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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 9 mars 2023

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd’hui, à 11 h 31 (HE), avec vidéoconférence, pour examiner, pour en faire rapport, les questions qui pourraient survenir concernant les affaires sociales, la science et la technologie en général.

La sénatrice Patricia Bovey (vice-présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La vice-présidente : Bonjour. Je m’appelle Patricia Bovey. Je suis une sénatrice du Manitoba et je suis vice-présidente de ce comité. J’aimerais maintenant faire un tour de table et demander à mes collègues de se présenter.

[Traduction]

La sénatrice Greenwood : Bonjour. Je m’appelle Margo Greenwood et je viens de la Colombie-Britannique.

La sénatrice Osler : Bonjour. Je suis la sénatrice Osler et je représente le Manitoba.

Le sénateur Kutcher : Bonjour. Stan Kutcher, de la Nouvelle-Écosse.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Bonjour. Ici Chantal Petitclerc, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Duncan : Bonjour. Je m’appelle Pat Duncan, sénatrice du Yukon.

La sénatrice Bernard : Wanda Thomas Bernard, de la Nouvelle-Écosse.

La vice-présidente : Aujourd’hui, notre comité poursuit son étude sur la main-d’œuvre temporaire et migrante du Canada. J’ai le grand plaisir d’accueillir notre premier groupe de témoins. Nous recevons Mme Sara Asalya, directrice générale de Newcomer Women’s Services Toronto, qui est avec nous dans la salle. Nous recevons également, par vidéoconférence, Mme Anna Triandafyllidou, professeure et titulaire de la Chaire d’excellence en recherche du Canada sur les migrations et l’intégration à l’Université métropolitaine de Toronto. Je tiens à vous remercier toutes les deux de votre présence et je souhaite la bienvenue aux personnes qui suivent les délibérations par vidéoconférence.

Avant que nous passions aux déclarations préliminaires, je rappelle aux deux invitées qu’elles disposent de cinq minutes chacune pour faire leur déclaration. Nous sommes assez stricts sur ces cinq minutes. Je lèverai la main à ce moment-là. Ainsi, tout le monde aura la possibilité de poser des questions par la suite.

Madame Asalya, la parole est d’abord à vous.

Sara Asalya, directrice générale, Newcomer Women’s Services Toronto : Merci, madame la présidente. Merci, sénateurs, de m’avoir invitée à participer à la réunion d’aujourd’hui. J’aimerais commencer mon exposé en me présentant comme étant une immigrante sur cette terre, comme étant une mère et une personne active au sein de la communauté des immigrants depuis plus d’une décennie qui milite en faveur de l’amélioration des politiques et des services de soutien, en particulier pour les femmes migrantes.

Je représente ici aujourd’hui Newcomer Women’s Services Toronto. Il s’agit d’un organisme polyvalent sans but lucratif qui est présent à deux endroits à Toronto. On y offre des services essentiels et des programmes de soutien à des femmes aux statuts d’immigrante différents depuis plus de 40 ans.

Mon exposé d’aujourd’hui portera sur les femmes migrantes et travailleuses temporaires, ainsi que sur ce qu’elles vivent en ce qui a trait à la régularisation de leur statut, à l’accès aux services de soutien et à leur établissement au Canada. Je parlerai en particulier de ce qu’elles vivent sur le marché du travail dans des secteurs clés, notamment l’hébergement, les services d’alimentation, le tourisme et l’économie des soins.

Les femmes migrantes représentent une part importante de la main-d’œuvre temporaire et migrante. Elles sont souvent confrontées à des difficultés et à des obstacles uniques en raison de leur sexe, de leur statut d’immigrante et de leur situation d’emploi. Selon les données de Statistique Canada, les femmes comptent pour une grande partie des participants au Programme des travailleurs étrangers temporaires au pays, en particulier dans des secteurs comme la prestation de soins, les services d’alimentation et l’hôtellerie. Je fournirai des statistiques générales — quelques données pour décrire les expériences de ces femmes.

Selon une étude d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, ou IRCC, en 2019, les femmes constituaient près de 51 % des participants du Programme des travailleurs étrangers temporaires au Canada. Une étude de l’Institut canadien de recherches sur les femmes a révélé que les travailleuses migrantes au pays risquent particulièrement d’être victimes d’exploitation et de mauvais traitements : harcèlement sexuel, vol de salaire, conditions de travail dangereuses, etc. Les risques peuvent être encore plus grands pour les travailleuses qui ont des compétences et des capacités limitées en anglais, qui ont un réseau social restreint et qui connaissent peu leurs droits au Canada.

En ce qui concerne la prestation de soins, nous savons que les emplois dans ce secteur sont occupés principalement par des femmes migrantes. De plus, 97 % des travailleurs étrangers temporaires qui sont employés dans le secteur des soins dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires sont des femmes.

Pour ce qui est des services d’alimentation et de l’hôtellerie, un rapport du gouvernement canadien datant de 2019 nous indique que jusqu’à 45 % des emplois sont occupés par des femmes migrantes.

Nous savons que récemment, le gouvernement du Canada a déployé beaucoup d’efforts pour améliorer véritablement l’expérience des femmes migrantes et les mesures de protection qui leur sont destinées. Cependant, malgré ce travail, que nous avons bien accueilli, des recherches et des études récentes — y compris une étude sur la vulnérabilité des femmes migrantes à Toronto que j’ai récemment menée — indiquent que ces femmes sont toujours victimes d’exploitation et de discrimination et sont toujours vulnérables sur les lieux de travail. Elles indiquent également que ces femmes se heurtent encore à de multiples obstacles et difficultés pour accéder aux services de soutien de base.

Au total, j’ai réalisé 16 entretiens avec des femmes migrantes qui s’identifient comme des femmes racisées. L’étude était financée par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada et s’inscrivait dans le cadre d’une initiative de recherche internationale plus vaste portant sur les systèmes et les mesures de protection pour les migrants et les réfugiés dans le monde. Des pays européens et nord-américains et l’Afrique du Sud ont participé à l’étude.

L’étude visait à comprendre, tout d’abord, les expériences d’immigration des femmes, y compris ce qui les rend vulnérables, leurs besoins particuliers et les mécanismes de protection dont elles disposent. Ensuite, l’étude portait sur la nature des difficultés auxquelles elles sont confrontées au cours du processus d’immigration, d’établissement et de régularisation de leur statut, ce qui inclut leurs rencontres et leurs échanges avec des agents canadiens et des organisations non gouvernementales. Enfin, l’étude visait à essayer de comprendre la manière dont l’intersection entre la race, le genre et le statut juridique, ainsi que le contexte de la réglementation du statut d’immigrant, créent de multiples formes de discrimination et de situation de vulnérabilité que subissent les femmes migrantes.

Parmi les constatations générales, il est intéressant de noter que les 16 participantes ont confirmé qu’elles ne connaissaient pas leurs droits au Canada. Les 16 participantes ont confirmé...

La vice-présidente : Je crains que votre temps de parole ne soit presque écoulé. Pouvez-vous conclure très rapidement?

Mme Asalya : Absolument. La principale conclusion de l’étude, c’est que la majorité de ces femmes ont été victimes de discrimination, de racisme et d’exploitation de la part de leur employeur sur leur lieu de travail. Elles ne connaissaient pas leurs droits au Canada. Elles ont eu du mal à accéder aux services de soutien de base, notamment aux services de santé mentale, de soins de santé, d’établissement et de logement. Elles ont également souligné qu’il était nécessaire que les agents d’immigration adoptent une approche plus sensible à la culture lorsqu’ils traitent les demandes de régularisation de leur statut.

La vice-présidente : Merci beaucoup. Il y a là beaucoup de renseignements très utiles.

J’ai maintenant le plaisir de souhaiter la bienvenue à Mme Triandafyllidou. Puis-je vous inviter à faire votre déclaration préliminaire de cinq minutes?

Anna Triandafyllidou, professeure et titulaire de la Chaire d’excellence en recherche du Canada sur les migrations et l’intégration, Université métropolitaine de Toronto : Chers sénateurs, je vous remercie de m’accueillir. C’est un honneur pour moi de vous parler depuis Toronto, qui se trouve sur le territoire visé par le Pacte de la ceinture wampum faisant référence au concept du « bol à une seule cuillère ». Je précise également que je suis une immigrante dans ce pays. Je suis arrivée au Canada en 2019.

J’aimerais parler plus particulièrement des travailleurs migrants temporaires et de l’industrie du tourisme. Je voudrais commencer par dire ce que nous savons. Nous savons qu’il s’agit d’une industrie à forte densité de main-d’œuvre. Souvent, c’est dans ce secteur que les jeunes occupent leur premier emploi, et c’est également un secteur d’emploi important pour les nouveaux arrivants dont les compétences sont sous-estimées. Les conditions dans ce secteur sont difficiles. J’expliquerai plus en détail ce que je veux dire lorsque vous poserez des questions.

Nous avons remarqué, même avant la pandémie, une augmentation importante de la migration temporaire de la main-d’œuvre en général et dans différentes catégories. Nous ne savons pas exactement où vont les gens parce qu’ils viennent au pays dans le cadre du Programme de mobilité internationale.

Nous savons également que la pandémie a bouleversé le secteur du tourisme. Le secteur a rebondi très rapidement après la pandémie, à une vitesse presque surprenante, et les pénuries y ont été exacerbées.

Je veux me concentrer sur les différents types de pénuries, parce que l’industrie se compose de différentes professions. Divers modes de recrutement servent aux différents types d’emplois. On compte des emplois élémentaires, comme les aides-cuisiniers, les serveurs et les commis de restaurant. Ces emplois sont habituellement comblés par les canaux informels, de bouche à oreille et dans les réseaux coethniques. Bien souvent, ces employés sont au Canada et sont titulaires d’un permis d’étudiant étranger ou d’un permis de travail pour étudiants diplômés.

Nommons ensuite les métiers spécialisés, comme les chefs cuisiniers, les cuisiniers et les gérants. Les gens de métiers spécialisés sont souvent invités à venir de l’étranger. Nous savons que 22 000 personnes sont venues de l’étranger dans les quatre dernières années pour occuper ce type d’emplois. Bien entendu, on peut se demander si nous comptons déjà ce talent ici, au Canada, ou si nous devons le faire venir de l’étranger.

Pour ces deux catégories d’emplois — les métiers spécialisés et les gérants —, on se sert habituellement de filières de recrutement assez formelles.

Pourquoi tous ces faits importent-ils? Ils importent parce qu’on pallie des pénuries de main-d’œuvre permanentes avec de la main-d’œuvre temporaire : nous faisons fausse route, tant dans une perspective du marché du travail que dans une perspective migratoire.

Qu’est-ce qui pose problème? Nous avons déjà entendu parler de certains des problèmes, qui sont vraiment considérables. Un autre obstacle touche les étudiants internationaux et particulièrement les étudiants au collégial. Nous savons que ces derniers paient des droits de scolarité faramineux qui compensent les compressions dans le financement public des collèges. Les recherches qualitatives et quantitatives démontrent que, généralement, les gens viennent ici en espérant rester au Canada. Le volet d’éducation qu’ils empruntent en devient donc un d’immigration. Nous savons aussi qu’ils se retrouvent dans un goulot d’étranglement parce qu’il n’y a aucune limite au nombre de migrants temporaires, alors qu’il y a un plafond pour le nombre de résidents permanents que nous accueillons.

Pourquoi faut-il s’intéresser à la situation? Parce que ce déséquilibre dissuade les employeurs d’améliorer les conditions. Les conditions que j’ai mentionnées ne prévoient aucune rémunération des heures supplémentaires, pour bien des gens, aucune stabilité, aucun avantage social et aucune prévisibilité pour les quarts de travail. Pour les migrantes, ces conditions constituent des défis particuliers. Très peu de formation professionnelle est offerte, et il n’y a aucune possibilité de promotion.

Que faire pour pallier la situation? Nous devons réaliser deux objectifs : exercer de la pression sur les employeurs pour qu’ils améliorent les conditions et trouver un meilleur équilibre entre les systèmes de migration temporaire et permanente. Je m’arrête ici et je serai heureuse de répondre à vos questions.

La vice-présidente : Je vous remercie toutes deux pour vos déclarations liminaires.

Les sénateurs disposeront de cinq minutes pour les questions et réponses. Je vous demande de respecter le temps imparti.

Avant d’entendre les questions, je rappelle aux membres dans la salle de ne pas se pencher trop près des microphones ou de retirer leurs oreillettes lorsqu’ils s’en approchent. Nous éviterons ainsi la rétroaction acoustique qui pourrait nuire au personnel dans la salle.

Chers collègues, je vais vous attribuer le temps pendant la période de questions comme je l’ai fait hier. J’ai déjà une liste avec tous vos noms, que nous allons respecter. Plutôt que d’essayer d’attirer notre attention avec votre main, vous pouvez vous concentrer sur ce que vous entendez. Si, lorsque je vous nommerai, vous n’avez pas de question, soyez bien à l’aise de céder votre temps. Si le temps le permet, nous aurons une deuxième série de questions.

Sénatrice Osler, veuillez poser la première question, je vous prie.

La sénatrice Osler : Je remercie les deux témoins de leurs déclarations. On nous a dit que les travailleurs étrangers temporaires, surtout les femmes racisées, continuent à être vulnérables à l’exploitation, à la maltraitance et à la discrimination. Croyez-vous que les protections et les amendements réglementaires proposés intègrent une perspective intersectionnelle et d’équité? Le cas échéant, veuillez nous dire en quoi ils suffisent; sinon, pourriez-vous formuler des recommandations pour la gouverne de ce comité? La question s’adresse à vous deux, si vous désirez répondre. Nous pourrions commencer par Mme Asalya.

Mme Asalya : Merci beaucoup. C’est une excellente question. Comme je l’ai mentionné, nous avons accueilli favorablement les récents efforts du gouvernement du Canada visant à mettre en œuvre une optique plus sexospécifique et intersectionnelle pour les politiques migratoires, surtout pour combler les besoins uniques des migrantes qui ont leurs propres fragilités. Notre étude récente démontre, étant donné que les femmes sont toujours vulnérables et susceptibles d’être exploitées en milieu de travail, que cette politique est encore théorique et n’a pas été mise en œuvre sur le terrain.

En matière de recommandations, il serait très utile de nous doter d’un cadre de responsabilité pour la conformité des employeurs aux différents règlements juridiques sur l’emploi. Les femmes en question — et l’étude le mentionne — reçoivent un salaire inférieur au salaire minimum. Leurs employeurs les forcent à travailler dans des conditions dangereuses. Je me demande si le gouvernement met en place des mesures de surveillance ou de protection pour demander des comptes aux employeurs et pour veiller à ce que ces femmes ne soient pas vulnérables et exposées à de l’exploitation ou de la discrimination.

La sénatrice Osler : Merci beaucoup.

Mme Triandafyllidou : Je suis d’accord avec Mme Asalya. Les changements vont dans la bonne direction, mais il faut en faire davantage. Malheureusement, nous savons que, dans le marché du travail, les impératifs économiques sont souvent ce qui compte le plus pour les employeurs.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Je voulais vous demander, pour en savoir un petit peu plus : qu’est-ce qui se passe sur le terrain pour les travailleurs? Vous parliez de ces femmes qui, malgré le fait qu’il existe des protections, ne sont pas au courant des protections et des recours qu’elles ont et qui continuent de vivre dans des situations de grande vulnérabilité et d’abus.

Plusieurs témoins avant vous ont parlé des permis et de la nature même de la relation, on a beaucoup couvert cet aspect. Ce qui m’intéresse et ce qu’on a moins couvert, c’est de savoir s’il y a un certain soutien, sur le terrain, un soutien qui est évidemment culturellement approprié, soit au niveau communautaire ou par secteur.

J’essaie de me faire une idée. Quand on arrive comme travailleur, peut-être qu’on ne connaît personne, et qu’on se retrouve dans un certain milieu. Manifestement, ces travailleurs ne sont pas informés de ce qu’ils ont comme recours. Est-ce qu’on peut en faire plus sur ce plan?

Mme Triandafyllidou : Merci beaucoup, madame la sénatrice. Il faut faire la distinction entre les gens qui ont un statut permanent et ceux qui ont un statut temporaire. L’immigrant qui a un statut temporaire n’a pas accès aux organismes d’établissement qui offrent du soutien. C’est l’enjeu : on n’a pas de soutien. On a bien sûr des organismes communautaires qui essaient de ne pas faire de distinction, mais on sait aussi que les organismes d’établissement doivent faire la distinction, parce que leurs finances en dépendent.

C’est donc un problème. Comme je l’ai dit tantôt dans ma présentation, on sait que l’immigration temporaire a beaucoup augmenté au cours des dernières années. On a parlé au mois de novembre du fait que le Canada a accueilli presque un demi-million de nouveaux résidents permanents, mais on n’a pas parlé du fait que le Canada a accueilli, en 2022, presque 1,2 million d’immigrants temporaires, dont la moitié étaient des étudiants étrangers et l’autre moitié des détenteurs de permis de travail temporaire.

Deuxièmement, comme Mme Asalya l’a expliqué, il y a une question liée à la connaissance des droits; les immigrants temporaires ne connaissent pas leurs droits et ne savent pas où se diriger. Sur le terrain, les écoles offrent une possibilité parce que si on envoie nos enfants à l’école, on a un contact avec les écoles et ces dernières ont de très bons contacts avec les organismes d’établissement et souvent, elles ne font pas une distinction formelle.

Il s’agit aussi de l’expérience personnelle que j’ai vécue en m’établissant à Toronto, avec les écoles francophones publiques de Toronto. Quand je suis arrivée, je n’étais pas une résidente permanente, j’étais une résidente temporaire. Il existe un grand défi pour les organismes d’établissement parce qu’étant donné le nombre d’immigrants temporaires, nous n’avons pas la capacité de les servir. C’est là où se trouvent de grandes vulnérabilités. Je m’arrêterai là.

[Traduction]

Mme Asalya : Je voulais abonder dans le sens de Mme Triandafyllidou par rapport au statut juridique qui détermine vraiment ce à quoi les migrantes peuvent accéder ou pas. Notre organisation offre des services d’établissement, ce qui nous place aux premières lignes, sur le terrain, pour la prestation de ces services. L’organisation est habituellement le premier point de contact pour tout nouvel arrivant ou migrant à Toronto; toutefois, la source du financement — des autorités municipales, provinciales ou fédérales — détermine à qui nous pouvons offrir le service.

En réponse à votre question sur les approches à l’intention des femmes et tenant compte de la culture et des traumatismes, je réponds par un oui retentissant. Or, le secteur à but non lucratif — le secteur de l’établissement des nouveaux arrivants — est à court de ressources étant donné le manque de financement ou l’invariabilité du financement. Un nombre record de migrantes a recours à nos services, surtout des femmes qui nous font part de leur vécu empreint de violence genrée. Il faut bâtir un lien de confiance inébranlable pour confier ce vécu. De nombreuses personnes ont eu recours aux services, surtout pendant la pandémie, et nous faisons de notre mieux pour les aider. Je préconise un modèle de financement plus viable qui accentue vraiment la collaboration et qui aide tous les acteurs impliqués dans le processus d’établissement des nouveaux arrivants à s’entraider pour offrir de meilleurs services d’appui.

La vice-présidente : Merci.

La sénatrice Bernard : Ma question revient sur ce qu’on vient d’entendre. Tout d’abord, je remercie les deux témoins de leurs commentaires ce matin. Vous avez toutes deux fait allusion aux conditions de travail. Je crois que les mots employés étaient « conditions inadéquates » et « conditions dangereuses ». Nous nous concentrons ce matin sur le secteur de l’accueil, et je vous serais reconnaissante de nous donner plus de détails sur les conditions de travail dans ce milieu et de nous préciser si des pans du secteur posent plus problème que d’autres.

Mme Asalya : Pendant la pandémie, certaines migrantes ayant recours à nos services nous ont confié, au sujet du secteur de l’accueil en particulier, que les conditions de travail inadéquates ne représentent pas le seul problème. Ce n’en est qu’un parmi d’autres. Le fait qu’elles soient des femmes et qu’elles soient racisées les désavantage aussi. Elles ont porté à notre attention que l’intersectionnalité de la race, du sexe et du statut juridique les fragilise d’autant plus, surtout en milieu de travail. Elles sont victimes de discrimination en raison de leur statut juridique et de l’impossibilité à se prononcer sur leurs droits et à signaler les abus en milieu de travail. Or, cette discrimination est aussi fondée sur leur race et leur sexe.

À titre d’exemple, j’ai interviewé une migrante noire qui m’a dit avoir prodigué des soins à domicile. Elle m’a confié qu’elle était la seule, parmi tous les travailleurs, à se voir attribuer les cas de COVID, et qu’elle ne pouvait les refuser. Les problèmes surviennent dans toutes les industries et ne se limitent pas au secteur de l’accueil ou à l’économie des soins; les migrants y sont toutefois plus vulnérables à cause des conditions des emplois : aucun avantage social ou protection n’est offert, et les postes ne sont ni à long terme ni permanents. Il s’agit d’emplois intrinsèquement précaires. Le secteur de l’accueil et l’économie des soins offrent des emplois précaires que personne ne veut occuper au Canada. Nous faisons donc venir des migrantes pour les leur donner, et c’est ce qui explique que ces secteurs sont majoritairement composés de travailleurs migrants temporaires.

Mme Triandafyllidou : À mon avis, l’économie des soins diffère quelque peu du secteur de l’accueil, et j’aimerais me concentrer sur ce dernier étant donné le sujet de la réunion.

Comme je l’ai dit, il s’agit d’un secteur très stressant — mentalement et physiquement — au faible seuil d’entrée, connaissant un fort taux de roulement et offrant des salaires peu élevés. Il ne fait aucun doute que les employés sont surtout des femmes dont les caractéristiques sont intersectionnelles. Je conviens qu’on peut dresser un parallèle et affirmer que les emplois les moins bien rémunérés à l’arrière des établissements — dans les cuisines, notamment — sont habituellement occupés par les personnes racisées. Les compétences langagières jouent un rôle. Bien évidemment, les travailleurs de l’ombre sont surtout des employés ayant des compétences langagières limitées. On constate un taux de roulement très élevé. On peut se faire licencier le lendemain de l’embauche, à moins d’occuper un emploi à temps plein dans le secteur, ce qui n’est pas le cas de la majorité des travailleurs occupant des emplois élémentaires dans ce milieu. À moins d’être un travailleur à temps plein, les heures supplémentaires ne sont pas rémunérées. Si un employé travaille un quart de 12 ou 14 heures, mais que ses heures ne dépassent pas 36,25 heures pour une semaine donnée en Ontario, il ne sera pas rémunéré pour les heures supplémentaires. Les quarts de travail peuvent changer sans préavis, et l’emploi n’offre ni avantage social, ni stabilité, ni dignité. Il est certainement désavantageux de compter divers facteurs intersectionnels.

Comme je l’ai précisé, je crois qu’il importe de faire la distinction entre les personnes ayant un statut temporaire et un statut permanent. Je n’insinue pas que les personnes ayant un statut permanent se la coulent douce. Ce n’est pas le cas, mais ils peuvent au moins se prévaloir de leurs droits socioéconomiques. Les personnes au statut précaire sont particulièrement vulnérables, et je crois qu’il faut en tenir compte.

D’autre part, on constate que le secteur accueille de nombreux travailleurs — et c’est d’autant plus vrai pour les femmes — dont les compétences, les études et l’expérience professionnelle ne sont pas reconnues. On peut bien entendu se demander si le secteur peut servir de passage aux jeunes étudiants qui y travaillent avant d’accepter un emploi spécialisé dans leurs domaines d’études, ou si le milieu peut servir de tremplin aux nouveaux arrivants qui y améliorent leurs compétences langagières et y apprennent des compétences transférables comme le service à la clientèle ou la vente. Comment s’y prendre? Je pense à un projet novateur grâce auquel on tente de muter des travailleurs des secteurs du détail et de la restauration vers l’industrie agricole pour faire des avancées numériques. On tire ainsi parti des techniques de vente maîtrisées par les employés en communications — une compétence du service à la clientèle — et on inculque à ces travailleurs des notions technologiques. Je pense que c’est une autre avenue sur laquelle il faut se pencher.

Le sénateur Kutcher : Je remercie nos témoins. J’aimerais poser d’autres questions de suivi, au sujet du secteur de l’accueil. Des discussions ont eu lieu quant au risque de mauvais traitements, qu’ils soient de nature sexuelle, physique ou économique. J’ai trois questions.

Pourriez-vous nous donner une idée de l’ampleur du problème? Quelle est la proportion des personnes touchées et de quelles façons le sont-elles? Ensuite, quand les mauvais traitements surviennent, quels sont les recours ou les réparations possibles pour régler le problème, et quelle est leur efficacité? Troisièmement, parmi les moyens accessibles et utiles en ce moment, lesquels devraient être généralisés et rendus accessibles à un plus grand nombre? Enfin, qu’est-ce qui manque en ce moment, qu’est-ce qui devrait être fait et quel est le meilleur moyen pour y arriver?

Mme Asalya : Merci. Je vais répondre de mon mieux à vos nombreuses questions.

Pour ce qui est de l’ampleur du problème des travailleuses migrantes temporaires qui vivent de la violence physique au travail — ou de la violence sexuelle ou verbale et de la discrimination —, je crois qu’il est assez répandu. Nous savons d’après les recherches que ce problème est assez bien documenté depuis de nombreuses années. Malgré cela, l’étude que nous avons menée en mars 2022 a confirmé que le problème est toujours présent. Nous le savons également d’après nos interventions sur le terrain : nous écoutons directement les voix, les témoignages et les récits de ces femmes.

Nous avons fait du progrès, mais nous devons continuer à explorer des façons de protéger véritablement ces travailleuses. La mise en place de mesures de protection serait utile.

Pour ce qui est des abus qui se produisent, quels sont les recours? Je sais que le gouvernement canadien offre beaucoup d’information sur son site Web sur la manière de signaler les mauvais traitements au travail, particulièrement ceux envers les travailleurs migrants. Les renseignements sont là; la question est de savoir si les travailleurs migrants, particulièrement les femmes, obtiennent ces renseignements. Il n’est pas facile d’y accéder. Des barrières linguistiques se dressent parfois. De plus, l’employeur doit faire de la sensibilisation auprès de ces travailleuses et créer un cadre de responsabilité qui établit une procédure de signalement en cas d’incident en milieu de travail.

Mais souvent, ces femmes ont peur de signaler un incident, parce qu’elles perdent leur emploi et qu’elles sont ensuite déportées. Il n’existe donc pas de contexte sûr, de protection ou de voie tracée d’avance pour leur permettre de dénoncer ce qu’elles vivent. Voilà un enjeu qui doit rassembler le gouvernement du Canada, les milieux de travail, les employeurs et les groupes de défense des droits afin de réfléchir à des moyens sûrs de dénoncer les abus dont sont victimes ces migrantes.

Les mesures actuelles sont-elles efficaces? Je ne le crois pas. Ces femmes nous révèlent ce qu’elles ont vécu, ainsi qu’à leurs conseillers, mais il n’y a pas de suite. Lorsqu’elles nous en parlent, elles nous supplient de ne surtout pas le dire à leur employeur, parce qu’elles craignent de perdre leur emploi.

J’espère que ces commentaires répondent à certaines de vos questions.

Quant aux recommandations sur les mesures à prendre, je répète qu’il faut avoir un cadre de responsabilité et des mesures de protection. De plus, le gouvernement du Canada doit mener des vérifications régulières dans ces milieux de travail pour voir si les lois et règlements relatifs à l’emploi sont respectés pour protéger ces femmes. Bien sûr, il est essentiel d’établir un système pour que les femmes puissent signaler les maltraitances sans s’inquiéter de conséquences comme la perte d’emploi ou la déportation.

Mme Triandafyllidou : J’aimerais ajouter quelques éléments.

La proportion de travailleurs vivant des maltraitances ne peut être connue, parce qu’il s’agit par nature d’un phénomène caché. C’est un peu comme la criminalité; nous savons que certaines personnes commettent des crimes — la police les appréhende, mais nous ne connaissons pas l’étendue réelle du phénomène. Nous l’avons entendu : malheureusement, il y a de bonnes raisons de croire que le problème est relativement répandu.

Je veux souligner à nouveau, d’abord, à quel point il est important de connaître ses droits. Tous ne les connaissent pas et ne savent pas non plus à qui s’adresser. Les relations de confiance, qu’elles soient au sein de la famille immédiate, dans le cercle social ou par l’entremise d’un organisme, sont très importantes pour surmonter les barrières linguistiques. Comme vous le savez, la terminologie peut poser des difficultés, même pour des personnes qui parlent couramment la langue.

Ensuite, les travailleurs migrants temporaires, s’ils sont recrutés, arrivent munis d’un permis de travail fermé. S’ils se plaignent et perdent leur emploi, ils doivent partir. Les enjeux sont très élevés.

Nous savons qu’on a récemment permis aux étudiants internationaux de travailler dans des secteurs précis plus de 20 heures par semaine, ce qui revient à du temps plein. De nombreuses personnes ont jugé que c’était une mauvaise idée. Malheureusement, je crois personnellement que c’est positif, parce que nous savions que cela se produisait déjà et que les personnes dans cette situation sont vulnérables. Si une personne travaillait plus que ce que son permis lui permettait, elle était totalement à la merci de l’employeur, qui pouvait ensuite faire un signalement aux autorités. Bien sûr, l’employeur ne se conformait pas aux règles, mais la sanction pour l’étudiant international qui n’avait pas respecté les règles était l’annulation de son permis et la perte de son statut. Il était piégé.

Alors le problème de ces...

La vice-présidente : Permettez-moi de vous interrompre. Nous avons dépassé les cinq minutes permises. Peut-être pouvons-nous reprendre la discussion au deuxième tour.

La sénatrice McPhedran : Ma première question s’adresse à Mme Triandafyllidou.

D’autres témoins nous ont parlé des changements à nos systèmes. Vous nous faites part de bons points pratiques, aujourd’hui, et je vous remercie pour votre présence.

Voici ma question, que nous avons également posée à d’autres témoins : y a-t-il d’autres pays qui réussissent mieux que nous dans ce domaine? Devrions-nous examiner les pratiques d’autres pays? Jusqu’à maintenant, personne ne nous a fourni de tels renseignements, mais connaissez-vous des programmes à l’échelle internationale qui offrent une stabilité réglementaire et structurelle ainsi qu’une protection des travailleurs, dont nous discutons aujourd’hui?

Mme Triandafyllidou : Merci pour votre question, qui est très importante.

Vous demandez si d’autres pays réussissent mieux la transition des migrants temporaires vers la résidence permanente ou le recrutement pour le secteur de l’accueil?

La sénatrice McPhedran : Oui, et, le cas échéant, j’aimerais savoir si leurs solutions réalisent l’objectif dont nous discutons, c’est-à-dire une plus grande sécurité et une plus grande stabilité pour les travailleurs.

Mme Triandafyllidou : Je dirai que, selon moi — et cela vaut pour les travailleurs migrants temporaires et les migrants permanents nouvellement arrivés —, il ne devrait pas y avoir de mécanisme de plainte, parce que personne ne s’en servira. Les employeurs devraient être surveillés, et il devrait y avoir un mécanisme pour consulter les employés sans que les employeurs soient au courant. Ce pourrait être une ligne d’urgence où on peut porter plainte.

La surveillance doit se faire sur place. Elle ne devrait pas être en ligne; il faut que ce soit en personne. Elle ne doit pas être annoncée. Nous avons tiré de très bonnes leçons du secteur agricole. Les vérifications ne doivent pas être annoncées, et il devrait y avoir des sanctions claires contre l’employeur qui ne se conforme pas aux règles. Une formation pour les employeurs et les employés quant aux responsabilités de l’employeur envers un nouvel employé est nécessaire, particulièrement si l’employé a un statut temporaire. Il doit y avoir de la formation.

Je suis d’accord avec Mme Asalya à ce sujet : il ne faut pas se contenter de liens qui renvoient à des pages Web. Ce pourrait être une formation virtuelle sous forme de vidéo qui explique la marche à suivre.

Quant aux pays qui réussissent mieux, c’est une grande question.

La sénatrice McPhedran : Il n’y a donc pas d’autre pays? C’est quelque chose que nous devons faire? Il faut créer cela au Canada?

Mme Triandafyllidou : Je dirais que le verre est à moitié plein, et non à moitié vide au Canada. Je pense que nous nous en tirons bien, mais nous devons faire mieux.

La sénatrice McPhedran : Merci.

Madame Asalya, ma question est reliée au fait que nous sommes au lendemain de la Journée internationale des femmes. Nous voulons nous pencher, comme nous le faisons maintenant, sur la main-d’œuvre migrante, mais aussi sur la structure. Je sais qu’il n’y a pas de solution magique, mais pouvez-vous me dire quelles sont les deux principales priorités que nous devons absolument examiner attentivement et prendre en considération dans notre rapport?

Mme Asalya : Je pense qu’il y a deux éléments. Compte tenu de la conversation entourant la Journée internationale des femmes et l’accent que nous mettons sur les femmes migrantes qui s’identifient comme étant des femmes, il est nécessaire d’adopter une approche sexospécifique et intersectorielle lorsqu’il s’agit d’élaborer des politiques et de les mettre en œuvre sur le terrain.

Pour faire suite à ce que Mme Triandafyllidou a mentionné, nous pouvons notamment mettre en place une ligne téléphonique spéciale. C’est une idée fantastique, mais il pourrait y avoir aussi des travailleurs sociaux, rémunérés par le gouvernement, qui offriraient directement dans les lieux de travail des services de counselling et de soutien aux travailleurs migrants. En outre, les plaintes pourraient être traitées par le biais d’un processus confidentiel. Les migrants ont toutefois besoin de bien plus qu’un processus de traitement des plaintes lorsque survient un problème. Nous devons prendre en compte l’ensemble de la personne et son expérience d’établissement au pays. Les obstacles économiques font partie des éléments à prendre en compte, tout comme les obstacles sociaux, culturels et linguistiques. Il faut aussi mettre en place des mécanismes de protection pour les migrants.

La sénatrice Duncan : Je tiens à remercier les témoins pour leur présence aujourd’hui. Je vais céder mon temps de parole à mes collègues. Merci.

La sénatrice Greenwood : Je vous remercie toutes les deux pour votre présence. Je suis reconnaissante de pouvoir écouter cette discussion.

J’ai entendu beaucoup de recommandations relatives à la reddition de comptes, particulièrement en ce qui concerne la surveillance et la vérification des lieux de travail. Je crois que c’est très important, et j’espère que nous mettrons cela en œuvre.

Je songe au dernier commentaire concernant la présence de travailleurs sociaux dans les milieux de travail. Dans le système de santé, nous les appelons souvent des « navigateurs », car ils aident les gens à naviguer au sein du système. Nous pourrions nous en inspirer.

Ma question porte sur la connaissance, précisément la connaissance des droits et la connaissance des services offerts. Je m’interroge à ce sujet, et comme je n’en sais pas grand-chose, pardonnez-moi s’il s’agit d’une question naïve.

Avant leur arrivée au Canada, dans quelle mesure les migrants sont-ils au courant de leurs droits et des services à leur disposition au pays? Comment pouvons-nous mieux préparer les femmes et les familles pour leur arrivée dans un pays qu’ils ne connaissent pas? Une fois qu’ils sont ici et qu’ils vivent tous ces problèmes, nous ne faisons en quelque sorte qu’y remédier. Comment pouvons-nous être proactifs en ce qui a trait à la connaissance de leurs droits et de ce qui leur est offert?

Mme Asalya : Merci. C’est une excellente question.

Récemment, le Canada a mis en place des programmes avant l’arrivée. À ma connaissance, ces programmes s’adressent aux personnes qui viennent au Canada pour y résider de façon permanente, plutôt qu’aux travailleurs migrants temporaires. Je ne suis au courant d’aucun programme visant à renseigner les travailleurs migrants temporaires avant leur arrivée au sujet de leurs droits et ainsi de suite. Il serait fantastique de mettre sur pied un tel programme. Je ne pense pas que tous les organismes offrent ces programmes avant l’arrivée, mais c’est quelque chose que nous pourrions envisager.

L’enjeu, c’est que les migrants ne sont pas au courant de leurs droits avant, pendant et même après leur séjour au Canada. C’est un problème, à mon avis. J’ai aimé votre commentaire au sujet des navigateurs. C’est un rôle utile qui contribuerait à aider ces personnes, mais nos systèmes fonctionnent en vase clos. Il n’y a aucune coordination ou collaboration entre les secteurs de la santé, des services juridiques, des services d’établissement et des services d’emplois. Ils ont tous leurs propres politiques et ils ne relèvent pas tous de la compétence des mêmes ordres de gouvernement. Certains relèvent du gouvernement fédéral, et d’autres, des provinces. Les travailleurs migrants sont pris au milieu de tout cela.

Un système permettant aux migrants de bénéficier des services d’une personne qui joue le rôle de navigateur, afin d’avoir accès de manière sécuritaire à toutes les ressources, sous la forme d’un guichet unique, fonctionnerait encore mieux s’il comportait des mesures de reddition de comptes, qui permettraient de signaler les situations abusives. Comme Mme Triandafyllidou l’a mentionné, la confiance des migrants envers leur conseiller se bâtit très lentement. Il faut du temps pour gagner leur confiance et les aider en ce qui a trait à l’emploi. Ensuite, ils délaissent l’organisme et s’adressent à une autre entité pour obtenir des services juridiques. Le temps et les efforts consacrés ont des répercussions sur leurs capacités mentales et physiques. Leur parcours est long, solitaire et frustrant.

Mme Triandafyllidou : Je voudrais dire que des programmes avant l’arrivée existent, mais la plupart des gens ne le savent pas. L’information doit provenir d’une source de confiance. Les personnes auxquelles nous faisons le plus confiance sont les membres de notre famille ou nos amis plutôt qu’un organisme que nous ne connaissons pas. Nous devons prendre cela en considération. Nous savons que plusieurs organismes d’aide à l’établissement se penchent là-dessus. Mon équipe travaille à mettre en place une approche novatrice en matière de prestation de services qui s’appuie davantage sur les médias sociaux et la technologie numérique.

Cela dit, je sais que des travailleurs sociaux, ou des navigateurs, peuvent œuvrer au sein d’hôpitaux et d’employeurs importants. Toutefois, si l’employeur est un petit restaurant — et un petit restaurant peut compter 50 ou 60 employés — comment peut-il avoir recours à un travailleur social? Je ne crois pas que ce serait possible. Nous devons réfléchir à cette question.

La sénatrice Osler : Ma question s’adresse aux deux témoins. Certains témoins ont expliqué au comité que le recours aux permis de travail liés à un employeur donné augmente les chances que les travailleurs étrangers soient exploités par les employeurs. Plusieurs témoins ont préconisé des permis de travail ouverts.

Le comité aimerait obtenir votre opinion au sujet des permis de travail ouverts ou des permis de travail ouverts offrant une voie d’accès définie vers la résidence permanente. Est-ce que ces permis permettraient de mieux protéger les travailleurs étrangers temporaires, particulièrement les femmes vulnérables?

Mme Triandafyllidou : Oui, c’est certain. Les permis de travail ouverts sont essentiels pour mieux protéger les migrants. Des études menées dans différents pays l’ont démontré. À moins que votre employeur ne soit une université, comme dans mon cas, un permis de travail fermé, ce n’est pas une bonne chose.

Les permis de travail ouverts facilitent largement la transition. Comme je l’ai dit durant mon exposé, c’est un gros problème à l’heure actuelle au Canada. Il n’existe pas de solution miracle simple. Nous devons travailler sur plusieurs fronts. Nous devons rééquilibrer la stratégie en matière d’éducation internationale ainsi que l’immigration temporaire et permanente. Nous comprenons les difficultés auxquelles les employeurs sont confrontés en raison des pénuries de main-d’œuvre et de travailleurs qualifiés, alors nous devons travailler sur tous ces fronts pour rééquilibrer le système. Il y a un déséquilibre actuellement. Nous savons que ce ne sont pas tous les employeurs qui sont sans scrupules ou qui exploitent les travailleurs, mais il en existe.

La vice-présidente : Madame Asalya, avez-vous quelque chose à ajouter?

Mme Asalya : Non, je crois qu’elle a bien résumé le tout.

La sénatrice Petitclerc : Je vais poser moi aussi une question élémentaire. J’essaie de me faire une idée de la femme immigrante temporaire. Elle a la possibilité de venir au Canada. Elle arrive à l’aéroport. Est-ce que le point d’entrée n’est pas l’endroit où nous pourrions lui fournir de l’information et du soutien? Pardonnez-moi, je sais que c’est une question très élémentaire, mais pouvez-vous m’expliquer comment cela se passe? Lorsqu’une personne arrive au Canada, est-elle seule? Fait-elle partie d’un groupe? Est-ce qu’elle se présente immédiatement chez son employeur, qui exerce un pouvoir sur elle? Lorsqu’elle met les pieds au Canada, est-ce qu’elle est mise en contact avec une personne-ressource, qui connaît sa langue et sa culture? Je me demande où se situent les lacunes.

Mme Asalya : J’allais céder la parole à Mme Triandafyllidou pour la question des travailleurs temporaires, mais je peux parler de manière générale pour toute personne qui vient au Canada, et plus particulièrement de l’expérience des 16 femmes migrantes que j’ai interrogées.

Elles arrivent et, à l’aéroport, on leur remet une jolie trousse contenant une foule de renseignements, des brochures, des dépliants et des prospectus. Ensuite, elles sont livrées à elles-mêmes. Elles doivent trouver comment sortir de l’aéroport, comment trouver un arrêt d’autobus et où trouver un logis. Elles se débrouillent toutes seules.

Je ne suis pas sûre que, dans le cas des travailleurs temporaires, il y ait des arrangements avec les employeurs pour qu’ils viennent les chercher et leur apportent un soutien dès le début. Mme Triandafyllidou a sans doute plus d’information à ce sujet.

Mme Triandafyllidou : Lorsqu’il s’agit d’un travailleur temporaire, il ne reçoit aucune aide parce qu’on ne pense pas qu’on devrait lui en offrir une. Malheureusement, dans ce domaine, l’approche d’IRCC est un peu dépassée. La personne vient pour une période déterminée afin d’effectuer un travail précis, puis elle repart, mais nous savons que ce n’est pas ce qui se passe.

C’est à l’employeur, bien sûr, de fournir un soutien. Certains employeurs le font, d’autres non. Parfois, l’aide arrive trop tard. Près d’un demi-million de personnes ont été accueillies au Canada en tant que résidents permanents, et je tiens à préciser qu’il ne s’agit pas de personnes qui sont venues au Canada; elles ont été accueillies en tant que résidentes permanentes. Il ne s’agissait pas d’entrées physiques, mais d’entrées techniques. Beaucoup ont déjà passé plusieurs années dans le pays. Elles sont installées au pays et n’ont plus besoin de soutien.

La sénatrice Bernard : Je voudrais revenir sur la question que j’ai posée lors du premier tour. Alors que vous donniez tous deux des exemples de conditions de travail, j’ai pensé qu’il s’agissait de violations des droits de la personne. Je sais qu’il est difficile pour les citoyens canadiens et les résidents permanents de porter plainte en matière de droits de la personne, car le processus peut prendre des années, par exemple.

Pourriez-vous nous dire si ces travailleurs sont protégés par les lois sur les droits de la personne? De plus, avez-vous des recommandations pour prévenir ce type d’abus sur les lieux de travail? Ces questions s’adressent à l’une ou l’autre de nos témoins.

Mme Asalya : Tout d’abord, les employeurs doivent se rappeler qu’il s’agit d’êtres humains avant d’être des employés. Je pense que Mme Triandafyllidou a mentionné plus tôt dans ses remarques que les employeurs, sur les lieux de travail, se soucient des résultats et de la productivité. Le travailleur est là pour effectuer un travail et le bien-être de l’employé passe au second plan. Malheureusement, c’est ce que nous constatons souvent sur les lieux de travail, et pas seulement dans le cas des travailleurs temporaires. Les employeurs doivent faire mieux pour parvenir à ce point d’équilibre où les employés peuvent se sentir en sécurité et productifs, tout en bénéficiant de mesures de protection. Dans tout lieu de travail au Canada, c’est encore aujourd’hui un problème pour les employés de pouvoir se sentir en sécurité et de pouvoir dénoncer les abus qui se produisent.

Pour ce qui est de savoir si les travailleurs migrants disposent d’avenues ou de moyens pour déposer des plaintes en matière de droits de la personne, je suppose qu’il doit exister des moyens dans le système qui leur permet de le faire. Même si c’est le cas — je n’en suis pas sûre à 100 % —, et si cela existe vraiment, ce qui serait merveilleux, je doute que les travailleurs migrants le fassent. En fait, ils ne déposeraient même pas une plainte pour abus dans leur lieu de travail, et ils entameraient donc encore moins une procédure de plainte pour violation des droits de la personne. Ils craignent beaucoup de perdre leur emploi ou d’être expulsés. C’est difficile pour eux.

Nous pourrions faire un peu d’éducation et de sensibilisation sur les lieux de travail en fournissant des renseignements de ce genre, de même que la marche à suivre pour les immigrants qui veulent déposer de telles plaintes si des abus se produisent, mais je ne suis pas certaine que les travailleurs migrants eux-mêmes seraient réceptifs à cette idée sans craindre les répercussions que cela pourrait avoir.

Le sénateur Kutcher : En fait, je vais réorienter ma question en fonction de ce dont on vient de discuter.

Lorsque j’ai fait mes études de médecine, l’une des mesures prises par notre école, qui était unique à l’époque, consistait à fournir à chaque étudiant un mentor. C’était au début des années 1970. Si vous aviez un problème, vous alliez voir votre mentor. Cela ne semble pas être une chose très difficile à faire.

Je suis frappé par le fait que le Canada n’accueille pas les travailleurs étrangers temporaires. Nous laissons à l’employeur le soin de le faire. Nous espérons qu’il le fera. Nous ne savons pas s’il le fait. Nous accueillons des personnes vulnérables, qui ne connaissent souvent personne au pays, et nous les laissons à eux-mêmes, sans rien.

Vous n’aurez peut-être pas l’occasion de répondre à cette question maintenant, mais vous pourriez nous envoyer une note à ce sujet. Y a-t-il des mesures simples que nous pourrions prendre? La sénatrice Petitclerc a mis le doigt sur un problème. Une personne arrive au pays et doit trouver seule son chemin jusqu’à la sortie de l’aéroport. Y a-t-il des mesures simples que nous pourrions mettre en place pour amortir le choc, faire de la prévention et aider les gens? C’est ce que je vous demande. Nous n’aurons pas le temps maintenant parce que notre honorable présidente va nous interrompre. Si vous pouviez nous faire parvenir une réponse par écrit, nous vous en serions très reconnaissants.

La vice-présidente : Madame Triandafyllidou, aimeriez-vous répondre?

Mme Triandafyllidou : C’est un très bon point. Une fois encore, je tiens à faire la distinction entre les arrivées temporaires et les arrivées permanentes. Encore une fois, nous savons qu’un grand nombre d’arrivées permanentes ont en fait été temporaires auparavant. Nous savons qu’il existe des services d’installation pour les arrivées permanentes. Bien qu’il n’y ait personne pour vous prendre la main à l’aéroport, il y a beaucoup de soutien.

Les informations fournies jusqu’à présent sont présentées sous la forme d’une liste de liens. Il pourrait y avoir quelque chose d’un peu mieux, par exemple, une courte vidéo vous indiquant où aller, quoi faire, ou encore une application qui pourrait vous indiquer qui sont les gens, les organisations dans votre quartier. Ce serait donc une amélioration.

En ce qui concerne les travailleurs migrants temporaires, c’est différent. J’aime beaucoup l’idée du mentor. Nous avons des mentors à l’université. Je ne pense pas que quelqu’un ait mis cela en œuvre. Je me demande, par exemple, dans l’industrie hôtelière, quand nous savons que plus de la moitié des gens qui y travaillent sont des jeunes et que probablement deux tiers d’entre eux ont un statut temporaire ou sont de nouveaux arrivants dont les compétences sont déclassées, alors qui pourrait servir de mentor à qui? C’est un problème. Je vais toutefois me pencher sur la question et vous revenir à ce sujet.

La vice-présidente : Excellent. Madame Asalya, voulez-vous répondre brièvement?

Mme Asalya : Oui. Je citerai l’une des participantes et une conclusion merveilleuse et intéressante de cette étude. Elle m’a dit que les migrants apprennent de l’histoire des autres migrants. Lorsque je leur ai demandé comment et où les migrants trouvaient des informations, elles m’ont répondu qu’ils ne font pas confiance à Google. Ils ne font pas confiance aux médias sociaux et aux sites Web. Les migrants apprennent les uns des autres. Encore une fois, dans quelle mesure ces informations sont-elles vraiment fiables? Toutefois, ils se conseillent mutuellement, et celui qui obtient la résidence permanente en aidera un autre avec sa demande. C’est une belle idée de rendre à la communauté, mais aussi de construire sa propre communauté et de développer un sentiment d’appartenance et de résilience.

Le sénateur Kutcher : Pourquoi ne pouvons-nous pas fournir de ressources pour le faire?

Mme Asalya : Quand on veut, on peut, et c’est toujours le cas à mon avis. Je suis convaincue qu’on pourrait y arriver.

La vice-présidente : Nous tenons à vous remercier tous les deux pour la richesse et l’étendue des renseignements que vous nous avez fournis. Ils nous sont très utiles pour notre étude. En notre nom à tous, je vous sais gré du temps que vous nous avez consacré. N’hésitez pas à nous faire part de toute autre idée que vous pourriez avoir. Je sais que les discussions sont restreintes. C’est la nature même du fonctionnement des comités sénatoriaux. N’hésitez pas à contacter la greffière si vous avez toute autre information, et je peux vous assurer qu’elle la transmettra à chacun de nous.

Nous passons maintenant à notre deuxième groupe de témoins. Chers collègues, j’ai le plaisir de leur souhaiter la bienvenue. Je vous remercie tous les deux d’être avec nous. Nous accueillons Beth Potter, présidente et chef de la direction de l’Association de l’industrie touristique du Canada, et Olivier Bourbeau, vice-président, Affaires fédérales et Québec, de Restaurants Canada.

Je vous remercie tous les deux d’être avec nous aujourd’hui. Je vais vous demander de nous présenter vos déclarations liminaires. La coutume au Sénat est de chronométrer les déclarations. Vous disposez seulement de cinq minutes chacun, après quoi nous passerons aux questions.

Madame Potter, vous pouvez commencer, et je lèverai la main au bout de cinq minutes.

[Français]

Beth Potter, présidente et cheffe de la direction, Association de l’industrie touristique du Canada : Madame la vice-présidente, chers membres du comité, j’aimerais vous remercier de m’avoir invitée aujourd’hui. Mon nom est Beth Potter. Je suis présidente et directrice générale de l’Association de l’industrie touristique du Canada. Mes remarques seront en anglais aujourd’hui, mais je peux essayer de répondre à vos questions en français, si vous voulez.

[Traduction]

Avant de commencer, je tiens à préciser que je me joins à vous aujourd’hui depuis Winnipeg, depuis les territoires ancestraux des nations anishinaabeg, crie, dakota, dénée, métisse et oji-crie.

L’Association de l’industrie touristique du Canada, ou AITC, est la voix nationale du tourisme au Canada. Au nom des milliers d’entreprises touristiques, nous faisons la promotion des politiques, des programmes et d’autres initiatives qui favorisent la croissance du secteur.

Le tourisme est important. Il favorise le développement socio-économique, la création d’emplois et la réduction de la pauvreté. Il favorise la prospérité et offre des possibilités uniques aux femmes, aux minorités et aux jeunes. Les avantages vont bien au-delà des retombées directes sur le PIB et l’emploi. Les gains indirects s’étendent à l’ensemble de l’écosystème du voyage et des chaînes d’approvisionnement vers d’autres secteurs.

La pénurie de main-d’œuvre dans pratiquement tous les secteurs du tourisme est depuis longtemps considérée comme un obstacle majeur à la croissance de l’industrie. Si la pénurie de main-d’œuvre existait déjà avant la pandémie, la pandémie de la COVID a considérablement aggravé le problème. Aujourd’hui, nos entreprises ont beaucoup plus de mal à attirer et à conserver la main-d’œuvre nécessaire à la bonne marche de leurs activités.

Comme vous le savez, notre secteur a été fermé pendant deux ans. Cela a causé des torts considérables à l’industrie, dont la profondeur n’est révélée que maintenant, alors que la demande de voyages reprend. Bien que beaucoup pensent que notre secteur s’est rétabli, la pandémie de la COVID a laissé de profondes cicatrices dans notre secteur. Nous avons perdu une grande partie de notre main-d’œuvre, nous avons contracté des dettes écrasantes et les investissements ont cessé. Nous avons ouvert nos portes plus tard que nos concurrents et notre position internationale s’est dégradée.

Dans le budget de 2022, le gouvernement s’est engagé à mettre en place une stratégie de croissance du tourisme afin de reconstruire le secteur et de tracer la voie de la croissance, de l’investissement et de la stabilité. Cette stratégie sera essentielle à notre rétablissement, car aucun autre secteur n’a subi le même degré de perte et de déstabilisation.

Dans le cadre des consultations gouvernementales sur la stratégie de croissance du tourisme, l’AITC a consulté des exploitants d’entreprises de tout le Canada afin d’élaborer quatre piliers clés nécessaires pour remettre le tourisme sur les rails. L’un de ces quatre piliers concerne la nécessité d’attirer et de retenir une main-d’œuvre durable.

Notre industrie est convaincue qu’une stratégie importante doit, entre autres choses, consister à reconstituer la main-d’œuvre au sein de l’industrie. Selon les estimations les plus récentes, le secteur comptera encore quelque 250 000 postes vacants à l’été 2023.

Parmi nos recommandations figurent la nécessité de lancer des campagnes de recrutement ciblées et une stratégie axée sur la main-d’œuvre autochtone. Nous avons également recommandé d’augmenter le nombre de programmes d’enseignement secondaire, de moderniser les programmes d’enseignement postsecondaire, de lancer des programmes nationaux complets de transition vers l’emploi dans le secteur du tourisme, ainsi que d’investir dans la formation axée sur les compétences et le perfectionnement.

En ce qui concerne les mesures qui, selon nous, pourraient être mises en œuvre à court terme, nous avons recommandé de donner la priorité au tourisme et d’améliorer l’efficacité du Programme des travailleurs étrangers temporaires, d’adapter les politiques des volets d’immigration fédéraux et provinciaux existants afin d’augmenter le nombre de travailleurs affectés au tourisme et d’accroître les possibilités offertes aux étudiants étrangers.

À plus long terme, nous recommandons de travailler à la création d’un volet d’immigration dédié au tourisme et à l’hôtellerie et assorti d’une voie d’accès à la résidence permanente, et d’inciter les gouvernements à investir dans des logements abordables à proximité des principales destinations.

Cela étant dit, je vais maintenant me concentrer sur le sujet de l’étude du comité, à savoir la main-d’œuvre temporaire et migrante du Canada.

Comme je l’ai dit, la reconstruction de notre industrie dépend en grande partie de notre capacité à attirer et à retenir un nombre suffisant de travailleurs, quel que soit leur niveau de qualifications. Je souligne que les immigrants représentent une proportion importante de la main-d’œuvre dans le secteur touristique du Canada. Les immigrants reçus représentaient environ 29 % des travailleurs du secteur du tourisme en 2022. Ce chiffre est en hausse par rapport aux 26 % de 2016 et aux 23 % de 2011. La population immigrante travaillant dans l’industrie de l’hébergement et des services de restauration, plus précisément, est encore plus élevée, avec un peu plus de 31 %. Des milliers d’entreprises de notre secteur au Canada comptent sur les immigrants pour pourvoir des postes tels que chefs, directeurs de restaurants et de services alimentaires, superviseurs de services alimentaires, directeurs de services d’hébergement, cuisiniers et boulangers.

L’AITC a formulé un certain nombre de recommandations précises pour les volets immigration et main-d’œuvre temporaire dont nous serions heureux de vous parler plus en détail, notamment au sujet des points suivants : augmenter le nombre de travailleurs internationaux peu qualifiés; améliorer et rationaliser le processus d’entrée des travailleurs au Canada; réduire les coûts et les délais de traitement des demandes; rationaliser les voies d’accès à la résidence permanente; élargir les voies d’accès aux travailleurs étrangers temporaires; supprimer les exigences d’affichage de l’EIMT, ou étude d’impact sur le marché du travail, ainsi que les frais de traitement coûteux par demandeur, afin de permettre aux employeurs de gérer eux-mêmes ce programme sans dépendre des agences; instaurer un cycle de changement plus prévisible et plus stable dans la législation sur l’immigration, afin d’offrir aux employeurs plus de prévisibilité et de confiance pour investir; et, enfin, réduire les variations provinciales et municipales au Canada afin de créer une approche plus cohérente et nationale de l’immigration, à laquelle les employeurs pourront se conformer plus facilement.

Sur ce, je termine ma déclaration liminaire. Je vous remercie de votre attention.

La vice-présidente : Madame Potter, je vous remercie beaucoup. Je sais que la liste sera très importante pour nous. Veuillez nous la faire parvenir et vous pourrez sans doute nous en dire plus lors de la période des questions.

Monsieur Bourbeau, vous avez la parole.

Olivier Bourbeau, vice-président, Affaires fédérales et Québec, Restaurants Canada : Je vous remercie. Nous avons beaucoup de recommandations en commun, et je vais prendre le relais à cet égard dans quelques minutes.

[Français]

Honorables sénateurs, merci beaucoup de permettre à Restaurants Canada d’être ici aujourd’hui

[Traduction]

Les restaurants et les nombreuses petites et moyennes entreprises qui composent le secteur canadien de la restauration constituent un pilier essentiel de notre culture, de notre économie, de notre marché du travail et de nos communautés locales. Avant la pandémie, le secteur canadien de la restauration représentait une industrie de 95 milliards de dollars, employant directement 1,2 million de personnes et servant chaque jour 22 millions de clients partout au pays. Nous lançons des carrières, investissons dans la formation et sommes le quatrième plus important employeur au Canada.

Nous voyons les clients revenir dans nos restaurants et les ventes revenir lentement aux niveaux d’avant la crise de la COVID, mais la rentabilité n’est tout simplement pas au rendez-vous. Peu de gens le savent, mais même avant la pandémie, les restaurants fonctionnaient avec des marges très réduites. En effet, avant la pandémie de la COVID, un restaurant moyen réalisait une marge bénéficiaire avant impôt comprise entre 4 % et 5 %. Aujourd’hui, cette marge n’est plus que de 2 % à 3 %.

De plus, en raison de la pénurie de main-d’œuvre, nous fonctionnons à 80 % de notre capacité. Par conséquent, si vous voyez une file d’attente devant un restaurant, ce n’est pas parce qu’il est plein. C’est parce que nous n’avons pas assez de personnel pour vous servir.

Faites le calcul. Nos restaurants survivent à peine. Avec une capacité de 80 % et une marge de seulement 2 % à 3 %, cela ne fonctionne tout simplement pas.

La pénurie de main-d’œuvre est sans aucun doute la plus grande menace qui pèse sur nos entreprises. Il est donc de notre responsabilité de collaborer avec tous les échelons de gouvernement pour trouver des solutions à ce problème, afin d’éviter la disparition d’autres restaurants canadiens.

Comme la disponibilité de la main-d’œuvre devient de plus en plus problématique au Canada, les politiques d’immigration du pays jouent un rôle de premier plan pour subvenir aux besoins de nos industries. C’est pourquoi nous vous présentons nos principales recommandations dans trois domaines : la main-d’œuvre nationale, l’immigration et, de façon plus précise, les travailleurs internationaux ou, si vous préférez, les travailleurs étrangers temporaires.

Pour ce qui est de remédier au problème de la disponibilité de la main-d’œuvre nationale, nous recommandons au gouvernement fédéral d’adopter une approche à plusieurs volets : fournir un financement aux employeurs pour couvrir la formation des travailleurs non formés; améliorer les programmes qui permettent aux gens de travailler tout en recevant des prestations d’assurance-emploi ou d’aide sociale provinciale; étendre les mesures d’aide aux travailleurs vulnérables pour leur permettre de travailler dans le secteur de la restauration; et examiner ce qui pourrait être fait pour permettre aux travailleurs âgés de retourner sur le marché du travail à temps partiel plus facilement et avec plus de souplesse sans que cela n’ait d’incidence sur leur régime de retraite.

En ce qui concerne le volet immigration, nos recommandations sont les suivantes : augmenter le nombre de travailleurs internationaux peu qualifiés, comme l’a dit Mme Potter; améliorer et rationaliser le processus d’entrée des travailleurs au Canada, et je suis tout à fait d’accord avec cela; réduire les délais de traitement des demandes et le coût des demandes; faciliter et accélérer la venue au pays des familles des immigrants; mettre en place un cycle de changement plus prévisible et plus stable quant aux lois en matière d’immigration et, plus particulièrement, en ce qui a trait aux travailleurs étrangers temporaires.

Trois autres points sont à signaler. Nous vous demandons de mettre en œuvre le programme des employeurs de confiance. La Classification nationale des professions, la CNP, devrait être remodelée pour nous donner une plus grande flexibilité. Au lieu de faire venir des personnes pour des postes particuliers, les postes devraient être classés en catégories, et l’une de ces catégories devrait être dédiée à la restauration.

Le secteur de la restauration a perdu plus de 5 000 restaurants l’année dernière, et plus de 13 000 depuis le début de COVID. Aujourd’hui, la moitié des restaurants sont toujours menacés de fermeture parce qu’ils atteignent tout juste le seuil de rentabilité ou perdent de l’argent. Le soutien du gouvernement est plus que jamais essentiel pour permettre à notre secteur de se relancer sur des bases réalistes et de continuer à employer plus de 1,2 million de Canadiens. Je vous remercie de votre attention.

La vice-présidente : Je voudrais vous remercier tous les deux. Vos témoignages nous ont donné beaucoup de matière à examiner. Je rappelle à mes collègues et à nos témoins que chaque sénateur dispose de cinq minutes pour poser ses questions et obtenir ses réponses.

La sénatrice Osler : Je remercie les deux témoins. Ce comité a entendu des témoignages selon lesquels le recours aux permis de travail liés à un employeur donné a fait en sorte d’exposer davantage les travailleurs étrangers à de l’exploitation de la part des employeurs. Plusieurs témoins ont demandé que les permis de travail soient ouverts. J’ai deux questions à vous poser.

Premièrement, quelle est la position de votre secteur sur l’utilisation de permis de travail ouverts et sectoriels pour les travailleurs étrangers temporaires? Deuxièmement, quel effet aurait la mise en œuvre de permis de travail ouverts ou sectoriels sur la dotation en personnel des secteurs du tourisme et de l’hôtellerie?

Mme Potter : Tout d’abord, les permis de travail ouverts pourraient être une bonne façon pour nos employeurs de continuer à renforcer leurs équipes. Notre secteur est très axé sur les gens. Comme d’autres, nous avons entendu parler de personnes qui ont été exploitées par des agences et des sociétés tierces qui ont fait entrer des travailleurs étrangers dans le pays. Ce n’est pas la nature de notre secteur. Nous sommes, comme je l’ai dit, un secteur qui met les gens au premier plan. Les personnes qui travaillent pour nous sont le visage et la première ligne d’interaction avec les gens qui viennent au Canada. Je suis d’avis que nous devons prendre soin de nos travailleurs, qu’ils soient canadiens ou nouvellement arrivés au Canada.

M. Bourbeau : Quand on choisit quelqu’un pour venir travailler dans notre industrie, il y a un coût qui s’y rattache, mais il y a aussi du temps et des ressources. Nous nous assurons que cette personne sera la bonne pour notre industrie. Pour nous, le permis fermé n’est pas un obstacle, mais la solution que nous préconisons, c’est le réaménagement de la CNP. Plus précisément, nous aimerions que la CNP soit élargie, de sorte qu’au lieu de faire venir quelqu’un qui sera sous-chef, nous aurions trois catégories possibles : la cuisine, l’administration et le service. Ainsi, si nous recrutons quelqu’un pour la cuisine, nous aurons la possibilité de le former et de le promouvoir à d’autres postes. Nous voulons nous assurer que ces personnes continueront à travailler avec nous, qu’elles resteront dans notre industrie.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Je vais poser ma question à monsieur Bourbeau, mais bien sûr, les deux témoins peuvent répondre. Merci d’être là, tout d’abord.

Selon ma compréhension — et je pense que vous venez de le dire, monsieur Bourbeau —, il y a ces permis fermés et ce qu’on nous dit depuis le début de cette étude, c’est que cela crée un déséquilibre dans les rapports de force. Un témoin nous a amené cette idée intéressante de dire que si les conditions de travail, le respect des droits et le travail dans la dignité étaient amplifiés, valorisés et réglementés, peut-être qu’on aurait moins ce sentiment d’avoir besoin de contrats fermés. Je ne sais pas si c’est clair et je me demande si vous avez quelque chose à dire là-dessus.

M. Bourbeau : J’ai une panoplie de choses à dire et merci pour la question. Vous avez raison. Premièrement, il faut absolument que ces gens soient bien accueillis, qu’on prenne soin d’eux et qu’ils soient respectés. D’ailleurs, ce pour quoi on recommande que le gouvernement mette en place son modèle d’employeur de confiance, c’est pour s’assurer que les meilleurs employeurs en font partie.

Toutefois, je vais vous montrer l’envers de la médaille. On est ici pour vous dire les vraies choses, parce que vous devez les savoir. Cela prend beaucoup de temps et cela coûte très cher de faire venir quelqu’un ici, et on aimerait le former et le garder auprès de nous. Dans notre industrie, malheureusement pour nous, on n’a pas les mêmes salaires que dans d’autres industries. Ce qui pourrait se passer, pour nous, lors d’une pénurie de main-d’œuvre aussi grande que celle que l’on connaît actuellement, c’est qu’en raison des permis ouverts, les gens, plutôt que de vouloir se développer dans notre industrie, regardent autour d’eux et se disent qu’ils peuvent gagner un dollar l’heure de plus ailleurs, alors on les perd. On n’arrive pas à recréer ces carrières.

Près de la moitié des propriétaires de restaurants canadiens sont des gens qui sont venus ici comme immigrants. Dans notre industrie, on est très privilégié au Canada, on peut manger de la nourriture de n’importe quelle culture. On ne voit pas cela ailleurs. En une semaine, on peut manger dans n’importe quel restaurant! C’est une force pour nous, et on veut que cela continue.

[Traduction]

Mme Potter : Je suis d’accord avec M. Bourbeau lorsqu’il dit qu’il faut mettre sur un pied d’égalité les Néo-Canadiens et les personnes qui veulent venir au Canada, et qu’il ne faut pas les aligner nécessairement sur des niveaux de compétence prédéterminés, mais plutôt sur les emplois qui sont disponibles au Canada à l’heure actuelle. Comme je l’ai dit plus tôt, rien que cet été, nous aurons 230 000 postes vacants. Ce chiffre ne fera qu’augmenter au fur et à mesure que notre industrie se remettra de la pandémie. D’ici à 2030, notre secteur devra embaucher un million de travailleurs supplémentaires. Où et comment allons-nous trouver ces personnes? En réalité, ceux qui peuvent combler ce vide, ce sont les Néo-Canadiens qui veulent venir au Canada pour se construire une nouvelle vie. Ils veulent le faire avec des employeurs qui partagent leurs valeurs et ils veulent le faire d’une manière qui leur offre le maximum de possibilités pour eux-mêmes et leurs familles.

La sénatrice Bernard : Je remercie nos deux témoins. Lors de nos réunions des 15 et 16 février, notre comité s’est fait dire qu’il y a des secteurs qui ne sont pas touchés par certaines lois et certains règlements sur la main-d’œuvre ou par la Loi canadienne en matière d’immigration, et que cela crée des conditions qui permettent aux employeurs d’exploiter les migrants.

Comment compareriez-vous les droits des travailleurs étrangers temporaires par rapport à ceux des autres travailleurs du secteur de l’hôtellerie et de la restauration? Pouvez-vous nous dire comment ces droits sont exercés et protégés de votre point de vue?

Mme Potter : Si je peux me permettre, les travailleurs étrangers temporaires sont traités avec le même respect, le même professionnalisme et la même compassion que les travailleurs nationaux. Dans notre secteur, nous offrons aux travailleurs étrangers temporaires le même niveau et la même qualité de formation, les mêmes services de soutien et les mêmes avantages qu’à nos travailleurs nationaux. C’est parce que, comme je l’ai déjà dit, nous sommes une industrie humaine et nous voulons nous assurer que nos employés prennent leur travail au sérieux et qu’ils sont fiers de ce qu’ils font, car nous voulons qu’ils offrent une expérience exceptionnelle à nos clients, qu’il s’agisse d’un Canadien qui voyage à l’intérieur du pays ou de quelqu’un de l’étranger en visite au Canada.

Je dirais qu’il n’y a pas de différence dans la façon dont nos employeurs traitent les travailleurs étrangers temporaires par rapport aux travailleurs nationaux.

M. Bourbeau : Je suis tout à fait d’accord avec vous, madame Potter. J’ajouterais que c’est la raison pour laquelle nous soutenons le programme des employeurs de confiance — sur lequel nous travaillons avec le gouvernement —, car si dans certaines industries il y a un mouton noir, nous devrions interpeller cette personne et lui dire qu’elle ne respecte pas les gens et qu’elle ne devrait pas pouvoir continuer à faire travailler des immigrants ici. Nous voulons en cela continuer à montrer que notre industrie hôtelière est fière de sa diversité.

La sénatrice Bernard : Je voudrais respectueusement revenir sur cette question, car d’autres témoins nous ont dit que les conditions de travail des travailleurs étrangers temporaires dans ce secteur suscitaient de vives inquiétudes. En fait, on pourrait dire que certaines des conditions qui nous ont été décrites sur la base des recherches effectuées auprès des travailleurs étrangers temporaires dans ce secteur constituent des violations des droits de la personne. Êtes-vous en train de dire que tout le monde est traité de cette manière? En affirmant que les travailleurs étrangers temporaires sont traités de la même manière que tous les autres travailleurs, diriez-vous que tous les travailleurs travaillent dans des conditions très difficiles, dont certains témoins nous ont dit qu’elles étaient à la limite de ce que l’on considérerait comme abusif et discriminatoire, en particulier pour les personnes racisées?

Mme Potter : Je dirais que nous ne sommes pas d’accord avec votre affirmation. Je ne peux pas dire aujourd’hui que j’ai rendu visite à tous les exploitants d’entreprises touristiques du pays, même si je fais de mon mieux pour aller les voir tous. Les entreprises, les employeurs avec lesquels nous travaillons et qui sont membres de notre association, ceux qui nous accompagnent lors des missions commerciales que nous effectuons pour faire la promotion du Canada à travers le monde, ceux qui constituent l’essentiel de notre industrie, sont de bons employeurs. Comme je l’ai dit tout à l’heure, nous avons entendu parler de certains cas regrettables. Comme l’a dit M. Bourbeau, il y a de temps en temps une « pomme pourrie », mais en tant qu’industrie, nous leur demandons des comptes. Nous disons à ces employeurs qu’ils doivent changer leurs façons de faire. Ce que nous visons, c’est de construire mieux, d’avancer dans la bonne direction pour le bien de la majorité des propriétaires d’entreprises qui traitent leurs employés de façon éthique, qui respectent les travailleurs et les droits de ces derniers, et qui se comportent comme des employeurs responsables.

Le sénateur Kutcher : J’essaie de comprendre ce programme d’employeur de confiance. Je sais qu’il en a été question il y a une dizaine de mois. Je ne sais pas jusqu’où c’est allé. Je sais que le Standard Business Sponsorship — le parrainage d’entreprises normalisées — en Australie et le système de points britannique en Grande-Bretagne ont essayé de faire un peu la même chose. Je ne sais pas si ces initiatives ont fait des miracles. J’aimerais savoir ce que vos organismes font actuellement pour travailler sur un programme d’employeur de confiance avec le gouvernement canadien. Cela fait maintenant environ 10 mois qu’on en a parlé.

Par ailleurs, dans vos domaines de compétence respectifs, j’aimerais savoir ce que vos organismes font précisément pour éduquer les employeurs sur les droits des travailleurs étrangers temporaires. Vos organismes ont-ils un processus d’accréditation auquel les employeurs et les entreprises doivent se soumettre? Madame Potter, j’ai bien aimé vous entendre dire que vous êtes une industrie qui met « les gens au premier plan ». C’est une excellente expression. Avez-vous un programme d’accréditation pour que les employeurs puissent être certifiés en tant qu’employeurs qui mettent « les gens au premier plan »?

Mme Potter : Non. Nous ne sommes pas encore un organisme d’accréditation, mais nous travaillons en étroite collaboration avec les services gouvernementaux qui s’occupent de ce genre de choses. Emploi et Développement social Canada est l’un des ministères avec lesquels nous travaillons de près, notamment dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires, et nous travaillons également en étroite collaboration avec RH Tourisme Canada, un organisme financé en très grande partie par le gouvernement fédéral pour fournir ce type de formation aux employeurs à l’échelle du pays. RH Tourisme Canada est un de nos partenaires. Je siège à son conseil d’administration. Nous sommes très favorables au travail qu’il fait pour promouvoir d’excellentes possibilités de formation non seulement pour les employeurs, mais aussi pour les employés.

M. Bourbeau : Pour votre gouverne, Restaurants Canada représente aussi bien les grandes chaînes que les restaurants indépendants. Nous comprenons tous que les restaurants indépendants n’ont pas les mêmes ressources que les grandes chaînes. C’est pourquoi le personnel de Restaurants Canada est là pour les soutenir durant le processus, mais aussi pour s’assurer que chaque fois qu’un travailleur étranger temporaire arrive, l’employeur prend le temps de s’assurer que cette personne est à l’aise et qu’elle sait exactement ce qui va se passer par la suite. Les chaînes de restaurants aident parfois les restaurants indépendants. Cela se voit de plus en plus.

Le sénateur Kutcher : Avez-vous des programmes de formation que vos membres peuvent suivre et des programmes d’accréditation?

M. Bourbeau : Nous n’avons pas de programme d’accréditation. Nous avons offert une formation sur le processus, que nous travaillons à mettre à jour en ce moment même.

La sénatrice Duncan : Je remercie les témoins. Ma question sera assez directe, ce qui nous donnera peut-être un peu plus de temps.

Je représente le Yukon, et le tourisme est un élément vital de notre économie. À ma connaissance, nous avons également un programme de travailleurs étrangers qui est très bien utilisé et qui fonctionne de concert avec le gouvernement territorial et l’industrie du tourisme, bien sûr.

Je me demande si les témoins pourraient donner des exemples de la façon dont le Programme des travailleurs étrangers temporaires est utilisé à l’échelle du pays ainsi que de l’interaction qui existe dans le cadre de ce programme entre les provinces et les territoires d’un côté et le gouvernement fédéral de l’autre. La raison pour laquelle je pose cette question, c’est que nous avons entendu parler de situations où les travailleurs étrangers temporaires ne sont pas informés de leurs droits et de leurs responsabilités. L’un de ces domaines de compétence provinciale est la commission des accidents du travail. En effet, le droit et la responsabilité de signaler une blessure et la connaissance de ce à quoi les travailleurs ont droit sont des choses sur lesquelles les provinces devraient travailler auprès des employeurs et des travailleurs étrangers temporaires.

Je sais comment cela fonctionne chez moi, au Yukon. Je pense qu’il serait utile que vous fassiez part au comité — pour l’aider avec ses recommandations — des meilleures pratiques à l’échelle du pays quant à la façon dont le Programme des travailleurs étrangers temporaires est administré. Comment les provinces travaillent-elles avec le gouvernement fédéral, le programme et les travailleurs pour s’assurer que l’expérience est excellente et que les opportunités sont offertes à tout le monde?

Cette question est-elle claire pour les témoins et mes collègues du comité?

Mme Potter : En ce qui concerne les programmes de candidats des provinces et des territoires, nous avons dit que le gouvernement devrait pouvoir augmenter les objectifs d’immigration dans les régions et les secteurs clés en travaillant directement avec les provinces et les territoires afin d’élargir les domaines de compétences visés par leurs programmes de candidats respectifs. Cela permettrait de réduire les chevauchements pour les permis de travail visés par ces demandes.

Nous croyons également qu’il y aurait lieu d’adapter les politiques dans le cadre des filières fédérales et provinciales existantes. Par exemple, pour les étudiants étrangers, divers programmes sont déjà en place et il y a eu une levée temporaire de la limite d’heures de travail et de l’interdiction de travailler avec plusieurs employeurs. Cela permettra aux étudiants d’acquérir de multiples expériences dans l’environnement de travail ici au Canada et d’être exposés à différents employeurs et différents types d’emploi au sein de notre industrie. En outre, cela donnera aux personnes à charge le droit de travailler et ouvrira la porte aux subventions.

Il y a une admissibilité pour toutes les professions, et nous aimerions que les travailleurs du tourisme bénéficient d’une priorité accrue en matière d’allocation. Cela nous permettra de continuer à donner de l’autonomie à ces provinces en ce qui a trait à leurs critères de sélection.

La sénatrice Duncan : Je comprends que vous décriviez les pratiques exemplaires en ce qui concerne le programme lui-même et la façon dont il pourrait être amélioré, mais en tant que membre du comité, je m’intéresse davantage à l’expérience des travailleurs et aux soutiens qui leur sont offerts dans chaque province et territoire, ainsi qu’aux pratiques exemplaires en la matière.

Je vous sais gré de votre réponse, qui compte énormément pour le comité. Je vous demande de la présenter par écrit. Je cherche également à savoir quelles sont les pratiques exemplaires de chaque province et territoire liées à ces travailleurs.

La vice-présidente : Chers témoins, veuillez répondre par écrit à la question de la sénatrice Duncan, si vous le pouvez, et cette réponse pourra être communiquée à tous les membres du comité. Comme je l’ai indiqué au groupe précédent, je peux vous assurer que la greffière fait circuler les documents reçus. Les observations écrites font partie intégrante de notre discussion au moment où nous rédigeons notre rapport.

La sénatrice Greenwood : Je remercie les deux témoins de leur présence. J’aimerais donner suite à certaines des observations qui ont été formulées précédemment.

J’aimerais en savoir davantage sur le programme des employeurs de confiance. J’aime cette notion de certification des employeurs soucieux des personnes. Je pense qu’elle est très importante. Je vois un lien étroit entre la certification des employeurs soucieux des personnes et les employeurs de confiance. En réfléchissant à ces concepts, quelles seraient les caractéristiques d’un employeur de confiance?

M. Bourbeau : Cette désignation reposera certainement sur de nombreux critères liés à la mise en œuvre de pratiques exemplaires. Par exemple, certaines chaînes de restauration franchiront les étapes du processus de recrutement de travailleurs étrangers temporaires plus souvent que les restaurants indépendants. Elles disposent d’équipes des Ressources humaines affectées à cette tâche. Elles ont déjà mis en place des formations et des pratiques. Je ne veux pas dire qu’elles ont l’habitude de recruter ces travailleurs, mais chaque année, elles franchissent ces étapes avec un nouveau groupe et améliorent leur processus. Cependant, chaque année et chaque fois, elles doivent suivre les étapes du processus du gouvernement depuis le début, au lieu d’être reconnues pour appliquer déjà des pratiques exemplaires, qu’elles améliorent en plus. Par conséquent, pour sauver du temps et des ressources, elles devraient pouvoir sauter le début du processus, qui exige beaucoup de temps.

Mme Potter : Je vous informe que nos collègues de RH Tourisme Canada disposent d’un certain nombre de ressources à l’intention des exploitants d’entreprises touristiques qui recrutent des travailleurs étrangers temporaires et des nouveaux Canadiens en général. Ces ressources examinent les critères de recrutement et le contexte dans lequel l’employé est embauché, jusqu’aux barrières linguistiques qui pourraient exister. Ils offrent tout un recueil de bonnes pratiques pour tous les employés et employeurs. Il s’agit d’une bonne ressource en matière de pratiques pour les employeurs, et elle est à la disposition de tout exploitant d’entreprise touristique qui exerce ses activités dans n’importe quelle partie du pays.

La sénatrice Greenwood : Si nous disposons de ces informations et si nous connaissons les caractéristiques des employeurs de confiance, la prochaine étape logique consisterait à se demander comment elles sont contrôlées. Si vous disposez d’un programme d’employeurs de confiance — espérons que tous les employeurs figurent sur la liste —, je suppose que l’étape suivante est le contrôle. S’agit-il d’un contrôle interne de l’organisation ou du groupe?

Mme Potter : Il y a deux façons de voir les choses. Lorsque nous parlons d’un programme d’employeurs de confiance, nous parlons d’un programme qui serait mis en œuvre par des employés d’EDSC, puisqu’ils sont responsables du programme des travailleurs étrangers temporaires. Il s’agirait donc d’un programme dont les paramètres sont définis par EDSC et qui indique qu’il s’agit d’un employeur qui a déjà participé au programme et qui a satisfait à toutes les exigences mises en place par le ministère, que les résultats résiduels des anciens employés ont été très bons, et cetera. Le programme permettrait d’alléger le fardeau administratif de l’employeur parce qu’il serait connu comme un employeur de confiance. Il incomberait à EDSC de contrôler le programme.

En ce qui concerne les informations générales, comme le recueil dont je viens de parler, il s’agit pour l’instant d’outils d’auto-évaluation. Certes, si une accréditation est proposée par l’une des organisations, comme RH Tourisme Canada, c’est à elle qu’il incombera de contrôler cette accréditation. Pour le reste, il s’agit d’une auto-évaluation.

La vice-présidente : Madame Potter, pourriez-vous nous présenter ces outils d’auto-évaluation?

Mme Potter : Absolument.

La vice-présidente : Cela nous serait très utile pour aller de l’avant.

La sénatrice Bernard : Je vous remercie, chers collègues, de m’avoir accordé ce temps pour reprendre cette conversation.

Chers témoins, en écoutant vos observations et vos points de vue sur l’industrie, j’ai l’impression qu’il y a un réel décalage entre ce que vous observez et vivez dans l’industrie et ce que nous entendons les travailleurs étrangers temporaires dire au sujet des expériences qu’ils ont vécues, qu’il s’agisse de témoins antérieurs ou de ce que nous voyons dans la documentation. L’une des choses que nous remarquons dans la documentation, c’est que les gens parlent de ces violations des droits de la personne et de très mauvaises conditions de travail.

D’après vous, qu’est-ce qui peut expliquer ce décalage?

Deuxièmement, si j’étais un travailleur étranger temporaire travaillant dans l’un de vos secteurs d’activité, à qui pourrais-je adresser une plainte si j’étais victime de mauvaises conditions, de discrimination ou de racisme en milieu de travail?

M. Bourbeau : Tout d’abord, lorsque vous avez parlé d’un certain décalage, je dirais que c’est en effet quelque chose que nous avons lu dans les journaux ou dont nous avons entendu parler. Mais, dans notre secteur, si nous savions qu’un restaurant ou une chaîne ne respecte pas les règles et ne traite pas correctement un employé — quel qu’il soit —, il ne serait pas membre de Restaurants Canada.

Nous sommes tellement heureux et fiers que des gens viennent travailler avec nous, et la diversité de notre industrie est notre plus grande force. C’est tout simplement formidable. Nous traitons tout le monde de la même manière, même s’il s’agit d’un travailleur étranger temporaire qui n’est là que pendant quelques années. Nous voulons que cette personne s’épanouisse. Nous voulons qu’elle fasse partie de notre équipe.

En ce qui concerne votre deuxième question, à savoir à qui ils peuvent présenter une plainte, il y a des procédures mises en place par les gouvernements. Compte tenu de mon accent, vous pouvez constater que je vis évidemment au Québec. Ici, il y a des procédures en place. Les employés ont accès à des personnes-ressources et des guichets uniques avec lesquels ils peuvent communiquer pour déposer une plainte. Ces gens communiqueront avec le propriétaire de l’entreprise et prendront le relais, comme ils le feraient pour n’importe quel autre travailleur.

Mme Potter : Je soutiens les propos de M. Bourbeau. Une étude a été réalisée sur les perceptions des travailleurs dans l’industrie du tourisme. C’est avec plaisir que je la remettrai au comité. Nous entendons ces déclarations générales selon lesquelles les emplois dans le secteur touristique sont temporaires, uniquement saisonniers, peu rémunérés ou pour des débutants. Nous disposons d’études qui montrent qu’en fait, les caractéristiques de ces emplois s’écartent progressivement de ces descriptions, alors qu’auparavant, le nombre d’emplois saisonniers et, par conséquent, comme d’autres personnes l’ont dit, la fiabilité de l’emploi ou la sécurité d’emploi étaient moins prévisibles. Le nombre d’emplois saisonniers diminue, et le nombre d’emplois à temps plein augmente. Nous pouvons vous faire part de ces données et de ces informations.

Si un employeur acquiert la réputation d’avoir de mauvaises pratiques, nous lui offrirons notre aide afin qu’il les modifie. C’est une question de réputation. Nous sommes la tête d’affiche qui indique au monde que le Canada est un endroit formidable. Nous le démontrons par l’entremise des personnes qui travaillent pour nous et des expériences qu’elles offrent aux personnes qui visitent le Canada.

C’est un énorme problème de réputation, et nous ne le prenons pas à la légère. C’est pourquoi la main-d’œuvre, qu’il s’agisse d’attirer de nouveaux travailleurs dans notre secteur ou de maintenir la main-d’œuvre existante en poste, est le sujet principal de toutes les conversations que nous avons avec nos intervenants.

La sénatrice Bernard : J’ai une question complémentaire à poser aux deux témoins. Je vous remercie des réponses que vous nous avez données. Je vous en suis reconnaissante.

Des plaintes de cette nature ont-elles été adressées à l’une ou l’autre de vos organisations? Le cas échéant, ces informations sont-elles publiques? Dans l’affirmative, pourrions-nous avoir accès à ces rapports?

Mme Potter : Au cours du peu de temps que j’ai passé au service de l’AITC, je n’ai pas reçu ce genre de plainte, mais lorsque je travaillais à l’Association de l’industrie touristique de l’Ontario, il y a quelques années, nous avons fait face à une situation difficile liée à l’un des centres de villégiature qui avait fait appel à une agence de placement tierce. Lorsque nous avons examiné la situation, nous avons constaté que le centre de villégiature avait pris très au sérieux la responsabilité de traiter correctement ces employés. C’est une fois que l’employé a quitté la propriété du centre de villégiature et qu’il a été logé par cette entreprise tierce que les problèmes se sont posés.

Cela a donné lieu à une très grande discussion sur la manière de s’assurer, lorsque l’on fait appel à des entreprises tierces pour obtenir de la main-d’œuvre, que l’on travaille avec des personnes qui appliquent de bonnes pratiques et qui traitent les employés qu’elles représentent avec humanité, dignité et respect. Cela s’est produit il y a plusieurs années, mais c’est un exemple qui me passe par la tête.

M. Bourbeau : Depuis que je suis au service de Restaurants Canada, je n’ai jamais été témoin d’une telle situation. Je tiens à répéter que nous essayons d’aider les propriétaires indépendants parce qu’ils ne disposent pas des mêmes ressources que les chaînes ou les entreprises de taille moyenne. C’est la raison pour laquelle nous passons du temps avec eux, parfois même en tête-à-tête, pour les accompagner tout au long du processus et nous assurer que la personne qui est embauchée fera partie de l’équipe en entier. Nous ne voulons pas qu’elle soit perçue comme quelqu’un qui n’est là que pour un an ou deux. Non, elle fait partie d’une famille.

La vice-présidente : Je vous remercie.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Merci, sénatrice Bernard, parce que vous m’avez fait penser à une question qui va un peu dans le même sens. Je vais la poser à M. Bourbeau.

Je précise d’abord que je sais qu’il y en a et je connais des restaurateurs qui sont fantastiques et qui pratiquent leur art dans le respect, donc on en est conscient. Cela dit, on a entendu beaucoup de témoignages qui nous parlent de vulnérabilité, d’abus et de rapports de force inégaux.

Pour renchérir sur ce que la sénatrice Bernard a dit, votre défi et le défi de l’industrie, et ce qu’on a beaucoup entendu, c’est que les employés, les travailleurs, ne connaissent pas leurs droits, donc ils ne sont pas au courant des droits qu’ils ont et quand ils le sont, ils ne vont que très rarement porter plainte en raison des rapports de force, justement, et parce qu’ils ont peur.

Voici ma question : comment pouvez-vous faire pour savoir ce qui se passe dans le milieu, sachant que ces travailleurs ne porteront pas plainte? Les restaurateurs qui pourraient avoir un comportement inadéquat ne le diront pas eux-mêmes. Comment êtes-vous en mesure de savoir ce qui se passe sur le terrain? Comment réussissez-vous à être proactifs?

M. Bourbeau : Voilà une très bonne question. Nous sommes plusieurs sur le terrain. Nous rencontrons beaucoup les gens, pas seulement les membres et les propriétaires, mais les employés aussi. Cela se dit entre les employés.

Vous parlez de rapports de force, mais je parlais tout à l’heure de la liste des postes. Je ramène ce sujet parce que quand quelqu’un vient ici — je prends l’exemple de la cuisine —, qu’on emploie cette personne pour faire de la préparation et qu’elle est une perle, on voudrait la former pour qu’elle devienne sous-chef ou même chef. Par la suite, c’est fantastique pour cette personne, parce que cela lui ouvre la porte de la résidence permanente; cela lui donnera des outils.

Malheureusement, lorsqu’une personne vient ici et est bloquée dans un emploi de bas niveau, c’est peut-être une situation où la personne pourrait se sentir limitée. Cependant, dans ce cas-ci, elle est limitée malheureusement en raison de la manière dont cela fonctionne. On ne peut pas la former et on n’a pas la flexibilité nécessaire pour développer son potentiel.

Les employés se parlent beaucoup entre eux. Dans cette industrie, on est vraiment une famille. Les travailleurs étrangers ne se gêneront pas et vont poser des questions à leurs collègues. Ces derniers seront en mesure de les aider.

Depuis que je suis chez Restaurants Canada, je n’ai pas vu d’exemples de restaurateurs problématiques.

[Traduction]

Mme Potter : En tant qu’organisations fondées sur les membres, nous avons tendance à passer beaucoup de temps à nous assurer que nos membres ont accès aux informations appropriées. Qu’il s’agisse d’accès à la formation ou d’accès aux outils de communication, nous mettons ces informations à la disposition des employeurs.

D’autre part, lorsque vous entrez dans une zone réservée au personnel de l’une de nos entreprises de tourisme ou d’hôtellerie, vous y trouverez la documentation et les affiches appropriées en matière de santé et de sécurité. Vous verrez que le manuel de santé et de sécurité au travail, par exemple, est disponible. Vous verrez que les documents offerts par les provinces et les territoires se trouvent au premier plan et juste sous les yeux des employés. Il incombe à nos employeurs de fournir ces informations, et ils le font certainement. Vous le verrez. J’ai visité de nombreux couloirs d’entreprises touristiques, et je vois cette information tout le temps.

Quant à faire en sorte que le personnel se sente à l’aise de se manifester en cas de problème, c’est certainement une mesure qui est encouragée. C’est la raison pour laquelle les grandes entreprises disposent de ressources importantes, telles que des services de ressources humaines. Les petites entreprises ne disposent pas de telles ressources, de sorte que le propriétaire est souvent l’exploitant, le gestionnaire, le responsable des ressources humaines et le responsable des finances, et c’est à lui de veiller à ce que son équipe se sente soutenue. C’est son rôle et sa responsabilité. C’est ce que nous nous efforçons de soutenir en tant qu’organisation.

La vice-présidente : Je vous remercie tous les deux.

La sénatrice Greenwood : Vous avez parlé d’auto-évaluation et de critères en matière de pratiques exemplaires pour les employeurs de confiance. Considérez-vous l’auto-évaluation ou l’autocontrôle comme un outil qui soutiendra les employeurs et, par conséquent, de meilleurs milieux de travail, si vous voulez, pour les employés? Est-ce quelque chose que vos organisations ou les groupes auxquels vous appartenez... peut-être le font-ils déjà, et cela m’a échappé pendant la réunion. Ou considérez-vous que c’est une mesure que vous pourriez mettre en œuvre et qui serait utile à tous?

Mme Potter : Je dirais qu’il existe déjà des programmes d’auto-évaluation pour différents aspects des entreprises et que notre organisation n’en met aucun en œuvre, mais comme je l’ai indiqué précédemment, nous travaillons en étroite collaboration avec RH Tourisme Canada. Je pense que ce sont des outils importants.

Souvent, les employeurs, en particulier les opérateurs indépendants ou les propriétaires de petites et moyennes entreprises, sont tellement occupés à gérer leur entreprise que nous essayons de leur faciliter la tâche en leur fournissant des listes de contrôle des tâches à accomplir et en leur donnant accès aux outils et aux informations dont ils ont besoin pour nous assurer qu’ils fournissent à leurs employés tout ce qu’ils sont censés leur fournir.

C’est un travail que l’AITC entreprend. Je sais que Restaurants Canada et l’Association des hôtels du Canada prennent aussi ce travail en charge. Nous travaillons tous en étroite collaboration, car nous appartenons tous au même ensemble de secteurs qui constitue l’industrie du tourisme et de l’accueil.

M. Bourbeau : Je pense que Mme Potter a très bien résumé la situation. Je vais peut-être simplement vous rappeler que, comme je l’ai dit plus tôt, à Restaurants Canada, nous offrons aux petites entreprises une formation accompagnée d’un document long et très détaillé, pour soutenir plus particulièrement les exploitants indépendants. Nous passons ce document en revue en ce moment même, car il évolue. Pour répondre à votre question, nous nous efforcerons d’y ajouter des pratiques exemplaires. Notamment, à la fin du document, il est indiqué qu’une fois que le travailleur étranger temporaire est arrivé, nous offrons la formation. Nous ajouterons certainement quelques points à ce sujet dans le document. Je vous remercie de votre attention.

La vice-présidente : Chers collègues et témoins, je tiens à vous remercier tous très chaleureusement. Nous sommes malheureusement arrivés à la fin de la séance. Cette discussion a été très intéressante et utile. Je remercie nos deux témoins de l’aide qu’ils ont apportée à l’étude que nous avons entreprise. Je remercie tous les membres du personnel qui nous ont aidés pendant ces deux derniers jours, alors que j’avais l’honneur d’assurer temporairement la présidence. Je vous remercie tous infiniment.

(La séance est levée.)

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