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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 23 novembre 2022

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd’hui, à 16 heures (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi S-246, Loi instituant le Mois du patrimoine libanais.

La sénatrice Ratna Omidvar (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Je m’appelle Ratna Omidvar. Je suis une sénatrice indépendante de l’Ontario et présidente du comité.

Avant de faire un tour de table pour que mes collègues se présentent, je dois vous dire que nous avons une contrainte de temps. Nous devons quitter la salle à 17 h 45 afin que le prochain comité puisse tenir sa réunion, qui vise un long examen article par article du projet de loi C-11. La députée Lena Diab a aussi des contraintes de temps, puisqu’elle doit nous quitter à 17 heures. Je vous demande de tenir compte de ces facteurs dans le cadre de notre réunion. Nous prévoyons entendre les témoins puis procéder à l’étude article par article du projet de loi afin d’avoir terminé à 17 h 45.

Je demanderais maintenant à mes collègues de se présenter, à commencer par la vice-présidente, la sénatrice Bovey.

La sénatrice Bovey : Patricia Bovey, du Manitoba.

Le sénateur Kutcher : Stan Kutcher, de la Nouvelle-Écosse.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Chantal Petitclerc, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice McPhedran : Marilou McPhedran, du Manitoba.

La sénatrice M. Deacon : Marty Deacon, de l’Ontario.

La sénatrice Dasko : Donna Dasko, de l’Ontario.

La sénatrice Martin : Yonah Martin, de la Colombie-Britannique.

La présidente : Je demanderais maintenant aux témoins de se présenter.

Lena Metlege Diab, députée, Halifax-Ouest : Lena Metlege Diab, de la Nouvelle-Écosse.

L'honorable Jane Cordy, marraine du projet de loi : Jane Cordy, sénatrice de la Nouvelle-Écosse et membre du comité.

Wadih Fares, consul honoraire du Liban à Halifax : Wadih Fares, de Halifax, en Nouvelle-Écosse.

La présidente : Merci. J’inviterais maintenant les témoins à faire leur déclaration préliminaire. Je vous rappelle que vous disposez de cinq minutes pour ce faire. Les membres du comité vous poseront ensuite des questions.

La sénatrice Cordy : Honorables sénateurs, bonjour. Étant membre en titre — ou presque — du comité en remplacement de la sénatrice Bernard, je sais que vous êtes très occupés tout au long de l’année. Je vous suis donc reconnaissante d’avoir accepté d’étudier ce projet de loi. Il est rare que je me retrouve à ce bout-ci de la table et c’est une expérience intéressante que de comparaître devant vous à titre de témoin. Je me demande quelles questions vous allez me poser.

Chers collègues, je tiens à souligner que nous nous réunissons aujourd’hui sur le territoire traditionnel non cédé des peuples algonquin et anishinabe.

Honorables collègues, je suis heureuse de témoigner devant vous à titre de marraine du projet de loi S-246, Loi instituant le Mois du patrimoine libanais. C’est aussi un honneur de témoigner aux côtés de la députée Diab, ancienne ministre de la Justice, procureure générale et ministre de l’Immigration en Nouvelle-Écosse, et membre très active de la communauté libanaise de la province, et du consul honoraire, M. Fares, qui offre une contribution exceptionnelle à la population de la Nouvelle-Écosse.

Comme l’énonce le préambule du projet de loi, les Canadiens d’origine libanaise contribuent de manière importante, tant sur les plans social, économique, culturel, religieux, militaire, philanthropique que politique, au tissu social de notre pays ainsi qu’à la force, à la résilience et à la diversité de nos communautés, et ce, depuis plusieurs générations. Le projet de loi S-246 vise à reconnaître et à célébrer ces expériences et ces contributions.

Il tombe à point que nous soyons ici aujourd’hui pour étudier le projet de loi, puisque nous célébrions hier, le 22 novembre, l’anniversaire de l’indépendance du Liban. Cette fête est soulignée partout dans le monde en guise de solidarité avec le peuple libanais qui a accédé à l’indépendance en novembre 1943. Pour souligner l’événement et reconnaître la communauté libanaise de ma province, la ville de Halifax a tenu une cérémonie de levée du drapeau devant l’hôtel de ville hier. La Nouvelle-Écosse et l’Ontario ont été les premières provinces à reconnaître officiellement le Mois du patrimoine libanais et à le célébrer au Canada. Avec l’adoption du projet de loi, le reste du Canada suivra.

Chers collègues, plusieurs générations d’immigrants libanais ont fait du Canada leur pays. Leur histoire ressemble à celles de tant d’autres personnes qui ont quitté leur terre natale à la recherche d’une meilleure vie et de meilleures possibilités pour leur famille ici, au Canada.

Les projets de loi comme celui que je vous présente ont leur raison d’être et sont le reflet de la force de notre pays. Le Canada est une mosaïque de cultures et de peuples qui ont contribué à faire du pays ce qu’il est aujourd’hui. Notre riche diversité nous rend plus forts. L’adoption d’un projet de loi pour reconnaître et célébrer les contributions de ceux qui ont choisi de faire du Canada leur pays est importante.

Comme l’a fait valoir le sénateur Housakos dans son discours :

[...] il n’en demeure pas moins que le Canada est essentiellement fort grâce à la somme de toutes ses parties.

Honorables sénateurs, je sais que mes collègues, la députée Diab et le consul honoraire Fares, ont des contraintes de temps. Je vais donc m’arrêter ici. Je vous remercie encore une fois d’étudier ce projet de loi.

Mme Diab : Honorables sénateurs, bonjour.

Je tiens à souligner que nous nous réunissons sur le territoire traditionnel non cédé des peuples algonquin et anishinabe.

Pour commencer, je tiens à dire que je suis très reconnaissante de pouvoir témoigner devant vous alors que vous étudiez le projet de loi S-246, Loi instituant le Mois du patrimoine libanais; je me sens très privilégiée.

J’aimerais remercier sincèrement la sénatrice Cordy de parrainer le projet de loi et de collaborer avec moi. Je remercie également la sénatrice Simon et le sénateur Housakos pour leurs interventions. Toutes les déclarations étaient senties, chaleureuses et pertinentes. J’ai pu entendre les trois sénateurs et j’ai beaucoup aimé leurs réflexions au sujet de l’histoire et de la marque qu’ont faites les Libanais au Canada.

Je remercie tous les sénateurs du pays qui ont communiqué avec moi depuis la présentation du projet de loi et qui reconnaissent la valeur de cette désignation à l’égard des communautés de leur région. Ils me rappellent que la communauté libanaise est partout dans ce vaste et beau pays. Je sais aussi que le projet de loi vous a encouragés à établir et à entretenir des liens avec les communautés libano-canadiennes de vos régions.

[Français]

Pour ceux qui ne me connaissent pas, j’ai été élue en 2021 dans la circonscription d’Halifax-Ouest.

[Traduction]

Avant cela, j’ai été ministre du cabinet de la Nouvelle-Écosse pendant huit ans, et j’ai été responsable de plusieurs portefeuilles. Avant de travailler en politique, j’ai été propriétaire d’une petite entreprise et j’ai pratiqué le droit pendant 20 ans.

[Français]

Je suis une fille d’immigrants de première génération.

[Traduction]

Je suis l’aînée d’une famille de six enfants. Je suis née à Halifax, mais j’ai passé mes premières années de vie au Liban. J’ai été témoin de la dévastation du pays, qui a forcé mes parents à revenir au Canada en 1976.

Dans tout le Canada, un petit groupe de Libano-Canadiens a apporté de grandes contributions sur les plans artistique, culturel, politique, entrepreneurial, éducatif, philanthropique, militaire et bien plus. Bien que je ne puisse pas aborder chaque domaine de façon particulière, j’aimerais faire valoir un point important : en adoptant le projet de loi, vous mettez en valeur la communauté libano-canadienne de sorte que chaque année, en novembre, les leaders de la communauté et bien d’autres personnes pourront raconter l’histoire de notre peuple, afin d’accroître la reconnaissance des Canadiens à son égard.

Le sénateur Housakos avait, à juste titre, fait état de tous les autres jours et mois consacrés à divers groupes et personnes au Canada, et ils sont nombreux. Je crois que plus nous serons, mieux ce sera. Nous reconnaissons tous que les mois du patrimoine ne représentent pas une initiative partisane. Les Canadiens comprennent pourquoi nous les soulignons. Nous sommes très fiers de tous les éléments qui forment le multiculturalisme canadien. C’est à force de nous célébrer, d’en apprendre sur les autres et de nous comprendre que nous deviendrons plus forts et plus unis en tant que citoyens. Ces éléments forment notre identité pluraliste et montrent que nous prenons soin les uns des autres; ils font notre richesse.

Personnellement, je n’aime pas être exclue; je crois qu’il en va de même pour tout le monde. L’adoption du projet de loi permettrait de veiller à ce que notre communauté ne soit pas exclue, en misant sur ce qu’ont déjà reconnu les provinces de la Nouvelle-Écosse et de l’Ontario. J’ai présenté une version du projet de loi devant le Parlement plus tôt cette année pour souligner l’importance d’une reconnaissance à l’échelle nationale, qui offrira aux Canadiens une occasion d’apprendre et de célébrer. Comme l’a fait valoir la sénatrice Cordy, nous avons célébré hier l’anniversaire de l’indépendance du Liban sur la Colline. Nous avons aussi tenu une célébration à Halifax au cours de la fin de semaine, mais ici, c’était hier soir. J’espère que l’année prochaine, les célébrations seront plus grandes et plus joyeuses, grâce à l’adoption du projet de loi, et j’espère aussi que nous pourrons lever le drapeau.

J’aimerais profiter de l’occasion pour vous en dire un peu plus sur la présence et la vitalité libanaises dans mon coin de pays. J’ai commencé à faire du bénévolat à l’âge de 15 ans, avant que Halifax ne tienne son festival multiculturel, mais j’ai été fière de participer à la mise sur pied de la première édition à titre de présidente de la Multicultural Youth of Nova Scotia Association. C’était avant l’adoption de la Loi sur le multiculturalisme canadien.

Notre communauté libanaise a, depuis 1938, une organisation officielle : la Canadian Lebanon Society of Halifax, fondée par Edward Francis Arab. Le lieutenant Arab a été un vrai pionnier à Halifax. En 2021, la province de la Nouvelle-Écosse a consacré la journée annuelle du patrimoine à sa mémoire. Il est né en 1915 de parents qui étaient parmi les premiers immigrants libanais à Halifax, arrivés dans les années 1890. Il a donné sa vie pour notre pays lors de la Deuxième Guerre mondiale.

Je serai heureuse de répondre à vos questions au sujet de son héritage et de la Canadian Lebanon Society ou à toute autre question. Merci.

La présidente : Merci beaucoup, madame Diab.

M. Fares : Mesdames et messieurs les membres du comité, bonjour. Je m’appelle Wadih Fares et je suis honoré d’être ici aujourd’hui pour appuyer le projet de loi S-246.

Je suis arrivé au Canada en 1976, au début de la guerre civile au Liban, et j’habite à Halifax depuis. Arrivé ici avec rien d’autre que les prières de ma mère et le désir de bâtir une vie dans un nouveau pays, j’ai été accueilli par la communauté libanaise, établie depuis la fin des années 1800. La plupart des immigrants ont connu des débuts très modestes et, dans certains cas, ont vécu dans des conditions difficiles. Toutefois, au fil des années, ils ont réussi à connaître des réussites importantes. J’ai vu notre communauté prospérer et créer des chefs de file dans les domaines de l’industrie, de la technologie, de la politique et de l’éducation. Nous l’avons fait tout en respectant notre identité libanaise, en renforçant notre sentiment d’appartenance à la communauté et en nourrissant notre amour pour le Liban et le Canada.

Comme l’ont dit mes collègues, ces accomplissements ont été reconnus par les provinces de la Nouvelle-Écosse et de l’Ontario, qui ont fait du mois de novembre celui du patrimoine libanais. Nous sommes fiers de cette reconnaissance, mais ce n’est pas seulement une question de fierté; c’est aussi une question de compréhension, et la meilleure façon de comprendre et de célébrer les diverses cultures de notre pays, c’est de connaître leurs histoires et leur patrimoine.

Je suis ici pour faire connaître le patrimoine libanais. Nous voulons nous faire connaître et faire connaître nos réussites. Je crois que nous pouvons le faire et que nous devrions être la référence pour les nouveaux arrivants, qui pourront voir toutes les possibilités que notre pays a à offrir.

Lorsque la Nouvelle-Écosse a fait du mois de novembre celui du patrimoine libanais, notre communauté en a ressenti les effets positifs. La province nous a ainsi reconnus et a reconnu notre valeur, ce qui a renforcé les liens qui nous unissent. Notre culture et notre patrimoine font partie du tissu de la société néo-écossaise, et rendent la province plus forte et plus diversifiée. Je crois que le mois national du patrimoine libanais aura le même effet, mais de façon plus étendue.

J’aimerais conclure sur une note personnelle. En 2012, j’ai eu le privilège de recevoir le plus grand honneur décerné à un citoyen canadien : l’Ordre du Canada. Je crois que la raison pour laquelle j’ai été nommé, c’est ce que je me fais un devoir de redonner à la société. Je le fais pour la gratitude et tout l’amour que j’ai pour le Canada et pour les gens qui m’ont aidé dans mon parcours. Au fil des années, je suis devenu un repère pour les jeunes générations, surtout les nouveaux arrivants libanais. Ils connaissent mon histoire, celle d’un jeune de 18 ans qui est venu étudier en Nouvelle-Écosse avec presque rien et qui, grâce à l’amour d’une communauté et à son grand désir de réussir, est devenu membre de l’Ordre du Canada. Lorsqu’ils entendent mon histoire, ils savent qu’ils ont une valeur ici. Ils savent qu’ils peuvent changer les choses. Ces histoires de réussites sont ancrées dans toutes les communautés de notre grande nation. Elles devraient être racontées et célébrées, puisqu’elles font la promotion de l’inclusion et de la compréhension. Notre patrimoine et nos histoires font du Canada notre chez-nous.

Je vous remercie de m’avoir écouté.

La présidente : Merci beaucoup.

Nous passons maintenant aux questions des sénateurs. Chacun dispose de cinq minutes pour les questions et les réponses. Nous allons commencer avec la vice-présidente du comité, la sénatrice Bovey.

La sénatrice Bovey : Je remercie tous les témoins pour leurs déclarations.

Sénatrice Cordy, je suis très heureuse que vous soyez la marraine du projet de loi, et j’appuie pleinement l’idée d’un mois du patrimoine libanais. Pour moi, c’est une question de diplomatie culturelle dans notre pays, et mes collègues savent à quel point ce volet de la diplomatie est important pour moi. Elle est d’autant plus importante dans le cas présent parce que la communauté libanaise fait partie intégrante du tissu canadien, notamment dans le domaine des arts, des loisirs, de la mode et de l’alimentation.

Ma question s’adresse à nos trois témoins. Comment souhaitez-vous que nous célébrions ce mois particulier et la population libanaise de l’ensemble du Canada? Quelle forme d’expression culturelle libanaise est au premier plan et nous permettrait de bien comprendre vos racines? Quels partenariats avez-vous établis ou souhaitez-vous établir au Canada?

Mme Diab : Permettez-vous que je laisse le consul honoraire Fares représenter les provinces de l’Atlantique?

La sénatrice Bovey : Ma question s’adresse à tout le monde.

M. Fares : Je peux partir le bal en répondant à cette question. Merci, sénatrice.

Il y a différents moyens à notre disposition pour mettre en valeur notre culture et en faire la promotion avec une efficacité optimale au Canada. C’est d’ailleurs ce que nous faisons déjà à petite échelle dans les différentes collectivités canadiennes, et je crois que le Mois du patrimoine libanais nous permettra de sortir l’artillerie lourde. Grâce à l’aide du gouvernement fédéral, qui s’ajoutera à celle que nous recevons des gouvernements provinciaux, nous pourrons profiter de ce mois pour amorcer notre travail dans les écoles. Des enseignants d’origine libanaise ont déjà mené des recherches sur lesquelles nous pourrions nous appuyer pour rendre accessible un maximum d’information sur notre patrimoine.

Nous pourrions intégrer à ce mois une semaine de promotion de la cuisine libanaise dans tous les restaurants et casse-croûte au pays. Toutes sortes de possibilités s’offriraient à nous pour mobiliser notre communauté afin de célébrer notre culture à l’occasion de ce mois qui lui serait consacré. Nos efforts en ce sens auraient tout à coup plus d’impact. Comme je l’ai dit dans mes observations préliminaires, il faut raconter nos histoires de réussite, et ce mois spécial va nous permettre de le faire, avec la contribution des médias, de telle sorte que les générations qui nous suivent puissent en prendre pleinement conscience. Il est en effet primordial que ces jeunes sachent que rien n’est facile. Même si une situation peut sembler très précaire au départ, les possibilités d’améliorer son sort ne manquent pas dans ce magnifique pays que nous avons choisi justement pour cette raison.

La sénatrice Bovey : Merci.

Mme Diab : C’est tout à fait vrai, et je vais vous donner l’exemple de la Nouvelle-Écosse. Tout a débuté en 2018, lorsque l’Assemblée législative de la province a proclamé que novembre serait désormais le Mois de l’héritage libanais. Voilà donc quelques années déjà que nous sommes actifs à ce niveau. À titre d’exemple, le drapeau libanais a été hissé ce mois-ci en Nouvelle-Écosse. Nous avons organisé différents rassemblements.

Nous accueillons à Halifax l’un des volets du Festival du film libanais au Canada. Je ne sais pas si vous connaissez ce festival qui se déroule aussi à Montréal, à Toronto, à Vancouver et quelque part en Alberta, sans doute à Calgary ou à Edmonton. Il y a maintenant un cinquième volet qui se tient en novembre dans notre province. La Chambre de commerce a de plus organisé une activité mettant en valeur les plaisirs de la table et du vin. La Canadian Lebanon Society tient pour sa part un événement d’envergure qui aura lieu samedi soir. On y a convié des gens de Yarmouth, du Cap-Breton et d’un peu partout en Nouvelle-Écosse qui viendront parler de leurs ancêtres libanais. Certains, et même plusieurs, ne parlent même plus la langue du pays. C’est ce que nous faisons à l’échelle de la Nouvelle-Écosse. Je vous laisse imaginer l’ampleur que cela pourrait prendre si toutes les provinces se mettaient de la partie. On ne le fait pas ailleurs au pays parce qu’il n’y a pas de journée ou de mois désigné à cette fin. Il serait formidable de pouvoir étendre ces célébrations à la grandeur du Canada. En toute franchise, le seul fait de pouvoir hisser le drapeau, ce symbole marquant de notre démocratie, ici même sur la Colline du Parlement aurait une signification qu’il est difficile de se représenter pleinement.

La sénatrice Cordy : Cela permet de concentrer les efforts. On pourrait désormais tenir en novembre toute une série d’événements liés au patrimoine libanais pour les gens de la communauté. Mme Diab vient de nous donner des exemples des choses qui se font déjà. Lorsqu’on répétera l’exercice dans différents endroits au pays pendant la même période, les gens seront plus portés à prêter attention. Il en va de même des médias. C’est presque comme si les célébrations engendraient leur propre publicité au fur et à mesure. Je sais à quel point il a dû être doux à votre oreille, sénatrice Bovey, d’entendre les mots « diplomatie culturelle », et je sais aussi à quel point cela est important. Ces célébrations sous forme concentrée auront d’autant plus d’effet qu’elles auront lieu en novembre, un mois déterminant dans l’histoire du peuple libanais.

La sénatrice McPhedran : Je suis plutôt fascinée par ce qui m’apparaît être une stratégie, mais je vais tout de même poser la question. Vous avez présenté votre projet de loi à la Chambre des communes. D’après ce que je peux voir, il est toujours à l’étude. L’étape de la première lecture a été franchie, mais on ne semble pas savoir exactement quand le parcours de ce projet de loi pourra se poursuivre. Voilà maintenant que la sénatrice Cordy présente ce projet de loi dont nous sommes saisis. Est-ce qu’ils sont identiques? Comment croyez-vous que les choses vont se dérouler si ce projet de loi franchit plus rapidement les étapes du côté du Sénat comme cela semble vouloir être le cas?

Mme Diab : Sénateurs, je suis arrivée au Parlement il y a un an à peine. Lorsque j’ai déposé ce projet de loi, je n’étais ici que depuis quelques mois. Je l’ai fait parce que c’est quelque chose que j’ai à cœur depuis plus de cinq décennies, soit depuis l’âge de 15 ans. Pendant une bonne quarantaine d’années, j’ai fait du bénévolat et j’ai œuvré de différentes manières au sein de la communauté, et je ne parle pas seulement de la communauté libanaise, mais de la collectivité dans son ensemble. Je crois profondément au multiculturalisme et j’y accorde une grande valeur.

Lorsque j’ai présenté ce projet de loi, je n’étais pas consciente de toute la logistique que cela faisait intervenir. Je ne comprenais pas vraiment comment tout cela fonctionnait. Je savais toutefois que le projet de loi devait être approuvé par la Chambre et par le Sénat avant d’être adopté. En toute franchise, j’y voyais un travail en partenariat. C’est ce que nous espérons pour la plupart des projets de loi, mais nous savons que ce n’est pas toujours le cas. Il ne s’agit toutefois pas d’un projet de loi très controversé. En fait, tous les parlementaires devraient y être favorables. Il arrive que le fonctionnement précis des règles nous échappe et que nous ne sachions pas comment les choses vont tourner, et c’est ainsi que j’ai demandé l’aide de la sénatrice Cordy qui est aussi une fervente du multiculturalisme, de la diversité et des cultures, et qui, de plus, connaît bien la communauté libanaise.

Je ne sais pas si vous voulez ajouter quelque chose, sénatrice?

La sénatrice McPhedran : Je devrais peut-être préciser un peu ma question. Comment les choses vont-elles se passer selon vous si le projet de loi de la sénatrice Cordy franchit rapidement les étapes au Sénat et arrive à la Chambre des communes? Ma question s’adresse autant à vous qu’à la marraine elle-même.

La sénatrice Cordy : Nous en avons discuté. Nous nous connaissions déjà longtemps avant d’entrer en politique, que ce soit au Sénat ou à titre de députée provinciale ou fédérale. Nous avons simplement commencé à nous rencontrer aussi régulièrement que le permettaient nos horaires à Ottawa. Elle m’a parlé de son projet de loi. Je lui ai alors dit que je pourrais en présenter un similaire au Sénat et que si le mien était traité plus rapidement — c’est en quelque sorte un effort conjoint —, alors elle pourrait le parrainer lorsqu’il arriverait à la Chambre des communes. C’est ce que nous avons décidé de faire, car nous avons toutes les deux les mêmes convictions quant à l’importance des projets de loi et des activités mettant en valeur le multiculturalisme, étant donné qu’ils font de nous tous de meilleures personnes.

La sénatrice McPhedran : Est-ce que les projets de loi sont identiques?

Mme Diab : Ils sont très similaires. Il s’agit dans les deux cas de désigner novembre comme Mois du patrimoine libanais.

La sénatrice McPhedran : Mais le libellé n’est pas exactement le même?

La sénatrice Cordy : Il faudrait que je les relise. Cela remonte à un moment déjà.

Mme Diab : Je dirais qu’ils ne sont pas parfaitement identiques, mais je dois vous avouer bien franchement que je n’en suis pas certaine.

La sénatrice McPhedran : Et vous ne vous attendez pas à ce qu’il y ait des contestations?

Mme Diab : Non. J’ajouterais que j’ai fait le nécessaire pour m’en assurer dans toute la mesure du possible. J’ai posé de nombreuses questions au bureau du greffier. J’ai exploré les différentes avenues envisageables, et c’est cette piste que l’on nous a suggérée. C’est ainsi que nous nous retrouvons devant vous aujourd’hui.

La sénatrice McPhedran : Merci.

Le sénateur Kutcher : Un grand merci à nos témoins d’être avec nous aujourd’hui.

Il va de soi que j’appuie ce projet de loi. Je dois souligner que j’ai eu le privilège de visiter le Liban un certain nombre de fois alors que je travaillais à l’amélioration des soins en santé mentale. Je peux donc certes témoigner de la riche histoire et de la beauté de cet incroyable pays dont l’avenir est rempli de promesses, mais aussi, malheureusement, de difficultés à surmonter.

Lorsqu’il est question de patrimoine, ce sont souvent les arts et la culture qui viennent d’abord à l’esprit. Ce sont effectivement deux aspects très importants, mais il y en a deux autres que je ne voudrais pas que nous négligions pour autant. J’aimerais que M. Fares et Mme Diab nous parlent des contributions de la communauté libanaise du point de vue économique et civique, deux considérations primordiales que l’on a tendance à oublier lorsque l’on se concentre uniquement sur les apports artistiques et culturels. Pouvez-vous nous parler de ces deux aspects? Je sais que M. Fares est très au fait de ce qui se passe du point de vue du développement économique, et que Mme Diab l’est bien sûr tout autant pour ce qui est des contributions civiques et politiques.

M. Fares : Il ne fait aucun doute que notre impact économique en Nouvelle-Écosse est bien concret. Nos dirigeants politiques ne cessent de répéter que ce sont les promoteurs d’origine libanaise qui ont construit Halifax. À une époque, on parlait des grands oiseaux du Liban pour désigner les grues pointant leur flèche dans le ciel de la ville. La plupart des constructeurs et des promoteurs immobiliers sont d’origine libanaise. L’impact de la communauté est donc immense. À un certain moment, la ville de Halifax a publié un rapport sur la contribution économique de la communauté libanaise. On a ainsi constaté que chaque personne d’origine libanaise vivant en Nouvelle-Écosse était à l’origine de pas moins de quatre emplois et demi. On peut donc parler d’un apport gigantesque à notre économie.

Et cela ne se limite pas à la Nouvelle-Écosse. Je connais un grand nombre de gens d’affaires d’origine libanaise dans différentes villes comme Montréal, Toronto, Ottawa, Vancouver et Calgary. Ils y accomplissent de grandes choses. Les histoires de réussite se multiplient. J’ajouterais seulement que j’estime, en toute humilité, que la communauté libanaise a contribué dans une très large mesure au développement économique de nos provinces et de notre pays, et que nous en tirons une grande fierté.

Mme Diab : Mon assistante a fait une recherche rapide pour trouver toute une série d’articles à ce sujet, mais je vais me contenter d’un exemple tiré de l’édition du 25 novembre 2013 du Globe and Mail où l’on indique, en s’inspirant de l’adage connu, qu’il faut un village libanais pour élever de nouvelles constructions dans le ciel d’une ville canadienne comme Halifax. Il y a plusieurs autres articles qui mettent ainsi en lumière l’apport économique de cette communauté.

Vous vouliez également que je vous parle de l’impact civique de la communauté libanaise. Je peux vous dire que ce n’est pas une question d’âge. Dès la maternelle, les enfants s’initient aux danses libanaises et en font la démonstration, par exemple, lorsqu’une journée multiculturelle est organisée dans leur école. Ils apportent des mets qu’ils ont parfois cuisinés à la maison pour les faire découvrir à leurs compagnons de classe. Ils le font depuis des décennies, et c’est le cas encore aujourd’hui. Tout cela commence à un très jeune âge. Comme je l’indiquais, j’ai moi-même débuté à 15 ans. Mes enfants ont fait la même chose, et j’ai maintenant des petits-enfants qui en font tout autant.

Par ailleurs, il a fallu un certain temps pour que les Canadiens d’origine libanaise se lancent dans la vie publique. Lorsque je suis moi-même devenue politicienne puis ministre de l’Immigration en 2013, il n’y avait pas parmi mes homologues un grand nombre de membres des minorités visibles, certainement pas en Nouvelle-Écosse en tout cas. On y a mis du temps, mais on a eu finalement droit à des réalisations remarquables sur la scène provinciale et maintenant à l’échelon fédéral. Vous avez notamment eu des collègues sénateurs qui étaient issus de la communauté libanaise.

Il ne faut pas oublier non plus ceux qui ont servi pendant la guerre et qui ont donné leur vie pour notre pays. Pas plus tard qu’hier soir, l’ambassadeur parlait d’un hockeyeur libanais qui aurait été honoré ou d’une partie que l’on aurait gagnée la semaine dernière. Je suis désolée, mais je ne m’intéresse pas trop au hockey. Je suis cependant persuadée qu’ils sont en train de regarder le soccer.

Je pourrais poursuivre, mais je crois que c’est un assez bon portrait de la situation.

La sénatrice Cordy : Il n’y a qu’à penser à M. Fares qui est avec nous aujourd’hui. Il a reçu l’Ordre du Canada pour sa contribution au développement économique de la Nouvelle-Écosse. Et l’apport des Libanais n’est pas uniquement d’ordre économique. On les retrouve également au sein de conseils d’administration d’organismes communautaires et ils sont aussi très investis dans toutes sortes d’activités de bienfaisance et de campagnes au bénéfice non seulement des Néo-Écossais, mais de l’ensemble de la population canadienne.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Je vais poser ma question en français. Évidemment, je soutiens ce projet de loi. Je trouve que — et c’est ma perception de ce type de projet de loi — je les vois comme des outils pour les groupes, pour les organisations, pour les écoles, pour les individus aussi; des outils qui permettent de se rassembler et de célébrer un héritage commun — dans ce cas-ci, un patrimoine, un héritage libanais.

Tout d’abord, est-il aussi important, selon vous, de se réunir pour célébrer et souligner cet héritage? Est-il important aussi, selon vous, de le faire découvrir aux autres, à ceux et celles qui ne connaissent pas cet héritage, et qui n’en savent pas grand-chose? Est-ce aussi cette occasion de s’ouvrir et de faire découvrir?

Mme Diab : Merci, madame la sénatrice, d’avoir posé cette très bonne question. C’est exactement le cas. Ce n’est pas seulement aux personnes qui ne sont pas libanaises d’en faire la découverte.

C’est très important pour tout le monde, mais ça l’est aussi pour nos enfants, nos petits-enfants et pour les personnes qui sont plus âgées que moi et qui n’ont pas grandi au Liban, qui n’ont pas visité le Liban. Je peux vous dire que — et c’est probablement le cas de beaucoup de personnes qui viennent d’autres pays — la première fois que j’ai été présidente de la Canadian Lebanon Society of Halifax, en 1993, j’ai visité quelques personnes plus âgées que moi qui étaient les premières à arriver au pays.

À cette époque, lorsqu’elles sont arrivées, il y en a beaucoup qui ont perdu leur langue, qui ont fait beaucoup d’efforts pour se camoufler. Elles se sont beaucoup anglicisées. Je parle de la Nouvelle-Écosse, mais c’est probablement la même chose ailleurs. C’était embarrassant à cette époque. Il y a beaucoup de personnes qui ont perdu leur culture, vraiment.

Maintenant, grâce au Mois du patrimoine libanais, en Nouvelle-Écosse, on a trouvé beaucoup de personnes dont le patrimoine est libanais dans tous les coins de la Nouvelle-Écosse. Elles sont arrivées ici et elles ont écrit des articles de journaux sur les histoires de leurs grands-parents. Elles habitent dans les quatre coins de la Nouvelle-Écosse et maintenant, ces coins sont enrichis par ces histoires. C’est pour tout le monde.

La sénatrice Petitclerc : Donc, il s’agit de redécouvrir ce patrimoine et de se le réapproprier.

[Traduction]

La sénatrice Cordy : J’aime beaucoup cette expression que vous avez utilisée en parlant d’un outil pour rassembler les gens. Je vais peut-être la reprendre à mon compte dans mon allocution en troisième lecture. C’est exactement ce dont il s’agit. C’est un outil qui non seulement permettra d’exposer toute la richesse du patrimoine libanais, mais incitera aussi les autres Canadiens à apprendre à le connaître. Ce sont là deux aspects très importants.

M. Fares : C’est la chose la plus importante. Nous sommes un pays multiculturel, et je crois que le Canada sera encore meilleur et plus fort si nous apprenons à mieux nous connaître les uns les autres.

La présidente : Mieux nous connaître les uns les autres; voilà une excellente façon de présenter les choses.

La sénatrice Martin : Merci pour vos témoignages.

Je suis moi aussi en faveur de ce projet de loi. J’estime très important d’instituer un mois pour reconnaître et souligner la contribution de la communauté libanaise au Canada.

J’ai une question concernant une situation qui a retenu mon attention. La Chambre est actuellement saisie d’un autre projet de loi, le C-232, Loi instituant le Mois du patrimoine arabe. Ce projet de loi est à l’étude par un comité de la Chambre. J’aimerais savoir si le même mois a été retenu et, le cas échéant, quelles seront les interactions avec le Mois du patrimoine libanais, la communauté libanaise constituant le groupe le plus considérable à l’intérieur de la grande communauté arabe ou de la diaspora. J’aimerais savoir ce qu’il en est de cet autre projet de loi. Je ne sais pas si c’est aussi le mois de novembre qui a été choisi et j’ignore quelles seront les interfaces entre les deux événements.

Mme Diab : Non. Je peux vous parler un peu de ce projet de loi, car j’ai pu en discuter avec son parrain avant même qu’il ne le dépose. C’est le mois d’avril qui a été retenu. J’ai voulu savoir ce qui pressait tant avec ce projet de loi et quel était le but de sa démarche. Il m’a dit qu’il y avait un mois semblable aux États-Unis en avril, ce qui l’a incité à choisir ce mois. Sa perspective est différente, car il s’est intéressé à l’ensemble du monde arabe, plutôt qu’à un pays en particulier. Je ne sais pas si M. Fares voudrait nous en dire plus à ce sujet. Je préciserais simplement que ce sont deux choses différentes. La démarche que nous menons ici vise à reconnaître l’apport d’un pays, le Liban en l’occurrence, et de son peuple.

M. Fares : Je sais que l’on considère que le Liban fait partie du monde arabe du fait que l’arabe est notre langue officielle, avec le français comme seconde langue. Nos origines remontent toutefois aux Phéniciens. Ce n’est pas du tout le cas du reste du monde arabe, ce qui fait que notre culture est un peu différente. Je connais bien la région et les pays arabes qui nous entourent. Ils ont leur culture et nous avons la nôtre. Si vous suivez un peu la politique, vous savez sans doute que le Liban est le seul pays du monde arabe à être gouverné par un président chrétien. Le Liban se distingue ainsi du reste du monde arabe. Peu importe le mois qui sera choisi pour célébrer le patrimoine du monde arabe, le patrimoine libanais est différent et nos valeurs ne sont pas les mêmes. Nous avons notre propre impact dans notre pays, le Canada.

La présidente : Monsieur Fares, il me reste du temps pour vous poser quelques questions, mais permettez-moi d’abord un préambule. Nous sommes ici au Comité des affaires sociales et nous devons nous pencher le plus souvent sur des problèmes affectant notre société. Il est donc vraiment rafraîchissant de parler aujourd’hui d’une célébration. C’est un changement qui est le bienvenu.

Ma question concerne la diaspora. Il y aurait entre 200 000 et 400 000 Libanais vivant au Canada. Est-ce la plus importante diaspora libanaise au monde ou en existe-t-il quelque part une qui serait plus populeuse?

Mme Diab : Je vais vous dire quelques mots, après quoi je céderai la parole à M. Fares qui en connaît beaucoup plus que moi à ce sujet. Je peux simplement vous dire que nous avons analysé ces chiffres que vous avez cités. Il s’agit du nombre de personnes qui indiquent être d’origine libanaise en remplissant les formulaires. Il faut savoir que nous avons perdu beaucoup de gens par la voie de l’assimilation, des préjudices et, il faut bien l’avouer, de l’obligation de camoufler ses différences pour les premiers arrivés. Je le sais parce qu’un grand nombre de leurs petits-enfants qui ont mon âge ne disaient même pas qu’ils étaient libanais en raison du sort réservé à leurs parents et à leurs grands-parents qui ont été les premiers à s’établir au Canada. Je suis convaincue que ces gens-là ne vont pas indiquer qu’ils sont libanais. Nous estimons donc qu’il y en a encore plus que ce que les chiffres révèlent au Canada, mais il faut aussi savoir que l’on retrouve une diaspora libanaise sur tous les continents. Ils se comptent par millions dans différentes régions du monde, mais je vais laisser M. Fares vous en dire davantage, car il est mieux au fait de la situation.

M. Fares : Permettez-moi d’abord de vous dire que ce n’est pas la quantité qui compte, mais bien la qualité. Nous sommes 400 000 au Canada. Nous formons une petite communauté par rapport à celles que l’on retrouve aux États-Unis, au Mexique et en Australie. En Amérique latine, on recense entre 7 et 8 millions de Libanais. La diaspora libanaise compte de 11 à 12 millions de personnes alors que la population du Liban est d’environ 4 millions d’habitants, si on ne compte pas les réfugiés qui sont environ 2 millions. Notre communauté est donc de bonne taille. Ce n’est pas la plus populeuse au monde, mais, comme je le disais, c’est la qualité qui fait la différence ici.

La présidente : Merci, monsieur Fares.

À ce sujet, j’ai une autre question. Un peu plus de 400 000 Libanais vivent au Canada, et il y a environ de 40 000 à 75 000 Canadiens qui vivent au Liban. Est-ce que ce sont des Canadiens qui sont nés et qui vivent là-bas, ou s’agit-il d’un autre groupe démographique?

Mme Diab : Je n’ai pas la réponse à cela.

M. Fares : Il n’y a pas de chiffres là-dessus. Je dirais qu’environ la majorité de ces personnes sont nées au Liban, mais possèdent la citoyenneté canadienne.

La sénatrice M. Deacon : Je vous remercie tous d’être parmi nous aujourd’hui.

J’ai eu l’occasion de me rendre au Liban, et j’ai énormément apprécié. Je pense aux observations et aux questions que j’ai entendues cet après-midi et aux outils qu’elles procurent. Qu’est-ce qui vous rend particulièrement fiers à propos du Liban et que vous aimeriez que les Canadiens connaissent et comprennent, quelque chose qui est unique pour vous ou le Liban?

M. Fares : C’est une bonne question.

D’un bout à l’autre du Canada, nous avons une communauté très prospère dans le monde des affaires, et aussi sur le plan social. Nous avons énormément contribué au tissu social et économique du Canada grâce à notre esprit d’entreprise. Je sais qu’à Halifax et ailleurs en Nouvelle-Écosse, quand je me suis lancé en affaires ici, les gens nés au Canada étaient différents et menaient leurs activités différemment. Ils sont maintenant presque meilleurs que nous. Ils ont appris en nous regardant. Je crois que beaucoup de Canadiens et de Néo-Écossais admirent la communauté libanaise. Il m’est arrivé à maintes reprises que des personnes viennent me voir à mon bureau pour me demander de bien vouloir leur expliquer comment nous en sommes arrivés là.

Je le dis très humblement. Nous avons des valeurs que les gens aiment vraiment, et ils veulent savoir en quoi elles consistent. L’ancien premier ministre de la Nouvelle-Écosse, Stephen McNeil, est venu me voir pour me dire qu’il voulait aller au Liban pour comprendre comment nous faisons ce que nous faisons. Il s’est effectivement rendu sur place, et je l’ai accompagné.

Je ne peux pas vraiment donner plus d’explications. On dirait que nous avons un trait distinctif. C’est probablement dans l’eau que nous buvons. Je ne sais pas.

Mme Diab : Je vais ajouter quelque chose. Il y a l’esprit familial et communautaire, mais aussi la résilience du peuple libanais. Je pense que c’est très important au Canada. C’est le fait que nos origines sont très modestes. Beaucoup de Libanais ont dû se battre pour survivre. Si ce n’est pas eux, ce sont leurs parents ou leurs grands-parents, mais ils ont survécu. Bien franchement, cela représente le Liban puisque le pays a dû composer tout au long de son histoire avec des guerres, la famine et tout ce que vous pouvez imaginer. Cela se poursuit encore d’ailleurs aujourd’hui compte tenu de la situation actuelle très précaire. Mais on veut encore survivre.

Je parle à mes enfants. Ce sont maintenant des adultes, de plus de 18 et 19 ans. J’ai maintenant quatre petits-enfants et un autre qui s’en vient. Je commence auprès des jeunes enfants. Je crois en cela. J’ai été la principale bénévole d’une école patrimoniale libanaise pendant de nombreuses années. Il faut d’abord s’adresser aux petits enfants pour qu’ils comprennent que la vie est semée d’épreuves, peu importe qui nous sommes et d’où nous venons. Quand on comprend ce que notre peuple a traversé, je pense que cela aide à endurer ce que la vie nous réserve. C’est très important en tant que femmes maintenant, alors que je me trouve ici. Je me souviens de mon père, qui est décédé. Ma mère et lui nous ont encouragées, mes quatre sœurs et moi, à aller à l’école et à apprendre — ce genre d’enseignement est très important pour les Libanais. On apprend également pour pouvoir survivre.

Il y a beaucoup de leçons. Nous nous percevons un peu comme des cèdres. Peu importe la force du vent, nous essayons de demeurer forts et résilients. Je pense que c’est une leçon de vie importante pour tout le monde. Cela ne se limite pas à la nourriture. Tout le monde aime la nourriture, la danse, la musique et tout le reste, mais ce qui compte, c’est avoir de l’étoffe. C’est ce que nous aimerions aussi partager avec tout le monde.

La sénatrice Dasko : À quel endroit se trouve la plus grande communauté libanaise au Canada? Est-ce à Toronto?

M. Fares : C’est à Montréal.

La sénatrice Dasko : Et où se situe Toronto? Comme je suis une sénatrice de Toronto, j’aime savoir ces choses.

M. Fares : Probablement au deuxième rang.

Mme Diab : Probablement, oui. Je n’en doute pas.

La sénatrice Dasko : Pour que ce soit clair, nous avons entendu dire qu’il y a 200 000 ou 400 000 Canadiens d’origine libanaise, n’est-ce pas?

M. Fares : Environ 400 000.

La sénatrice Dasko : Environ 400 000.

M. Fares : Oui.

La sénatrice Dasko : Merci.

La présidente : Nous sommes presque arrivés au moment où la députée Diab doit quitter.

La sénatrice Bovey : Je veux faire une observation pour conclure. Vous avez mentionné les cèdres du Liban. Nous avons des cèdres en Colombie-Britannique. Vous avez parlé de la compréhension et de l’établissement de liens, et j’espère que les enfants qui fréquentent l’école dans la province pourront parler de leurs cèdres et des cèdres du Liban. Nous devrions établir certains de ces liens.

La présidente : Je pense que ce sera la dernière question, et j’aimerais vous la poser, madame Diab. Vous avez parlé des difficultés auxquelles votre pays a fait face au cours de l’histoire et des difficultés qu’il continue d’éprouver. Je suis certaine que la vie n’est pas facile pour les Libanais, sur le plan politique, économique et social. Pensez-vous que la création d’un mois du patrimoine libanais au Canada assurera d’une manière ou d’une autre, dans une certaine mesure — une mesure limitée — la prospérité de votre pays d’origine?

Mme Diab : Merci de poser la question.

Je crois que oui, et je vais vous expliquer pourquoi. Je vais pleurer. J’ai reçu un appel la fin de semaine dernière. J’ai répondu. Je ne réponds habituellement pas quand c’est sur WhatsApp. On a installé l’application sur mon téléphone, et je ne suis habituellement pas au courant. Quelque chose a sonné, j’ai répondu, et c’était quelqu’un au Liban. On m’a demandé de bien vouloir prendre la parole quelque part avant les Fêtes pour demander de l’aide — on demandait 10 $; ce n’est rien — afin que des personnes désespérées au Liban puissent être nourries, pour pouvoir donner quelque chose à des enfants à cette période-ci de l’année et pour que ces personnes en difficulté sachent qu’il y a une diaspora qui se soucient d’eux et qui pensent à eux. La célébration du Liban ici leur donne l’espoir qu’ils vont revenir. Ces symboles sont la seule chose que certaines personnes ont. C’est leur seul espoir. C’est d’une grande utilité. Il n’est pas seulement question de la communauté libanaise. La communauté en question n’a pas d’importance, mais c’est celle dont nous parlons dans ce cas-ci. C’est donc très utile. Honnêtement, ce que vous faites aujourd’hui contribuera énormément à cela. Le simple fait que vous compreniez et les observations que vous avez formulées aujourd’hui changent vraiment les choses pour des personnes qui souffrent et qui veulent juste savoir qu’il y a des gens quelque part qui se soucient d’eux.

La présidente : Je remercie les témoins. Vous nous avez beaucoup aidés à comprendre votre motivation et les répercussions de ce projet de loi. Chers collègues, c’est tout le temps que nous avions avec ce groupe de témoins. Je remercie tous les témoins. Sénatrice Cordy, vous voudrez peut-être rester, bien entendu.

Nous allons maintenant passer à l’étude article par article du projet de loi.

Avant de commencer, j’aimerais rappeler certaines choses aux sénateurs. Si l’un de vous n’est pas certain de savoir où nous en sommes pendant le processus, veuillez demander des précisions. Je veux toujours m’assurer que nous sommes au même endroit au même moment.

En tant que présidente, je ferai de mon mieux pour que tous les sénateurs qui souhaitent prendre la parole puissent le faire. Pour y parvenir, j’ai toutefois besoin de votre coopération, et je vous demanderais tous de prendre en considération les autres sénateurs et de vous en tenir au sujet tout en étant brefs autant que possible.

Enfin, je souhaite rappeler aux honorables sénateurs que la meilleure façon de procéder lorsqu’il y a le moindre doute quant au résultat d’un vote par oui ou non ou d’un vote à main levée consiste à demander un vote par appel nominal. Les sénateurs savent que la motion est annulée en cas d’égalité des voix.

Y a-t-il des questions sur ce que je viens de dire? Je suppose, puisque c’est un projet de loi totalement différent, que rien de tout cela ne va s’appliquer. Passons à l’étude article par article.

Chers collègues, êtes-vous d’accord pour que le comité procède à l’étude article par article du projet de loi S-246, Loi instituant le Mois du patrimoine libanais? Parfait.

Le titre est-il réservé?

L’article 1 est-il adopté?

Des voix : Oui.

La présidente : L’article 2 est-il adopté?

Des voix : Oui.

La présidente : Le titre est-il adopté?

Des voix : Oui.

La présidente : Le projet de loi est-il adopté?

Des voix : Oui.

La présidente : Le comité souhaite-il annexer des observations au rapport? Puis-je faire rapport du projet de loi au Sénat?

Des voix : Oui.

La présidente : Merci, chers collègues. Félicitations, sénatrice Cordy.

Sur ce, puisqu’il n’y a pas d’autre point à l’ordre du jour, la séance est levée.

(La séance est levée.)

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