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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 8 mars 2023

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd’hui, à 16 h 6 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi C-242, Loi modifiant la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (visas de résident temporaire pour les parents et les grands-parents); et à huis clos, pour étudier le projet de loi C-242, Loi modifiant la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (visas de résident temporaire pour les parents et les grands-parents), et un projet d’ordre du jour (travaux futurs).

La sénatrice Patricia Bovey (vice-présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La vice-présidente : Je m’appelle Patricia Bovey, sénatrice du Manitoba et vice-présidente de ce comité. Nous allons commencer par la présentation des sénateurs et des sénatrices.

[Traduction]

Je demanderais au sénateur Patterson de bien vouloir se présenter le premier.

Le sénateur D. Patterson : Je suis le sénateur Dennis Patterson, du Nunavut.

[Français]

Le sénateur Cormier : René Cormier, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Petitclerc : Chantal Petitclerc, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Duncan : Je suis la sénatrice Pat Duncan, du Yukon, et je remplace ma collègue Frances Lankin.

La sénatrice Poirier : Je suis la sénatrice Rose-May Poirier, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Bernard : Je suis la sénatrice Wanda Thomas Bernard, de Nouvelle-Écosse.

La vice-présidente : Chers collègues, merci.

[Français]

Aujourd’hui, notre comité poursuit son examen du projet de loi C-242, Loi modifiant la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (visas de résident temporaire pour les parents et les grands-parents).

[Traduction]

Nous accueillons, pour la deuxième fois et avec plaisir, le député de Dufferin—Caledon et parrain du projet de loi Kyle Seeback. Bien conscients du temps que nous vous prenons quand vous acceptez de revenir et nous poser d’autres questions, nous en sommes très reconnaissants. Avec votre permission, je voudrais vous inviter à faire une déclaration liminaire de cinq minutes. Ensuite, nous vous questionnerons. Que mes collègues sachent également que nous vous avons communiqué les sujets soulevées à notre dernière discussion sur lesquels nous avons besoin d’éclaircissements.

Kyle Seeback, député de Dufferin—Caledon, parrain du projet de loi, à titre personnel : Merveilleux! Merci beaucoup. Je tiens également à vous remercier de cette deuxième invitation; les députés n’en ont pas souvent la chance. Ça me touche d’autant plus. Je pourrais en être charmé au point de vouloir m’établir ici pour de bon, mais je laisse à d’autres le soin d’en décider.

J’entends aborder quelques questions dans ma déclaration, mais je tiens également à répondre à des questions au pied levé et du mieux que je le peux. J’ai suivi de près vos travaux et je suis au courant des questions — excellentes, d’ailleurs — qui se sont posées dans votre comité.

D’abord, je tiens notamment à souligner la différence qui existe entre une loi et un règlement. Beaucoup de questions que j’ai reçues se focalisaient là-dessus — ça ne porte pas précisément sur le sujet. À cause de mes antécédents d’avocat, ça m’arrive souvent. La loi est habilitante. Elle ménage des possibilités. Le règlement étoffe pour ainsi dire. C’est ainsi que je considère le projet de loi C-242, parce que dans les domaines où des questions se posent, particulièrement l’assurance-santé, le ministre devra agir en sa qualité d’autorité réglementaire. Des instructions ministérielles ont déjà été publiées, et le ministre a clairement affirmé son intention de s’efforcer de faire ce qu’il faudra.

Les assureurs lui ont écrit pour lui exposer de très grandes craintes. Je soupçonne le Sénat de connaître la réponse du ministre Fraser aux assureurs. C’est une lettre — dont je cherche en vain la date — dans laquelle il leur répond et reconnaît toutes leurs craintes concernant l’agrément de sociétés étrangères d’assurance. Il est bien au courant et il répond qu’il s’assurera de faire ce qu’il faudra en matière de règles et de règlements visant l’éventuelle offre, par un assureur étranger, ici, au Canada, de son produit d’assurance sous le régime du super visa.

Ça me ramène à toute la notion de législation par rapport à celle de réglementation. La loi sera habilitante. Le ministre agira de manière à protéger les intérêts des Canadiens et, souhaitons-le, à intensifier un peu la concurrence.

Enfin, même les détracteurs du projet de loi — l’Association Canadienne des Avocats et Avocates en Immigration, même les assureurs — admettent qu’il y a une façon de s’y prendre en ce qui concerne les assurances. Si c’est fait comme il faut et qu’on agrée quelques assureurs étrangers, ils y voient une bonne chose.

Je reviens à la lettre. Le ministre sait bien ce qu’il faut faire. Il le fera faire.

On est unanime — même ceux qui critiquaient la prolongation de la durée de séjour à cinq ans ou l’option d’assurance — à reconnaître l’importance de revoir le seuil de faible revenu. Ici, on est peut-être unanime à croire que c’est un aspect important du projet de loi. J’estime que c’est la raison importante pour laquelle le projet de loi devrait aller de l’avant.

Les instructions ministérielles visent déjà la prolongation de deux ans à cinq ans de la durée de séjour — elles visent déjà l’assurance par un assureur étranger agréé par le ministre.

Il reste à examiner le seuil de faible revenu. Tous les sénateurs ici présents ont, je pense, entendu des témoignages à ce sujet. Même les avocats spécialistes en droit de l’immigration ont reconnu ce que gagneraient les familles canadiennes de la présence, ici, d’un parent ou d’un grand-parent : en trouvant du travail, ils permettent à un enfant de trouver un autre quart de travail, de faire du travail supplémentaire ou de retourner à l’école. Offrir cette possibilité à ceux dont les revenus sont les plus faibles n’expose pas le Canada à un risque accru — en fait, ça améliore le mieux-être économique des Canadiens.

Sur ce, c’est avec plaisir que je répondrai à vos questions.

La vice-présidente : Merci beaucoup. Comme c’est l’habitude de notre comité, les sénateurs disposent de cinq minutes chacun pour leur période de questions. Comme vous le savez, monsieur Seeback, puisque ce n’est pas votre première visite, ce temps englobe celui des réponses.

Avant de commencer, je rappelle à nos membres et à nos témoins, comme nous le faisons à chaque réunion, de bien vouloir éviter de s’approcher trop près du microphone ou de bien vouloir retirer leurs écouteurs s’ils le font. Ils éviteront ainsi un retour de son qui pourrait avoir des conséquences nuisibles pour le personnel de notre comité ici présent ainsi que les interprètes.

Chers collègues, mes fonctions de présidente m’ont amené à modifier légèrement le déroulement des questions. J’ai demandé à notre greffière de dresser la liste des membres selon leurs diverses affiliations, pour équilibrer les interventions. Vous n’aurez donc plus à tenir la main levée pour poser une question — vous figurez déjà sur la liste. Si, quand viendra votre tour, vous n’avez pas de questions à poser, vous pourrez certainement céder votre temps de parole. Si nous en avons le temps, nous pourrons avoir un deuxième tour.

Vers la fin des cinq minutes de chacun, je lèverai la main, je remercierai le sénateur et je donnerai la parole au suivant. J’espère que ça marchera.

La première à prendre la parole est la sénatrice Poirier.

La sénatrice Poirier : Merci, monsieur Seeback. Malheureusement, je n’étais pas ici à votre première comparution, mais j’ai suivi le déroulement de la séance et j’ai lu tout ce qui s’était alors dit.

Un problème que pose le projet de loi est l’inaction, jusqu’ici, du ministère, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, sur les instructions ministérielles, depuis juillet. Elle est décevante. Si le projet de loi doit être adopté, pouvez-vous expliquer le processus de mise en œuvre, et ferait-il commencer le travail qui aurait dû commencer il y a des mois?

M. Seeback : C’est une excellente question. Quand, à la première comparution des fonctionnaires, j’ai appris que, essentiellement, aucun travail ne s’était fait sur la mise en œuvre des instructions ministérielles, j’en ai été très préoccupé.

Mais, aujourd’hui, le sujet est différent et neuf. Il s’agit d’autoriser un assureur étranger à offrir un produit d’assurance susceptible de trouver preneur ici, au Canada.

Autant je suis déçu du peu d’avancement du travail, autant j’ai l’impression que les fonctionnaires prendront le temps de ne pas se tromper. Voilà l’enjeu.

Pendant que nous discutons du volet de l’assurance, nous pourrions essayer de rédiger quelque chose. Je sais que les assureurs ont exprimé leurs vœux pour le projet de loi. Interrogeons-nous donc : et s’ils se trompaient? Et si leur projet était tellement étriqué que personne ne satisfera aux exigences? Nous devrions accorder au cabinet du ministre et au ministère, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, le temps et la déférence nécessaires pour mettre en place les garde-fous qui assureront l’offre du produit, ce qui protégera les hôpitaux et les contribuables canadiens.

La sénatrice Poirier : Le projet de loi exige que la compagnie d’assurance soit agréée par le ministre. Ai-je raison de croire que, après son adoption, la compagnie d’assurance non agréée ne pourra émettre d’assurance pour le super visa?

M. Seeback : Vous avez absolument raison. Elle ne le pourra pas.

La sénatrice Poirier : D’une certaine manière, le consommateur demeurera protégé contre les fraudeurs grâce à la disposition prévue par le ministre pour l’agrément.

M. Seeback : C’est exact. Je sais que ça cause beaucoup de soucis. Je peux développer ma réponse à moins que vous ne préfériez continuer de me questionner.

La sénatrice Poirier : Non. C’était ma dernière question. Je voulais seulement que vous confirmiez que nous comprenions bien ce dont il s’agissait — contrairement à ce que certains assureurs nous ont dit.

M. Seeback : C’est exact. Toute compagnie d’assurance qui tente d’offrir ce produit doit être agréée par le ministre, sinon, le produit n’est pas autorisé.

Actuellement, la personne qui veut entrer au pays avec le super visa doit être admissible au Canada sur le plan médical. Elle obtient cette autorisation chez le médecin. Actuellement, nous en autorisons la délivrance par toutes sortes de médecins — partout dans le monde. Est-ce que ça donne prise à la fraude? Peut-être, mais c’est un risque minime que nous sommes prêts à accepter, pour débloquer le dossier. Je crois que j’applique le même principe en ceci : pourrait-il y avoir un problème? Assurément, mais nous pourrons le cerner très rapidement.

La sénatrice Poirier : Merci.

Le sénateur D. Patterson : Merci d’être ici, monsieur Seeback. L’appui unanime que le projet de loi a reçu à la Chambre des communes m’impressionne. J’estime donc que, chaque fois que c’est possible, les sénateurs devraient s’en remettre à la chambre des élus.

Le problème qui semble être apparu dans notre comité est la question de l’assurance. Les adversaires de la mesure seraient le lobby des assurances — et je formulerais l’hypothèse que les intérêts de ce lobby ne sont pas les mêmes que ceux des familles de Canadiens ordinaires qui espèrent être réunis avec des êtres chers vivant à l’étranger. Je sous-entendrais même que notre comité serait négligent de ne pas considérer l’impression que nous donnerions si nous privilégiions l’opinion des lobbyistes par rapport au jugement des experts qui ont témoigné en faveur de votre projet de loi.

Pouvez-vous expliquer comment les compagnies d’assurance sont réglementées à l’étranger? Existe-t-il des normes internationales?

M. Seeback : Je ne saurais l’expliquer.

Mais je tiens à revenir à la lettre que le ministre a écrite pour les compagnies d’assurance — oui, ces compagnies ont des soucis, et, effectivement, je pense qu’ils concernent en partie leur résultat net. Ces compagnies veulent faire des profits. En ma qualité de juriste spécialiste des dommages corporels, j’ai assez souvent eu affaire à elles. Elles se soucient beaucoup de protéger leur résultat net. Je crois donc que ceci explique une partie de cela.

Voici ce que le ministre a écrit à ces compagnies, et je le lis pour que ça figure ici dans le compte rendu :

Voilà pourquoi aucun assureur étranger ne sera désigné tant qu’une analyse approfondie n’aura pas été faite. Mais, avant, le ministère entreprendra des consultations avec ses partenaires des provinces et des territoires, des organismes de réglementation et des experts du secteur de la santé.

Le ministre est bien conscient de tous les motifs de préoccupation — des risques pour nos hôpitaux, nos médecins et le contribuable — et il s’assurera bien de consulter en profondeur tous les intéressés avant de rédiger les règles et de n’agréer personne qui n’aura pas fait ce qu’il faut. Je pense qu’il faut le croire sur parole quand il l’écrit.

Le sénateur D. Patterson : Nous avons entendu des sénateurs exprimer leurs motifs de préoccupation au nom du lobby des assurances, par exemple :

L’agrément d’assureurs étrangers comporte d’importants risques. Pour conserver au programme son intégrité, nous ne nous opposerions pas à l’assujettissement d’un nombre limité de courtiers d’assurance et de souscripteurs professionnels de l’étranger à des normes équivalentes à celles auxquelles sont assujettis leurs homologues au Canada. Nous recommandons également que toute autorisation d’assurance santé étrangère repose sur des programmes robustes d’information pour qu’il devienne clair que seuls des courtiers et des souscripteurs agréés sont admissibles, pour éviter de victimiser des Canadiens ainsi que leurs parents et leurs grands-parents.

Nous avons également entendu le témoin expert Kareem El-Assal démentir carrément cette assertion du lobby des assurances en déclarant : « La liste du ministère pourrait répondre à cette sorte de préoccupation […] ». C’est son opinion d’expert. Franchement, j’estime qu’il nous incombe d’écouter les experts en la matière — plutôt que les lobbyistes qui, peut-être, ont un point de vue plus nuancé, d’après leurs positions sur l’emploi.

Auriez-vous des observations à faire sur ces points de vue, s’il vous plaît?

M. Seeback : Je pense que même le secteur des assurances, dans ses critiques, a dit qu’il pouvait concevoir qu’un petit nombre de compagnies d’assurance étrangères soit réglementé pour offrir ce produit — et je suis d’accord là-dessus. Au début, on pourrait commencer par une compagnie, n’est-ce pas? Mais, d’après moi, ce serait mieux qu’aucune. Je pense que cette lettre que je viens tout juste de lire nous donne également l’assurance du ministre qu’il n’agira pas tant qu’il n’aura pas consulté en profondeur les provinces et les parties prenantes — et qu’ils ne lui auront pas assuré qu’ils feront ce qu’il faut, et que nous ne mettons pas notre système de santé à l’ouvrage.

Compte tenu, à la fois, de l’affirmation du secteur des assurances qui dit pouvoir distinguer le moyen d’accueillir quelques entreprises bien réglementées et de la promesse d’un bon règlement par le ministre, il me semble que je tiens là des réponses à la question. Si nous, les parlementaires, nous essayons de concevoir ce système, je crains que nous ne risquions d’échouer bien plus lamentablement que le ministre qui promet de faire ce qu’il faut.

Le sénateur D. Patterson : Voudriez-vous remettre cette lettre à la greffière pour que nous puissions la consulter?

M. Seeback : Oui. Je vais le faire avec plaisir.

Le sénateur D. Patterson : Merci beaucoup.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Merci d’être parmi nous aujourd’hui pour nous donner ces précisions.

Ce que vous dites, c’est qu’il y a suffisamment de garanties et de mesures de protection dans les ententes qu’on aura avec les fournisseurs d’assurance étrangers et que tout cela sera approuvé par des règlements, etc. Vous semblez avoir confiance en ce système. Toutefois, s’il y a des irrégularités ou si des normes ne sont pas respectées, quels sont les recours pour les individus? Quels sont les recours contre ces compagnies d’assurance? Est-ce que cela existe? Est-ce que cela est pris en compte dans votre initiative?

[Traduction]

M. Seeback : Merci beaucoup pour cette excellente question. Ces aspects ne se trouvent pas dans mon projet de loi. Je reviens sur la différence entre légifération et réglementation. Je veux inscrire dans la loi la possibilité pour le gouvernement de faire quelque chose. Le gouvernement pourrait choisir de ne pas se prévaloir de cette option, évidemment, comme en témoigne le passage « agréée par le ministre ». Le ministre pourrait tenir des consultations et décider finalement de ne pas approuver personne. Je pense que c’est un processus équitable.

Mon objectif est de conférer ce pouvoir et de fournir cette option. Je veux aussi que cette habilitation soit assortie de garde-fous adéquats qui permettront notamment de s’assurer que le bureau du ministre fasse les choses correctement. Quant aux conséquences possibles pour les compagnies d’assurance, je vous dirais a priori que celles qui fournissent une protection insuffisante pourraient être retirées de la liste.

Je pense que le ministre pourrait aussi mettre en place des garanties qui permettraient d’imposer aux compagnies d’assurance dont les produits sont non conformes des pénalités ou d’autres formes de sanctions. Je le répète, vous soulevez des points très pertinents. Le ministre regarde les délibérations. Ces commentaires aideront à déterminer quels seront ces garde-fous. Il y en aura à mon avis.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Merci pour la réponse.

Je pense qu’il faut également se rendre compte que derrière cette initiative, derrière ce projet de loi, il y a des individus. Des individus arrivent ici, notamment des grands-parents, et ils peuvent se retrouver dans des situations de vulnérabilité ou de différences culturelles. Il faut s’assurer que ces gens seront en mesure de se défendre ou d’avoir un recours s’ils éprouvent des difficultés, notamment en matière d’assurance. Je trouve que c’est important.

J’aimerais soulever une question que j’ai déjà posée lors de votre dernière visite.

On sait qu’après cinq ans, on ne vérifie pas si l’individu renouvelle son assurance, qu’il doit obligatoirement obtenir en arrivant au Canada. Je ne vous avais pas posé de question à ce sujet, mais croyez-vous qu’il faudrait s’occuper de cet aspect? Si quelqu’un est ici pendant cinq ans et ne renouvelle pas son assurance, peu importe la raison, il faut savoir quelles conséquences cela aura pour les provinces et pour l’individu.

[Traduction]

M. Seeback : Je vais traiter de la question sous différents angles. D’abord, dans sa version actuelle, le super visa autorise un séjour de deux ans. Il pourrait donc déjà être expiré. Des représentants du ministère ont affirmé qu’ils n’avaient jamais vu ce genre de situation se produire. Ils ont été sans équivoque. Ce type de circonstance pourrait arriver, mais tout peut arriver. Je pense que les probabilités sont faibles.

Ensuite, le programme de super visa permet de présenter une demande de prolongation de séjour. La personne qui obtient une prolongation de deux ans de son visa peut rester quatre ans au Canada. Le risque existe déjà. Je ne pense pas que le projet de loi empire les choses. À mon avis, le fait de mettre en doute le bien-fondé du projet de loi en invoquant les risques n’est pas la bonne voie à emprunter.

Vous soulevez un bon point. J’étais abasourdi lorsque j’ai entendu les représentants d’IRCC dire dans leur témoignage qu’ils se contentent de faire une vérification au moment où les personnes se présentent. Dans le cadre de l’ancien programme de super visa de deux ans, personne ne vérifiait l’assurance-maladie des gens qui arrivaient au Canada. Aucune vérification n’était faite non plus lorsque les personnes demandaient une prolongation de deux ans. C’est en effet un problème, mais je pense que le gouvernement peut le régler. Cela n’a rien à voir avec mon projet de loi.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : C’est très clair. Je vous remercie.

[Traduction]

La sénatrice McPhedran : Monsieur Seeback, j’espère que vous ne trouverez pas ma question trop simpliste. Sachez par ailleurs que je respecte beaucoup le travail que vous avez accompli sur ce texte. J’ai des difficultés par contre avec une redondance législative que j’ai cru déceler. Le cadre actuel semble bien fonctionner. Est-ce que je me trompe en disant que les modifications proposées codifient des solutions souhaitables qui existent déjà?

M. Seeback : Lorsque j’ai rédigé le projet de loi, il n’y avait pas d’instructions ministérielles à cet effet. Lorsque nous nous apprêtions à voter sur ma proposition, j’ai su que le ministre était sur le point d’émettre des instructions qui la recoupaient à deux endroits. Or, le projet de loi existait déjà. Dans sa sagesse, la Chambre des communes a dit qu’il valait mieux codifier que de laisser le tout au bon vouloir du ministre. Il y a en effet un dédoublement, mais je pense que la codification affermit les dispositions existantes, ce qui est une bonne chose.

La valeur ajoutée est liée à l’étude sur les seuils de faible revenu, à laquelle je reviens toujours, car je pense — compte tenu des instructions ministérielles — que c’est la disposition la plus importante du projet de loi. Il faut que ce travail soit fait, mais IRCC ne l’a pas fait. Les Canadiens réclament ces mesures qui vont ouvrir des portes pour les familles à faible revenu, ce qui est capital à mon avis.

La sénatrice McPhedran : On vous a demandé sous différents angles quelles allaient être les répercussions sur les compagnies d’assurance à l’extérieur du Canada et quels allaient être les critères d’admissibilité. Je ne vois aucune disposition dans le projet de loi qui permettrait l’application de normes raisonnables.

M. Seeback : Non.

La sénatrice McPhedran : Merci.

M. Seeback : Il n’y en a pas. J’ai omis ces mesures délibérément, car je n’ai honnêtement pas la capacité, comme simple député, de mener les consultations nécessaires — auprès des provinces et des organismes de réglementation du secteur des assurances — pour faire ce travail, d’autant plus que j’étais le sixième dans la loterie. Voilà pourquoi j’ai inclus la précision « agréée par le ministre. » C’est la façon que j’ai trouvée pour y arriver. J’ai choisi un libellé qui confère au ministre le pouvoir de mettre en place les garde-fous appropriés. S’il faut deux ans, eh bien, ce sera deux ans. S’il décide que l’approbation ne peut pas être accordée, soit. Je pense que le ministre fera preuve de diligence raisonnable. Il décidera ce qui est bon pour les familles canadiennes qui essaient de faire venir au pays leurs parents ou leurs grands-parents au moyen du programme des super visas. Il fera ce qui est bon pour les contribuables canadiens et pour les services hospitaliers.

La sénatrice McPhedran : Si je comprends bien votre réponse, l’influence que pourrait exercer le lobby des assureurs pour tirer profit des normes réglementaires ne suscite pas de préoccupations.

M. Seeback : Ils pourraient essayer. C’est le risque. Je pense que le risque en vaut la chandelle. La prochaine fois, si l’occasion se représente, je pourrai peaufiner cet aspect, mais vu les limites de temps, j’ai pensé que c’était la meilleure façon de procéder, et je le pense encore. Selon moi, le ministre fera l’objet d’énormément de pression pour trouver des moyens d’approuver au moins deux compagnies d’assurance à l’extérieur du Canada.

Selon d’autres témoignages, la possibilité de payer avec des devises étrangères, que ce soit des roupies ou d’autres devises, constitue un grand avantage également. Même si seulement un ou deux assureurs sont approuvés, cette mesure va aider des gens.

La sénatrice McPhedran : Merci.

Le sénateur Kutcher : Nous vous sommes très reconnaissants d’être venu témoigner. Vous êtes le bienvenu au comité si vous souhaitez vous joindre à nous. Il vous suffit de présenter votre candidature.

M. Seeback : Le premier ministre ne voudra peut-être pas m’accorder ce privilège.

Le sénateur Kutcher : Il y a beaucoup de bons avocats autour de la table. Nous avons toujours besoin de bons avocats.

M. Seeback : Vous êtes vraiment gentil de dire que je suis un bon avocat. Merci beaucoup.

Le sénateur Kutcher : Je suis heureux de voir que vous vous préoccupez de la protection des Canadiens. Nous avons le même souci. Voilà pourquoi il y aura plusieurs accrocs à régler si nous voulons que le processus se poursuive, et c’est ce que nous souhaitons.

Bon nombre de mes collègues qui siègent au comité ont été surpris, tout comme vous, de constater que même après tout ce temps, aussi peu de progrès ont été accomplis concernant certaines de ces questions cruciales. Je ne pensais pas que les choses iraient dans la direction que nous espérions. Je suis en quelque sorte touché par la confiance que vous vouez au ministre.

Je voudrais aborder trois éléments, puis vous poser une question qui les englobe tous les trois. La seule chose sur laquelle les compagnies d’assurance ont insisté — elles ont démontré par là qu’elles veulent avant tout des profits, et non pas notre santé —, c’est que les compagnies d’assurance hors du Canada devaient respecter les normes réglementaires canadiennes. Cette question est très épineuse à mon avis.

Ensuite — la sénatrice Petitclerc en a parlé plus tôt —, les conséquences imposées aux compagnies d’assurance hors du Canada qui manquent à leurs obligations devraient être clairement établies. En manquant à leurs obligations ex post facto, les compagnies d’assurance n’aident pas les personnes qui ont perdu tout leur argent. Or, nous ne savons pas si des conséquences seront infligées et encore moins quelle en sera la nature. Nous avons été clairs à ce sujet.

Le dernier point est un problème que vous avez déjà soulevé vous aussi, si je ne m’abuse. Je veux parler du renouvellement des assurances. Certaines personnes ne se rendent pas compte à quel point cela peut être coûteux de ne pas renouveler sa police d’assurance. Cette omission peut mener leur famille à la faillite et avoir d’horribles répercussions.

Pensez-vous que le projet de loi serait renforcé si ces éléments y étaient ajoutés?

M. Seeback : C’est difficile de répondre à cette question. Lorsque j’ai rédigé le projet de loi — il faut que je remonte très loin dans le temps —, j’ai travaillé avec la Bibliothèque du Parlement. Les analystes m’ont dit que je m’attelais à une tâche ardue en voulant modifier par voie législative une mesure mise en place à la suite d’instructions ministérielles. Or, je l’ai fait. Les détails du programme de super visa ne sont pas décrits dans la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, la LIPR. Ils ont été établis à la suite d’instructions ministérielles. Alors, comment un député qui ne fait pas partie du gouvernement peut-il modifier des instructions ministérielles? La tâche est monumentale. J’ai abouti avec cette proposition. Je pense que les garde-fous que vous voudriez ajouter au projet de loi ne s’arriment pas à la loi. Voilà le défi. Je ne pense pas que ces éléments auraient l’effet escompté.

Je pense par contre que le ministre est tout à fait conscient de ces défis. D’ailleurs, j’espère que vous allez lire la lettre du ministre que je vais remettre à la greffière. Le plus grand risque est lié à la question qui m’a été posée. Le véritable risque est que le ministre établisse des obligations tellement contraignantes pour les compagnies d’assurance qu’aucune ne voudra offrir ce produit. Si cela arrive, eh bien, soit. J’aurai fait de mon mieux. Je trouverai peut-être un jour une autre manière d’y arriver. Je ne pense pas, à l’inverse, que le ministre risque d’être trop laxiste au point que les individus finissent par payer la note. À mon avis, le ministre pourrait faire en sorte que les compagnies d’assurance non conformes versent un cautionnement en fonction du pourcentage de polices d’assurance qu’elles fournissent. Je ne pense pas que cette obligation cadre avec la LIPR.

Comprenez-vous ce que je dis? Je pense qu’il faut avoir la foi.

La vice-présidente : Je propose que nous passions à la deuxième série de questions. Malheureusement, votre temps est écoulé.

La sénatrice Duncan : Monsieur Seeback, merci de venir comparaître aujourd’hui, et merci aux sénateurs de m’avoir permis de remplacer un de nos collègues.

Je comprends très bien l’intention de ce projet de loi. Je l’ai lu et je l’ai analysé. Son objectif est de réunir les familles. Je suis entièrement d’accord avec cet objectif et je salue les efforts que vous déployez en ce sens.

La discussion et la documentation portent en grande partie sur les assurances destinées aux personnes qui ne sont pas protégées par un régime d’assurance-maladie provincial ou territorial au Canada. Sans aller trop loin dans les détails — bien que c’est là où l’interprétation de la loi devient extrêmement importante —, dans mon ancienne vie, j’étais gestionnaire des programmes d’assurance-maladie. J’ai représenté à ce titre le Yukon au Comité de coordination des ententes interprovinciales en assurance-santé chargé de déterminer les tarifs des services hospitaliers partout au pays, et de discuter des défis à relever dans le domaine des soins de santé dans les provinces et les territoires. Les tarifs pour les services hospitaliers et les honoraires des médecins varient énormément d’une province ou d’un territoire à l’autre. Nous devrons absolument examiner les situations où l’assurance ne couvre pas les honoraires du médecin pour des soins en particulier.

Je vais vous donner un exemple concret qui touche les Canadiens et les personnes qui viennent au Canada. La plupart des Canadiens ne se rendent pas compte qu’ils doivent souscrire une assurance médicale de voyage et qu’ils devront payer, par exemple, s’ils font appel à des services d’ambulance en Colombie-Britannique. Si le médecin dit à son patient qu’il a des problèmes de santé particuliers et que le chirurgien en mesure de faire l’intervention est à Vancouver, mais que le patient est yukonnais, le patient devra payer 27 000 $. Les compagnies d’assurance ne rembourseront pas nécessairement les soins. Les Canadiens ne se rendent peut-être pas compte qu’ils doivent contracter une assurance. Pour les personnes titulaires de visa, les assureurs peuvent dire qu’ils ne couvrent pas ce type de voyage. Ensuite, cela devient un enjeu public.

Ma mise en garde serait la suivante. Vous avez parlé de consultations, mais vous n’avez pas parlé de consultations sur les soins de santé avec des représentants des provinces et des territoires. Or, cette question est cruciale parce que c’est là où l’interprétation de la loi est capitale, notamment l’interprétation de la protection que doivent fournir les assureurs.

M. Seeback : Le ministre le souligne dans sa lettre. Selon lui, avant d’aller plus loin, il faut mener des consultations avec les partenaires des soins de santé provinciaux et territoriaux, les organismes de réglementation et les spécialistes des soins de santé. Je pense donc que les éléments que vous soulignez sont couverts. Il existe des polices d’assurance au Canada à l’intention des personnes qui viennent au pays dans le cadre d’un super visa. Ces polices renferment des instructions sur les exigences en matière de protection. Les assurances maladie des compagnies canadiennes que contractent les titulaires de super visa qui viennent au Canada indiquent clairement la couverture exigée. Je pense que ce sera un jeu d’enfant pour le ministre d’exiger que les assurances contractées auprès d’un fournisseur étranger offrent exactement la même protection que celle d’un fournisseur au Canada.

Vous amenez peut-être une toute nouvelle question, soit celle de savoir si les polices d’assurance maladie des fournisseurs canadiens couvrent toutes les situations imprévues. Je pense que personne dans cette pièce ne le sait. Avec tout le respect que je vous dois, je ne pense pas que cela soit inclus dans l’objet de mon projet de loi. Cette question pourrait être réglée directement, car certaines personnes qui viennent au Canada achètent déjà ces polices d’assurance.

La sénatrice Duncan : Je comprends.

M. Seeback : À ma connaissance — et nous avons entendu des fonctionnaires du ministère à ce sujet —, nul n’a dit qu’une personne venue au Canada avec un super visa avait jugé que sa couverture était insuffisante.

La sénatrice Duncan : Avec tout le respect que je vous dois, n’attendons pas que cette situation se produise, car il s’agirait alors d’un problème collectif majeur. Nous avons déjà des problèmes qui préoccupent la population en ce qui concerne les soins de santé au Canada. N’en créons pas d’autres. Étudions soigneusement la question pour nous assurer d’éviter de se retrouver dans cette situation.

M. Seeback : Je pense que le ministre fera ses devoirs. La dernière chose qu’il souhaite, c’est d’être exposé à toutes sortes de mauvaises nouvelles à propos des assurances qu’il aura approuvées. Tout sera directement attribué à une décision qu’il aura prise. Voilà pourquoi je pense que le ministre veillera à ce que les choses soient faites correctement.

[Français]

Le sénateur Cormier : Je remplace la sénatrice Dasko. Je n’ai pas suivi les travaux, mais par contre, j’ai lu la documentation. Je vais vous poser une question peut-être un peu large, mais en lisant les questions qui ont été soulevées lors des dernières comparutions, je me suis demandé si ce projet de loi était nécessaire, ou si des changements à la réglementation auraient été suffisants pour atteindre les objectifs du projet de loi. C’est ma première question.

[Traduction]

M. Seeback : Je ne suis pas un spécialiste du domaine législatif, malgré ma formation d’avocat. Il est très difficile de modifier un instrument ministériel sur le plan législatif. Dans sa forme actuelle, le super visa existe par instruction ministérielle. Il est donc très difficile d’adopter des mesures législatives à ce sujet, car on se trouve à introduire dans une loi des éléments qui n’y ont généralement pas leur place. La LIPR traite d’un grand nombre de choses, mais elle ne contient pas de détails sur le super visa. Les tenants et aboutissants du super visa se trouvent dans les instructions ministérielles. Ce système fonctionne très bien depuis qu’il a été mis en place il y a 12 ans.

Ce que j’essaie de faire, concrètement, c’est de permettre l’adoption de nouvelles instructions ministérielles à propos des super visas. Mon projet de loi n’est pas très prescriptif. Je laisse au ministre le soin de suivre l’avis de la Chambre des communes sur cette question. Les députés ont dit que ce projet de loi leur plaisait et j’espère que les sénateurs seront du même avis. Si le projet de loi est adopté, le ministre pourra agir dans l’intérêt des Canadiens. C’est dans cet esprit que j’ai rédigé ce projet de loi. Il ne répond pas à toutes les questions, et je ne pense pas que nous puissions le faire avec un projet de loi. Si vous essayez de concevoir un projet de loi qui s’attaque à tous les cas difficiles, vous vous retrouverez, comme nous l’avons déjà entendu, avec une mauvaise loi. C’est le danger qui nous guette lorsque nous essayons de rendre le texte trop prescriptif.

[Français]

Le sénateur Cormier : Merci pour cette réponse. Je veux souligner que j’adhère de tout cœur à l’intention du projet de loi. Je pense que la réunification des familles est un enjeu majeur et qu’il faut trouver des solutions. En lisant la documentation, j’ai constaté que certains témoins ont dit au comité que le super visa pourrait être une solution de rechange au programme des parents et des grands-parents, car il assurerait la réunification des familles et pourrait mener à la résidence permanente. Est-ce qu’à votre avis cela devrait être le rôle du super visa, et comment les changements que vous proposez au projet de loi C-242 pourraient-ils influencer ce rôle?

[Traduction]

M. Seeback : Je ne pense pas qu’il remplace ce programme. Lorsque j’ai été élu la première fois, je représentais la circonscription qui était la plus peuplée au pays. Il s’agit d’une circonscription très multiculturelle. D’importantes communautés de la diaspora s’y trouvent. Je pourrais vous parler de mon expérience avec ces communautés en lien avec le super visa. Les parents et les grands-parents veulent séjourner au pays pour cinq ou six mois, puis rentrer chez eux parce que c’est là que se trouve leur réseau. La mesure que je propose constitue une sorte de solution de rechange pour les personnes qui voudraient présenter une demande de résidence permanente en tant que parent ou grand-parent. Elles ne ressentiront pas l’urgence de le faire si elles savent qu’elles peuvent séjourner au Canada pendant cinq ou six mois chaque année pendant 10 ans.

Au Canada, nous sommes aux prises avec de véritables défis en matière de regroupement familial avec les parents et les grands-parents. Nous avions des arriérés considérables et nous avons expérimenté avec un système de tirage au sort. Maintenant, le système devient accessible, des demandes sont présentées, et vlan, trois minutes plus tard, les places se sont envolées et le système cesse de fonctionner. Bon nombre de personnes n’arrivent donc pas à présenter leur demande. Dans une certaine mesure, je pense que la bonification du super visa offre à ces gens une solution très semblable à la résidence permanente. Ils peuvent séjourner au Canada pendant cinq ou six mois, passer du temps avec leurs enfants et petits-enfants, puis rentrer chez eux. Ils peuvent rester plus longtemps, ce qui est bénéfique pour leur famille et pour eux. De plus, cette mesure fait en sorte que les gens ne sont pas aussi désespérés de déposer une demande dans le cadre du programme de regroupement familial FC4.

[Français]

Le sénateur Cormier : Merci.

[Traduction]

Le sénateur Oh : Je suis heureux de vous revoir, monsieur Seeback. Je suis fier de parrainer ce projet de loi. J’aimerais revenir sur deux questions que ma collègue, la sénatrice Poirier, vient de poser. J’aimerais que vous me confirmiez si c’est le ministre qui approuvera au préalable certains fournisseurs d’assurance étrangers pour le super visa, ou si les approbations se feront au cas par cas.

M. Seeback : Le ministre approuvera au préalable certains fournisseurs, et ce sera tout. Peut-être qu’aucun fournisseur n’enverra de demande. Je le répète, nous ne le savons pas. Je soupçonne que les règles exigeront qu’une demande de proposition ou quelque chose du genre soit publiée. Il y aura donc des règles, et certains fournisseurs soumettront des demandes au ministre pour signaler leur intérêt pour offrir des assurances en fonction de tous les critères définis. Le ministre acceptera les demandes si elles répondent aux exigences, ou les rejettera, si elles ne répondent pas aux exigences. Ce ne sera pas aux fournisseurs de dire qu’ils respectent tous les critères et que, par conséquent, ils peuvent offrir leurs services. J’étais nageur et j’ai essayé de faire partie de l’équipe olympique, mais j’ai terminé troisième lors de deux épreuves qualificatives. Je ne peux donc dire que j’ai participé aux Jeux olympiques, vous me suivez? Il y a une norme, et elle est claire. Le ministre fixera cette norme et acceptera votre proposition ou non. Votre proposition sera soit approuvée, soit rejetée.

Le sénateur Oh : Si une compagnie d’assurance étrangère est approuvée au préalable, quelle sera l’incidence sur la concurrence et les taux des primes actuels?

M. Seeback : La raison pour laquelle j’ai proposé cette mesure à propos de l’assurance... En rétrospective, étant de retour en comité pour la deuxième fois, je me dis que je n’aurais peut-être pas dû parler des assurances. Non, je plaisante. Il s’agit de l’élément le plus difficile à traiter dans mon projet de loi. Je vais peut-être avoir besoin de boire un verre après la réunion.

À mon avis, l’incidence sur les primes d’assurance ne peut être que positive, même s’il s’agit de deux compagnies. Je parle toujours de l’Inde parce qu’il y avait une énorme population indo-canadienne dans mon ancienne circonscription de Brampton-Ouest, et il y en a également une dans ma circonscription actuelle. Il serait avantageux de pouvoir payer une assurance avec des roupies. S’il existe une compagnie d’assurance indienne et que vous pouvez payer en roupies — et que cette compagnie respecte tous les critères établis par le ministre —, c’est un avantage en soi. C’est le système que nous devrions nous efforcer d’obtenir.

Tout le monde dit être d’accord avec l’esprit du projet de loi. La plupart d’entre nous ne savent pas à quel point il est déchirant de ne pas passer de temps avec sa famille, ou de ne pas pouvoir le faire. J’ai eu beaucoup de chance. Je suis né ici, et mes parents sont nés ici. Mais pour tant de gens, ce n’est pas le cas, et c’est crève-cœur.

Voici le genre d’histoires déchirantes que j’entends chaque jour : « Je n’ai pas pu aller à l’enterrement de mon frère. Je n’ai pas pu aller à l’enterrement de mon père. Je n’ai pas pu aller au mariage de mon neveu parce que j’ai essayé d’obtenir un visa de visiteur régulier et je n’ai pas pu l’avoir, ou bien je n’ai pas répondu aux exigences du SFR. » Imaginez que l’on vous dise que votre fils n’a pas gagné assez d’argent et qu’il n’a donc pas le droit d’aller à l’enterrement.

Je remercie sincèrement le Sénat de bien vouloir scruter cette question à la loupe. Je vous prie instamment de ne pas perdre de vue le fait qu’à mon avis, le ministre fera les choses correctement, et que cette mesure apportera beaucoup de bien aux familles canadiennes.

Le sénateur D. Patterson : Monsieur Seeback, vous venez de parler du seuil de faible revenu. Les experts que nous avons entendus en comité nous ont dit que la troisième disposition du projet de loi représente un avantage important : elle demande au ministre d’examiner les moyens de modifier le seuil de faible revenu, ou SFR, comme vous venez de l’évoquer, afin de rendre le super visa plus accessible.

L’article 4 de votre projet de loi renforce la surveillance du ministre en l’obligeant à déposer un rapport au Parlement qui sera rendu public. Je me demande si vous pourriez nous rafraîchir la mémoire à cet égard et nous expliquer les avantages qui, à votre avis, découleraient de cette disposition.

M. Seeback : Je vais lire un extrait du mémoire fourni par l’Association Canadienne des Avocats et Avocates en Immigration. Il reflète les recherches que j’ai effectuées et ce que j’ai entendu.

Quarante-huit pour cent des participants à l’évaluation ont déclaré que le fait d’avoir leurs parents ou grands-parents au Canada les avait aidés à travailler plus d’heures ; 34 % ont déclaré que leur conjoint avait pu en faire autant ; 26 % ont déclaré que cela les avait aidés à poursuivre leurs études secondaires, collégiales ou universitaires ou à suivre un programme de formation ; et 44 % ont indiqué que cela avait aidé leur conjoint à retourner aux études pour obtenir une formation supplémentaire.

Qui a le plus besoin de cette mesure, selon vous? La famille qui n’a pas à se soucier du SFR? La famille qui gagne 200 000 $ par an? Cette disposition ne les concerne pas. Le SFR touche les nouveaux Canadiens qui ont le plus de mal à joindre les deux bouts. Ce sont eux qui bénéficieraient le plus d’une réduction du seuil de faible revenu, car leurs parents ou grands-parents pourraient venir au Canada. Les avantages économiques d’une telle mesure sont énormes. Pour ce qui est des avantages sociaux, il est impossible de leur attribuer une valeur monétaire.

Le sénateur D. Patterson : Vous avez ajouté des dispositions qui obligent le ministre à déposer un rapport et à fournir une explication s’il ne met pas ces mesures en place. Est-ce exact?

M. Seeback : C’est exact. Un comité avait également recommandé au ministre de se pencher sur le SFR suite à une étude réalisée en 2017 ou 2018. Le ministre avait dit que le rapport était très bon, puis, comme il arrive aux ministres de le faire, il l’avait déposé sur une tablette.

Il faut agir. Si le ministre dit qu’il ne peut pas réduire le SFR, il devra nous fournir une explication. Il s’agit là de l’autre aspect important de cette disposition. Il ne suffira pas de simplement ne pas réduire le seuil. Le ministre devra maintenant dire pourquoi il ne l’a pas fait. Je ne pense pas qu’il pourra fournir une véritable raison. Par conséquent, je pense que le SFR sera réduit, et ce sera une bonne chose pour les Canadiens.

Le sénateur D. Patterson : Merci.

Le sénateur Kutcher : Merci encore, monsieur Seeback. Si nous voulions vous aider à améliorer ce projet de loi, nous pourrions l’amender — mais nous avons entendu votre avis à ce sujet —, ou nous pourrions y ajouter des observations, ce qui nous permettrait de cerner certains éléments et d’améliorer la mesure proposée. Que pensez-vous de l’une ou l’autre de ces possibilités?

M. Seeback : Si nous apportons des amendements au projet de loi, nous courons le risque qu’il ne voie pas le jour. Nous avons un Parlement minoritaire, et nous ne savons pas combien de temps il durera. Je suis gêné de dire que je ne sais pas quel serait l’avantage d’ajouter des observations, mais si elles ciblent un élément dont le ministre devrait tenir compte, je pense qu’elles seraient utiles.

Je pense sincèrement que le Sénat a fait un travail remarquable en exposant certains problèmes au sein d’IRCC en ce qui concerne le super visa. Le ministre est conscient des défis dans ce domaine, mais il serait probablement utile d’ajouter des observations à ce sujet, s’il y en a.

Le sénateur Kutcher : Merci.

La sénatrice Duncan : Merci beaucoup de votre présentation et de vos arguments très convaincants.

J’aimerais mettre les choses en contexte. Vous avez parlé avec éloquence du fait que votre circonscription est très peuplée. Avez-vous une idée de la différence que l’adoption de ce projet de loi ferait partout au pays, et pas seulement dans votre région?

M. Seeback : Ce qui est étonnant au Canada, c’est que les nouveaux Canadiens s’installent dans toutes les régions. Il existe une communauté philippine de plus en plus importante au Yukon, et ces nouveaux Canadiens veulent probablement que leurs parents ou grands-parents viennent les voir. Je ne pense pas que les bienfaits sociaux seraient réservés à mon ancienne circonscription de Brampton-Ouest, ou seulement à ma circonscription actuelle de Dufferin—Caledon, ou encore à Toronto-Centre, à Rosedale ou à toute autre circonscription. Les nouveaux Canadiens s’établissent un peu partout au pays, et cette mesure leur sera bénéfique où qu’ils soient.

La sénatrice Duncan : Je vous remercie. Je me demandais simplement si vous aviez des chiffres à nous donner ou une idée — compte tenu de votre collaboration avec IRCC —, de l’incidence de cette mesure dans les régions rurales du Canada.

M. Seeback : La demande pour les super visas est principalement déterminée par le SFR, par les personnes qui se qualifient en fonction de ce critère économique et qui veulent qu’un parent vienne ici. Je ne pense pas que mon projet de loi entraînera une hausse importante de la demande, parce que de passer de deux à cinq ans ne fait pas une grande différence, surtout compte tenu des renouvellements. Cette nouvelle mesure sera toutefois bénéfique.

À mon avis, l’élément le plus important sera la baisse du SFR. Une fois que ce sera fait, j’imagine que beaucoup plus de demandes seront déposées et beaucoup plus de gens viendront au pays, et c’est une bonne chose. Je sais que certains pensent que cet afflux pourrait être difficile pour IRCC en raison des arriérés actuels. Toutefois, le directeur parlementaire du budget, ou DPB, vient de publier un rapport qui indique que IRCC dispose du personnel nécessaire pour traiter les demandes. Je suis heureux de présenter cette information également. Le rapport indique ce qui suit :

Selon nos analyses, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) dispose actuellement d’un personnel plus que suffisant pour atteindre la cible fixée quant au délai de traitement pour les cinq prochaines années.

La pandémie a eu une incidence sur le travail accompli par IRCC, mais le DPB est d’avis que tout reviendra à la normale.

La sénatrice Duncan : Nous n’avons aucune idée des chiffres?

M. Seeback : Non, nous ne savons pas.

La sénatrice Duncan : Merci.

La vice-présidente : Chers collègues, ceci nous amène à la fin du temps qui nous était imparti. Monsieur Seeback, merci encore de nous avoir accordé un peu plus de temps. Comme vous pouvez le constater, nous avons étudié ce sujet à fond et nous sommes reconnaissants de l’occasion qui nous a été donnée de vous faire part de nos préoccupations. Je tiens à vous remercier d’y avoir répondu. Au revoir et merci beaucoup.

Chers collègues, nous allons permettre à M. Seeback de partir, puis nous reprendrons notre discussion sur ce projet de loi à huis clos.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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