LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le jeudi 24 novembre 2022
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd’hui, à 11 h 32 (HE), avec vidéoconférence, pour examiner pour en faire rapport des questions qui pourraient survenir concernant les affaires sociales, la science et la technologie en général.
La sénatrice Ratna Omidvar (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Je m’appelle Ratna Omidvar, je suis sénatrice de l’Ontario et présidente du comité.
Nous allons maintenant faire un bref tour de table pour présenter nos collègues du Sénat, en commençant par la sénatrice Bovey.
La sénatrice Bovey : Patricia Bovey, du Manitoba.
La sénatrice Osler : Flordeliz Gigi Osler, du Manitoba.
Le sénateur Kutcher : Stan Kutcher, de la Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Moodie : Rosemary Moodie, de l’Ontario.
[Français]
La sénatrice Petitclerc : Chantal Petitclerc, du Québec.
[Traduction]
La sénatrice Cordy : Jane Cordy, de la Nouvelle-Écosse.
[Français]
La sénatrice Mégie : Marie-Françoise Mégie, du Québec.
[Traduction]
La présidente : Je vous remercie, chers collègues.
Dans le premier groupe de témoins, nous accueillons, par vidéoconférence, Derek Johnstone, adjoint spécial au président national, Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce Canada. Nous accueillons également des représentants du Groupe de travail sur la santé des travailleurs migrants, soit Anelyse Weiler, professeure adjointe, Département de sociologie de l’Université de Victoria, qui est accompagnée de ses collègues, Janet McLaughlin de l’Université Wilfrid Laurier et Leah Vosko de l’Université York. Je vous remercie de vous joindre à nous aujourd’hui.
J’invite maintenant les témoins à faire une déclaration préliminaire. Je vous rappelle que vous avez cinq minutes pour faire votre déclaration, et les membres du comité vous poseront ensuite des questions. Monsieur Johnstone, vous avez la parole.
Derek Johnstone, adjoint spécial au président national, Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce Canada : Au nom des Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce Canada, ou TUAC, j'aimerais remercier le comité permanent de nous donner l’occasion de présenter notre point de vue aujourd’hui. Je remercie également le comité du travail qu’il accomplit sur cet important enjeu.
Les TUAC représentent la voix des travailleurs du secteur de l’alimentation du Canada. Nous sommes l’un des plus grands syndicats du pays et nous sommes fiers et privilégiés de représenter plus d’un quart de million de travailleurs dévoués dans plus de 600 collectivités d’un bout à l’autre du pays. La grande majorité de nos membres travaillent dans des secteurs liés à l’alimentation, mais les membres des TUAC se retrouvent aux premières lignes de plus de 20 industries différentes pour produire les biens et les services sur lesquels les familles canadiennes comptent chaque jour.
Depuis plus de trois décennies, les TUAC sont également les principaux défenseurs des travailleurs migrants dans le secteur alimentaire et plus particulièrement des travailleurs du secteur agricole primaire. Au cours de cette période, nous avons vu le Programme des travailleurs agricoles saisonniers s’étendre au Programme des travailleurs étrangers temporaires et à d’autres volets, et ces dernières années, l’envergure et la portée de ce programme ont connu une croissance exponentielle, ce qui lui permet maintenant de viser une grande partie du système alimentaire du pays.
Chaque année depuis 20 ans, les TUAC publient un rapport annuel qui détaille le travail effectué par l’organisme sur le terrain au nom des migrants. Ce rapport cerne les mauvais traitements que les migrants endurent depuis longtemps et il fournit une série de recommandations qui reflètent les expériences de vie des migrants. Je trouve très frustrant de constater, sénateurs, que chaque année depuis 20 ans, ces recommandations sont en grande partie écartées.
Pour nous, c’est-à-dire le syndicat qui aide les travailleurs migrants depuis trois décennies et les travailleurs du secteur de l’alimentation en général depuis plus d’un siècle, il existe une solution évidente pour réduire considérablement la précarité et la vulnérabilité de ces travailleurs. En effet, les travailleurs migrants qui sont adéquatement représentés ne font pas les grands titres. Les travailleurs migrants qui sont adéquatement représentés ne sont pas victimes de la traite des personnes. Les travailleurs migrants qui sont adéquatement représentés ne rentrent pas chez eux avec le corps brisé et les conséquences émotionnelles qui viennent après avoir été tourmentés par un horrible employeur.
Les membres des TUAC le savent bien, car notre syndicat a représenté et continue de représenter des milliers de migrants qui travaillent dans l’industrie de la transformation de la viande. Contrairement à ce que nous observons dans le secteur de l’agriculture primaire, les migrants qui travaillent dans l’industrie de la transformation de la viande n’ont pas à s’inquiéter du non-respect de leurs droits en matière de travail, de santé et de sécurité. Dans l’industrie de la transformation de la viande, le syndicat est en mesure de s’assurer que les migrants soient traités avec le respect que méritent tous les travailleurs de première ligne. De plus, dans cette industrie, contrairement à celle de l’agriculture primaire, les migrants ont réellement la possibilité de devenir des Canadiens. Une partie importante de cette réalité est attribuable à la collaboration du syndicat avec les principaux employeurs pour tirer parti des programmes des candidats des provinces et d’autres programmes afin de créer des voies d’accès pour les travailleurs du secteur alimentaire et leurs familles. Je dois ajouter que l’industrie canadienne de la transformation de la viande est depuis longtemps l’un des principaux piliers du secteur agroalimentaire et que, depuis de nombreuses décennies, elle est très concurrentielle sur les marchés mondiaux.
En résumé, la représentation syndicale pourrait grandement contribuer à régler un grand nombre des problèmes qui affligent depuis longtemps les systèmes de travailleurs migrants du Canada, mais à ce jour, aucun gouvernement fédéral n’a sérieusement envisagé de placer la représentation au centre d’un programme de réforme.
En fait, l’Ontario, où se trouvent, je crois, plus de 40 % de tous les migrants, exclut les travailleurs agricoles des principaux régimes de négociation collective, malgré le fait que les migrants sont très vulnérables, malgré le fait que l’adhésion à un syndicat changerait la donne et malgré le fait que le Canada a enfin, en 2018, ratifié la Convention internationale sur le droit d’organisation et de négociation collective.
Sur ce, sénateurs, j’aimerais vous remercier, au nom des travailleurs et des travailleuses du secteur de l’alimentation du Canada, d’avoir entrepris ce travail important. J’aimerais également profiter de cette occasion pour me joindre à d’autres membres du mouvement syndical mondial et à nos alliés progressifs pour demander au Canada de ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles, ce qui aurait dû être fait depuis longtemps.
Je serais heureux de répondre aux questions du comité.
La présidente : Je vous remercie, monsieur Johnstone.
Anelyse Weiler, professeure adjointe, Département de sociologie, Université de Victoria, Groupe de travail sur la santé des travailleurs migrants : Je suis professeure adjointe de sociologie à l’Université de Victoria. Aujourd’hui, je vous parle au nom du Groupe de travail sur la santé des travailleurs migrants, un réseau d’universitaires et de fournisseurs de soins de santé. Collectivement, nous avons des décennies de recherche et d’expérience de première ligne dans le domaine de la santé des travailleurs agricoles migrants.
Je décrirai d’abord brièvement le contexte des volets agricoles du Programme des travailleurs étrangers temporaires, puis je soulignerai nos recommandations sur la façon de s’attaquer à ce que nous considérons comme les trois menaces principales auxquelles font face les travailleurs agricoles migrants, soit la santé physique et mentale, le logement et le travail et les droits de la personne.
En guise de mise en contexte, l’obstacle principal auquel font face les travailleurs agricoles migrants en ce qui concerne l’accès à leurs droits est la nature précaire de leur travail et de leur statut d’immigrant au Canada. Même s’ils sont employés au Canada, leur permis de travail est lié à un seul employeur qui peut les congédier sans procédure de règlement des griefs. Une fois congédiés, ils risquent généralement d’être rapatriés immédiatement et de perdre le logement, les soins de santé et l’autorisation de travailler légalement au Canada qui sont fournis dans leur contrat. Des recherches révèlent que les travailleurs subissent des pressions pour répondre aux stéréotypes du « travailleur idéal », car ils savent que les employeurs peuvent causer leur rapatriement à tout moment, refuser de les réembaucher la saison suivante ou leur donner une évaluation de fin de saison négative. Cela signifie que la relation travailleur-employeur est fortement axée sur les intérêts des employeurs.
La première menace principale que je vais aborder concerne la santé physique et mentale. Le Programme des travailleurs étrangers temporaires expose les travailleurs agricoles à diverses maladies chroniques et infectieuses, à des conditions de travail à risque élevé, à des problèmes de santé sexuelle et génésique et à des risques pour la santé mentale. Les travailleurs agricoles migrants malades et blessés au Canada font face à de nombreux obstacles pour accéder au système de santé provincial et à l’indemnisation des travailleurs, même s’ils ont légalement droit à ces deux avantages.
La deuxième menace principale concerne le logement. Les employeurs sont tenus de fournir un logement aux travailleurs agricoles migrants, mais la qualité de ces logements varie grandement et elle est souvent inconstante. Ainsi, de nombreux logements sont insalubres, surpeuplés, délabrés et mal ventilés. Des études ont mis en évidence une série de risques sanitaires accrus liés aux logements sur les exploitations agricoles, notamment l’insuffisance de lavabos pour se laver les mains et de toilettes, la réfrigération et le stockage inadéquats des aliments, la proximité de micro-organismes pathogènes et le manque d’accès à l’eau potable.
La troisième menace principale concerne les droits en matière de travail et les droits de la personne. La façon dont le Canada traite les travailleurs agricoles migrants a suscité des préoccupations sur la scène internationale en ce qui concerne les droits en matière de travail et les droits de la personne. En particulier, les travailleurs agricoles de l’Ontario ne peuvent pas se syndiquer et négocier des conventions collectives dans les mêmes conditions que les travailleurs des autres provinces. De nombreux travailleurs signalent que leurs employeurs limitent leur liberté de mouvement et leur capacité à, par exemple, accueillir des visiteurs en dehors des heures de travail. Le programme de permis de travail ouvert pour travailleurs vulnérables n’est que partiellement efficace pour lutter contre les mauvais traitements, car il impose le fardeau de la preuve aux victimes.
Pour en venir à nos recommandations, au moins six changements fondamentaux doivent être apportés pour que les travailleurs agricoles migrants puissent avoir accès aux mêmes conditions en matière de santé, de sécurité et de dignité que celles qui sont accordées à tout travailleur au Canada. Tout d’abord, il faut leur offrir l’accès à des permis de travail ouverts et à la résidence permanente dès leur arrivée. Deuxièmement, le gouvernement fédéral, en coordination avec les provinces, doit prendre des mesures d’application proactive des normes du travail. Troisièmement, il faut accorder, dans toutes les provinces, les mêmes droits en matière d’organisation et de négociation collective aux travailleurs agricoles. Quatrièmement, ces travailleurs doivent avoir accès à l’ensemble des normes provinciales régissant l’emploi, sans exemptions ou règles spéciales. Cinquièmement, ils doivent avoir un accès complet à l’assurance-emploi. Sixièmement, les travailleurs doivent avoir un accès indépendant et amélioré aux systèmes de soins de santé et d’indemnisation des travailleurs dès leur arrivée et pendant toute la durée d’une maladie ou d’une blessure.
Plusieurs autres membres du groupe de travail, soit Leah Vosko, Janet McLaughlin et Stephanie Mayell, sont ici avec moi et elles seront heureuses de répondre aux questions en fonction de leurs domaines d’expertise respectifs. Il s’agit entre autres de la sécurité alimentaire, du logement, des normes du travail, des questions liées au sexe et à la famille, de l’indemnisation des travailleurs et de l’assurance-emploi.
Je vous remercie beaucoup. Nous avons hâte de répondre à vos questions.
La présidente : Je vous remercie beaucoup, madame Weiler.
Nous allons maintenant passer aux questions de nos collègues. Comme toujours, mes collègues auront quatre minutes pour poser des questions et entendre les réponses. Avant de poser vos questions, je vous demanderais à tous de bien vouloir vous abstenir de vous pencher trop près de votre microphone ou de retirer votre écouteur si vous le faites. Cela permettra d’éviter tout retour de son qui pourrait avoir un impact négatif sur le personnel du comité présent dans la salle.
La première question sera posée par la vice-présidente du comité, la sénatrice Pat Bovey.
La sénatrice Bovey : J’aimerais remercier nos témoins.
J’ai choisi une question qui m’éloignera probablement un peu du sujet principal. Vous avez tous les deux parlé de l’immigration et de la précarité du statut d’immigration des travailleurs migrants, et je suis au courant du Programme pilote sur l’agroalimentaire qui a été lancé en mai 2020 et qui, si je comprends bien, se terminera en mai 2023. Plutôt que d’entrer dans les détails et d’énoncer des chiffres, j’aimerais savoir si ce projet pilote se poursuivra. Quelles mesures le gouvernement fédéral devrait-il prendre pour déterminer s’il convient de faire de ce projet pilote une voie permanente vers la résidence permanente?
J’ai été assez surprise lorsque j’ai lu, dans un article de la Fédération canadienne de l’agriculture, que certains travailleurs migrants retournent sur la même exploitation agricole et le font depuis 40 ans. Ma question est donc la suivante : quel est leur parcours vers la résidence permanente et la citoyenneté?
M. Johnstone : Je vous remercie de votre question, sénatrice.
Les TUAC connaissent très bien le Programme pilote sur l’agroalimentaire. En fait, à bien des égards, il est le fruit de la très longue consultation que le gouvernement a menée sur cette question au cours des dernières années. Nous nous sommes réjouis lorsqu’il a été annoncé il y a plusieurs années. Toutefois, nous avons constaté que ce projet pilote présente certains problèmes structurels, même s’il a beaucoup de potentiel. Pour commencer, je pense qu’il offre un total de 2 750 places.
Nous réclamons un programme des candidats du gouvernement fédéral depuis des années. Nous pensons que c’est extrêmement important. Il existe depuis longtemps des programmes des candidats des provinces. Ces programmes ont été très fructueux dans l’industrie de la transformation de la viande, où nos syndicats locaux ont travaillé avec les provinces et les migrants pour réussir à orienter des centaines, voire des milliers de migrants sur la voie de la citoyenneté. L’Ontario a toujours représenté un problème à cet égard. Nous souhaitons donc ardemment la mise en œuvre d’un tel programme.
Bref, nous avons appris que, malgré les quelque 2 700 postes offerts — et nous avons du mal à obtenir ces données —, environ le quart des postes ont été pourvus. Le programme est donc fortement sous-utilisé. La plupart de ces postes étaient réservés pour la transformation des aliments et la transformation de la viande, et ils ne visaient donc pas vraiment l’agriculture primaire. Mais le programme offre tout même un large éventail de possibilités.
Voici donc un résumé de la situation. Il y a un certain nombre d’obstacles ici, et si la politique ne fonctionne pas sur le terrain, alors elle ne fonctionne pas du tout. Ce que nous constatons sur le terrain, c’est que les gens doivent avoir un diplôme d’études secondaires de leur pays d’origine. On exige également que les migrants aient terminé le niveau 4 en anglais. Il s’agit d’obstacles majeurs, en particulier dans le secteur de l’agriculture primaire, où la plupart des travailleurs viennent des régions rurales d’Amérique latine. Ils ont souvent des problèmes d’alphabétisation dans leur propre langue maternelle, sans parler de l’anglais. Ce sont donc des obstacles insurmontables pour ces gens.
Nous avons fait appel au gouvernement. Pour parler honnêtement, ce projet pilote n’a pas eu la chance de faire ses preuves. Je sais qu’il arrive à la fin de sa période d’exécution, mais il n’a vraiment pas eu la chance de faire ses preuves à cause de ces obstacles, et nous demandons donc au gouvernement de lui donner une véritable chance et d’éliminer les obstacles qui l’empêchent réellement d’accomplir quelque chose de spécial.
Dans le grand ordre des choses, il s’agit de 2 700 places. Dans le cadre des chiffres liés à l’immigration, c’est réellement très peu. Le gouvernement a ici l’occasion de faire quelque chose d’audacieux et de sortir des sentiers battus. Il pourrait peut-être faire appel à un partenaire comme le mouvement syndical pour jouer un rôle important. Nous insistons sur ces choses et nous sommes optimistes, mais jusqu’ici, le projet n’a pas atteint son plein potentiel.
La sénatrice Bovey : Le Manitoba participe-t-il à cela?
M. Johnstone : Le Manitoba a son propre programme des candidats des provinces, et selon l’expérience des TUAC, c’est en fait l’une des provinces qui réussit le mieux à cet égard au Canada. Nous avons obtenu d’excellents résultats avec le programme des candidats des provinces au Manitoba dans l’industrie de la transformation de la viande, et nous aimerions que cette réussite soit reproduite ailleurs.
Le sénateur Kutcher : Mes questions s’adressent à M. Johnstone, mais tout d’abord, je tiens à souligner que les Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce Canada se font les porte-parole des travailleurs étrangers temporaires du secteur agricole depuis un bon moment; ils militent notamment pour le droit à la représentation. Je tenais à reconnaître, aux fins du compte rendu, le travail important réalisé par le syndicat, avec ses propres ressources.
Selon ce que je comprends, les codes du travail provinciaux ne s’harmonisent pas nécessairement au Code canadien du travail... c’est le moins que l’on puisse dire. Le gouvernement fédéral ne peut dicter aux provinces la façon d’appliquer leurs codes du travail. J’ai deux questions à vous poser : premièrement, croyez-vous que le comité devrait recommander l’harmonisation des codes du travail pour les travailleurs étrangers temporaires? Deuxièmement, je comprends que la représentation syndicale des travailleurs étrangers temporaires du secteur agricole est non seulement importante, mais essentielle afin d’aborder tous les problèmes d’ordre structurel qui nuisent à leur santé et à leur bien-être général; est-ce que le comité devrait aussi faire une telle recommandation?
M. Johnstone : Je vous remercie pour votre question, sénateur. Je vous remercie également de reconnaître les efforts des Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce Canada à cet égard. En effet, nous défendons les droits des travailleurs migrants du domaine alimentaire au Canada, et particulièrement des travailleurs agricoles.
On nous rappelle constamment que les négociations collectives relèvent des provinces, surtout lorsque nous discutons avec la province de l’Ontario. Néanmoins, comme je l’ai dit dans ma déclaration préliminaire, la convention internationale en matière de négociations collectives existe depuis 1949. Nous accusons un retard important : nous l’avons signée il y a quelques années seulement. Nous avons rendu obligatoire le respect de ces droits au pays. Je crois que le gouvernement fédéral peut et doit en faire plus pour faire bouger l’Ontario, qui est le cœur de l’agriculture au Canada et où travaillent de nombreux migrants.
Cela étant dit, dans leur discours préliminaire, certains de mes collègues ont parlé d’une plus grande mobilité au sein du secteur et du marché du travail de façon générale. Cette réforme est cruciale pour de nombreuses raisons; je suis certain que nous allons en parler plus en détail.
Lorsque nous aurons établi une approche plus sectorielle à l’égard de ce programme, nous pourrons revoir la façon de protéger les travailleurs. Nous avons longuement discuté de la question et avons recommandé un modèle tripartite sectoriel, à tout le moins, dans lequel les travailleurs, les employeurs et le gouvernement joueraient un rôle clé. Nous n’avons plus ces conversations au Canada. C’était le cas à une certaine époque, avec le Programme des conseils sectoriels et les infrastructures, mais il a malheureusement été aboli. Nous n’avons plus d’infrastructure en ce sens. Les Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce Canada ont toujours fait valoir qu’une telle approche sectorielle et le regroupement des intervenants nous permettraient de négocier de meilleures normes et de veiller à ce que les droits et les contributions de ces travailleurs soient reconnus et respectés.
Je comprends la question de compétence au Canada : nous sommes un pays fédéraliste. Nous le respectons, et nous respectons la compétence des provinces en matière de travail, mais le gouvernement peut avoir recours à certains mécanismes, notamment dans le cadre des programmes fédéraux. Le gouvernement fédéral n’a pas encore eu recours aux outils dont il dispose pour s’attaquer à la question. Nous souhaitons en discuter, mais n’avons pas encore pu le faire.
La sénatrice Moodie : Je remercie les témoins de leur présence.
Ma question s’adresse à Mme Weiler et à son groupe. J’aimerais savoir si les préoccupations en matière de santé, de bien-être et de sécurité des travailleurs étrangers temporaires varient en fonction de leur sexe, de leur pays d’origine ou d’autres facteurs intersectionnels. Que nous disent les données à ce sujet?
Mme Weiler : Je vous remercie pour votre question. Je crois que ma collègue, Janet McLaughlin, serait la mieux placée pour y répondre. Je compléterai sa réponse avec plaisir.
Janet McLaughlin, professeure adjointe, Département des études sur la santé, Université Wilfrid Laurier, Groupe de travail sur la santé des travailleurs migrants : Je vous remercie pour votre question.
Nous avons constaté que la santé des femmes représentait un enjeu particulier, surtout en ce qui a trait au harcèlement sexuel et à la santé reproductive. Lorsque les femmes tombent enceintes, il leur est très difficile d’avoir accès à des soins prénatals ou à des services d’avortement. Elles sont également victimes de harcèlement sexuel, parfois de la part de leurs collègues, de leur superviseur ou de leur employeur. Ces enjeux sont propres aux femmes.
Les autres enjeux de santé visent autant les hommes que les femmes : la santé au travail, la santé mentale, l’éloignement de la famille, les circonstances difficiles, etc.
Pour ce qui est du pays d’origine, tous les travailleurs connaissent des enjeux semblables, mais les Mexicains et les autres travailleurs qui parlent l’espagnol ou une langue autre que l’anglais font face à un défi supplémentaire. Ils ont parfois de la difficulté à comprendre les directives en matière de santé et de sécurité, qui leur sont transmises en anglais. Ils peuvent aussi avoir plus de difficulté à accéder aux soins de santé s’ils sont prodigués uniquement en anglais ou en français, sans l’aide d’un interprète. Cette situation peut entraîner son lot de défis supplémentaires, selon les besoins linguistiques des travailleurs.
Mme Weiler : Je confirme tout ce que vient de dire ma collègue.
J’ajouterais que les travailleurs de la Jamaïque ou des pays des Caraïbes membres du Commonwealth sont aussi victimes de racisme contre les Noirs, ce qui affecte leur santé mentale et entraîne de nombreux autres défis en matière de santé physique. Bon nombre des travailleurs de l’Amérique latine parlent des langues autochtones; lorsqu’on leur fournit des directives en matière de santé et de sécurité en espagnol, on n’assure pas l’accessibilité de ce groupe de travailleurs en particulier. Les défis intersectionnels associés à la santé et à la sécurité des travailleurs sont variés.
La sénatrice Moodie : Ma prochaine question porte sur les données que nous recueillons. À votre avis, est-ce que ces données sont utiles et significatives? Est-ce qu’elles nous transmettent les renseignements dont nous avons besoin pour comprendre les défis que doivent surmonter les travailleurs migrants et les aider? Avez-vous constaté des changements importants émanant des données dont nous disposons sur les programmes offerts?
Mme Weiler : Je vous remercie pour votre question.
Nous disposons d’une énorme quantité de données émanant de plusieurs décennies de recherches universitaires ou provenant des professionnels de la santé de première ligne. Nous connaissons les problèmes, de façon générale. Malheureusement, aucune mesure n’est prise pour aborder les enjeux fondamentaux qui ont trait aux permis de travail liés à l’employeur et aux exemptions des normes provinciales. Ce sont les problèmes associés à la conception même des programmes, qui n’ont pas encore été abordés.
[Français]
La sénatrice Mégie : Je remercie les témoins de leur présence ce matin. Ma première question s’adresse à la Mme Weiler. Vous avez mentionné que le problème linguistique est un problème majeur qui met les travailleurs à risque de mauvais traitements, parce qu’ils ne comprennent pas les consignes qu’on leur donne et qu’ils ne comprennent pas les consignes de santé, même si des consignes leur ont été données. Donc, cela les empêche de bien s’intégrer. Avez-vous pensé — pour la province de Québec, qui est francophone — à aller chercher des travailleurs parmi les pays francophones, par exemple en Haïti, pour venir travailler ici? Je ne pense pas que cela se fait. Pensez-vous que cela devrait se faire?
[Traduction]
Mme Weiler : Je vous remercie pour votre question.
Au cours des dernières décennies, nous avons accueilli des travailleurs de partout dans le monde. Ils viennent de pays francophones ou hispanophones, ce qui accentue la difficulté de fournir des directives en matière de santé et de sécurité et un accès aux soins de santé, parce que les travailleurs n’ont pas accès au soutien linguistique dont ils ont besoin, surtout dans les petites collectivités rurales.
Pour les résidents permanents, l’accès à des services d’établissement en anglais favorise grandement l’intégration à la communauté et l’accès aux services de santé et de sécurité. Il serait très utile d’offrir un accès officiel à des services de soutien linguistiques gratuits aux travailleurs temporaires.
[Français]
La sénatrice Mégie : Merci. J’ai une autre question pour M. Johnstone, et Mme Weiler pourrait compléter la réponse, si nécessaire.
Savez-vous si l’expérience des travailleurs étrangers temporaires apporte des bénéfices autres que monétaires aux familles qui vivent toujours dans leur pays d’origine?
[Traduction]
M. Johnstone : Il est évident, d’après notre expérience d’aide auprès de nombreux travailleurs au fil des années, qu’ils font ce travail pour leur famille. Avant, les travailleurs étaient principalement des hommes, mais les choses changent. De plus en plus de femmes viennent travailler dans les fermes. Le programme a explosé au cours des dernières années, dans l’ensemble du secteur alimentaire, dans le secteur de l’hébergement, etc. Les hommes et les femmes viennent ici travailler pour aider leur famille.
Je crois qu’on peut présumer que, s’ils en avaient l’occasion, ces travailleurs feraient venir les membres de leur famille au pays afin qu’ils obtiennent leur citoyenneté. Tout ce qu’ils veulent, c’est améliorer la vie de leur famille. L’argent qu’ils envoient à la maison a, dans certains cas, éclipsé l’aide étrangère. Les travailleurs envoient des sommes importantes d’argent, qui continuent d’augmenter, mais si le Canada veut réellement aider les familles des travailleurs qui portent notre système alimentaire et d’autres systèmes essentiels à bout de bras, alors il doit leur ouvrir la voie afin qu’ils puissent devenir des citoyens canadiens.
À l’heure actuelle, le système d’immigration repose sur les classes. Si vous êtes un col blanc, on vous offre toutes sortes de possibilités pour devenir citoyen canadien, mais si vous travaillez avec vos mains, que vous vous salissez, que vous cueillez les tomates ou que vous travaillez dans une usine de champignons, vous n’avez pas la même chance. Ces familles n’ont pas les mêmes possibilités que les autres. Si le Canada souhaite réellement aider les familles, il faut que la situation change.
La sénatrice Cordy : Merci, monsieur Johnstone, à vous et à votre syndicat, de même qu’aux membres du Groupe de travail sur la santé des travailleurs migrants pour le travail que vous faites en vue d’aider des personnes qui sont très vulnérables lorsqu’elles arrivent dans notre pays. Elles sont souvent plus susceptibles d’être victimes d’abus, comme vous l’avez fait valoir dans vos commentaires.
Je sais que les deux groupes ont présenté plusieurs recommandations pour améliorer la situation. Vous les avez évoquées aujourd’hui. Est-ce que quelqu’un entend ces recommandations? Est-ce que des changements sont apportés? Est-ce que certaines provinces font un meilleur travail en ce qui a trait à la sécurité et aux avantages sociaux des travailleurs migrants?
Mme Weiler : Je vais répondre avec plaisir à cette question. Je crois que ma collègue, Leah Vosko, veut aussi y répondre. Je vais lui céder la parole.
Leah F. Vosko, professeure, Département de science politique, Université York, Groupe de travail sur la santé des travailleurs migrants : Vous nous demandez si quelqu’un entend nos recommandations. Je crois que le défi — et l’occasion que nous offre la séance d’aujourd’hui — réside dans la façon d’expliquer pourquoi nos recommandations ne sont pas entendues.
Par exemple, lorsqu’on a demandé à Derek Johnstone quel était le problème avec l’application des normes en matière d’emploi des programmes fédéraux, j’ai réalisé — et il l’a fait valoir dans sa réponse — que ces normes étaient en effet très difficiles à appliquer. Certaines lois fédérales, comme la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, exigent bon nombre des mesures que nous recommandons, comme l’inspection périodique des fermes. De plus, on a attiré l’attention sur l’exclusion des travailleurs agricoles d’un large éventail de droits et protections.
Je crois qu’à certains égards, le gouvernement fédéral a l’impression d’avoir les mains liées parce que les normes du travail relèvent largement des provinces. Toutefois, nous avons fait valoir et démontré qu’il s’agissait d’un programme fédéral, comme l’a dit ma collègue, Mme Weiler. À ce titre et comme il s’agit d’un programme institutionnalisé en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, le gouvernement fédéral peut prendre des mesures pour garantir l’application de ces normes.
Je crois qu’il faut tenir compte de ces recommandations et songer à établir le niveau ou la compétence en matière de responsabilité, de même que les possibilités de coordination. Je pense notamment aux lacunes dans ce domaine entre le gouvernement de l’Ontario et le gouvernement fédéral. Certaines institutions comme le Sénat pourraient recommander d’assurer cette coordination pour veiller à ce que les travailleurs voient leurs droits respectés et soient protégés, comme il se doit.
La sénatrice Cordy : Merci. C’est toujours compliqué lorsqu’il est question de compétence provinciale ou fédérale. J’espère que tout le monde pourra travailler ensemble plutôt que de tout séparer comme c’est actuellement le cas. Je vous remercie pour votre réponse.
Monsieur Johnstone, vous avez parlé des avantages de la syndicalisation. Vous savez que le fardeau de la preuve en cas d’abus pèse sur les travailleurs migrants. Les victimes qui ne dénoncent pas leur agresseur en raison de la peur doivent être nombreuses. Avez-vous un commentaire à faire à ce sujet?
M. Johnstone : C’est maintenant un volet du programme. Pour revenir au discours préliminaire de Mme Weiler, un mécanisme relativement nouveau est en place — le permis de travail ouvert — pour les personnes qui arrivent à démontrer qu’elles sont victimes d’abus de la part de leur employeur.
Premièrement, les travailleurs migrants qui tentent de prouver qu’ils ont été victimes d’abus sont très courageux, parce que leur situation est on ne peut plus précaire. Dans les faits, ces travailleurs sont liés à un seul employeur qui peut les renvoyer chez eux en un coup de plume. C’est remarquable de voir que certaines personnes choisissent quand même de dénoncer leur employeur. Cela étant dit, nous avons connu quelques centaines de cas du genre et ce n’est que la pointe de l’iceberg.
Je crois que Mme Vosko a bien expliqué les enjeux, notamment en matière d’application de la loi. Même si des milliers de travailleurs dénonçaient leur employeur, le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux n’auraient tout simplement pas la capacité de prendre les mesures prévues dans le programme. Par conséquent, nous ne comprenons pas pourquoi les gouvernements ne font pas appel à d’autres intervenants comme le mouvement syndical pour jouer un rôle plus important en vue de mettre fin au déséquilibre des pouvoirs au sein du système, qui a si bien été documenté.
Les cas d’abus abondent et continueront d’abonder. Il y a de bons employeurs, je suis le premier à l’admettre, mais il y a aussi une longue liste d’employeurs irresponsables, que nous connaissons depuis de nombreuses années. Cette population est tellement vulnérable; l’exploitation est inévitable dans le système actuel. Aucun gouvernement n’a été prêt à étudier les réformes possibles, dont a terriblement besoin le système. Jusqu’à ce que cela se produise...
La sénatrice Petitclerc : Je ne sais pas qui peut ou veut répondre à ma question, qui est simple et directe. Ce que j’entends, c’est que certains travailleurs ne connaissent pas leurs droits ou ne les exercent pas pour les nombreuses raisons que vous avez évoquées. Nous pouvons leur offrir une formation linguistique, les éduquer et tout le reste, mais ne diriez-vous pas que toutes ces mesures ne pourront pas être efficaces si le déséquilibre des pouvoirs demeure et que tout commence par un permis ouvert? Est-ce que c’est logique? Iriez-vous jusque-là? Je vois que vous faites signe de la tête, mais si quelqu’un voulait s’exprimer pour que ce soit consigné au compte rendu, je vous en serais reconnaissante.
Mme Weiler : Avec plaisir. Vous avez soulevé le point central que nous tenons à faire valoir : bien que de nombreuses mesures de fortune comme le permis de travail ouvert soient utiles pour un petit nombre de travailleurs, le problème fondamental est le permis de travail fermé et le fait que ces permis sont liés à un employeur spécifique. Ce qu’il faut, c’est l’accès à la résidence permanente à l’arrivée et un permis de travail ouvert.
Je constate que mes collègues Leah Vosko et Derek Johnstone souhaiteraient ajouter quelque chose, alors je leur cède la parole.
Mme Vosko : J’ajouterais aux propos de Mme Weiler et à ce que la sénatrice a souligné que le problème de l’actuel système de permis de travail ouvert, en partie, est qu’il est injuste, lorsqu’une personne est vulnérable, comme Derek Johnstone l’a également souligné, que le fardeau de la preuve incombe au travailleur. Les recherches sur l’application des normes du travail indiquent que les travailleurs de diverses catégories, même s’ils n’ont pas le statut de résidence temporaire, comme tous les travailleurs dont il est question — c’est-à-dire les travailleurs du Programme des travailleurs agricoles saisonniers, le PTAS, les travailleurs du volet agricole, les travailleurs qui viennent dans le cadre du Programme pilote sur l’agroalimentaire et les sans-papiers —, sont confrontés à un extraordinaire déséquilibre de pouvoir, en raison non seulement du risque de représailles de la part de l’employeur, mais aussi de la menace d’être retournés dans leur pays. Beaucoup de participants à cette séance ont écrit sur le sujet. On ne parle pas ici du déséquilibre de pouvoir typique entre un travailleur et un employeur où le travailleur doit conserver son emploi, mais d’un travailleur qui doit aussi rester au pays pour soutenir sa famille qu’il a été obligé de laisser derrière. Je tenais simplement à appuyer les propos de Mme Weiler et M. Derek Johnstone : cette catégorie de travailleurs est confrontée à un considérable déséquilibre de pouvoirs.
La présidente : J’aimerais poser quelques questions aux témoins dans les quatre minutes qui me sont imparties, en me concentrant d’abord sur l’assurance-emploi. Comme nous le savons, les travailleurs migrants temporaires, dans le secteur agricole ou tout autre secteur, doivent cotiser à la caisse d’assurance-emploi, à l’instar de leurs employeurs. Toutefois, les travailleurs migrants ne sont jamais admissibles à l’assurance-emploi, ce qui signifie, dans les faits, qu’ils ne peuvent pas demander de prestations venant d’un fonds auquel ils ont cotisé. Personnellement, même en tant que citoyenne ordinaire, cela me semble totalement injuste. Si les travailleurs migrants et leurs employeurs sont inclus dans le régime d’assurance-emploi, c’est apparemment pour éviter que les employeurs privilégient l’embauche de travailleurs migrants au détriment des travailleurs locaux, car si les employeurs ne cotisent pas à la caisse de l’assurance-emploi, cela représente un avantage financier pour eux, pour ainsi dire. Y a-t-il une recommandation de politique, ou une façon de sortir de ce paradoxe? Je vois que Mme Weiler hoche la tête. Monsieur Johnstone, vous pourriez peut-être intervenir tous les deux.
Mme Weiler : Je dirais que l’élément central, ou la recommandation fondamentale en matière de politique est d’accorder aux travailleurs un accès complet au régime d’assurance-emploi auquel ils cotisent déjà. Cela changerait complètement la donne pour beaucoup de travailleurs, notamment pour l’accès aux prestations parentales spéciales, ou lors de phénomènes météorologiques extrêmes liés au climat comme ceux que nous avons vus en Colombie-Britannique, alors que des travailleurs ont perdu leur emploi du jour au lendemain et avaient vraiment besoin d’un accès à l’assurance-emploi.
Ma collègue Leah Vosko a une expertise particulière à cet égard. Je l’invite donc à ajouter des points essentiels, puis je pourrais passer la parole à M. Johnstone.
Mme Vosko : Je souscris aux propos de Mme Weiler. J’ajouterais simplement qu’il faut aussi régler d’autres obstacles liés à l’assurance-emploi. Par exemple, pour avoir accès à l’assurance-emploi, les travailleurs agricoles migrants sont souvent tenus de prouver qu’ils ont un permis de travail valide. Donc, sénateur, même si le principe que vous êtes porté à défendre n’est pas remis en question, le système n’est pas conçu en fonction de l’expérience des travailleurs.
On se souviendra que durant la pandémie, un certain nombre de travailleurs migrants de Jamaïque sont restés bloqués. Ils ne pouvaient ni prendre un vol pour retourner chez eux ni avoir un permis de travail ouvert pour travailler et survivre. C’était un défaut, une dissonance dans la conception de la politique. Il faut donc repenser cette politique afin qu’elle s’applique officiellement aux travailleurs migrants, comme Mme Weiler l’a souligné. Il faut aussi élargir le champ d’application de manière significative afin que les gens aient accès aux prestations lorsqu’ils retournent chez eux. Comme le premier sénateur l’a mentionné, de nombreuses personnes viennent ici depuis 20 ou 30 ans. J’ai récemment interviewé 35 des travailleurs migrants. Une vingtaine d’entre eux viennent au pays depuis tout ce temps. Ils connaissent la saison. Ils sont sans emploi durant quelques mois seulement, et ils devraient avoir accès au régime d’assurance-emploi auquel ils cotisent, comme tout le monde. Nous devrions leur donner accès aux avantages applicables du régime d’assurance-emploi en éliminant les exigences excessives.
La présidente : Une des lacunes du système est évidemment qu’une personne doit être disponible au Canada pour chercher du travail. Or, s’ils sont liés à un employeur, ils ne sont pas disponibles pour chercher du travail. Cela nous ramène donc à la question suivante : un permis de travail ouvert serait-il une façon de faire plus moderne? Je suis certaine que tout le monde a regardé la Coupe du monde de soccer de la FIFA au Qatar. Ils ont un régime de kafala qui lie les travailleurs migrants à un employeur. Le nôtre n’est pas très différent, semble-t-il.
La sénatrice Bovey : Je n’ai pas vraiment de question à poser. Je dirais simplement que je suis très impressionnée par les renseignements que vous nous avez fournis. Vous m’avez certainement ouvert les yeux sur les besoins et les inégalités. Je savais que la situation était précaire, mais les iniquités sont frappantes. Si vous avez d’autres recommandations concernant l’assurance-emploi, dans la veine de la question de notre présidente, ou sur la résidence permanente — et par conséquent sur une voie d’accès à la citoyenneté —, je vous en serais très reconnaissante.
La présidente : Permettez-moi de poursuivre rapidement avec Mme Vosko sur la question des licenciements injustes ou du travail qui mène au rapatriement. Y a-t-il un tribunal administratif qui traiterait de ces questions en laissant le choix à l’employeur ou à la province? On parle d’un problème systémique. Outre les permis de travail ouverts, avons-nous besoin d’autres solutions systémiques?
Mme Vosko : Je sais que le groupe auquel je suis affiliée, au nom duquel je témoigne, a fait valoir le besoin absolu d’un tribunal chargé de statuer sur des affaires de congédiement injuste. Nous avons fait valoir qu’il faut non seulement un tribunal indépendant, mais qu’il faut également que tous les cas de licenciement où un travailleur estime qu’il y a eu injustice soient automatiquement renvoyés à un tribunal comme celui que vous décrivez. Les exemples sont nombreux. Récemment, en Ontario, un travailleur a été menacé d’être renvoyé dans son pays. Il a porté plainte, car dans le contexte de la COVID-19, il craignait beaucoup pour sa santé et sa sécurité. En vertu des dispositions législatives actuelles en matière de santé et sécurité au travail, ce travailleur n’avait pas vraiment de recours. Nous avons absolument besoin d’un tribunal fédéral pour examiner ces cas. Nous avons également souligné qu’il importe alors que le fardeau de la preuve n’incombe pas aux travailleurs, étant donné leur vulnérabilité dans ce genre de situation.
La présidente : Merci, madame Vosko. Si vous avez d’autres observations écrites au sujet d’un tribunal administratif fédéral, nous les consulterons avec plaisir.
Le sénateur Kutcher : J’ai une vaste question qui s’adresse à n’importe lequel des témoins. Que peut faire le gouvernement fédéral, sur le plan structurel, pour mieux protéger les droits des travailleurs étrangers temporaires et aplanir les différences entre les codes du travail provinciaux, territoriaux et fédéraux?
Mme Weiler : Concernant les ajustements structurels — veuillez m’excuser si je me répète —, la question fondamentale de l’accès à la résidence permanente à l’arrivée jouerait un rôle considérable pour régler les véritables problèmes que nous constatons en matière d’accès réel aux droits.
J’aimerais aussi souligner, par rapport à une question précédente sur les raisons pour lesquelles, malgré l’abondance de données sur les différents problèmes, les interventions fondamentales visant à régler ces problèmes et le nombre croissant de cas d’abus pourtant bien documentés, font défaut. Cela témoigne de la puissance du lobbying de l’industrie agroalimentaire et du fait que le programme est intrinsèquement conçu pour servir les intérêts des employeurs et les fiducies. Il s’agit d’une relation fortement biaisée.
Je vais céder la parole à Mme Vosko afin qu’elle ajoute quelque chose.
Mme Vosko : Je souscris tout à fait aux propos de Mme Weiler. Pour le moment, toutefois, je peux vous dire, comme la vérificatrice générale l’a indiqué à la fin de 2021 dans son rapport sur le manque d’inspections à la ferme durant la pandémie — on avait plutôt recours à des inspections administratives — qu’un des outils dont le gouvernement fédéral dispose facilement est un inspectorat ayant la capacité d’effectuer des inspections proactives dans les exploitations agricoles pour veiller au respect des normes en vigueur, si c’est ce que vous entendez par solution structurelle.
Bien entendu, avant tout, les travailleurs seront plus enclins à connaître leurs droits et à veiller au respect de leurs droits, comme Mme Weiler l’a souligné, s’ils obtiennent la résidence permanente à l’arrivée, mais le gouvernement fédéral dispose d’autres leviers.
La présidente : Je vous remercie.
Monsieur Johnstone, j’ai une question pour vous. Elle porte sur la confusion que nous constatons déjà dans les nombreux volets. La semaine dernière, nous avons examiné le volet des aides familiaux, qui est un véritable labyrinthe. Du côté des travailleurs agricoles, nous avons le Programme des travailleurs agricoles saisonniers, le programme principal — le Programme des travailleurs étrangers temporaires —, le Programme pilote sur l’agroalimentaire et le Programme des candidats des provinces, le PCP, qui vise à faire venir de la main-d’œuvre au pays en fonction des besoins des provinces et qui constitue une voie vers la résidence permanente. Le PCP a connu une croissance rapide — 40 % par rapport à 2020. Quelle part de l’augmentation des admissions dans le cadre du PCP est liée à la main-d’œuvre de l’agriculture primaire et de la transformation alimentaire? Avons-nous ce chiffre?
M. Johnstone : C’est une bonne question.
Je sais que le nombre de migrants entrés au Canada dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires a longtemps surpassé le PTAS. Quant aux données, il faudrait poser la question à mes collègues universitaires, mais je suppose que l’agriculture primaire représente toujours une part importante. Je peux uniquement parler de notre expérience, du point de vue du syndicat des travailleurs de l’alimentation. Je peux vous dire que nous voyons un nombre croissant de migrants dans tous les volets du secteur de l’agroalimentaire.
Comme Mme Vosko l’a mentionné, je crois, le secteur de l’agroalimentaire a un pouvoir de lobbying considérable. Il ne fait aucun doute que le secteur a redoublé d’efforts tout au long de la pandémie et qu’il a tiré parti du contexte de la pandémie pour rendre la main-d’œuvre migrante encore plus accessible. Nous l’avons constaté dans nos secteurs névralgiques de la transformation alimentaire et de l’hôtellerie, et cela touchera même le commerce de détail, selon nos prévisions.
Permettez-moi de revenir simplement à l’idée qui a été évoquée au début, à savoir que le recours aux travailleurs migrants, au Canada, c’est deux mondes complètement différents. Il y a la situation qui existe depuis longtemps dans le secteur de la transformation de la viande, où bon nombre de migrants sont maintenant résidents permanents ou citoyens canadiens, puis il y a l’expérience dont nous avons tous entendu parler dans les médias, soit l’horrible expérience des migrants dans le secteur de l’agriculture primaire. Ce sont deux expériences très différentes. À cet égard, outre appuyer l’ensemble des propos des autres témoins, nous aimerions notamment faire valoir la nécessité d’examiner un excellent exemple, ici même au pays, pour trouver des façons d’améliorer le programme pour mieux protéger les travailleurs : le secteur de la viande. Cela fonctionne parce que ces gens sont représentés, parce qu’il s’agit d’un système dans lequel les syndicats, les employeurs et le gouvernement collaborent et discutent pour trouver des solutions non seulement avantageuses pour le secteur, mais aussi pour ceux qui le font fonctionner.
Mme Vosko : J’ai seulement les chiffres de 2020 sous la main, mais pour répondre à votre question sur les données, je retournerais d’abord en arrière. De 2002 à 2019, le nombre de titulaires de permis de travail agricole a triplé, passant de 19 000 à 56 665. En 2020, une évaluation de l’impact sur le marché du travail montre que l’on comptait un peu moins de 80 000 travailleurs étrangers temporaires au total, dont 50 000 dans le secteur agricole.
Dans l’ensemble, pour ce qui est des tendances, on observe une croissance du Programme de mobilité internationale du Canada et, parallèlement, une diminution ou une stabilisation du Programme des travailleurs étrangers temporaires. La majorité des participants au Programme des travailleurs étrangers temporaires travaillent dans le secteur agricole, une tendance qui se maintient depuis l’introduction du Programme des travailleurs agricoles saisonniers, dans les années 1960.
Je dirais toutefois que la pandémie a eu peu d’incidence sur la diminution du nombre de travailleurs agricoles. Mes collègues ont fait un important travail de documentation à cet égard.
Mme Weiler : J’aimerais ajouter, concernant ce que Mme Vosko a souligné, que l’élargissement de tous ces volets pose des défis sur les plans de l’accès aux droits et de leur application, en particulier pour les travailleurs du volet agricole primaire. Le Programme des travailleurs agricoles saisonniers présente de nombreux problèmes, mais un des principaux problèmes que nous avons observés par rapport aux travailleurs du secteur agricole primaire est l’exploitation dont ils font l’objet par des recruteurs qui exigent de l’argent pour jumeler les travailleurs à des emplois précis. Donc, l’émergence de tous ces différents volets entraîne l’apparition de nouveaux problèmes.
J’ai un autre petit point à souligner concernant la voie à deux étapes vers la résidence permanente. Comme nous l’avons constaté dans le cas du programme des aides familiaux, l’entre-deux, la période avant l’obtention de la résidence permanente, laisse les travailleurs en situation de grande vulnérabilité, étant donné qu’ils sont souvent réticents à signaler les problèmes, par exemple des conditions de travail dangereuses. Voilà pourquoi nous avons plaidé pour l’obtention du statut de résident permanent à l’arrivée, au lieu de laisser les travailleurs dans l’incertitude pendant une certaine période au cours de laquelle ils sont exposés à des risques élevés.
La présidente : Chers témoins, je vous remercie beaucoup de nous avoir fait part de vos perspectives, de votre expérience et de votre sagesse. Nous avons beaucoup appris.
Nous accueillons maintenant, par vidéoconférence, Mme Jennifer Wright, directrice générale par intérim et directrice des opérations, des programmes et des partenariats au Conseil canadien pour les ressources humaines en agriculture. Nous accueillons également Mme Mary Robinson, présidente de la Fédération canadienne de l’agriculture, qui est accompagnée de M. Brodie Berrigan, directeur des relations gouvernementales et de la politique agricole.
Je vous remercie d’être des nôtres aujourd’hui. Je vous invite à présenter vos remarques liminaires. Vous avez cinq minutes pour votre déclaration d’ouverture. Ensuite, nous passerons aux questions des membres du comité.
Jennifer Wright, directrice générale par intérim et directrice des opérations, des programmes et des partenariats, Conseil canadien pour les ressources humaines en agriculture : Je remercie le comité de m’avoir invitée à participer à son étude. Mes observations d’aujourd’hui porteront sur l’importance des travailleurs étrangers temporaires pour le secteur agricole canadien.
Le Conseil canadien pour les ressources humaines en agriculture, ou le CCRHA, se penche sur les besoins de main-d’œuvre dans le secteur agricole canadien depuis plus de 15 ans. Il est évident que le secteur agricole ne peut pas continuer à produire des aliments sains, salubres et abordables pour la population canadienne et les consommateurs du monde entier sans un apport suffisant de travailleurs agricoles. La pandémie de COVID-19 a accentué cet enjeu.
L’étude du marché du travail réalisée par le CCRHA révèle que les postes vacants sont nettement plus nombreux en agriculture que dans d’autres secteurs, ce qui a entraîné des pertes de revenus s’élevant à près de 3 milliards de dollars en 2018. L’incapacité des agriculteurs à pourvoir tous leurs postes vacants avec des travailleurs canadiens ou étrangers rend la production alimentaire au Canada très difficile.
Des travailleurs étrangers sont employés par les entreprises agricoles canadiennes qui ne trouvent pas suffisamment de Canadiens pour pourvoir leurs postes. Bien qu’environ 60 000 travailleurs étrangers soient embauchés chaque année, des milliers de postes demeurent vacants. En 2018, le nombre de postes vacants s’élevait à 16 500. En fait, les pénuries de main-d’œuvre doublent tous les 10 ans, et l’on prévoit que le manque total de travailleurs atteindra 123 000 d’ici 2029. Les entreprises qui n’arrivent pas à pourvoir les postes vacants subissent d’importantes pertes de production et doivent retarder leurs plans d’expansion; certaines abandonnent carrément leurs activités.
Il est toujours difficile pour les entreprises agricoles de se doter d’un effectif complet, et ce l’est encore plus en temps de pandémie. Notre étude de l’incidence de la COVID-19 confirme que la pandémie a des répercussions considérables sur les exploitations agricoles. Ces répercussions comprennent les retards de production, le coût des heures supplémentaires et le report ou l’annulation d’investissements ou de projets d’expansion.
Quelques facteurs clés contribuent à la croissance de la pénurie de main-d’œuvre dans le secteur agricole canadien.
D’abord, le nombre d’exploitations agricoles familiales traditionnelles diminue au Canada, augmentant ainsi le besoin de main-d’œuvre non familiale. En fait, la majorité des travailleurs qui ont été perdus au cours des 10 dernières années appartenaient à la catégorie des membres de la famille.
Ensuite, les départs à la retraite se font de plus en plus nombreux étant donné le vieillissement des travailleurs agricoles. Par exemple, selon les données du Recensement de l’agriculture de 2021, l’âge médian des Canadiens était de 41,6 ans — comparativement à 41,2 ans en 2016 —, et 33,1 % des Canadiens étaient âgés d’au moins 55 ans. De plus, l’âge médian des exploitants agricoles a augmenté de deux ans relativement au recensement précédent, pour atteindre 58 ans en 2021.
En outre, la taille moyenne des équipes de travailleurs saisonniers ou temporaires a plus que doublé durant les 10 dernières années. Comme le montre l’étude réalisée par le CCRHA que j’ai mentionnée plus tôt, le nombre de travailleurs agricoles étrangers employés pour répondre aux besoins de main-d’œuvre du Canada ne cesse d’augmenter.
Par ailleurs, les travailleurs étrangers temporaires ont une incidence positive non seulement sur la production alimentaire canadienne, mais aussi sur l’économie aux échelles nationale et internationale. Les travailleurs investissent l’argent qu’ils gagnent au Canada dans leurs collectivités d’origine, par exemple, dans des logements, de la formation, des études pour eux-mêmes et pour leurs familles et dans leurs propres entreprises. Les travailleurs agricoles ont aussi un effet positif sur les collectivités canadiennes où ils résident pendant leur période d’emploi. Ils contribuent positivement au bien-être social et économique de ces collectivités.
Au printemps de 2021, le CCRHA a commencé à ébaucher une stratégie nationale de la main-d’œuvre pour l’agriculture et la fabrication d’aliments et de boissons, de concert avec ses partenaires, la Fédération canadienne de l’agriculture et Aliments et boissons Canada, dans le but d’amener les parties intéressées à élaborer ensemble une feuille de route praticable pour remédier à la pénurie croissante de main-d’œuvre. Plus de 50 organisations participent à ce processus. L’un des piliers clés de la stratégie est l’immigration et les travailleurs étrangers.
En résumé, les travailleurs étrangers jouent un rôle essentiel et précieux dans le secteur agricole canadien. Sans eux, la population canadienne n’aurait pas accès à des aliments produits au pays, et le secteur agricole ne pourrait pas contribuer à si grande hauteur à l’économie canadienne.
Je serai heureuse de répondre à vos questions. Merci beaucoup.
La présidente : Merci beaucoup.
Mary Robinson, présidente, Fédération canadienne de l’agriculture : Je vous remercie de m’avoir invitée à m’adresser à vous aujourd’hui. Je suis présidente de la Fédération canadienne de l’agriculture, ainsi qu’une agricultrice de sixième génération de l’Île-du-Prince-Édouard.
La Fédération canadienne de l’agriculture, ou la FCA, est la plus grande organisation agricole générale au Canada. Nous représentons plus de 190 000 agriculteurs et familles agricoles d’un océan à l’autre. Nos membres sont au cœur du système agroalimentaire canadien, dont l’apport au PIB du Canada s’élève à 134,9 milliards de dollars. Cependant, comme beaucoup d’autres secteurs, l’agriculture fait face à une pénurie de main-d’œuvre et de compétences chronique et croissante. Selon les dernières données du Conseil canadien pour les ressources humaines en agriculture, ou le CCRHA, à lui seul, le secteur de l’agriculture primaire compte plus de 76 000 postes vacants. Mme Jennifer Wright a déjà parlé de ces chiffres.
Qu’est-ce qui explique cette pénurie de main-d’œuvre? Beaucoup de postes sont de nature saisonnière; ils doivent être pourvus à des temps très précis de l’année, principalement pendant la période des semences au printemps et celle des récoltes à l’été et l’automne. En outre, la majorité de ces postes sont situés en milieu rural et sont exigeants sur le plan physique. Par ailleurs, puisque les agriculteurs sont des preneurs de prix sur les marchés mondiaux, nous sommes nombreux à être limités quant aux salaires que nous pouvons offrir. En fin de compte, beaucoup d’agriculteurs et de fabricants de produits alimentaires canadiens n’arrivent pas à trouver suffisamment de travailleurs, une situation qui coûte des milliards de dollars à notre économie.
Selon les estimations du CCRHA, les pertes de revenus dues à la pénurie de main-d’œuvre et de compétences en agriculture primaire s’élèvent à 2,9 milliards de dollars par année. Par conséquent, le secteur agricole dépend fortement du Programme des travailleurs étrangers temporaires et du Programme des travailleurs agricoles saisonniers, qui constituent plus de 20 % de l’emploi total dans notre secteur. En 2021 seulement, le secteur agricole canadien a accueilli plus de 61 000 travailleurs étrangers temporaires pour tenter de pallier la pénurie de main-d’œuvre au pays. Malheureusement, le resserrement du marché du travail dans son ensemble ne fait qu’accroître la concurrence pour les talents et que rendre plus difficile la rétention des travailleurs saisonniers.
Ces travailleurs jouent un rôle essentiel dans la production alimentaire et la sécurité alimentaire au Canada, et la FCA prend leur protection très au sérieux. Nous appuyons sans réserve le maintien d’un régime d’inspection et de conformité rigoureux qui élimine les acteurs malveillants et les mauvaises pratiques. Toutefois, selon certains de nos membres, le régime de conformité n’est pas toujours appliqué de façon uniforme. Les interprétations et les calendriers d’inspection varient énormément, ce qui peut créer de la confusion et de l’incertitude chez les agriculteurs. Nous recommandons fortement au gouvernement de continuer à investir dans le programme à la fois pour simplifier le traitement des demandes et pour en assurer l’intégrité au moyen de formation et de ressources adéquates.
En outre, la FCA recommande vivement aux gouvernements fédéral et provinciaux de conclure de nouvelles ententes d’échange d’information afin de renforcer la surveillance du système tout en évitant les inspections doubles.
De même, nous sommes d’avis que le Programme des travailleurs agricoles saisonniers devrait être considéré comme une source de pratiques exemplaires duquel d’autres programmes pourraient tirer des leçons. Ces pratiques comprennent la tenue de réunions trimestrielles avec les pays d’origine pour examiner le fonctionnement du programme, la présence d’agents de liaison consulaires et la simplification des transferts pour permettre aux travailleurs de profiter de nouvelles possibilités offertes dans le secteur agricole.
Par ailleurs, les associations sectorielles et les organismes communautaires ont la responsabilité commune de fournir des outils, des ressources et des renseignements aux travailleurs pour contribuer à leur qualité de vie et pour renforcer leur sentiment d’appartenance pendant leur séjour au Canada. Le financement futur du soutien aux travailleurs migrants doit favoriser et cibler explicitement la collaboration tripartite entre les employeurs, les groupes de soutien et le gouvernement pour qu’ils travaillent ensemble à la prestation des services de soutien.
Nous comprenons que l’objectif du Programme des travailleurs étrangers temporaires a toujours été de contribuer à pourvoir les postes temporaires. C’est pourquoi la FCA appuie aussi sans réserve la création de voies menant à la résidence permanente pour les travailleurs étrangers temporaires, en particulier ceux qui occupent des postes annuels. Nous recommandons d’examiner les moyens par lesquels les volets des bas salaires et de l’agriculture pourraient être transformés en un programme de transition vers la résidence permanente, étant donné la forte demande dans le secteur agroalimentaire. La mise en place du Programme pilote sur l’immigration agroalimentaire est un premier pas dans la bonne direction, mais l’adhésion à ce programme demeure limitée étant donné les obstacles liés aux exigences linguistiques et aux exigences relatives aux études. Nous encourageons fortement le gouvernement à mettre l’accent sur les années d’expérience de travail pour les personnes ayant démontré qu’elles ont la volonté et la capacité de continuer à travailler au Canada, puisque nombre d’entre elles ont de la difficulté à fournir des attestations d’études et à répondre aux exigences linguistiques. Enfin, nous recommandons que le Programme pilote sur l’immigration agroalimentaire devienne un programme permanent et qu’il soit possible de l’élargir si l’adhésion augmente.
En conclusion, les organisations et associations agricoles reconnaissent que les membres du secteur ont un rôle important à jouer. Comme Mme Wright l’a mentionné, la FCA copréside un projet visant à élaborer une stratégie nationale de la main-d’œuvre pour l’agriculture et la fabrication d’aliments et de boissons, par l’intermédiaire du CCRHA et avec l’aide du Centre des Compétences futures. Au moyen d’une approche regroupant les acteurs du secteur et dirigée par eux, nous cherchons à établir les mesures à prendre en vue de créer une main-d’œuvre durable pour l’avenir. Une partie de ce travail porte sur l’immigration et le Programme des travailleurs étrangers temporaires, et un groupe de travail a été chargé de formuler des recommandations à l’égard de ces secteurs critiques...
La présidente : Merci beaucoup, madame Robinson.
Nous passons maintenant à la première série de questions. Les membres du comité disposeront de cinq minutes chacun. Nous commençons par la vice-présidente du comité.
La sénatrice Bovey : Je vous remercie pour vos observations. Je ne sais pas si elles sont encourageantes ou décourageantes, mais la réalité que vous présentez est très importante.
Vous avez parlé de la qualité de vie. J’ai lu que certains travailleurs retournaient à la même exploitation agricole pendant 40 ans. J’espère qu’il peut s’agir d’une voie vers la résidence permanente. Pour l’instant, cela ne semble pas être le cas.
Madame Robinson, c’est intéressant que vous trouviez important d’élargir le Programme pilote sur l’immigration agroalimentaire. Je vous remercie pour vos observations à ce sujet. D’après vous, si la représentation syndicale était un critère obligatoire du Programme des travailleurs étrangers temporaires, serait-il plus facile d’assurer la permanence et d’obtenir la main-d’œuvre manifestement requise dans le secteur agricole? À votre avis, serait-il utile de remplacer les permis de travail liés à un employeur donné par des permis de travail ouverts ou des permis de travail liés à une profession donnée, comme l’a recommandé l’Alliance des travailleurs agricoles?
Mme Robinson : Je vous remercie pour la question, sénatrice.
Selon nous, la représentation syndicale et l’agriculture ne vont pas très bien ensemble. Comme je l’ai déjà dit, nous sommes des preneurs de prix; nous devons donc éviter de nous retrouver dans une situation où les salaires négociés par le syndicat dépasseraient nos moyens. Il existe déjà un très bon programme : le Programme des travailleurs agricoles saisonniers, le PTAS, fonctionne très bien pour nous. Nous sommes d’avis qu’il y a de nombreuses leçons à en tirer.
En ce qui concerne les permis de travail ouverts, je peux vous dire par expérience que les entreprises agricoles qui souhaitent embaucher des travailleurs étrangers doivent soumettre leur demande des mois à l’avance. Lorsque l’exploitant part chercher les travailleurs à l’aéroport, il prie pour qu’ils soient à bord de l’avion et qu’ils rentrent avec lui parce qu’il a des postes à pourvoir et qu’il a besoin d’eux. Je connais des agriculteurs qui sont revenus bredouilles de l’aéroport parce que les travailleurs qu’ils attendaient n’étaient pas là ou ils avaient trouvé un autre emploi, ce qui est très bien pour eux — je ne veux rien enlever à ces personnes —, mais en tant qu’employeurs, nous avons besoin d’une source sûre de main-d’œuvre.
Vous comprendrez que quand vient le temps d’ensemencer les champs, nous avons besoin de travailleurs. Imaginez que vous avez réalisé l’étude d’impact sur le marché du travail, vous avez payé les frais, vous avez subi les inspections, vous avez aménagé des logements à la ferme, bref vous avez fait tout le travail nécessaire pour faire venir des travailleurs étrangers. Puis, le moment venu, les travailleurs n’arrivent pas. Vous vous retrouvez alors dans une situation où vous avez perdu beaucoup d’argent et vous ne pouvez pas faire le travail. Nous connaissons très bien toutes les pressions qu’une telle situation exerce sur toutes les autres parties de l’exploitation agricole, sur les exploitants eux-mêmes et sur les autres travailleurs qui doivent compenser l’absence des travailleurs attendus. J’ai des préoccupations par rapport à la mise en place d’un système fondé uniquement sur des permis de travail ouverts.
Nous travaillons activement pour que les acteurs malveillants soient retirés du système et soumis à des mesures disciplinaires. Nous sommes d’avis qu’il serait plus utile de déployer plus d’efforts en ce sens. Je connais des exploitations agricoles où les travailleurs étrangers reviennent depuis 40 ans, comme vous l’avez dit. J’ai un ami qui accueille chaque année trois générations de la même famille provenant du Mexique. Ces travailleurs ne veulent pas demeurer à l’Île-du-Prince-Édouard toute l’année; ils veulent pouvoir rentrer chez eux. Avant, les gens de l’Île-du-Prince-Édouard se rendaient à Fort McMurray pour obtenir des emplois bien rémunérés, et c’est ce qui arrive souvent avec les travailleurs étrangers qui viennent ici pour travailler dans le secteur de l’agriculture.
La présidente : Si vous me permettez, madame Robinson, ce que vous dites est complètement différent de ce que nous avons entendu de la part d’autres groupes de témoins. En fait, la majorité des témoins nous ont dit que les permis de travail liés à un employeur favorisent les mauvais traitements. D’après eux, il n’est pas question de quelques acteurs malveillants, mais plutôt d’un problème systémique. Je ne peux donc m’empêcher de me demander ce qui est vrai. Vous dites que si les permis de travail sont ouverts, les travailleurs pourraient trouver d’autres emplois. Quelles preuves avez-vous? Cette affirmation est-elle fondée sur des données probantes ou sur des anecdotes?
Mme Robinson : Merci, sénatrice.
Je vais peut-être demander à Mme Wright ou à M. Berrigan d’ajouter à ma réponse.
Mes preuves sont des preuves de première main. Elles proviennent des agriculteurs que je connais qui emploient des travailleurs étrangers temporaires et qui les considèrent comme essentiels à leur exploitation. Personnellement, je crois que les mauvais traitements sont l’exception et non la règle, mais j’inviterais Mme Wright ou M. Berrigan à fournir des données probantes pour étayer ma réponse, si vous le permettez.
Brodie Berrigan, directeur des relations gouvernementales et de la politique agricole, Fédération canadienne de l’agriculture : Comme l’a dit Mme Robinson, les données probantes se composent en bonne partie d’anecdotes et d’informations relatées par nos membres. Cette pratique est assez répandue; elle ne sort pas de l’ordinaire.
Pour répondre à la première partie de la question, le mot clé est vraiment l’équilibre. Il faut trouver le juste équilibre entre la protection des intérêts des employeurs et la protection des travailleurs. Voilà pourquoi, comme l’a mentionné Mme Robinson, nous voyons le Programme des travailleurs agricoles saisonniers comme un juste milieu efficace. Dans le cadre de ce programme, les travailleurs peuvent changer d’employeur sans demander de nouveau permis de travail, pourvu que leur employeur ait leur consentement de même que l’approbation écrite d’un représentant d’un gouvernement étranger au Canada, précédée de celle d’Emploi et Développement social Canada ou de Service Canada. C’est un processus structuré.
La présidente : Nous avons entendu dire qu’il était pratiquement impossible pour les travailleurs migrants de recourir à ce processus. Je vais laisser mes collègues parler.
La sénatrice Bovey : Je vous demanderais de transmettre ces données à la greffière. J’aimerais vraiment les consulter. Vous avez parlé de la nécessité d’assurer la rétention des travailleurs. Je le comprends fort bien. Visiblement, ce principe est appliqué, car il arrive que des travailleurs de différentes générations retournent à une même ferme. Les données nous aideraient vraiment à comprendre ce qui se passe. Allons-nous d’un extrême à l’autre? Où se situe le juste milieu? Nous voudrions obtenir des recommandations qui aideraient à résoudre vos problèmes et ceux des travailleurs migrants. Si vous pouviez nous donner quelques données probantes, cela nous aiderait à progresser dans notre étude. Merci.
La présidente : Nous vous en serions certainement reconnaissants. Les bonnes politiques reposent sur des données probantes, et non pas sur des anecdotes, même si nous raffolons des anecdotes.
La sénatrice Cordy : Merci beaucoup de comparaître devant le comité, vous qui avez une expérience concrète de l’embauche de travailleurs étrangers.
Je vais revenir sur votre commentaire sur le niveau d’études. Je pense que le niveau exigé est la 12e année et que le niveau de compétence linguistique est le niveau 4. D’autres témoins nous ont dit, comme vous, que ces exigences représentaient un défi. Vous proposez de considérer l’expérience de travail au lieu des exigences relatives à la langue et aux études. La Nouvelle-Écosse, à la fin des années 1940 et au début des années 1950, a connu une vague d’immigrants qui ne parlaient pas anglais, mais qui se sont trouvé un emploi dans les mines de charbon et dans les aciéries vu les grands besoins de main-d’œuvre à l’époque. Ces immigrants ont appris l’anglais très rapidement, car ils parlaient dans cette langue quotidiennement. Que recommanderiez-vous au comité comme changement ou disposition qui pourrait remplacer les exigences relatives à la 12e année ou aux compétences linguistiques en anglais ou en français?
Mme Robinson : Je sais que le programme est loin d’obtenir le nombre d’inscriptions maximal en raison des exigences relatives à la langue aux études.
J’ai quelques amis qui n’ont pas rempli l’exigence relative aux compétences linguistiques, car ils ont répondu « very funny » au lieu de « extremely humorous » lorsqu’on leur a demandé de décrire quelque chose. La différence entre les deux termes est très subtile. Comme locutrice anglophone, je trouve cela absurde.
De toute façon, je pense que Mme Wright a probablement des solutions concrètes à proposer pour éliminer cet obstacle.
Mme Wright : Merci, madame Robinson, et merci de votre question, sénatrice.
Notre organisme consacre beaucoup de temps à étudier le développement des compétences et les exigences relatives aux qualifications pour faire en sorte que les compétences des travailleurs correspondent aux besoins des producteurs agricoles. Je pense qu’il y a différentes façons de voir les choses. Comme l’a mentionné Mme Robinson, nous entendons beaucoup parler, dans l’industrie, de la difficulté de remplir les exigences relatives à la langue et aux études.
Les exigences liées aux compétences peuvent sans doute être vues sous différents angles. Par exemple, les compétences que les travailleurs étrangers apportent à la ferme sont vraiment spécialisées et spécifiques à la production alimentaire. Parfois, elles ont été acquises ailleurs que dans le cadre structuré et formel d’une école secondaire. Il devrait être plus important de trouver des moyens de recenser et de définir les compétences que les travailleurs apportent à la ferme, qui sont extrêmement précieuses dans ce secteur, que de vérifier s’ils ont ou non une 12e année.
Notre organisme examine différents moyens de fournir de la formation et de mesurer les compétences que possèdent les travailleurs. Parmi ces moyens, on dénombre les microcertifications ou les normes professionnelles, qui définissent clairement les compétences associées aux différents échelons d’une profession donnée. Ces indicateurs qui existent déjà pourraient être plus efficaces que de vérifier si la personne a son diplôme d’études secondaires ou non.
Encore une fois, les compétences que ces travailleurs apportent dans les fermes canadiennes ne s’acquièrent pas toujours dans le système traditionnel d’éducation, mais elles sont extrêmement importantes pour le travail agricole.
Mme Robinson : Si vous me permettez d’ajouter quelque chose, un de nos membres, Mushrooms Canada, soulève cette question depuis un certain temps. Les exploitants d’abattoirs en ont parlé également. Nous travaillons avec ces membres pour obtenir davantage de détails sur les participants qui ont tiré profit du Programme pilote sur l’agroalimentaire pour les travailleurs migrants. Nous pensons que ces participants se dénombrent à quelques centaines, ce qui détone avec les milliers de postes devenus vacants depuis les deux dernières années.
Nous devons faire quelque chose. Comme l’a dit Mme Wright, même s’ils n’ont pas suivi le cours de chimie de 12e année, ces travailleurs occupent des postes hautement spécialisés. Les personnes avec qui je travaille à la ferme, que je considère comme des génies dans leur domaine, ont peut-être une quatrième année et n’écrivent peut-être pas très bien, mais ils sont nés et ont été élevés ici. Sans eux, je ne pourrais pas avoir d’exploitation agricole.
La sénatrice Dasko : Merci aux témoins de comparaître aujourd’hui.
J’aimerais revenir sur les mauvais traitements dont sont victimes les travailleurs agricoles dans le cadre de leur emploi. Nous avons réclamé davantage de données, ce qui est important, mais nous savons, par contre, que de nombreux cas de mauvais traitements ne sont pas signalés, ce qui constitue un autre problème.
Pourriez-vous m’expliquer comment les inspections sont menées? Je ne sais pas exactement comment elles se déroulent. Qui sont les inspecteurs? À quelle fréquence sont-elles réalisées? Le sont-elles à la suite d’une plainte ou le sont-elles sur une base régulière? Madame Robinson, que pouvons-nous faire, à votre avis, pour améliorer le processus d’inspection? Quelles sont les priorités? Merci.
Mme Robinson : Merci. Je vais commencer, et je suis certaine que Mme Wright ou M. Berrigan pourront en dire un peu plus.
J’aimerais souligner qu’un nombre considérable de mesures ont été prises pour renforcer la protection des travailleurs. Il faudrait attendre de voir comment elles vont se solder. Certaines de ces mesures sont extraordinaires. Nous devons voir leurs effets, mesurer leur succès, faire un bilan et tirer les leçons nécessaires avant d’aller plus loin.
Quant aux inspections sur place, elles peuvent être réalisées sous n’importe quelle forme et de n’importe quelle manière, sénatrice. Elles peuvent se dérouler pendant plusieurs jours et être effectuées par plusieurs ministères au niveau provincial, fédéral ou même municipal, tout dépendant de l’emplacement géographique de la ferme. Plusieurs inspecteurs peuvent se succéder dans une même ferme.
Je cède la parole à Mme Wright et à M. Berrigan, qui pourront donner plus de détails.
M. Berrigan : Merci, madame Robinson, et merci, sénatrice, pour cette excellente question. Je vais faire de mon mieux pour y répondre.
À ma connaissance, les inspections — au moins au niveau fédéral — sont réalisées dans trois circonstances précises, soit une non-conformité soupçonnée, un événement de non-conformité survenu dans le passé de l’employeur ou une sélection aléatoire. Elles s’effectuent selon différentes formules qui vont de l’examen administratif, qui se fait essentiellement sur papier, et les inspections sur place, qui suivent le processus le plus rigoureux.
Le gouvernement donne l’occasion à l’employeur considéré comme non conforme selon les critères de l’inspection de remédier aux irrégularités relevées. L’employeur dispose ainsi de deux chances de se conformer. Si la non-conformité perdure, des mécanismes d’application de la loi sont déclenchés ou des sanctions pécuniaires sont imposées, selon le cas et la gravité de la non-conformité.
Comme Mme Robinson l’a mentionné, nos membres déplorent souvent le caractère variable des inspections et les conditions dans lesquelles elles se déroulent. Certaines durent une semaine ou deux, tandis que d’autres peuvent s’étirer sur un an. Si les inspections se prolongent, c’est souvent en raison — mais pas toujours — de l’incapacité des employeurs à fournir les documents exigés. Puisque nous continuons à en entendre parler, cet aspect doit être problématique. Nous allons sûrement essayer d’en savoir plus.
Ensuite, l’interprétation des règles constitue un autre problème. Certains de nos membres nous ont dit que des règles en vigueur dans d’autres secteurs avaient été appliquées au secteur agricole. Un bon exemple est l’exigence relative au plan de transition, qui s’applique aux emplois à salaire élevé, et non pas aux emplois du secteur agricole. Le programme est très complexe. À preuve, les inspecteurs ont parfois de la difficulté à interpréter les règles et à savoir quand les appliquer.
Des problèmes sont relevés également dans l’échange d’informations entre les différents niveaux de gouvernement. Des membres nous ont dit que des agents provinciaux de la santé et sécurité au travail s’étaient rendus à leur ferme pour mener une inspection sur une série de problèmes et que d’autres agents, ceux-là de Service Canada, s’étaient présentés le lendemain ou la semaine suivante pour faire exactement le même exercice.
Comme Mme Robinson l’a mentionné dans sa déclaration liminaire, nous sommes fermement convaincus de l’importance d’avoir des mécanismes solides de surveillance de la conformité et de l’intégrité. Nous voulons seulement mettre en lumière les difficultés d’application.
La présidente : Vous avez exprimé votre opposition au permis de travail ouvert et je crois comprendre vos préoccupations. Vous avez besoin d’une source de main-d’œuvre garantie. Les fraises ne peuvent pas rester sur les plants. Elles doivent être cueillies dès qu’elles sont mûres pour que les Canadiens puissent les savourer. Je me demandais si vous seriez enclin à participer à la conception d’un permis de travail ouvert par secteur. Ce programme pourrait être élaboré en concertation avec le Conseil canadien pour les ressources humaines en agriculture et la Fédération canadienne de l’agriculture, ou peu importe qui vous pouvez imaginer. Ce serait un permis ouvert pour un secteur, en l’occurrence les exploitations agricoles, mais qui ne permettrait pas d’aller travailler, par exemple, dans un magasin Walmart. Les travailleurs qui souhaitent changer d’employeur pour des raisons précises le feraient dans le cadre d’un processus géré par un organisme composé du fédéral et de l’industrie. Je voudrais savoir ce que vous en pensez. Nous essayons d’atteindre un équilibre, comme il se doit, mais nous essayons aussi de trouver un moyen d’aller de l’avant.
Mme Robinson : Je suis un peu sur la défensive, car je veux essayer de comprendre quels seraient les risques pour les producteurs. Je joue simplement mon rôle. Je veux m’assurer que les efforts, les dépenses et les investissements que consentent les producteurs pour amener des travailleurs au pays seront pris en compte dans la réflexion sur le permis ouvert par secteur. En effet, les producteurs qui investissent des milliers de dollars pour faire venir un travailleur pour une saison ont besoin d’une forme de garantie. À mon avis, cet aspect doit être approfondi. Nous sommes toujours prêts à collaborer avec le gouvernement pour l’amélioration des programmes, car nous avons besoin de ce programme et nous voulons qu’il fonctionne. Vous êtes nos partenaires de tango et nous sommes heureux de contribuer aux processus sous quelque forme que ce soit.
Un autre point dont nous devons discuter est la possibilité pour les participants du Programme des travailleurs agricoles saisonniers de changer d’employeur sans avoir à obtenir un nouveau permis de travail, à condition que l’employeur ait obtenu le consentement du travailleur en question et qu’ils aient en main l’approbation écrite d’un représentant d’un gouvernement étranger au Canada précédée de l’approbation écrite d’Emploi et Développement social Canada. Cette option existe désormais. Des amis à moi — un producteur de pommes de terre, un producteur de fraises et un producteur de bleuets — utilisent le même bassin de travailleurs, car leurs saisons respectives se touchent sans vraiment se chevaucher. Nous travaillons dans l’industrie pour rentabiliser certaines de ces synergies et nous assurer que tous travaillent, car lorsque ces personnes viennent au Canada, elles veulent vraiment travailler. Elles veulent faire le plus d’argent possible, qu’elles rapporteront dans leur famille.
Je cède la parole à Mme Wright ou à M. Berrigan, s’ils souhaitent formuler des commentaires.
Mme Wright : Je vais aller dans le même sens que les propos de Mme Robinson. Nous sommes toujours ouverts à la possibilité de mettre sur pied d’autres programmes et d’autres processus. Comme l’a dit Mme Robinson, nous tenons à participer aux discussions. Il est crucial également d’évaluer les risques et de les atténuer avant la mise en œuvre du programme.
La présidente : Nous aimerions beaucoup que vous nous soumettiez une proposition fondée sur les données probantes sur la création d’un permis de travail ouvert par secteur qui répondrait aux besoins de l’industrie et des travailleurs qui ont été relevés.
[Français]
La sénatrice Mégie : Ma question s’adresse à Mme Wright. En 2021, les données de Statistique Canada montraient que 73 % des travailleurs étrangers temporaires dans le domaine de l’agriculture avaient travaillé en Ontario et au Québec; cela représente donc un grand écart comparativement aux autres provinces. Les programmes provinciaux offriraient-ils des conditions de travail ou des possibilités de travail plus alléchantes pour les travailleurs agricoles migrants que celles qui sont offertes par la voie du Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET)?
[Traduction]
Mme Wright : Merci de votre question, sénatrice.
Je veux m’assurer d’avoir bien compris la question sur le nombre important de travailleurs temporaires étrangers qui travaillent en Ontario et au Québec. Voulez-vous savoir pourquoi c’est le cas, ou voulez-vous savoir si ce sont les conditions de travail qui attirent les travailleurs dans ces provinces en particulier?
[Français]
La sénatrice Mégie : Oui.
[Traduction]
Mme Wright : Comme je n’ai pas toutes les données devant moi, je serais heureuse de transmettre des informations supplémentaires après la séance. En fait, une bonne partie de la production primaire se fait en Ontario et au Québec. La même chose s’observe pour la production primaire saisonnière et la production horticole. À mon avis, le nombre de travailleurs temporaires étrangers qui travaillent dans ces deux provinces est proportionnel au volume d’activités liées à la production primaire menées dans ces provinces.
[Français]
La sénatrice Mégie : Merci. J’ai une autre question. À la suite de la publication d’un rapport du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts en juin 2022, le gouvernement a répondu par un plan d’action pour les employeurs et la main-d’œuvre du Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET) et par les initiatives prévues dans le budget fédéral de 2022.
Je vous adresse à tous les deux la question : combien de temps faudra-t-il avant que l’on puisse mesurer avec précision l’impact des changements qui seront apportés en raison de ce plan d’action? D’après vous, le gouvernement a-t-il vraiment apporté les changements requis au secteur de la transformation agricole et alimentaire, pour pouvoir attirer plus de travailleurs et en recruter davantage au moyen du PTET?
[Traduction]
Mme Wright : Merci de votre question, sénatrice. Je vais peut-être laisser M. Berrigan ou Mme Robinson répondre, car ils travaillent directement avec ces recommandations et savent comment elles sont absorbées ou comprises par les employeurs.
M. Berrigan : Merci de la question, sénatrice. C’est une excellente question, à laquelle il n’est pas facile de répondre, pour être parfaitement honnête avec vous.
Je ne sais pas si je peux parler avec certitude du temps requis pour absorber les effets de certaines des mesures prises récemment par le gouvernement ou des investissements effectués dans ce secteur. Je crois que Mme Robinson a mentionné un certain nombre de ces mesures. Selon mes notes, le budget de 2021 a annoncé un financement allant presque jusqu’à 50 millions de dollars sur trois ans pour le soutien aux travailleurs. En septembre dernier, un grand nombre de modifications réglementaires ont été mises en œuvre pour renforcer la protection des travailleurs. Je ne veux surtout pas établir de période précise, mais comme cela a été mentionné précédemment, il est important de revenir sur ces mesures et de voir si elles ont les effets désirés avant de prendre — selon l’expression employée par le comité — une décision éclairée et fondée sur des données probantes. Nous devons relever les autres lacunes possibles et les aspects qui doivent être approfondis.
La sénatrice Bovey : Je pousserai la conversation un peu plus loin. Madame Robinson, dans votre allocution d’ouverture, vous avez parlé des points positifs du Programme pilote sur l’immigration agroalimentaire et du fait que vous considériez qu’il devrait être élargi. C’est peut-être ainsi que nous pourrions examiner la question. Ce programme expire en mai 2023. Quelles mesures pensez-vous que le gouvernement fédéral devrait prendre pour déterminer si et comment ce programme devrait être pérennisé? Quels devraient-être, selon vous, les objectifs clés de son élargissement? Que recommanderiez-vous de faire pour l’élargir et l’améliorer, au lieu de simplement conseiller de l’élargir? Je veux savoir comment procéder.
Mme Robinson : Vous avez raison : ce programme expire en mai 2023. Comme je l’ai indiqué précédemment, nous considérons que c’est un premier pas méritoire, mais nous consultons nos membres pour déterminer quelles en sont les réussites et les lacunes pour être prêts à répondre au gouvernement quand il nous consultera afin de disposer de données probantes pour répondre à ses questions. Espérons qu’à ce moment-là, nous aurons également l’avis de nos membres sur la manière dont on peut améliorer le programme. Je pense qu’il est encore un peu tôt pour répondre à la question en nous appuyant sur de nombreuses données, puisque nous recueillons encore l’information et les gens en apprennent encore sur la manière dont le programme fonctionne et dont il peut être amélioré.
L’éducation et les exigences linguistiques soulèvent certainement de nombreuses préoccupations, et c’est avec plaisir que nous collaborerons avec le gouvernement pour déterminer comment on peut aplanir ces difficultés sans imposer de fardeau indûment lourd sur les régions rurales quand on fait venir des gens qui se heurtent peut-être à une barrière linguistique. Je sais certainement ce que c’est que de demeurer dans une communauté rurale et d’éprouver de la difficulté à communiquer avec des gens parce qu’ils ne parlent pas la langue du pays. Nous voulons garder les travailleurs à notre emploi et qu’ils soient heureux d’être ici.
Nous vous communiquerons plus d’information quand la clôture du programme approchera.
La sénatrice Bovey : Savez-vous combien de temps vous aurez besoin pour le faire? Nous sommes manifestement en train d’effectuer notre étude, et nous préparerons notre rapport afin de le déposer au Sénat afin de poursuivre les discussions. Savez-vous quand vous pourrez présenter des réflexions afin de nous aider à formuler les conclusions que nous ferons dans notre rapport afin d’informer nos collègues du Sénat pour que nous puissions présenter de solides recommandations inspirées de vos réflexions?
Mme Robinson : Je ne le sais pas pour l’instant, mais le comité nous a demandé de lui fournir d’autres renseignements. Peut-être pourrions-nous regarder de quoi l’échéancier pourrait avoir l’air et vous fournir cette information.
Mme Wright : Même s’il ne s’intéresse pas à ce seul programme, notre Groupe de travail sur le plan stratégique national sur la main-d’œuvre pour les travailleurs étrangers et l’immigration examine diverses manières d’améliorer les processus et ce genre de choses. Un rapport provisoire vient d’être publié sur l’ensemble du projet, résumant notamment les réflexions du groupe de travail sur les programmes de travailleurs étrangers et d’immigration. Je me demande si je pourrais commencer par remettre ce rapport provisoire au comité pendant que nous recueillons des données et répondons aux questions précises qui nous ont été posées aujourd’hui.
La sénatrice Bovey : Je vous remercie.
La présidente : Je vous soumettrai une présomption à laquelle je vous demanderais de réagir. Comme il y a des emplois que les Canadiens n’occuperont tout simplement pas à long terme, principalement dans le secteur agricole, je présume que c’est pour cette raison qu’on doit faire venir des travailleurs étrangers au Canada. Pour leur part, les économistes affirment que c’est une question d’offre et de demande. Si les employeurs augmentaient substantiellement les salaires, l’offre en main-d’œuvre augmenterait à l’avenant. Pourriez-vous formuler des observations sur ma présomption et les avis des économistes, que vous avez certainement tous lus?
Mme Robinson : Permettez-moi de répondre en premier, sénatrice. Je vous remercie.
Je crois que vous avez raison. Il y a des emplois que les Canadiens ne se voient malheureusement pas occuper, et beaucoup d’entre eux se trouvent dans les secteurs de l’agriculture, de l’hôtellerie et des transports. Il y a toutes sortes d’industries qui souffrent de ne pas pouvoir attirer et conserver des employés pour une raison ou une autre. Je pense que l’augmentation des salaires pourrait jouer un rôle. Les économistes ont certainement raison. Il existe un point de bascule, au-delà duquel les gens sont prêts à faire à peu près n’importe quoi s’ils touchent le bon salaire.
J’aimerais vous faire part d’une situation survenue aux débuts de la COVID. Un de nos membres était un producteur d’asperges qui dépendait des travailleurs étrangers temporaires pour la récolte de ce produit, qui est très sensible au temps. Son équipe a lancé un appel à l’échelle locale en annonçant un salaire de 40 $ l’heure, je crois, pour encourager les gens à venir récolter des asperges. Au total, plus de 100 personnes se sont présentées et, à 14 heures, il n’en restait plus que 12.
Pour en revenir aux observations sur la main-d’œuvre qualifiée, il s’agit d’un travail difficile. C’est parfois très exigeant physiquement, mais il faut aussi être très qualifié. Je connais des gens qui sont au chômage en ce moment et qui ne pourraient jamais travailler dans notre ferme parce qu’ils n’auraient tout simplement pas les compétences ou l’ardeur nécessaires pour le faire.
Je vais laisser la parole aux autres pour leur permettre d’intervenir également.
Mme Wright : Merci, madame Robinson. Je suis d’accord avec vous. Permettez-moi d’ajouter quelques autres observations dans le même ordre d’idées.
En ce qui concerne l’offre de main-d’œuvre, je pense que le secteur agricole connaît une pénurie de travailleurs depuis un certain temps, pénurie qui se transforme maintenant en une crise. Nous constatons également que la population canadienne est à la baisse et que toutes les industries font actuellement face à une pénurie de main-d’œuvre. Il y a une concurrence de plus en plus intense pour attirer des travailleurs dans notre secteur. Je pense que c’est un élément à prendre en considération, en plus des points soulevés par Mme Robinson.
Par ailleurs, j’ai grandi dans une région rurale de l’Ontario où l’on produit des légumes. Parfois, dans les régions rurales du Canada, la population n’a pas les moyens d’accueillir le nombre de travailleurs requis, par exemple, pour la période des récoltes ou la période des semences, le facteur temps étant très crucial dans les deux cas. Je sais que, dans la région où j’ai grandi, les agriculteurs et les employeurs du secteur agricole comptaient beaucoup sur l’afflux de travailleurs saisonniers en raison de la demande et de la quantité de main-d’œuvre nécessaire pour, disons, la récolte des tomates. La population de cette région n’avait tout simplement pas les moyens d’accueillir le nombre de travailleurs requis.
À mon avis, il y a plusieurs façons d’envisager la valeur qu’apportent les travailleurs étrangers temporaires et l’importance que revêt le programme, certainement du point de vue de la pénurie de main-d’œuvre. Toutefois, le travail qui doit être fait nécessite parfois beaucoup plus de gens que ceux qui vivent dans la région pendant l’année.
La présidente : La question qui nous préoccupe est la suivante : oui, les travailleurs étrangers temporaires apportent une valeur ajoutée, mais leur travail doit-il être temporaire pour ajouter de la valeur?
Je vais essayer de vous poser une autre question. Nous avons entendu des intervenants du milieu dire que le secteur traite bien les employés dans l’ensemble, mais qu’il y a peut-être quelques pommes pourries. J’ignore s’il s’agit d’une poignée de pommes pourries ou de quelques paniers. Que fait l’association sectorielle pour aider les employeurs à respecter les normes établies par les gouvernements provinciaux et fédéral? Quels programmes de sensibilisation offrez-vous?
Mme Wright : Je peux commencer par répondre et vous fournir quelques renseignements sur les programmes, les outils et les services de soutien offerts par notre organisation, le Conseil canadien pour les ressources humaines en agriculture. Nous offrons des outils et des ressources aux employeurs agricoles pour favoriser des pratiques exemplaires en matière de ressources humaines. Par exemple, nous avons une boîte à outils pour les ressources humaines en agriculture qui contient essentiellement toutes les ressources concernant la gestion des ressources humaines, les pratiques exemplaires, les politiques, la santé et la sécurité, les exigences législatives et les exigences en matière de droits de la personne qui s’appliquent à tous les travailleurs au Canada. Nous offrons ces outils, ainsi qu’une formation directe, et nous travaillons avec les employeurs dans le cadre de webinaires et d’autres activités de ce genre.
Par le passé, nous avons offert un programme pour la gestion d’une main-d’œuvre agricole de qualité, qui comprenait une formation encore plus poussée à l’intention des employeurs qui envisageaient de recourir ou qui recouraient déjà à des travailleurs étrangers temporaires. Je suis heureuse de dire que nous avons reçu des fonds pour poursuivre ce travail et ces efforts afin que les employeurs puissent obtenir ce genre de formation, de sensibilisation et de soutien.
Pour ce qui est de savoir si les travailleurs étrangers doivent être temporaires, je pense qu’il s’agit d’une question vraiment circonstancielle, comme vous le verrez dans le rapport provisoire que je remettrai au comité. À certains égards, la nature saisonnière du travail et des produits fait en sorte que ces emplois sont surtout saisonniers. De plus, on présume que tous les travailleurs étrangers qui viennent au Canada ont l’intention d’y rester toute l’année. Dans bien des cas, les travailleurs saisonniers sont reconnaissants d’avoir la possibilité de venir au Canada, de gagner un bon revenu et de retourner dans leur pays d’origine et auprès de leur famille afin de maintenir cet équilibre.
Dans d’autres cas, on opte pour la permanence, en fonction des produits et des employeurs, ainsi que des employés. Bref, je ne pense pas qu’il y ait une seule réponse à cette question. Je crois que, tant du point de vue de l’employeur que de l’employé, le fait d’avoir différentes options est utile pour chaque personne.
La présidente : Nous tenons à vous remercier tous de nous avoir fait part de vos points de vue, de vos données et de vos connaissances. Cela nous a beaucoup aidés à comprendre le secteur.
Chers collègues, nos réunions de la semaine prochaine seront consacrées à l’examen de l’ébauche de rapport sur notre étude sur l’ACS Plus, qui vous a été distribuée hier.
(La séance est levée.)