LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le jeudi 4 mai 2023
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd’hui à 11 h 31 (HE), avec vidéoconférence, pour l’étude du projet de loi C-22, Loi visant à réduire la pauvreté et à renforcer la sécurité financière des personnes handicapées par l’établissement de la prestation canadienne pour les personnes handicapées et apportant une modification corrélative à la Loi de l’impôt sur le revenu.
La sénatrice Ratna Omidvar (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Honorables sénateurs, je tiens d’abord à souhaiter la bienvenue à tous les membres du comité, à nos témoins et aux membres du public qui nous regardent. Je m’appelle Ratna Omidvar, je suis sénatrice de l’Ontario et présidente de ce comité.
Chers collègues, j’aimerais accélérer le rythme des discussions aujourd’hui. En examinant la transcription, je voudrais que tout en tenant un débat approfondi, nous limitions nos interventions à de nouveaux points et à de nouveaux renseignements afin d’éviter que nos conversations ne tournent en rond. Je ne suis pas prête à limiter le débat sur les amendements. Si nous désirons le faire, nous en déciderons ensemble. Je vous invite à utiliser les outils qui sont à votre disposition, notamment le fait de demander le vote ou de poser des questions; tout cela est possible. Bref, je vous présenterai mes excuses, mais je ne demanderai pas votre permission.
Ainsi, pour faciliter nos conversations, les fonctionnaires ne commenteront pas chaque amendement. Toutefois, si un membre du comité pose une question, nous leur demanderons d’y répondre.
La sénatrice Moodie : Madame la présidente, je tiens à vous féliciter pour la manière dont vous avez dirigé ce comité pendant cette étude.
J’aimerais soulever un point à votre attention. Je le fais parce que depuis de nombreuses années, notre comité travaille dans un esprit très collaboratif. Nous avons toujours pu parler ouvertement et clairement des travaux du comité et de la façon dont nous les abordons. Je suis désolée de ne pas avoir eu l’occasion de vous en parler avant, chers collègues.
Nous entamons l’étude d’une mesure législative historique. Aucun de nous ne doute de son importance. Vous savez, chers collègues, que mon expérience professionnelle m’incite à apprécier l’importance de ce projet de loi et à admirer l’intention du gouvernement. Cela dit, je me suis sentie un peu mal à l’aise hier. Je vais vous demander conseil à ce sujet, madame la présidente, car j’ai confiance en votre jugement.
Nous sommes extrêmement privilégiés d’avoir des fonctionnaires de calibre mondial. Grâce à leur expertise et à leur travail acharné, ils rendent chaque jour de précieux services aux Canadiens et aux parlementaires. Je suis très heureuse que vous soyez parmi nous. Cela dit, j’ai parfois ressenti un certain malaise. Je vais peut-être ajouter une petite nuance dans ce cas‑ci, car je tiens à ce que nous profitions au maximum du témoignage des fonctionnaires aujourd’hui. J’essaie de présenter mon opinion de façon constructive. J’ai toujours pensé que les fonctionnaires sont des professionnels qui s’expriment sans parti pris et que, devant le Parlement, ils doivent se limiter à présenter des faits, même lorsque ces faits concernent les intentions du gouvernement. Ils doivent éviter de dépasser les bornes en exprimant une opinion, de débattre avec des parlementaires ou de dire au comité ce qu’il devrait ou ne devrait pas faire.
Le ton des intervenants est important. Pendant notre réunion d’hier, j’ai eu l’impression que nous étions beaucoup trop près de dépasser les bornes. Je le répète, je trouve la contribution des fonctionnaires très précieuse. Toutefois, je me demande, madame la présidente, si, pour nous aider tous, vous pourriez donner quelques lignes directrices à nos témoins et à nos collègues. Dites-moi si vous pensez que mes propos sont totalement injustifiés et si vous jugez que le témoignage que nous avons entendu hier respectait les normes. Merci.
La présidente : Je suis d’accord avec vous. Les travaux de notre comité se déroulent habituellement dans un esprit de collaboration et de collégialité. Je ferai tout mon possible, dans mes fonctions de présidente et avec votre aide, pour maintenir cet esprit. Nous ne sommes pas un comité querelleur. Nous cherchons à atteindre un consensus et nous avons fait nos preuves pendant de nombreuses années. Nous avons tenu des audiences sur des projets de loi extrêmement litigieux, comme le cannabis et l’aide à mourir, et nous avons réussi à faire notre travail sous la direction de la sénatrice Petitclerc, du sénateur Eggleton et du sénateur Ogilvie.
Pour ce qui est de ce que les fonctionnaires sont autorisés à dire ou non, je pense que cela dépend des questions que nous leur posons. Vous avez raison, on demande des faits aux fonctionnaires, mais j’ai parfois entendu des sénateurs demander leur opinion. Tout dépend de la question. Je ne leur demanderai pas de faire des commentaires généraux. Je vous demanderai plutôt de leur poser des questions. C’est ce que je vais faire; je pourrais leur poser une question. Cette réponse vous satisfait‑elle, sénatrice Moodie?
La sénatrice Moodie : Madame la présidente, le ton des intervenants est important, et j’espère que nous n’aurons pas d’échanges conflictuels entre nous et avec nos fonctionnaires. Ils nous appuient, mais ils ne participent pas à notre discussion.
Le sénateur Gold : Merci, sénatrice Moodie, d’avoir soulevé cette question.
La longue expérience que j’ai accumulée en siégeant à de nombreux comités avant d’assumer mon rôle actuel me porte à penser, à mon humble avis, que nos interactions d’hier avec les fonctionnaires étaient utiles et tout à fait appropriées. Madame la présidente, je pense que vous avez raison de dire que lorsque nous cherchons à comprendre ou à interpréter un article, toute question adéquate adressée aux fonctionnaires exige qu’ils nous présentent leur interprétation. À mon avis, c’est tout à fait normal, sauf votre respect.
Je n’ai peut-être pas l’oreille assez musicale ou mon chapeau étouffe le ton, si vous me permettez cette métaphore, mais je n’ai pas eu l’impression que nos échanges dépassaient les normes. Je vous remercie d’avoir soulevé cette question, mais j’ai trouvé que la discussion était tout à fait conventionnelle, du moins d’après l’expérience que j’ai gagnée ici.
La présidente : Je ne veux pas que cette conversation s’éternise, mais voyons ce que la sénatrice Dasko va nous dire. S’il y a d’autres intervenants, je devrai les limiter à trois minutes.
La sénatrice Dasko : Je remercie la sénatrice Moodie pour ses observations. Je suis d’accord avec elle. Je ne siège pas ici depuis 10 ou 20 ans, seulement depuis depuis 5 ans. Cependant, je dois dire que pendant l’étude article par article, notre réunion d’hier était différente de celles auxquelles j’ai participé avec les fonctionnaires. Il est évident que les fonctionnaires nous apportent une riche expertise et bien des connaissances, mais je dois dire que la réunion d’hier m’a laissé une impression différente, et je suis très heureuse que ma collègue ait soulevé cette question. Merci.
La présidente : Merci, chers collègues. Nous allons revenir à la liasse d’amendements et reprendre à l’article 9. Récapitulons rapidement : la motion de la sénatrice Lankin, C-22-9-3-27, a été rejetée. L’amendement de la sénatrice McPhedran, le C-22-9-3-27, n’a pas été proposé. Nous passons maintenant à l’amendement de la sénatrice Lankin, le C-22-9-3-29.
La sénatrice Dasko : Les sénatrices Lankin et McPhedran ont présenté des motions identiques. Je retire la motion de la sénatrice Lankin, et la sénatrice McPhedran parlera de la sienne.
La sénatrice McPhedran : Il faut que je me concentre ici... Avec les renseignements que nous avons reçus de deux experts, M. Steven Muller et le professeur Hart Schwartz, je vais suivre votre suggestion d’apporter de nouveaux renseignements en expliquant brièvement en quoi consiste cet amendement.
Il suggère de remplacer la ligne 3 de la page 4. L’article 9 du projet de loi commence par « Toute prestation versée sous le régime de la présente loi ». Je ne propose pas de toucher les alinéas a) et b), car ils confèrent des protections importantes. Ensuite, l’alinéa c) se lit comme suit : « ne peut être retenue par voie de déduction ou de compensation en application d’une loi fédérale autre que la présente loi ». C’est une déclaration importante au sujet de... devrais-je faire une pause?
La présidente : Ça va. C’est moi qui ai de la peine à vous suivre. Vous nous donnez beaucoup d’information.
La sénatrice McPhedran : Merci beaucoup.
Alors cet amendement vise à ajouter le sous-alinéa c)(i), qui confère une protection supplémentaire : « ne peut être recouvrée ou retenue, en tout ou partie, aux termes d’un contrat, d’un régime d’assurance ou d’un autre instrument semblable ».
Je tiens à remercier la sénatrice Seidman d’avoir soulevé cette question lorsque la ministre a comparu devant le comité. Je souligne que la ministre a affirmé qu’elle croit que l’industrie de l’assurance traitera vraiment cette prestation comme un « avantage social », pour utiliser ses propres mots. Toutefois, cet amendement ajouterait une certaine protection.
Si vous me le permettez, je vais résumer cela en y ajoutant les observations des deux experts que nous avons entendus.
Les compagnies d’assurance privée déduisent le montant de supplément d’invalidité de la Sécurité de la vieillesse de ce qu’elles verseraient pour une invalidité de longue durée. M. Schwartz m’a dit que les compagnies d’assurance privées ont pour pratique de calculer le montant de supplément d’invalidité qu’une personne pourrait obtenir, qu’elle en ait fait la demande ou non. Si cette personne a présenté une demande et qu’elle lui a été refusée, la compagnie d’assurance déduit ce montant en comptant sur le fait que la personne interjettera appel de ce refus.
Par conséquent et avec tout le respect que je dois à la ministre qui se dit rassurée par les déclarations des compagnies d’assurance, cet amendement protège la prestation d’invalidité du Régime de pensions du Canada de ce genre de déduction, de récupération, que ces compagnies effectuent déjà à l’heure actuelle. Nous avons lieu de croire que les compagnies d’assurance privée traiteront cette nouvelle prestation d’invalidité comme elles traitent déjà ce qu’elles considèrent comme des avantages sociaux.
En effet, le fait que ces contrats et régimes d’assurance privée indiquent clairement que les compagnies peuvent déduire toute prestation gouvernementale indique qu’il importe peu que la prestation canadienne d’invalidité soit considérée comme un avantage social ou comme une prestation de revenu. Elle demeure un avantage, et ces contrats permettent de la récupérer.
Je suis désolée, mais nous ne pourrons pas combattre cela à l’aide d’un règlement. Il faut que la loi énonce clairement cette protection. C’est bien malheureux, mais nous avons la preuve que les compagnies d’assurance agissent déjà ainsi. Nous ne pouvons pas continuer à permettre que les personnes handicapées qui sont admissibles à la prestation d’invalidité la perdent de cette façon.
Voilà pourquoi la sénatrice Lankin et moi prions le comité d’examiner attentivement cet amendement.
La sénatrice Osler : Je vais adresser ma question soit au parrain du projet de loi, soit au représentant du gouvernement au Sénat, soit aux fonctionnaires.
Le comité a été informé du fait que l’article 9 du projet de loi C-22 risque de causer une conséquence imprévue s’il n’est pas amendé. Nous avons entendu dire que :
Si l’on n’interdit pas aux fournisseurs d’assurance privée de déduire ou de compenser ce montant, les bénéficiaires ciblés des prestations d’invalidité du Canada ne recevront aucune prestation supplémentaire.
Le comité a également entendu dire que :
Même si la prestation d’invalidité du Canada était caractérisée par un règlement comme un « avantage social » et non comme une « prestation » de revenu, le libellé des contrats d’assurance permettrait de saisir cette prestation.
Le 2 mai, la ministre Qualtrough a envoyé une lettre à la présidente du comité dans laquelle elle déclarait ce qui suit :
[...] Le gouvernement s’appuiera sur son entente antérieure avec le secteur privé de l’assurance-invalidité pour veiller à ce que la prestation canadienne d’invalidité soit considérée comme un avantage social [...]
Ma question, madame la présidente, est la suivante : quelles garanties le comité a-t-il que, si le projet de loi C-22 était adopté sans cet amendement, les fournisseurs d’assurance ne se serviront pas directement ou indirectement de la prestation d’invalidité du Canada pour réduire le montant qu’ils verseraient autrement pour une invalidité de longue durée?
La présidente : Sénateur Cotter, pourriez-vous répondre à cette question?
Le sénateur Cotter : J’ai vu la sénatrice Pate lever la main, alors je ne savais pas bien quoi faire.
La présidente : La question vous a été posée, alors je vais accepter votre réponse. Pour ce premier tour, il nous faut une réponse soit de vous, soit du sénateur Gold, soit des fonctionnaires. Nous céderons ensuite la parole à la sénatrice Pate.
Le sénateur Cotter : C’est une excellente question, et la sénatrice McPhedran soulève un très bon point. Je suis sûr que ce problème nous préoccupe tous profondément.
Je crois que, sur le plan législatif, nous ne pouvons rien faire.
Permettez-moi tout d’abord de faire une observation générale sur notre rôle constitutionnel de sénateurs. L’un de nos devoirs consiste à ne pas présenter un projet de loi qui est inconstitutionnel ou qui le deviendra probablement. Notre autre devoir consiste à veiller aux intérêts de nos régions et de nos provinces. Dans le cas qui nous occupe, ces deux devoirs se chevauchent. Autrement dit, je pense bien que ce projet de loi est susceptible d’être inconstitutionnel. J’expliquerai cela dans un instant.
Il est inconstitutionnel parce qu’il empiète sur les compétences provinciales en matière de propriété et de droits civils. À l’heure actuelle, nous nous efforçons de ne pas adopter de lois inconstitutionnelles qui enfreignent la Charte. Cependant, avant 1982, nous nous efforcions de ne pas empiéter, comme on le dit en langage juridique, sur la compétence provinciale.
L’une des raisons pour lesquelles la sénatrice McPhedran craint que d’autres prestations puissent être récupérées est le fait que le gouvernement du Canada n’a pas le pouvoir d’intervenir dans ce domaine en réglementant les contrats privés, et c’est essentiellement ce que ferait cet amendement.
Lorsque j’ai compris que la sénatrice Lankin allait présenter cet amendement, j’ai consulté, en privé et de façon informelle, d’éminents constitutionnalistes qui m’ont fait part de leur point de vue. J’avoue que je suis d’accord avec eux. Ils m’ont répondu que cette initiative est profondément problématique. Nous avons entendu des témoignages selon lesquels, dans le monde du fédéralisme coopératif, le pouvoir de dépenser permet au gouvernement du Canada de faire ce genre de choses. Je pense que ce n’est pas vraiment exact. Vous comprenez donc pourquoi le gouvernement, reconnaissant ce problème, estime qu’il ne peut pas s’ingérer directement en adoptant une loi ou une disposition comme celle-ci.
La plupart des initiatives du gouvernement du Canada se classent dans l’une des catégories de pouvoirs prévues à l’article 91 de la Loi constitutionnelle, comme les banques, les affaires étrangères, etc. Comme les témoins l’ont dit, cela relève du pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral. Vous pouvez lire la Constitution d’un bout à l’autre et vous ne trouverez jamais de référence au pouvoir de dépenser. En effet, certaines provinces du Canada, pour diverses raisons, refusent que le concept du pouvoir de dépenser soit considéré comme une autorité légitime du gouvernement du Canada. C’est un pouvoir fragile. Voilà donc ma première observation.
Si ce projet de loi s’avère constitutionnel, ce qui est le cas à mon avis, les tentacules qui pourraient empiéter sur les compétences provinciales doivent être discrets. Ils doivent être accessoires et insignifiants.
Cette mesure assène un coup à l’autorité provinciale sur la propriété et les droits civils. Nous risquons de déclencher des litiges constitutionnels. En fait, il est presque certain que les assureurs qui pensent qu’ils devraient pouvoir récupérer cet argent contesteront la constitutionnalité de cette disposition, et les provinces se retrouveront dans la position inconfortable de devoir soit appuyer l’avantage social, soit défendre leur compétence constitutionnelle. Malheureusement, je pense que certaines provinces vont choisir de défendre leur compétence. Elles ont le droit de le faire. Cet amendement déclenche une contestation constitutionnelle.
Deuxièmement, sur le plan intergouvernemental, la ministre et les rédacteurs de ce projet de loi ont pris soin de ne pas empiéter sur les compétences provinciales. On n’y parle pas de récupération des gouvernements provinciaux. Ils l’ont fait en partie pour maintenir un esprit de courtoisie fédérale-provinciale-territoriale dans les futures négociations. Cet affront aux compétences provinciales compliquerait considérablement la capacité de la ministre actuelle, ou de tout autre ministre, de conclure un accord constructif.
La sénatrice Pate : Nous avons aussi l’obligation constitutionnelle de faire respecter la Charte. L’article 15 de la Charte garantit les droits des personnes handicapées. Les avocats des droits de la personne ont exprimé cela très clairement. J’ai passé les témoignages en revue, et je n’y ai trouvé aucune mention de cela, mais je sais, pour avoir participé directement à des causes, combien de personnes ont vu leurs versements de la Prestation canadienne d’urgence réduits par des mesures de récupération.
Le fait est que cette mesure touchera le plus durement les gens les moins privilégiés et les plus dépossédés. Vous avez entendu le témoignage d’un des avocats qui, la veille de sa comparution, venait de gagner une lutte de 11 ans pour obtenir la protection d’un droit relatif à une déficience. En fait, nous avons une obligation. Nos responsabilités constitutionnelles de sénateurs comportent des éléments conflictuels. L’un d’eux est le devoir de soutenir les intérêts des personnes qui ne sont pas représentées par leurs élus et par ces dispositions.
Je recommande fortement que nous nous concentrions là‑dessus et que nous essayions de faire respecter l’article 15. Cela déclenchera-t-il des contestations constitutionnelles? Bien sûr. Mais à l’heure actuelle, nous rejetons cette responsabilité sur les épaules des personnes les moins privilégiées, qui doivent essayer de trouver un avocat pour monter leur cause, la porter devant les tribunaux, puis la défendre. Ces gens réussiront peut-être, 11 ans après l’entrée en vigueur de cette loi, à gagner leur cause contre une province ou un territoire. Cet amendement offre une modeste formule qui permettra aux gens de relever ce défi.
Dans notre rôle de sénateurs, nous ne pouvons pas nous permettre d’ignorer cela. Oui, nous ébranlerons les relations fédérales-provinciales, mais les gouvernements ont les poches profondes. Cette disposition privilégie très légèrement les personnes handicapées qui voudront contester, et c’est la raison pour laquelle, à mon avis, cet amendement est essentiel.
Le sénateur Gold : Je comprends ce que vous dites. Merci. Avant d’intervenir, je voudrais écouter ce que les autres diront, car cet enjeu est vraiment important. Je veux m’exprimer en une fois et de façon exhaustive.
La présidente : Je comprends cela.
La sénatrice McPhedran : Je tiens d’abord à remercier les sénatrices Osler et Pate pour leurs observations. Je les appuie fortement.
Me permettez-vous tous de demander une précision au sénateur Cotter?
La présidente : Bien sûr.
La sénatrice McPhedran : Sénateur Cotter, des témoins nous ont dit que nous disposons d’un précédent solide et clair, les articles 10 et 11 de la Loi sur l’indemnisation des marins marchands, dont le libellé est semblable à celui de l’amendement proposé ici. C’est un exemple évident d’une prestation fédérale qui est à l’abri de la compensation ou de la récupération. Je me demande si vous, le sénateur Gold, et les fonctionnaires... Cette loi a-t-elle été autant contestée que vous nous avez dit le craindre pour cet amendement? A-t-elle été contestée en vertu de la Constitution comme ce qui, selon vous, menace notre amendement?
Le sénateur Cotter : Pas que je le sache.
La sénatrice McPhedran : Pas que je le sache non plus, sénateur Cotter. Rien ne prouve qu’elle ait été contestée. Elle a été maintenue. Elle a protégé les marins marchands, et c’est le genre de protection que nous demandons ce matin en proposant cet amendement.
La sénatrice Dasko : J’aimerais revenir sur ce qu’a dit la sénatrice McPhedran. Les membres du comité se souviendront que nous avons entendu, pendant notre toute dernière réunion, le témoignage de deux avocats qui travaillent dans ce domaine et qui ont fait valoir avec beaucoup de certitude que l’approche de cet amendement est tout à fait valide et qu’elle respecte les limites de la Constitution. Lors de cette réunion, je leur ai demandé s’il risquait de déclencher des litiges malgré les explications très claires qu’ils nous donnaient. Cette proposition était vraiment solide.
Je dirais que leur réponse se rapprochait beaucoup de l’analyse de la sénatrice Pate, qui nous a présenté cet enjeu sous un angle légèrement différent. Ils nous ont répondu que la contestation est toujours possible, que tout est possible. Je ne les cite pas directement, je paraphrase leur réponse. Bien sûr, n’importe qui pourrait contester. Une province pourra contester cela dans des circonstances quelconques, car tout est possible; ces litiges sont possibles. Ces témoins étaient absolument convaincus que cet ajout au projet de loi résisterait à l’épreuve du temps. Ils ont dit que ce serait un ajout positif au projet de loi et à notre examen des enjeux.
Cette question de récupération est très importante. Elle menace le revenu des Canadiens handicapés. À mon avis, nous devons considérer cette question sous cet angle.
La présidente : Sénatrice McPhedran, avez-vous de nouveaux renseignements à nous donner?
La sénatrice McPhedran : Oui. Je ne les ai pas encore déposés devant le comité, parce que le sénateur Cotter soulignait que les éminents constitutionnalistes qu’il a consultés s’opposaient à cet amendement. Je ne doute aucunement de cela.
Quand j’étudiais à la Faculté de droit de l’École Osgoode Hall, j’ai eu la chance de suivre les cours de droit constitutionnel de M. Peter Hogg. J’aimerais lire ce que le professeur Hogg a rédigé très clairement dans son ouvrage intitulé Constitutional Law of Canada. Ceux qui ont fait des études de droit connaissent bien cet ouvrage. Voici ce qu’on y lit :
[...] que le Parlement fédéral peut dépenser ou prêter ses fonds à n’importe quel gouvernement, institution ou particulier et à n’importe quelle fin, et qu’il peut assortir ses subventions ou ses prêts de n’importe quelles conditions, y compris des conditions qu’il ne pourrait pas imposer par voie législative.
Je vous dirai, honorables sénateurs, à ceux d’entre vous qui ne connaissent pas le professeur Hogg, et je pense que les sénateurs Cotter et Gold seront d’accord avec moi, qu’il était le plus éminent constitutionnaliste consulté à maintes reprises pendant toutes les négociations entourant la Loi constitutionnelle de 1982 et la Charte canadienne des droits et libertés.
La présidente : Voulez-vous passer en dernier?
Le sénateur Gold : Ce n’est pas que je veuille passer en dernier pour le plaisir d’être le dernier à parler. Je voudrais entendre ce que pensent les autres. Je vous remercie pour cette occasion. J’écouterai donc ce que dira la sénatrice Seidman.
La sénatrice Seidman : Je ne veux pas m’éterniser là-dessus. Les témoignages que j’ai entendus sont très convaincants et importants. Mais je me dois de répéter ce que j’ai dit hier, qu’à titre de sénatrice représentant le Québec, je ne pourrai pas appuyer cette mesure, parce qu’il est évident qu’elle empiète sur les compétences provinciales. Je tenais à souligner cela.
Le sénateur Gold : Merci, chers collègues.
Cet enjeu est important. Sénatrice Moodie, je vais surveiller mon ton de voix et je vais peut-être pécher par excès de piété, alors je m’en excuse d’avance.
Le gouvernement tient ferme à sa position sur cet enjeu. Il ne le fait pas par indifférence envers ce problème et envers la réalité et la possibilité de récupération. Il y tient parce que cet amendement, à mon humble avis, est très évidemment inconstitutionnel. J’ajouterai, avec tout le respect que je vous dois, que les avocats s’y opposeront. Les constitutionnalistes présenteront tous les arguments qu’ils voudront, mais je vous demande d’écouter mon analyse et de l’accepter pour ce qu’elle vaut. Je ne m’en vante pas souvent, mais j’ai enseigné le droit constitutionnel pendant toute ma carrière à la Faculté de droit d’Osgoode Hall. Je donne encore des cours quand je le peux à l’Université McGill. M. Hogg et moi-même étions collègues et bons amis. Il était mon mentor en droit constitutionnel. Je ne sais pas en quel état d’usure mon exemplaire de son livre se trouve maintenant, alors je vais m’exprimer avec beaucoup de prudence. Je vais vous expliquer pour quelles raisons je trouve que cet amendement dépasse de très loin la compétence fédérale et, par conséquent, pourquoi nous devrions éviter de l’adopter.
Pour ce qui est du pouvoir de dépenser, sénatrice McPhedran, il est tout à fait vrai que le gouvernement peut dépenser de l’argent et donner de l’argent aux provinces — vous avez bien cité cela — et leur imposer des conditions, même dans un domaine où il ne peut pas légiférer. La présence fédérale dans le système de santé tient exclusivement au pouvoir de dépenser, mais c’est une question distincte de savoir si le Parlement peut légiférer en vertu du pouvoir de dépenser dans des domaines qui concernent les contrats privés d’entreprises privées. Une des causes les plus marquantes en ce qui concerne la balance des pouvoirs ou le partage des compétences traitait de l’assurance bien avant la naissance de n’importe lequel d’entre nous. En tout respect, l’analyse complète du professeur Hogg sur le pouvoir de dépenser est loin de justifier cet amendement, si bien intentionné qu’il soit.
Deuxièmement, en ce qui concerne l’argument de la sénatrice Pate — en tout respect, encore une fois —, la démarche analytique classique pour juger de la constitutionnalité d’une mesure législative consiste à se demander d’abord si le gouvernement avait le pouvoir de l’adopter, peu importe qu’elle soit bonne ou mauvaise ou qu’elle puisse porter atteinte à des droits. À moins que le gouvernement du Canada n’en ait le pouvoir en vertu de la Constitution, conformément au libellé de la Constitution et à l’interprétation de la jurisprudence, il ne peut pas agir. Sa loi est littéralement sans effet.
S’il a ce pouvoir — et c’est ainsi qu’un juge l’analyserait et que les avocats le plaideraient devant un juge —, si et seulement si on arrive à démontrer qu’il agit dans les limites de sa compétence, alors on peut se demander ensuite si sa loi viole ou enfreint la Charte. La Charte ne confère pas de compétence législative positive au Parlement fédéral ou aux provinces dans des domaines qu’autoriserait la Loi constitutionnelle de 1867, l’ancien Acte de l’Amérique du Nord britannique que nous avons tous étudié.
Il est donc vrai que la Charte est un élément important de notre Constitution, mais elle s’ajoute aux pouvoirs qui peuvent s’exercer ou non dans l’Assemblée législative. Pour cette raison, il est certain que l’article serait contesté, et je prédis — bien qu’on ne puisse jamais en être absolument certain — qu’il ne passera pas le test.
Quelles sont les conséquences?
Avant d’y venir, rappelons-nous que ce projet de loi intègre des mécanismes politiques et parlementaires pour tenir le gouvernement redevable, ainsi que le processus de réglementation. Ce n’est pas un chèque en blanc. Je ne dis pas que cela peut se faire par voie de règlement, comprenez-moi bien. À chaque étape, il y a des rapports à présenter, des comptes à rendre et le public et les parlementaires se pencheront sur le contenu des ententes fédérales-provinciales : qu’est-ce que les provinces ont accepté de faire dans leurs champs de compétence pour ce qui est de récupérer des prestations? Cela devrait faire l’objet d’une conversation sérieuse entre la ministre et ses homologues.
Vous avez lu le projet de loi. Je ne veux pas m’étendre sur le sujet, mais il y a un dernier point, et je vous prie de m’en excuser. L’adoption d’un projet de loi qui, à mon avis, est clairement très vulnérable sur le plan constitutionnel entraînera inévitablement des retards et on ne sait quelles conséquences pour la capacité du gouvernement de passer à travers le processus de réglementation avec la collaboration et la coopération des provinces, des territoires et de la collectivité.
Lorsqu’on met tout cela ensemble, le risque l’emporte de loin sur le gain. Si la Constitution était différente, nous serions d’accord.
La présidente : J’ai une brève question...
La sénatrice McPhedran : Puis-je poser une question, s’il vous plaît?
La présidente : Vous pouvez.
La sénatrice McPhedran : Sénateur Gold et sénateur Cotter, la Loi sur l’indemnisation des marins marchands de 1985, il y a près de 40 ans, n’a jamais été contestée. Sénatrice Seidman, elle n’a jamais été contestée par le Québec ni par quiconque. Voici ce qu’elle dit :
[…] le montant de l’indemnité à verser en vertu de la présente loi ne peut être cédé, grevé ni saisi et ne peut faire l’objet d’un transfert à une autre personne par l’effet de la loi ni être distrait en faveur d’une autre réclamation par voie de compensation.
En 40 ans, cette clause n’a jamais été contestée.
Sénateur Gold, je vous pose la question : devant cette preuve flagrante que ce genre de protection fonctionne depuis près de 40 ans dans un contexte analogue, comment pouvez-vous soutenir qu’il serait inconstitutionnel pour nous d’offrir le même genre de protection et de respecter la Charte des droits et libertés avec cet amendement qui est proposé?
Le sénateur Gold : Je ne reprendrai pas mon argumentation, mais si vous examinez le libellé de l’amendement, sénatrice McPhedran, il s’applique directement aux contrats, aux régimes d’assurance ou à tout autre instrument des entreprises privées.
J’avoue ne pas connaître tous les détails, les facteurs politiques ou les ententes qui ont pu jouer dans le contexte de la marine marchande. Tout ce que je sais — et je le dis avec toute la confiance qu’on peut mettre dans des prédictions, mais en me fondant sur une vie entière d’études, de recherches et d’écrits sur le sujet et sur les droits à l’égalité, si je puis me permettre —, c’est que cela crie à l’inconstitutionnalité. Dans le contexte qui nous intéresse — la sénatrice Seidman a parlé du Québec —, je crois que beaucoup de provinces, pas seulement le Québec, s’opposent au pouvoir de dépenser, comme le font aussi d’éminentes personnes dans les hautes sphères du gouvernement et dans de nombreux gouvernements provinciaux.
Nous courons à la catastrophe si nous croyons que ce projet de loi, aussi imparfaite que puisse être une loi-cadre, doive franchir la ligne d’arrivée et nous fournir un cadre capable de résister aux éventuels changements de ministres ou même de gouvernement.
La sénatrice McPhedran : J’ai une question complémentaire.
La présidente : Chers collègues, je souhaite mener les débats de la façon la plus inclusive et la plus efficace possible. La sénatrice Dasko passe avant vous, alors je vais accepter votre question et suggérer qu’on s’en tienne maintenant à deux dernières interventions, celles de la sénatrice Dasko et de la sénatrice McPhedran, qu’on entende les réponses et qu’on précise ensuite nos intentions à l’égard de cet amendement.
La sénatrice Dasko : Je serai brève. Nous sommes devant deux analyses différentes et très divergentes de la constitutionnalité de cette disposition. Les experts qui ont comparu devant nous ont dit très fermement qu’elle était constitutionnelle. Je pense que nous devrions pencher en faveur d’un renforcement des droits des personnes handicapées. À mon avis, c’est ce que nous devons faire dans ce cas particulier. Merci.
La sénatrice McPhedran : Ma question tient compte de la décision de la Cour suprême du Canada concernant le pouvoir fédéral — les arguments mêmes que vous avez soulevés, sénateur Cotter et sénateur Gold — de traiter directement avec les compagnies d’assurances. Dans un renvoi relatif à la Loi sur la non-discrimination génétique, la Cour suprême du Canada a statué qu’en interdisant aux compagnies d’assurances de demander si quelqu’un a subi un test génétique ou d’exiger que quelqu’un subisse un test génétique, le gouvernement du Canada touchait directement au pouvoir des compagnies d’assurances.
Votre respect à l’égard des compagnies d’assurances privées est intéressant et noté, mais la Cour suprême a dit très clairement, tout comme le professeur Hogg, que c’est là un pouvoir que possède le gouvernement fédéral. Il n’y a rien d’inconstitutionnel à ce que le gouvernement fédéral décide de protéger une prestation.
La présidente : Une dernière réponse.
Le sénateur Gold : Vous ne voulez certainement pas insinuer que ma motivation ou celle du gouvernement est de protéger les compagnies d’assurances privées. Le ton compte, et je suis sûr que ce n’est pas ce que vous vouliez dire.
Je ne veux pas faire étalage de savoir — de toute évidence, nous sommes mûrs pour un vote —, mais il y a des doctrines constitutionnelles techniques, que ce soit la doctrine des pouvoirs accessoires à laquelle vous faites allusion ou la doctrine des pouvoirs nécessairement incidents. L’évolution de la jurisprudence rend ces arguments exceptionnellement faibles, voire difficilement présentables, dans ce cas particulier, bien qu’ils puissent l’être dans d’autres cas.
On parle ici d’une loi-cadre. Aussi méritoire qu’il soit de protéger des personnes défavorisées et vulnérables contre tout abus des compagnies d’assurances — nous sommes d’accord là‑dessus —, cela n’a pas nécessairement un rapport avec les objectifs d’un accord-cadre, qui fait intervenir à chaque étape non seulement la communauté des personnes handicapées, mais aussi les provinces, les territoires et le secteur privé. Cela ne passerait pas le test, à mon humble avis.
La présidente : Merci, chers collègues.
L’article 9 modifié est-il adopté?
Des voix : Non.
Des voix : Oui.
La présidente : Nous allons procéder au vote par appel nominal.
Emily Barrette, greffière du comité : L’honorable sénatrice Omidvar?
La sénatrice Omidvar : Oui.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice Bernard?
La sénatrice Bernard : Oui.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice Bovey?
La sénatrice Bovey : Non.
Mme Barrette : L’honorable sénateur Cotter?
Le sénateur Cotter : Non.
Mme Barrette : L’honorable sénateur Gold, c.p.?
Le sénateur Gold : Non.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice Dasko?
La sénatrice Dasko : Oui.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice McPhedran?
La sénatrice McPhedran : Oui.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice Moodie?
La sénatrice Moodie : Oui.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice Osler?
La sénatrice Osler : Oui.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice Pate?
La sénatrice Pate : Oui.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice Petitclerc?
La sénatrice Petitclerc : Je m’abstiens.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice Seidman?
La sénatrice Seidman : Non.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice Burey?
La sénatrice Burey : Oui.
Mme Barrette : Pour, 8; contre, 4; abstentions, 1.
La présidente : La motion est donc adoptée.
L’article 9 modifié est-il adopté?
Des voix : Oui.
La présidente : Adopté.
L’article 10 est-il adopté? Il y a des amendements.
La sénatrice McPhedran : Madame la présidente...
La présidente : Oui, sénatrice McPhedran, donnez-moi un instant.
D’accord. Sénatrice McPhedran, avez-vous un amendement à proposer?
La sénatrice McPhedran : Oui.
La présidente : Merci.
La sénatrice McPhedran : Mais je crois que la sénatrice Lankin avait la proposition précédente, et la sénatrice Dasko voudra peut-être apporter des précisions.
La présidente : Qui parle? Les deux sont très semblables, au point que c’en est superflu.
La sénatrice McPhedran : Je vais...
La présidente : Que l’une de vous veuille bien proposer l’amendement et...
La sénatrice McPhedran : Je serais heureuse de le faire. J’avais...
La sénatrice Dasko : Je retire l’amendement de la sénatrice Lankin. Ils ne sont pas identiques, et la sénatrice McPhedran pourra parler du sien.
La sénatrice McPhedran : Je crois comprendre que la sénatrice Lankin m’encourage à proposer cet amendement, alors je suis très heureuse de le faire.
Cela concerne l’article 10 du projet de loi, qui se lit actuellement comme suit : « Les prestations prévues par la présente loi sont payées sur le Trésor. »
Je propose l’ajout d’un article 10.1 qui fasse droit à ce que beaucoup considèrent comme une règle très importante de la justice naturelle, c’est-à-dire toute la notion d’appel. Je propose :
Que le projet de loi C-22 soit modifié à la page 4, par adjonction, après la ligne 5, de ce qui suit :
« 10.1 Toute personne, ou quiconque de sa part, peut porter en appel auprès d’un organisme désigné par règlement pris en vertu de l’alinéa 11(1)i) toute décision du ministre :
a) portant qu’elle est inadmissible à la prestation canadienne pour les personnes handicapées;
b) fixant le montant de la prestation canadienne pour les personnes handicapées qui lui a été versé ou qui lui sera versé. ».
Le raisonnement est que si la loi n’en parle pas, rien n’indique qu’on pourra s’en occuper par voie de règlement. Encore une fois, nous avons cette incertitude qui plane toujours avant qu’un règlement n’ait été rédigé et publié, d’où le besoin crucial d’inscrire le droit d’appel dans la loi elle-même, vu qu’il s’agit d’une source de revenu essentielle pour des personnes handicapées vivant dans la pauvreté.
La sénatrice Pate : J’appuierais cet amendement. Les prestations d’invalidité en général, souvent, les gens se les voient d’abord refuser par des instances provinciales aussi. Outre ce qu’en a dit la sénatrice McPhedran, je pense qu’il est essentiel de prévoir un mécanisme d’appel de ce genre.
La sénatrice Dasko : J’appuie aussi cet amendement. Il est à remarquer que le projet de loi mentionne le mot « appels » en quelques endroits, sans les imposer comme tels. Il dit simplement qu’on peut prendre un règlement à leur sujet, mais il ne dit pas expressément que les appels font partie du processus. Il ne garantit pas les appels.
Je sais que la ministre a dit qu’elle souhaitait qu’il y en ait, mais si ce n’est pas dans le projet de loi, alors il y a une lacune à cet égard. Je pense qu’il est important pour nous d’appuyer cet amendement et c’est ce que je fais. La sénatrice Lankin l’appuie aussi, et c’est pourquoi j’ai retiré son amendement, qui portait lui aussi sur la nécessité de prévoir des appels.
Le sénateur Cotter : La sénatrice McPhedran a tout à fait raison de dire que les appels et le droit d’appel s’imposent absolument en vertu de la justice naturelle, même au-delà de leur existence dans la loi ou dans des règlements. Cela peut être établi entièrement par voie de réglementation, et c’est censé l’être. Je reviendrai tout à l’heure au point soulevé par la sénatrice Dasko au sujet de l’alinéa 11(1)i).
De plus, le projet de loi tel que modifié dans l’autre chambre prévoit, à l’article 11.1, la pleine participation des personnes handicapées... pardon, à l’article 11.1, des possibilités réelles de participer à l’élaboration des règlements, notamment en ce qui concerne le processus d’appel.
À certains égards, on envisage cela comme une approche de partenariat pour un régime d’appels de qualité. Cet amendement, aussi sincère que soit son intention, sera et peut être entièrement appliqué par voie de règlement. Il n’est pas rare que les processus d’appel soient établis par un cadre réglementaire.
En ce qui concerne le point soulevé par la sénatrice Dasko, elle a raison de dire que le libellé du paragraphe 11(1) sous la rubrique Règlements facilite les choses en les laissant entre les mains du gouverneur en conseil, mais c’est toujours ainsi que les règlements sont formulés. À l’occasion, nous pouvons ordonner quelque chose, mais même la prestation est établie dans un langage qui facilite les choses. Tous ceux qui sont présentés par le gouverneur en conseil peuvent prendre des règlements. Mais l’idée que nous soyons ici et que nous laissions au gouverneur en conseil le soin de décider s’il fera l’une ou l’autre de ces choses est, avec tout le respect que je vous dois, une fantaisie parce que le gouverneur en conseil est venu nous dire : voici ce que nous voulons faire. C’est tout à fait réalisable et c’est censé se faire par un dialogue constructif avec la communauté des personnes handicapées, pour que le processus d’appel soit établi d’une manière qui leur convient.
Je ne m’oppose pas à la notion d’appel, mais elle n’est pas nécessaire dans le projet de loi et elle est entièrement prévue par les règlements. Sauf votre respect, je vais voter contre l’amendement.
La présidente : Merci, chers collègues. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion d’amendement?
Des voix : Non.
Des voix : Oui.
La présidente : Nous allons procéder au vote par appel nominal.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice Omidvar?
La sénatrice Omidvar : Non.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice Bernard?
La sénatrice Bernard : Oui.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice Bovey?
La sénatrice Bovey : Non.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice Burey?
La sénatrice Burey : Oui.
Mme Barrette : L’honorable sénateur Cotter?
Le sénateur Cotter : Non.
Mme Barrette : L’honorable sénateur Gold, c.p.?
Le sénateur Gold : Non.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice Dasko?
La sénatrice Dasko : Oui.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice McPhedran?
La sénatrice McPhedran : Oui.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice Moodie?
La sénatrice Moodie : Oui.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice Osler?
La sénatrice Osler : Oui.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice Pate?
La sénatrice Pate : Oui.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice Petitclerc?
La sénatrice Petitclerc : Oui.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice Seidman?
La sénatrice Seidman : Non.
Mme Barrette : Pour, 8; contre, 5; abstentions, 0.
La présidente : Chers collègues, la motion est adoptée.
L’article 10 modifié est-il adopté?
Des voix : Oui.
La présidente : L’article 11 est-il adopté? J’ai dans mes notes un certain nombre d’amendements.
La sénatrice Dasko : Je crois que la sénatrice McPhedran en a un qui précède celui de la sénatrice Lankin, si je ne m’abuse.
La sénatrice McPhedran : Non. La sénatrice Lankin est au numéro 13 et moi au numéro 14. Je suis très heureuse d’appuyer l’amendement de la sénatrice Lankin. Les deux sont identiques, à l’exception d’un autre alinéa c).
La sénatrice Dasko : Vous proposez un amendement à l’article 11, à la page 4, par adjonction après la ligne 8...
La sénatrice McPhedran : Vous regardez le numéro 12? On l’a retiré parce qu’il a été rejeté précédemment.
La présidente : Nous en sommes à l’article 11, à la page 6.
La sénatrice McPhedran : Par substitution aux lignes 15 à 17?
La sénatrice Dasko : Oui, est-ce là que nous...
La sénatrice McPhedran : Oui.
La sénatrice Dasko : Excusez-moi. J’étais rendue ailleurs.
Il est proposé par l’honorable sénatrice Lankin, c.p. :
Que le projet de loi C-22 soit modifié à l’article 11, à la page 6, par substitution, aux lignes 15 à 17, de ce qui suit :
« prestation, tient compte, à la fois :
a) du seuil officiel de la pauvreté au sens de l’article 2 de la Loi sur la réduction de la pauvreté;
b) des coûts supplémentaires associés au fait de vivre avec un handicap;
c) de la difficulté qu’ont les personnes handicapées à gagner un revenu d’emploi;
d) des besoins intersectionnels des personnes et des groupes défavorisés;
e) des obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne. ».
Chers collègues, au cours de nos sept réunions, de nombreux témoins sont venus nous parler des facteurs et des conditions dont il faut tenir compte, selon eux, lorsqu’il s’agit d’établir une prestation pour les personnes handicapées. Le projet de loi actuel comprend déjà la partie a), qui tient compte du seuil officiel de la pauvreté au sens de l’article 2 de la Loi sur la réduction de la pauvreté. C’est déjà là. Nous parlons d’ajouter les parties b), c), d) et e).
Nous savons, d’après les témoignages que nous avons entendus, que les personnes handicapées doivent assumer d’énormes coûts supplémentaires pour obtenir de nombreux services dans leur vie : le transport, la préparation des repas et bien d’autres. C’est un facteur important à considérer pour établir la prestation.
Nous savons aussi, d’après les témoignages, qu’elles ont bien du mal à gagner leur vie. Plusieurs témoins nous ont demandé d’en tenir compte et qu’il en soit fait mention dans la loi comme facteur à considérer.
Nous avons aussi entendu parler des besoins intersectionnels, des obstacles et des problèmes particuliers auxquels font face les femmes, les personnes racisées et les Autochtones. Nous avons entendu comment leur situation peut créer des obstacles et des besoins supplémentaires.
Nous avons aussi entendu parler des obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne, un autre facteur à considérer dans l’établissement des niveaux de prestations.
Essentiellement, donc, ces facteurs nous viennent des témoins eux-mêmes. Nous avons passé sept réunions avec des témoins, qui sont venus nous raconter leur histoire. Je pense que nous sommes obligés d’en tenir compte. Nous sommes obligés d’améliorer ce projet de loi en tenant compte de ces facteurs. Pourquoi sommes-nous ici si ce n’est pour améliorer ce projet de loi?
Nous ne sommes pas ici pour fermer les yeux sur le témoignage de personnes handicapées qui ont pris la peine de venir se confier à nous. Nous pouvons améliorer le projet de loi en y inscrivant ces différents facteurs. Pourquoi aurions-nous fait ce travail et pourquoi aurions-nous invité des personnes handicapées à comparaître devant le comité, à y mettre le temps et les efforts nécessaires, sachant à quel point il est difficile pour tant d’entre elles de venir ici défendre leur cause? Je crois que ces ajouts reflètent bien leur point de vue.
Voici donc ce que je propose. En fait, il s’agit d’un amendement de la sénatrice Lankin, que j’appuie évidemment. J’estime donc que nous devrions l’inscrire dans la loi, pour que ces facteurs-là soient pris en compte.
Le libellé dit bien « tient compte », alors c’est un élément très important. On ne fait que reprendre le libellé qui traite déjà du seuil de la pauvreté et on ajoute d’autres facteurs qui doivent y figurer.
Le libellé rend compte plus justement des témoignages que nous avons entendus au cours de sept réunions avec des témoins qui sont venus nous parler des conditions de vie et des choses à considérer pour établir la prestation.
La sénatrice Burey : Je remercie mes honorables collègues et sénateurs. J’ai dit lors d’une séance avec témoins que nous sommes ici dans une enceinte sacrée. Pour reprendre les propos de la sénatrice Dasko, les témoins sont venus ici, ils ont témoigné de leur vie et de leurs luttes.
Je dois avouer que je n’ai pas dormi hier soir parce que j’ai écouté avec humilité. Je comprends l’importance de cette enceinte, et j’ai écouté très attentivement. C’était un amendement que j’avais proposé, mais que j’ai retiré lorsque j’ai vu la liasse. Je veux donc me prononcer en faveur du présent amendement.
Vous vous souviendrez, honorables sénateurs, que cet article a déjà été modifié dans l’autre Chambre, qui a inscrit le seuil officiel de la pauvreté comme facteur à considérer. Avec cet amendement, nous ne faisons qu’en ajouter d’autres, aussi importants, alors je vous encourage tous à l’appuyer.
La sénatrice Pate : De même, j’ai eu du mal à dormir en pensant à cela hier soir, mais aussi dans le passé, et en parlant à des gens pas plus tard que lundi de cette semaine — en rencontrant des organisations —, je me rends bien compte que des pressions énormes s’exercent sur des groupes de personnes handicapées pour qu’ils acceptent tel quel ce qu’on leur offre maintenant sans exiger davantage. Comme cela arrive trop souvent, ce sont les plus démunis qui doivent plier, non seulement sur ce projet de loi, mais sur d’autres que nous avons adoptés, avec ou sans amendements. Puisque, en ce moment, pour toutes sortes de raisons, ils ne sont pas en mesure de se faire entendre parce qu’ils dépendent du gouvernement pour le financement, pour les ressources et pour ce projet de loi, c’est à nous qu’il incombe d’adopter un amendement comme celui-ci pour que ce projet de loi soit le meilleur possible.
Quant à tous les arguments qui sont invoqués, il y aura des contestations de ce projet de loi, mais, comme je l’ai déjà dit — je n’ai donc pas besoin de le répéter —, il n’appartient pas aux plus démunis, aux personnes mêmes que ce projet de loi vise à aider, de porter ces contestations. Voilà où nous en sommes.
La sénatrice Bernard : Je crois que la sénatrice Bovey passe avant moi.
La sénatrice Bovey : Je comprends ce que tout le monde dit et je ne suis pas en désaccord. Je m’inquiète cependant du moment choisi pour le faire. Si vous permettez, j’aimerais poser une question au sénateur Cotter ou au sénateur Gold.
Nous avons déjà accepté quelques amendements qui ramèneront le projet de loi à la Chambre. Comme la sénatrice Pate, j’ai moi aussi entendu les gens qui ont témoigné devant nous, j’en ai entendu d’autres entre les témoignages et d’autres encore plus récemment. En effet, hier soir, j’ai reçu une lettre où des gens nous remerciaient de ce que nous faisions, mais exprimaient aussi des préoccupations très réelles. Ils ont l’impression d’être à un moment historique qui va améliorer la vie de nombreuses personnes handicapées, y compris la collectivité que nous représentons. Cela vient de la section de Winnipeg des groupes que nous avons entendus.
Tout le monde convient que nous avons besoin dès maintenant de la Prestation canadienne pour les personnes handicapées. N’allons pas compromettre cela. Nous n’avons jamais été aussi près. Les personnes handicapées comptent sur le Sénat pour que ce projet de loi franchisse la ligne d’arrivée. Ma question porte justement sur cette ligne d’arrivée. Je ne suis pas du tout en désaccord avec l’intention. Je m’inquiète beaucoup pour les gens que nous connaissons tous et avec qui nous avons travaillé. Quel est le risque qu’ils n’obtiennent pas le financement? Où en sommes-nous dans notre cheminement à la mi-mai?
Le sénateur Cotter : Je pense que cela dépasse mes compétences. J’aimerais que le sénateur Gold nous fasse part de ses réflexions. J’aimerais répondre après.
Le sénateur Gold : Je ne sais pas. J’ai fait part de mes préoccupations; je ne les répéterai pas. J’espère me tromper, bien sûr. Je pense que tout le monde dans cette salle veut que ce projet de loi soit traité avant l’ajournement. Ce n’est désormais plus de notre ressort, en supposant, comme c’est mon cas, que notre rapport sera accompagné d’un certain nombre d’amendements. Il semble y en avoir — si je lis correctement la salle.
Plus nous adopterons d’amendements, plus il faudra de temps au gouvernement pour en arriver à une conclusion, en consultation avec d’autres députés de l’opposition, et moins ils auront de jours de séance pour décider s’ils utilisent ce temps pour nous renvoyer le projet de loi avant l’ajournement.
Je me répète. J’espère sincèrement que mes craintes au sujet des risques qu’encourent ce projet de loi et ceux qui l’attendent ne sont pas fondées.
La sénatrice Bernard : Avec tout le respect que je vous dois, chers collègues, j’ai beaucoup réfléchi à ce projet de loi ainsi qu’à plusieurs amendements. C’est un amendement que j’étais prête à proposer, et je suis donc reconnaissante à mes collègues qui l’ont fait.
J’appuie cet amendement. J’ai aussi fait une nuit blanche. Nous aurions pu nous parler si nous avions su que nous étions éveillés toute la nuit.
Je veux parler de la marginalisation au sein des groupes de personnes handicapées. Oui, c’est un moment historique. Nous avons vécu de nombreux moments historiques durant l’étude de ce projet de loi. L’un d’eux a été le témoignage de la ASE Community Foundation for Black Canadians with Disability. Ce sont les personnes les plus marginalisées de toutes. Ces témoins nous ont dit très clairement que les questions d’intersectionnalité doivent être abordées dans ce projet de loi. Le message de Development Alternatives with Women for a New Era était sensiblement le même.
Je ne m’étendrai pas sur le sujet. Je dirai simplement que je suis en faveur de cette motion, car je crois que ces ajouts renforcent le projet de loi et qu’ils donneront suite aux témoignages que nous avons entendus venant de personnes qui n’ont vraiment pas été incluses dans ces processus.
Le sénateur Cotter : J’ai deux brèves observations, ou peut-être trois. La première, c’est que tout cela est sage, permettez-moi de le dire; ces points sont sages. Compte tenu des témoignages que nous avons entendus, ces amendements ne sont pas nécessaires dans le projet de loi parce qu’il est difficile d’imaginer qu’ils seront au centre de l’élaboration des règlements, dans le cadre du dialogue qui aura lieu entre les représentants des personnes handicapées et le gouvernement. Une bonne partie du préambule traite justement de ces points.
La sénatrice Bovey a cité un groupe, et j’admire beaucoup la sénatrice Pate. Je ne m’investis pas autant qu’elle aux côtés des groupes de personnes défavorisées du Canada, mais je suis profondément lié aux communautés d’intérêts concernées par le handicap. Je suis troublé par ses allégations selon lesquelles les témoins qui ont comparu ont été contraints par le gouvernement d’exprimer leur appui à ce projet de loi sans amendement, alors que toutes les communications non officielles que j’ai entendues appuient sans réserve l’adoption rapide de ce projet de loi.
En ce sens, il est important de valider leur témoignage, comme celui des gens dont la sénatrice Bernard vient de parler.
La présidente : J’y réfléchis, sénateur, mais passons à autre chose.
La sénatrice Petitclerc : J’ai une observation très simple à faire tandis que je réfléchis à ma position vis-à-vis de cet amendement. De nombreux témoins nous l’ont dit en comité. Je pense que nous sommes tous d’accord là-dessus.
Je reconnais — et je crois que le sénateur Cotter l’a mentionné — que cela se trouve déjà en partie dans le préambule. Ma question s’adresse à la sénatrice Dasko. Si j’ai bien compris, vous allez également proposer un amendement sur l’intersectionnalité plus tard, n’est-ce pas? Dans le préambule. Ai-je raison de croire que l’intersectionnalité — j’ai votre amendement sous les yeux — pourrait être abordée plus en détail dans le préambule ultérieurement? Ce n’est pas vraiment une question, mais j’aimerais entendre ce que vous avez à dire.
La sénatrice Dasko : Oui, je propose que cela figure dans le préambule, mais je pense qu’il est important que cela figure également ici, parce que cela précise dans le projet de loi qu’il faut en tenir compte au moment de déterminer la prestation.
Le préambule est important, mais il s’agit davantage d’un énoncé d’aspirations. Je pense que c’est important. La sénatrice Burey, la sénatrice McPhedran, la sénatrice Lankin bien sûr puisque c’est son amendement, ainsi que d’autres qui ont proposé un amendement semblable, et moi-même, avons jugé important de l’inclure dans le texte du projet de loi.
La sénatrice Pate : En réponse à l’intervention du sénateur Cotter, je dois dire que les modalités de ce genre de pressions ne sont souvent pas évidentes à nos yeux. En réalité, lorsqu’on a affaire à des groupes communautaires, ce qui a été mon cas pendant près de 35 ou 40 ans avant d’être nommée au Sénat, cela prend la forme suivante : « Si nous ne votons pas pour ceci, il n’y aura rien », ou « Ce n’est pas le bon moment sur le plan politique » et encore « C’est la seule possibilité en ce moment ».
En plus de ce qui a été soulevé, j’ajouterai que si cela figure au préambule, cela peut être une indication de l’intention législative, mais ce n’est pas aussi clair que si c’est dans le projet de loi lui-même. Je me sens obligée, comme personne qui a travaillé avec bon nombre de ces groupes et en collaboration avec eux — et je leur ai dit directement que je comprends leurs positions. Si j’étais à votre place, je dirais peut-être la même chose à mes collègues parce que c’est la seule possibilité qui est offerte. Notre responsabilité est de changer les choses afin que ce ne soit pas la seule possibilité offerte et qu’il y ait une réponse plus complète. C’est dans cet esprit que j’appuie ces amendements.
La présidente : Sénateur Gold, voulez-vous être le dernier?
Le sénateur Gold : Non, je voulais simplement ajouter quelque chose qui n’a pas été mentionné.
C’est un détail, qui ne répond pas vraiment au point soulevé par la sénatrice Pate, mais mes collègues devraient savoir que nos engagements en vertu de la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées nous obligent à tenir compte de l’intersectionnalité. C’est déjà dans le préambule, quoi que nous décidions de faire.
Plus important encore, chers collègues, vous devez comprendre que cet amendement, qui je crois a été soulevé au Comité des droits de la personne de la Chambre des communes, a été jugé irrecevable en raison de l’absence de recommandation royale. Il a été contesté. La présidence a rendu sa décision. La décision a été contestée et maintenue. Vous devez savoir que cette question a été examinée dans l’autre Chambre et jugée irrecevable pour des raisons qui s’appliquent à la fois à la Chambre des communes et au Sénat.
La sénatrice Seidman : Je vous entends dire que nous devons ajouter quelque chose de différent, et j’ai bien peur de ne pas ajouter grand-chose de très différent car, comme vous tous, ce projet de loi m’a donné du fil à retordre. J’ai oscillé entre la nécessité d’avoir beaucoup d’amendements et la nécessité d’en avoir peu ou pas du tout.
La frustration vient du fait qu’il s’agit d’une loi-cadre. Cela rend les choses très difficiles, car nous estimons tous que cela laisse beaucoup de latitude aux organismes de réglementation et au cabinet. Comment pouvons-nous être certains que ce que nous ont dit les personnes handicapées sera pris en compte? Comment pouvons-nous en être sûrs?
Ma seule consolation, et c’est une maigre consolation, c’est de me demander si je fais confiance aux représentants des personnes handicapées pour qu’ils fassent entendre leurs voix haut et fort lorsqu’ils seront consultés par la ministre. Faisons-nous confiance à leur capacité de se faire entendre et de faire pression? D’après les appels téléphoniques que j’ai reçus jusqu’à hier, il y a d’énormes pressions pour s’assurer que certaines choses se trouvent dans ce projet de loi. Je sens ces pressions. C’est vraiment difficile de savoir quelle voie choisir.
Je tenais à le dire. La frustration vient du fait qu’il s’agit d’une loi-cadre. C’est vraiment une source de frustration.
La sénatrice McPhedran : J’allais présenter cela comme une question au sénateur Gold, mais j’ai pu vérifier. Je tiens à préciser aux fins du compte rendu que l’amendement proposé par la sénatrice Lankin, que j’ai appuyé sans réserve — ainsi qu’un amendement presque identique que j’ai retiré en faveur de l’amendement de la sénatrice Lankin — n’a pas été jugé irrecevable par le comité de la Chambre des communes.
J’ai peut-être mal compris ce qu’a dit le sénateur Gold, mais je l’ai entendu dire que cet amendement avait été présenté au comité de la Chambre et qu’il avait été jugé irrecevable. Nous avons vérifié et ce n’est pas le cas.
La présidente : Sénateur Gold, voulez-vous répondre?
Le sénateur Gold : Si j’ai dit qu’il dépassait la portée du projet de loi, ce n’est pas le bon mot. Je crois comprendre qu’il a été jugé irrecevable faute de recommandation royale. C’est ce qu’on m’a dit. J’aimerais demander des précisions, si vous me le permettez.
La présidente : Demandons des précisions aux fonctionnaires.
Krista Wilcox, directrice générale, Bureau de la condition des personnes handicapées, Emploi et Développement social Canada : Je peux vérifier, mais je ne crois pas que cela ait été proposé au comité, si je mes souvenirs sont bons. Mais nous pouvons vérifier et en informer votre comité.
Le sénateur Gold : Aux fins du compte rendu, on m’a évidemment informé que c’était le cas, mais si j’ai été mal avisé, je présente mes excuses au comité. Je crois qu’il nous incombe de vérifier avant même de voter. Je ne voudrais pas que le vote soit influencé par une information erronée que j’aurai apportée au débat, si elle est effectivement erronée. Mais j’aimerais que le vote soit pleinement informé si cela convient au comité.
La présidente : J’espère que les fonctionnaires vérifient. Mais je vous rappelle que nous ne sommes pas liés par les mêmes règles. Nous avons une portée plus vaste et des règles différentes. Nous sommes maîtres de nos travaux au sein de ce comité dans le cadre du Règlement du Sénat.
La sénatrice Petitclerc : Si cela peut être utile, j’ai les amendements imprimés du Comité des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées de l’autre Chambre. J’ai vérifié et cet amendement précis n’a pas été proposé à ce comité. Certains amendements ont été jugés irrecevables pour les raisons mentionnées par le sénateur Gold, mais pas celui-ci, si cela peut être utile.
La présidente : C’est utile. Je crois que vous avez tous entendu ce qu’a dit la sénatrice Petitclerc au sujet de la transcription des délibérations de la Chambre des communes. Chers collègues, vous plaît-il d’adopter la motion d’amendement?
Des voix : D’accord.
Le sénateur Gold : Pardon?
La présidente : Permettez-moi de répéter. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion d’amendement?
Des voix : Oui.
Le sénateur Gold : Non. J’espérais que nous pourrions obtenir des éclaircissements avant de voter, mais si cela ne change rien à la majorité, je vais demander un vote par appel nominal.
La présidente : Très bien, faisons un vote par appel nominal.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice Omidvar?
La sénatrice Omidvar : Non.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice Bernard?
La sénatrice Bernard : Oui.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice Bovey?
La sénatrice Bovey : Je vais m’abstenir.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice Burey?
La sénatrice Burey : Oui.
Mme Barrette : L’honorable sénateur Cotter?
Le sénateur Cotter : Non.
Mme Barrette : L’honorable sénateur Gold, c.p.?
Le sénateur Gold : Non.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice Dasko?
La sénatrice Dasko : Oui.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice McPhedran?
La sénatrice McPhedran : Oui.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice Moodie?
La sénatrice Moodie : Oui.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice Osler?
La sénatrice Osler : Oui.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice Pate?
La sénatrice Pate : Oui.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice Petitclerc?
La sénatrice Petitclerc : Non.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice Seidman?
La sénatrice Seidman : Non.
Mme Barrette : Pour, 7; contre, 5; abstentions, 1.
La présidente : Par conséquent, la motion est adoptée.
Nous avons d’autres amendements à examiner. Nous allons passer à l’amendement C-22-11-6-12 proposé par la sénatrice McPhedran.
La sénatrice McPhedran : Comme vous l’avez indiqué, madame la présidente, nous sommes à la page 6. Nous examinons le sous-titre « Montant de la prestation », où nous avons déjà l’amendement 1.1 qui porte sur les lignes directrices pour la prise de règlements en vertu de l’alinéa 1c) concernant le montant d’une prestation.
Nous avons déjà un début de lignes directrices, et il s’agit de renforcer l’amendement qui a été mis en place. Ainsi nous proposons que le projet de loi C-22 soit modifié à l’article 11, à la page 6, par adjonction, après la ligne 17, qui correspond à l’amendement 1.1 dont je viens de parler. Il s’agirait de l’amendement 1.2, et je propose une petite modification en ce sens qu’il se lirait comme suit :
Dans les douze mois suivant l’entrée en vigueur de la présente loi, le gouverneur en conseil doit, en vertu des alinéas 11(1)a) à f), h), i), k) et n), prendre les règlements nécessaires pour qu’une prestation canadienne pour les personnes handicapées soit versée conformément à la présente loi.
Comme le libellé l’indique clairement, me semble-t-il, il s’agit d’un délai raisonnable pour que le gouvernement donne suite à la promesse faite dans ce projet de loi, et il s’agit aussi de tenir compte du fait qu’il est tout à fait possible que cela dure des années. C’est un processus très complexe que le gouvernement a proposé, surtout dans le cadre des négociations fédérales‑provinciales-territoriales, et cela renforcerait les assurances que nous avons reçues. Malheureusement, nous avons un gouvernement minoritaire, et nous n’avons aucune garantie que la ministre actuelle, qui est très efficace, demeurera à ce poste. Cela concerne donc l’ensemble du gouvernement et établit davantage de certitude que ce qui a été promis sera effectivement réalisé dans un délai raisonnable.
La sénatrice Seidman : Je pense que les quelques amendements que nous proposons me rassurent parce qu’avec le projet de loi C-81, la Loi canadienne sur l’accessibilité, nous étions exactement dans la même situation. Nous avons reçu un projet de loi. Les représentants des personnes handicapées nous ont dit de ne pas l’amender. Des voix se sont élevées pour dire que nous devions apporter des modifications importantes à ce projet de loi.
En passant, nous avons apporté des amendements. Comme vous vous en souvenez, le projet de loi a été renvoyé à la Chambre, qui a accepté tous nos amendements, et cela s’est fait assez rapidement. Mais l’un des principaux amendements que nous avons apportés à ce projet de loi visait à établir un échéancier pour l’entrée en vigueur du règlement et du projet de loi.
Je remarque que vous êtes passés de 10 à 12 mois. J’ai remarqué que la ministre nous a également assurés dans sa lettre que cela sera fait, mais le fait que cela figure dans le projet de loi me rassure, alors j’appuierai cet amendement.
Le sénateur Cotter : Je comprends qu’on veuille que ce soit terminé dans les 12 mois. J’aimerais faire une observation, puis poser une question à la sénatrice McPhedran, si vous me le permettez.
Il me semble tout à fait possible — pour être honnête, je pensais d’abord à une échéance de 10 mois, mais admettons que ce soit 12 mois — que les représentants des personnes handicapées disent à la ministre : « Nous n’avons pas ce droit. Nous voulons parler davantage avec les personnes que nous représentons et, par conséquent, nous pensons que nous avons besoin de plus de temps. » Imaginons qu’ils disent cela. Il me semble peu constructif que la ministre doive dire : « Désolée, je suis soumise à une échéance de 12 mois et nous devons nous en tenir là. » Il me semble que cela réduit la latitude d’action des représentants des personnes handicapées de façon problématique.
Ma question est la suivante : qu’arrive-t-il si la ministre ne respecte pas le délai de 12 mois prévu dans la loi? Comment cela est-il applicable?
La sénatrice McPhedran : Je pense que bon nombre d’entre nous qui ont participé à la rédaction d’un projet de loi — c’est mon cas — savent qu’à l’étape de la mise en œuvre, lorsque des dispositions comme celle-ci sont en vigueur, la mise en application n’est pas leur but premier. Il y a des moments où ces délais ne sont pas respectés. D’après mon expérience, on explique habituellement cela au Parlement. Cela a été une pratique acceptable. Cela pourrait se passer de cette façon, et je pense que c’est à la fois une pratique établie et acceptable.
La sénatrice Pate : Des groupes de personnes handicapées, y compris certains de ceux qui nous ont exhortés à adopter ceci, m’ont dit qu’ils veulent que les choses se fassent le plus rapidement possible. Le fait que cela pourrait prendre deux ans les inquiète. Je ne fais plus partie des représentants des personnes handicapées, mais lorsque j’en faisais partie et qu’on nous donnait l’occasion de participer à des consultations, nous pouvions réunir les gens très rapidement parce que c’était dans l’intérêt commun. D’après les discussions que j’ai eues avec les groupes de défense des personnes handicapées, c’est également ce qui se passerait ici. Je suppose que si nous leur accordions six mois, ils seraient contents, mais c’est une supposition.
La présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion d’amendement?
Le sénateur Gold : Non.
La présidente : Je crois qu’il faut procéder par appel nominal.
Le sénateur Gold : Je demande que nous procédions à un vote par appel nominal, s’il vous plaît.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice Omidvar?
La sénatrice Omidvar : Non.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice Bernard?
La sénatrice Bernard : Oui.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice Bovey?
La sénatrice Bovey : Oui.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice Burey?
La sénatrice Burey : Oui.
Mme Barrette : L’honorable sénateur Cotter?
Le sénateur Cotter : Non.
Mme Barrette : L’honorable sénateur Gold, c.p.?
Le sénateur Gold : Non.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice Dasko?
La sénatrice Dasko : Oui.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice McPhedran?
La sénatrice McPhedran : Oui.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice Moodie?
La sénatrice Moodie : Oui.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice Osler?
La sénatrice Osler : Oui.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice Pate?
La sénatrice Pate : Oui.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice Petitclerc?
La sénatrice Petitclerc : Oui.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice Seidman?
La sénatrice Seidman : Oui.
Mme Barrette : Pour, 10; contre, 3; abstentions, 0.
La présidente : Par conséquent, la motion est adoptée.
Nous passons maintenant à l’amendement suivant. Il s’agit de l’amendement de la sénatrice McPhedran C-22-11-6-15.
La sénatrice McPhedran : Madame la présidente, j’ai retiré mon amendement parce qu’il est identique à celui de la sénatrice Lankin, et je crois que la sénatrice Dasko est prête à parler de l’amendement de la sénatrice Lankin.
La présidente : Merci. Sénatrice Dasko, présentez-nous l’amendement C-22-11-6-15a.
La sénatrice Dasko : Oui, il s’agit de l’article 11, page 6, par adjonction après la ligne 20, de la partie 3. Le libellé est le suivant :
Que le projet de loi C-22 soit modifié à l’article 11, à la page 6, par adjonction, après la ligne 20, de ce qui suit :
« (3) Lorsqu’un règlement est pris en vertu des alinéas (1)a), b) ou c), le ministre le fait déposer devant chaque chambre du Parlement dans les trois premiers jours de séance de celle-ci suivant sa prise et y joint un rapport faisant état de la manière dont le règlement répondra aux besoins des personnes handicapées vivant dans la pauvreté. ».
Chers collègues, cet amendement vise à informer les parlementaires que le gouvernement apporte un changement à ces articles de la loi. Il s’agit en fait de mettre en lumière le changement afin que les parlementaires puissent être informés relativement facilement, par opposition à d’autres méthodes d’information comme la Gazette du Canada.
Ce changement a été proposé par certains témoins qui ont comparu devant nous. C’est une suggestion d’Accessibility for Ontarians with Disabilities Alliance. Cette proposition vise à ce que les parlementaires aient un moyen supplémentaire d’être informés des modifications apportées aux règlements et de les comprendre.
Cela pourrait se produire avec un nouveau gouvernement ou avec le gouvernement actuel. Quoi qu’il en soit, les gouvernements voudront peut-être modifier ces règlements et cet amendement permettra d’informer les parlementaires que le changement est fait et il demandera un rapport décrivant de quelle manière le règlement répondra aux besoins des personnes handicapées qui vivent dans la pauvreté.
La sénatrice Seidman : Je dois dire que je suis de ceux qui ont toujours insisté pour que les examens parlementaires durent deux ans, trois ans, cinq ans, peu importe, afin de maintenir une certaine forme de reddition de comptes dans les mesures législatives. Cependant, ce que j’ai découvert à mon grand regret, c’est que sur les 51 examens parlementaires qui ont été demandés depuis 2009, seulement 17 ont fait l’objet de rapports. En fait, il n’y avait aucun moyen d’imposer cela. Il n’y a aucun moyen de rendre cela obligatoire.
Si vous regardez bien, les ministres déposent généralement des rapports, mais les règlements doivent également être publiés dans la Gazette du Canada. Tous les groupes de personnes handicapées au pays attendront la publication des règlements dans la Gazette du Canada. Les parlementaires reçoivent la Gazette du Canada. Je ne comprends donc pas vraiment pourquoi il faudrait amender le projet de loi pour demander une chose qui se produira de toute façon.
Je dois dire que j’ai un peu de mal avec les trois dernières phrases quand vous dites « [...] un rapport décrivant de quelle manière le règlement répondra aux besoins des personnes handicapées qui vivent dans la pauvreté. » Je ne sais pas quoi penser de ce genre de demande. Cela me semble tellement général. Je ne pourrai pas appuyer cet amendement, même si j’ai toujours voulu que nos lois fassent l’objet d’une reddition de comptes.
La présidente : Sénatrice Dasko, j’ai une question pour vous ou pour les fonctionnaires. Y a-t-il un précédent à ce genre d’amendement dans la loi?
La sénatrice Dasko : C’est une excellente question et je n’ai pas la réponse. Désolée, madame la présidente.
La présidente : Les fonctionnaires pourraient-ils nous aider?
Mme Wilcox : Je ne suis pas avocate, mais il y a des lois qui exigent le dépôt de règlements au Parlement. Je n’en connais pas qui n’ont pas d’effet, mais nous pouvons tout à fait examiner la question et en faire part au comité.
La Loi sur l’assurance-emploi, par exemple, prévoit le dépôt obligatoire des règlements à la Chambre, mais pas tout à fait de la même façon que l’amendement qui a été présenté.
La présidente : Ce n’est pas sans précédent?
Mme Wilcox : Ce n’est pas sans précédent, non.
La sénatrice Pate : J’allais ajouter la même chose. La sénatrice Seidman a raison, et c’est l’une des raisons pour lesquelles cet amendement est nécessaire, lorsqu’une information paraît dans la Gazette du Canada, souvent, on ne le remarque pas. L’amendement exigerait le dépôt au Parlement et cela permettrait d’informer tout le monde. C’est l’un des principaux avantages, si j’ai bien compris.
Le sénateur Gold : Le gouvernement n’est pas en mesure d’appuyer ce mécanisme. Le projet de loi prévoit un mécanisme de production de rapports qui oblige le ministre à fournir des mises à jour sur le processus de consultation réglementaire dans les six mois suivant l’entrée en vigueur, ainsi qu’un autre rapport dans l’année suivant l’entrée en vigueur, et il y a des dispositions de révision. C’est une chose d’exiger, et à juste titre, que les règlements soient déposés, mais c’en est une autre que d’exiger que chaque règlement soit accompagné d’un rapport. Je me trompe peut-être. Je crois que j’ai eu tort tout à l’heure, et j’essaie d’obtenir confirmation de la raison pour laquelle j’ai eu tort, afin que cela figure au moins au compte rendu pour ma propre gouverne et pour la vôtre. Mais à cet égard, je pense que ce n’est pas nécessaire et, à ma connaissance, exiger que chaque règlement soit accompagné d’un rapport expliquant ses répercussions possibles avant même qu’on ait eu le temps de l’appliquer et de le mettre en vigueur est lourd et inutile. Le gouvernement ne peut pas appuyer cet amendement.
La sénatrice Dasko : J’aimerais clarifier les points soulevés par la sénatrice Seidman. Oui, c’est vrai que c’est publié dans la Gazette du Canada, et comme l’a dit la sénatrice Pate, cet amendement vise à mieux sensibiliser dans un contexte différent, celui du Parlement. Il arrive souvent que les parlementaires ne voient pas ou ne remarquent pas une publication dans la Gazette du Canada.
En ce qui concerne le rapport, de façon générale, l’amendement mettra l’accent sur les conséquences du changement réglementaire. C’est le rôle principal de cet amendement, mais, bien sûr, il est écrit : « décrivant de quelle manière le règlement répondra aux besoins des personnes handicapées qui vivent dans la pauvreté. »
Donc, ce qui compte, ce sont les conséquences sur les personnes handicapées qui vivent dans la pauvreté. L’objectif du projet de loi est de relever le niveau de soutien pour les personnes handicapées au-delà du seuil de la pauvreté, afin de les sortir de la pauvreté. Ce sera le rôle du rapport. Il mettra l’accent sur les conséquences du changement à cet égard.
Le sénateur Cotter : Brièvement, c’est un sujet qui intéresse beaucoup les personnes handicapées, et il est fort probable qu’elles liront la Gazette du Canada avant nous, ou avant les parlementaires. Cela me porte à croire que l’information publique et le mécanisme par lequel les parlementaires peuvent découvrir immédiatement quels règlements ont été modifiés seront déjà facilement accessibles. Le rapport qui est demandé se limite aux conséquences sur les besoins des personnes handicapées, mais cela obligerait le ministre à faire rapport chaque fois qu’un règlement est modifié.
En théorie, on pourrait dire que c’est une très bonne façon pour le gouvernement de fonctionner, mais peut-être que cela devrait s’appliquer à tous les règlements qui sont adoptés, pour que le ministre en fasse rapport. Si vous regardez combien de règlements sont adoptés chaque année par le gouvernement, il ne pourrait rien se faire d’autre que la rédaction de rapports. Je comprends l’esprit de cet amendement, mais je pense qu’il est inutile compte tenu des autres mécanismes de reddition de comptes prévus dans le projet de loi.
La présidente : Nous avons ouvert une toute nouvelle discussion, sénateur Cotter.
La sénatrice Pate : Sauf votre respect, il ne s’agit que de trois éléments, pas de tous les règlements. L’amendement ne concerne pas tous les règlements. Il s’agit de ces trois domaines qui sont définis.
La sénatrice Dasko : C’est exactement ce que j’allais dire. Nous sommes sur la même longueur d’onde. Cela concerne seulement trois parties, les alinéas 1a), b) et c). Ce dont il est question ici s’applique uniquement si les règlements changent dans ces domaines très précis.
La présidente : Je vous remercie tous les deux de cette précision.
Chers collègues, vous plaît-il d’adopter la motion d’amendement?
Une voix : Votons par appel nominal, s’il vous plaît.
La présidente : Nous allons procéder à un vote par appel nominal.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice Omidvar?
La sénatrice Omidvar : Non.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice Bernard?
La sénatrice Bernard : Oui.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice Bovey?
La sénatrice Bovey : Non.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice Burey?
La sénatrice Burey : Non.
Mme Barrette : L’honorable sénateur Cotter?
Le sénateur Cotter : Non.
Mme Barrette : L’honorable sénateur Gold, c.p.?
Le sénateur Gold : Non.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice Dasko?
La sénatrice Dasko : Oui.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice McPhedran?
La sénatrice McPhedran : Oui.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice Moodie?
La sénatrice Moodie : Je m’abstiens.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice Osler?
La sénatrice Osler : Non.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice Pate?
La sénatrice Pate : Oui.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice Petitclerc?
La sénatrice Petitclerc : Non.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice Seidman?
La sénatrice Seidman : Non.
Mme Barrette : Pour, 4; contre, 8; abstentions, 1.
La présidente : Par conséquent, la motion est rejetée.
Nous revenons à l’amendement. Oh, sommes-nous prêts? Je pensais que nous en avions encore un.
Sénatrice McPhedran, j’ai un autre amendement dans mes documents, l’amendement C-22-11-6-15a, qui est sensiblement...
La sénatrice McPhedran : Sauf votre respect, madame la présidente, c’est très différent. Je vais présenter ceci comme un... Après le rejet du paragraphe (3) proposé, cela devient le nouveau paragraphe (3) proposé, mais avec un libellé complètement différent et une intention différente. Permettez-moi d’en parler.
La présidente : Bien sûr.
La sénatrice McPhedran : Il y a donc une grande différence entre cet amendement proposé et celui qui vient d’être rejeté. J’aimerais parler de ce qui diffère. Il s’agit d’un signal d’alarme qui pourrait être envoyé à ce moment-là — je le répète, nous sommes dans un gouvernement minoritaire. Nous avons une ministre très dévouée et très compétente. La législation ne doit pas reposer sur la situation présente. Les lois doivent prendre en compte diverses configurations de gouvernement que nous n’avons aucun moyen de prévoir et aucun moyen de contrôler. Ce projet de loi vise essentiellement à sortir les personnes handicapées de la pauvreté. Par conséquent, toute réduction des montants ou tout obstacle de facto qui empêcherait d’atteindre cet objectif doit être signalé — cela doit s’accompagner d’une alerte. Ce ne sera probablement pas le cas sous le gouvernement actuel, mais on ne sait jamais ce que l’avenir nous réserve. En revanche nous savons que les personnes handicapées, même lorsqu’elles sortiront de la pauvreté, continueront de faire partie des Canadiens qui ont les revenus les plus faibles et qui font face aux plus grands obstacles. Nous savons que ce sera toujours le cas.
Le risque est énorme pour ces personnes. La nature de cet amendement particulier consiste — au-delà de la publication dans la Gazette du Canada — à aller au-devant de la capacité d’un gouvernement, au moyen de règlements, de miner ou de saper la portée de la loi. Nous savons — et cela a déjà été établi dans de nombreux exposés présentés au comité — que la prestation pour les personnes handicapées pourrait être égale à zéro, que la loi a été construite d’une façon très ouverte et que l’on s’en remet aux règlements.
Ce nouvel amendement (3) permettrait de s’assurer que lorsqu’il y a une décision de réduire les montants ou de créer des obstacles, ce soit signalé. N’oublions pas que c’est très limité. Il ne s’agit pas de tous les règlements. C’est très précis :
Que le projet de loi C-22 soit modifié à l’article 11, à la page 6, par adjonction, après la ligne 20, de ce qui suit :
« (3) Dès lors que le montant de la prestation et les critères d’admissibilité à celle-ci ont été fixés par règlement, tout règlement proposé par le gouverneur en conseil ayant pour effet de réduire le montant de la prestation ou d’y restreindre l’admissibilité doit être déposé par le ministre devant chaque chambre du Parlement, et son entrée en vigueur est assujettie à l’approbation par vote des deux chambres. ».
Il s’agit de donner suite à la promesse que le projet de loi a faite aux personnes handicapées du pays, à savoir qu’une fois que la prestation canadienne pour les personnes handicapées sera activée, la promesse sera tenue. S’il y a une réduction des montants ou des façons de créer des obstacles pour ceux qui sont déjà admissibles, ce changement lourd de conséquences fera l’objet d’un avis officiel destiné aux représentants élus et aux sénateurs.
Le sénateur Cotter : Je comprends ce sentiment et je l’appuie. Ce serait sans précédent dans les lois fédérales et sans doute provinciales parce que, pour l’essentiel, cela sape le mécanisme de réglementation et renvoie une série de questions au Parlement.
J’appuie le sentiment exprimé par la sénatrice McPhedran, mais il me semble qu’il s’agit d’un mécanisme législatif peu judicieux.
On peut aussi imaginer des circonstances dans lesquelles des personnes qui ont eu le droit à la prestation par erreur en ont été exclues et cela deviendrait alors une question parlementaire, même si toute la structure du projet de loi est pensée pour que cela relève des règlements, mais aussi que cela soit transparent. Je n’appuierai pas cet amendement.
La présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion d’amendement?
Des voix : Oui.
Des voix : Non.
La présidente : Je crois que les non l’emportent.
La sénatrice McPhedran : Pourrions-nous avoir un vote par appel nominal, s’il vous plaît?
La présidente : Bien sûr.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice Omidvar?
La sénatrice Omidvar : Non.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice Bernard?
La sénatrice Bernard : Je m’abstiens.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice Bovey?
La sénatrice Bovey : Non.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice Burey?
La sénatrice Burey : Non.
Mme Barrette : L’honorable sénateur Cotter?
Le sénateur Cotter : Non.
Mme Barrette : L’honorable sénateur Gold?
Le sénateur Gold : Non.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice Dasko?
La sénatrice Dasko : Je m’abstiens.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice McPhedran?
La sénatrice McPhedran : Oui.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice Moodie?
La sénatrice Moodie : Je m’abstiens.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice Osler?
La sénatrice Osler : Non.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice Pate?
La sénatrice Pate : Oui.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice Petitclerc?
La sénatrice Petitclerc : Non.
Mme Barrette : L’honorable sénatrice Seidman?
La sénatrice Seidman : Non.
Mme Barrette : Pour, 2; contre, 8; abstentions, 3.
La présidente : Par conséquent, la motion est rejetée.
Chers collègues, l’article 11 modifié est-il adopté?
Le sénateur Gold : Si vous me le permettez, madame la présidente, j’ai enfin obtenu une précision et, encore une fois, je tiens à m’excuser auprès du comité d’avoir dit par inadvertance quelque chose qui, d’après ce que je comprends maintenant, était inexact. L’amendement qui a fait l’objet de discussions était un amalgame de différents amendements au comité.
Ce qui a été jugé irrecevable parce qu’il n’y avait pas de recommandation royale, c’est l’expression disant que les gens doivent être hissés au-dessus du seuil de la pauvreté. L’amendement qui a été adopté visait à examiner cette proposition.
Encore une fois, j’avais été mal avisé et je présente mes excuses au comité.
La présidente : Merci beaucoup, sénateur Gold, pour cette précision.
L’article 12 est-il adopté?
Des voix : Oui.
La présidente : L’article 13 est-il adopté?
Des voix : Oui.
La présidente : L’article 14 est-il adopté?
La sénatrice Petitclerc : J’ai quelques questions avant de passer à l’article 14, où nous en sommes maintenant.
J’aimerais que les fonctionnaires m’éclairent. Je vais vous poser quelques questions. Je vais le faire en français parce que mes notes sont en français. Cela découle d’une conversation avec la sénatrice Lankin, mais je l’appuie. J’ai également besoin de cette précision.
[Français]
J’ai quelques questions pour faire suite à ce qu’on a entendu au comité et à la lecture du projet de loi.
Dans la version initiale du projet de loi, donc avant l’amendement qui a été adopté au Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées des Communes, il était prévu que la loi entrerait en vigueur à une date fixée par décret. Donc, vous vous rappellerez que cet amendement a été présenté, et l’article a été modifié. Ce que nous examinons actuellement, c’est le projet de loi qui entrera en vigueur, et je cite « au plus tard au premier anniversaire de sa sanction », donc, comme on dit en anglais, « no later than ».
Ce qu’on nous dit et ce qu’on peut lire, c’est que ce n’est pas une formulation qu’on voit couramment en ce qui a trait à l’entrée en vigueur des lois. Lorsqu’on regarde l’article 5 de la Loi d’interprétation, on fait clairement référence à une date ou à un décret. Cependant, dans ce cas-ci, on se retrouve avec un délai, « au plus tard au premier anniversaire ». J’ai simplement besoin de comprendre pour m’assurer qu’il n’y a pas d’irrégularité et que tout est conforme.
Donc, croyez-vous que la formulation « au plus tard au premier anniversaire » fait référence à une date, et est-ce conforme à la Loi d’interprétation?
Y a-t-il des exemples? On a essayé de trouver des exemples de lois dont la formulation contient une date d’entrée en vigueur, ou de lois dont l’entrée en vigueur est « au plus tard »...
[Traduction]
Mme Wilcox : Je vous remercie de la question. Je vais aborder quelques points. Je dois dire que je ne suis pas avocate et que je ne vais donc pas me prononcer sur le respect de la Loi d’interprétation. Je ne suis pas en mesure de le faire.
Parlons d’abord de l’article 5, qui porte sur les règlements. C’est à peu près à ce moment-là que le gouvernement prend les règlements. Ces dispositions entreraient en vigueur au moment où elles sont prises, ce qui est différent de la loi elle-même. Ce pourrait être en même temps. C’est prévu dans différentes lois.
Mais cet article précis, l’article 14, où votre question porte sur la formule « au plus tard au »...
[Français]
La sénatrice Petitclerc : C’est peut-être la traduction, lorsque je faisais référence à l’article 5 de la Loi d’interprétation.
[Traduction]
Mme Wilcox : Désolée. Cela coïncide. La date est également différente.
En fait, il n’y a aucun moyen de mettre en œuvre l’expression « au plus tard au », de sorte que le gouverneur en conseil n’a pas le pouvoir de faire entrer la loi en vigueur avant le premier anniversaire. Je ne peux pas parler de conformité, mais il y a lieu de se demander comment on pourrait faire entrer la loi en vigueur plus tôt, car elle ne donne pas au gouverneur en conseil le pouvoir de le faire.
La présidente : Merci, chers collègues. Notre temps est écoulé. Nous reprendrons le débat et la discussion sur le projet de loi C-22 la semaine prochaine.
(La séance est levée.)