LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mercredi 29 mars 2023
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd’hui, à 16 heures (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi C-22, Loi visant à réduire la pauvreté et à renforcer la sécurité financière des personnes handicapées par l’établissement de la prestation canadienne pour les personnes handicapées et apportant une modification corrélative à la Loi de l’impôt sur le revenu.
La sénatrice Ratna Omidvar (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Je commencerai en souhaitant la bienvenue aux membres du comité, aux témoins et aux membres du public qui nous regardent. Je m’appelle Ratna Omidvar, et je suis sénatrice de l’Ontario et présidente du comité. Nous allons faire un tour de table afin que les sénateurs puissent se présenter, en commençant par la vice-présidente du comité.
La sénatrice Bovey : Patricia Bovey, sénatrice du Manitoba.
La sénatrice Dasko : Donna Dasko, sénatrice de l’Ontario.
La sénatrice Lankin : Frances Lankin, sénatrice de l’Ontario.
La sénatrice Bernard : Wanda Thomas Bernard, sénatrice de la Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Poirier : Rose-May Poirier, sénatrice du Nouveau-Brunswick. Bienvenue.
Le sénateur Kutcher : Stan Kutcher, de la Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Osler : Gigi Osler, du Manitoba.
La sénatrice Burey : Sharon Burey, sénatrice de l’Ontario.
La présidente : Je dois prévenir les témoins qu’il se peut que la réunion soit plus courte que prévu. C’est inhabituel, mais il y aura des votes au Sénat. Les sénateurs devront partir lorsque la cloche sonnera. Nous suspendons la réunion afin que les sénateurs puissent aller voter et nous reprendrons après le vote. Il se peut que cela arrive deux fois. Je vous remercie de votre patience, tolérance, souplesse et compréhension. J’espère que cela ne perturbera pas trop notre travail.
Nous poursuivons aujourd’hui notre étude du projet de loi C-22, Loi visant à réduire la pauvreté et à renforcer la sécurité financière des personnes handicapées par l’établissement de la prestation canadienne pour les personnes handicapées et apportant une modification corrélative à la Loi de l’impôt sur le revenu.
Je vais prendre un instant pour rappeler aux participants à la réunion d’aujourd’hui, ainsi qu’aux personnes qui suivent nos délibérations en personne ou par vidéoconférence, que le comité a pris des mesures afin d’assurer la pleine participation de tous les témoins et membres du public dans le contexte de notre étude du projet de loi C-22. Afin que nos séances soient inclusives et accessibles, le comité offre l’interprétation dans les langues des signes, à la fois en LSQ et en ASL, à l’intention des témoins qui comparaîtront en personne et du public. L’interprétation en langue des signes sera enregistrée et insérée dans l’enregistrement vidéo archivé des délibérations qui sera publié plus tard sur SenVU sur le site Web du comité.
Enfin, si les spectateurs ont besoin d’aide, ils peuvent s’adresser aux pages où à la greffière du comité à tout moment.
Notre premier groupe de témoins est constitué de David Kron, directeur général de la Cerebral Palsy Association of Manitoba; de Jenel Shaw, directrice exécutive d’Arts AccessAbility Network Manitoba; de Sid Frankel, professeur agrégé, Faculté du travail social de l’Université du Manitoba. Jenna Reid, directrice artistique de Kickstart Disability Arts and Culture et Kait Blake, directrice administrative du même organisme, comparaîtront par vidéoconférence.
Afin de nous faire gagner du temps aujourd’hui, Mme Shaw et M. Frankel nous ont gentiment envoyé les textes de leurs déclarations, que nous avons fait suivre aux membres du comité avant la réunion. Nous allons maintenant en distribuer des copies dans la salle.
Nous commencerons par les déclarations de M. Kron et de Mme Reed. Mme Shaw et M. Frankel auront ensuite le temps d’intervenir rapidement avant que les sénateurs ne posent leurs questions. Je rappelle à M. Kron et à Mme Reed qu’ils auront tous les deux cinq minutes pour faire leur déclaration. Monsieur Kron, je vous cède la parole.
David Kron, directeur général, Cerebral Palsy Association of Manitoba : Merci beaucoup, honorables sénateurs, de me donner l’occasion de vous parler du projet de loi C-22, qui porte sur la prestation canadienne pour les personnes handicapées. Dans le cadre de mes fonctions de directeur général, je siège à divers comités communautaires qui œuvrent dans les domaines de la pauvreté et des handicaps.
Je suis président du Social Planning Council of Winnipeg et membre du comité directeur de Disability Matters Vote, qui milite pour la communauté des personnes handicapées. Je suis aussi membre de diverses autres coalitions.
Je remercie le Parlement d’accorder enfin une prestation nationale aux Canadiens handicapés en âge de travailler. La prestation canadienne pour les personnes handicapées est une mesure extraordinaire qui permettra aux personnes handicapées d’échapper à la pauvreté maintenant et à l’avenir. Merci.
Je remercie également les membres du comité et le Sénat de l’attention que vous porterez aux amendements et ajouts, importants mais simples, que nous proposons à la loi pour la renforcer.
J’aimerais tout d’abord souligner le fait que le projet de loi C-22 fait fond sur la Charte canadienne des droits et libertés, la Convention relative aux droits des personnes handicapées des Nations unies et la Loi canadienne sur les droits de la personne. Nos membres ne font pas la quête. Nous savons que la prestation fait partie des droits de la personne, car la réalité des personnes handicapées concerne tous les Canadiens.
Deuxièmement, j’aimerais parler de l’interaction entre les autres programmes de prestation. La Cour du Banc du Roi du Manitoba a établi en 2022 que le Manitoba avait récupéré plus de 330 millions de dollars en prestations spéciales destinées aux enfants autochtones pris en charge par les Services à l’enfant et à la famille pendant la période allant de 2005 à 2018. La récupération des prestations fédérales par les provinces est un risque réel, et le projet de loi devrait en tenir compte.
Au Manitoba, une personne admissible au PAER, ou Programme d’aide à l’emploi et aux revenus, touche actuellement 823 $ par mois en allocations générales et jusqu’à 1 278 $ par mois si elle a un handicap grave et persistant. Comme vous le voyez, ces montants sont bien inférieurs au coût de la vie.
Comme indiqué dans le préambule, les prestations, services et soutiens directs destinés aux personnes handicapées sont la responsabilité des provinces. Compte tenu de ce qui s’est passé dans le passé et ce qui pourrait se produire en matière de récupération, à la fois en ce qui concerne le revenu et les prestations complémentaires, je crois que la prestation canadienne pour les personnes handicapées devrait être protégée. Il faut permettre le cumul des prestations versées par les provinces et le gouvernement fédéral afin qu’elles aident réellement les personnes handicapées, les fassent sortir de la pauvreté et donnent aux prestataires une vie digne et valorisante.
S’ensuit la question suivante : comment procéder? Nous vous proposons deux étapes. La première concerne l’article 3 proposé, l’objet de la loi. Il faudrait qu’il y ait plus d’une seule phrase. Le projet de loi a des objectifs ambitieux qui doivent être indiqués ici. L’objet de la loi doit donner plus de précisions sur la prestation, plutôt que de parler tout simplement des besoins essentiels comme la nourriture, la sécurité et le logement. Les personnes en situation de handicap ont des dépenses supplémentaires liées au transport, à l’inclusion sociale et aux occasions sociales, par exemple. Il faut impérativement indiquer dans l’objet de la prestation canadienne pour les personnes handicapées le caractère ferme des objectifs du gouvernement fédéral et sa volonté d’empêcher les provinces de s’immiscer dans l’atteinte de ses objectifs au moyen de leurs propres programmes de prestations sociales.
L’importance d’avoir un objet clair et précis répondra à deux besoins. Premièrement, cela découragera les provinces qui voudraient récupérer les prestations. Une meilleure description de l’objet guidera les tribunaux et le Parlement à l’avenir quant à l’esprit de la loi en cas de conflit entre les compétences fédérales et provinciales.
Deuxièmement, à l’article 11 proposé, on indique que bon nombre des détails de la loi seront contenus dans les règlements. Le fait de décrire avec plus de précision l’objet et les objectifs généraux à l’article 3 guidera les travaux et aboutira à une meilleure prestation canadienne pour les personnes handicapées.
La deuxième étape correspond aux outils dont dispose déjà le gouvernement fédéral pour protéger la prestation si le Parlement ne veut pas apporter d’amendement au projet de loi. Le Transfert canadien en matière de programmes sociaux permet au gouvernement fédéral de retenir une partie des fonds transférés aux provinces qui récupèrent des prestations. Toutefois, afin d’éviter de longues et coûteuses contestations judiciaires, il serait préférable de modifier le projet de loi C-22. À l’alinéa 9c), la prestation est déjà protégée contre des récupérations au titre d’autres prestations fédérales. Vous avez déjà pris des mesures dans ce sens.
À titre de conclusion, j’aimerais vous remercier de votre attention. Le Canada est un pays riche et nous devons valoriser tous ses citoyens, y compris les 6,2 millions de Canadiens en situation de handicap.
Dans le passé, on pensait que nous étions un fardeau qui coûtait cher à la société. Si on nous donne les soutiens nécessaires, nous pouvons en faire plus, vivre davantage et contribuer à l’économie, à la société et à la main-d’œuvre. Si l’on veut que la prestation canadienne pour les personnes handicapées réalise ses objectifs pour la prochaine génération, nous devons commencer à collaborer dès aujourd’hui avec tous les ordres de gouvernement, sans permettre de récupération et en prévoyant un objet bien défini dans le projet de loi C-22. Merci.
La présidente : Merci beaucoup, monsieur Kron.
Madame Reid, vous avez cinq minutes.
Jenna Reid, directrice artistique, Kickstart Disability Arts and Culture : Merci. Bonjour. Je m’appelle Jenna Reid. J’utilise comme pronom « elle » et « la » et lorsque je me présente, j’aime citer la feue survivante psychiatrique Diana Caponi en disant que je suis une femme qui porte plusieurs chapeaux. Je le dis parce que cela tient compte de ma responsabilité envers ma communauté. Je suis inspirée par les connaissances, l’activisme, la politique et l’éthique d’une lignée d’organisateurs et de militants communautaires.
Je porte les chapeaux d’artiste et d’administratrice artistique. Je vous parle en ma qualité de directrice artistique de Kickstart Disability Arts and Culture. Je milite depuis plus de 15 ans au sein de la communauté des survivants psychiatriques, et je travaille également sur le front de la solidarité intermouvements. J’ai un doctorat en études des handicaps critiques, et je suis une survivante psychiatrique folle, une queer, une colonne blanche et une femme cis. Je vous parle de tous ces chapeaux parce que les artistes, et surtout les artistes handicapés, ont un rapport unique avec la pauvreté et leurs perspectives méritent d’être connues. J’ai siégé au conseil d’une entreprise à vocation sociale issue de la communauté des survivants psychiatriques ayant comme objectif de créer ses propres solutions face à la pauvreté, à la stigmatisation et aux diverses formes de marginalisation. L’organisation croit fermement à la sagesse, à la valeur et aux compétences des personnes ayant connu des troubles de santé mentale, la toxicomanie, l’itinérance, les traumatismes, ainsi que les défis propres aux nouveaux arrivants et aux réfugiés. Tous sont concernés par la pauvreté.
J’ai aussi reçu une bourse postdoctorale de l’École de santé publique Dalla Lana afin de mener pendant deux ans de la recherche sur la pauvreté et les programmes d’assistance sociale dans les communautés 2SLGBTQIA+ intersectionnelles, en mettant l’accent sur les handicaps.
Il est important de souligner que le projet de loi ne va pas assez loin. Il ne répondra pas assez rapidement aux besoins et il est évident aux yeux de nos communautés que nos besoins et nos vies n’ont pas fait partie des priorités.
La présidente : Madame Reid, nous devons malheureusement suspendre la séance. Nous n’entendons pas l’interprétation. Nous allons faire une pause de deux minutes pour tenter de régler le problème. Je vous offre toutes mes excuses.
(La séance est suspendue.)
(La séance reprend.)
La sénatrice Patricia Bovey (vice-présidente) occupe le fauteuil.
La vice-présidente : Honorables sénateurs, mesdames et messieurs, je vais occuper le fauteuil pendant le restant de la séance cet après-midi.
Je m’excuse auprès des témoins. Nous devions aller voter. Je ne sais pas si vous l’avez vu, mais il y aura encore un autre vote.
Nous nous sommes entendus que la séance se poursuivrait jusqu’à 18 h 30. J’espère que tout le monde est d’accord. Il n’y aura aucune rencontre du comité directeur après.
Je crois comprendre que M. Kron a pu terminer sa déclaration. Je vais demander à Mme Shaw de faire une déclaration rapide. Nous passerons ensuite à M. Frankel. J’aimerais m’excuser des problèmes d’interprétation auprès des témoins qui comparaissent par vidéoconférence, notamment Mme Reid. On m’a dit que Mme Blake est toujours en ligne et sera en mesure de répondre aux questions après que Mme Shaw et M. Frankel auront fait leurs déclarations, mais je ne sais pas si Mme Reid pourra continuer à témoigner. Nous avons déjà rencontré ce type de problème, et nous tenterons de trouver une façon de procéder avec Mme Reid.
Sans plus tarder, nous allons maintenant entendre Mme Shaw et M. Frankel, qui auront tous les deux un maximum de cinq minutes. Nous passerons ensuite à une série de questions et réponses, à moins que Mme Blake ne souhaite faire une déclaration.
Jenel Shaw, directrice exécutive, Arts AccessAbility Network Manitoba : Honorables sénateurs, je vous remercie d’avoir invité Arts AccessAbility Network Manitoba, l’AANM, à comparaître aujourd’hui pour parler du projet de loi C-22. À titre de représentante de l’AANM, j’ai l’honneur d’être la porte-parole d’artistes sourds ou handicapés dans le cadre de ces importants travaux. Il est question d’enjeux qui touchent à notre vécu de personnes handicapées et à nos compétences professionnelles.
L’AANM aide les artistes professionnels sourds ou handicapés en leur offrant de la formation professionnelle et des occasions d’exposer leur travail. Nous militons aussi au Manitoba afin d’améliorer l’accès aux arts pour tous.
À cause de leur handicap, bon nombre de nos artistes ne peuvent pas occuper un emploi à plein temps. Les arts leur donnent toutefois la latitude nécessaire pour travailler quand ils le peuvent, selon leur propre horaire. Or, la plupart du travail qui s’offre aux artistes vivant avec un handicap est très précaire : il ne s’agit pas d’heures travaillées avec un salaire et des avantages sociaux, mais de cachets et de revenus tirés de la vente d’œuvres.
Dans leurs œuvres, bon nombre de nos artistes vivant avec un handicap remettent en question les idées préconçues quant au fonctionnement normal de la tête et du corps. Nos artistes utilisent leurs tribunes pour mieux faire connaître la réalité des personnes handicapées et combattre les préjugés néfastes. L’un de nos membres, Adam Schwartz, se sert de l’humour pour parler de neurodiversité et d’autisme. Les personnes qui assistent à ses spectacles peuvent s’attendre à s’esclaffer en écoutant Adam leur raconter avec humour son vécu de personne autiste. Alice Crawford, qui est aussi membre de l’AANM, se sert de caractères et de la gravure pour parler de ses interactions quotidiennes et des obstacles qu’elle doit surmonter pour communiquer.
Bien qu’une bonne part de nos artistes cherchent, par leur important travail, à améliorer leur sort et celui de leurs confrères et consœurs, ils vivent dans la pauvreté et tirent le diable par la queue. Il peut être difficile pour les artistes vivant avec un handicap de se réaliser pleinement en raison du stress inhérent à la pauvreté et du nombre insuffisant d’endroits accessibles et abordables où faire leur travail. Mentionnons aussi les coûts supplémentaires ou cachés que doivent assumer les personnes handicapées. Certaines personnes doivent acheter des médicaments sans ordonnance, des aliments précoupés ou des appareils qui ne sont pas remboursés ou ne le sont que partiellement. Les personnes handicapées doivent assumer tous ces coûts supplémentaires ou alors se priver de ces soutiens essentiels.
L’AANM appuie de tout cœur le projet de loi C-22, puisqu’il permettra d’assurer aux personnes handicapées la sécurité financière dont elles ont désespérément besoin et de préserver la dignité de notre communauté. Une prestation canadienne pour les personnes handicapées permettrait aux membres de notre communauté de se procurer les biens de première nécessité dont ils ont besoin pour assurer leur santé et leur bien-être, et aiderait à couvrir les coûts cachés de l’invalidité.
Cette mesure législative permettra aux artistes handicapés de poursuivre leur important travail en vue de créer un avenir inclusif et accessible. Bien qu’Arts AccessAbility Network Manitoba appuie ce projet de loi, certaines choses nous préoccupent. Le projet de loi stipule explicitement que la prestation sera versée aux personnes en âge de travailler, c’est-à-dire aux personnes de moins de 65 ans. Or, comme nous le savons tous, la pauvreté ne s’arrête pas à 65 ans. Pour les artistes handicapés, l’âge de la retraite n’existe pas. Nos artistes continuent à créer des œuvres longtemps après avoir atteint l’âge de la retraite et méritent tout autant la stabilité financière que leurs homologues plus jeunes.
Une autre préoccupation est le manque d’information sur le revenu que les personnes handicapées devraient recevoir. Dès l’adoption du projet de loi C-22, des lignes directrices devront être mises en place en consultation avec les organismes de personnes handicapées tel que le nôtre. Cette mesure législative sans précédent rendra la société plus inclusive et plus équitable, mais pour garantir que le projet de loi ait l’effet escompté, nous devons veiller à ce que l’article 11.1 soit respecté. Or, les véritables experts en matière de handicap et de pauvreté sont ceux qui vivent ces réalités. Ce sont eux qui savent mieux que quiconque ce dont ils ont besoin pour bénéficier d’une sécurité financière. Nous espérons que l’article 11.1 sera respecté et mis en œuvre.
En conclusion, je voudrais remercier les sénateurs de m’avoir invitée à parler de cet important projet de loi aujourd’hui. Je vous remercie.
La vice-présidente : Merci beaucoup.
Chers collègues, les lumières clignotent. Le vote aura lieu à 17 h 8. À titre d’information, sachez qu’il s’agit de projets de loi de crédits. Ce sont les projets de loi de nature financière dont nous avons tous besoin pour faire ce que nous faisons. Vous nous voyez navrés de l’interruption que nous allons devoir faire.
Monsieur Frankel, vous avez le temps de faire une intervention et, chers collègues, je veillerai à ce que nous quittions la salle à 17 h 3 pour arriver à temps pour le vote de 17 h 8.
Sid Frankel, professeur agrégé, Faculté du travail social, Université du Manitoba, à titre personnel : Merci, sénateurs, de m’avoir donné cette occasion de comparaître. C’est avec beaucoup d’humilité que je m’adresse à vous, assis avec mes collègues, qui sont des experts en matière de handicap. Je ne suis pas handicapé, mais je pense être en mesure de formuler quelques observations qui seront conformes à leurs propos.
En gros, j’ai soulevé quatre points. Je sais que vous avez ma présentation sous forme écrite. Tout d’abord, je pense que la loi et le règlement devraient miser sur une approche de la réduction de la pauvreté davantage axée sur les droits de la personne. Cela signifie que la prestation serait garantie en tant que droit, que les divers traités sur les droits de la personne dont le Canada est signataire seraient utilisés comme cadre normatif et que le ministre serait tenu de présenter un rapport annuel sur le respect de ces traités ainsi que de la Charte.
Comme mesures de responsabilisation, le ministre devrait être tenu de rendre compte chaque année du taux, de l’ampleur et de la durée de la pauvreté chez les personnes handicapées, en considérant les personnes handicapées comme un groupe vulnérable et en essayant de réduire les risques particuliers du cumul de la pauvreté et de la situation de handicap. L’un des moyens d’y parvenir est de veiller à ce que le processus d’admissibilité et une procédure d’appel soient accessibles à tous. La loi devrait mettre à disposition des ressources technologiques et humaines pour aider les personnes handicapées à accéder à ces deux processus.
Enfin, l’approche fondée sur les droits de la personne sous-tend que les personnes handicapées doivent participer à l’administration de la loi, et pas seulement à la préparation des règlements. La loi devrait être assortie de dispositions plus vastes et plus durables. Il pourrait en fait s’agir d’un comité représentatif de toutes les personnes handicapées, qui pourrait surveiller la mise en œuvre de la loi, proposer des améliorations et répondre aux recommandations des autres.
Deuxièmement, le projet de loi exige que le ministre tienne compte de la mesure du panier de consommation, le seuil de pauvreté officiel du Canada, pour établir le niveau des prestations, de toute façon, la norme permettant d’évaluer dans quelle mesure la pauvreté a été réduite par le projet de loi. Cela pose quelques problèmes. Selon le mode de fonctionnement de la mesure du panier de consommation, de nombreux coûts importants ne sont pas inclus, mais soustraits du revenu pour le calcul de la pauvreté. Ces éléments sont décrits dans ma présentation écrite. L’un d’entre eux est le coût des biens et services de santé non assurés, mais prescrits par un médecin. Ce que j’affirme, c’est que si l’on utilise la mesure du panier de consommation, la prestation sera fixée à un niveau trop bas.
En outre, aucune de nos mesures de la pauvreté ne tient compte des coûts supplémentaires que les personnes handicapées doivent engager pour s’assurer un niveau de vie équivalent à celui des personnes qui ne sont pas handicapées. Des recherches récentes que j’ai citées documentent précisément cet état de fait associé à la mesure du panier de consommation.
Je recommanderais par conséquent d’utiliser la mesure du faible revenu après impôt. Il s’agit d’une mesure relative plutôt que d’une mesure absolue du panier de consommation. Les mesures relatives sont beaucoup mieux corrélées avec les indicateurs de santé et de bien-être. La mesure du panier de consommation devrait être ajustée. Tout d’abord, elle ne tient pas compte des coûts supplémentaires liés aux handicaps. La mesure du panier de consommation étant basée sur les revenus médians, elle diminuerait probablement en période de récession et assurément en cas de dépression.
Je dirais que les valeurs prévalentes durant la dernière année avant la récession ou la dépression devraient être utilisées pour déterminer le niveau des prestations. Par ailleurs, d’autres ont soulevé la question de la récupération. Nous savons que cela se produit. C’est ce qui s’est passé avec la Prestation canadienne d’urgence, malgré les interventions très fermes du ministre fédéral demandant aux provinces et aux territoires de s’abstenir de procéder à des récupérations.
La loi pertinente, la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces, contient déjà une condition qui dissuade les provinces de fixer une période d’attente pour la demande d’aide sociale. Une condition similaire pourrait être ajoutée afin de dissuader les provinces et les territoires de récupérer la prestation d’invalidité canadienne.
La vice-présidente : Merci. Je vous prie de m’excuser pour cette séance qui devra être interrompue. Je sais que vous n’êtes pas sans savoir que les affaires gouvernementales doivent se poursuivre.
Distingués collègues, je vous propose de suspendre la réunion le temps de procéder au vote. Le vote a lieu à 17 h 8. Il faut environ 10 minutes pour procéder au vote par appel nominal. Nous reviendrons. La période des questions suivra.
Madame Blake, je ne sais pas si vous souhaitez formuler quelques observations avant que nous passions aux questions, ou si vous voulez attendre les questions. D’accord. Nous poserons des questions à notre retour.
(Le comité suspend ses travaux.)
(Le comité reprend ses travaux.)
La vice-présidente : Chers collègues et invités, nous sommes de nouveau en ligne et il n’y a plus de vote aujourd’hui. Le Sénat a ajourné ses travaux ou est sur le point de le faire. Nous allons donc poursuivre les nôtres sans risquer d’être interrompus.
Chers collègues, comme je l’ai dit précédemment, notre réunion d’aujourd’hui se poursuivra jusqu’à 18 h 30. Nous resterons avec ce groupe d’experts jusqu’à 17 h 40, et nous entendrons le prochain de 17 h 40 à 18 h 30.
Si j’ai bien compris, madame Blake, vous allez formuler quelques observations, puis nous passerons aux questions. Au début de la période de questions, nous vous indiquerons le temps dont vous disposez pour les questions et les réponses.
Madame Blake, nous vous écoutons.
Kait Blake, directrice administrative, Kickstart Disability Arts and Culture : Merci. Je reprendrai là où Mme Reid s’est arrêtée.
Ce projet de loi n’aborde pas de manière adéquate les complexités de la pauvreté. La pauvreté n’est pas l’absence de revenus suffisants. La pauvreté s’inscrit dans les relations sociales et les inégalités de pouvoir inhérentes à nos systèmes, à notre société et à nos institutions.
Ce projet de loi n’aborde pas l’inaccessibilité pure et simple des programmes, systèmes et institutions d’aide sociale, et il ne tient pas compte de la discrimination et de la violence auxquelles les personnes handicapées sont confrontées en leur sein.
Le projet de loi ne tient pas compte du nombre de personnes exclues ou mal servies, sans parler du fait qu’il vise vraiment le minimum, ce qui est très décevant. Cet objectif de réduction de la pauvreté laisse quand même nos communautés dans un état lamentable.
Jenna Reid aborde ces observations sous l’angle de l’incroyable privilège d’être blanche, d’avoir grandi dans la classe moyenne supérieure et d’être titulaire d’un doctorat en études sur les handicaps critiques. Dans cette optique, rien dans la manière dont Mme Reid et Kickstart ont été invités à cette table et soutenus de manière adéquate pour faire part de leurs importantes observations — comme dans chaque étape de ce processus — n’a été inaccessible de notre point de vue, en tant que personnes handicapées.
La devise « rien ne doit se faire sans nous » voudrait que nous ayons notre mot à dire sur tous les changements significatifs que propose ce projet de loi, et ce, à toutes les étapes du processus. À l’heure actuelle, nous ne voyons pas comment cette participation a été intégrée à ce processus. Vous le savez certainement tous. On vous l’a dit et vous êtes en mesure de comprendre que c’est ainsi que les choses sont conçues, avec beaucoup d’inclusion performative — sachant que l’inclusion signifie que votre table est dressée, mise et prête à servir et que le mieux que vous pouvez faire est de mettre un sous-verre sous une des pattes pour restreindre un peu les vacillements.
Le mieux que je puisse vous dire, au nom de Mme Reid et de Kickstart, c’est que nous ne voyons aucune attention de bonne tenue accordée aux besoins particuliers des artistes handicapés, à l’expérience de l’économie des petits boulots et au travail instable, et à la façon lamentable dont les artistes handicapés et les administrateurs du milieu des arts sont financés et dotés en ressources. Nous ne voyons aucune considération significative pour des choses comme les handicaps épisodiques, ni le processus défectueux et inaccessible d’obtention d’une preuve adéquate d’être handicapé, ou d’être suffisamment handicapé, ou d’être handicapé de la bonne manière. Il n’y a pas non plus de prise en compte de l’influence du racisme et du rejet de la dimension autochtone dans notre conception des droits des personnes handicapées.
Tout cela pour dire que pour réduire la pauvreté, nous ne devons pas nous contenter de prendre en compte les répercussions d’un revenu insuffisant. Avons-nous besoin de plus d’argent? Oui. Cela résoudra-t-il le problème des inégalités? Absolument pas.
Je vais m’arrêter là. Je vous remercie.
La vice-présidente : Madame Blake, au nom du comité, je tiens à vous remercier et à remercier tous nos intervenants.
Chers collègues, il nous reste un peu plus de 15 minutes. Puis-je demander à chacun d’entre nous de prévoir trois minutes pour une question et une réponse. Si nous avons le temps, nous pourrons procéder à un deuxième tour. Je sais qu’il nous arrive de répéter des questions et de les approfondir. Puis-je proposer, dans l’intérêt du temps, que nous essayions de poser des questions qui, dans la mesure du possible, ne se répètent pas?
La sénatrice Poirier : Je remercie tous les témoins de leur présence.
Ma question s’adresse au professeur Frankel. Dans votre déclaration liminaire, vous avez recommandé que la loi exige un mécanisme d’appel et garantisse que les appelants disposent des ressources nécessaires pour déposer et défendre leurs appels.
Les demandes d’aide aux personnes handicapées et les recours contre les décisions sont souvent lourds. Compte tenu de votre expérience, je me demande s’il existe des exemples d’administrations — au Canada ou à l’étranger — qui font du bon travail pour soutenir les personnes handicapées tout au long de ce processus. À quoi devrions-nous porter attention? Pensez-vous que cette prestation devrait être basée sur le revenu individuel ou familial?
M. Frankel : Il y a quelques questions là-dedans. Je ne connais pas l’efficacité des différentes approches en matière d’appel. Cependant, je sais — et mes collègues peuvent également en parler — que le soutien disponible pour l’appelant est important. Par exemple, en ce qui concerne les appels relatifs à l’assurance-emploi, il existe un certain soutien. Je pense que cela vaut la peine de s’y intéresser. Cela m’a d’ailleurs donné l’idée d’examiner où il existe des mécanismes d’appel efficaces.
Au Canada, l’approche générale pour presque toutes les prestations consiste à se concentrer sur le revenu du ménage. Deux questions se posent. La première est de savoir quel revenu est pris en compte pour l’octroi de la prestation, et la seconde est de savoir qui reçoit la prestation. La tradition veut que l’on prenne en compte le revenu du ménage. Cela part du principe que tous les membres du ménage ont accès aux prestations. Sauf que je pense que la personne handicapée devrait être le bénéficiaire de ce revenu, et non le chef de famille, à moins qu’il ne soit la personne handicapée en question.
La vice-présidente : Merci. Si, au cours de vos recherches, vous trouvez une piste à cet égard, pourriez-vous faire parvenir cette information à notre greffière? Cela nous aidera à éclairer notre travail.
La sénatrice Poirier : Si vous deviez apporter un amendement au projet de loi C-22, que proposeriez-vous?
M. Frankel : Je pense que la chose la plus importante serait d’avoir un moyen plus viable et plus exhaustif de faire participer les personnes handicapées. J’exigerais bien plus qu’une simple consultation sur les règlements, même si c’est important. Je plaiderais pour la création d’un comité qui serait nommé par un comité multipartite et qui aurait pour mandat de surveiller la mise en œuvre, de faire des recommandations au ministre — des recommandations qui devraient être présentées à l’ensemble de la Chambre — et d’être consulté au sujet des recommandations faites par d’autres.
La sénatrice Poirier : Je vous remercie.
La sénatrice Osler : Je remercie tous les témoins de leurs témoignages réfléchis.
Madame Blake, vous avez parlé des relations sociales et du pouvoir. Monsieur Frankel et madame Shaw, vous avez parlé de sécurité financière et de réduction de la pauvreté. Monsieur Kron, vous avez parlé de la nécessité d’élargir l’objectif de la loi.
Ma question s’adresse à tous les témoins. Le préambule du projet de loi cite l’exclusion sociale comme l’une des raisons pour lesquelles les personnes handicapées en âge de travailler sont plus susceptibles de vivre dans la pauvreté que les personnes non handicapées.
À votre avis, comment la prestation canadienne pour les personnes handicapées peut-elle promouvoir l’inclusion sociale des personnes handicapées? Monsieur Frankel, vous en avez parlé un peu.
M. Kron : La meilleure partie du projet de loi est son préambule, car il lui donne du poids grâce aux définitions et aux exemples qu’on y trouve. C’est la partie la plus importante.
Mme Shaw : Je suis d’accord avec ce qu’a dit M. Frankel. L’inclusion des voix des personnes sourdes et handicapées est vraiment importante. Nous sommes les experts en ce qui concerne nos propres expériences. Nous savons ce que c’est que de vivre dans la pauvreté et nous connaissons les coûts supplémentaires que nous devons assumer. Il est essentiel de veiller à ce que nous participions pleinement à tous les aspects de ce plan.
Mme Blake : Je réponds en mon nom et en celui de Jenna Reid. Mme Reid a indiqué que l’inclusion doit permettre de remédier au déséquilibre des pouvoirs par le truchement de la participation.
Personnellement, en tant que personne neurodiverse et vivant avec divers handicaps intellectuels et d’apprentissage, j’ai eu énormément de difficulté à faire mes propres recherches et à essayer d’en savoir plus sur ce projet de loi. Je ne disposais d’aucune version vulgarisée. Il faut être privilégié et bien informé pour bien comprendre le projet de loi proprement dit et toutes les nuances qui s’y rattachent. Je pense qu’il est très important de le souligner. Je vous remercie.
M. Frankel : Je pense que le projet de loi devrait décrire la prestation comme un droit, afin qu’elle ne soit pas stigmatisée par rapport à des prestations plus conditionnelles comme l’aide sociale.
La sénatrice Burey : Merci aux témoins de nous faire bénéficier de leur expérience et de leur expertise.
Je vais me concentrer sur la question des lois par rapport aux règlements et des permutations entre les deux. Bon nombre de nos témoins sont d’avis qu’il faut adopter ce projet de loi, ne pas y apporter d’amendements, de peur qu’il ne meure au Feuilleton. Même si la prestation canadienne pour les personnes handicapées sera en grande partie mise en œuvre par règlement, plus particulièrement par décret, l’article 12 du projet de loi C-22 impose des examens parlementaires de la Loi sur la prestation canadienne pour les personnes handicapées, sauf qu’un processus réglementaire limite l’examen parlementaire du règlement à celui du Comité mixte permanent d’examen de la réglementation.
Selon vous, puisque la majorité de la description de la prestation canadienne pour les personnes handicapées est établie par règlement plutôt que par une mesure législative, quels sont les avantages et les inconvénients possibles? Nous avons entendu le pour et le contre.
La vice-présidente : Sénatrice Burey, notre temps est très limité. Peut-être que deux personnes peuvent répondre à cette question, puis deux autres à la suivante. Je suis vraiment désolée.
M. Kron : Je serais très heureux de vous répondre.
Un droit fondamental ne peut pas reposer strictement sur de bonnes intentions. L’exclusion de dispositions de récupération doit avoir pleinement force de loi. Les règlements peuvent être modifiés en tout temps par le Conseil privé, donc il faut vraiment que ces protections soient enchâssées dans la loi ou dans le Transfert social canadien. Ce doit être dans quelque chose du genre. Les gouvernements changent les attentes et nous oublions pourquoi nous sommes ici aujourd’hui. Nous devons vraiment enchâsser cela dans la loi afin de ne pas avoir à revenir tous les cinq ans pour défendre ce droit fondamental, que nous avons déjà.
La vice-présidente : Madame Blake, souhaitez-vous répondre à cette question?
Mme Shaw : Je m’en remets à mes collègues.
M. Frankel : Je serai bref.
Je comprends d’où vient la tension. Beaucoup de personnes handicapées vivent actuellement dans une grave pauvreté, et nous voulons bien faire les choses. J’avancerais que le projet de loi devrait inclure des principes tels que des références à différents traités sur les droits de la personne dont le Canada est signataire. Ils devraient être considérés comme un cadre normatif, et le ministre devrait être tenu de rendre des comptes sur le respect de celui-ci.
La sénatrice Bernard : Je ne crois pas qu’on aura le temps de répondre à mes questions, donc je vous prierais en tout respect de me fournir une réponse par écrit, si possible.
Ma première question s’adresse à M. Reid et à Mme Blake. Vous avez mis en relief la complexité de la pauvreté et parlé de l’intersectionnalité de la pauvreté et du racisme, du fait d’être Autochtone, et ainsi de suite. Si possible, j’aimerais que vous nous communiquiez d’autres idées sur ce qui devrait être amendé dans le projet de loi pour veiller à ce qu’il tienne compte de la complexité de la pauvreté, car beaucoup de gens ne comprennent pas tout à fait le concept, surtout cet élément sur l’inclusion.
Mon autre commentaire porte essentiellement sur ce que vous avez dit sur l’inaccessibilité de nos réunions comme telles. Je dois dire, et ce sera consigné, que je suis extrêmement gênée d’apprendre que nous avons créé une situation où nous vous avons invités ici et les réunions comme telles ne sont pas accessibles. Si vous avez des recommandations précises à nous faire pour que le Sénat du Canada puisse être plus inclusif et créer de meilleures conditions pour que vos voix soient entendues, je serais heureuse de les entendre. Nous sommes ouverts à vos suggestions. Merci.
Je ne veux pas une réponse maintenant, car il n’y a pas assez de temps. Je vous invite à soumettre ces réponses.
La vice-présidente : Très bons points.
La sénatrice Petitclerc : Merci d’être des nôtres.
Madame Shaw, vous avez parlé de la complexité d’être à la fois artiste et handicapée. Je dois avouer que je ne sais pas grand-chose là-dessus, mais vous avez cité le fait que notre économie en est une de petits boulots, qu’elle est fondée sur les cachets et les petits contrats, et cetera. Savez-vous si la communauté artistique qui cible et englobe les personnes handicapées a fait partie des consultations jusqu’ici? C’est ma première question.
Mon autre question pourrait s’adresser à M. Kron, puis aux autres si nous en avons le temps. Le projet de loi demande que l’on tienne compte du seuil de la pauvreté. Ce que j’entends de plus en plus, c’est que cela ne suffira pas. Nous devons aller au-delà de ce seuil. Je ne veux pas parler à votre place. Je voudrais plutôt vous entendre là-dessus, mais d’abord sur la consultation.
Mme Shaw : À ma connaissance, il n’y a pas de consultations en cours, mais ce serait très important. La situation est très difficile pour les artistes. Même quand ils reçoivent des cachets, ils risquent d’être exclus d’un programme de prestations d’invalidité s’ils déposent leur chèque à la banque. Cette situation est très stressante pour nos membres. Il est important de parler avec un plus grand nombre d’artistes handicapés pour comprendre toute la complexité associée à la navigation des différents systèmes en place et la façon dont ils influent sur leur seuil de pauvreté.
M. Kron : Puisque l’on parle des seuils de pauvreté, je vais m’en remettre à M. Frankel, mais je dirai d’abord que, si vous doublez la prestation que les Manitobains handicapés reçoivent actuellement, ils seront tout de même sous le seuil de la pauvreté. C’est simplement pour vous donner un peu de contexte.
M. Frankel : Très brièvement, aucune des mesures de lutte contre la pauvreté ne tient compte des coûts supplémentaires associés à un handicap pour arriver à une qualité de vie équivalente au reste de la population. Il faut faire quelque chose en ce sens si vous voulez limiter la pauvreté chez les personnes handicapées. L’absence de certains articles pose problème dans la mesure du panier de consommation, ce qui se traduit par l’établissement d’une norme trop basse.
La sénatrice Petitclerc : Je veux que l’on consigne l’information. Est-ce que, oui ou non, vous êtes tous d’accord pour dire que, peu importe le handicap, le fait de vivre avec ce handicap entraîne des coûts supplémentaires?
M. Kron : Oui.
Mme Shaw : Tout à fait.
M. Frankel : Il y a des preuves à cet effet, oui.
La vice-présidente : Madame Blake, êtes-vous d’accord?
Mme Blake : Oui.
J’aimerais également répondre brièvement en ce qui a trait à la participation des artistes handicapés. Kickstart Disability Arts and Culture est un organisme professionnel pour les artistes handicapés actif depuis 25 ans, et nous n’avons pas l’impression que la communauté des artistes handicapés a joué un rôle significatif dans tout cela avant d’être invité à la présente réunion. Merci.
La vice-présidente : Je tiens à tous vous remercier...
La sénatrice Bernard : Je souhaite poursuivre dans la lignée de la dernière question de la sénatrice Petitclerc. Est-ce que la situation change quand vous atteignez l’âge magique de 65 ans, pour les fins du compte rendu?
M. Kron : Pour les fins du compte rendu, oui, vous êtes guéri en atteignant l’âge de 65 ans, car vos prestations disparaissent. C’est pour cette raison qu’elles doivent être cumulables. Je vais envoyer un peu plus de renseignements au Sénat à cet égard pour qu’il puisse en tenir compte.
La vice-présidente : Vous me voyez contrite et gênée que notre premier groupe de témoins cet après-midi ait connu des interruptions, que ce soit pour des raisons techniques ou la tenue de deux votes. Vous avez été à la fois indulgents et généreux. Nous serions ravis de recevoir de plus amples renseignements pour approfondir les différentes choses que vous avez dites.
Je prie les collègues qui n’ont pas eu l’occasion de poser une question parce que nous avons manqué de temps d’envoyer leurs questions à la greffière afin qu’elle puisse les transmettre aux témoins du groupe pour obtenir des réponses. Il s’agit ici de favoriser l’inclusivité et de soumettre des questions au mieux de nos capacités. Si vous pouviez procéder ainsi, chers collègues, je vous en saurais gré.
Merci de nouveau au premier groupe de témoins pour votre indulgence, les renseignements que vous nous avez fournis et votre présence parmi nous cet après-midi. N’hésitez pas à rester si vous voulez entendre le deuxième groupe de témoins.
J’aimerais accueillir le deuxième groupe de témoins qui participent à la réunion par vidéoconférence. Il s’agit de Paul Lupien et d’André Prévost, respectivement président et directeur général de la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec; ainsi que d’Amélie Duranleau, directrice principale, et de Samuel Ragot, analyste sénior aux politiques publiques et conseiller à la défense des droits, tous les deux de la Société québécoise de la déficience intellectuelle.
Je vous remercie d’être des nôtres aujourd’hui. Je tiens d’emblée à vous préciser, avec moult excuses, que votre temps a été réduit, vous aussi, en raison des problèmes que nous avons éprouvés plus tôt cet après-midi. Nous allons poursuivre les travaux jusqu’à 18 h 30, heure locale. Il est maintenant 16 h 45. Puis-je vous demander de commencer chacun par votre déclaration liminaire? Vous disposez chacun de cinq minutes. Les membres du comité vous poseront ensuite des questions. Je vais commencer par les sénateurs qui n’ont pas eu l’occasion de poser des questions au cours du dernier tour, puis, si nous manquons de temps, les sénateurs pourront soumettre leurs questions afin d’obtenir une réponse écrite.
Monsieur Lupien, allez-y, je vous en prie.
[Français]
Paul Lupien, président, Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec : Bonjour, madame la présidente et chers membres du Sénat.
Mon nom est Paul Lupien. Je suis le président du conseil d’administration de la COPHAN — Confédéraltion des organismes de personnes handicapées du Québec. Je suis une personne en situation de handicap et je suis également membre de l’Institut national pour l’équité, l’égalité et l’inclusion des personnes en situation de handicap, l’INÉÉI-PSH. Je suis accompagné de M. André Prévost, directeur général de la COPHAN, qui discutera brièvement de la prestation canadienne pour personnes handicapées, de son arrimage nécessaire avec le Programme de revenu de base, le PRB, et du besoin d’éviter les effets pervers bureaucratiques lors de sa mise en œuvre.
La Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec, la COPHAN, organisme à but non lucratif incorporé en 1985, a pour mission de rendre le Québec inclusif afin d’assurer la participation sociale pleine et entière des personnes ayant des limitations fonctionnelles et de leur famille. Son conseil d’administration est composé majoritairement de personnes en situation de handicap. Elle inclut plus de 50 organismes et regroupements nationaux et régionaux de personnes ayant tout type de limitation fonctionnelle.
La COPHAN s’appuie sur l’expertise et les compétences de ses membres, dont de nombreuses personnes en situation de handicap. Son mandat est de représenter et de défendre les droits des personnes en situation de handicap et de leurs proches auprès des instances.
Les principes qui guident l’action de la COPHAN sont l’inclusion pleine et entière, la primauté du droit, le droit à l’égalité, l’accessibilité universelle, l’accommodement et la compensation des coûts supplémentaires liés aux limitations fonctionnelles.
Ce dernier principe est très partisan dans le cadre de l’éventuelle prestation canadienne pour personnes handicapées. Effectivement, pour la COPHAN, des mesures de compensation doivent être instaurées pour répondre aux différents besoins des personnes ayant des limitations fonctionnelles. Ces mesures visent à réduire les conséquences et les surcoûts liés aux situations de handicap. La compensation peut prendre différentes formes : biens, services directs, allocations, mesures fiscales, etc.
J’invite M. André Prévost à prendre la parole.
André Prévost, directeur général, Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec : Bonjour à tous. La COPHAN est d’avis que l’adoption du projet de loi C-22 par le Sénat dans les meilleurs délais serait une avancée très positive pour de nombreuses personnes en situation de handicap. L’engagement des personnes en situation de handicap, en tant que partenaires égaux dans le processus de cocréation des règlements — c’est ce qu’on appelle « le par et le pour » —, est assurément un moyen à privilégier.
Ainsi, le versement de la prestation devrait apparaître le plus rapidement possible, si l’on tient compte de l’avancée qu’on connaît dans plusieurs provinces et territoires, en particulier au Québec. Donc, la prestation canadienne devrait être complémentaire et servir à bonifier les programmes qui sont déjà en vigueur dans les provinces et les territoires.
Pour cela, un travail important d’arrimage doit être réalisé, car il est nécessaire d’éviter que la prestation aille à l’encontre des programmes locaux des provinces et des territoires. En effet, même au stade de la planification ou de la définition même de la future prestation, il est ou il sera nécessaire d’évaluer également les retombées négatives possibles de sa mise en œuvre, ou encore les effets pervers anticipés sur les personnes en situation de handicap.
Néanmoins, nous avons la certitude qu’un arrimage solide est réalisable sans avoir à composer avec des délais importants, compte tenu des nombreuses expériences et consultations qui sont en cours ou même déjà disponibles à ce jour. Dans le cas du Québec, plus particulièrement, l’expérience de l’élaboration de règlements relatifs à la loi-cadre qu’est le Programme de revenu de base, aussi appelé PRB, est jusqu’ici un succès.
Regardons ensemble quelques aspects du sujet qui méritent nos considérations. Il faudra déterminer une méthode d’indexation unique de la prestation canadienne et du Programme de revenu de base du Québec afin d’éviter d’avoir deux taux d’indexation différents, ce qui pourrait mener à une forme de cacophonie bureaucratique. Nous souscrivons évidemment à une pleine indexation en fonction du coût de la santé plutôt que du coût de la vie, considérant le coût du handicap, ce dont on parlait tout à l’heure.
Nous voulons aviser le gouvernement de ne pas rendre accessibles de futures prestations au moyen du Crédit d’impôt pour personnes handicapées, le CIPH, tel qu’on le connaît aujourd’hui. Effectivement, ce seul critère d’admissibilité à la prestation canadienne pour personnes handicapées n’est pas viable, car le retard historique du Québec dans son taux d’adhésion par rapport à la moyenne canadienne est trop important.
Des aspects culturels ou informationnels expliquent possiblement ce phénomène. Par exemple, représentant 22,6 % de la population canadienne, seulement 9,7 % des utilisateurs canadiens sont issus du Québec. Il y a un manque théorique d’environ 165 000 utilisateurs, ce qui est majeur.
Finalement, les prestations combinées de la prestation canadienne et du Programme de revenu de base devraient sortir totalement les personnes de la pauvreté sans aucune équivoque, tenant compte des coûts du handicap et des contraintes à l’accessibilité. Pensons à l’éducation, l’emploi, le transport, etc.
Nous sommes d’avis que les prestations individualisées combinées ne tiennent pas compte du revenu des conjoints; c’est un sujet très important. Il en va également du revenu du travail, qui devrait assurer une progressivité claire du revenu des personnes admissibles. La prise en compte du revenu des conjoints est porteuse d’un grand nombre d’effets pervers. Effectivement, il y a le risque de réduction des prestations québécoises et canadiennes, le risque de déqualification à certains programmes de soutien — par exemple l’accès au logement, au programme d’adaptation du domicile, au soutien à domicile, etc. —, et le risque de séparation des couples provoquant l’isolement et même l’institutionnalisation non souhaitée, qui est très coûteuse.
Enfin, il est important de s’assurer que les provinces et les territoires ne profitent pas de la prestation canadienne pour couper dans leurs programmes sociaux ou réallouer des ressources sous d’autres missions. Dans une optique de transfert de la prestation canadienne au Québec, il faudrait que le surplus non distribué aux personnes handicapées soit réinvesti dans d’autres programmes liés aux handicaps pour des besoins identifiés...
La vice-présidente : Monsieur Prévost, est-ce que c’est possible...
M. Prévost : Je termine. C’est dans le but de répondre à des besoins non comblés.
[Traduction]
La vice-présidente : Monsieur Prévost, je crains que nous devions poursuivre. Nous vous sommes tous reconnaissants de votre déclaration liminaire, et je suis persuadée que vous pourrez la terminer dans le cadre de nos questions.
Mais, vu l’heure qu’il est, je me demande, monsieur Ragot, si vous ne pourriez pas en quelque sorte prendre le relais, s’il vous plaît.
[Français]
Amélie Duranleau, directrice générale, Société québécoise de la déficience intellectuelle : Mesdames, messieurs, madame la présidente, permettez-nous de vous remercier de votre invitation.
Je m’appelle Amélie Duranleau, je suis la directrice générale de la Société québécoise de la déficience intellectuelle. Je suis accompagnée de mon collègue Samuel Ragot, analyste des politiques publiques de la société, et étudiant au doctorat à l’École de travail social de l’Université McGill se penchant sur les questions de sécurité financière pour les personnes en situation de handicap.
Nous sommes heureux d’être présents afin de vous parler de notre opinion relativement au projet de loi C-22, surtout au lendemain de la tenue de la Semaine québécoise de la déficience intellectuelle, qui a notamment abordé des questions de sécurité financière et de dignité.
Premièrement, comme nous l’avons fait dans l’autre Chambre et comme plusieurs centaines d’autres organisations l’ont demandé, nous devons souligner qu’il est urgent de procéder à l’adoption rapide du projet de loi C-22. Ce projet de loi pourrait jouer un rôle déterminant pour sortir de la pauvreté des personnes en situation de handicap partout au pays. En ce sens, il s’agit d’une occasion qui ne s’est pas présentée depuis des décennies.
Bien sûr, nous sommes conscients qu’il est malaisant de voter pour un projet de loi-cadre, qui ne contient que peu de détails. Toutefois, grâce aux amendements effectués dans l’autre endroit, nous pensons qu’il s’agit de la bonne chose à faire.
D’une part, il y a urgence d’agir pour assurer la sécurité financière des personnes en situation de handicap partout au pays. D’autre part, nous avons l’expérience du succès de l’élaboration de règlements liés à une loi-cadre dans le contexte du Programme de revenu de base du Québec, ou PRB.
Comme le projet de loi C-22, le Programme de revenu de base du Québec est issu d’une loi-cadre visant à sortir des personnes de la pauvreté. Comme nous entendons le faire pour le projet de loi C-22, nous avons travaillé avec le gouvernement provincial afin d’arriver à un règlement final qui satisfaisait en majorité toutes les parties engagées.
Dans les cas de la prestation canadienne pour les personnes handicapées, nous pensons que le processus réglementaire pourrait être expédié puisque l’autre endroit a déjà adopté plusieurs amendements majeurs, que de nombreuses consultations ont déjà eu lieu et que le dialogue avec les provinces et territoires est en place.
Par ailleurs, les montants présentés dans le budget fédéral hier démontrent la volonté du gouvernement fédéral de tenir un processus de consultations robuste, et nous en sommes très satisfaits.
Samuel Ragot, analyste sénior aux politiques publiques et conseiller à la défense des droits, Société québécoise de la déficience intellectuelle : Bonjour, mesdames et messieurs. J’aimerais maintenant vous parler de l’importance de travailler avec les provinces et territoires.
Comme vous le savez, les provinces et territoires ont tous des programmes d’aide financière aux personnes en situation de handicap. Il est important de le rappeler, parce que le projet de loi ne vise pas à régler les problèmes de ces programmes. Par contre, il est crucial que l’arrimage soit fait avec ceux-ci afin de ne pas pénaliser les personnes prestataires et de ne pas mener à un désengagement des gouvernements locaux sur le plan de la protection sociale et de la sécurité financière des personnes.
À titre d’exemple, au Québec, depuis le 1er janvier 2023, nous avons un Programme de revenu de base, une première au Canada et probablement dans le monde. Bien que ce programme ne soit pas parfait et que nous continuions nos représentations auprès du gouvernement provincial, nous devons nous assurer que la prestation canadienne pour les personnes handicapées interagira de façon positive et cohérente avec celui-ci.
Jusqu’à présent, le gouvernement du Québec nous a signalé son intérêt à voir une prestation fédérale compléter ses programmes, tant et aussi longtemps que celle-ci permettra réellement d’aider les personnes qui en ont besoin. Nous sommes satisfaits de cette approche misant sur la collaboration et nous appuierons toutes les démarches en ce sens. Nous sommes sûrs que ces démarches seront couronnées de succès.
Par ailleurs, outre la collaboration avec les provinces et territoires, nous pensons qu’il serait également important que la prestation canadienne pour les personnes handicapées soit entièrement individualisée, qu’elle ne tienne pas compte des revenus des conjoints afin de limiter les questions de dépendance financière, qu’elle permette une réelle sortie de la pauvreté et qu’elle autorise les gens à travailler sans être pénalisés. À notre avis, il s’agit d’une question de dignité.
En ce sens, il est remarquable que le projet de loi C-22 propose la création d’une prestation universelle pour les personnes en situation de handicap en âge de travailler, fondée sur la définition de la Loi canadienne sur l’accessibilité, ce qui permet ainsi de sortir de la vision punitive de l’aide sociale et de la welfarization du handicap.
Il faut maintenant espérer qu’un tel projet de loi incitera également les gouvernements provinciaux et territoriaux à réformer leurs propres programmes.
Mme Duranleau : Puisque de nombreux amendements ont été adoptés dans l’autre endroit, nous pensons qu’il est temps que le Sénat procède à l’adoption rapide, sans amendements, du projet de loi C-22. À notre avis, les amendements adoptés sont suffisants pour garantir que le processus réglementaire sera inclusif et aura des balises claires et relativement contraignantes pour le gouvernement fédéral. Le fait que le gouvernement fédéral ait déjà réservé des montants pour les consultations est également un signal important.
Pour le Québec, nous sommes sûrs de la capacité des gouvernements à négocier de bonne foi et à faire en sorte que toutes les personnes touchant la prestation en bénéficient. De nombreuses personnes en situation de handicap ne peuvent plus attendre. Il est temps d’agir.
Enfin, mesdames et messieurs, soyez assurés que nous serons disponibles pour participer au processus réglementaire, notamment en mettant à votre disposition notre grande expérience de ces questions, au Québec.
Je vous remercie.
La vice-présidente : Merci à vous tous pour vos témoignages.
Nous allons maintenant passer à la période des questions avec les membres du comité.
[Traduction]
Le sénateur Kutcher : Je remercie les témoins pour leur déclaration liminaire. Bien que vous ne l’ayez pas soulevé, je souhaite vivement obtenir votre avis sur une question en particulier. Un certain nombre de témoins ont parlé des préoccupations associées à l’expression « en âge de travailler » et du fait que le projet de loi limite les versements aux personnes en âge de travailler. J’aimerais connaître votre avis là-dessus. Est-ce logique? Sinon, que devrions-nous faire de cette précision? Merci.
[Français]
La vice-présidente : Qui veut répondre à la question?
Madame Duranleau, allez-y.
Mme Duranleau : En fait, il faut commencer quelque part. Je pense que la question de l’âge, c’est un bon début; cela peut être un bon départ.
M. Prévost : Évidemment que l’âge de 65 ans, c’est une donnée qui est connue dans plusieurs programmes. À cet âge, habituellement, on devient admissible à la pension de la Sécurité de la vieillesse (PSV) ou au Supplément de revenu garanti (SRG). Cela pose la question de la coordination avec les autres programmes.
Maintenant, est-ce qu’on pourrait définir des paramètres pour que les revenus soient continus, sans pénalité pour les personnes en situation de handicap? Toutefois, je vous dis cela sans avoir consulté nos membres.
M. Lupien : Comme personne handicapée, je peux vous dire qu’après 65 ans, on continue à avoir les mêmes dépenses. On a des coûts supplémentaires parce qu’on est handicapé et on nous enlève tous les programmes. Ce serait bien qu’on nous sorte de la pauvreté, même après 65 ans.
[Traduction]
La sénatrice McPhedran : Merci aux témoins de nous transmettre des points de vue très évocateurs. Je m’intéresse toutefois au raisonnement sous-jacent à votre impression qu’il ne devrait pas y avoir le moindre changement à ce stade-ci. Plus particulièrement, je suis persuadée que vous savez très bien que la prestation canadienne pour les personnes handicapées n’est pas associée à une somme précise et que rien dans ce projet de loi ne permettrait de vraiment obtenir une prestation pour les personnes handicapées de subsistance. En fait, elle pourrait être seulement d’un dollar si on en décide ainsi.
J’espère que vous pourrez m’aider à comprendre pourquoi le processus vous inspire une telle confiance quand il y a encore tant de lacunes dans le projet de loi devant nous.
La vice-présidente : Qui aimerait offrir une réponse? Monsieur Prévost.
[Français]
M. Prévost : Comme on est devant un projet de loi-cadre, il y a toute la question de la durée de la législature, donc on a intérêt à aller le plus rapidement possible pour être en mesure d’élaborer la réglementation. Il faut avoir la foi que tout le monde fait preuve de bonne volonté pour aller vers une prestation réelle qui sera arrimée en coordination parfaite avec ce qui se passe dans les provinces et les territoires.
Autrement, si on n’a pas la foi, qu’on n’y croit pas, on n’y arrive pas; on n’aura pas de loi-cadre et encore moins de règlement. C’est un peu comme l’œuf et la poule. Nous choisissons la foi, la foi dans le Parlement, dans le Sénat et en nous tous, voilà.
La vice-présidente : Madame Duranleau, voulez-vous ajouter quelque chose?
Mme Duranleau : Je vais laisser mon collègue M. Ragot répondre à cette question.
M. Ragot : Merci pour la question. C’est une très bonne question, il y a beaucoup de questions sur les indicateurs de pauvreté à utiliser. On a demandé à ce que ce soit la mesure du panier de consommation, qui est une mesure régionalisée, afin d’avoir une égalité réelle entre les différentes régions du pays.
On a peur que le Parlement soit prorogé, qu’il soit dissous, qu’on n’ait pas de prestations et que les personnes continuent de vivre dans la pauvreté ad vitam æternam. Ce n’est pas un projet de loi parfait, il pourrait gagner à être bonifié, mais c’est un projet de loi dont les gens ont besoin maintenant, demain matin, tout de suite, pas dans 5, 10 ou 15 ans; on en a besoin tout de suite. On a des personnes qui vivent dans une très grande précarité, ils ont besoin d’une aide.
On s’attend à ce que ce soit extrêmement impopulaire de dire que la prestation sera d’un dollar. Si c’est le cas, le gouvernement nous aura sur son chemin et on s’assurera de mettre une pression suffisante pour avoir une vraie prestation qui permet vraiment de sortir de la pauvreté.
La vice-présidente : Merci beaucoup.
[Traduction]
La sénatrice Moodie : Merci à nos témoins pour leurs contributions fort pertinentes.
Ma question porte sur l’échéancier de la prestation canadienne pour les personnes handicapées et du versement des fonds. Dans leur mémoire conjoint, vos organismes, de même que d’autres qui ont témoigné devant le Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées, aussi appelé le comité HUMA, ont recommandé une première phase de mise en œuvre de la prestation en l’accordant aux personnes participant aux programmes d’assistance financière pour les personnes en situation de handicap ou ayant des troubles de santé mentale dans les provinces et territoires. Vous avez donné l’exemple du Programme de revenu de base au Québec et de l’élaboration fructueuse de règlements grâce au cadre législatif. Sachant qu’il y a des obstacles et que certains membres de la communauté des personnes handicapées ne bénéficient pas forcément des programmes que vous avez cités à l’heure actuelle, pourquoi estimez-vous que la prestation devrait être déployée de cette façon?
[Français]
M. Ragot : Merci pour la question. Je pense que si on veut vraiment donner un accès, on peut le faire par étapes. Comme première étape, on pourrait donner accès à la prestation canadienne aux personnes qui sont des prestataires des programmes provinciaux ou territoriaux. Cela ne devrait pas être la seule façon de le faire, évidemment. Si on veut aller rapidement, donner rapidement une prestation à des gens qui en ont besoin maintenant, c’est une des façons d’y arriver. Cela ne devrait pas être la seule; c’est vraiment un pont, une porte qu’on peut ouvrir pour donner rapidement accès à la prestation.
Il y a d’autres personnes qui n’y ont pas accès. Au Québec, c’est extrêmement difficile d’avoir accès au Programme de revenu de base. Il faut d’autres méthodes d’admissibilité. La définition dans le projet de loi qui renvoie à la Loi canadienne sur l’accessibilité est une bonne façon d’élargir l’admissibilité à des prestations futures, si la loi est adoptée.
M. Prévost : Je dirais que dans le cas du Québec, le Programme de revenu de base a été lancé en janvier dernier, mais l’accessibilité n’est pas complète. Il y a des discussions pour améliorer l’accès au programme.
Comme c’est le cas pour d’autres programmes, c’est toujours intéressant de partir de quelque part. On devrait peut-être partir de ce qu’on connaît, de ce qui existe, et travailler à l’améliorer, car si on attend d’avoir la solution parfaite avant de démarrer, la législature sera terminée. Comme le disait mon collègue, on se ramassera avec un délai de 5, 10 ou 15 ans, et c’est ce qu’on veut éviter à tout prix.
La vice-présidente : Merci.
La sénatrice Petitclerc : Je vais poser ma question, idéalement à tous les témoins, si on a le temps. Monsieur Ragot, vous l’avez dit très clairement, les besoins sont là, il y a urgence, vous avez dit qu’on en a besoin maintenant, demain matin. Je pense donc que tout le monde sent cette urgence, et ma question est de savoir si vous avez confiance en ce projet de loi.
La ministre était ici, elle nous a dit que les conversations, les discussions et les consultations sont assez avancées, sauf que le projet de loi, tel qu’on le lit, indique que le processus réglementaire doit faire rapport. Il y aura donc un rapport sur l’avancement du processus réglementaire dans l’année. Techniquement, cela peut prendre jusqu’à un an pour avoir juste un rapport sur le processus réglementaire, ce qui me semble un petit peu long quand on parle d’urgence.
Je vous pose donc ma question : croyez-vous que cela ira aussi vite qu’on le dit, malgré le fait que le projet de loi ne le prescrit pas? Monsieur Ragot, vous pouvez vous lancer si vous en avez envie.
M. Ragot : Certainement, merci pour votre question. C’est une bonne question. La seule chose qu’on a, c’est la confiance au gouvernement pour qu’il fasse la bonne chose.
Cela dit, il y a déjà eu des consultations, notamment en ce qui concerne le plan d’action en matière de handicap à l’échelle fédérale, et on a soulevé dans ce plan d’action un certain nombre d’orientations en ce qui a trait aux priorités financières, de sécurité financière pour les personnes en situation de handicap. On a déjà des éléments de réponse concernant ce qui doit être fait. Il y a déjà des articles scientifiques qui ont été publiés par des chercheurs — j’en fais partie — sur le projet de loi, à savoir ce qu’il faudrait faire, ce qui serait optimal. Il y a beaucoup de discussions sur les meilleurs indicateurs.
On a une confiance relative au fait que dans la communauté gouvernementale, des personnes en situation de handicap et la communauté des chercheurs et des chercheuses ont commencé à réfléchir à cela de façon très intense et à fournir du contenu, donc on se dit, en un an c’est faisable. On n’a pas besoin de faire un règlement très compliqué.
Honnêtement, ce qui me préoccupe le plus, c’est la question des débats ou des négociations avec le Conseil du Trésor, au gouvernement fédéral. Ce sera une négociation politique qui mènera probablement à des concessions politiques de l’intérieur du Cabinet, chose sur laquelle nous n’avons aucun contrôle. Je pense que du point de vue réglementaire, on est capable de le faire. Le politique appartient au politique, nous on peut agir sur l’aspect réglementaire.
La sénatrice Petitclerc : Merci.
La vice-présidente : Monsieur Lupien, avez-vous quelque chose à ajouter?
M. Lupien : Non.
[Traduction]
La sénatrice Poirier : Je vous remercie tous les deux de prendre le temps de représenter vos organismes respectifs aujourd’hui.
Vos groupes, ainsi que trois autres organismes, ont conjointement soumis un mémoire au comité HUMA de la Chambre des communes, dans lequel vous déclarez conjointement ceci :
[L]es femmes en situation de handicap ou ayant des troubles de santé mentale sont plus susceptibles de vivre de la violence et des abus financiers que le reste de la population [...] Il est donc indispensable d’individualiser la future Prestation afin de limiter les problématiques de dépendance financière.
En ce sens, nous pensons que le calcul de la prestation ne devrait pas tenir compte des revenus, biens et avoirs liquides du conjoint. Cela permettrait notamment à plus de femmes d’avoir accès à la Prestation et ainsi renforcer leur sécurité financière, leur donnant plus d’indépendance.
J’aimerais que M. Lupien confirme que c’est toujours la volonté de la fédération. Monsieur Ragot, puisque vous avez rédigé ce document, j’aimerais que vous précisiez en quoi il est vital que la prestation canadienne pour les personnes handicapées soit individualisée.
[Français]
M. Lupien : Oui, c’est vrai que les personnes en situation de handicap vivent beaucoup plus de violence lorsqu’elles dépendent du revenu de leur conjoint. Je ne reçois que 900 $ par mois, et parfois, ma femme me dit que c’est elle qui me fait vivre. C’est important de mettre un terme à cette situation. Que l’on soit un homme ou une femme, on peut vivre de la violence. Oui, les femmes vivent de la violence, mais dans le monde des personnes handicapées, les hommes en vivent aussi.
Alors, je pense que c’est important qu’on y voie, et comme on le disait plus tôt, il faut que les prestations soient versées au-delà de l’âge de 65 ans. Parce qu’excusez-moi, mais à 65 ans, je serai encore une personne handicapée dont le coût de la vie sera beaucoup plus élevé que celui d’une personne non handicapée, parce que j’ai toujours des dépenses liées à mon handicap.
M. Ragot : Merci de votre question. Oui, c’est encore un sujet d’actualité qui est absolument crucial. On sait que les personnes — les femmes, notamment — en situation de handicap vivent plus de violence conjugale et de dépendance financière. On sait que les personnes qui ont des axes d’identités intersectionnelles sont plus susceptibles de vivre cette violence. On sait qu’une des façons d’aider les personnes qui ont des axes d’identités multiples, qui sont à l’intersection de plusieurs systèmes d’oppression, est de leur donner une sécurité financière.
Pour une personne en situation de handicap, pour une femme en situation de handicap, ou une femme de couleur en situation de handicap, lui assurer une sécurité financière est un des leviers pour prévenir certaines formes de violence. Cela ne va pas régler la situation de la violence en entier, évidemment, mais on aura au moins un levier qui aura des effets, parmi d’autres leviers, dans des plans d’action pour lutter contre la violence fondée sur le genre.
C’est important, c’est documenté, c’est la bonne chose à faire. C’est aussi une question de principes fondamentaux de dignité, et le Sénat a une occasion exceptionnelle de faire la bonne chose en ce sens.
[Traduction]
La sénatrice Osler : Merci à tous les témoins.
Monsieur Ragot, vous avez dit avoir bon espoir que le processus réglementaire sera inclusif. L’article 11.1 du projet de loi C-22 exige que le ministre offre à des personnes handicapées des possibilités réelles et exemptes d’obstacles de collaborer à l’élaboration des règlements. Ma question s’adresse aux deux organismes et donc à tous les témoins.
Comment décririez-vous la notion de possibilités réelles et exemptes d’obstacles de collaborer, puis celle de processus réglementaire et d’application inclusif?
[Français]
M. Ragot : C’est une bonne question. Il n’y a pas de recette miracle pour une consultation qui sera inclusive. Par exemple, les personnes qu’on représente sont atteintes de degrés différents de déficience intellectuelle. Une personne avec une déficience légère n’aura pas de difficulté à suivre une discussion sur la pauvreté, sur ce qu’elle veut, pour savoir où elle veut habiter. Une personne qui a une déficience intellectuelle sévère ou profonde aura besoin de ses proches pour l’aider à comprendre et exprimer ses préférences ou ses volontés.
Il y a des mesures qui existent pour soutenir ces personnes. Ce qui est important, c’est de rendre les termes et les concepts faciles à comprendre. C’est évidemment un enjeu important, puisqu’un règlement est, par définition, quelque chose de complexe. C’est quelque chose qui est souvent de nature juridique, mais il y a tout à fait moyen de trouver des façons d’amener ces questions fondamentales à un niveau pratique pour les personnes qui sont très ancrées dans leur quotidien. Par exemple, si on veut demander à une personne de quel montant elle a besoin, on pourrait demander de quel montant elle aurait besoin pour vivre à Montréal ou à Québec.
Il y a plusieurs stratégies qui existent. Le gouvernement fédéral a une expertise dans ce domaine. On sait qu’il y a une somme de plus de 20 millions de dollars qui a été inscrite au budget déposé hier. Donc on se dit qu’on a des clés, on a une connaissance et une capacité de le faire.
Par ailleurs, les organisations fédérales de personnes en situation de handicap — par exemple, nous, on est membres d’Inclusion Canada — sont amenées à participer à ces consultations. On peut mener des groupes de discussion, des sondages, des entrevues individuelles sur les besoins des personnes. C’est quelque chose qui a déjà été fait et qui continue d’être fait. On a bon espoir qu’il y aura certaines consultations qui vont se faire, et même si ça ne sera pas parfait, on peut apprendre de ces consultations. Le rapport au Parlement peut être un bon levier pour comprendre et améliorer les prochaines consultations.
Mme Duranleau : Si je peux ajouter quelque chose, on a, avec les regroupements avec lesquels on collabore au Québec, cet esprit qui est vraiment incarné dans nos activités. On consulte de notre côté. On représente aussi des milliers de personnes. C’est important d’avoir confiance en nos mécanismes et de nous appuyer sur ces mécanismes afin que la communication soit la plus fluide et inclusive possible. Aussi, il faut qu’on puisse nous-mêmes questionner les personnes concernées sur la mise en place d’accommodements.
On a cet esprit actuellement. Donc les circonstances sont très intéressantes sur le plan de la synergie et de la dynamique.
M. Prévost : De notre côté, la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec compte 45 membres, régionaux et nationaux, qui représentent plusieurs types de handicaps, autant des personnes non voyantes, que des personnes sourdes, des personnes qui sont atteintes de la sclérose en plaques ou qui ont des problèmes de sensibilité chimique multiples.
En faisant affaire avec nous et avec nos collègues, comme la Société québécoise de la déficience intellectuelle (SQDI) et nos autres partenaires, on est en mesure de vous donner un coup de main à vous et au gouvernement fédéral pour en arriver rapidement à une réglementation qui pourrait effectivement faciliter une prestation rapide. C’est ce qu’on souhaite.
La vice-présidente : Monsieur Lupien, avez-vous quelque chose à ajouter?
M. Lupien : Mon collègue a tout dit. Merci.
[Traduction]
La sénatrice Osler : J’ai remarqué à l’écran que quelqu’un est intervenu dans le clavardage. Est-ce qu’il y aura une capture d’écran de ces commentaires pour les inclure aux propos des témoins?
La vice-présidente : Je vais demander à la greffière de vous répondre.
Emily Barrette, greffière du comité : Non. Ce commentaire correspond au premier groupe de témoins.
La sénatrice Osler : Il a été fourni par le premier groupe de témoins? Merci.
La sénatrice Bernard : Merci à tous les témoins d’être des nôtres. J’aimerais en savoir plus sur le revenu de base au Québec. Pouvez-vous nous donner plus de renseignements là-dessus? Est-il assez élevé pour concrètement sortir les gens de la pauvreté? Dans le cas de personnes handicapées qui pourraient être admissibles au revenu de base, est-ce que ce revenu tient compte de certains des frais cachés dont d’autres témoins ont fait mention?
La vice-présidente : Qui voudrait lancer ce tour de questions?
[Français]
M. Ragot : Le Programme de revenu de base est un programme destiné à des personnes qui ont des incapacités à très long terme quant à leur participation au marché du travail. Il faut avoir bénéficié du Programme de solidarité sociale pendant cinq ans et demi au cours des six dernières années.
Non, le Programme de revenu de base ne permet malheureusement pas de sortir de la pauvreté. On y est presque, mais pas encore tout à fait.
En ce qui concerne les coûts liés aux handicaps, certains d’entre eux sont couverts sous la forme de prestations additionnelles. Certains coûts peuvent exister, mais ne pas être pris en compte par ces prestations exceptionnelles. On est content que ce programme existe, mais on peut toujours faire mieux.
Une prestation fédérale viendrait manifestement rehausser la qualité de vie des personnes qui en sont prestataires et pourrait les aider à avoir une bien meilleure sécurité financière.
M. Lupien : Les personnes en situation de handicap à la suite d’un accident, ou encore les personnes vivant de la rente d’invalidité ne sont malheureusement pas incluses dans le programme. On vit toujours bien en dessous du seuil de la pauvreté. En plus, à 65 ans, on nous pénalise sur notre pension de vieillesse, donc automatiquement, on vit encore plus sous le seuil de la pauvreté.
Étant moi-même une personne en situation de handicap, lorsque je reçois la rente d’invalidité, le gouvernement du Québec ne la couvre malheureusement pas. On ne sait pas s’il va la couvrir un jour, mais pour l’instant, on vit vraiment sous le seuil de la pauvreté.
[Traduction]
La sénatrice Burey : Merci énormément d’être des nôtres et de participer à cette séance marathon.
Je souhaite revenir à la question du seuil de la pauvreté et de l’application de la mesure du panier de consommation. Les témoins de notre première séance nous ont dit que ce n’était probablement pas la meilleure mesure pour cerner la pauvreté et y remédier, surtout chez les personnes handicapées, puisqu’elles ont de plus grands besoins. J’aimerais tous vous entendre là-dessus. La mesure du panier de consommation est dans la loi, donc que se passera-t-il si nous ne pouvons pas vraiment nous en servir? Commentez, je vous prie.
[Français]
M. Ragot : Je dirais qu’en matière d’équité régionale au Canada, donc le pays en entier, c’est la meilleure mesure qui existe pour une raison simple : la mesure du panier de consommation est en fonction des coûts locaux, notamment d’habitation, de nourriture, etc. Il est important de noter, cependant, qu’il est vrai que la mesure du panier de consommation ne prend pas en considération les coûts additionnels liés au handicap.
Ce qui a été proposé dans d’autres endroits était d’ajouter un buffer de 10 % à 20 % à la mesure du panier de consommation pour prendre en compte certains coûts liés aux handicaps. Il est très difficile de quantifier de tels coûts. Cela fait partie du Plan d’action pour l’inclusion des personnes en situation de handicap du Canada de quantifier ces coûts.
Dans les médias, on dit qu’on pourrait utiliser la mesure du panier de consommation, y ajouter un supplément lié au handicap, et par la suite, quand on aura plus de statistiques, on pourrait avoir des mesures plus précises en matière de compensation pour certains handicaps.
Il est clair que la mesure du panier de consommation est un bon outil pour viser une égalité réelle entre les régions, mais pour pallier le coût du handicap, ce n’est pas le bon outil. On pourrait arriver à un compromis et utiliser les deux pour arriver à une somme pour qu’une personne de Vancouver ne soit pas plus pauvre qu’une personne de Montréal, mais pas plus riche qu’une personne du Nouveau-Brunswick, par exemple.
La vice-présidente : J’aimerais vous remercier sincèrement pour votre participation et vos contributions à notre étude du projet de loi C-22.
[Traduction]
Je tiens également à remercier le deuxième groupe de témoins, comme je l’ai fait pour le premier, pour son indulgence et sa dignité au cours des interruptions de cet après-midi. Je vous prie à nouveau de nous en excuser.
Je tiens également à préciser aux personnes qui nous regardent en ligne que, pendant notre étude du projet de loi C-22, nous travaillons très dur en tant que comité pour trouver un juste équilibre entre les horizons, les handicaps et les connaissances qui peuvent nous aider à tirer nos conclusions et à rédiger notre rapport. Si vous avez du matériel supplémentaire à fournir, nous vous saurions gré de le soumettre par écrit. Nous en tiendrons compte, tout comme de la contribution en personne ou par vidéoconférence, de nos témoins.
Il y aura plusieurs autres groupes de témoins au cours des prochaines semaines, donc vous avez le temps de soumettre d’autres réflexions et idées. Je crois que c’est particulièrement important pour les groupes de témoins de cet après-midi parce que nous avons dû écourter leur temps. Mes remerciements les plus sincères à tous les témoins des deux groupes.
Chers collègues, nous allons continuer notre étude demain matin, à 11 h 30. Sur ce, merci à vous tous. Je déclare la séance levée.
(La séance est levée.)