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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 11 mai 2022

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd’hui avec vidéoconférence à 16 h (HE) pour examiner la teneur des éléments de la partie 8 du projet de loi S-6, Loi concernant la modernisation de la réglementation.

La sénatrice Ratna Omidvar (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bonjour et bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Je m’appelle Ratna Omidvar, sénatrice de l’Ontario et présidente de ce comité.

Aujourd’hui, le comité entreprend l’examen de la teneur des éléments de la partie 8 du projet de loi S-6, Loi concernant la modernisation de la réglementation, qui porte sur l’immigration, les réfugiés et la citoyenneté.

Je souhaite la bienvenue à notre premier groupe de témoins, soit Kathryn Fredericks, directrice, Relations internationales et intergouvernementales, et Me Anna Lillicrap, avocate, Services juridiques, toutes deux d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada; et James van Raalte, directeur exécutif, Direction de politiques et de coopération en matière de réglementation, du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada. Je vous remercie d’être avec nous aujourd’hui.

Je vous invite à nous présenter vos déclarations liminaires. Vous disposez chacun de cinq minutes pour le faire, puis nous passerons aux questions des membres du comité.

Kathryn Fredericks, vous pouvez commencer quand vous serez prête.

Kathryn Fredericks, directrice, Relations internationales et intergouvernementales, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada : Je vous remercie, madame la présidente.

Je suis ici pour vous parler des modifications législatives proposées par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada dans le projet de loi S-6.

Les premières modifications concernent la Loi sur le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration. Elles permettraient d’accroître la disponibilité de l’information dans tous les programmes dont le ministère est responsable afin d’améliorer la prestation des services dans tous ses secteurs d’activités. Elles permettraient en outre au ministère de communiquer des renseignements sur l’identité ou le statut d’immigration d’une personne aux organismes fédéraux, provinciaux et territoriaux afin de faciliter l’administration de leurs lois.

En améliorant ainsi la prestation des services, le ministère contribuerait aux efforts déployés par le Canada pour continuer d’attirer les gens les plus talentueux dont l’économie et le marché du travail dépendent de plus en plus. Ces modifications amélioreraient l’intégrité des programmes et réduiraient les risques de fraude. Enfin, grâce à ces modifications, il serait plus facile pour une personne de prouver son identité à tous les ordres de gouvernement, ce qui serait avantageux pour les clients.

Les deuxièmes modifications, qui concernent la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, permettraient l’adoption d’un règlement régissant la communication de renseignements personnels à une institution fédérale à des fins de collaboration lorsque ces renseignements ont une pertinence directe par rapport au mandat du ministère ou de l’organisme. Cela permettrait par exemple de communiquer des renseignements personnels à d’autres organismes gouvernementaux pour que le ministère de l’Immigration puisse établir la conformité d’un employeur dans le cadre d’un programme de mobilité internationale.

Les modifications proposées à ces lois sont compatibles avec le travail que le Secrétariat du Conseil du Trésor accomplit en vue de créer des conditions stratégiques et réglementaires propices à l’établissement d’une plateforme de prestation de services à guichet unique pour le gouvernement du Canada, soit l’approche « une fois suffit ». En outre, elles soutiendraient directement la réalisation de la priorité du ministère de faire passer les processus actuels à un environnement en ligne et d’améliorer l’expérience du client du point de vue de la convivialité, la fiabilité et la sécurité.

Le gouvernement du Canada respecte les normes les plus élevées en matière de protection des renseignements personnels de ses clients. Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada s’engage à protéger les renseignements des clients en mettant en place des politiques rigoureuses de confidentialité et de sécurité et en révisant continuellement ses pratiques de gestion de l’information pour assurer la conformité à la Loi sur la protection des renseignements personnels.

La communication de l’information n’aurait lieu que lorsqu’il existe une autorisation légitime associée à la collecte de cette information. Toute nouvelle collecte, utilisation ou communication de renseignements personnels découlant de cette initiative ferait l’objet d’une évaluation des facteurs relatifs à la vie privée afin d’assurer la conformité avec la loi, les politiques, les directives et les meilleures pratiques en matière de protection de la vie privée.

Nous avons travaillé avec le Commissariat à la protection de la vie privée pour déterminer comment procéder pour intégrer les mesures de protection de la vie privée nécessaires à cette fin.

Nous comptons également produire, à l’intention des intervenants et des clients, du matériel de communication pour présenter l’objet de la politique et les plans de gestion des risques d’entrave à la vie privée des modifications proposées.

Je vous remercie.

La présidente : Nous passons maintenant à James van Raalte, du Conseil du Trésor.

James van Raalte, directeur exécutif, Direction de politiques et de coopération en matière de réglementation, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada : Madame la présidente, honorables sénateurs, je suis heureux d’être ici aujourd’hui pour vous donner un aperçu du projet de loi S-6 et répondre à toutes vos questions sur son contexte et sur ce dont mes collègues sont ici pour vous parler également.

Le projet de loi S-6, Loi concernant la modernisation de la réglementation, propose de modifier 29 textes législatifs en y apportant 46 modifications qui aideraient à maintenir la réglementation pertinente et à jour afin de réduire le fardeau administratif pour les entreprises, faciliter les interactions numériques avec le gouvernement, simplifier les processus réglementaires, faire des dérogations à certaines exigences réglementaires pour tester de nouveaux produits, et faciliter le commerce transfrontalier grâce à des règles plus uniformes et cohérentes entre les gouvernements.

Le projet de loi S-6 est le deuxième projet de loi annuel de modernisation de la réglementation du gouvernement, ou PLAMR. Annoncé dans l’Énoncé économique de l’automne 2018, le PLAMR se veut un mécanisme législatif récurrent qui permet au gouvernement d’apporter des changements sensés à de nombreux textes législatifs en même temps pour remédier à des problèmes soulevés par les entreprises ou les Canadiens concernant des exigences trop compliquées, incohérentes ou dépassées.

Le premier PLAMR a été présenté et adopté dans la Loi d’exécution du budget de 2019. Le PLAMR est un élément du programme du gouvernement visant à moderniser le système de réglementation du Canada, tout en continuant de protéger la santé et la sécurité des Canadiens et l’environnement.

Prises individuellement, les modifications présentées dans le projet de loi ont une portée modeste; ensemble, toutefois, elles feront une différence et contribueront au programme de modernisation de la réglementation du gouvernement.

Le regroupement de changements législatifs relativement mineurs dans un seul projet de loi est une façon rapide et économique de procéder. Le PLAMR est conçu expressément pour proposer plusieurs modifications législatives et non litigieuses en même temps. Ce sont des « correctifs » que la présidente du Conseil du Trésor peut parrainer au nom de ses collègues du Cabinet. Tout ce qui dépasse ce seuil — même si cela peut constituer une bonne proposition pour la modernisation de la réglementation — doit être présenté par le ministre responsable de l’examen parlementaire et public.

Les 46 modifications proposées sont soit une demande des parties prenantes — 33 d’entre elles —, soit une réponse aux problèmes soulevés par le Comité mixte permanent d’examen de la réglementation du Parlement — soit les 13 restantes.

Le Secrétariat du Conseil du Trésor a lancé une consultation publique dans la Gazette du Canada au cours de l’été 2019, en invitant les parties prenantes intéressées à lui faire part de leurs points de vue sur des thèmes liés à la modernisation de la réglementation, y compris à lui proposer des suggestions pour le prochain PLAMR. Quarante-huit mémoires faisaient allusion au PLAMR. Cependant, la plupart n’entraient pas dans le cadre de la consultation, car ils proposaient des changements aux règlements plutôt qu’aux lois. Toutefois, tous les commentaires ont été communiqués aux ministères et organismes de réglementation responsables.

À la suite de cette consultation, un rapport sur la modernisation de la réglementation a été publié en novembre 2020, qui a fait ressortir les thèmes suivants : réduire le fardeau administratif, accroître la souplesse réglementaire et les possibilités d’expérimentation; améliorer l’harmonisation avec les principaux partenaires commerciaux; et supprimer les exigences en double et les exigences redondantes et imprécises.

De même, un appel aux ministères et organismes de réglementation a été lancé en août 2019. Quatorze d’entre eux ont soumis 174 propositions touchant 72 lois. Toutes les propositions ont été examinées en profondeur pour s’assurer qu’il n’y a pas de répercussions négatives sur la santé et la sécurité des Canadiens et sur l’environnement.

Outre ce qui est contenu dans le projet de loi S-6, d’autres propositions ont été laissées de côté pour diverses raisons. Certaines ont été considérées comme ayant une portée trop large ou jugées de nature non réglementaire, tandis que d’autres n’ont pas été prises en considération notamment si elles visaient à modifier les frais de service ou si les activités supplémentaires proposées allaient augmenter le fardeau administratif.

Le processus d’élaboration du troisième PLAMR est déjà en cours à partir des leçons tirées de la COVID. La présidente s’est engagée à présenter le troisième PLAMR au printemps de l’année 2023.

À l’avenir, le Secrétariat du Conseil du Trésor utilisera sa nouvelle plateforme Parlons des règlements fédéraux pour solliciter les commentaires des entreprises et des Canadiens sur les moyens d’améliorer le système de réglementation fédéral du Canada. De plus, les consultations sur le quatrième PLAMR devraient être lancées à l’automne 2022.

Je vous remercie, madame la présidente.

La présidente : Je vous remercie beaucoup, monsieur van Raalte. Nous allons maintenant passer aux questions des sénateurs.

La sénatrice Bovey : J’aimerais remercier les témoins. J’ai deux questions, une pour Mme Fredericks, d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté, et une pour le Conseil du Trésor.

Madame Fredericks, vous avez parlé de la Loi sur la protection des renseignements personnels et de la définition de « renseignements personnels ». J’aimerais creuser un peu la question et que vous nous disiez en quoi les modifications prévues dans le projet de loi S-6 vont changer votre façon d’utiliser ou de communiquer les renseignements personnels.

M. van Raalte, pour que vous puissiez y réfléchir, ma question porte sur la coopération intergouvernementale et l’information externe, et certaines des communications qui sont proposées. Pouvez-vous nous dire quels programmes et partenariats sont en cours de préparation au Canada qui pourraient — ou vont — bénéficier de ces modifications?

Mme Fredericks : Je vous remercie, madame la sénatrice, de votre question. Je peux commencer et ensuite céder la parole à M. van Raalte.

Pour ce qui est de la façon dont cela changerait l’utilisation et la communication des renseignements personnels par le ministère, il s’agit essentiellement d’une modification axée sur le service à la clientèle. Vous savez probablement que le gouvernement prévoit d’accueillir près d’un demi-million d’immigrants au cours de l’année à venir. C’est essentiel pour continuer à répondre à nos défis démographiques et aux problèmes du marché du travail, mais une partie du traitement des demandes est ralentie parce que... Le processus d’immigration est un continuum et les gens peuvent demander un visa de visiteur; ils peuvent ensuite demander à venir étudier ici; puis ils peuvent décider de rester et de demander la résidence permanente. À chaque étape de ce processus, le ministère leur demande des informations, et dans certains cas, nous avons des formulaires qui contiennent plus de 100 questions. Il leur faut des heures pour les remplir. Vous pouvez imaginer la frustration qu’éprouve un demandeur.

Lorsqu’un demandeur atteint l’étape de la citoyenneté — il a obtenu le statut de résident permanent et demande la citoyenneté —, le ministère sait qui il est dans près de 95 % des cas en raison de communications antérieures, mais nous continuons à lui demander les mêmes renseignements parce que nous ne sommes pas autorisés à communiquer les renseignements personnels entre les programmes. Cela pourrait vraiment accélérer les choses pour les clients. Je pense que nous aurions une réaction très positive, car nous entendons certainement des plaintes concernant la lenteur du traitement.

Un autre élément fondamental de cette mesure est de nous permettre de communiquer l’information à nos partenaires provinciaux et territoriaux.

Pour que la population ait confiance dans le système d’immigration, il faut que les immigrants réussissent à s’intégrer au sein de la société canadienne et sur le marché du travail. Cela dépend, en partie, de l’accès à des services provinciaux clés, comme les soins de santé, le permis de conduire — des éléments de la vie sociale que nous tenons tous pour acquis. Ce que nous constatons, c’est que l’admissibilité à ces services dépend en grande partie du statut d’immigration, qui doit être confirmé par les fournisseurs de services qui n’ont pas accès au statut des personnes à moins qu’elles ne fournissent les documents nécessaires — ce qui est parfois un processus sans heurts et parfois le contraire. Si la paperasse n’a pas suivi, les gens doivent faire la queue à ServiceOntario, par exemple, incapables de prouver leur statut.

C’est assurément une source d’irritation pour nos clients et pour nos partenaires provinciaux et territoriaux qui assurent la prestation des services, et nous espérons que cette mesure permettra de régler ce problème.

M. van Raalte : Merci pour cette question. En ce qui concerne les exemples de coopération intergouvernementale qui va probablement être facilitée par le projet de loi S-6 en général, il y a une série de modifications qui sont parrainées par l’Agence canadienne d’inspection des aliments qui facilitera la reconnaissance des inspections de la salubrité des aliments ou des autorisations de produits commerciaux d’autres gouvernements dont nous reconnaissons la qualité et l’efficacité des programmes afin de réduire les chevauchements et les dédoublements en plus de faciliter le commerce international. D’autres comités sénatoriaux permanents auront entendu des témoignages à cet effet dans le cadre de l’étude des parties du projet de loi qui les concernent.

L’Agence des services frontaliers du Canada propose, au titre de la Loi sur les douanes, de faciliter une reconnaissance plus rapide des dispositions prévues au titre des accords de libre-échange, ce qui faciliterait le commerce, qui serait ainsi plus rapide.

Le sénateur Patterson : J’aimerais poser une question au représentant du Secrétariat du Conseil du Trésor. Dans l’aperçu des modifications proposées dans le projet de loi, les modifications proposées à l’article 159 sont mises en contexte. On précise que la vérification de l’identité par les trois ordres de gouvernement au Canada coûte chaque année quelque 482 millions de dollars.

De quelle façon les modifications proposées influent-elles sur ces coûts, le cas échéant? On affirme que le passage à des demandes en ligne et une plus grande collaboration avec les provinces et les territoires permettront de traiter plus rapidement les demandes, ce qui permettra de répondre plus vite aux besoins du marché du travail. Pourriez-vous expliquer de quelle façon les modifications proposées au projet de loi S-6 vont améliorer ce processus, le cas échéant? Merci.

M. van Raalte : Merci, madame la présidente. Je vais devoir m’en remettre à mes collègues d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, vu la nature précise de la question.

La présidente : Madame Fredericks, pourriez-vous répondre à la question?

Mme Fredericks : Oui, madame la présidente. Merci.

Pour l’heure, nous savons que les gouvernements provinciaux et territoriaux comptent sur notre ministère, leur homologue fédéral, pour établir et confirmer l’identité des personnes dans le système d’immigration. Bien qu’il y ait des bureaux de l’état civil dans les provinces et territoires dont relèvent les citoyens canadiens, c’est Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada qui détient les renseignements relatifs aux résidents temporaires et permanents.

Par exemple, de plus en plus de bureaux d’immatriculation de véhicules communiquent avec le ministère fédéral à propos de politiques en matière d’identité comme des changements de nom ou de sexe. Il peut être difficile pour certaines personnes de prouver leur identité. Un changement de nom semble simple, mais quand vos documents ne comportent pas votre nouveau nom, obtenir l’accès à ces services est difficile. Les clients perdent beaucoup de temps au travail. Ces bureaux doivent consacrer beaucoup de temps à leurs interactions avec ces clients et avec notre ministère pour établir qui sont ces clients et savoir s’ils peuvent accéder à l’information confirmée.

Actuellement, nous ne pouvons pas partager de renseignements personnels. Donc il y a beaucoup de ce que je qualifierais de friction dans le système qui accapare les fonctionnaires et les clients dans les coûts que vous citez.

Votre deuxième question portait sur la collaboration en ligne avec les provinces et territoires et la façon dont elle contribue à répondre aux besoins du marché du travail. Là-dessus, je vous dirais que plus la demande de quelqu’un qui souhaite venir au Canada à titre de résident temporaire ou permanent est traitée rapidement, plus leur permis de travail sera délivré rapidement, et donc plus ils pourront rapidement être employés et intégrés efficacement au sein du marché du travail.

L’intégration réussie à la société canadienne est le dernier pas à franchir dans le système d’immigration, et elle dépend beaucoup de la participation à l’économie, qui dépend quant à elle de ce partage de renseignements et du traitement rapide des demandes.

Le sénateur Patterson : Merci beaucoup.

La sénatrice Poirier : Merci aux deux témoins d’être des nôtres. Ma question s’adresse à Mme Fredericks et elle s’apparente aux questions posées au tout début par la sénatrice Bovey ou s’inscrit dans la même veine.

Dans le projet de loi S-6, il y a deux articles qui facilitent le partage de renseignements dans le contexte d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada et, si ma mémoire est bonne, vous avez précisé dans votre réponse que le traitement serait plus rapide grâce à ces modifications et aux différents statuts, comme ceux de résidence permanente et de citoyenneté, si j’ai bien compris. Pourriez-vous m’expliquer de façon concrète en quoi le processus serait plus efficace?

Mme Fredericks : Bien sûr. Si l’on revient à une partie du processus que j’ai décrit à propos de ce que nous demandons aux clients, quand nous leur demandons de soumettre une demande à n’importe quel moment au sein de ce continuum de l’immigration, que ce soit en qualité de visiteur, de résident temporaire ou permanent, voire pour l’obtention d’un permis d’études, nous ne leur demandons pas uniquement leur nom, leur adresse et leur date de naissance. Il peut y avoir un très grand nombre de questions relatives à l’identité, la santé, l’économie et leur expérience. Nous fournir ces renseignements est un processus très ardu pour eux. C’est chronophage. Il y a différents formulaires. Cela peut sembler anodin, mais l’élaboration de formulaires en ligne et papier, l’échange de ces renseignements entre les différents bureaux, c’est autant de temps perdu dans le traitement de ces demandes.

Idéalement, si nous pouvions automatiquement partager des renseignements qui nous sont fournis dès le départ par le client pour tout programme offert par notre ministère, cela accélérerait les choses.

La sénatrice Poirier : Pouvez-vous me donner un exemple du temps nécessaire actuellement comparativement à ce que ce sera une fois cet article adopté et le partage possible?

Mme Fredericks : C’est une excellente question. Je n’ai pas de nombre d’heures précis à vous fournir. Je peux vérifier si je peux obtenir des exemples. Pour la demande du statut de résident permanent, par exemple, je pourrais fournir des détails sur la durée du processus au comité.

Je peux vous dire qu’il y a des arriérés importants et qu’il faut actuellement compter plus d’un an, c’est certain.

La sénatrice Poirier : Si vous pouviez fournir cette information au comité, je suis persuadée que nous vous en serions reconnaissants. Merci.

La présidente : Madame Fredericks, nous nous attendons à recevoir des renseignements sur les normes de service qui sont actuellement en place, et je crois que nous comprenons tous, d’après ce que vous dites, que vous vous attendez, tout comme le pays tout entier, à ce que cette modification réduise l’arriéré et assure une plus grande satisfaction de la clientèle.

Mme Fredericks : Oui, absolument. Merci. Je vais revenir au comité là-dessus.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Ma question s’adresse également à Mme Fredericks.

J’aimerais avoir un exemple des modifications dont on parle sur le plan des définitions. Lorsque je regarde la modification à l’article 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels, on constate qu’elle est quand même très détaillée et qu’on peut aller chercher beaucoup d’informations, comme les adresses, les empreintes digitales, le groupe sanguin, mais aussi des opinions, des idées personnelles, etc.

Pourquoi cela a-t-il été jugé nécessaire? Veut-on standardiser ou aligner des définitions?

J’aurais aimé avoir un exemple. Quel type de renseignements peut-on obtenir actuellement? Quelle différence cela fera-t-il sur le type de renseignements qu’on pourrait recueillir à la suite de cette modification?

[Traduction]

Mme Fredericks : Merci pour cette question. Je suis d’accord avec vous pour dire que nous nous fondons sur la définition dans la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le cadre de ces modifications. Nous voulions nous assurer de respecter cette définition à des fins d’uniformité. Nos modifications viennent rectifier notre capacité à partager les renseignements avec certaines organisations pour les fins que j’ai décrites, mais cela ne changera pas le fait que nous sommes assujettis aux exigences de la Loi sur la protection des renseignements personnels pour ce qui est de la collecte, de l’utilisation et de la conservation des renseignements.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Donc, si je comprends bien, on est vraiment dans un objectif d’alignement et cela ne va pas changer le type de renseignements qu’on veut recueillir, c’est bien ça?

[Traduction]

Mme Fredericks : C’est exact. Cela ne change pas notre programme ni les renseignements que nous recueillons afin de bien l’administrer.

[Français]

La sénatrice Mégie : Ma question s’adresse également à Mme Fredericks.

J’ai quelques questions. Les renseignements personnels à l’extérieur d’IRCC, donc provenant d’autres organismes des ministères fédéraux et provinciaux, seront limités.

Pourquoi imposer une limite alors qu’on ouvre la porte à donner certains renseignements? Quelles autres limites met-on dans ces renseignements?

De plus, cela m’a étonnée de voir que le dossier médical et le casier judiciaire figurent parmi les renseignements que l’on peut donner. Ces renseignements sont vraiment sacrés, donc je voudrais avoir votre avis à ce sujet.

[Traduction]

La présidente : Madame Fredericks, pourriez-vous répondre à cette question?

Mme Fredericks : Je suis désolée, mais je n’ai pas saisi la dernière remarque.

[Français]

La sénatrice Mégie : Mon dernier commentaire porte sur le fait que, dans l’ensemble des renseignements personnels, on a inclus le dossier médical et le casier judiciaire. Dans la vie courante, je comprends que ce sont des renseignements vraiment sacrés. Je trouve donc bizarre que ces informations fassent partie des renseignements qui sont inclus et qu’on puisse les transmettre à d’autres organismes.

[Traduction]

Mme Fredericks : Merci pour cette question. Nous tentons de répondre aux demandes des clients, mais n’avons jamais entendu une demande du genre, soit être en mesure de partager des dossiers médicaux ou criminels. Ce qu’on nous souligne, toutefois, ce sont les choses dont j’ai parlé plus tôt en ce qui a trait au partage des renseignements avec les partenaires provinciaux et territoriaux de prestation de services dans l’ensemble de nos programmes. C’est vraiment à cela que nous tentons de répondre. Mais, comme je l’ai dit, nous souhaitons vraiment nous assurer d’être conformes à la Loi sur la protection des renseignements personnels, qui inclut les dossiers médicaux et criminels dans sa liste de renseignements jugés personnels. Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada ne prévoit toutefois pas l’inclusion de ces renseignements dans ce qu’il partagerait.

Je soulignerais également que, advenant l’adoption de ces modifications à deux textes législatifs, nous serions en mesure de concevoir des règlements relatifs au partage de renseignements. C’est un processus à plus long terme qui est vraiment important pour veiller à ce qu’il soit réussi du point de vue du partage responsable, puis qu’il soit utile aux clients et à l’intérêt public.

De par sa nature même, le processus réglementaire nécessite la consultation des intervenants et des clients, la publication de ce que nous avons l’intention de faire et une très grande transparence à cet égard. Si quelque chose d’aussi délicat était souhaité, il ferait très certainement l’objet de consultations publiques. Comme je l’ai dit, ce n’est pas quelque chose que nous envisageons actuellement.

[Français]

La sénatrice Mégie : Merci. Je voudrais revérifier auprès de vous la limite de certains renseignements, sans parler du dossier médical. Pourquoi est-il si important de limiter certains renseignements quand on les transmet? Vous dites que c’est possible. Est-ce que cela figure dans les amendements?

[Traduction]

Mme Fredericks : Je n’ai pas le détail article par article devant moi. Je peux me renseigner. Oui, je ne crois pas que nous établissions de limites sur les renseignements qui peuvent être partagés grâce à ces modifications. Elles permettent le partage de renseignements personnels tels que définis par la Loi sur la protection des renseignements personnels. Nous les définissons conformément à la Loi sur la protection des renseignements personnels.

[Français]

La sénatrice Mégie : Merci.

[Traduction]

La sénatrice McPhedran : Ma question s’adresse aux représentantes d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada. Petite mise en contexte : depuis le mois d’août, plusieurs sénateurs tentent d’aider des Afghans qui sont extrêmement à risque à quitter le pays de façon sûre.

Il y a eu une violation très grave de la confidentialité au sein d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada qui a mené à la publication du nom de plusieurs centaines d’Afghans gravement à risque qui se cachent en Afghanistan ou, dans certains cas, qui viennent à peine de sortir du pays et se trouvent maintenant dans un pays tiers. C’était une violation de la confidentialité qui semble s’être produite simplement en raison de vos systèmes.

Ma question vise le type de supervision de la divulgation et de la production de rapports, l’examen minutieux qui doit être instauré dans les circonstances actuelles, mais porte plus particulièrement sur les modifications proposées. Quel type de supervision, d’examen minutieux proportionnel à ces modifications mettra-t-on en place?

Mme Fredericks : Merci pour cette question, sénatrice. Vous soulevez une question très grave que le ministère prend très au sérieux.

La sénatrice McPhedran : Très grave.

Mme Fredericks : Oui. Le ministère procède actuellement à des examens pour savoir ce qui s’est passé, pour savoir de quelle façon cette violation s’est produite et ce qu’il doit faire pour y remédier.

Certes, il aura pour conséquence positive la mise en place de ces mesures rigoureuses par le ministère afin de veiller à ce que cela ne se reproduise plus. Ces mesures seront bien comprises et mises en œuvre quand ces modifications seront adoptées, le cas échéant.

Nous admettons tout à fait que dès qu’un système recueille des renseignements, il y a des risques d’infraction à la sécurité. Il faut que ce soit pris très au sérieux. Ce n’est pas une broutille. Dès que vous essayez de divulguer des renseignements, vous devez penser à la sécurité des processus pour ce faire.

La sénatrice McPhedran : Juste pour m’assurer de bien comprendre, la conséquence positive à laquelle vous faites référence ici est en fait un changement qui se produira ou qui est en cours pour remédier à cette violation précise de la confidentialité? Y a-t-il aussi quelque chose ici dans les modifications proposées qui indique une supervision ou des mesures de protection correspondantes pour ces modifications? Est-ce que la réponse est simplement oui? Je veux m’assurer d’avoir compris votre réponse.

Mme Fredericks : Bien sûr. Ce que je veux dire, c’est que le ministère mène actuellement un examen pour s’assurer de remédier à cette infraction à la sécurité. Les processus et les correctifs connexes du ministère seront en place advenant l’entrée en vigueur des modifications et s’appliqueront au partage de n’importe quel renseignement permis par celles-ci. Mais les modifications comme telles n’entraînent aucun changement.

La sénatrice McPhedran : Merci de ces précisions.

Un autre problème qui continue de frapper une demande après l’autre à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada est celui des documents comme tels, les documents qui sont en ligne et ceux que les fonctionnaires d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada envoient. Impossible de les ouvrir. Même quand un fonctionnaire en particulier envoie une pièce jointe au lieu d’un simple lien vers votre site Web, elle ne s’ouvre pas. Ce sont des PDF. Quatre ou cinq personnes qui, comme beaucoup d’entre nous, sont dans un contexte privilégié ont tenté de trouver une façon d’ouvrir un document. Parfois, quand les gens essaient encore et encore, on en vient à se demander pourquoi il en est ainsi et à comprendre à quel point il est laborieux de s’y retrouver dans le système d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada pour des personnes qui, elles, ne sont pas dans des circonstances privilégiées, mais bien dans des circonstances extrêmement précaires.

Toute cette portion du projet de loi semble viser la rationalisation et l’efficacité accrue des communications. On nous dit qu’elle est axée sur les demandeurs, mais vous intéressez-vous à certains aspects de cette réalité très concrète et fâcheuse, par exemple des documents qui ne s’ouvrent pas?

La présidente : Madame Fredericks, je propose que l’on revienne à cette question, car la sénatrice McPhedran n’a plus de temps, mais nous allons y revenir.

La sénatrice Dasko : Merci aux témoins. Je souhaite approfondir un peu la question des données recueillies et de celles partagées si ces modifications sont adoptées. Évidemment, vous recueillez de grands volumes de données si vous utilisez des questionnaires qui demandent plus d’une heure à remplir. Il y a d’énormes quantités de données qui vont bien au-delà des données démographiques. Vous avez dit poser des questions sur les croyances, les opinions et ainsi de suite, donc vous avez beaucoup de données.

Dois-je comprendre que, après l’adoption de ces modifications, toutes ces données pourront être partagées au sein de votre ministère ainsi qu’avec n’importe quel autre ministère fédéral ou agence ou ministère provincial, voire n’importe quelle administration municipale? J’ai une autre question qui porte sur les gouvernements étrangers. Vous avez beaucoup de données. Est-ce qu’il y en a qui peuvent actuellement être partagées?

Je sais que vous avez dit ne pas obtenir beaucoup de demandes pour cela, mais là n’est pas vraiment la question. Si vous êtes en mesure de les partager, donc vous pouvez les fournir. J’essaie de comprendre. Pourriez-vous simplement clarifier la question pour moi? Merci.

Mme Fredericks : Bien sûr. Je vous remercie de votre question, madame la sénatrice.

Vous avez raison. Nous collectons un grand nombre de données.

Je me suis peut-être mal exprimée si j’ai utilisé le mot « croyances ». L’information serait plus factuelle que cela. Toutefois, le ministère détermine à la fois l’admissibilité à certains programmes ou à des volets d’immigration. Il recueille donc des données sur la santé, des données financières et des données sur la criminalité. En outre, d’autres questions de sécurité sont abordées dans ces données.

Ces amendements définiraient les « renseignements personnels » de la même façon que la Loi sur la protection des renseignements personnels. Comme nous en avons discuté, la définition des « renseignements personnels » est assez large, mais en même temps, ces renseignements doivent être protégés de la même manière qu’ils le sont par la Loi sur la protection des renseignements personnels.

À l’aide de ces amendements, nous voulons nous assurer que ces renseignements peuvent être communiqués à d’autres organismes provinciaux ou territoriaux afin de permettre aux provinces ou aux territoires d’appliquer leurs lois et communiqués à d’autres organismes fédéraux à des fins de coopération. Ces amendements ne permettraient pas de communiquer à des gouvernements étrangers des renseignements qui ne leur sont pas déjà communiqués en vertu d’autres lois, ni de communiquer ces renseignements à des municipalités, sauf si elles sont définies comme faisant partie d’un gouvernement provincial.

Mais comme je l’ai mentionné, toute communication de renseignements serait soumise à des consultations. Si cette communication risquait d’entraîner le refus de l’admissibilité à une prestation, elle serait soumise à la prise de règlements. Donc, je précise encore une fois que ce processus nécessite une consultation publique des intervenants, la publication des règlements prévus, la collecte d’autres commentaires à ce sujet, etc.

Nous souhaitons nous assurer que nous mettons en place un régime qui soit tout à fait transparent quant aux objectifs de la communication des renseignements. Ces amendements jettent les assises qui nous permettent d’accomplir ce travail supplémentaire en matière de réglementation. Nous espérons que cela rassurera le public quant à la raison d’être de cette mesure.

La sénatrice Dasko : Les mesures de protection sont donc à venir; elles ne sont pas présentes en ce moment? Est-ce bien ce que vous dites?

Mme Fredericks : Je dirais que les mesures de protection juridique et politique sont présentes dans la mesure où elles existent dans la Loi sur la protection des renseignements personnels et dans les exigences liées à l’élaboration de la réglementation.

La sénatrice Dasko : Merci. Madame la présidente, me reste-t-il encore du temps?

La présidente : Il vous reste seulement 19 secondes. Je suggérerais que nous revenions à vous plus tard.

La sénatrice Dasko : Mais j’ai une question à poser qui ne prendra pas plus de 19 secondes.

La présidente : Fort bien. Allez-y.

La sénatrice Dasko : Est-ce que Statistique Canada recueille certaines de vos données, madame Fredericks?

Mme Fredericks : Nous utilisons des données de Statistique Canada pour analyser des politiques et pour comprendre les résultats liés aux immigrants. Je ne sais pas si Statistique Canada recueille des données à notre intention, mais il faudrait que je vous réponde plus tard à ce sujet.

La sénatrice Dasko : Merci.

La présidente : Cet échange a duré exactement 19 secondes. Bien joué, sénatrice Dasko.

La sénatrice Cordy : Madame la présidente, je ne suis pas certaine de pouvoir gérer mon temps de façon aussi précise, mais je vais tenter de le faire.

Chers témoins, je vous remercie infiniment de vous être joints à nous.

Ma question fait suite aux questions des sénatrices Poirier et McPhedran qui portaient sur les délais de traitement et sur la question de savoir si les modifications réglementaires permettront d’accélérer les délais de traitement. La sénatrice McPhedran a parlé d’un cas particulier. Mon bureau travaille sur le cas d’un étudiant des États-Unis qui veut venir étudier à une université de Halifax. Ses parents ont tous deux travaillé à Halifax; j’ai travaillé avec son père à Halifax. Ils sont partis afin d’obtenir des emplois mieux rémunérés aux États-Unis. L’étudiant a présenté sa demande il y a un an et demi.

Quand mon bureau a téléphoné, ils ne pouvaient même pas déterminer où il se trouvait sur la liste d’attente. On dirait qu’il y a une liste d’attente pour déterminer où vous vous trouvez sur la liste d’attente. L’étudiant doit commencer à payer des frais à l’université dans environ une semaine. Nous travaillons sur ce dossier depuis environ deux mois, et dire que nous avançons à pas de tortue serait un euphémisme. Nous n’avons pratiquement pas avancé.

S’ils n’obtiennent pas de réponse, et s’ils ne sont pas prêts à verser une somme d’argent importante avant d’avoir reçu une réponse — ce que je ne ferais probablement pas si j’étais un parent dans cette situation, en particulier s’il s’agit d’un étudiant étranger...

Ces frustrations ne se limitent pas aux sénatrices McPhedran, Poirier et moi-même. Les gens de nos régions nous font aussi part de leurs frustrations.

Cela aura-t-il un effet bénéfique? Si ce n’est pas le cas, qu’est-ce qui aura un effet bénéfique?

Mme Fredericks : Merci, madame la sénatrice. Vous soulevez une question vraiment importante.

Plus tôt au cours de la séance, j’ai souligné l’importance de la confiance du public dans le système d’immigration. Cette confiance dépend vraiment de l’intégration réussie de nos clients, qu’il s’agisse ou non de pouvoir venir ici en tant qu’étudiant afin d’acquérir une éducation canadienne, puis de passer à la résidence permanente et au marché du travail. Il est donc très important pour le ministère de trouver des moyens de réduire les arriérés et les délais de traitement.

Nous espérons certainement que ces échanges de renseignements entre les programmes — qui auront lieu si ces amendements sont adoptés — auront un effet bénéfique.

Est-ce la seule solution au problème? Certainement pas. Le gouvernement s’est récemment engagé à investir 85 millions de dollars, je crois, pour contribuer à réduire les délais de traitement. Le ministère étudie un certain nombre d’initiatives, notamment la mise en ligne d’une plus grande partie de ses processus. Nous savons que les processus sur papier exigent beaucoup de temps, qu’ils sont limités sur le plan géographique, qu’ils font que certains bureaux ont des arriérés plus importants que d’autres et qu’ils ne permettent pas de déplacer les demandes là où la capacité existe.

De plus, la pandémie a ralenti le traitement des demandes sur papier parce que, pendant quelques mois, de nombreux bureaux ont été fermés.

Tous ces problèmes exigent des solutions complexes. Il est certain que l’affectation de personnel supplémentaire est envisagée. Je précise encore une fois que ces amendements ne sont qu’une des pièces d’un puzzle complexe, mais le ministère est certainement conscient de la nécessité de s’attaquer aux problèmes.

La sénatrice Cordy : Je suis sûr que les listes que les députés tiennent à jour à propos des gens qui demandent de l’aide sont beaucoup plus longues que les nôtres, mais y a-t-il un moyen d’obtenir au moins une réponse pour nous indiquer qu’ils ne recevront pas de réponse avant le moment où ils devront verser de l’argent, mais qu’ils ont des chances d’obtenir une réponse?

Le fait que l’on vous dise que vous ne pouvez même pas savoir combien de temps le processus prendra, déterminer où ces gens se situent sur la liste ou obtenir toute autre indication de ce que pourrait être l’échéancier est très frustrant pour mon personnel et pour moi-même. Je ne peux pas imaginer comment les familles se sentent, et il est probable qu’elles disent simplement : « Oubliez cela ». Et il s’agit probablement d’un étudiant qui pourrait rester en Nouvelle-Écosse, compte tenu de ses antécédents liés à la Nouvelle-Écosse.

Je vous fais simplement part de la frustration ressentie à ce sujet. Nous entendons parler de ces problèmes non pas depuis des mois, mais depuis de longues années.

Mme Fredericks : Je vous remercie d’avoir soulevé cette question.

La présidente : Lorsque vous nous enverrez les normes de service pour différents aspects du programme d’immigration et du statut de réfugié, allant des demandes d’étudiants aux demandes d’asile en passant par les demandes de citoyenneté, pourriez-vous également nous fournir le rendement actuel par rapport à ces normes? Je pense que vous disposez de cette information. Il y a un écart entre les normes de service et le rendement, et je sais que les sénateurs assis à la table aimeraient qu’avec un peu de chance, cet écart soit comblé en partie par cet amendement et par d’autres solutions.

Vous avez raison de souligner qu’il s’agit d’une question complexe, mais nous devons essayer de la décomposer du mieux que nous pouvons.

Le sénateur Kutcher : Ma question vise à demander qu’on m’aide à comprendre quelque chose au sujet des « renseignements personnels ». Il est indiqué qu’il s’agit « des renseignements concernant une personne identifiable ». Je suppose que cela inclut le fait de savoir qui est réellement cette personne.

Cette personne est-elle vraiment cette personne? Je vois ici que les empreintes digitales et la détermination du groupe sanguin peuvent certainement aider à déterminer cela.

Mais il manque dans la liste les empreintes génétiques, qui, si je comprends bien, sont le moyen le plus exact d’établir l’identité d’une personne. Est-ce que cela est inclus dans l’expression anglaise « without restricting »? Ce moyen est-il absent? Devrait-il figurer sur la liste? Je demande simplement ce genre d’information, car je ne sais pas ce qu’il en est. Merci.

Mme Fredericks : Je vous remercie de votre question, sénateur. J’ai bien peur de devoir vous fournir une réponse à cette question plus tard. Je ne connais pas suffisamment cette définition pour savoir si les empreintes génétiques sont incluses dans la définition des renseignements personnels de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

La présidente : Madame Fredericks, j’ai deux brèves questions à poser qui vous sont toutes deux destinées. Vous avez longuement parlé des consultations que vous avez menées auprès des intervenants. Voulez-vous dire que vous avez eu des consultations avec vos organismes clients, les gouvernements provinciaux et les services de votre ministère, ou voulez-vous également dire que vous avez mené des consultations auprès des immigrants?

Mme Fredericks : Nous avons beaucoup d’interactions avec nos homologues provinciaux et territoriaux, c’est-à-dire les ministres de l’Immigration ainsi que les fournisseurs de services. Nous entendons parler d’eux fréquemment, qu’il s’agisse du ministère des Transports ou du ministère de la Santé. Une fois que nous, les employés du ministère, faisons entrer des gens dans le pays, ils assurent par la suite la prestation de divers services provinciaux en aval, alors nous interagissons fréquemment avec eux. Je peux vous dire qu’ils n’hésitent pas à nous faire part de leurs préoccupations concernant la gestion de l’identité et la nécessité d’avoir des processus plus fluides et plus fiables pour confirmer l’identité aux fins de l’intégrité des programmes et du service à la clientèle qu’ils offrent.

Nous entendons aussi très souvent parler de clients comme vous tous, sénateurs. C’est de leur vie que nous parlons, et ils nous font régulièrement part de leurs commentaires concernant les irritants du processus, où les choses marchent au ralenti, et ce qu’ils souhaiteraient voir amélioré. Nous avons fait de notre mieux pour intégrer ces éléments dont nous avons entendu parler et pour proposer des amendements — certes, étroits. Nous ne pouvons pas régler tous les problèmes, mais en prévoyant des moyens, nous pourrions résoudre certains de ces problèmes grâce à un meilleur échange de renseignements.

La présidente : Merci, madame Fredericks.

Sénatrice McPhedran, auriez-vous l’obligeance de résumer la question pour laquelle nous n’avons pas reçu de réponse?

La sénatrice McPhedran : Oui. Veuillez pardonner mon langage à ce sujet. Je veux commencer la question en disant que j’ai eu fréquemment affaire à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada depuis la chute de Kaboul. Je n’ai pas composé avec ce ministère avant cela. Mon expérience à cet égard est donc très courte.

La seule chose que je sais, c’est que les gens au sein d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada travaillent dur, alors s’il vous plaît, n’interprétez pas ma question comme une sorte de dénigrement du dévouement dont ils font preuve ou de leurs tentatives de répondre aux personnes qui ont besoin de venir au Canada et qui se trouvent dans tout un éventail de situations terribles. Ce n’est pas ce que j’essaie de faire comprendre.

Ces changements me semblent sans doute importants, mais ils visent essentiellement à résoudre un problème systémique beaucoup plus important, à savoir que des personnes dévouées et travaillant dur au sein du ministère ne trouvent rien la plupart du temps, parce qu’il y a des problèmes systémiques au sein de ce ministère.

J’espère que cette question est équitable : est-ce qu’on nous dit aujourd’hui que les amendements proposés permettront de régler de manière significative les difficultés systémiques qui existent manifestement pour les travailleurs d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada?

Mme Fredericks : Merci, madame la sénatrice. Je ne veux pas prétendre que ces amendements rectifieront le système. Comme je l’ai indiqué, nous reconnaissons qu’il y a de nombreuses complications dans ce système.

Si vous faites allusion à la gestion de notre système d’information dans son ensemble, la vision du ministère consiste à moderniser ses activités et à passer à une plateforme plus numérique.

L’une des raisons d’être de cet amendement, c’est qu’une fois que vous avez numérisé l’information, elle peut devenir plus disponible pour l’ensemble des programmes. Nous voulons nous assurer que nous nous préparons à cette éventualité et que nous mettons en place des systèmes sécurisés et transparents quant à la manière dont ces informations peuvent être utilisées et la manière dont elles seront gérées. Nous espérons que cela améliorera certains des aspects du système qui causent des problèmes à l’heure actuelle, mais cela ne rectifie pas le système.

La sénatrice McPhedran : Le processus actuel que nous tentons tous de suivre pour aider les Afghans n’est-il pas déjà numérisé? Qu’y a-t-il de différent dans ces amendements en ce qui concerne les demandes que bon nombre d’entre nous tentent de soutenir? N’est-il pas déjà entièrement numérisé?

Mme Fredericks : Je ne crois pas que toutes les demandes soient numérisées dans toutes les régions du monde. Je pense qu’il y a encore beaucoup de traitement sur papier qui se fait.

Je ne veux pas prétendre que l’échange de renseignements va régler la situation en Afghanistan. Ce qui se passe là-bas échappe grandement au système d’information d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada. Il y a une organisation terroriste en place là-bas qui rend les choses très difficiles. Nous n’avons pas accès à ce pays. Il y a des problèmes liés au traitement des données biométriques et à l’identité. Ces amendements n’ont rien à voir avec ce qui se passe là-bas.

La sénatrice Bovey : J’aimerais donner suite à la question et à la frustration de la sénatrice Cordy. Il s’agit probablement d’une question très simple. Je suis bien au courant des demandes de citoyenneté qui ont été présentées pour des mineurs nés à l’étranger de parents canadiens et qui font la queue depuis 17 ou 18 mois. Ces amendements vont-ils contribuer à faire avancer ces demandes simples, ou la résolution de ces cas passe-t-elle par l’embauche d’un surcroît de personnel?

Mme Fredericks : Je vous remercie, madame la sénatrice, de votre question. Je ne pense pas connaître les antécédents de ces demandes qui me permettraient de déterminer les difficultés qu’elles posent et de vous faire savoir si nous pourrions voir des améliorations à la suite de ces amendements.

La présidente : Je vais prendre un peu de temps pour vous poser une autre question, qui s’inscrit dans la lignée des questions précédentes qui portaient sur les atteintes à la protection des données.

Nous allons maintenant potentiellement approuver des amendements qui permettraient d’échanger des données personnelles assez étendues avec d’autres ministères fédéraux, d’autres gouvernements provinciaux et territoriaux et peut-être même d’autres organismes provinciaux et territoriaux. Le risque d’atteintes à la protection des données devient plus grand.

Lorsque vous recevez une demande d’échange d’information, quelles assurances recevrez-vous que les autres organismes et les gouvernements provinciaux et territoriaux disposent d’un pare-feu en ce qui concerne les préoccupations relatives à la protection des renseignements personnels et les risques d’atteinte à cette protection?

Mme Fredericks : Je vous remercie de cette question, madame la présidente. Les modifications elles-mêmes nous permettraient d’entreprendre des consultations et d’élaborer des règlements pour tenir compte de ces problèmes. Elles nous permettraient de nous assurer que nos partenaires disposent de mesures de protection adéquates aux fins d’échange de renseignements.

Tous les ordres de gouvernement ont, pour protéger l’information, diverses mesures législatives qui s’appliqueraient ici, mais quand nous négocions des ententes d’échange de renseignements qu’autorise actuellement la Loi sur la protection des renseignements personnels, il y a toujours un protocole d’entente ou un accord que nous négocions avec le partenaire avec lequel nous échangerions des renseignements afin d’établir les divers rôles et responsabilités, les exigences relatives à la protection de l’information, la gestion de cette information, la manière dont le destinataire l’utiliserait, etc. Ces genres de mesures de protection seraient toujours en place.

La présidente : Je remercie beaucoup nos témoins. C’est ici que prend fin le présent volet de la séance. Je vous remercie, madame Fredericks et monsieur van Raalte, de votre participation. Nous vous sommes reconnaissants de nous aider dans le cadre de notre étude.

Sénateurs, nous recevons maintenant notre deuxième groupe de témoins. Nous souhaitons la bienvenue à Me Richard Kurland, avocat et analyste des politiques, de l’Association canadienne des avocats en immigration; et Me Warda Shazadi Meighen, associée de cabinet et avocate en droit de l’immigration chez Landings LLP. Nous vous remercions de témoigner par vidéoconférence.

Je vous invite maintenant à faire vos allocutions d’ouverture. Chacun de vous dispose de cinq minutes. Les membres du comité vous poseront ensuite des questions. Nous commencerons par Me Kurland.

Me Richard Kurland, avocat et analyste des politiques, Association canadienne des avocats en immigration : Honorables sénateurs, nous appuyons sans réserve le principe voulant que l’identité d’une personne, ainsi que son statut au Canada, soient communiqués à d’autres ministères, organismes et sociétés d’État fédéraux, et à des autorités provinciales. Cela permettrait non seulement de réaliser une cascade d’économies à l’échelle provinciale et fédérale en évitant de communiquer inutilement l’information à plusieurs reprises, mais cela rendrait également notre système plus transparent et favoriserait la saine gestion au sein du gouvernement.

Nous devons vraiment pouvoir identifier une personne et en prouver le statut au Canada. Cette mesure est également bénéfique pour les demandeurs eux-mêmes, car cela facilitera et accélérera leur accès aux services et aux prestations des deux ordres de gouvernement.

Cela étant dit, et après avoir entendu les propos des témoins précédents, je ferais remarquer qu’il y a trois choses que les modifications ne permettront pas de faire : accélérer les délais de traitement, réduire les arriérés et améliorer les normes de service. En outre, le libellé du projet de loi a d’importantes conséquences non intentionnelles. J’utiliserai les deux minutes qu’il me reste pour traiter précisément de ce point.

Ce qu’on a besoin de faire, c’est identifier la personne et en établir le statut au Canada. Or, ce n’est pas ce qu’indique le libellé ici. Nous n’avons besoin que de faire deux choses, mais le libellé englobe les renseignements et les documents sous-jacents remis à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada pour en arriver à une conclusion sur l’identité et le statut au Canada. Or, il n’est nullement nécessaire de communiquer tous ces renseignements personnels à d’autres gouvernements, que ce soit à l’étranger ou au pays, pour atteindre l’objectif d’efficacité en identifiant les personnes et en en établissant le statut au Canada. Sur ces fortes paroles que j’ai prononcées pour commencer, je suis à votre disposition pour répondre aux questions.

Me Warda Shazadi Meighen, associée de cabinet et avocate en droit de l’immigration, Landings LLP, à titre personnel : Madame la présidente et honorables sénateurs, je vous remercie de m’offrir l’occasion de témoigner aujourd’hui alors que vous étudiez un projet de loi qui a d’énormes implications sur les réfugiés et les migrants. Mon opinion se fonde sur ma pratique d’avocate habituée à naviguer dans le système d’immigration et d’asile pour des demandeurs. Certains de mes clients sont des organisations multinationales bien informées qui savent quelles données elles doivent révéler au gouvernement, alors que d’autres figurent parmi les personnes les plus vulnérables de la société, comme des femmes marginalisées, des domestiques sans statut et des demandeurs d’asile dont la vie est en danger imminent.

Sénateurs, il importe de situer les modifications actuellement proposées par rapport à un certain nombre de principes fondamentaux qui existent déjà dans notre régime de protection des renseignements personnels. J’énumérerai quatre de ces principes qui sont actuellement absents des modifications que vous examinez.

En premier lieu, il faut savoir pourquoi les renseignements d’une personne sont recueillis, et ce, avant qu’ils le soient ou au moment où ils le sont.

Le deuxième principe est celui du consentement éclairé. En vertu de notre régime de protection des renseignements personnels actuel, il faut habituellement que la personne soit informée et accorde son consentement pour la collecte, l’utilisation et la divulgation de renseignements personnels.

Le troisième principe est celui de l’intégrité de l’information. Une personne doit pouvoir contester la justesse et l’exhaustivité de l’information, particulièrement si cette dernière est communiquée entre des ministères qui prennent des décisions très importantes à son sujet.

Le quatrième principe est celui du besoin de limiter la collecte de données. La collecte de renseignements personnels doit se limiter aux données dont l’organisation a besoin, et l’utilisation qui en sera faite doit être explicitement expliquée à l’avance.

Je ne vois ces principes généraux nulle part dans les modifications proposées ici; or, ils devraient s’appliquer aux immigrants et aux réfugiés.

Le gouvernement s’est donné des objectifs importants, notamment au chapitre de l’efficacité administrative, de la réduction du coût, de l’amélioration des délais de traitement et de l’intégrité de programme, mais il est possible de les atteindre en protégeant mieux les droits à la protection des renseignements personnels des immigrants et des réfugiés.

Force est d’admettre qu’il existera toujours une tension entre l’efficacité administrative et les droits de la personne. Ces modifications ne permettent pas d’atteindre un juste équilibre entre les intérêts publics lors de la communication de données entre des ministères ou même des gouvernements étrangers, et les risques que présente l’approche à large portée proposée ici. Il n’existe presque aucune limite aux renseignements personnels qui peuvent être divulgués. Il peut s’agir, par exemple, de convictions religieuses, de transactions financières ou d’opinions personnelles exprimées par l’intéressé et par d’autres à son sujet. L’éventail de renseignements est vraiment très large.

Cette approche à large portée s’accompagne d’un certain nombre de risques qu’il faut considérer, notamment les répercussions néfastes sur les groupes vulnérables au chapitre de l’exécution de la loi, les implications des transferts de données sur la sécurité, et le frein à la régularisation de la situation des personnes sans papier ou sans statut. Je suis prête à vous en dire plus sur ces risques et à vous offrir des recommandations pratiques pouvant contribuer à mieux concilier les objectifs du gouvernement et les droits à la protection des renseignements personnels des migrants.

La présidente : Sénateurs, nous passerons maintenant à la période de questions. Nous limiterons malheureusement les interventions à quatre minutes, car nous devons nous réunir à huis clos pendant 10 minutes pour discuter de questions d’organisation.

La sénatrice Bovey : Je remercie les témoins, qui nous ont donné amplement de matière à réflexion. Je tenterai de poser des questions de haut niveau.

Maître Kurland, vous avez indiqué que même si vous appuyez les modifications en principe, vous n’avez pas l’impression qu’elles permettront d’améliorer les délais, les arriérés ou les normes de service, ajoutant qu’elles pourraient avoir des conséquences non intentionnelles. J’aimerais savoir pourquoi vous pensez que ces modifications n’amélioreront pas les délais, les arriérés et les normes de service.

Quant à vous, maître Shazadi Meighen, vous avez parlé de l’équilibre entre l’efficacité et les droits. Voilà qui a, selon moi, un lien avec les propos de Me Kurland. Je voudrais que vous expliquiez, si vous le pouvez pendant les quelques minutes dont vous disposez, le risque que présente le déséquilibre entre l’efficacité et les droits.

Me Kurland : La solution aux délais de traitement est fort simple et directe. L’article 7 de la Loi sur les frais de service, conformément à l’article 4.2.4 de la Directive sur l’imputation et les autorisations financières spéciales du Conseil du Trésor, fournit cette solution.

Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada a volontairement prévu des normes de service pour les demandes de citoyenneté, le programme Expérience internationale Canada et divers frais liés aux passeports et aux documents de voyage, omettant intentionnellement tout le reste. Si vous voulez une loi qui a du mordant, utilisez la Loi sur les frais de service. Il suffit à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada d’ajouter à sa liste les permis de travail, les permis d’étude, les demandes de résidence permanente et tout le reste. Voilà la solution.

La présidente : Maître Shazadi Meighen, voudriez-vous intervenir brièvement?

Me Shazadi Meighen : L’un des risques vient des implications de l’exécution de la loi faite en fonction d’un large éventail de données qui pourraient avoir été obtenues sans surveillance. Pour vous donner un exemple, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada pourrait transmettre à titre de preuve une lettre venant d’un ex-conjoint ou d’une ancienne connaissance qui figurerait dans ses dossiers. Selon la définition de « renseignements personnels », rien ne l’empêche de communiquer cette preuve à l’Agence des services frontaliers du Canada, par exemple, aux fins d’exécution de la loi.

Les dispositions d’exécution des lois sur l’immigration ont des normes de preuve assez faibles; il est donc concevable que cette information puisse faire son chemin entre les divers organismes d’exécution de la loi, obligeant la personne à se défendre afin d’établir son admissibilité.

Me Kurland : Je voudrais ajouter que j’ai peut-être mal entendu, mais Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada a déjà en sa possession des renseignements de divers clients, renseignements qui circulent partout dans le ministère. La modification ne change rien à cet égard. Tout ce qui change, c’est la communication de renseignements à d’autres ministères, organismes et entités. Cela ne changera en aucune manière — ni substantiellement ni légèrement — le fait qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada dispose déjà de ces renseignements. Il n’y a aucun gain d’efficacité.

J’attendrai une autre question, mais la cause fondamentale du problème, c’est l’échec de la conception systémique d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada dans l’élaboration de son système de technologie de l’information. Le ministère ne s’est pas inspiré de l’Agence du revenu du Canada; voilà le problème.

La présidente : Je pense que j’ai manqué le dernier... qu’est-ce que le ministère n’a pas fait?

Me Kurland : Eh bien, voyez-vous, il faut avoir un système simple qui permet de se connecter à son dossier comme on le fait pour le site Web de l’Agence du revenu du Canada. Il y a un menu. Que voulez-vous faire aujourd’hui : effectuer une visite, étudier, travailler? On entre ses données une seule fois, de sorte que quand on veut ajouter un autre service, on n’a pas à repartir de zéro. On utilise simplement le menu pour ajouter un permis d’étude. Voilà comment procède l’Agence du revenu du Canada. Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada n’a jamais eu de tel système.

La présidente : D’accord, je comprends. Je vous remercie beaucoup, maître Kurland.

La sénatrice Poirier : Je vous remercie tous les deux de témoigner. En fait, après avoir entendu vos propos, une foule de questions me sont venues à l’esprit. Si Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada n’a pas simplifié son système, maître, pourquoi pensez-vous qu’il n’est pas disposé à le faire? Pourquoi ne se penche-t-il pas sur la question? Nous tentons de résoudre le problème ici. Pourquoi n’agit-il pas?

Me Kurland : Il agit. Cela prendra trois ou cinq ans de plus, mais je sais que plusieurs ministres et sous-ministres ont compris le problème et que le ministère est en voie de régler le problème. Il y parviendra un jour et l’efficacité s’en trouvera renforcée, mais cela prendra du temps. Il y a un problème conceptuel fondamental. Voilà pourquoi le ministère est moins efficace qu’il pourrait l’être.

La sénatrice Poirier : D’accord. La modification qui concerne la communication de renseignements représente-t-elle alors un bon pas en avant vers la solution qui permettra de résoudre le problème dans quatre ou cinq ans, ou n’a-t-elle absolument rien à voir là-dedans?

Me Kurland : Non, elle n’a rien à voir là-dedans.

La sénatrice Poirier : D’accord. Elle est donc inutile, d’une certaine manière.

Me Kurland : À cette fin, oui.

La sénatrice Poirier : Ma question s’adresse maintenant à l’autre témoin. Vous avez indiqué que les modifications présentaient de nombreux risques qui ne seraient pas couverts. Pouvez-vous m’en dire plus sur ces risques et sur la manière dont on pourrait les éliminer?

Me Shazadi Meighen : J’ai notamment parlé du risque que présente la communication de renseignements dans un contexte conflictuel dans le cadre de l’exécution de la loi. Il y a également un risque que les modifications constituent des obstacles supplémentaires à la régularisation de la situation des personnes dont le statut est échu ou qui n’ont peut-être pas de statut. Nous savons que la lettre de mandat du ministre stipule qu’il doit mettre l’accent sur les programmes de régularisation, mais les modifications pourraient faire en sorte qu’il soit plus difficile pour les personnes très vulnérables de présenter des demandes.

Si j’ai une cliente sans papier ou sans statut qui souhaite présenter une demande de résidence permanente, elle pourrait y réfléchir à deux fois. En fait, nous avons observé le problème quand des provinces communiquent des renseignements à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada. Cette cliente y réfléchira à deux fois avant de remplir sa demande de résidence permanente quand ses renseignements seront automatiquement transmis à l’Agence du revenu du Canada si elle n’a pas payé ses arriérés d’impôt, ou quand ils seront communiqués à la GRC ou à des organismes d’exécution de la loi du gouvernement, car ils pourraient cogner à sa porte le lendemain munis d’un mandat parce qu’elle est sans statut.

Voilà qui décourage beaucoup les gens à tenter de régulariser leur situation. Or, nous voulons qu’ils le fassent. Nous voulons qu’ils participent à l’économie et paient des impôts. La communication de renseignements risque toutefois de les en décourager.

Il est crucial que les demandeurs avec lesquels je travaille fassent réellement confiance au système. À bien des égards, ils en sont capables à l’heure actuelle. Je peux leur dire : « Essayez de régulariser votre statut, et il est probable que nous pourrons travailler dans une perspective d’avenir. » Je ne peux pas leur tenir de tels propos dans ce contexte.

Pour ce qui est de l’efficacité, nous disposons d’un processus qui permet aux résidents temporaires d’autoriser la communication de leurs renseignements sur les portails de résidence permanente ou auprès de la section responsable de la résidence permanente au ministère. Rien n’empêche de faire preuve d’efficacité, mais il faut permettre aux personnes d’avoir confiance au système pour qu’elles accordent leur autorisation.

La sénatrice Poirier : Je vous remercie.

Le sénateur Patterson : Je voudrais remercier nos deux témoins de faire ce que je qualifierais de critique somme toute alarmante des modifications.

Pour profiter de votre immense expérience dans le domaine et de vos critiques pointues du projet de loi, je vous demanderais à tous les deux quels amendements vous nous recommanderiez d’apporter au projet de loi pour l’améliorer. Maître Shazadi Meighen, je sais que vous avez déploré le manque d’équilibre et le fait qu’il n’y a pas de limite à la menace qui pèse sur les gens, particulièrement sur les personnes vulnérables et marginalisées.

Maître Kurland, vous avez indiqué qu’il n’est pas nécessaire de se référer à tous ces documents.

Le problème peut-il être résolu? Le comité peut-il corriger la situation ou doit-il espérer que des amendements seront apportés dans l’avenir? Avez-vous des recommandations d’amendements que nous pourrions examiner?

Me Kurland : Oui. Je recommande deux amendements. Je m’attaquerai directement au libellé proposé à l’alinéa c), qui commence comme suit : « le contenu ou le statut de tout document... » Non. Il faut indiquer « le contenu ou le statut de tout document prouvant le statut au Canada délivré à une personne physique ». La différence est capitale. En raison de la définition du mot « document », l’absence du passage indiquant « prouvant le statut au Canada » ouvre la porte à des fuites de renseignements et à une panoplie de conséquences non intentionnelles.

Je propose d’apporter un second amendement à la fin de l’alinéa c)...

Le sénateur Patterson : Il faut donc éliminer...

Me Kurland : Non, il faut ajouter « prouvant le statut au Canada ». Voilà ce qu’on a besoin de faire. On veut connaître le statut de la personne au Canada.

En outre, à la fin de l’alinéa c), après « [...] la révocation, le rappel, la suspension, le rétablissement ou la perte d’un tel document », virgule, il faut indiquer « la révocation, le rappel, la suspension, le rétablissement ou la perte d’un tel document prouvant le statut au Canada, à l’exclusion des renseignements et des documents fournis par une personne physique en vertu du paragraphe 10(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés ». Espérons que cela garantira que les seuls renseignements qui seront communiqués concerneront l’identité et le statut au Canada. C’est tout ce dont on a besoin. Tout le reste est superflu.

Il s’agit de renseignements privés, protégés et recueillis par le passé, étant entendu et convenu qu’aucun renseignement supplémentaire ne serait jamais communiqué.

La présidente : Je vous remercie. Nous irons brièvement à Me Shazadi Meighen pour connaître ses recommandations.

Me Shazadi Meighen : J’ajouterais aux deux dispositions quelque chose au sujet du mécanisme d’équilibre dont j’ai parlé plus tôt. Il faudrait indiquer que la communication de renseignements servira l’intérêt public, et que ce dernier prime sur les droits à la protection des renseignements personnels d’une personne physique. Il faut apporter cet ajout. On ne peut pas se contenter d’indiquer cette restriction dans le règlement et laisser la loi tout permettre parce que les gouvernements évoluent et nous voulons que ces mesures de protection figurent dans les modifications législatives elles-mêmes.

La présidente : Merci.

La sénatrice McPhedran : J’essaie simplement de situer ce projet de loi dans le contexte plus large des grands changements qu’il convient vraiment d’apporter au sein d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada. J’ai un peu l’impression que nous sommes en train de monter dans une échelle qui a été dressée sur le mauvais mur.

Ma question est pour nos deux témoins. Y a-t-il d’autres changements qui pourraient être apportés à la Loi et qui pourraient être nettement plus importants et bénéfiques? Je ne parle bien sûr pas des modifications dont nous sommes saisis.

Ai-je raison de conclure que les changements proposés jusqu’à maintenant — et je tiens d’abord à vous remercier pour les modifications et les solutions proposées — se limitent à du rafistolage, sans s’attaquer concrètement aux véritables problèmes?

Me Kurland : Il vaudrait mieux effectivement s’en remettre à la Loi sur les frais de service. Tous les bureaux parlementaires au pays semblent éprouver des problèmes avec Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada en raison notamment de l’absence de normes de service ou de l’impossibilité de prédire quand un dossier pourra être traité et, partant, quand une famille pourra être réunifiée au Canada. Tout cela est attribuable au fait que nos instances politiques ne veulent pas assujettir ce ministère à la Loi sur les frais de service pour tous les services liés aux demandes.

Me Shazadi Meighen : Je pourrais proposer deux autres améliorations. Il faudrait d’abord un effort de dotation plus senti. Nous savons que les agents déjà en place à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada travaillent extrêmement fort, mais comme le nombre de demandes augmente sans cesse, il faut que le ministère recrute en conséquence. Deuxièmement, il faudrait de meilleures communications de telle sorte que chacun sache à quoi s’attendre et quelles seront les prochaines étapes. Il faut que ces communications présentent un portrait fidèle de la situation.

La sénatrice McPhedran : Est-ce que ces changements que vous proposez sont d’ordre législatif?

Me Shazadi Meighen : Non, ce serait des changements opérationnels.

La sénatrice McPhedran : Merci pour ces précisions.

Le sénateur Kutcher : J’aimerais que vous m’aidiez à mieux comprendre, car les différentes considérations liées à l’identité, au statut et à tout le reste m’ont laissé un peu confus.

D’après ce que je peux voir, il y aurait deux aspects à considérer — et je fais peut-être totalement fausse route, car cela dépasse mes compétences. Il y a d’abord l’identité de la personne. Il faut s’assurer que l’individu est bien celui qu’il prétend être. Les deux seuls moyens que j’ai pu recenser sont les empreintes digitales, qui peuvent être d’une certaine utilité, et le groupe sanguin, qui n’apporte pas grand-chose. Il n’est pas question de l’ADN et du profil génétique, deux outils qui peuvent bel et bien confirmer l’identité d’une personne. Les autres renseignements concernent la personne elle-même sans qu’aucune limite ne semble être fixée selon ce que j’ai pu comprendre.

Pourriez-vous m’aider à voir plus clair dans tout cela? Est-ce que les deux sont nécessaires? Est-ce qu’il devrait être précisé ici que l’on veut d’abord et avant tout confirmer l’identité de la personne? Je ne sais pas trop quoi penser.

Me Kurland : Pour ce qui est de la confirmation de l’identité, le ministère a visé juste. Les outils biométriques déployés pour confirmer l’identité produisent certes de meilleurs résultats que les passeports.

En outre, des empreintes digitales sont prélevées pour les personnes demandant le statut de résident temporaire ou permanent au Canada, si bien que le ministère peut compter, grâce aux empreintes digitales biométriques, sur une foule de données d’identification qui, il faut bien le dire, n’ont pas leur pareil. Rien à voir ici avec l’installation de portes moustiquaires sur un sous-marin.

Me Shazadi Meighen : J’estime que l’on a tout à fait raison de laisser entendre ainsi que la pléthore de renseignements en surplus pouvant être collectés n’est pas vraiment utile pour atteindre l’objectif principal de l’exercice, à savoir confirmer l’identité de la personne.

Le sénateur Kutcher : Merci.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Ma question s’adresse aux deux témoins. On a parlé plus tôt de consentement; en fait, j’ai deux questions.

D’un côté, j’aimerais savoir quelle sorte d’information on va chercher actuellement; le savez-vous? Êtes-vous au courant? En effet, j’ai l’impression qu’avec ce projet de loi et ces modifications, on demande à des personnes qui sont possiblement en situation de vulnérabilité de divulguer des informations que l’on n’exige pas d’habitude, ou qui sont peut-être exagérées. Quand on parle de consentement, ce qui est en fait ma deuxième question, quelle sorte de consentement peut-on vraiment donner quand on est en situation de vulnérabilité et qu’on a besoin d’aller au bout de ce processus de demande?

Je ne sais pas si ma question est claire.

[Traduction]

Me Shazadi Meighen : Oui, c’est tout à fait clair. Les renseignements détenus par le gouvernement concernant un demandeur peuvent varier en fonction du type de dossier. S’il s’agit d’un revendicateur du statut de réfugié, il est possible que le gouvernement connaisse ses croyances religieuses et les menaces qui pèsent sur lui. Dans la plupart des cas, on sait beaucoup de choses au sujet des membres de la famille — les parents biologiques, les parents adoptifs et les frères et sœurs. Toute cette information est déjà accessible de toute manière.

Je ne considère pas que les modifications proposées exigent la communication de renseignements additionnels. Je constate simplement que l’on indique qu’il est possible de transmettre ces renseignements à d’autres ministères à n’importe quelles fins. Leur utilisation ne se limite pas à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada; elle peut-être beaucoup plus large.

Quant au coût de l’admission qui serait trop lourd à porter pour les demandeurs vulnérables, je pense que c’est vraiment problématique. Un demandeur d’asile qui doit aller jusqu’au bout du processus et se fait dire que l’on va transférer les renseignements le concernant pour toutes sortes de raisons, va sans doute donner son approbation. Nous devrions toutefois procéder de façon plus éthique en nous restreignant aux renseignements qui sont vraiment nécessaires et en nous interrogeant sur des conséquences possibles que nous n’arrivons même pas imaginer dans le contexte où les amendements, dans leur forme actuelle, ne précisent pas les fins pour lesquelles ces renseignements de toutes sortes pourraient être communiqués à d’autres instances.

[Français]

Me Kurland : En somme, c’est un chèque en blanc que l’on fournit au ministère pour partager quoi que ce soit avec qui que ce soit. Il n’y a aucune limite raisonnable.

[Traduction]

Un criminel peut rapporter les produits d’un vol de banque à l’Agence du revenu du Canada et payer des impôts sur cette somme. L’ARC a pour politique de ne pas communiquer de tels renseignements. Je ne peux pas en dire autant d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, car aucune disposition n’a été mise en place pour assurer cette protection de l’information. C’est vraiment le scénario du grand livre ouvert et du chèque en blanc.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Merci beaucoup.

[Traduction]

La sénatrice Dasko : Merci à nos témoins.

Je demanderais à Me Shazadi Meighen de bien vouloir m’aider. Vous avez indiqué que l’on ne retrouve pas ici, à votre avis, les principes fondamentaux d’un régime de protection de la vie privée. Pourtant, la représentante du ministère nous disait justement que les amendements ont été guidés et inspirés par ces mêmes principes. J’essaie de voir comment il est possible de réconcilier ces deux points de vue. Elle nous disait que c’est le cas, et vous affirmez le contraire.

Me Shazadi Meighen : Il y a une raison qui m’amène à croire que ces principes ne sont pas présents. Le régime en vigueur — soit la Loi sur la protection des renseignements personnels et la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques — s’articule autour des principes relatifs à l’équité dans le traitement de l’information. Il s’agit de principes directeurs, mais s’ils ne sont pas édictés expressément dans la Loi — comme cela pourrait être le cas avec ces amendements dont vous êtes saisis —, il n’y a aucune limite à la divulgation de documents par le gouvernement.

Il est vrai que le commissaire à la protection de la vie privée conserverait un droit de regard en vertu des amendements proposés, mais cela obligerait une personne à porter plainte lorsque des informations sont indûment communiquées. Si c’est déjà chose faite et que cela risque de placer le demandeur dans une situation délicate, c’est à lui qu’il incombera de faire les démarches nécessaires auprès du commissariat. Il en irait autrement si le tout était enchâssé dans la Loi pour obliger le gouvernement à prendre toutes les précautions voulues avant de communiquer l’information.

La sénatrice Dasko : Je vois. Il faudrait donc apporter des modifications à la Loi pour veiller à ce que la communication de renseignements soit plus restreinte que ce qui est proposé? Est-ce bien ce que vous êtes en train de nous dire?

Me Shazadi Meighen : Le partage d’information devrait être plus ciblé. Il faudrait d’abord et avant tout préciser quels renseignements on entend communiquer. Parmi toute la gamme des données possibles, lesquelles vont être divulguées, à quelles fins et à qui? Tant que l’on ne connaît pas les réponses à ces questions, il est difficile de même s’engager dans une analyse nuancée de nos besoins étant donné la portée très générale de ce qui est mis de l’avant ici. On devrait prévoir des fins plus ciblées et un traitement distinct pour les différents types de données. Les attentes d’une personne quant à la divulgation de son nom ou de son statut sont très différentes de celles que peut avoir un demandeur d’asile pour la protection de sa vie privée lorsqu’il dévoile des renseignements très personnels pouvant avoir un effet traumatisant.

Me Kurland : Je pourrais vous citer un cas dont je me suis occupé cette semaine. Un Canadien d’origine iranienne a fait son service militaire obligatoire. Pendant le mandat du président Trump, une directive a été émise pour interdire de séjour aux États-Unis certaines personnes comme les hommes membres de notre communauté canado-iranienne. Le fils de cet Irano-Canadien — qui est lui-même canadien — s’est vu récemment refuser l’entrée aux États-Unis pour participer à une compétition de robotique. Pour quelle raison? On avait découvert, on ne sait trop comment, son lien de parenté avec un Irano-Canadien ayant servi au sein des forces militaires en Iran. Est-ce la direction que nous souhaitons prendre? Je n’ai absolument aucun recours à proposer à sa famille. C’est le danger d’un partage d’information de l’ampleur que permet ce projet de loi.

La présidente : Merci. J’ai moi-même une question, et je demanderais aux sénateurs inscrits pour un second tour de bien vouloir patienter un peu. C’est au sujet du consentement, un aspect que vous avez abordé tous les deux.

À quelle étape de ce processus demande-t-on à l’individu concerné de donner son consentement éclairé quant à la communication de ses renseignements personnels? Est-ce un autre élément qui est enchâssé dans la Loi?

Me Shazadi Meighen : Non, ce n’est pas inscrit dans les amendements proposés. Pour ce qui est du consentement actuellement exigé des immigrants dans la pratique, certains formulaires de demande de l’immigration offrent une option d’adhésion volontaire permettant au demandeur de consentir à ce que ses renseignements personnels soient communiqués à l’Agence du revenu du Canada, par exemple. Pour autant que je sache, les amendements actuellement proposés ne prévoient toutefois aucune limite en matière de consentement.

Me Kurland : Quand il est question de consentement, il faut se demander comment on peut en assurer l’application. Les témoins que vous avez entendus jusqu’à maintenant ont négligé de vous parler de tous ces protocoles d’entente conclus par les ministères et agences du gouvernement fédéral avec leurs équivalents internationaux.

Dès que l’un de nos ministères ou l’une de nos agences a accès à des renseignements, ceux-ci se retrouvent entre les mains d’un gouvernement étranger en vertu d’un protocole d’entente sur les échanges d’information. À partir de là, qui sait ce qui peut arriver? Nous avons omis d’examiner les impacts de ces protocoles d’entente. Je sais d’expérience que l’information peut se retrouver à l’étranger. Il n’y a pas moyen de savoir. Il n’existe aucun recours si le gouvernement étranger faillit à la tâche au détriment de votre famille.

La présidente : Merci.

[Français]

La sénatrice Mégie : Merci aux témoins. J’ai un peu frémi quand Me Kurland a parlé du chèque en blanc que l’on donnait. Je me rends compte que c’est vraiment cela. Auriez-vous des mesures de sauvegarde à proposer au comité? On pourrait les suggérer comme amendements, à part le consentement — même s’il y a un bémol sur le consentement.

Me Kurland : Oui, on exclut les documents conformément au paragraphe 10(1) —

[Traduction]

C’est en vertu du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés.

[Français]

Si l’on exclut les renseignements et les documents fournis par le demandeur, cela protège les renseignements livrés au gouvernement fédéral par ces demandes. Donc, en même temps, on respecte les normes et on échange des données concernant l’identité de la personne. De plus, on dévoile le statut de la personne concernée au Canada, puisque c’est l’objectif, après tout. Pourquoi aller plus loin?

La sénatrice Mégie : J’aurais une autre question. Elle s’adresse au Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, mais je ne sais pas si l’un d’entre vous peut y répondre.

Cela m’a intriguée quand j’ai vu que les coûts — ils disent que l’objectif est de diminuer les coûts — étaient de 482 millions de dollars par année. Qui paie ces coûts? Chaque demandeur doit payer des frais. Combien cela coûte-t-il au gouvernement? Est-ce pour employer des gens qui vont regarder les renseignements en ligne? Qu’est-ce qui coûte si cher? Êtes-vous au courant de cela?

Me Kurland : Oui, je suis au courant.

[Traduction]

Il y a quelques années, j’ai eu l’occasion d’aller travailler à Ottawa à titre de conseiller spécial au bureau du vérificateur général du Canada pour les questions relevant de l’immigration et des affaires internationales.

Certains services permettent au ministère de l’Immigration de réaliser un profit. C’est le cas pour les visas de résident temporaire et les droits à payer par les employeurs pour afficher des offres d’emploi. Même si cela contrevient à la Loi sur la gestion des finances publiques, ces gains sont conservés par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, ce qui est condamnable.

[Français]

Donc, ce n’est pas une question de réseau. On parle de 80 millions de dollars : il faut le faire pour réduire les arrérages et tout cela, mais cela concerne plutôt la Loi sur les frais de service. Ce n’est peut-être pas une question d’argent, mais plutôt une question de volonté politique.

La sénatrice Mégie : Merci.

[Traduction]

La sénatrice McPhedran : Je crois que vous avez tous les deux pu écouter nos échanges avec les témoins qui vous ont précédés. Si c’est bien le cas, vous m’avez entendu leur demander expressément si les changements proposés permettent la mise en place d’un mécanisme suffisamment efficace aux fins de la divulgation, de la présentation de rapports, de la surveillance et du contrôle. Si mon souvenir est exact, on m’a répondu par la négative.

J’aimerais que vous puissiez nous dire s’il existe un amendement possible au projet de loi S-7 qui nous permettrait d’exercer la surveillance voulue en intégrant les principes de protection de la vie privée auxquels Me Shazadi Meighen faisait référence. Si ce n’est pas chose possible, dites-le nous. J’essaie de faire le lien entre les différents témoignages que nous avons pu entendre.

Me Kurland : Si j’examine la question d’un point de vue strictement parlementaire, il n’est pas nécessairement recommandable d’envisager l’ajout d’un libellé permettant de concrétiser ces principes dans le cadre proposé.

Si l’on se limite toutefois à exiger un document indiquant seulement le statut au Canada en renonçant à tout le reste, on assurera bel et bien la protection des droits relatifs à la vie privée, parce que nous parvenons très bien à la faire pour ce type de documents. C’est tout à fait clair. Il existe d’ores et déjà un silo de protection. Il n’est pas nécessaire d’en créer un autre. Le libellé suggéré est problématique du fait qu’il propose quelque chose qui va beaucoup plus loin que le document indiquant le statut au Canada et l’identité.

Me Shazadi Meighen : Je suis d’accord avec Me Kurland. Même ces échanges d’information très ouverts entre les ministères sont régis par des dispositions très précises de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques et de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Je serais ravie de vous transmettre ces dispositions en proposant qu’elles soient intégrées directement à ces amendements.

La sénatrice McPhedran : Merci.

La présidente : Merci. Avant votre témoignage, nous avons entendu celui de représentantes d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada qui nous ont dit que la communication de ces renseignements simplifie l’octroi des permis de travail, accélère l’obtention d’un permis de conduire et facilite l’accès aux services et prestations pouvant relever des provinces. Tout indique que cela peut être bénéfique, et j’imagine que c’est le cas pour bon nombre de demandeurs.

Vous laissez toutefois entendre qu’il y a un coût important associé à tout cela. Si on limitait l’information à fournir — au statut et à l’identité, comme le suggère M. Kurland —, n’y aurait-il pas des répercussions sur la vitesse de traitement et l’accès à d’autres services?

Me Kurland : C’est effectivement tout ce dont nous avons besoin, c’est-à-dire l’identité et le statut au Canada. Il y aura une incidence sur la capacité des fonctionnaires provinciaux de prendre des décisions rapidement, et ce, à moindre coût. Je vous encourage à le faire.

La présidente : Maître Shazadi Meighen?

Me Shazadi Meighen : Je suis du même avis.

La présidente : Je vois. Merci à nos témoins. Vous nous avez grandement aidés à mieux comprendre les effets souhaités et non voulus de ce projet de loi. Merci à tous les deux.

Chers collègues, nous allons poursuivre quelques instants à huis clos pour discuter de nos travaux à venir. Merci.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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