]

Le sénateur Cormier : J’ai une question très précise pour M. Pigeau et Mme Bartram. Vous parliez d’un besoin de définition de réadaptation visuelle. Si cette définition n’était pas dans le projet de loi, seriez-vous satisfaits si elle se retrouvait dans la réglementation? Est-ce que le projet de loi peut être adopté tel quel, sans cette définition, en faisant une observation qui permettrait de demander une précision dans la réglementation?

Je vais tout de suite poser ma question à M. White. Tout d’abord, je vous remercie de votre présentation. Vous m’éveillez à une réalité que, manifestement, je ne saisissais pas à l’intérieur du projet de loi. Est-ce que ce projet de loi est en mesure de répondre aux besoins des personnes qui sont, comme vous, aveugles et qui ont certains besoins spécifiques? Est-ce que la stratégie a besoin d’être précisée pour inclure vos besoins spécifiques?

[Traduction]

Mme Bartram : Je ne connais pas très bien le processus législatif. Si le Sénat pouvait s’assurer que la définition sera incluse dans les règlements, ce serait suffisant.

Voilà ma réponse à la première question. Merci.

Le sénateur Cormier : Merci. Monsieur White, voulez-vous ajouter quelque chose?

M. White : Un des points sur lesquels je veux insister est l’importance de comprendre la vie des personnes aux prises avec une perte de vision. Ce n’est pas une condition binaire comprenant d’un côté, les personnes ayant une vue parfaite et de l’autre, les personnes aveugles. La perte de vision s’étend sur tout un spectre allant du port de lunettes de lecture pour les activités quotidiennes...

Le sénateur Cormier : C’est mon cas.

M. White : ... jusqu’à la cécité. Je me situe très près de cette extrémité du spectre. J’ai une très faible perception de la lumière d’un œil. Je ne perçois aucun détail.

Il faut garder en tête que la perte de vision affecte toutes sortes de personnes de tous les milieux, de toutes les conditions socio‑économiques, de tous les contextes familiaux et sociaux, de tous les horizons et de tous les groupes ethniques. Ces personnes formant un groupe hétérogène ont chacune un ensemble de conditions particulières qui affectent plus ou moins leur vision. Certaines personnes ont une vision partielle ou très limitée, tandis que d’autres sont totalement aveugles. La stratégie vise un groupe très complexe. Voilà pourquoi elle doit être assez vaste pour donner accès à toutes les personnes dont je viens de parler à une solution adaptée. Comme le projet de loi sera appliqué au niveau provincial et territorial, les soutiens, les traitements et la recherche répondront aux besoins de tous les Canadiens aux prises avec une perte de vision.

Le sénateur Cormier : Merci beaucoup.

La sénatrice Dasko : Je poursuis dans la lancée de la question du sénateur Cormier au sujet des amendements à apporter au projet de loi. Sauf erreur, Mme Bartram et M. Pigeau ont suggéré que le projet de loi soit modifié.

Avez-vous proposé des modifications au comité de la Chambre des communes? Qu’ont répondu les membres du comité? Force est de constater qu’aucune modification n’a été apportée, mais je me demande ce qu’ils en ont pensé.

Si nous le modifions, le projet de loi sera renvoyé à la Chambre des communes conformément au processus. Avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Pigeau : Notre organisme n’a pas participé à la portion du processus en Chambre. Nous voilà devant le comité sénatorial et nous avons très hâte à l’étape de la mise en œuvre de la stratégie. Nous prônons une stratégie nationale sur les soins oculaires qui est à la fois complexe et vigoureuse.

Nous ne pensons pas que ce soit une bonne idée de revenir en arrière.

La sénatrice Dasko : Non. Ma question portait précisément sur les amendements au projet de loi. Si nous apportons des amendements, nous devrons renvoyer le projet de loi à la Chambre.

M. Pigeau : Je comprends.

La sénatrice Dasko : Faut-il apporter les amendements?

M. Pigeau : Je suis d’avis que d’apporter des amendements au libellé du projet de loi à ce stade-ci ne serait probablement pas approprié. Je serais plutôt partisan d’aller de l’avant et de travailler sur ces aspects.

La sénatrice Dasko : Très bien. Madame Bartram, avez-vous des commentaires?

Mme Bartram : Je ne vois pas de problèmes tant et aussi longtemps que la question est résolue à l’étape de la réglementation. Nul besoin de retarder l’adoption du projet de loi. Par contre, nous voulons la garantie que les correctifs seront apportés.

Malheureusement, nous n’avons pas participé aux stades précédents de l’étude du projet de loi. Nous en avons pris connaissance à la toute dernière minute en quelque sorte. Les aspects en question devront être réglés à une étape ou à une autre du processus.

La sénatrice Dasko : Merci.

Le sénateur Boudreau : Ma première question a déjà été posée par le sénateur Cormier et la sénatrice Dasko. Nous savons que les délibérations sur les amendements et l’adoption accélérée des projets de loi sont deux choses irréconciliables. Puisque ce projet de loi est très important, je suis heureux d’entendre que la priorité a été accordée au deuxième scénario.

Ma deuxième question s’adresse à Mme Moniz. Vous avez mentionné dans votre déclaration liminaire que le Canada n’avait aucun financement consacré exclusivement à la recherche sur la santé oculaire. Je me demandais si vous pouviez fournir des exemples d’autres pays qui financent la recherche dans ce domaine en précisant la hauteur du financement en question.

Mme Moniz : Oui. Je vais vous donner l’exemple des États‑Unis et de leur institut national de l’œil, qui mène comme son nom l’indique des recherches sur la santé oculaire et sur la vision et dont le budget s’élève à environ 900 millions de dollars par année. En pondérant en fonction de la population, il faudrait investir au Canada 90 millions de dollars, alors que pour l’heure, on investit — en tenant compte du financement caritatif — environ 25 millions de dollars au pays par année dans la recherche sur la santé oculaire. Ce montant comprend les 2 ou 3 millions de dollars provenant de notre organisme et d’autres sources de financement caritatif.

Le financement actuel est de deux à trois fois moins élevé que ce que nous souhaiterions avoir. Le Canada ne compte pas de source de financement dédiée. Le financement sur la santé oculaire est englobé dans celui de l’Institut des neurosciences, de la santé mentale et des toxicomanies des Instituts de recherche en santé du Canada. Le dernier plan stratégique de l’institut ne renferme qu’une occurrence du terme « vision » au sens de soins oculaires. Le terme apparaît dans la description du mandat officiel de l’institut. Aucun passage du document ne porte sur les soins oculaires.

Le sénateur Boudreau : Merci beaucoup.

La présidente : Voilà qui met fin à la réunion d’aujourd’hui. Je tiens à remercier les témoins qui ont comparu en personne et en ligne de nous avoir fait si généreusement part de leurs connaissances, de leur vécu et de leur point de vue. Grâce à vous, nous avons considérablement approfondi notre compréhension du contexte de la cécité. Merci infiniment.

Chers collègues, nous poursuivrons mercredi notre étude du projet de loi C-284 en compagnie d’autres témoins. L’étude article par article se tiendra le jeudi 31 octobre.

(La séance est levée.)

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