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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 8 février 2023

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd’hui, à 16 1 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi C-242, Loi modifiant la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (visas de résident temporaire pour les parents et les grands-parents); et à huis clos, pour étudier le Cadre fédéral de prévention du suicide.

La sénatrice Ratna Omidvar (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Je m’appelle Ratna Omidvar, sénatrice de l’Ontario et présidente du comité. Nous allons commencer par un tour de table. Je vais demander à mes collègues de bien vouloir se présenter, en commençant par la vice-présidente du comité.

La sénatrice Bovey : Patricia Bovey, sénatrice du Manitoba.

La sénatrice Osler : Gigi Osler, sénatrice du Manitoba.

La sénatrice Moodie : Rosemary Moodie, sénatrice de l’Ontario.

La sénatrice Lankin : Frances Lankin, de l’Ontario également.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Chantal Petitclerc, sénatrice du Québec.

La sénatrice Poirier : Rose-May Poirier, sénatrice du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

La sénatrice Greenwood : Margo Greenwood, de la Colombie-Britannique.

La présidente : Nous avons rappelé les fonctionnaires d’IRCC — Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada —, du ministère des Finances et du Bureau du surintendant des institutions financières, le BSIF. Vous avez accepté volontiers de revenir une deuxième fois, et nous vous en remercions. Nous avons un certain nombre de questions que nous n’avions pas prévues, et la meilleure façon d’obtenir les réponses, c’est d’aller directement à la source. C’est un plaisir de vous revoir.

Nous accueillons les représentants d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada : Mme Alexis Graham, directrice générale par intérim, Immigration sociale et temporaire; M. Jean-Marc Gionet, directeur général, Orientation du programme d’immigration; M. Craig Shankar, directeur général, Migration et Santé; M. James Seyler, directeur, Orientation du programme d’immigration; et Me Ben Mitchell, avocat, Services juridiques.

Nous accueillons aussi, par vidéoconférence, M. Khusro Saeedi, directeur principal par intérim, Cadre stratégique, Divisions des institutions financières, du ministère des Finances.

Et nous accueillons M. Darrell Leadbetter, directeur principal, Assurance, du Bureau du surintendant des institutions financières.

Merci beaucoup d’être avec nous aujourd’hui. Vous avez reçu nos questions à l’avance ou du moins un résumé, alors nous allons passer immédiatement à la période de questions des sénatrices.

Chères collègues, vous aurez, pour la réunion d’aujourd’hui, cinq minutes pour poser votre question et écouter la réponse des témoins.

Avant de commencer les questions, je demanderai à tous les membres et à tous les témoins dans la salle de bien vouloir éviter de trop s’approcher des micros, ou alors de retirer votre oreillette si vous devez le faire. Nous éviterons ainsi de causer une réaction acoustique qui pourrait nuire au personnel du comité dans la salle.

La sénatrice Bovey : Merci à vous tous d’être revenus. C’est bon de vous voir en personne. J’aime bien vous voir en deux dimensions sur nos écrans, mais allez savoir pourquoi, cela rend plus difficile d’aller autant au fond des choses qu’on le voudrait.

Nous avons pu écouter les témoignages très intéressants sur ce projet de loi. Je pense qu’il est juste de dire — d’accord, je vais parler pour moi, et pas pour les autres — que c’est une bonne chose que ce projet de loi permette aux parents et aux grands-parents de venir ici, et je ne vois aucun problème à prolonger la période de deux à cinq ans.

Cependant, là où le bât blesse, en ce qui me concerne, c’est ce qui a trait aux assurances. Je comprends qu’une personne, avant de venir ici, doit subir un examen médical et doit pouvoir confirmer qu’elle a acheté une police d’assurance pour une durée d’un an, et qu’elle peut acheter cette police auprès d’une compagnie d’assurance à l’étranger.

Des témoins que nous avons entendus ont remis cela en question... ce devrait être auprès d’un assureur canadien. J’aimerais entendre vos commentaires là-dessus.

La partie la plus importante de ma question tient au fait que même si ces personnes achètent une police d’assurance d’un an, il ne semble y avoir aucune disposition les obligeant à démontrer qu’elles ont acheté une autre police d’assurance à la fin de cette année, et cela voudrait donc dire qu’elles pourraient être ici pendant quatre ans sans être assurées. Est-ce vrai, est-ce faux? Est-ce que c’est un problème? J’ai de la difficulté à démêler tout cela.

La présidente : Qui va répondre à la question? Madame Graham, voulez-vous ouvrir le bal?

Alexis Graham, directrice générale par intérim, Immigration sociale et temporaire, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada : Je vais me lancer en premier, et mes collègues pourront peut-être ajouter des détails que j’aurai peut-être omis. Merci beaucoup de la question.

Pour répondre à votre question sur les entreprises canadiennes et sur la raison pour laquelle c’est comme ça dans le régime actuel et pourquoi il y a cette exigence actuellement, du moins jusqu’à ce que le cadre de désignation soit mis en œuvre, c’est essentiellement parce que les entreprises canadiennes sont bien connues et sont bien réglementées, selon certaines des normes internationales les plus élevées. Au départ, la disposition sur la police d’assurance était censée se limiter aux entreprises canadiennes que nous savions réglementées selon ces normes.

Cela dit, le but du projet de loi est bien sûr d’accroître l’accès aux polices d’assurance et d’encourager un peu la concurrence sur le marché. C’est pour cette raison que le cadre de désignation peut devenir un outil très bénéfique, parce que les clients vont avoir accès à des sociétés d’assurance qui sont estimées fournir des polices hautement réglementées, de qualité et fiables.

J’espère que ma réponse vous donne un peu plus de détails. Je ne sais pas si quelqu’un veut ajouter quoi que ce soit.

La sénatrice Bovey : Pourrait-on en savoir davantage sur ce qui se passe à la fin de la première année?

Mme Graham : Je vais demander à mes collègues du côté opérationnel de répondre à ce sujet. Ils en savent un peu plus sur la façon dont c’est contrôlé.

Jean-Marc Gionet, directeur général, Orientation du programme d’immigration, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada :

Merci de la question.

Comme nous en avons parlé à la dernière réunion, la personne doit effectivement démontrer qu’elle s’est conformée à l’exigence pour les 12 premiers mois.

Les demandeurs ou les titulaires de visa sont aussi tenus de présenter une corroboration aux agents de l’Agence des services frontaliers du Canada — l’ASFC — chaque fois qu’ils entrent au Canada; ils doivent aussi présenter une corroboration lorsqu’ils demandent une prolongation. Vous avez raison de dire que, si après la période de 12 mois, il n’y a plus aucune interaction avec IRCC ou avec l’Agence des services frontaliers du Canada... encore, quand nous évaluons une demande, nous vérifions si le demandeur ou la demanderesse va se conformer à l’exigence de souscrire à une police d’assurance, mais c’est vrai qu’il y a une petite lacune, sur le plan du contrôle.

Mais encore une fois, comme je crois l’avoir mentionné quand nous avons témoigné la dernière fois, il n’y a pas eu de cas, à notre connaissance, où des réclamations n’ont pas été payées.

La sénatrice Bovey : Nous envisageons de faire venir ici beaucoup plus de gens, et pour ma part, j’y suis favorable, mais cela n’accroît-il pas le risque de maladie, d’une jambe cassée — ou peu importe quoi d’autre — où la réclamation reste impayée? Quelle est la position des provinces, en ce qui concerne leurs responsabilités médicales?

Craig Shankar, directeur général, Migration et santé, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada : Peut-être que je pourrais répondre.

Présentement, comme nous l’avons mentionné durant notre premier témoignage de la semaine dernière, désigner un régime d’assurance-maladie étranger, c’est une nouvelle responsabilité pour notre ministère. Nous allons consulter les provinces. Vous avez raison de dire que cela les concerne, parce qu’au bout du compte, ce sont les provinces qui gèrent le système de santé. Les consultations sont en cours.

La sénatrice Bovey : À quoi ressemble le calendrier?

M. Shankar : C’est une nouvelle responsabilité pour notre ministère. On nous a demandé d’examiner la désignation d’un régime d’assurance étranger. Comme nos collègues du ministère des Finances vous l’ont dit la semaine dernière, nous sommes actuellement en consultation avec le Bureau du surintendant des institutions financières, dont les représentants sont aussi en ligne avec nous.

La première étape consiste à essayer de comprendre quel cadre réglementaire existe au Canada pour les polices d’assurance-maladie. Ensuite, nous prévoyons de consulter les responsables provinciaux de la réglementation dans le domaine des polices d’assurance et aussi dans celui de la santé. Nous devons tenir compte de ce qui est dans l’intérêt des clients. Au bout du compte, ce que nous voulons, c’est quelque chose qui protège au mieux les clients, mais qui protège aussi les coûts de soins de santé dans nos systèmes de santé provinciaux.

La sénatrice Bovey : Je vais laisser les autres poursuivre. J’ai une autre question, mais je ne sais pas encore comment la formuler.

La sénatrice Osler : Merci beaucoup d’être revenus. Je soupçonne que bon nombre des questions qui vous seront posées tourneront autour du thème de la protection des consommateurs et de la prévention des difficultés financières excessives pour ces familles.

Ma question est la suivante : puisqu’on prévoit de prolonger la durée maximale de séjour de deux à cinq ans, a-t-on aussi songé à prolonger la période minimale de la couverture d’assurance, pour que ce soit plus qu’un an? Dans l’affirmative, pouvez-vous nous donner des détails, sinon, pouvez-vous nous expliquer pourquoi?

M. Shankar : Merci de la question.

À ma connaissance, on n’a pas examiné la durée de la période de validité de la police d’assurance. Cependant, comme mon collègue l’a souligné, quand les clients arrivent, chaque fois qu’ils entrent au pays, ils sont tenus de présenter une attestation d’assurance valide pour un an.

La sénatrice Osler : Mais ceux qui arrivent au Canada et qui n’en repartent pas, qui restent pour une période complète de cinq ans, ne renouvelleront peut-être pas leur police. Ce qu’on entend, c’est qu’il n’y a pas nécessairement un système robuste pour faire le suivi. Potentiellement, ces personnes pourraient être sans assurance pendant quatre ans, n’est-ce pas? Si c’est le cas, va-t-on songer à prolonger la période minimale de la couverture d’assurance de un an à une durée plus longue?

M. Shankar : Pour savoir si c’est envisagé, je vais m’en remettre à mes collègues chargés des politiques, qui étudient la question.

Vous avez soulevé la question de la surveillance et de la conformité, et cetera, et c’est vrai que cela présente des défis. Nos organisations respectives — IRCC et l’ASFC — peuvent effectuer une surveillance aux points de service où nous interagissons avec les clients, mais à l’extérieur de ces points de service, la surveillance devient plus difficile.

Pour ce qui est de la conformité avec l’exigence d’avoir une police d’assurance et de la question de savoir si les régimes d’assurance peuvent payer, nous n’avons pas accès à ces données. Le système de soins de santé est administré par les hôpitaux, qui ont leurs propres services de facturation. Si une police d’assurance ne paie pas, tout se passe habituellement entre le client et l’assureur. Nous n’obtenons pas nécessairement cette information. Si on parle du bureau d’un médecin au privé, le paiement est une affaire entre les clients.

Je ne peux pas faire de commentaires sur la conformité dans ce contexte, mais comme M. Gionet l’a mentionné, aux points de service, quand les clients présentent une demande ou quand ils veulent entrer au pays, nous pouvons vérifier ce qu’ils ont souscrit.

Mme Graham : Vous avez parlé de prolonger la durée, mais il y a deux ou trois choses qui entrent en ligne de compte. Peut-être que cela mériterait d’être examiné.

Une partie de ces considérations tient aux régimes d’assurance qui sont offerts également. Bien entendu, notre rôle n’est pas de décider si les régimes doivent être offerts pendant un an ou deux, en particulier lorsqu’il s’agit de personnes qui ont la soixantaine ou soixante-dix ans. Les sociétés d’assurance offrent des polices en fonction d’un éventail de facteurs de risque, et il peut arriver que le coût d’acheter une police d’assurance pendant une période de temps prolongée peut être très cher. Si une personne est incapable de se conformer à l’exigence d’avoir une police d’assurance parce que c’est trop cher, alors sa demande de super visa ne sera pas acceptée.

C’est une autre considération parmi d’autres que nous devons examiner, à mesure que nous étudions l’exigence d’avoir une police d’assurance et la possibilité de prolonger la période requise.

La sénatrice Osler : Merci de votre réponse. J’imagine qu’on veut trouver un équilibre entre le coût d’une période d’assurance plus longue et le coût d’un séjour à l’hôpital, lequel serait beaucoup plus élevé. Merci.

La sénatrice Poirier : Merci à vous tous d’être ici.

Ma question est un peu plus simple. En juillet dernier, vous avez reçu l’instruction ministérielle de faciliter les entrées, relativement à la délivrance de super visas, et à ce titre, de permettre à une société à l’extérieur du Canada de fournir une assurance médicale privée.

Est-ce la même disposition dans le projet de loi C-242? Combien de temps faudrait-il à votre ministère pour mettre en œuvre l’instruction ministérielle, et quels sont actuellement les obstacles qui empêchent la mise en œuvre de la disposition?

M. Shankar : Merci de la question.

Je peux vous parler de ce que notre ministre nous a demandé de faire, c’est-à-dire de dresser une liste de sociétés d’assurance désignées. Notre travail, comme je l’ai dit plus tôt, consiste actuellement à faire le bilan de ce qui existe actuellement, puis nous devrons parler aux intervenants pertinents.

Je ne peux pas vous donner de délai précis. Ce que je peux dire, c’est que dans les communications accompagnant les instructions ministérielles, c’était effectivement précisé que la désignation d’un régime étranger viendrait plus tard.

La sénatrice Poirier : Avez-vous effectué une évaluation des risques, par rapport à cette disposition?

M. Shankar : Nous y travaillons présentement.

La première étape clé est de faire le bilan de ce qui existe actuellement. Nous examinons ce que font le ministère des Finances et le BSIF pour réglementer les régimes, le genre de mécanismes exécutoires qu’ils ont en place et de quelle façon les sociétés sont inscrites sur la liste désignée, et cetera. Nous sommes en train d’évaluer tout cela.

Ensuite, nous devrons évaluer ce qui ressort de tout cela, en plus de mener des consultations avec les responsables provinciaux de la réglementation en matière d’assurance et aussi avec l’industrie elle-même, l’Association canadienne des compagnies d’assurance de personnes ou ACCAP; nous prévoyons aussi de consulter l’ACCAP. Une fois que nous aurons reçu des commentaires détaillés de sa part, nous pourrons faire une analyse complète de la situation, puis élaborer un plan pour faire ce qui nous a été demandé, c’est-à-dire dresser une liste de régimes d’assurance désignés.

La sénatrice Poirier : Cela veut-il dire que, présentement, nous ne savons pas si le risque dépasse l’objectif visé, ou que le ministère a probablement besoin de plus de temps pour atténuer les risques pour les contribuables, pour les services de santé, pour les clients... pour tout le monde? Ai-je raison?

M. Shankar : Vous avez raison.

Le sénateur Kutcher : Merci à vous tous d’être ici. Je suis d’accord avec la sénatrice Bovey : vous avez tous bien meilleure allure en personne.

Manifestement, nous voulons nous assurer de protéger les consommateurs et d’éviter que les gens et les familles qui sont arrivés récemment et qui ne sont peut-être pas parmi les plus fortunés du pays n’aient pas à assumer ce genre de coûts qui les mèneraient à la faillite ou du moins qui les mettraient en grandes difficultés financières. Personne ne veut cela; je sais que je ne veux pas que cela arrive, et nous ne voulons pas que cela arrive.

Par rapport aux critères que vous allez utiliser pour choisir un fournisseur d’assurance étranger, pouvez-vous nous dire, pour que nous soyons assurés ou rassurés, que l’un des critères que vous allez utiliser sera que ces sociétés d’assurance étrangères devront être conformes à la réglementation canadienne, qu’elles devront être réglementées en vertu des lois canadiennes? Êtes-vous prêt à nous dire aujourd’hui que c’est l’un des critères que vous allez utiliser?

M. Shankar : Pour l’instant, je ne peux pas vous répondre de façon catégorique. Je peux vous dire que, vu la façon dont les instructions ministérielles et le projet de loi sont rédigés, nous pouvons exiger la conformité avec les normes canadiennes. C’est une possibilité que nous pouvons retenir, mais nous n’avons pas encore pris cette décision spécifique. C’est à l’étude.

Peut-être que je pourrais céder la parole à mes collègues du BSIF ou du ministère des Finances pour qu’ils vous expliquent les types de protections qui existent et comment les règlements canadiens en vigueur protègent les consommateurs.

Khusro Saeedi, directeur principal par intérim, Cadre stratégique, Divisions des institutions financières, ministère des Finances Canada : Merci de la question.

Nous sommes heureux d’être à la disposition d’IRCC pour fournir des conseils sur l’élaboration des critères qui seront utilisés pour décider quels assureurs seront désignés.

Il existe diverses protections en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés d’assurance. C’est une loi fédérale qui avantage les détenteurs de police. Premièrement, et c’est probablement le point le plus important, les assureurs qui sont assujettis à la réglementation fédérale, c’est-à-dire qu’ils sont constitués en société au Canada ou, dans le cas des sociétés d’assurance étrangères, qu’elles ont reçu l’autorisation de mener des activités au Canada par le BSIF et le ministre, font l’objet d’un contrôle prudentiel.

Je vais céder la parole à mon collègue du BSIF dans un instant, pour qu’il vous dise en quoi consiste exactement le contrôle prudentiel. Je pense qu’il pourra vous fournir plus de détails.

Aussi, la Loi sur les sociétés d’assurance comprend diverses dispositions orientées vers les consommateurs. Les provinces ont évidemment leurs propres régimes, mais dans la loi fédérale, il y a, par exemple, des exigences selon lesquelles les sociétés d’assurance doivent se doter de procédures pour traiter les plaintes. Il y a une exigence selon laquelle elles doivent appartenir à un organisme tiers de traitement des plaintes. Tout cela fait partie de la trousse de protection des entités assujetties à la réglementation fédérale.

Si vous le voulez...

Le sénateur Kutcher : Excusez-moi. Je ne veux pas vous interrompre, mais ce n’est pas ce que je demandais.

Ma question était : pouvons-nous nous assurer que la société d’assurance étrangère, à qui des gens vont acheter une police d’assurance en toute bonne foi, sera assujettie à la réglementation fédérale, disons, en vertu de la Loi sur les sociétés d’assurance, au même titre que les sociétés canadiennes, ou est-ce que vous nous demandez simplement d’espérer que vous allez trouver la bonne façon de faire?

M. Shankar : Pour l’instant, nous continuons le travail pour déterminer en quoi va consister le cadre de désignation qu’on nous a demandé de mettre en œuvre. Je ne peux pas dire exactement quelle direction cela va prendre.

Mais comme je l’ai mentionné, vu la façon dont sont rédigés les instructions ministérielles et le projet de loi, nous avons toujours la possibilité de nous aligner sur les normes canadiennes existantes.

Le sénateur Kutcher : Je ne sais pas ce qu’en pensent mes collègues, mais le fait que vous avez peut-être l’option de possiblement vous aligner sur la réglementation existante ne me rassure pas.

La présidente : Je vais poser une question. Nous essayons de démêler tout cela. Nous avons cru que c’est un projet de loi relativement simple, mais il semble avoir pris vie et s’être complexifié.

Le projet de loi a été déposé en juin 2022. En juillet 2022, le ministre s’est donné, ou on lui a donné, le pouvoir de publier une liste désignée par instruction ministérielle. Donc, d’une certaine façon, bon nombre des dispositions dans ce projet de loi ne sont que théoriques, en vérité. Que le projet de loi soit adopté ou non, le ministre a décidé d’aller de l’avant avec le cadre de désignation. Tout ce que ce projet de loi fait, c’est d’inscrire l’existence d’une liste désignée dans une loi.

Ai-je bien compris?

Mme Graham : Merci beaucoup de la question.

En effet, vous avez bien compris. Présentement, en vertu des instructions ministérielles, le ministre a ce pouvoir. Comme vous l’avez entendu, nous travaillons déjà à l’élaboration des critères et au cadre de désignation qui permettront aux titulaires et aux demandeurs de super visa d’avoir un accès élargi pour qu’ils puissent acheter une police d’assurance à des sociétés internationales.

Mais il s’agit d’une instruction ministérielle, ce qui veut dire qu’elle pourrait être modifiée dans l’avenir. Une loi, c’est une approche plus permanente, bien évidemment parce qu’elle inscrit et codifie cela en droit. Donc, les instruments sont différents; ils n’ont pas la même flexibilité. J’espère que cela est clair.

La présidente : Oui. J’espère que ça nous éclaire tous.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : On a beaucoup parlé des sociétés d’assurance. Ma question est en parallèle avec tout cela et je me la pose depuis le début de l’étude de ce projet de loi.

Ma compréhension, c’est qu’avant toute chose, lorsqu’on tente d’obtenir ce super visa, un examen médical est requis. Je comprends aussi que c’est un examen médical — et il s’agit peut-être d’une autre conversation — qui peut assez rapidement devenir exclusif, notamment pour des personnes en situation de handicap.

Prenons l’exemple de personnes, comme des grands-parents, qui ont peut-être un certain âge. Si on passe de deux à cinq ans, on peut imaginer que la situation médicale de départ d’une personne peut avoir changé de manière assez importante en cinq ans. Cette personne-là, après ces cinq ans, ne se qualifie peut-être plus, et là on ne parle pas des assurances.

Qu’est-ce qui se passe avec cette personne? Est-ce qu’elle va perdre son visa, ou est-ce une forme de droit acquis?

De toute façon, sait-on si cela arrive?

M. Shankar : Merci de la question, madame la sénatrice.

[Traduction]

L’examen médical que les clients doivent subir lorsqu’ils présentent une demande est appelé l’examen médical aux fins d’immigration. Le but est de déterminer l’admissibilité médicale en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, ou la LIPR. La personne passe cet examen seulement une fois, lorsqu’elle présente sa demande. Donc, vous avez raison de dire que, pour toute la période, il n’y a qu’un seul examen, au début.

C’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons demandé qu’une exigence soit que la personne souscrive une assurance médicale.

Nous savons que l’état de santé de nos clients peut changer au fil du temps, il en va de même pour nous tous. C’est pour cette raison que nous demandons que les gens souscrivent une assurance médicale. Même si la personne est peut-être en santé lorsqu’elle présente la demande et lors de son entrée initiale au Canada, nous savons que son état de santé peut changer, et c’est pour cela que nous exigeons une police d’assurance. C’est pour que la personne et notre système de soins de santé soient protégés contre les coûts.

Je peux vous donner quelques chiffres pour situer le contexte. Par rapport à nos vérifications, comme je l’ai dit, l’examen médical sert à déterminer l’admissibilité médicale en vertu de la LIPR. Nous utilisons trois critères : le premier vise à réduire le risque de causer un fardeau excessif pour le système de soins de santé canadien. Nous utilisons un montant de base de 120 000 $ sur une période quinquennale. Parmi les demandeurs de super visa, moins de 0,17 % d’entre eux sont déclarés interdits de territoire en vertu de ce critère. Ces personnes sont effectivement dans une fourchette d’âge plus élevée, habituellement, mais d’après ce que disent les chiffres, il n’y en a pas beaucoup qui sont déclarés interdits de territoire parce qu’ils poseraient un fardeau excessif. Comme je l’ai dit, nous avons aussi ajouté l’exigence de la police d’assurance-maladie pour veiller à ce qu’il y ait une protection.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Merci. En fait, ce que j’essaie de bien comprendre, c’est que si une personne dont la condition change... Admettons qu’une personne continue d’être assurée, mais que sa condition physique change, je voulais savoir quel serait l’impact de tout cela. Cette personne risque-t-elle de perdre son visa?

La condition de départ de l’examen... Je sais que le risque est minime, mais les personnes en situation de handicap, par exemple, sont souvent exclues par suite de cet examen. En fait, j’essaie de voir si cette personne risque de perdre son visa, même si elle continue d’être assurée.

M. Shankar : Merci de la question.

[Traduction]

Pour répondre à votre question, non, la personne ne perdrait pas son visa ni son statut d’immigrant si son état de santé changeait.

La sénatrice Lankin : Merci beaucoup. Toutes mes excuses, mais je n’ai eu d’autre choix que de m’absenter durant votre premier exposé. J’ai consulté les notes, mais je ne pense pas que toutes mes préoccupations ont été dissipées. Elles sont liées à certains points que la sénatrice Poirier, le sénateur Kutcher et d’autres ont soulevés.

J’ai l’impression que le projet de loi nous devance, et que nous ne sommes pas prêts à pouvoir le mettre en œuvre. Ce n’est pas inhabituel, il arrive souvent que la réglementation soit élaborée après coup, mais il y a beaucoup de choses, ici.

Les discussions entre le fédéral et les provinces se poursuivent sur le financement de la santé, et il est possible ici qu’on permette à certaines personnes qui arrivent au Canada — qui ne sont pas encore Canadiens, mais qui arrivent au Canada — de souscrire un régime d’assurance privé, alors que nous ne savons pas si nous pouvons réglementer la protection des consommateurs à un niveau approprié, pour ces personnes qui ont fait affaire avec des sociétés d’assurance étrangères. Malgré l’excellent régime réglementaire que nous avons, il y a beaucoup d’histoires et de documentaires où les sociétés d’assurance font « non, non, non, oui », puis les gens doivent se battre avec elles. Il y a beaucoup de choses dans ce modèle qui m’inquiètent.

Le gouvernement, avec les ministères de la Santé et les autres ministères, a-t-il songé à demander aux provinces — comme pour les autres catégories d’immigration, où il peut y avoir une attente de trois mois ou quelque chose du genre... cela dépend de la province, parce que ce sont elles qui réglementent — de négocier un échange de fonds pour que ces personnes soient couvertes par le système de soins de santé public, au lieu de faire intervenir plus d’entités du secteur privé? Il y a certaines provinces où cela suscite la controverse, actuellement, par rapport aux cliniques chirurgicales et d’autres choses du genre. Avez-vous examiné cela? Vous en êtes-vous tenus aux instructions ici? Y a-t-il n’importe quel autre organisme gouvernemental dont vous êtes au courant et dont vous pouvez parler, qui s’est penché sur cette option?

M. Shankar : Merci de la question. À ma connaissance, il n’y a pas eu de discussions ou d’analyses à ce sujet. Ce que je peux vous dire, c’est qu’il s’agit d’une catégorie de visa temporaire. Quand les gens ont un statut temporaire... les provinces ne donnent pas une couverture à tous les résidents temporaires. À ma connaissance, il n’y a eu aucune discussion quant à la possibilité que les provinces et les territoires financent cela ou que les transferts soient utilisés pour les aider à le financer.

La sénatrice Lankin : Madame la présidente, il y a beaucoup de choses que j’aimerais savoir, mais je tiens seulement à déclarer que, selon moi, il est un peu prématuré pour nous d’examiner en détail ce projet de loi, vu l’étape où nous en sommes par rapport aux polices d’assurance dont les gens peuvent avoir besoin. Je ne sais pas comment les choses vont se dérouler à mesure que nous avançons, mais le fait que nous ne sommes pas synchronisés dans nos démarches me préoccupe.

La présidente : Nous en prenons bonne note. Merci, sénatrice Lankin.

La sénatrice Moodie : Merci aux fonctionnaires d’être ici aujourd’hui. Je veux aborder la question de ce que vous savez sur vos programmes, plus précisément les données que vous recueillez. Je crois qu’on nous a dit, au cours des dernières réunions, qu’IRCC ne récolte pas de données sur le moment où la police d’assurance-maladie de titulaires de super visa au Canada expire. Voici ce que vous avez dit :

[...] je ne suis pas au courant de situations où un client qui se présente pour obtenir des soins médicaux n’aurait pas pu se prévaloir de la protection ou de situations où l’assurance n’aurait pas été jugée valide [...]

Avez-vous des données précises pour appuyer cette déclaration? Ces renseignements sont-ils recueillis de toute façon? On nous a dit, lors de la dernière réunion, qu’il n’y avait aucun mécanisme de suivi. Vous avez dit qu’un obstacle tenait aux points de service, qu’ils présentent des difficultés. Y a-t-il d’autres mécanismes pour recueillir systématiquement cette information, afin que nous puissions comprendre l’effet de ce genre de programme et évaluer ses résultats?

M. Shankar : Merci de la question. Je peux vous dire que notre ministère n’a actuellement aucun mécanisme de ce genre pour recueillir ce type de données. Comme je l’ai dit, nous vérifions que les gens ont souscrit une assurance, mais pour ce qui est des activités quotidiennes du système de soins de santé, de la facturation et du remboursement des services, nous n’avons pas de mécanismes pour recueillir ce genre de données. Ce ne sont pas des données qui nous sont transmises.

Je ne sais pas si mes collègues du ministère des Finances ou du BSIF ont des données sur les régimes d’assurance canadiens, qui sont réglementés en vertu des régimes existants, en ce qui a trait à la conformité, aux cas de non-paiement ou de cas où même si la personne a une police d’assurance, la société d’assurance refuse de payer. Ce n’est pas mon domaine d’expertise. Peut-être qu’ils ont cette information.

La présidente : Les autres ministères recueillent-ils cette information? Le silence me dit que...

M. Saeedi : Pardon...

La présidente : Je pense que nous avons la réponse à la question. L’information n’est pas recueillie.

La sénatrice Poirier : Je veux donner suite aux questions que d’autres ont posées. Le super visa est d’une durée de cinq ans, et à la fin de ces cinq ans, il y a une personne qui est venue ici avec un super visa et qui était assurée quand elle est arrivée. Bien évidemment, comme nous l’avons dit, certaines de ces personnes sont âgées, alors la probabilité qu’elles aient besoin de plus de soins augmente. Si elles ne sont pas assurées après cinq ans, qu’arrive-t-il si elles tombent malades et qu’elles n’ont pas les moyens de payer elles-mêmes les soins de santé? Sont-elles couvertes comme les autres Canadiens par le régime d’assurance-maladie? Est-ce que tout est couvert? Si oui, quel est le coût? Savons-nous combien cela coûtera aux Canadiens et aux provinces? Ou est-ce que cela veut dire que ces personnes vont être dans les limbes et que c’est tant pis pour elles? Avons-nous une idée d’où nous allons avec tout cela?

M. Shankar : Merci de la question. Malheureusement, je n’ai pas de réponse pour vous. Ces personnes, à la fin ou à la date d’expiration de la période de cinq ans, si elles sont toujours au Canada et qu’elles ont encore besoin de soins de santé, alors tout se joue entre elles et le système de soins de santé. Je ne sais pas quelles options il existe pour elles pour qu’elles soient couvertes dans les provinces, ni comment les clients peuvent payer ou ne pas payer.

La sénatrice Poirier : Avez-vous dit qu’il n’y a toujours aucune consultation avec les provinces à ce sujet?

M. Shankar : Exact.

La sénatrice Poirier : Donc, depuis l’instruction ministérielle de juillet dernier, il n’y a rien?

M. Shankar : Je peux simplement m’exprimer sur ce qui concerne l’assurance-maladie, et mes collègues pourront vous parler des consultations avec les provinces et les territoires et d’autres sujets, mais en ce qui concerne l’assurance-maladie, non, nous n’avons pas encore consulté les provinces et les territoires. Nous sommes toujours en train d’élaborer notre cadre, et cela va certainement comprendre des consultations avec les provinces et les territoires. Aussi, nous allons probablement consulter les intervenants de l’industrie, comme l’ACCAP, qui a témoigné la semaine dernière. Nous prévoyons de mener des consultations élargies, mais c’est toujours en cours.

La sénatrice Poirier : Donc, c’est une préoccupation non seulement pour les Canadiens, mais aussi pour les gens qui vont venir ici, les clients qui sont concernés. Merci.

La présidente : Il n’y a pas de plafonds pour les super visas ni de plafonds pour n’importe quel autre des programmes de résidence permanente au Canada, n’est-ce pas? Je vois à votre réaction que c’est exact.

Au sujet des normes de service en vigueur, pour ces 17 000 demandeurs, dans quelle mesure arrivez-vous à respecter les normes, et qu’attendez-vous de la nouvelle liste ministérielle désignée... Êtes-vous prêt à répondre à une demande plus forte? Je tiens pour acquis que la demande va augmenter.

M. Gionet : Merci de la question, madame la présidente. Je vais demander à mon collègue, M. Seyler, de répondre en ce qui concerne la norme de service, parce que je l’ai ici, mais je ne l’ai simplement pas encore trouvée.

Si vous me le permettez, j’aimerais clarifier quelque chose par rapport à la question précédente qui nous a été posée, sur ce qui se passe à la fin de la période de cinq ans, si la personne n’a plus d’assurance médicale. Comme je l’ai souligné plus tôt, le demandeur devra présenter une demande pour prolonger son statut au Canada, et à ce moment-là, il devra satisfaire aux exigences et démontrer qu’il a une assurance-maladie, comme exigé. Si un demandeur n’a pas d’assurance et qu’il demande de prolonger son séjour au Canada, alors présumément, sa demande sera refusée.

La sénatrice Poirier : Pour donner suite à ce que vous venez de dire, parle-t-on encore une fois d’une attestation d’assurance pour une période d’un an, pour la deuxième fois?

M. Gionet : Exact.

La présidente : Merci.

La sénatrice Moodie : J’ai une question complémentaire : avez-vous une idée du calendrier pour la consultation avec les provinces? Quand cela pourrait-il être fait?

M. Shankar : Madame la présidente, malheureusement, je ne peux rien promettre pour l’instant par rapport à un calendrier.

La sénatrice Bovey : Merci.

Le projet de loi C-242 est un projet loi d’initiative parlementaire, n’est-ce pas? Est-ce pour cette raison que vous allez en étudier les effets plus tard, parce que c’est un projet de loi d’initiative parlementaire au lieu d’un projet de loi d’initiative gouvernementale?

Mme Graham : En effet. Cela nous a pris par surprise, mais c’est tout à fait en harmonie avec les principes et les engagements que le gouvernement a adoptés, par rapport au regroupement familial. Donc, cela a l’appui du gouvernement. Les instructions ministérielles, comme vous le savez, ont déjà été modifiées de façon à appuyer ces principes, du même que les éléments clés du projet de loi. Mais cela ne veut pas dire que nous n’avons pas du travail important à accomplir pour veiller à ce que tout fonctionne bien pour les gens et pour nous assurer que les clients sont toujours protégés.

La présidente : Puisque c’est un projet de loi d’initiative parlementaire et que c’est pour cette raison qu’il y a toutes ces nouvelles possibilités, même si le travail reste à faire et qu’il n’y a aucun calendrier, nous espérons que les consultations vont éclairer le ministre pour qu’il prenne de bonnes décisions. Je vais quand même vous le redemander : est-ce possible que le ministre décide de n’inscrire aucune société d’assurance étrangère sur la liste, après les consultations?

M. Shankar : D’un point de vue stratégique et juridique, je vais m’en remettre à mes collègues. Il est écrit dans les instructions ministérielles que le ministre va désigner des régimes d’assurance étrangers, mais de là à savoir s’il pourrait n’inscrire aucune compagnie d’assurance étrangère sur la liste, je ne pourrais pas vous répondre, d’un point de vue juridique.

La présidente : Merci beaucoup de votre temps. Nous espérons ne pas avoir à vous convoquer une troisième fois.

Chers collègues, nous accueillons maintenant M. Arthur Sweetman, professeur, Département des sciences économiques, Université McMaster. Bienvenue, monsieur. Merci d’être ici avec nous en personne, aujourd’hui. Je vous demande maintenant de nous présenter votre déclaration préliminaire. Vous avez cinq minutes. Si vous voulez prendre une partie de vos cinq minutes pour réagir à quelque chose que vous avez entendu, nous vous en saurions gré également.

Arthur Sweetman, professeur, Département de sciences économiques, Université McMaster, à titre personnel : Merci beaucoup de m’avoir invité aujourd’hui. Je suis heureux de revoir bon nombre d’entre vous, et de rencontrer de nouvelles personnes.

Manifestement, le projet de loi à l’étude aujourd’hui touche un enjeu d’une très grande importance pour bon nombre de familles canadiennes. Comme certains parmi vous le savent peut-être, j’ai déjà témoigné en juin dernier devant le comité de la Chambre au sujet de ce projet de loi, et pour ceux et celles qui le savent, je dois vous avertir que mes commentaires d’aujourd’hui ne différeront que légèrement des précédents. Comme je l’ai fait alors, je veux insister sur la question de l’assurance, et je vais surtout parler de la mise en œuvre, ce qui semble largement être ce sur quoi le comité s’est penché jusqu’ici. La mise en œuvre est, d’une certaine façon, beaucoup plus importante que la formulation du projet de loi lui-même.

Selon moi, les renouvellements annuels seraient importants, et beaucoup d’entre vous ont abordé le sujet jusqu’ici. Pendant un séjour de deux ans, un renouvellement annuel aurait une certaine importance, quoique modeste. Cependant, si on prolonge la durée maximale du séjour à cinq ans, les renouvellements deviennent de plus en plus importants, surtout lorsqu’il s’agit de parents ou de grands-parents qui sont peut-être un peu plus vieux.

Il y a deux côtés à cet enjeu, de mon point de vue. Le premier touche aux parents et grands-parents qui sont des visiteurs et qu’il peut être très difficile ou très cher d’assurer pendant leur séjour, peut-être à cause d’un problème médical apparu au début de leur séjour. Deuxièmement, il y a les visiteurs qui choisissent de ne pas renouveler leur assurance durant leur séjour, ou qui négligent de le faire. Il faut prévoir ces deux situations à l’avance. Même si elles ne sont peut-être pas pertinentes à l’égard du projet de loi lui-même, ce sont des situations importantes auxquelles IRCC et le ministre doivent songer. IRCC en particulier doit prendre des mesures proactives par rapport au premier cas, c’est-à-dire la possibilité que le prix de l’assurance augmente de façon considérable pour certaines personnes au cours de leur séjour de cinq ans.

Si un problème médical survient tôt durant votre séjour, alors le prix de votre police d’assurance pourrait devenir trop cher pour vous au cours de votre séjour. Nous devons réfléchir à cette situation maintenant, à l’avance, pour régler le problème. Je ne sais pas quelle est la meilleure voie à suivre, mais je peux vous donner quelques exemples et quelques recommandations. Il y a une recommandation que je veux vous donner en particulier, et c’est que le ministre modifie dans la réglementation les dispositions sur les assurances afin de permettre aux gens de renouveler leur police, avec une augmentation maximale. Ainsi, les titulaires de super visa qui sont assurés pourront toujours changer d’assureurs s’ils le souhaitent, mais une solution potentielle serait que, pour l’offre initiale, il y a, disons, un contrat d’un an qui est renouvelable, par exemple, avec une augmentation maximale de 10 %, ou quelque chose du genre que les gens pourraient assumer.

Je peux imaginer que cela pourrait être très difficile pour des familles, si elles accueillent quelqu’un pour cinq ans et que, après deux ans, des problèmes de santé surviennent et que le prix de l’assurance monte en flèche. Donc, c’est le genre de chose qu’on doit prévoir.

En ce qui concerne l’autre aspect de la question, certaines personnes peuvent négliger de renouveler leur assurance, et il faut penser à une façon de régler ce problème. Actuellement, ce que certains assureurs offrent pour l’assurance-locataires — pas pour l’assurance-maladie, mais pour l’assurance-locataires —, c’est que, si l’assurance prend fin pour une raison ou une autre pendant la période de location, le propriétaire est automatiquement informé. Je ne veux pas faire de digression en parlant de l’assurance-locataires, mais je pense que cette idée d’avis automatique peut être appliquée à l’assurance-maladie d’une manière assez simple. C’est quelque chose qu’au moins certaines compagnies d’assurance font déjà.

Il serait facile de dire que, si l’assurance pour le super visa ou d’autres types d’assurance pour résidents temporaires prenait fin, il faudrait exiger de l’assureur qu’il en informe IRCC. Je pense que ce serait assez simple; les compagnies d’assurance peuvent facilement gérer cela. Elles le font d’ailleurs déjà.

Encore une fois, je ne dis pas que ce sont les bonnes solutions. Ce sont de potentielles solutions aux problèmes, et d’autres personnes peuvent en avoir des meilleures. Mais je considère que ce sont des problèmes qu’il faut régler.

Une autre question connexe, c’est que l’on parle de l’assurance en cas d’urgence. Étant donné que la durée du séjour a été prolongée de deux à cinq ans, il faut peut-être se demander si l’assurance d’urgence est suffisante. J’ai le même âge que de nombreux détenteurs de super visa, et je ne suis pas certain que je serais à l’aise si je n’avais qu’une assurance d’urgence. Je pourrais vouloir un peu plus que cela.

Pour un séjour d’un an, je pourrais me contenter d’une assurance d’urgence, mais pour un séjour de cinq ans, je devrais peut-être penser à une assurance plus complète. Nous voulons y réfléchir un peu plus. Il se peut que ce soit seulement quelque chose que nous voulons être sûrs de proposer; je ne suis pas sûr qu’on veuille forcer des détenteurs de super visa de souscrire une assurance au-delà de l’assurance d’urgence, mais il faut peut-être s’assurer que cette assurance leur est offerte. On pourrait également l’exiger. Au minimum, nous voulons déterminer l’importance de n’avoir qu’une assurance d’urgence par rapport à la couverture d’assurance-maladie plus large.

La dernière chose que j’aimerais dire, c’est qu’il faut faire participer les provinces, à des fins d’établissement de rapports, à tout le moins.

Maintenant, je vais contrarier certaines personnes dans cette ville en disant que, idéalement, en tant que ministère exécutant un programme fédéral, ce serait bien si IRCC offrait une assurance aux gouvernements provinciaux pour les soins de santé non payés. Si vous voulez savoir exactement combien il y a de soins de santé non payés... si l’on dit qu’on les payera, je parie qu’on saura très rapidement combien il y en avait. Je pense que si le gouvernement fédéral était prêt à offrir une assurance aux provinces en disant « c’est notre programme, et si notre programme échoue, nous payons les coûts », ce serait un pas dans la bonne direction.

Comme je l’ai dit, cela ne me rendra pas populaire dans cette ville.

Enfin, et à ce sujet, il faut une procédure solide pour retirer de la liste les compagnies d’assurance inadéquates. C’est très difficile à faire, en réalité. D’autres personnes ont peut-être de meilleurs moyens de le faire, mais un des moyens faciles d’y parvenir est de faire de l’adhésion ou de l’inscription sur une liste une caractéristique temporaire. On peut donc être inscrit pour trois ou cinq ans en tant que compagnie, ensuite, il faut de nouveau présenter une demande. Ainsi, il incombe à la compagnie d’assurance de rester en règle plutôt qu’au gouvernement d’enquêter sur les problèmes des compagnies d’assurance.

Je ne dis pas que le mécanisme que je viens de proposer est le meilleur, mais nous avons besoin d’un mécanisme pour retirer les compagnies d’assurance canadiennes et étrangères qui offrent des assurances inadéquates.

Voilà ce que j’avais à dire. Merci beaucoup.

La présidente : Merci, monsieur Sweetman. Une partie de votre témoignage a été une surprise, du moins pour moi. Je ne savais pas que l’assurance-maladie était seulement une assurance d’urgence. C’est assez logique, mais je ne le savais pas. C’est bon d’avoir cela dans le témoignage d’un témoin.

Nous allons maintenant passer aux questions.

M. Sweetman : Madame la présidente, je devrais être prudent. Les compagnies d’assurance n’offrent pas aux détenteurs de super visa une assurance uniforme. Les différentes compagnies d’assurance proposent des formules d’assurance différentes, mais, d’après ce que je comprends, dans le cadre des instructions ministérielles, celle qui est exigée est l’assurance d’urgence. L’exigence est minimale. Ce que les compagnies d’assurance proposent et ce que les détenteurs de super visa choisissent d’acheter est une autre histoire, potentiellement. Ils peuvent évidemment acheter des choses qui dépassent le minimum.

La présidente : Merci de cet éclaircissement.

Chers collègues, chacun de vous a maintenant quatre minutes pour poser des questions. Nous allons commencer par la vice-présidente du comité.

La sénatrice Bovey : Je reviendrai à la question que j’ai posée au début de l’après-midi. En ce qui concerne les assureurs étrangers, pensez-vous qu’il s’agit d’une bonne initiative, d’une initiative problématique ou d’une initiative discutable — peu importe — que les gens soient autorisés à souscrire une assurance à l’étranger plutôt que de passer par les compagnies canadiennes? Si c’est le cas, êtes-vous convaincu que les critères applicables aux compagnies d’assurance internationales devraient correspondre à la réglementation canadienne actuelle?

M. Sweetman : Pour être tout à fait honnête, je n’ai pas de bonne réponse à vous donner. J’ai l’impression que, au niveau mondial, il existe une énorme hétérogénéité dans les affaires réglementaires des compagnies. La réglementation dans certains pays est beaucoup plus rigoureuse que dans d’autres. On ne sait pas non plus exactement quelles seront les règles du ministre. Il est difficile de comprendre la question ou d’y répondre en l’absence des règles du ministre.

En écoutant les témoignages ici et plus tôt à la Chambre, j’ai l’impression qu’il y a une certaine confusion, du moins dans mon esprit — d’autres personnes ont peut-être mieux compris que moi — quant à ce qui est prévu concernant les compagnies d’assurance étrangères. S’agit-il des compagnies d’assurance étrangères menant certaines activités au Canada et, par conséquent, assujetties aux règles canadiennes, ou s’agit-il de compagnies d’assurance étrangères qui ne mènent aucune activité au Canada et qui offrent des assurances à partir d’un bureau étranger, entièrement réglementé par un pays étranger? Je ne comprends pas tout à fait ce que le projet de loi exige et la façon dont il sera interprété. Je peux l’interpréter d’une façon ou d’une autre. Ce n’est pas tout à fait clair pour moi.

La sénatrice Bovey : Je l’interprète de la dernière façon, mais je pourrais complètement me tromper.

La sénatrice Osler : Merci beaucoup de votre témoignage. Vous avez fourni plus de réponses dans les quelques minutes où vous avez eu la parole que je n’en ai entendu au cours des dernières séances de comité.

Je vous demanderai de répéter, ensuite de préciser. Pour reprendre ce qui a été dit, on avait une liste de quatre ou cinq renouvellements annuels où il y a une augmentation maximale. Pourriez-vous rappeler les conditions qui, selon vous, devraient être imposées? Ensuite, pourriez-vous préciser ce que vous avez dit sur l’assurance-maladie en cas d’urgence? Il s’agirait de polices d’assurance-maladie que des résidents détenteurs d’un super visa souscrivent pour une durée minimale d’un an et uniquement à des fins d’urgence, c’est-à-dire uniquement pour des visites à l’hôpital, et pas nécessairement pour une visite chez le médecin. Pourriez-vous fournir quelques éclaircissements sur ce que vous entendiez par là?

M. Sweetman : Pour être tout à fait honnête, je ne suis pas tout à fait certain de ce que « urgence » signifie.

Commençons par le début. Une des choses dont il faut s’inquiéter — la première chose que j’ai dite — tient aux fortes augmentations du prix de l’assurance pendant un séjour; ce serait excessif par rapport aux moyens des familles et des détenteurs de super visas eux-mêmes. C’est un problème.

Ensuite, il y a la question des gens qui négligent de renouveler leur assurance.

Ce sont deux problèmes qu’il faut régler de manière proactive.

L’autre chose, c’est l’assurance d’urgence. Pour être honnête, il faut se pencher sur les règlements et les règles que les instructions ministérielles ont déjà mis en place pour les compagnies canadiennes afin de comprendre ce que cela signifie. Encore une fois, je ne l’ai pas sous les yeux — c’est une chose qu’il faudrait éclaircir auprès des fonctionnaires —, mais d’après ce que je comprends, l’exigence minimale est « l’urgence », définie de façon précise. Je ne pense pas que cela concerne uniquement les salles d’urgence; il peut s’agir d’une urgence pour laquelle on doit consulter un médecin généraliste. Par exemple, la prise en charge de maladies chroniques ne figurerait pas sur cette liste. Selon moi, de nombreuses personnes dans la cinquantaine et la soixantaine ont peut-être le diabète, par exemple, et nécessitent une prise en charge des maladies chroniques. Je dois être prudent ici. Je ne dis pas que les gens ne peuvent pas souscrire une assurance qui comprend cela, mais il ne s’agit pas de l’exigence minimale, d’après ce que je comprends, que le gouvernement fédéral impose avec ce programme.

Encore une fois, j’aimerais faire une distinction entre l’exigence minimale et ce que les gens font en réalité. Les gens peuvent faire des choses qui dépassent le minimum. Je demande où il faudrait fixer le seuil quant à ce que les compagnies d’assurance sont tenues de fournir pour cette assurance.

Enfin, il faut faire participer la province et — c’est peut-être aller trop loin pour un comité d’Ottawa, mais ce serait très populaire à Queen’s Park —, peut-être que le gouvernement pourrait fournir une assurance aux provinces. C’est un programme fédéral. Si les gens ne payent pas, le gouvernement fédéral doit peut-être payer à la place des gouvernements provinciaux. Je me rends compte que, au bout du compte, c’est un seul et même contribuable. Je comprends tout à fait cela. Mais les personnes qui exploitent le système sont beaucoup plus attentives lorsque le paiement sort de leurs poches plutôt que de celles d’un autre ordre de gouvernement.

Le sénateur Kutcher : Merci beaucoup. En tant qu’ancien élève de McMaster moi-même, je dois dire que c’est un réel plaisir qu’un professeur de McMaster vienne et présente un tel témoignage clair.

Vous avez dit que le projet de loi n’était pas clair sur la question de savoir si la compagnie d’assurance étrangère devait être réglementée au Canada ou en dehors du Canada.

M. Sweetman : J’ai le projet de loi sous les yeux. À mon sens, je peux imaginer que plusieurs bons avocats pourraient l’interpréter de plusieurs manières. Je ne suis pas avocat, mais j’imagine que cela arriverait ou pourrait arriver.

Le sénateur Kutcher : Pensez-vous qu’il serait préférable que le projet de loi soit très clair en ce qui concerne la protection du consommateur et qu’il indique clairement que les compagnies d’assurance étrangères doivent être réglementées par la loi canadienne?

M. Sweetman : Pour être honnête, je ne suis pas très inquiet à ce sujet, si le ministre prend au sérieux son obligation de créer de manière appropriée ces instructions ministérielles, et je soupçonne que le ministre le fera. Plus que toute autre chose, mon témoignage portait sur la mise en œuvre. Je sais que le personnel du ministre et celui d’IRCC liront ce témoignage plus tard, et j’espère qu’ils reviendront sur ces problèmes au moment d’élaborer leurs directives pour les instructions ministérielles. Je ne suis pas très inquiet à propos du projet de loi lui-même. Je suis plus préoccupé par les lignes directrices que le ministre ou son personnel élaboreront.

Peut-être que j’élude un peu la question. Je donne également au ministre un certain pouvoir discrétionnaire parce que, sans aucun doute, les choses évolueront. Des problèmes que le projet de loi n’anticipe pas surviendront. Si le ministre a un pouvoir discrétionnaire à cet égard, qu’il exerce correctement, cela pourrait être une bonne chose.

Le sénateur Kutcher : Et si le pouvoir est mal exercé?

M. Sweetman : D’après moi, depuis plusieurs gouvernements, IRCC a fait un assez bon travail. Il y a toujours des problèmes, mais c’est un ministère assez bien géré, compte tenu des ressources dont il dispose. Je ne devrais peut-être pas dire des choses comme celles-ci ici. Il y a toujours des files d’attente et des retards, mais cela concerne la politique structurelle et le financement accordé au ministère, pour l’essentiel.

La présidente : Monsieur Sweetman, sans aucun doute, lorsque nous étudierons cette question, nous vous rappellerons.

La sénatrice Lankin : Merci beaucoup, monsieur, de vous être joint à nous aujourd’hui. Bon nombre des problèmes de mise en œuvre que vous avez soulevés sont des choses qui me préoccupent. Je sais que nous sommes censés examiner le projet de loi, mais il soulève ces questions.

Si nous voulons être certains que ce projet de loi sera utile pour les gens qui viennent et pour leur famille, si l’on veut s’assurer que le gouvernement provincial ou fédéral ne se retrouve pas à la fin avec un projet de loi et des compagnies d’assurance défaillantes; en fait, un système de protection comme vous le suggérez motiverait les compagnies d’assurance, ici au Canada ou ailleurs, à se retrouver en défaut. L’industrie canadienne de l’assurance n’a pas une réputation irréprochable.

Je ne comprends pas quelle pourrait être la motivation. S’il s’agit des dernières, comme vous l’avez dit, les compagnies totalement étrangères, qu’est-ce qui les incite à élaborer ce type d’assurance à haut risque, selon la définition du terme « urgence », pour une partie relativement faible de la population qui en souscrirait? Il me semble qu’il y a trop de questions liées à la mise en œuvre. Avez-vous des commentaires à faire à ce sujet, ou allons-nous trop loin dans les détails?

M. Sweetman : Je pense que c’est une excellente question. Je crois que relativement peu de compagnies d’assurance internationales s’intéresseraient à cela. C’est un marché très petit.

Permettez-moi de changer de sujet, tout en restant dans le domaine des soins de santé et dans mon large domaine de connaissances. Si l’on prend les produits pharmaceutiques, de nombreux médicaments ne sont simplement jamais homologués au Canada, parce que nous sommes un si petit marché que cela ne vaut pas la peine de passer par le processus de réglementation pour faire approuver le médicament au Canada. Si cela arrive pour les médicaments, pourquoi s’attendre à ce que ce soit différent pour les assurances?

Le Canada est un très petit marché. Même au Canada, il s’agit d’un tout petit programme, d’un minuscule créneau. Il est difficile de croire qu’un très grand nombre d’assureurs étrangers seraient intéressés. Cela dit, il suffit qu’un ou deux le soient. Les économistes pensent que les prix sont fixés à la marge. C’est le producteur à faible coût qui domine le marché. Il suffit d’un ou deux. Vous n’avez pas besoin que tout le monde et sa grand-mère entre sur le marché. Il est possible qu’un ou deux soient intéressés, et ils feraient baisser les prix.

La sénatrice Lankin : S’ils ne sont pas réglementés ici au Canada — la dernière catégorie —, s’ils sont entièrement réglementés dans un pays étranger, quelle garantie existe-t-il pour s’assurer qu’ils ne se retrouvent pas en défaut? Comment pourrions-nous les obliger à se conformer, comme dans le cas de l’assurance-locataires, à l’obligation d’envoyer un avis si une police d’assurance n’est pas renouvelée? Il y a toute une série de choses qui dépendent d’une bonne mise en œuvre.

M. Sweetman : Il y a beaucoup de problèmes à cet égard. La principale motivation, c’est que, s’ils font de l’argent sur le marché canadien et qu’ils font quelque chose de mal, ils seraient exclus à l’avenir du marché canadien. C’est ce que les économistes appellent un « jeu qui se répète ». La raison pour laquelle vous vous comportez bien aujourd’hui, c’est parce que vous voulez jouer au jeu demain. Si vous faites quelque chose de mal aujourd’hui, vous ne jouerez pas demain. Cela suppose qu’ils font des profits. S’ils ne font pas de profits, pourquoi se préoccuper de savoir s’ils jouent bien ou pas?

Dans mon précédent témoignage devant la Chambre, il y avait une petite partie où je parlais de faire affaire avec des pays qui ont conclu des accords de libre-échange avec le Canada. Dans le cadre de certains accords de libre-échange avec le Canada, on peut avoir quelques recours. Si c’est dans le cadre de ce que l’on appelait l’Accord de libre-échange nord-américain ou l’Accord États-Unis-Mexique-Canada, on peut alors, selon la façon dont cela fonctionne exactement, avoir quelques recours en vertu de certains accords commerciaux. Le ministre peut décider ou penser qu’il est judicieux de limiter les compagnies étrangères à celles provenant des pays avec lesquels nous avons conclu des accords de libre-échange et opter pour cette solution, lorsque ces derniers nous offrent quelques recours ou que nous pensons en avoir quelques-uns. Quand je dis « nous », je ne parle pas du gouvernement canadien, je parle en fait des titulaires de police ayant un super visa qui ont besoin d’avoir quelques recours. Je ne pense pas que tous les accords commerciaux en prévoient, mais cela pourrait être le cas de certains. Quand j’ai témoigné devant la Chambre, j’ai laissé entendre que c’était une chose sur laquelle on doit se pencher sérieusement, car il s’agit d’une question juridique très technique à laquelle il faut réfléchir attentivement.

La présidente : Monsieur Sweetman, c’est une remarque intéressante. C’est une réflexion que nous n’avons pas entendue auparavant. Nous avons entendu les responsables de l’industrie de l’assurance la dernière fois. On peut interpréter leur témoignage de deux manières, et je suis sûre que mes collègues l’ont interprété de deux manières différentes. L’une des deux manières, c’est qu’il est dangereux de finir par confier à des compagnies d’assurance étrangères des polices d’assurance protégeant des résidents au Canada, qui peuvent ou non être honorées. Leur préoccupation, c’est que ces compagnies d’assurance ne seront pas réglementées au Canada, et nous n’aurons aucun recours. Et il y a la question de la protection du consommateur.

Par ailleurs, on pourrait également interpréter leur témoignage comme une tentative de protéger leur part de marché, et ce n’est pas une grande part de marché. Cela représente quelque chose comme 17 000 personnes, je crois? Ces compagnies d’assurance gèrent des milliards de dollars. Cela est insignifiant pour elles. Voudriez-vous nous faire part de votre évaluation?

M. Sweetman : Vous avez commencé en disant une chose, et je pense que vous avez fini par dire quelque chose de légèrement différent. Je vais m’attacher à la seconde partie. Vous avez commencé en disant que cela pouvait être l’une ou l’autre interprétation, et vous avez fini par dire que cela pourrait être les deux. J’irais avec les deux. Il s’agit à la fois de la protection du consommateur et de la protection de la part de marché. Cela est très logique. Je pense que ces deux choses posent problème, et les compagnies d’assurance sont préoccupées par les deux.

Une des choses qui peuvent arriver c’est que les profits de ce marché de créneau puissent diminuer au point où de nombreux assureurs canadiens peuvent abandonner le marché. Il est possible de ne pas finir avec plus d’assureurs en raison de ce projet de loi; on finit simplement avec des assureurs différents.

La sénatrice Poirier : Beaucoup de choses ont déjà été dites sur ce que j’allais demander; j’aimerais donc poser deux petites questions.

Selon vous, quel rôle l’industrie doit-elle jouer pour aider à la réussite de ce projet de loi si tant est qu’elle dit en jouer un? Aussi, d’après vous, combien de temps faudrait-il pour que toutes les parties concernées soient sur la même longueur d’onde et que ce projet de loi soit une réussite?

M. Sweetman : Elles doivent participer aux discussions détaillées avec le personnel ministériel et d’autres organismes connexes, comme le Bureau du surintendant des institutions financières, et cetera, sur la question de la structure de ce que le ministre exigera dans ses directives à l’industrie, à la fois nationale et potentiellement étrangère, aux fins de ce type d’assurance. Je pense que cela est clair.

Elles ont beaucoup de choses à fournir. Comme la présidente l’a dit, il faut interpréter ce que disent les représentants, se rappeler que les deux interprétations sont valables; il ne s’agit pas de l’une ou l’autre. Il ne faut pas perdre cela de vue durant les discussions.

En ce qui concerne le temps que cela pourrait prendre, c’est comme pour tout : cela peut être fait très rapidement, s’il y a une motivation à faire les choses rapidement, ou cela pourrait prendre des années.

La sénatrice Poirier : Et si nous avions affaire seulement aux quelque neuf compagnies d’assurance canadiennes qui existent au lieu de faire affaire avec des compagnies étrangères?

M. Sweetman : Ce serait sans doute plus facile parce que, autrement c’est beaucoup plus complexe, surtout si l’on pense à de véritables compagnies étrangères et à la nécessité de réfléchir à l’environnement réglementaire de chacune de ces compagnies. Cela ajoute beaucoup de complexité.

Donc, si l’on exige des compagnies qu’elles mènent des activités ou qu’elles soient présentes au Canada, même si elles n’y ont pas essentiellement leur siège social, cela rend le processus plus facile, selon moi.

La présidente : Autrement dit, vous dites que, s’il s’agit de Sun Life — je la cite simplement à titre d’exemple —, Sun Life a une importante activité commerciale en Inde — c’est une entreprise distincte appelée Sun Life India — et Manuvie a une présence commerciale importante en Chine avec Manulife China. Cela vous rassurerait-il?

M. Sweetman : Cela dépend de qui établit la politique et de qui en assure l’exécution. Je ne suis pas un expert dans ce domaine, mais j’ai l’impression qu’elles sont constituées comme des sociétés différentes, même s’il y a une société mère. Si Sun Life India établit la politique dans le cadre de ses règlements en vertu du droit indien, c’est très différent du fait que Sun Life India fournisse à Sun Life Canada un cadre, un service administratif et peut-être d’autres types de services. Mais au bout du compte, Sun Life Canada les offre en vertu des lois canadiennes.

Ce sont deux choses très différentes. Je ne suis pas certain de savoir laquelle des deux se produirait réellement.

La sénatrice Petitclerc : J’ai une petite question. Dans quelle mesure pensez-vous qu’il est inquiétant, le cas échéant, que nous soyons en face de ce projet de loi et que nous devions l’examiner, alors que nous semblons avoir beaucoup de questions sans réponse et que nous n’avons pas de données? Nous ne savons pas exactement qui sont les détenteurs du super visa, combien d’entre eux renouvellent leur assurance, et cetera. Nous ne disposons pas de la liste des compagnies d’assurance concernées. Nous ne connaissons pas les critères.

Considérez-vous qu’il s’agit d’une préoccupation à ce stade?

M. Sweetman : C’est clairement une préoccupation.

Je ne sais pas vraiment comment répondre à cette question. C’est un projet de loi d’initiative parlementaire, et les responsables de projets de loi d’initiative parlementaire ne disposent pas du personnel et des ressources nécessaires pour faire ce type de travail à l’avance. Mais le projet de loi d’initiative parlementaire est également rédigé d’une telle façon — je pense d’une façon assez cohérente —, qu’il s’en remet essentiellement au ministre et indique « vous avez le personnel et les ressources nécessaires ». D’un côté, il dit « en un an, vous devez présenter un rapport, donc, utilisez votre personnel pour le préparer ». De l’autre, en ce qui concerne l’assurance, il dit « vous devez proposer cette » — j’utiliserai le terme « réglementation », même s’il ne s’agit pas vraiment de réglementation —, un « ensemble de règles ».

En un sens, je pense que le projet de loi est raisonnable en confiant cette tâche au ministre et au ministère, qui ont les ressources nécessaires pour s’en charger.

Cependant — et c’est pourquoi j’ai quelques préoccupations — des instructions ministérielles ont clairement déjà été délivrées, et le travail n’a pas encore été fait. J’aurais préféré qu’ils aient fait leur travail avant d’avoir délivré les instructions ministérielles actuelles, plutôt qu’après.

Selon moi, cela est en partie attribuable à la COVID. Je pense qu’il y a eu une perturbation importante du travail du ministère et de nombreux Canadiens sur de nombreux plans. Je pense qu’ils essaient de rattraper le retard. J’espère qu’ils pourront rattraper le retard dans un avenir proche.

J’aimerais dire une dernière chose sur les assurances : l’assurance est une question de confiance. C’est de ça que nous parlons vraiment. La confiance doit être encadrée par quelques paramètres. Ce que l’on dit en fin de compte, c’est que, si nous donnons de l’argent aux compagnies aujourd’hui avec la promesse que, à l’avenir, elles vont nous donner quelque chose, si quelque chose de mauvais arrive, fait-on confiance à ces compagnies, dans des contextes réglementaire, législatif et juridique différents, pour qu’elles ne trahissent pas cette confiance? Nous demandons, en réalité, dans quelle mesure nous faisons confiance à nos partenaires commerciaux. Encore une fois, on peut dire que nous faisons confiance aux partenaires commerciaux avec lesquels nous avons conclu certains types d’accords commerciaux, mais nous faisons moins confiance aux autres types de partenaires commerciaux.

Au bout du compte, l’assurance est une question de confiance, que ce soit au Canada ou à l’étranger. Il faut maintenir cette relation de confiance entre les titulaires de polices et l’assureur.

La présidente : Merci beaucoup, monsieur Sweetman. C’est toujours un plaisir de vous voir, et j’espère vous revoir à notre comité. Merci d’être ici en personne, même si c’est le fruit d’une coïncidence.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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