LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mercredi 22 mars 2023
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd’hui, à 16 h 3 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi C-22, Loi visant à réduire la pauvreté et à renforcer la sécurité financière des personnes handicapées par l’établissement de la prestation canadienne pour les personnes handicapées et apportant une modification corrélative à la Loi de l’impôt sur le revenu.
La sénatrice Ratna Omidvar (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Je vais ouvrir cette séance du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie en souhaitant la bienvenue aux membres du comité, à nos témoins et aux membres du public qui nous écoutent. Je m’appelle Ratna Omidvar, je suis une sénatrice de l’Ontario et la présidente de ce comité.
J’aimerais commencer par faire un tour de table et par demander aux sénateurs de se présenter, à commencer par la sénatrice Bovey, vice-présidente du comité.
La sénatrice Bovey : Sénatrice Patricia Bovey, du Manitoba.
La sénatrice Bernard : Wanda Thomas Bernard, de la Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.
La sénatrice Dasko : Sénatrice Donna Dasko, de l’Ontario.
Le sénateur Cotter : Brent Cotter, sénateur de la Saskatchewan et parrain du projet de loi au Sénat.
La présidente : Chers collègues, le comité entreprend aujourd’hui son étude du projet de loi C-22, Loi visant à réduire la pauvreté et à renforcer la sécurité financière des personnes handicapées par l’établissement de la prestation canadienne pour les personnes handicapées et apportant une modification corrélative à la Loi de l’impôt sur le revenu.
Je vais prendre quelques instants pour rappeler à ceux qui participent à cette réunion et à ceux qui observent les délibérations en personne ou par vidéoconférence, que le comité a pris des mesures pour permettre à tous les témoins et à tous les membres du public de participer pleinement à l’étude du projet de loi C-22. Dans le cadre de la planification de réunions inclusives et accessibles, le comité a pris des dispositions pour que les témoins qui comparaissent en personne et les membres de notre auditoire puissent avoir accès à des services d’interprétation gestuelle en langue des signes américaine et québécoise. L’interprétation en langue des signes sera enregistrée sur bande vidéo pour être intégrée à l’enregistrement vidéo archivé des délibérations, qui sera disponible à une date ultérieure sur la page SenVu du site Web du comité.
Enfin, si, à un moment donné, quelqu’un de l’auditoire devait avoir besoin d’aide, je l’inviterais à en faire part à l’un des pages ou à la greffière qui est assise à côté de moi.
Le premier groupe de témoins est composé de l’honorable Carla Qualtrough, c.p., députée, ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et de l’Inclusion des personnes en situation de handicap. Bienvenue, madame la ministre, et merci d’avoir pris le temps de venir nous rencontrer. Je signale aux membres du comité que la ministre sera peut-être appelée à participer à des votes à la Chambre. Dans ce cas, nous suspendrons brièvement la séance, le temps qu’elle s’acquitte de son important travail de députée.
Nous accueillons également des représentants d’Emploi et Développement social Canada, soit M. Elisha Ram, sous-ministre adjoint principal, Direction générale de la sécurité du revenu et du développement social, et Krista Wilcox, directrice générale, Bureau de la condition des personnes handicapées.
Merci à vous tous de vous joindre à nous aujourd’hui.
Madame la ministre, je vous invite maintenant à faire votre déclaration liminaire. Vous disposerez pour cela de cinq minutes après quoi les sénateurs vous poseront des questions.
Vous avez la parole.
L’honorable Carla Qualtrough, c.p., députée, ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et de l’Inclusion des personnes en situation de handicap : Merci, madame la présidente, et bonjour aux membres du comité.
Merci à tous pour votre présence. Je suis honorée d’être votre tout premier témoin dans le cadre de votre étude du projet de loi C-22, Loi visant à réduire la pauvreté et à renforcer la sécurité financière des personnes handicapées par l’établissement de la prestation canadienne pour les personnes handicapées. Je précise que je m’adresse à vous depuis le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe.
Madame la présidente, honorables sénateurs, je tiens à vous remercier, ainsi que le comité, pour le travail que vous accomplissez afin d’aider à façonner la législation et la politique du gouvernement pour rendre le Canada plus inclusif à l’égard des personnes handicapées. Je sais que vous savez à quel point la communauté des personnes handicapées compte sur nous pour faire adopter ce projet de loi. J’ai été très encouragée de recevoir une lettre de plus de la moitié des membres du Sénat exhortant le gouvernement à adopter sans délai la prestation canadienne pour les personnes handicapées. Je remercie également le sénateur Cotter d’avoir parrainé cette importante mesure législative au Sénat. Au nom de la communauté des personnes handicapées, sénateur, je vous remercie.
[Français]
Lorsque j’ai pris la parole à la Chambre des communes pour débattre de ce projet de loi à l’étape de la deuxième lecture, j’ai déclaré qu’au Canada, aucune personne en situation de handicap ne devrait vivre dans la pauvreté.
Plus d’un Canadien sur cinq se déclare en situation de handicap. Nous sommes vos amis. Nous sommes votre famille. Nous sommes vos voisins. Nous sommes vos collègues. Notre communauté est diverse, talentueuse et innovante.
Malgré l’incroyable richesse de cette communauté, la dure réalité est que les personnes handicapées en âge de travailler au Canada sont deux fois plus susceptibles de vivre dans la pauvreté. Vingt-trois pour cent des personnes handicapées en âge de travailler vivent sous le seuil de pauvreté. La situation est encore plus précaire pour les personnes gravement handicapées, les femmes, les Autochtones, les personnes LGBTQ2S+ et les personnes en situation de handicap qui sont racisées.
À cela s’ajoute le fait que les personnes en situation de handicap doivent faire face à des dépenses supplémentaires spécifiques à leur handicap.
Lorsque la pandémie a frappé, elle n’a fait qu’aggraver l’expérience de la pauvreté.
Cette pauvreté trouve son origine dans la discrimination, les préjugés et l’exclusion auxquels les personnes en situation de handicap sont confrontées depuis toujours. Ces obstacles existent parce que nos systèmes, nos lois, nos politiques et nos programmes n’ont pas été conçus avec ou pour les personnes en situation de handicap.
[Traduction]
Il existe également un écart important dans notre filet de sécurité sociale fédéral pour les personnes handicapées, entre la Prestation canadienne pour enfants, la Sécurité de la vieillesse et le Supplément de revenu garanti. La communauté des personnes handicapées éprouve souvent un immense soulagement — et souvent une grande joie — lorsqu’elle atteint l’âge de 65 ans.
Pourquoi? Parce qu’à 65 ans, la Sécurité de la vieillesse et le Supplément de revenu garanti entrent en vigueur. Les personnes handicapées bénéficient d’une sécurité de revenu, souvent pour la première fois. Le niveau de pauvreté des personnes handicapées diminue de plus de 60 % entre 64 et 65 ans, passant de 23 % à 9 %.
Partout au Canada, l’aide sociale ou d’invalidité provinciale et territoriale ne permet pas aux personnes handicapées de s’élever au-dessus du seuil de pauvreté. C’est pourquoi la prestation canadienne pour les personnes handicapées vise à réduire la pauvreté et à assurer la sécurité financière. Elle vise à remédier à la disparité économique de longue date à laquelle sont confrontées tant de personnes handicapées au Canada.
Sur cette toile de fond, permettez-moi d’entrer dans les détails. La prestation canadienne pour les personnes handicapées sera établie et mise en œuvre par le biais du projet de loi C-22, le cadre juridique pour la création de la prestation, et un processus réglementaire ultérieur pour établir les détails spécifiques de la prestation. Le format-cadre de cette législation est intentionnel. C’est à dessein que nous ne prescrivons pas tous les détails dans la législation. Pourquoi? Parce que cela reflète au mieux notre engagement à « Rien sans nous » et notre collaboration permanente avec la communauté des personnes handicapées. En outre, cela nous place dans la meilleure position pour travailler avec les provinces et les territoires afin d’optimiser l’interaction des prestations.
Tout d’abord, dans l’esprit de « Rien sans nous », et reconnaissant que les gouvernements ont trop souvent imposé des obligations aux personnes handicapées, nous travaillons avec la communauté des personnes handicapées à la conception de la prestation. Les personnes handicapées sont celles qui connaissent le mieux nos besoins, nos défis et les obstacles qui nous empêchent d’accéder à la sécurité financière. Le budget de 2021 a prévu un financement pour trois ans afin de garantir la participation significative des personnes handicapées à ce processus. Ce travail est bien avancé. Nous avons clairement entendu, lors de nos consultations et de nos témoignages devant le comité de la Chambre, que les parties prenantes ne veulent pas que les décisions soient prises sans la participation significative de la communauté des personnes handicapées.
Deuxièmement, nous devons travailler en étroite collaboration avec les provinces et les territoires. Le projet de loi C-22 reconnaît le rôle de premier plan qu’ils jouent dans la prestation de soutiens et de services aux personnes handicapées. Le contexte des prestations et des mesures de soutien est complexe et varie considérablement d’un bout à l’autre du pays. Les critères d’admissibilité diffèrent d’une province et d’un territoire à l’autre. Il existe différentes définitions de handicap, différents traitements des autres revenus, différents taux de réduction, etc.
Les mesures de soutien aux personnes handicapées combinent l’aide au revenu avec d’autres services, tels que les cartes de transport, les programmes d’emploi, les équipements d’assistance et l’assurance-médicaments. Par exemple, l’Alberta a mis en place une prestation pour les personnes gravement handicapées. Les personnes doivent être substantiellement limitées dans leur capacité à travailler et leur handicap doit être considéré comme « susceptible d’être permanent ». L’Ontario offre une aide plus large et moins ciblée. Les handicaps admissibles n’ont pas besoin d’être graves et peuvent affecter le travail, les soins personnels ou la participation à la vie de la communauté. Le handicap doit durer au moins un an. Les Territoires du Nord-Ouest offrent des prestations adaptées au coût élevé de la vie dans le Nord. L’éligibilité est basée sur la capacité à effectuer les activités de la vie quotidienne. Les montants couvrent les coûts réels du logement et des services publics, sans plafond fixe.
Comme vous pouvez le constater, il n’existe pas d’approche unique. Nous devons travailler avec chaque province et territoire pour harmoniser les prestations et optimiser l’impact de la prestation canadienne pour les personnes handicapées. Et c’est ce que nous faisons. Il existe un groupe de travail fédéral, provincial et territorial, ou FPT. Il existe un plan de travail FPT que toutes les juridictions ont accepté. Nous nous sommes réunis en tant que groupe de ministres FPT responsables de l’inclusion des personnes handicapées. Je rencontre régulièrement les ministres à titre individuel. Il est entendu que la prestation canadienne pour les personnes handicapées est conçue comme un revenu complémentaire et non comme un revenu de remplacement. Elle est destinée à améliorer la situation des personnes et à les sortir de la pauvreté. Et il est entendu que nous devons travailler ensemble pour veiller à ce qu’il n’y ait pas de conséquences imprévues.
Je sais qu’une grande partie de votre débat s’est concentrée sur les « récupérations » provinciales, la crainte que les provinces ou les territoires réduisent leur soutien au revenu du montant qu’une personne reçoit de la prestation canadienne pour les personnes handicapées, ce qui n’améliorerait pas la situation du bénéficiaire.
Je note également que vous craignez que des circonstances similaires ne se produisent avec les assurances privées.
Je partage ces préoccupations et j’en ai fait part à mes homologues au niveau provincial-territorial. Je leur ai clairement expliqué qu’il s’agit d’un revenu complémentaire, destiné à s’ajouter à ce que les personnes reçoivent des provinces et des territoires. Il n’est pas destiné à remplacer les revenus existants ou à couvrir ou encore à compenser les coûts de ce qu’ils reçoivent actuellement. Il ne s’agit pas d’un revenu d’emploi ou d’une rémunération. Il s’agit d’une aide sociale complémentaire. Compte tenu de la complexité que j’ai décrite et des différentes façons dont ils traitent les revenus supplémentaires, les provinces et les territoires ont exprimé leur gratitude pour leur engagement précoce. Ils ne veulent pas se voir imposer un modèle spécifique qui ne fonctionnerait pas avec leurs systèmes. Ils partagent mon point de vue selon lequel la meilleure façon d’optimiser l’interaction des prestations est de travailler ensemble, avec souplesse et de manière stratégique.
Permettez-moi de conclure par un résumé des prochaines étapes. Une fois que le projet de loi C-22 aura reçu la sanction royale, nous passerons à la phase réglementaire du développement des prestations. Cela impliquera un engagement important et significatif auprès de la communauté des personnes handicapées en ce qui concerne la conception de la prestation, cela, fort du travail considérable qui a déjà été réalisé. Cela impliquera des négociations plus formelles avec les provinces et les territoires sur l’interaction des prestations, y compris sur la manière dont la prestation canadienne pour les personnes handicapées sera catégorisée pour le calcul des prestations. Enfin, il faudra travailler au sein du gouvernement du Canada sur la manière dont la prestation canadienne pour les personnes handicapées interagira avec d’autres prestations fédérales, et préparer nos systèmes à verser la prestation elle-même. Je suis très enthousiaste à l’idée d’entamer cette nouvelle phase, et je vous remercie d’avoir compris l’urgence de ce travail. Le travail que vous accomplissez — qui était auparavant réalisé à la Chambre des communes — est une occasion unique d’améliorer la vie des personnes handicapées au Canada. De nombreuses personnes comptent sur nous.
Je vous remercie, et je répondrai volontiers à vos questions.
La présidente : Chers collègues, comme vous avez tous des questions à poser, nous allons réduire le temps alloué aux questions et réponses à quatre minutes pour permettre à tout le monde de s’exprimer.
Je commencerai par poser une brève question. Madame la ministre, je vous remercie pour la passion qui vous anime et que l’on devine chaque fois que vous nous parlez de ce projet de loi. Merci d’avoir présenté cette mesure à la Chambre, puis au Sénat.
Comme vous le savez parfaitement et comme nous en sommes conscients, la communauté des personnes handicapées est très engagée envers ce projet de loi. Ma question sera simple et directe : êtes-vous ouverte à apporter des améliorations au projet de loi?
Mme Qualtrough : Sénatrice, je peux vous assurer que je le suis. Je suis bien sûr consciente de la nature du cadre du projet de loi — de sa structure ou de son cadre —, mais le Sénat a fait un travail fabuleux pour améliorer la Loi canadienne sur l’accessibilité. Je pense qu’il y a toujours place à l’amélioration et je suis prête à écouter vos suggestions et à les prendre au sérieux.
La présidente : Merci, madame la ministre.
La sénatrice Bovey : Madame la ministre, c’est un plaisir de vous voir. Merci de vous joindre à nous aujourd’hui. Je suis heureuse de voir que cette aide puisse être offerte à un groupe de citoyens qui sont vraiment plus vulnérables que bon nombre d’entre nous. Cependant, je ne suis pas sans m’inquiéter. Vous avez déjà parlé de la question de la récupération, qui est très importante pour moi, tout comme la nécessité de conserver d’autres services offerts dans les diverses régions, comme les fauteuils roulants, l’aide au loyer ou quoi que ce soit d’autre.
Vous avez décrit la prestation canadienne pour les personnes handicapées comme un supplément, et non comme un revenu de remplacement. Ma question porte sur ces deux points, la récupération et les services. Les provinces ont-elles accepté de ne pas récupérer cet argent? Parce que la récupération de la PCU dans ma province, le Manitoba, a été importante et a placé les gens dans une situation encore pire. Ayant été témoin de cela une fois, je suppose que j’ai besoin de l’assurance que nous n’aurons pas à en être témoins de nouveau.
Mme Qualtrough : Merci, sénatrice. J’espère avoir dit clairement que je partage vos préoccupations. C’est pourquoi nous collaborons avec les provinces et les territoires depuis le tout début.
Ce que je dirais, si cela peut vous rassurer, c’est qu’il s’agit d’un type de prestation très différent de la Prestation canadienne d’urgence, la PCU. Les systèmes, comme je l’ai dit, varient d’une région à l’autre du pays, mais ils ont en commun de faire une distinction très importante entre l’argent qui est considéré comme un revenu ou des gains d’emploi et quelque chose d’autre, comme l’aide sociale ou une sorte de revenu supplémentaire.
Plus une prestation ou un dollar est considéré comme un revenu d’emploi, plus il est probable qu’il sera traité comme un revenu de remplacement. C’est ce qu’était la PCU. La PCU était en fait de l’argent que les travailleurs recevaient pour remplacer le revenu qu’ils avaient perdu parce qu’ils n’avaient plus leur emploi ou que leurs heures de travail avaient été réduites pendant la pandémie.
Je vais vous présenter un point de comparaison qui, je l’espère, vous sera utile. Aux fins de l’Allocation canadienne pour enfants, l’ACE, que nous avons négociée en tant que gouvernement il y a près de sept ans, chaque province et territoire a accepté de l’exempter du calcul des prestations. Nous utilisons ce modèle. Elle n’est pas considérée comme un revenu de remplacement, mais plutôt comme un revenu supplémentaire. Lorsque l’on calcule les prestations pour les personnes handicapées, elle n’entre pas en ligne de compte. C’est ce que j’ai dit aux provinces et aux territoires que j’attends d’eux. Il ne s’agit pas d’un revenu de remplacement. Les provinces et les territoires comprennent que c’est l’intention. Il n’y a pas encore d’entente officielle parce qu’aucun avantage n’a encore été créé par la loi.
Nous avons des discussions et des travaux informels continus — et je sais que Mme Wilcox et M. Ram peuvent parler de ces travaux —, mais je peux vous assurer qu’il est entendu qu’il s’agit dans ce cas-ci d’un revenu de remplacement, qu’il vise à réduire la pauvreté et à améliorer la situation des gens, y compris leur accès à ces services auxiliaires. Il serait insensé de donner 100 $ par mois à quelqu’un pour lui faire perdre pour 1 800 $ de dépenses en médicaments. Cela ne les avantagerait pas. J’en suis extrêmement consciente et j’espère que nous en arriverons au même point qu’avec l’ACE.
La sénatrice Bovey : S’il y avait un amendement au projet de loi qui interdisait la récupération — comme l’interdiction est peut-être un mot trop fort, je ne sais pas quel pourrait être le libellé —, seriez-vous prête à l’accepter?
Mme Qualtrough : Encore une fois, je ne sais pas quel serait le meilleur mot non plus. Si je dis cela, c’est parce qu’il n’existe aucune loi fédérale sur les prestations qui oblige les provinces à ne pas récupérer cet argent de leur propre régime de prestations. C’est de leur ressort. Je ne suis pas sûre que nous puissions les en empêcher légalement. Qu’il s’agisse de la Sécurité de la vieillesse, ou SV, du Supplément de revenu garanti, ou SRG, de l’Allocation canadienne pour les travailleurs, ou ACT, ou de l’Allocation canadienne pour enfants, aucune de ces lois n’impose d’obligation à un autre ordre de gouvernement. Je ne sais pas si cela relève de notre compétence, mais nous examinerions sérieusement un tel amendement. Je ne peux pas vous dire comment les choses se dérouleraient sur le plan des champs de compétence. Je suis désolée.
La sénatrice Seidman : Merci, madame la ministre. Je suis heureuse de vous voir. Je me souviens de notre travail sur le projet de loi C-81 et la Loi canadienne sur l’accessibilité, et j’ai très hâte que nous commencions notre étude du projet de loi C-22. Je sais que la communauté des personnes handicapées considère qu’il s’agit d’une mesure législative vraiment essentielle qui aurait dû être présentée il y a longtemps, comme nous les entendons tous le dire et comme nous le comprenons très bien.
J’aimerais vous poser une question au sujet de la possibilité de récupération et de l’énorme préoccupation qui existe dans la communauté, non seulement en ce qui concerne les récupérations provinciales et territoriales potentielles, mais aussi en ce qui concerne l’assurance privée que souscrivent déjà beaucoup de gens dans la collectivité. C’est un grave problème.
Dans votre exposé, vous avez très bien expliqué la myriade de programmes qui existent au pays, même dans les définitions de base. Cela crée des complexités qu’il faudra régler. Je me demande quelles discussions vous avez eues à ce sujet. Pourriez‑vous nous donner plus de détails sur vos discussions, non seulement avec les provinces et les territoires, mais aussi avec les assureurs privés, quant à la façon dont ils vont aborder la question?
Mme Qualtrough : Merci. Permettez-moi de commencer par l’assurance, parce que j’ai déjà parlé du volet provincial-territorial. Comme dans le cas du régime de prestations provincial, la réglementation de l’assurance privée relève fondamentalement de la compétence provinciale. Cela dit, nous avons eu des consultations et des discussions avec des assureurs privés qui ont été très faciles et positives et qui n’ont soulevé aucune préoccupation de ma part.
Comme pour les prestations provinciales et territoriales, l’assurance privée examine l’intention du paiement. S’il s’agit d’un remplacement du revenu d’emploi, les compagnies compensent l’assurance, que ce soit pour l’indemnisation des accidentés du travail ou l’assurance invalidité, une personne qui ne travaille pas ne gagne pas de revenu. Je pense que l’association de l’industrie de l’assurance a écrit à votre comité pour expliquer comment elle procéderait, mais elle considère qu’il s’agit d’un avantage social — je crois que c’est ainsi qu’elle le définit —, auquel cas elle ne compense pas les avantages sociaux. Elle ne compense pas le SRG ni l’Allocation canadienne pour enfants. Ce ne sont pas considérés comme des revenus d’emploi ou des revenus qui doivent être compensés.
Je ne veux pas minimiser les préoccupations. Ce ne serait pas juste. Les gens sont légitimement préoccupés, mais ce n’est pas quelque chose qui m’inquiète au plus haut point. Je suppose que nous pourrions conclure un protocole d’entente. Cela ne figure pas en tête de ma liste de préoccupations à ce sujet, et je pense que nous avons eu des discussions très positives avec eux.
La sénatrice Seidman : Il y a une question que se pose la communauté, et en fait, j’ai entendu David Lepofsky la poser. Il voulait savoir si le gouvernement fédéral était prêt à permettre que la prestation canadienne pour les personnes handicapées soit versée aux personnes handicapées dans une province ou un territoire qui a signé une entente avec le gouvernement fédéral, même si d’autres provinces ou territoires n’ont pas signé d’entente de non-récupération.
Mme Qualtrough : Tout d’abord, il s’agira d’un paiement mensuel direct versé aux particuliers. Cela se produira, peu importe qu’il y ait un protocole d’entente dans leur province ou territoire ou non. En fait, idéalement, ces ententes devraient précéder le premier paiement. En aucune façon quelqu’un ne serait pas payé parce que nous n’avons pas conclu d’entente avec sa province ou son territoire. Je ne veux pas que cela se produise parce que je ne veux pas que ce paiement soit compensé ou récupéré, mais tout le monde peut être assuré qu’aucun bénéficiaire ne sera pris en otage alors que nous négocions ces ententes avec les provinces et les territoires, et je tiens à ce que cela soit parfaitement clair.
La sénatrice Osler : Merci, madame la ministre, de vous joindre à nous aujourd’hui. L’article 9 du projet de loi porte sur les paiements effectués au titre de la prestation proposée. L’alinéa 9d) stipule que la prestation peut être saisie en vertu de la Loi d’aide à l’exécution des ordonnances et des ententes familiales.
J’ai deux questions. Premièrement, pourquoi une prestation qui n’est pas un revenu serait-elle assujettie à une telle saisie? Deuxièmement, pourquoi ne pas harmoniser la disposition sur la saisie avec celle des provinces ou des territoires, de sorte que si une prestation provinciale ou territoriale semblable pouvait être saisie, celle-ci pourrait également l’être, et vice versa?
Mme Qualtrough : Je vais laisser Mme Wilcox répondre à cette question plus technique dans un instant. Mais à un niveau très élevé, sénatrice, cette mesure est inspirée de la Loi modifiant la Loi sur la sécurité de la vieillesse (Supplément de revenu garanti) afin d’uniformiser le traitement de la prestation entre les provinces et les territoires de manière à ce que le revenu d’une personne ne soit pas traité différemment d’une province ou d’un territoire à l’autre. Ai-je bien raison sur ce point?
Krista Wilcox, directrice générale, Bureau de la condition des personnes handicapées, Emploi et Développement social Canada : Oui.
Mme Qualtrough : Merci. Avez-vous quelque chose à ajouter?
Mme Wilcox : Oui. L’autre raison pour laquelle nous avons inclus cette disposition, c’est par souci d’uniformité avec l’ensemble des prestations fédérales en général, donc pas seulement le SRG, mais d’autres prestations fédérales qui sont semblables, c’est-à-dire, tout en gardant à l’esprit l’intention sous-jacente, qui est de veiller à ce que les femmes reçoivent un revenu lorsqu’il y a une ordonnance familiale en place, par exemple. Le traitement est uniforme dans l’ensemble de nos politiques. Par exemple, l’impôt sur le revenu est traité de la même façon que le crédit pour TPS, et c’est la même chose dans ce cas-ci. C’est pour protéger les femmes et les enfants dans des conditions plus vulnérables, probablement aussi dans la pauvreté.
La sénatrice Osler : Madame la ministre, l’article 14 du projet de loi C-22 comporte une disposition d’entrée en vigueur au plus tard au premier anniversaire de la sanction royale.
Vous avez dit que les prochaines étapes allaient consister notamment à peaufiner le règlement, mais votre ministère a-t-il commencé à y travailler en ce qui concerne l’admissibilité en prévision de l’entrée en vigueur du projet de loi? À quel moment les Canadiens peuvent-ils s’attendre à recevoir la prestation canadienne pour les personnes handicapées?
Mme Qualtrough : Merci pour ces questions importantes. Je répondrai d’abord à la deuxième question. On ne peut pas garantir quand, par exemple, ce projet de loi recevra la sanction royale, ce qui veut dire que je ne peux pas vous dire quand le processus réglementaire va commencer ou quand il va se terminer. Supposons que le jour suivant la sanction royale, le processus de réglementation entre en vigueur. Compte tenu de tout le travail que nous avons déjà fait — c’est-à-dire les consultations massives, les sondages, le financement des organisations nationales pour communiquer avec leurs membres et leurs collectivités afin d’obtenir des commentaires —, nous prévoyons un délai réglementaire de 12 mois. Nous devons toujours trouver un juste équilibre entre la nécessité de s’engager de façon significative et le désir de verser de l’argent aux contribuables. En supposant que le délai soit ce qu’il est, ce qui est notre meilleure estimation, après l’entrée en vigueur du règlement, nous pourrons rapidement offrir la prestation par la suite.
Ce que je dis constamment, c’est que la prestation sera versée en 2024. Encore une fois, cela dépend du moment où la sanction royale fait débuter cette période de 12 mois.
Le sénateur Cotter : Merci, madame la ministre, d’être parmi nous aujourd’hui. Hier, tous mes collègues du Sénat et moi avons reçu une lettre de plus de 800 signataires et de 238 organisations et experts représentant la communauté des personnes handicapées qui exhortent le Sénat à faire avancer le projet de loi C-22 sans délai ni amendement. En particulier, on peut y lire ce qui suit :
Nous croyons que ces processus seront entamés de bonne foi par le gouvernement, les intervenants et les personnes en situation de handicap. Nous avons hâte de tirer profit de cette occasion historique pour un processus accessible et inclusif d’élaboration de réglementation [...] Il en est d’ailleurs question dans le projet de loi.
À la lumière de ce qui précède, pouvez-vous nous en dire davantage sur la façon dont ce processus de réglementation se déroulera et nous dire si vous êtes d’accord pour dire qu’il s’agit d’un moyen plus approprié de faire avancer le dossier et de répondre à ces préoccupations légitimes plutôt que d’apporter des amendements au projet de loi à cette étape-ci?
Mme Qualtrough : Merci, sénateur. Absolument, c’est la voie que je préfère. C’est ainsi que nous structurons le processus. Je peux vous assurer qu’il y aura un processus réglementaire rigoureux et transparent auquel participeront les personnes handicapées. C’est ma promesse et mon engagement depuis le début. Grâce aux amendements présentés à la Chambre, qui, je le crois fermement, ont créé plus de surveillance parlementaire et plus d’exigences en matière de collaboration avec la communauté, nous devons faire rapport aux deux Chambres dans un délai de 6 mois sur la mesure dans laquelle nous avons consulté la communauté des personnes handicapées et dans un délai de 12 mois au sujet des règlements qui ont été mis en place et de leur état d’avancement. Ce sont d’excellents outils de surveillance, mais nous avons établi un processus exhaustif qui comprend des tables rondes, des séances d’information technique et une période de consultation publique. L’idée, c’est qu’en siégeant en face de la communauté des personnes handicapées, en retroussant nos manches et en travaillant sur tout cela, nous obtiendrons les meilleurs commentaires sur ce à quoi cela devrait ressembler et sur la façon dont nous pouvons éviter les écueils ou les obstacles potentiels dans son développement.
Je pense que la communauté des personnes handicapées veut que nous lui fassions confiance, et qu’elle se sent à la hauteur. Je serai à la table et nous serons à la table avec eux et nous nous appuierons sur tout le travail que nous avons accompli ensemble au cours des huit dernières années. Il s’agit d’un exercice de renforcement de la confiance qui a commencé avec la Loi canadienne sur l’accessibilité dans le cadre des consultations les plus accessibles et les plus inclusives jamais menées au pays. Notre communauté a grandi à partir de là.
La sénatrice Moodie : Merci, madame la ministre. C’est un plaisir de vous revoir. Ma question porte sur le processus. Les médecins ou les fournisseurs de soins de santé auront-ils un rôle à jouer en ce qui concerne ce projet de loi? À l’heure actuelle, un certificat doit être rempli par un fournisseur de soins de santé pour qu’une personne puisse demander le crédit d’impôt pour personnes handicapées, ou CIPH, un processus qui n’est pas sans poser problème. Il y a un manque de clarté, des limites aux critères d’admissibilité, beaucoup de temps consacré à la paperasserie et ainsi de suite.
Comment proposez-vous que ce processus soit ajusté afin d’améliorer son efficacité et de maximiser son succès pour les particuliers en ce qui concerne le projet de loi C-22 et la prestation canadienne pour les personnes handicapées?
Mme Qualtrough : Merci, sénatrice. Je pense que vous avez mis le doigt sur un élément important qui doit être fait, à savoir la participation communautaire et le soutien nécessaire pour que les gens puissent avoir accès à cette prestation, quels que soient les critères d’admissibilité qui seront éventuellement mis en place, y compris une forme de certification comme le crédit d’impôt pour personnes handicapées et la collaboration avec la communauté pour mettre en place ce genre de mesures. Par exemple, nous avons récemment élargi le type de professionnels de la santé qui peuvent remplir une demande de CIPH. Comme un plus grand nombre de professionnels peuvent maintenant le faire, les gens ont de meilleures possibilités de faire remplir les documents requis.
Nous discutons également avec les provinces et les territoires d’une demande conjointe lorsque c’est logique. Par exemple, vous n’auriez pas à consulter votre médecin deux fois. Si vous présentiez une demande, vous rempliriez le deuxième formulaire en même temps. L’expérience de l’utilisateur serait intégrée.
L’accès à un médecin nous préoccupe tous. En toute franchise, je dois vous dire qu’à l’heure actuelle, vous devez payer pour faire remplir le formulaire pour le CIPH. C’est aussi un obstacle. Nous cherchons des moyens de réduire ces obstacles au moyen de mécanismes comme des organisations qui mettent des cliniques à la disposition de leurs membres où les médecins peuvent traiter plusieurs demandes en même temps, ou qui mènent des campagnes de sensibilisation, des campagnes d’information et le financement de comptoirs d’information fiscale pour que les gens puissent produire une déclaration de revenus et avoir accès à ces prestations s’il s’agit d’un crédit d’impôt pour personnes handicapées.
Nous avons un certain nombre d’idées. En fait, la plupart nous ont été soumises par la communauté des personnes handicapées pour s’assurer qu’en plus du travail que nous faisons techniquement, nous offrions un soutien et une mobilisation communautaires qui permettront à toutes les personnes admissibles d’y avoir accès.
La sénatrice Moodie : Est-ce que les fournisseurs de soins de santé et les groupes que vous avez identifiés participeront à ce travail de réglementation?
Mme Qualtrough : Je vous prie de m’excuser. Pour ce qui est des consultations, oui.
Le sénateur Kutcher : C’est un plaisir de vous revoir, madame la ministre. Je vous remercie d’être parmi nous aujourd’hui et de votre travail remarquable dans ce domaine important.
Pourriez-vous nous dire ce qui a déjà été fait ou qui est en cours de discussions avec les provinces et les territoires au sujet de cette approche réglementaire qui nous donnera un peu l’assurance que ce modèle cadre a de bonnes chances de fonctionner?
Mme Qualtrough : Oui, il y a tellement de travail qui a été fait. Nous sommes très fatigués. Nous avons travaillé très fort dès le départ avec les provinces et les territoires dans ce dossier. Cela a commencé par une réunion ministérielle fédérale-provinciale-territoriale où nous avons expliqué cette idée et annoncé que nous voulions présenter ce projet de loi. Cela signifiait que nous allions travailler tous ensemble, en comprenant que tout le monde autour de la table avait des critères d’admissibilité différents et des approches différentes des structures de prestations. Nous avons dû trouver aussi un moyen d’établir une prestation nationale qui ne variait pas d’une province et d’un territoire à l’autre et qui, comme toutes les autres prestations fédérales, était la même, quelle que soit la province ou le territoire où vous viviez.
Cela a donné lieu à beaucoup de travail au niveau des fonctionnaires, ce qui a abouti au plan de travail dont j’ai parlé, qui est un plan de travail FPT auquel toutes les provinces et tous les territoires ont adhéré avec nous, où des recherches sont effectuées sur l’interaction des prestations, des analyses de l’environnement sont en cours pour voir où l’offre est cohérente et vérifier à quels autres services et mesures de soutien l’accès doit toujours être assuré.
Il y a eu bon nombre d’élections dans les provinces et les territoires. J’ai parlé à un si grand nombre de ministres provinciaux et territoriaux, au cours de la dernière année et demie, que je n’arrive même pas à les compter. Je discute régulièrement avec mes collègues, et ils sont très reconnaissants de cette interaction précoce, qu’il s’agisse de modifier leur règlement pour ajouter un élément qui n’est pas pris en compte dans le calcul des prestations, de modifier la loi ou de présenter un projet de loi.
Dans certaines provinces, vous pouvez être admissible à des mesures de soutien aux personnes handicapées en raison de votre affiliation à une organisation, et ce serait tout. Si vous êtes membre d’un organisme X, vous êtes considéré comme admissible. De toute évidence, ce n’est pas uniforme à l’échelle du pays, alors nous nous penchons vraiment sur la question.
Madame Wilcox, ai-je oublié quelque chose?
Mme Wilcox : La seule chose que j’ajouterais, c’est que nous travaillons avec les provinces et les territoires à l’élaboration d’un modèle de microsimulation, qui nous permettra essentiellement d’examiner l’interaction entre les prestations provinciales-territoriales et fédérales. À l’heure actuelle, nous n’avons pas ces données, et nous avons réussi à conclure des ententes avec six provinces pour fournir des données à Statistique Canada, ce qui nous permettra, au moment de concevoir les prestations, de vraiment examiner les interactions avec les prestations provinciales et territoriales. Il s’agira d’un gain stratégique à long terme dans le domaine de l’invalidité dans son ensemble, de sorte que lorsque les provinces modifieront leurs prestations, elles pourront aussi examiner l’incidence sur leurs citoyens et la façon dont elles se comparent aux prestations d’autres gouvernements provinciaux.
La présidente : Merci beaucoup.
[Français]
La sénatrice Petitclerc : Je vais poser ma question en français. Bien sûr, vous pouvez répondre dans la langue de votre choix.
Merci beaucoup, madame la ministre, d’être parmi nous aujourd’hui et merci pour tout le travail que vous faites.
Comme plusieurs l’ont dit, c’est un projet de loi qui nous remplit d’espoir. En même temps, à cause de sa nature, c’est un cadre qui laisse beaucoup de points d’interrogation. L’une de mes inquiétudes est de savoir ce que les gens vous ont dit, lors des consultations, au sujet de l’importance de cet avantage, un avantage qui est associé à la personne en situation de handicap et qui ne dépend pas des différences de revenu d’une cellule familiale.
Je pose la question, parce qu’on sait qu’une personne en situation de handicap peut parfois aussi se retrouver en situation de vulnérabilité, et c’est encore plus vrai quand on parle des femmes en situation de handicap. Quelle est votre perspective à cet égard?
[Traduction]
Mme Qualtrough : Je vous remercie de la question. Il s’agit d’une discussion importante et d’une question qui tient à cœur à de nombreuses personnes handicapées au pays, et c’est un très bon exemple de question qu’il est préférable de régler par voie de réglementation en raison de sa complexité.
Nous devons vraiment comprendre l’interaction entre les prestations au niveau très technique pour comprendre comment les prestations seront calculées. Dans certaines provinces, le calcul est individuel; dans certaines autres, il est basé sur le revenu familial et dans d’autres encore, il est fondé sur le revenu du ménage. Il s’agit de comprendre, si je n’ai pas de revenu et que mon conjoint gagne 150 000 $, comment cela fonctionne dans ma province et comment nous superposons un régime de réglementation fédéral; de comprendre, pour une personne de 45 ans qui a une invalidité grave, qui reçoit des prestations provinciales et qui vit avec ses parents, que leur revenu n’est pas calculé aux fins de la prestation provinciale et que cela aura une incidence sur son admissibilité au niveau fédéral; de comprendre l’exemple de deux personnes mariées qui reçoivent à la fois la prestation fédérale et des prestations provinciales. Au niveau provincial, leurs prestations peuvent être touchées ou non par le fait que leur conjoint reçoit également des prestations provinciales. Si ces deux mêmes personnes étaient colocataires, leur revenu serait traité différemment.
C’est un exemple parfait de la raison pour laquelle nous avons besoin des données dont parle Mme Wilcox et pour laquelle nous devons nous pencher sur cette question dans le cadre du processus de réglementation, écouter attentivement et respecter les souhaits de la communauté des personnes handicapées à cet égard. La réponse honnête, c’est que nous ne le savons pas encore parce que nous allons travailler avec les règlements, mais c’est probablement le meilleur exemple de la complexité en cause. Je ne sais pas comment je pourrais légiférer sur ce que je viens de dire. Il faudrait procéder par voie de règlement.
La présidente : Merci, madame la ministre.
La sénatrice Bernard : Merci, madame la ministre, d’être parmi nous cet après-midi. Ma question porte sur l’invisibilité, qui semble être un sujet important à soulever ici aujourd’hui.
Dans le cadre de mon travail auprès des Afro-Néo-Écossais handicapés, j’ai entendu à maintes reprises que les problèmes de justice pour les personnes handicapées sont invisibles dans les luttes de la communauté noire. J’ai aussi entendu dire, et je le sais d’après les documents sur le sujet, que les questions d’équité raciale ne sont pas vraiment bien examinées dans les communautés de personnes handicapées. Ma question est la suivante : comment avez-vous examiné les questions d’intersectionnalité et d’équité raciale dans le cadre de votre travail avec les communautés pour élaborer ce projet de loi? Et lorsque vous parlez de participation significative avec les communautés de personnes handicapées après l’adoption de ce projet de loi, comment allez-vous examiner les questions d’intersectionnalité et d’invisibilité des questions d’équité raciale dans les discussions sur les personnes handicapées?
Mme Qualtrough : Je vous remercie de cette importante question. Nous adoptons une approche intersectionnelle dans ce travail. Nous avons rencontré les représentants de la ASE Community Foundation for Black Canadians with Disability, j’espère que c’est bien le nom exact de l’organisme. Nous avons rencontré des membres d’Indigenous Disability Canada. Nous rencontrons des représentants de RAFH Canada, le Réseau d’action des femmes handicapées du Canada, qui s’intéressent particulièrement à la politique et aux décisions du gouvernement et qui nous conseillent sur la meilleure façon de procéder. Je n’ose même pas imaginer la gravité de la situation si nous ne faisions pas ce travail, mais nous le faisons.
Mme Wilcox : Nous avons organisé une table ronde avec des personnes racisées handicapées dans le cadre de notre engagement préalable, et nous avons entendu leurs préoccupations précises au sujet de la conception des prestations, mais aussi, en particulier, au sujet de la mise en œuvre et de certains des principaux problèmes qu’elles ont constatés. J’ai une statistique à vous communiquer, à savoir que 40 % des personnes handicapées noires vivent dans la pauvreté. Nous savons donc que les personnes handicapées racisées sont beaucoup plus susceptibles de vivre dans la pauvreté profonde que les autres Canadiens. C’est un dossier important auquel nous continuerons de travailler avec un certain nombre de nos partenaires dans le cadre de la conception de ce projet.
La sénatrice Bernard : Je vous invite à garder à l’esprit que ces questions varient sensiblement d’une région à l’autre du pays. Les habitants des collectivités rurales et éloignées vivent des expériences très différentes de celles des citoyens des grands centres urbains.
Mme Qualtrough : Peut-être pouvons-nous compter sur vos conseils. J’aimerais que nous parlions aux gens à qui vous parlez.
La sénatrice Bernard : Je serais heureuse d’y pourvoir.
La sénatrice Dasko : Merci de vos observations, madame la ministre. Je me souviens encore du projet de loi C-81. C’était la première fois que j’apportais un amendement à un projet de loi. L’amendement a été accepté par le Sénat, puis par le gouvernement. J’en ai donc un souvenir très précis.
Merci d’être parmi nous. Mes questions portent sur le sujet de l’admissibilité dont vous parliez tout à l’heure. Le projet de loi dit bien que l’admissibilité sera établie par règlement, mais j’aimerais aller un peu plus loin.
Nous avons des critères d’admissibilité en fonction du revenu. Il doit y avoir des critères d’admissibilité en fonction du degré de validité, qui concernent donc les personnes handicapées.
J’aimerais que vous commenciez par le deuxième aspect. J’essaie de comprendre. Je sais que Statistique Canada a progressivement modifié sa définition du handicap. Je voudrais comprendre la définition que vous utilisez. Y a-t-il une définition de Statistique Canada qui y correspond ou qui recoupe ce que vous faites, ou allez-vous créer de nouvelles définitions?
Je comprends aussi que la notion de handicap est une construction sociale évolutive. Je suis à peu près certaine de savoir ce que cela signifie, mais j’aimerais connaître votre point de vue et savoir en quoi cela se répercute sur la définition de cette notion. À commencer par les données et par le recoupement ou l’interaction de ces deux dimensions de l’admissibilité.
Mme Qualtrough : Merci. Il faudrait que quelqu’un s’occupe du temps qui m’est accordé pour répondre. Nous avons consacré beaucoup de temps à nos consultations sur la LCA, la Loi canadienne sur l’accessibilité. Je suis ravie que votre premier amendement ait porté sur la LCA, c’est intéressant.
Dans la Loi canadienne sur l’accessibilité, nous avons élaboré la définition de « handicap » à partir de celle qui est énoncée dans la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées. C’est incroyablement vaste. Cela comprend la santé permanente, temporaire, épisodique et mentale, et le handicap y est considéré comme la relation et l’interaction entre une déficience et un obstacle.
Cette définition, selon la lettre de mandat que m’a adressée le premier ministre, va imprégner le travail du gouvernement du Canada, et c’est déjà commencé. Vous savez peut-être que l’un des amendements apportés par la Chambre au projet de loi C-22 visait à y incorporer cette définition. C’est la définition de « handicap » qu’utilise le gouvernement du Canada, et elle dépasse même le modèle social de cette notion.
Donc, historiquement, nous avons évidemment d’abord le modèle médical, puis le modèle social. Il s’agit presque d’un modèle identitaire. Comme personne s’identifiant comme personne handicapée, ce n’est pas à mon gouvernement de me dire que je n’ai pas de handicap. Mais il se peut que mon gouvernement me dise que je gagne trop d’argent pour obtenir cette prestation ou qu’il impose d’autres critères d’admissibilité, mais, sur le plan philosophique, je le décrirais plutôt, de façon constructive, comme une sorte de modèle d’identité sociale.
Cela dit, la réalité, c’est qu’à l’heure actuelle, nous n’avons pas de liste ou de catégorie de personnes handicapées qui répondent à cette définition ou qui même ont accès aux programmes et aux services du gouvernement fédéral qui leur sont destinés. Durant la pandémie, entre autres difficultés, nous voulions désespérément faire un paiement unique, mais nous n’avions pas de liste. Je peux vous parler de tous les enfants de moins de 16 ans et de tous les aînés de plus de 65 ans. Mais je ne peux pas vous donner de liste des personnes handicapées, car nous n’avons pas ces données.
Pendant la pandémie de COVID-19, nous avons fusionné une liste des prestataires d’invalidité du Régime de pensions du Canada avec une liste des prestataires d’invalidité d’Anciens Combattants Canada et une liste des personnes admissibles au crédit d’impôt pour personnes handicapées, et nous leur avons versé la prestation unique.
La sénatrice Burey : Je suis heureuse d’être parmi vous. Votre enthousiasme est contagieux. Je peux voir la quantité de travail — ou plutôt, je peux sentir la quantité de travail et d’énergie que vous avez investie. J’ai travaillé comme pédiatre auprès de beaucoup d’enfants et j’ai souvent rempli des formulaires d’invalidité. Je connais donc très bien les processus, les obstacles, etc.
Mes éminents collègues ont posé beaucoup des questions que je voulais poser. Je vais donc approfondir un peu une question sur l’argent. Le montant des prestations n’a pas encore été déterminé, c’est entendu, mais quel est le coût total annuel du programme selon les prévisions du gouvernement fédéral? Le DPB, le directeur parlementaire du budget, a-t-il participé à l’établissement des coûts du programme? Je m’intéresse évidemment au rendement potentiel de cet investissement puisque, comme on le sait, c’est un investissement fondé sur le fait que l’amélioration de la santé physique et mentale est liée à la réduction de la pauvreté. À vous de jouer, madame la ministre.
Mme Qualtrough : Tout d’abord, je vous remercie de le considérer comme un investissement, car c’est précisément cela. On sait que, quand les gens peuvent vivre dans la dignité, la confiance et la sécurité, financièrement et autrement, il y a beaucoup plus de choix pour tout le monde.
Je vais mettre mon chapeau de ministre de l’Emploi un instant. Nous perdons énormément de talent, de créativité et d’innovation dans ce pays parce que nous n’avons pas accès aux personnes handicapées quel que soit le secteur d’activité, mais je vais parler d’emploi quant à moi.
Pour ce qui est du coût, nous avons travaillé avec le directeur parlementaire du budget sur une méthode de calcul des prestations, mais nous n’avons pas le total, parce que nous n’avons pas encore les chiffres. Une partie du processus réglementaire consistera, au fur et à mesure des travaux en cours avec les provinces et les territoires, à déterminer comment nos prestations interagiront. Des discussions auront lieu avec la collectivité.
Je considère cette prestation comme un modèle, et voici comment : pour les aînés, nous avons la Sécurité de la vieillesse et le Supplément de revenu garanti. Pour les personnes handicapées, le volet SV est le système de prestations provincial-territorial. Nous sommes l’équivalent du SRG. Nous versons un supplément aux gens dont les revenus sont inférieurs à un certain seuil pour les sortir de la pauvreté. Par exemple, nous savons que les seuils officiels de pauvreté au pays sont régionaux et qu’ils varient entre 19 000 et 25 000 $. J’ai dit que cela s’inspirait du SRG. Nous savons combien les gens reçoivent sous forme de SRG chaque année. Nous savons ce qu’ils reçoivent en prestations d’invalidité du RPC et nous connaissons les montants provinciaux de soutien aux personnes handicapées. Nous essayons de combler l’écart entre le seuil de pauvreté et ce que les gens obtiennent dans leur province. C’est à partir de cette approximation que nous travaillons.
Nous n’avons pas encore de chiffres précis. Ce sera déterminé dans le cadre des processus budgétaires, c’est-à-dire bientôt, mais je ne parle pas au nom du ministre des Finances quand je dis cela; s’il vous plaît, ne me citez pas. Nous n’avons pas grand‑chose à financer pour le moment, de sorte que ce n’est pas imminent, mais notre engagement à livrer ce projet d’ici la fin de 2024 passera par une décision budgétaire. Vous connaissez le cycle budgétaire. Je dois faire très attention, cinq jours avant le budget, quand je parle d’un travail qui n’est pas le mien. C’est probablement le mieux que je puisse dire en matière de chiffres.
La présidente : Merci, madame la ministre. J’ai une question au nom de la sénatrice McPhedran, qui est membre de ce comité, mais qui n’a pas pu se joindre à nous. Il s’agit du droit codifié de faire appel d’un refus d’aide financière dans le cadre de cette prestation. Elle demande ceci :
Comparativement, disons, à la Sécurité de la vieillesse, qui comporte un droit d’appel, ou à la Loi sur l’assurance-emploi, qui comporte aussi un droit d’appel, ou encore à la Prestation dentaire canadienne, qui comporte un droit d’appel, pourquoi n’en a-t-on pas prévu dans cette loi?
Mme Qualtrough : Je suis heureuse d’informer la sénatrice qu’il y aura un processus d’appel. Il sera établi dans le cadre du processus réglementaire, et nous veillerons à ce qu’il soit adapté au modèle de prestation, aux personnes admissibles et à des critères d’admissibilité précis. Toutes les autres prestations fédérales sont assorties d’un processus d’appel. Nous nous en inspirerons, et il y aura effectivement un processus d’appel, c’est certain.
La présidente : Madame la ministre, au nom de tous les membres du comité, je tiens à vous remercier de votre présence et de votre disposition à répondre à toutes nos questions. Madame Wilcox et monsieur Ram, je vous remercie également d’être venus nous voir. Si certaines questions de mes collègues sont restées sans réponse, madame Wilcox, vous en avez peut‑être pris note et vous pourrez nous répondre par écrit.
Mme Qualtrough : Merci à tous. Je suis très heureuse.
La présidente : Nous sommes heureux que vous le soyez également. Le bonheur doit être répandu dans l’univers, pas seulement au Sénat.
Chers collègues, nous allons maintenant passer à notre prochain groupe de témoins.
Nous accueillons en personne Len Baker, président et chef de la direction de La Marche des dix sous du Canada, accompagné d’Amanda MacKenzie, directrice nationale, Affaires publiques. Par vidéoconférence, nous accueillons Krista Carr, vice‑présidente à la direction d’Inclusion Canada, et Margaret Eaton, directrice générale nationale de l’Association canadienne pour la santé mentale. Je vous remercie tous de vous être joints à nous aujourd’hui.
Je vous rappelle que vous disposez de cinq minutes pour les exposés préliminaires, après quoi les membres du comité vous poseront des questions.
Len Baker, président et chef de la direction, Marche des dix sous du Canada : Merci, madame la présidente. Je vous remercie de nous accueillir, Mme MacKenzie et moi-même, aujourd’hui.
La Marche des dix sous du Canada est un organisme de bienfaisance national de premier plan et un fournisseur de services pour les personnes handicapées. Tous les jours, elle aide des milliers de Canadiens à vivre de façon autonome dans leur foyer, partout au pays. Vous trouverez de plus amples renseignements sur La Marche des dix sous du Canada dans le document complet de mon témoignage et sur notre site Web.
La prestation canadienne pour personnes handicapées est une occasion générationnel qui aidera les personnes handicapées en âge de travailler au Canada à vivre de façon autonome. La nécessité de cette prestation est urgente et doit demeurer une priorité. Comme l’a dit l’un des participants de notre groupe de discussion :
C’est urgent pour ceux qui ne peuvent pas couvrir leurs dépenses. La PCU était urgente, mais cette prestation-ci l’est encore plus. Les personnes handicapées vivent dans une pauvreté extrême et attendent depuis des années.
En termes simples, la pauvreté des personnes handicapées est une crise nationale que nous ne pouvons plus ignorer. La prestation canadienne pour personnes handicapées sera un mécanisme de redistribution du revenu qui créera de l’équité parmi les personnes handicapées en âge de travailler, et c’est ce dont les enfants, les aînés et d’autres bénéficient depuis longtemps. C’est une solution à long terme à un problème à long terme.
La Marche des dix sous du Canada et de nombreux autres organismes appuient le cadre théorique du projet de loi, car il participe largement du principe « Rien sur nous sans nous ». Il offre aux personnes handicapées en âge de travailler des possibilités inclusives et accessibles de participer à la conception et aux conditions d’une prestation qui leur est spécifiquement destinée.
On sait que les personnes handicapées ont absolument besoin de possibilités significatives et accessibles de contribuer aux décisions qui ont une incidence sur leur vie. Elles sont trop souvent laissées pour compte. Leur opinion et leur expérience doivent entrer en ligne de compte dans la conception de cette loi historique qui façonnera leur avenir. C’est l’essence même de la démocratie. Cette loi-cadre appuie ce principe sans compromettre la reddition de comptes. Le paragraphe 11(1) du projet de loi, conjugué à notre confiance dans l’engagement de la ministre à procéder conjointement, garantira que le processus réglementaire sera significatif, inclusif et accessible. Nous sommes heureux de cette occasion de participer et nous veillerons au respect du principe d’inclusion dans le processus réglementaire. Il est probable que la ministre terminera l’élaboration de la réglementation avant l’échéance prévue par la loi pour le rapport annuel.
J’aimerais attirer votre attention sur un élément précis du projet de loi, à savoir l’alinéa 11(1)f), qui exige de prévoir un processus de demande exempt d’obstacles. La Marche des dix sous du Canada s’est associée à Prospérité Canada dans le cadre d’une séance de cocréation multipartite visant à formuler des recommandations à l’intention des décideurs au sujet d’un processus de demande accessible et exempt d’obstacles. J’aimerais souligner quelques-unes des principales recommandations.
Premièrement, le processus de demande et le modèle administratif doivent tenir compte de l’expérience vécue par les personnes handicapées, du respect ou du dépassement des normes d’accessibilité axées sur la personne, et surtout des personnes qui sont les plus difficiles à atteindre et qui font face aux plus grands obstacles. Deuxièmement, la conception du processus de demande et du processus administratif doit viser la simplicité et réduire les exigences documentaires pour les demandeurs. Enfin, le processus de demande doit être équitable, respecter la dignité de la personne et faciliter la navigation administrative pour ceux qui en ont besoin.
Cela permet de s’assurer que les personnes admissibles peuvent recevoir la prestation canadienne d’invalidité dès le premier jour. Nous travaillons à accroître la connaissance et l’application des droits législatifs existants, comme le crédit d’impôt pour personnes handicapées, afin de promouvoir la production de déclarations de revenus. Il est presque certain que le meilleur moyen d’obtenir la prestation canadienne pour personnes handicapées sera la cotisation automatique des déclarants ayant un certificat de crédit d’impôt pour personnes handicapées. Nous travaillons à trouver des solutions pour que toutes les personnes handicapées au Canada aient accès aux prestations et en bénéficient, en nous intéressant plus particulièrement à celles qui se heurtent aux plus grands obstacles et en favorisant la confiance afin que personne ne soit laissé pour compte.
En conclusion, nous nous sommes engagés à prendre des mesures concrètes, dont la création de ressources permettant aux gens d’accéder à des services gratuits dans leur collectivité, l’organisation de séances de déclarations de revenus et de CIPH et un projet de financement pour réunir les intervenants communautaires et le gouvernement afin de dresser un plan d’action concernant l’accessibilité aux prestations, l’admission aux prestations, la littératie financière et l’autonomisation.
La Marche des dix sous du Canada réclame l’adoption rapide de ce projet de loi historique. Dans le document de notre témoignage, vous trouverez des recommandations à la page 6.
La présidente : Merci de votre exposé préliminaire, monsieur Baker.
Krista Carr, vice-présidente à la direction, Inclusion Canada :
Je remercie le comité de m’avoir invitée à comparaître aujourd’hui pour parler du projet de loi C-22.
Je m’adresse à vous aujourd’hui depuis le territoire traditionnel non cédé des Wolastoqiyik et des Passamaquoddy.
Je suis très heureuse de participer à cette discussion cruciale et à l’avancement de ce texte législatif fondamental visant à créer la toute première prestation nationale d’invalidité au Canada.
L’organisme que je représente, Inclusion Canada, a été créé il y a plus de 60 ans. Nous sommes une fédération nationale qui regroupe 13 associations provinciales et territoriales et plus de 300 associations locales et nous comptons plus de 40 000 membres qui soutiennent les personnes ayant une déficience intellectuelle et leur famille.
La sécurité financière des personnes ayant une déficience intellectuelle et de leur famille est une priorité pour notre organisme depuis de nombreuses années. La création de la prestation canadienne pour personnes handicapées se fait attendre depuis longtemps. Nous devons accorder toute notre attention au projet de loi C-22 et adopter rapidement cette loi‑cadre pour pouvoir réglementer et verser cette prestation. Les personnes handicapées ne peuvent tout simplement plus attendre.
Le projet de loi C-22 est une occasion historique de s’attaquer à l’insécurité financière des personnes handicapées au Canada. Il est important de bien faire les choses. Les gouvernements précédents ont accordé la priorité à la réduction de la pauvreté parmi les aînés et les enfants grâce à la Sécurité de la vieillesse et à l’Allocation canadienne pour enfants. Il est grand temps que le gouvernement accorde la priorité à la réduction de la pauvreté parmi les personnes handicapées en âge de travailler grâce à la prestation canadienne pour personnes handicapées.
Les Canadiens handicapés et leurs familles sont confrontés à des taux de pauvreté effarants, qui sont inexcusables dans un pays comme le Canada. Dans notre pays, 22 % des gens ont un handicap, et plus de 40 % d’entre eux vivent dans la pauvreté. Quand on trie les données et qu’on examine plus particulièrement la situation des personnes ayant une déficience intellectuelle, les taux sont bien pires : 73 % des adultes en âge de travailler qui ont une déficience intellectuelle et qui vivent seuls vivent dans la pauvreté, comparativement à 23 % de ceux des mêmes cohortes d’âge dans la population générale. C’est vraiment inacceptable.
Le projet de loi C-22 envoie un message clair aux personnes handicapées : le Canada ne permettra plus qu’elles doivent se battre pour vivre dans la dignité. La façon dont nous traitons les personnes handicapées dans notre société traduit les valeurs de notre pays, et nous avons une véritable occasion de faire mieux.
Nous appuyons le projet de loi C-22 comme loi-cadre et nous exhortons les sénateurs à en faire une priorité et à l’adopter le plus tôt possible, en s’engageant à ce que la communauté des personnes handicapées participe à la rédaction des règlements.
Certains estiment que le projet de loi C-22 devrait contenir plus de détails sur la conception des prestations et qu’il devrait être modifié pour clarifier les éléments techniques. J’en comprends les raisons, mais nous sommes convaincus que plusieurs amendements déjà adoptés par la Chambre des communes ont permis de consolider le projet de loi. Il y a l’amendement, par exemple, qui engage le gouvernement à travailler directement avec la communauté des personnes handicapées à l’élaboration des règlements et à rendre compte des résultats au Parlement dans un délai de six mois. Nous veillerons à ce que le gouvernement respecte cet engagement.
Je tiens à ce que les membres du comité et, en fait, tous les sénateurs sachent à quel point nous respectons le rôle du Sénat dans le système parlementaire et sa fonction de surveillance de la traduction des lois adoptées par la Chambre basse en politiques solides. Nous comprenons que le Sénat doit faire preuve de diligence raisonnable à l’égard de tous les projets de loi qui lui sont renvoyés par la Chambre des communes.
Il est vrai que le Sénat, dans sa sagesse, consolide souvent les textes législatifs, mais nous estimons, tout comme des centaines d’autres organismes voués aux personnes handicapées, que le projet de loi C-22 est un solide texte législatif fondateur et que les amendements adoptés par l’autre chambre le renforcent. Nous craignons que tout amendement de fond proposé maintenant par le Sénat n’en retarde l’adoption, et les personnes handicapées ne peuvent plus attendre. Nous voilà devant la possibilité d’adopter une loi-cadre. Oui, il y a beaucoup de détails à régler, mais, à notre avis, selon le principe de « Rien sans nous », ce sont les personnes handicapées qui devraient discuter avec le gouvernement pour régler ces questions pendant le processus de réglementation.
Pour conclure, je dirais que vous avez l’occasion d’avoir un impact historique sur la vie des personnes handicapées de notre pays. Je vous en prie, faites tout ce qui est en votre pouvoir pour que ce projet de loi soit adopté rapidement afin que nous puissions entreprendre le travail conceptuel qui permettra de verser cette prestation à ceux qui en ont désespérément besoin.
Personne au Canada ne devrait vivre dans la pauvreté, surtout pas quand on est handicapé. Finissons-en.
Merci beaucoup.
La présidente : Merci, madame Carr.
Margaret Eaton, cheffe de la direction nationale, Association canadienne pour la santé mentale : Merci beaucoup. Je suis heureuse d’être parmi vous aujourd’hui pour vous faire part des préoccupations de l’ACSM et des personnes qui ont fait ou font l’expérience de la maladie mentale.
L’Association canadienne pour la santé mentale est le réseau communautaire de santé mentale le plus vaste du Canada. Elle offre des services de défense des droits, des programmes et des ressources pour prévenir les problèmes de santé mentale et les maladies mentales, et des moyens de faciliter le rétablissement. Nous intervenons auprès de 330 collectivités dans chaque province et au Yukon, nous comptons sur 11 000 bénévoles et nous employons plus de 7 000 personnes.
Nous rendons grâce au gouvernement fédéral de reconnaître que beaucoup de personnes handicapées vivent dans la pauvreté, notamment les personnes atteintes d’une maladie mentale. Des plus de 6 millions de personnes handicapées au Canada, plus de 2 millions ont un handicap lié à la santé mentale. On dit souvent que les troubles mentaux sont la maladie la plus invalidante parmi les travailleurs, et les problèmes de santé mentale représentent la majorité des demandes de prestations d’invalidité de courte et de longue durée en milieu de travail. Beaucoup de gens atteints d’un handicap lié à la santé mentale vivent dans la pauvreté et n’ont pas les moyens de s’offrir des mesures de soutien de base comme le counselling et la psychothérapie, qui ne sont pas couvertes par notre système de soins de santé.
Nous félicitons sincèrement le gouvernement d’avoir élaboré le projet de loi C-22, mais nous avons aussi de réelles préoccupations à son sujet, car de nombreux aspects cruciaux de la prestation passeront par la réglementation et non par la loi. Les règlements peuvent dépendre de l’évolution des priorités politiques, et si cela ne passe pas par la loi, cela signifie que les gouvernements ultérieurs pourraient apporter des modifications unilatérales sans avoir à passer par le Parlement.
Nous voulons donc nous assurer que les recommandations de la communauté des personnes handicapées soient intégrées à la loi. Nous avons quatre recommandations.
La première concerne les délais. Le projet de loi n’impose pas de délai au gouvernement pour élaborer les règlements ou fixer les prestations. Les personnes handicapées qui vivent dans la pauvreté ne peuvent pas attendre. Nous recommandons que la loi soit modifiée pour donner clairement un délai de 10 mois au Cabinet pour adopter les règlements et d’un an pour commencer les versements.
La deuxième porte sur le recouvrement. Cette prestation vise à compléter et non à remplacer l’aide aux personnes handicapées que les Canadiens reçoivent de sources fédérales, provinciales, territoriales ou privées. Ces gens doivent se débrouiller dans le système complexe de prestations, de crédits d’impôt, de mesures de soutien du revenu et de mesures de soutien sociales. Ces prestations ne sont pas toujours harmonisées ou complémentaires aux différents paliers de gouvernement, ce qui peut entraîner des mesures de recouvrement, des retards ou même le refus de prestations. Nous recommandons d’ajouter des dispositions explicites interdisant les déductions ou les compensations par d’autres paliers de gouvernement et par les assureurs privés.
La troisième concerne la pertinence. Ce financement sera-t-il suffisant et suivra-t-il le rythme de l’inflation? Les mesures de soutien traduisent rarement le coût élevé de la vie avec un handicap. Le projet de loi C-22 n’est pas indexé en fonction de l’inflation, bien qu’on y recommande que le gouverneur en conseil tienne compte du seuil de pauvreté officiel fixé dans la Loi sur la réduction de la pauvreté. Il est impératif que le projet de loi contienne un libellé semblable à celui de la Loi sur la sécurité de la vieillesse qui garantisse et non pas envisage de tenir compte de l’inflation.
Enfin, la quatrième concerne l’admissibilité. Le projet de loi précise que les règlements pourront faire une distinction entre différentes catégories de demandeurs et de bénéficiaires. Une maladie mentale, lorsqu’elle nuit à la participation pleine et égale d’une personne à la société, est reconnue comme un handicap. Cependant, certaines personnes atteintes de maladie mentale se sont vu refuser des prestations en raison de la nature épisodique de leur invalidité. Par exemple, l’expérience de la bipolarité peut être caractérisée par des périodes de maladie grave entrecoupées d’épisodes de bien-être. Nous serions en faveur d’un libellé qui tiendrait compte des différents types de handicaps tels qu’ils sont définis dans la Loi canadienne sur l’accessibilité afin de garantir l’accessibilité complète aux prestations pour les personnes atteintes de maladie mentale.
En conclusion, l’ACSM est tout à fait d’accord avec le gouvernement lorsqu’il affirme qu’aucune personne handicapée ne devrait vivre dans la pauvreté. Nous attendons avec impatience la concrétisation de ce texte législatif, mais nous espérons aussi que tous les Canadiens qui en ont besoin pourront avoir accès à la prestation. Comme on le sait, des prestations sociales d’une valeur totale de 1,7 milliard de dollars ne sont pas réclamées chaque année en raison d’obstacles qui empêchent beaucoup de gens à faible revenu et vulnérables de présenter une demande. Nous invitons le gouvernement à consacrer des ressources pour garantir l’accès, notamment en automatisant gratuitement la production de déclarations de revenus simples.
Enfin, nous invitons le gouvernement à fournir des soins de santé mentale universels pour que nous tous, y compris les personnes ayant un handicap lié à la santé mentale, ayons accès gratuitement à des soins de santé mentale et de désintoxication. Merci beaucoup.
La présidente : Merci, madame Eaton. Nous allons maintenant passer aux questions, en commençant par la sénatrice Bovey, notre vice-présidente.
La sénatrice Bovey : Je remercie tous nos témoins. Je suis très sensible aux arguments que vous nous avez présentés et à la façon dont vous les avez formulés.
Ma question s’adresse à M. Baker et porte sur le travail que vous faites dans le cadre de la Marche des dix sous du Canada. Je vous en félicite d’ailleurs.
Certains termes ont été employés cet après-midi. Vous avez parlé d’« occasion générationnelle ». Le mot « dignité » est revenu à quelques reprises. On a beaucoup parlé de ces deux notions dans la collectivité avec laquelle j’ai discuté du projet de loi C-22. On me dit que l’un des aspects les plus importants de ce projet de loi intergénérationnel est l’aspect interprovincial. C’est-à-dire qu’une personne pourrait déménager d’une région du pays à une autre pour pouvoir vivre près de sa famille ou avec elle et que les prestations continueraient de lui être versées. Cela ne s’arrêterait pas aux frontières provinciales.
On craint qu’une personne qui déménagerait d’une province à une autre soit inscrite sur une liste d’attente pour beaucoup de prestations provinciales et doive attendre jusqu’à cinq ans avant d’en recevoir. Les groupes avec lesquels je me suis entretenue estiment que c’est l’un des aspects les plus importants. C’est pourquoi on parle d’occasion générationnelle pour beaucoup de gens.
Pouvez-vous nous parler de cet aspect, des avantages qu’il présente de votre point de vue et de son importance dans l’ensemble?
M. Baker : Il existe une mosaïque de programmes et de services pour les personnes handicapées dans notre pays. Je crois que la ministre, dans ses observations, a parlé de collaborer avec les provinces pour s’assurer que, quand il s’agira de déterminer et de définir le montant des prestations, l’objectif sera effectivement de sortir les gens de la pauvreté.
Beaucoup de Canadiens doivent déménager dans d’autres régions, par exemple dans des grands centres, pour trouver un emploi ou les services de soutien dont ils ont besoin.
La Marche des dix sous du Canada a pour objectif de trouver des moyens d’uniformiser l’expérience des personnes handicapées au pays. Ce projet de loi traduit très bien notre intention et notre souci d’éviter aux gens d’être victimes de discrimination en raison de leur code postal. Les services et les possibilités doivent avoir le même niveau et la même cohérence d’une province à l’autre.
Nous sommes tout à fait d’accord avec ce qu’a dit la ministre au sujet de l’importance de la négociation à l’échelle provinciale pour veiller à la cohérence et garantir aux Canadiens la possibilité, partout au pays, de vivre au-dessus du seuil de la pauvreté, dans le respect et la dignité.
La sénatrice Bovey : Je comprends les inquiétudes concernant le recouvrement. Je ne comprends pas ces mesures, et je pense que c’est une question très grave.
Je crois que c’est Mme Eaton qui a fait une recommandation à ce sujet. Pourriez-vous nous faire parvenir ce que vous estimeriez être un amendement approprié? J’ai l’impression qu’on ne veut pas trop d’amendements, ou du moins qu’on ne veut pas d’amendements qui risquent de ralentir le processus, mais qu’on veut que cela fonctionne.
Pourriez-vous faire parvenir à la greffière le libellé approprié d’un amendement portant sur le recouvrement?
Mme Eaton : Oui.
La présidente : Merci.
La sénatrice Seidman : Je remercie tous nos témoins de leurs exposés très instructifs. Ces exposés révèlent notamment les difficultés réelles que vivent les membres de la communauté des personnes handicapées.
Je me souviens très bien de nos audiences au sujet du crédit d’impôt pour personnes handicapées et des multiples questions que cela a soulevé à l’échelle du pays, notamment au sujet de la complexité des demandes. Ces audiences sont importantes.
Je me souviens aussi des amendements importants apportés par le Sénat à la Loi canadienne sur l’accessibilité, qui n’ont pas du tout ralenti le processus législatif. Il ne s’agissait pas d’amendements futiles, et la Chambre les a acceptés d’emblée. Je voulais simplement nous rappeler que, s’il y a du travail à faire, nous sommes ici pour le faire et que nous écoutons attentivement.
J’aimerais poser une question à M. Baker et à Mme MacKenzie, de La Marche des dix sous du Canada. Vous avez enquêté en 2020. L’une de vos principales recommandations est que l’évaluation du revenu pour les prestations devrait être individuelle. En fait, certains participants à vos consultations ont dit qu’ils ne reçoivent pas de prestations parce qu’ils vivent avec un partenaire et perdent de ce fait leur admissibilité. Ils comptent alors sur leur partenaire pour couvrir le coût des nécessités de la vie. D’autres ont dit connaître des gens qui restent dans des relations ou des situations familiales toxiques simplement parce qu’ils n’ont pas d’argent pour partir.
J’aimerais savoir si les réponses ont changé à cet égard depuis 2020. Je voudrais également rappeler que les fonctionnaires ont expliqué au comité HUMA — le Comité des ressources humaines de la Chambre des communes — que cet aspect de la prestation a été délibérément laissé à la réglementation parce que la communauté des personnes handicapées n’est pas unanime à cet égard.
Pensez-vous qu’on puisse arriver à un consensus?
M. Baker : J’espère que oui. Je vais laisser Mme MacKenzie vous en parler, car c’est elle qui a dirigé notre travail et qui pourra vous fournir plus de renseignements techniques.
Amanda MacKenzie, directrice nationale, Affaires publiques, Marche des dix sous du Canada : Le revenu du ménage, de la famille ou du conjoint comparativement au revenu individuel est une question essentielle. Si cette prestation doit avoir l’effet escompté, c’est-à-dire respecter la dignité, faciliter l’indépendance et sortir les gens de la pauvreté, la seule réponse acceptable est le revenu individuel.
Cela n’a fait qu’augmenter depuis notre enquête de 2020. Nous avons organisé un certain nombre de groupes de discussion. Nous venons d’en organiser une série de sept, en plus des quatre précédents au sujet du Plan d’action pour l’inclusion des personnes handicapées. La question du revenu individuel est fondamentale. Il pourrait s’agir d’un jeune qui vit chez lui grâce à un revenu individuel lui permettant de se débrouiller tout seul. Il pourrait s’agir d’une personne qui a besoin d’échapper à la violence familiale. Quel que soit le revenu du conjoint, il peut s’agir d’un adulte vivant chez lui ou d’un adulte vivant dans une situation maritale. Le revenu individuel et le choix individuel entrent en ligne de compte dans un certain nombre de prestations, de programmes et de services fédéraux différents, et cela devrait être pareil pour cette prestation.
La sénatrice Seidman : Merci.
La présidente : Je vous remercie, chers collègues, d’adresser vos questions nommément aux témoins. C’est extrêmement utile.
La sénatrice Osler : Merci à tous les témoins. Ma question s’adresse aux trois témoins, à leur gré.
L’article 12 du projet de loi C-22 exige qu’un « comité du Sénat, de la Chambre des communes ou des deux » procède à un examen parlementaire de la Loi sur la prestation canadienne pour personnes handicapées et de son application dès que possible après le premier anniversaire de son entrée en vigueur, après le troisième anniversaire et après chaque cinquième anniversaire par la suite.
À votre avis, quels aspects du projet de loi devrait-on examiner à ces stades?
M. Baker : Nous allons commencer et je suis sûr que Mme Carr et Mme Eaton interviendront également.
Si l’intention est d’aider les Canadiens handicapés à sortir de la pauvreté et si on considère la prestation comme un investissement pour leur permettre de contribuer à nos collectivités et de vivre pleinement leur vie, on doit attendre des résultats en fonction d’indicateurs que le gouvernement fournira pour prouver qu’il a atteint son objectif. Il faut disposer de certains paramètres pour pouvoir démontrer que le nombre de Canadiens handicapés vivant dans la pauvreté a diminué.
J’aime à penser que ces mesures permettront aux personnes handicapées de participer plus largement au marché du travail. En réduisant certaines difficultés financières associées à l’emploi — par exemple, le coût des services de garde et du transport et d’autres frais susceptibles d’être compensés par cette prestation —, nous pourrions en fait faciliter l’emploi des personnes handicapées qui, comme l’a dit la ministre, ont les compétences et les capacités nécessaires pour contribuer davantage au marché du travail.
Mme Eaton : On sait aussi que le revenu est un important facteur prévisionnel comme déterminant social de la santé mentale. L’un de ces paramètres serait l’atténuation des symptômes. Le projet de loi devrait permettre aux gens de mieux gérer leur maladie mentale et de mieux vivre avec celle-ci, ce qui devrait permettre d’atténuer les symptômes. Le revenu est d’une importance cruciale pour la santé physique et mentale. Nous avons donc hâte d’entendre ce que les gens atteints de maladie mentale auront à dire après l’application de ce projet de loi.
Mme Carr : Il faudrait aussi mesurer le degré de facilité du processus. Est-ce que les gens peuvent vraiment avoir accès à la prestation? Et si, pour une raison ou une autre, ils commencent à gagner un revenu suffisant pour recevoir moins de prestations ou cesser d’en recevoir, mais qu’ils en aient de nouveau besoin en raison d’une perte d’emploi ou d’autres circonstances, peuvent‑ils entrer dans le système et en sortir sans difficulté et garder leur autonomie? Je pense que cet aspect est important, comme tous les déterminants de la santé, comme toutes les conséquences sur leur vie et comme l’amélioration globale de leur qualité de vie.
[Français]
La sénatrice Petitclerc : Je vais poser ma question en français. Bien sûr, vous pouvez répondre dans la langue de votre choix. J’ai une question assez simple; j’aimerais bien idéalement avoir une réponse de la part de chaque groupe.
On nous dit que ce projet de loi est un cadre qui nous demande de faire confiance à la réglementation qui s’en vient. Le projet de loi lui-même, tel qu’il a été amendé, est assez précis quant au fait que les organismes et les individus en situation de handicap feront partie du processus. Effectivement, c’est rassurant. La ministre Qualtrough, qui était avec nous tout à l’heure, nous a beaucoup parlé de la quantité et de la qualité des consultations qui ont déjà eu lieu, ainsi que du processus qui est déjà assez avancé. Avez-vous fait partie de ces consultations? Quelles ont été la nature et la profondeur de ces consultations directement liées au projet de loi C-22?
[Traduction]
Mme MacKenzie : Je vous remercie de la question. Excellente au demeurant. La Marche des dix sous du Canada a participé à différentes consultations au cours des deux dernières années et demie, en fait depuis l’annonce de la prestation en septembre 2020. Dans le cadre du Plan d’action pour l’inclusion des personnes handicapées, nous avons travaillé avec nos collègues d’Inclusion Canada et avons organisé un certain nombre de groupes de discussion. Nous avons consulté notre propre collectivité, notre clientèle, et nous l’avons encouragée à participer à de nombreux processus différents. Nous sommes très à l’aise avec l’engagement de la ministre Qualtrough, de son cabinet et de son ministère à créer conjointement, au cours de la prochaine période — d’ici un an, espérons-le — les règlements exigés en vertu de la loi. Nous comptons avec une grande confiance sur l’élaboration conjointe de ces règlements avec la communauté des personnes handicapées dans toute sa diversité.
La présidente : Madame Carr, nous ne vous entendons pas assez clairement pour que les interprètes puissent faire leur travail. Je vous suggère donc, si vous avez une réponse à fournir, de nous l’envoyer par écrit.
Mme Eaton : Merci beaucoup. Nous n’avons pas été consultés au sujet de ce projet de loi. C’est inquiétant étant donné que beaucoup de personnes atteintes de maladie mentale ont un handicap et qu’elles entreraient dans le champ d’application de ce type de mesure législative. Nous sommes donc ravis d’avoir été invités au Sénat, mais ce qui nous inquiète évidemment est que les représentants des personnes atteintes de maladie mentale n’ont pas été entendus dans le cadre de l’élaboration du projet de loi.
Le sénateur Cotter : Merci beaucoup. Il y a une question que je voulais poser à chacun de nos trois témoins, mais j’aimerais d’abord faire une remarque : je pense que c’est une expérience très enrichissante de pouvoir siéger ici. Nous avons le privilège de pouvoir faire précéder nos noms de la mention « honorable » et, avec un peu de chance, nous conserverons ce titre jusqu’à notre mort. Ce n’est pas tout à fait la même chose pour nous... J’essaie de vous dire que le travail que vous accomplissez au nom de vos communautés d’intérêts mérite d’être qualifié d’honorable, et je vous en suis très reconnaissant comme nous tous.
Cela soulève plusieurs questions, mais il serait bien de savoir — s’agissant des communautés que vous représentez — dans quelle mesure les personnes confrontées à des problèmes de santé mentale ou à des handicaps parviennent à naviguer pour toucher les prestations, notamment dans le cadre des processus standardisés. Serait-il possible de nous communiquer ces informations, madame Carr? Puis-je poser une question supplémentaire à Mme Wilcox? Je suis curieux de savoir ce que dit l’affiche derrière vous. Je n’arrive pas à voir ce qu’elle dit. Vous pourriez peut-être nous envoyer le texte?
L’autre question est sans doute un peu plus délicate. Je propose de commencer par M. Baker.
M. Baker : Je suis désolé. J’ai perdu le fil de votre question.
Le sénateur Cotter : C’est entièrement ma faute.
Il s’agissait de savoir dans quelle mesure les communautés d’intérêts et les particuliers sont en mesure de faire les démarches nécessaires pour obtenir les services en ligne qui leur sont destinés et s’ils peuvent bénéficier d’une aide pour aller au terme du processus.
M. Baker : L’histoire nous enseigne que la présentation de demandes pour différents programmes — gouvernementaux ou autres — et l’accès aux formulaires se sont avérés difficiles pour les personnes handicapées, malvoyantes ou malentendantes, pour les personnes en situation de handicap physique ou intellectuel. Dans le cadre des travaux menés par notre organisation — et, comme je l’ai mentionné dans mes propos liminaires, dans le cadre de notre collaboration avec Prosper Canada — nous avons organisé des groupes de discussion avec des Canadiens en situation de handicap dans tout le pays et nous avons remis à la ministre un rapport intérimaire qui contient un certain nombre de recommandations. J’ai été ravi de l’entendre reprendre certaines des recommandations issues de ce rapport dans les commentaires qu’elle a adressés au comité.
Au premier plan de nos préoccupations se trouve la nécessité de veiller à ce que la demande de prestations n’entraîne pas un fardeau ou des coûts élevés pour les particuliers. Je sais que l’ARC a déployé des efforts pour simplifier le processus de demande. Dans les notes que nous avons transmises au Sénat et à la Chambre des communes, nous avons pris soin de faire état du travail réalisé par notre organisation pour simplifier les procédures et faciliter l’accès aux personnes handicapées au Canada, et nous nous engageons à soutenir ces initiatives. S’il s’avère que notre plateforme est difficile d’accès et qu’elle contraint les utilisateurs à débourser des frais pour demander le crédit fiscal destiné aux personnes handicapées — c’est souvent la première étape pour obtenir une prestation d’invalidité du Canada —, cela signifie que nous avons échoué dans notre mission puisque certaines personnes seront laissées pour compte.
Le sénateur Cotter : Puis-je avoir une brève réponse de la part de Mme Eaton au sujet des défis que doivent relever les personnes atteintes de maladie mentale?
Mme Eaton : Les filiales locales de l’Association canadienne pour la santé mentale apportent un soutien aux personnes atteintes de maladie mentale par le biais de la gestion de cas, mais il est évident que certaines personnes passent à travers les mailles du filet, lorsqu’elles ne parviennent pas à accéder aux services de l’ACSM et puisqu’il est fastidieux pour les personnes atteintes de maladie mentale de remplir plusieurs formulaires. Nous apprécions donc tous les efforts déployés en vue de simplifier les choses.
Le sénateur Kutcher : Je remercie tous les témoins de leurs présentations, merci du travail que vous faites afin d’améliorer la vie des personnes handicapées.
Mes deux questions s’adressent à Mme Eaton. Estimez-vous important que les voix des personnes atteintes de troubles mentaux soient entendues et doit-on dorénavant les considérer au moment d’élaborer des réglementations? La deuxième question est la suivante : vous avez mentionné les maladies épisodiques et l’invalidité, une question incontournable, mais dont l’importance n’est peut-être pas universellement reconnue. Pouvez-vous nous donner des précisions sur cette question en regard du projet de loi?
Mme Eaton : Merci beaucoup. Votre première question visait à savoir si les personnes souffrant d’une maladie mentale épisodique doivent prendre part aux discussions. Il est certain que les personnes dans cette situation subissent différentes formes de stigmatisation, et depuis longtemps. Il est difficile pour ces personnes de participer aux discussions. Quand on parle de handicap, on pense d’abord à un handicap physique ou intellectuel, mais on oublie l’importance de la maladie mentale dans le portrait. Les gens qui vivent des épisodes de maladie mentale pourraient certainement contribuer à enrichir le débat public. Beaucoup de gens ayant traversé des épreuves vivent dans la pauvreté et ont du mal à joindre les deux bouts. Ce projet de loi pourrait avoir d’énormes répercussions sur leur vie, il serait donc très important que ces personnes prennent part aux discussions.
Deuxièmement, vous avez posé une question sur les maladies épisodiques. J’ai donné l’exemple de la maladie bipolaire, mais il existe de nombreuses autres maladies mentales qui passent par des phases latentes pendant un certain temps ou qui répondent favorablement à un traitement, puis, soudainement, qui ne réagissent plus aussi bien au traitement, ce qui peut entraîner une rechute et rendre le rétablissement difficile. Cela peut également signifier que les personnes souffrant d’une maladie mentale doivent prendre un pas de recul pour trouver de nouveaux médicaments, doivent prendre le temps de travailler avec leur thérapeute ou leur psychiatre et qu’elles ne seront pas en mesure de travailler durant cette période. Ce n’est pas parce qu’une personne est atteinte d’une maladie de façon épisodique qu’elle ne peut pas bénéficier des avantages de ce projet de loi. C’est une autre excellente raison pour laquelle il est nécessaire d’entendre ces voix.
La sénatrice Dasko : Merci aux témoins. Ma question porte sur le manque de sensibilisation à l’égard des prestations. Je sais que beaucoup ignorent l’existence des programmes gouvernementaux et que les personnes sans handicap ignorent la situation des personnes en situation de handicap et de celles qui vivent dans la pauvreté. En matière de sensibilisation, il y a des défis à relever pour faire connaître les programmes. Je ne parle pas ici des plateformes, mais bien de l’existence même de ces programmes.
Madame Eaton, et monsieur Baker en particulier, j’aimerais que vous me disiez ce qui pourrait être fait pour sensibiliser la population. Premièrement, que devrait faire le gouvernement? Devrait-il en faire plus et quoi au juste? Comment comptez-vous sensibiliser des groupes cibles particuliers comme celui-ci? Deuxièmement, quel rôle vos organisations peuvent-elles jouer à cet égard?
M. Baker : Je vous remercie de la question. Le mémoire que nous avons déposé mentionne que la Marche des dix sous du Canada a organisé des groupes de discussion et, comme je vous le disais, nous avons travaillé pour trouver des façons de mieux faire connaître la prestation canadienne pour les personnes handicapées. Des organismes communautaires comme le nôtre peuvent faire beaucoup de travail, mais les efforts de ces organismes doivent bénéficier d’un soutien — on doit s’assurer qu’ils ont les bons outils, qu’ils disposent des bonnes informations. C’est le rôle du gouvernement de soutenir les organismes pour qu’ils informent les personnes handicapées au sujet des programmes comme la prestation canadienne pour les personnes handicapées, le régime enregistré d’épargne-invalidité ou le Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées, ou POSPH, tous ne se sentent pas nécessairement outillés pour présenter une demande, en particulier les néo-Canadiens ou les communautés marginalisées. Nous nous sommes efforcés d’obtenir du financement pour pouvoir mener des campagnes qui permettent d’aider plus de personnes à prendre connaissance de ce programme et d’autres programmes de soutien du revenu qui pourraient aider un plus grand nombre de Canadiens. Nous sommes déterminés à jouer un rôle de premier plan dans ce domaine.
Mme Eaton : De son côté, l’ACSM rejoint chaque année plus de 1,6 million de Canadiens aux prises avec des problèmes de santé mentale. Nous considérons que nous sommes en excellente posture pour rejoindre les personnes qui ont un besoin criant d’accéder à cette prestation. Il conviendrait certainement que le gouvernement fédéral simplifie la déclaration d’impôts, de manière à ce que les personnes admissibles soient conscientes des bénéfices directs de ces prestations. Il leur suffirait de remplir leur déclaration d’impôts pour en bénéficier. Ce qui signifie qu’elles n’auraient pas à faire de démarches auprès des gens, le gouvernement s’en chargeant. Il s’agit de s’identifier comme personne handicapée pour être automatiquement éligible. Nous considérons qu’il s’agit là d’une façon sûre de garantir l’accès à la prestation.
La sénatrice Bernard : Je tiens d’abord à remercier chaleureusement chacun de nos témoins. Je vous remercie d’être ici aujourd’hui, mais surtout, je tiens à vous remercier du travail essentiel que vous faites chaque jour en tant qu’organismes communautaires dans ce secteur. En tant que travailleuse sociale, et comme nous célébrons le Mois national du travail social, c’est important pour moi de le souligner.
Je m’intéresse particulièrement à la question de l’intersectionnalité et à la combinaison race et handicap. Je sais que de nombreux Autochtones et de nombreuses personnes racisées atteintes d’un handicap ont de la difficulté à obtenir des services liés aux handicaps auprès des organismes communautaires. Pour beaucoup, l’obstacle vient du fait qu’ils préfèrent ne pas revendiquer l’identité d’un handicap. Est-ce que l’une ou l’autre de vos organisations procède à la cueillette de données désagrégées de sorte qu’il soit possible, au moment de parler des consultations réalisées, de faire ressortir ces questions d’intersectionnalité?
Mme MacKenzie : Je dirais que nous n’en sommes qu’à nos premiers pas dans ce processus. Nous nous sommes engagés dans cette voie depuis deux ans seulement et nous ne recueillons pas de données désagrégées au sein des groupes de discussion que nous avons constitués jusqu’à présent. C’est clairement quelque chose que nous envisageons de faire et qui renvoie à la proposition de financement que nous avons présentée, en vue d’un sommet qui cherchera à faire bénéficier le plus grand nombre de personnes éligibles à la prestation canadienne pour les personnes handicapées. Cela exigera un travail considérable en amont, notamment via des sondages, la consultation de partenaires au sein d’autres organisations ou un travail de sensibilisation des communautés racisées et à faible revenu comme celle de Thorncliffe Park, à Toronto, que je représente et où se trouve pour le moment notre siège social. Il est sur le point d’être relocalisé.
Pour que les bénéficiaires de la prestation canadienne pour les personnes handicapées soient en mesure de faire leur demande, nous devons comprendre quels sont les problèmes auxquels ils sont confrontés et nous devons collaborer avec les organisations qui sont les mieux à même de les résoudre. Il existe des organisations communautaires qui travaillent étroitement avec les communautés et qui sont des alliés et des partenaires de confiance pour les personnes vivant dans les communautés marginalisées, autochtones, rurales et éloignées partout au pays.
Mme Eaton : Merci beaucoup de cette question. Nous savons qu’il y a des répercussions sur la santé mentale des personnes racisées, que les microagressions et le racisme peuvent avoir un impact sur la santé mentale de ces personnes. Nous ne recueillons pas de données ventilées dans nos filiales locales de l’ACSM à travers le pays, mais c’est quelque chose que nous envisageons de faire, puisque nous constatons de plus en plus l’impact de ces expériences sur la vie des gens. Il est plus difficile pour les personnes racisées d’obtenir de l’aide au sein de leur communauté ou avec des personnes qui parlent la même langue et c’est certainement un sujet de préoccupation et l’occasion d’un travail important pour nous. En particulier pour ce qui est de l’accès à cette prestation, car cela signifie que nous devons travailler plus dur pour atteindre les communautés racisées et immigrantes.
La sénatrice Moodie : Je vous remercie d’être ici aujourd’hui et de nous aider à mieux cerner ces enjeux. J’aimerais approfondir la question de l’accès aux prestations. Pour recevoir une prestation, les personnes handicapées doivent obligatoirement avoir produit leur déclaration de revenus. C’est ce qui a été mentionné aujourd’hui. Environ 10 à 12 % des Canadiens ne produisent pas de déclaration de revenus, et c’est le cas notamment des populations à faible revenu et des personnes vulnérables. Comme vous l’avez dit, ces personnes sont plus difficiles à atteindre, de nombreux obstacles compliquent le travail de sensibilisation de ces personnes. Il s’agit surtout de femmes et de personnes handicapées.
Je souhaite approfondir un peu plus la question de la simplification fiscale garantissant un meilleur accès aux prestations, pour ceux et celles qui devront s’en prévaloir à l’avenir. Pouvez-vous nous donner des exemples de ce à quoi cela ressemblera? Je sais que des pays comme le Danemark et l’Espagne ont introduit des modifications similaires dans leurs systèmes fiscaux pour permettre un accès fluide et sans heurts. Pouvez-vous nous dire à quoi cela ressemble concrètement?
Mme Eaton : Je crains que ce ne soit pas mon domaine d’expertise. Je vais certainement me pencher sur le Danemark et l’Espagne pour voir comment ils ont mis cela en œuvre. Je vous remercie pour cela.
Mme MacKenzie : Je pense que l’Internal Revenue Service, ou IRS, aux États-Unis dispose d’un système qui permet aux personnes dont la situation fiscale est relativement simple et à faible risque de faire des déclarations d’impôts de manière anticipée. Je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas procéder de la même manière ici, étant donné que ça permettrait de simplifier les choses. Il y a déjà eu des discussions au sein de la communauté à ce sujet et, en fait, nous avons eu une réunion avec le sénateur Forest ce matin, au cours de laquelle cette même question a été soulevée, compte tenu de ses champs d’intérêt.
Pour ce qui est de la question de l’accessibilité des prestations dans le cadre du système en vigueur, il faudrait qu’il n’y ait qu’une seule façon d’accéder à la prestation canadienne pour les personnes handicapées. Nous savons tous que le crédit d’impôt pour personnes handicapées comporte son lot de défis, et que l’expérience peut s’avérer pénible et éprouvante pour certaines personnes, même si la situation est certainement plus facile aujourd’hui qu’elle ne l’était il y a 18 mois.
Le défi est là, mais je pense que nous pouvons y arriver. Il s’agit d’une situation où la législation pourrait faire l’objet d’un suivi.
La sénatrice Moodie : Merci.
La présidente : Si vous avez d’autres renseignements sur la manière dont l’IRS procède, nous vous serions reconnaissants de les communiquer.
La sénatrice Burey : Merci beaucoup pour le travail que vous faites. Le sujet m’interpelle évidemment. On a entendu les sénateurs poser des questions sur l’accès et les entraves, car tous ceux d’entre nous qui font ce travail savent que c’est l’élément névralgique, la question de savoir si les gens peuvent accéder aux services offerts. Cela me rappelle les leçons tirées de la pandémie, le fait que nous n’avons pas prêté attention à ce qui se passait dans les communautés marginalisées, aux répercussions de la pandémie sur ces communautés. J’entends ces belles paroles : « Bien sûr, nous allons les impliquer; bien sûr, nous faisons des sondages. » J’aimerais savoir précisément : comment comptez-vous procéder pour que les personnes marginalisées et vivant dans la pauvreté ne soient pas laissées pour compte?
Je sais que les organisations travaillent avec vous, mais nous devons tirer des leçons de la pandémie. Les personnes concernées doivent être à la table de discussion. D’une façon ou d’une autre, nous devons les amener à prendre part aux discussions. Pouvez-vous nous parler de ce processus, nous dire ce que vous pensez qui doit être fait ou ce que vous avez fait?
M. Baker : Il incombe à notre gouvernement, qui présente cette législation comme un moyen d’aider à sortir de la pauvreté tous les Canadiens en situation de handicap en âge de travailler, de s’assurer que nous sommes en mesure d’atteindre toutes les personnes concernées. Dans leurs efforts pour répondre aux besoins des personnes qu’elles accompagnent, des organisations comme la Marche des dix sous du Canada, l’Association canadienne pour la santé mentale et d’autres encore se chargeront de les informer sur ces programmes et déploieront des efforts pour atteindre les communautés qui, à l’heure actuelle, sont mal desservies dans l’ensemble du pays, de même que les communautés du Nord qui ne bénéficient pas d’autant de services que les autres Canadiens.
Je pense qu’il faut saisir l’opportunité. Je partage votre point de vue selon lequel nous devons travailler en collaboration avec le gouvernement, en tant que communauté, car nous parlons du soutien de la communauté à cette législation et nous proposons d’intégrer la communauté dans la conception de la législation. Il doit également y avoir un partage des responsabilités entre les gouvernements de tous les niveaux, pour le bénéfice de l’ensemble des citoyens. La collaboration avec des organisations telles que la Marche des dix sous du Canada et d’autres, représente un excellent canal, un mécanisme qui permet d’informer les gens sur les programmes dont ils peuvent bénéficier. Mais nous ne pouvons pas agir seuls.
Mme Eaton : J’ai eu le grand plaisir de parcourir le pays au cours des six derniers mois et de rencontrer des collectivités et des fournisseurs de services de l’ACSM qui travaillent étroitement avec les bénéficiaires. J’ai vécu une expérience mémorable à Charlottetown, où l’ACSM fournit des logements à plus de 100 personnes atteintes d’une maladie mentale grave. Ils offrent une panoplie d’activités sociales et du soutien; les bénéficiaires créent, par exemple, leur propre bulletin d’information.
Nous avons tissé des liens étroits avec les collectivités. Nous allons régulièrement à la rencontre et nous travaillons avec les personnes qui ont une expérience vécue, des personnes qui souffrent de maladies mentales graves qui sont directement concernées par le travail que nous réalisons. En fin de compte, tout repose sur le fait d’aller vers les communautés, de parler avec les gens, de leur expliquer comment cela fonctionne et d’appuyer leurs efforts.
Je suis tout à fait d’accord avec M. Baker lorsqu’il dit que le gouvernement peut contribuer à un plus grand effort de sensibilisation.
La présidente : Permettez-moi de poser la dernière question à tous les témoins. Madame Carr, je vous présente mes plus sincères excuses. Nous cherchons à être le plus inclusifs possible et je constate que certains problèmes d’interprétation nous en empêchent. Je vous prie de bien vouloir m’excuser.
Je voudrais aborder la question de l’éligibilité. Jusqu’à présent, nous avons parlé du revenu et du handicap comme seuils d’éligibilité. J’aimerais aborder avec vous la question des actifs. Comment le gouvernement traitera-t-il les actifs tels que la propriété d’un bien immobilier? Y a-t-il un élément dans le projet de loi qui donne des indications quant aux procédures à suivre?
M. Baker : Je ne pense pas que le projet de loi aborde, dans sa forme actuelle, la question des actifs des Canadiens ou de la valeur de la propriété ou les montants d’épargne, ainsi de suite. Je ne crois pas qu’il précise la manière dont cela sera pris en compte. En ce sens, la période de réglementation permettra de discuter avec le gouvernement, entre autres, de cette question très importante et de déterminer la manière de définir les populations qui pourront bénéficier de cette mesure afin de se donner les moyens de soutenir davantage de Canadiens en situation de handicap.
J’entends bien ce que vous dites, madame la présidente, il n’y a rien à l’heure actuelle qui traite clairement de cette question.
Mme Eaton : Nous croyons fermement que le programme devrait se baser sur le revenu et non sur les actifs — que le revenu devrait être déterminant et que les gens ne devraient pas avoir à puiser dans leurs actifs, surtout lorsqu’on parle d’une population vieillissante. Ces actifs nous assurent une sécurité, d’autant que les coûts liés au logement atteignent des sommets.
Il existe des structures, comme le Henson Trust, qui a été mis sur pied pour les personnes handicapées, et qui permet de bénéficier d’un montant forfaitaire, mais qui ne permet pas d’accéder aux prestations d’invalidité. Il y a des structures dans la législation que le gouvernement fédéral a mis en place — par l’entremise des fiducies Henson, par exemple — qui pourraient servir de modèle en vue du travail à réaliser.
La présidente : Merci beaucoup. Je tiens à remercier tous nos témoins, non seulement de leur présence ici aujourd’hui, mais aussi de l’excellent travail, de l’important travail qu’ils réalisent pour la collectivité. Vous avez considérablement enrichi notre compréhension du projet de loi et vos points de vue nous seront utiles pour l’étude de notre rapport.
Nous poursuivrons notre étude du projet de loi C-22 lors de notre réunion de demain.
(La séance est levée.)