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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 19 mai 2022.

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd’hui, à 15 heures (HE), avec vidéoconférence, pour étudier la teneur des éléments des sections 23, 24, 26, 27, 29 et 32 de la partie 5 du projet de loi C-19, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 7 avril 2022 et mettant en œuvre d’autres mesures.

La sénatrice Ratna Omidvar (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Honorables sénateurs et sénatrices, je m’appelle Ratna Omidvar; je suis sénatrice de l’Ontario et présidente du comité.

Aujourd’hui, notre comité entreprend son examen de la teneur de certaines dispositions du projet de loi C-19, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 7 avril 2022 et mettant en œuvre d’autres mesures.

Aujourd’hui, nous examinons la section 23, qui modifie la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés pour, notamment, autoriser le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté à créer de nouvelles catégories d’Entrée express avec des objectifs économiques précis; exiger que le rapport annuel au Parlement contienne davantage d’informations; et prévoir que la Loi sur les frais de service ne s’applique pas à certains frais.

Nous accueillons notre premier témoin, Me Richard Kurland, avocat et analyste des politiques de l’Association canadienne des avocats en immigration. Malheureusement, Me Chantal Desloges, avocate en immigration de Desloges Law Group, qui devait comparaître aujourd’hui, n’est plus disponible.

Maître Kurland, vous avez donc toute notre attention pendant la prochaine heure. Je vais vous demander de bien vouloir nous présenter maintenant votre déclaration préliminaire. Vous avez cinq minutes. Peut-être que nous pourrons vous donner un peu plus de temps, puisque vous êtes notre seul témoin, avant de passer aux questions des sénateurs.

Richard Kurland, avocat et analyste des politiques, Association canadienne des avocats en immigration : Honorables sénateurs et sénatrices, je vous remercie de m’accorder le privilège de témoigner aujourd’hui.

Nous sommes ici aujourd’hui pour examiner deux questions complexes. Premièrement, les instructions du ministre; et deuxièmement, la Loi sur les frais de service. Pour simplifier, les instructions ministérielles, ce sont comme des poupées russes, et, avec la Loi sur les frais de service, on cherche à exempter les autorités de l’immigration du Canada de la surveillance de la conformité et de l’exigence d’établir des normes de rendement pour le traitement des demandes.

Premièrement, les instructions ministérielles constituent d’excellents mécanismes d’intervention qui permettent à Immigration Canada de parfaire le système Entrée express et peut-être de modifier d’autres groupes dans le cadre du processus de sélection des immigrants. Ces mécanismes sont nécessaires. Lorsqu’on parle de poupées russes, c’est pour décrire leur nature. Ce ne sont pas des jouets. Ce sont des produits où chaque élément est ajusté à l’élément suivant, chacun de plus en plus petit. L’idée est donc de pouvoir établir un groupe, un sous-groupe et un sous-sous-groupe, ce qui a énormément de valeur. L’inconvénient, c’est qu’on perd ainsi, dans une certaine mesure, le processus d’examen parlementaire habituel préalable à la modification du système canadien de sélection des immigrants, mais dans l’ensemble, c’est un bon échange.

Parfois, pour optimiser les avantages de retenir le meilleur capital humain en sol canadien, nous devons, presque avec un microscope, déterminer qui seront les candidats qui serviront le mieux les intérêts du Canada à long terme. Cela ne pose aucun problème. Il y a cependant une mise en garde que ma collègue, Chantal Desloges, aurait formulé si un malaise ne l’avait pas malheureusement empêchée de témoigner ce matin devant le comité : elle aurait recommandé que ces dispositions n’interfèrent pas avec le pouvoir discrétionnaire du ministre, prévu à l’article 25, de prendre des mesures spéciales pour motifs d’ordre humanitaire. Son slogan est « Gardez l’article 25 en vie ». Dans l’ensemble, on considère que les instructions du ministre sont un pas de géant vers l’avant; elles vont aider le travail du ministère de l’Immigration et favoriser les intérêts à long terme du Canada, et c’est donc quelque chose qu’il faut soutenir.

Cependant, les choses sont tout autres pour ce qui est de la Loi sur les frais de service. Je vais devoir vous demander d’être indulgents, parce que cela peut prendre deux ou trois minutes. La Loi sur les frais de service a été créée dans un seul but : que le Parlement puisse surveiller les ministères. Donc, un ministère qui offre un service payant, par exemple une demande de visa, est tenu par la loi de divulguer ses normes de rendement. En d’autres mots, le ministère doit répondre à la question : combien de temps cela va-t-il prendre? La loi exige aussi que ce ministère rende des comptes, à chaque exercice, sur ses revenus et ses dépenses. Combien est-ce que ça coûte, combien d’argent reçoit-il pour chaque demande de visa ainsi que pour les autres services offerts par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, IRCC? Pour faire court, au lieu de renforcer la surveillance parlementaire relativement aux normes de rendement et aux rapports financiers, la modification proposée réduit la surveillance parlementaire à l’égard du ministère de l’Immigration. C’est quelque chose que nous ne devons pas appuyer, pour faire court.

Durant la période de questions, je pourrai illustrer comment la matrice des instructions ministérielles peut être mise à jour et comment nous pouvons cibler certains des problèmes les plus urgents du Canada en matière d’immigration, et je pourrai vous fournir un exemple fondé sur des documents internes obtenus du ministère de l’Immigration en vertu de la Loi sur l’accès à l’information, touchant la conformité avec la Loi sur la gestion des finances publiques.

La présidente : Merci beaucoup, maître Kurland, de vos commentaires. Nous allons maintenant passer aux questions des sénateurs et sénatrices.

La sénatrice Bovey : Merci, monsieur, de vos commentaires. On dirait bien que vous nous avez montré deux directions : l’une positive, et l’autre plus problématique.

En ce qui concerne l’Entrée express, nous avons tous et toutes entendu beaucoup de choses ces dernières années au sujet du Programme des candidats des provinces. Voici ce que je veux savoir : quelles seront les conséquences de ces modifications sur les provinces et les territoires qui utilisent l’Entrée express pour leur programme des candidats des provinces, et surtout sur le Manitoba?

Me Kurland : Oui, le Manitoba est la première province au Canada qui a nommé des candidats des provinces dans le cadre de ce système, dans les années 1970.

Pour reprendre l’image d’un outil dans une boîte à outils, je dirais que c’est comme une épée à double tranchant : cela peut être un avantage pour vous, mais cela peut aussi jouer contre vous. En ce qui concerne le Programme des candidats des provinces, il serait possible, avec ces nouveaux instruments, de gérer de façon microscopique le processus du Programme de candidats des provinces, le PCP. Il serait possible pour les autorités fédérales de l’immigration d’examiner le bassin de candidats du PCP établi par la province et de prioriser un traitement fédéral pour un sous-ensemble. Cela peut jouer pour le candidat, mais aussi contre lui.

À l’étape où nous en sommes, je crois qu’il est plus important qu’Ottawa ait cet outil, parce que cela pourrait faciliter la migration dans le cadre du PCP, par l’entremise de la matrice opérationnelle du système Entrée express, pour faire venir — plus rapidement et en plus grand nombre — les personnes dont la province a besoin, selon ses intérêts provinciaux. C’est quelque chose qu’on devrait peut-être vouloir soutenir.

La sénatrice Bovey : Au sujet des frais de service, si j’ai bien lu, la Loi sur les frais de service est réputée être entrée en vigueur en juin 2017, avec la loi originale. Selon vous, pourquoi les exemptions proposées sont-elles rétroactives?

Me Kurland : C’est une question que je comptais poser moi-même. Je n’ai vu aucune analyse de rentabilité sur le sujet. Les demandes déposées en 2017 à ce titre sont déjà passées. Je soupçonne que cela a plus à voir avec les finances, la capacité, en vertu de la loi, de ne pas déclarer combien coûte une demande de visa ni quels revenus sont générés grâce à ces demandes de visa.

En ce qui a trait au litige, le ministère de l’Immigration est toujours devant la Cour fédérale relativement à un profit déclaré qu’un quart de milliards de dollars pour les visas de résident temporaire. C’est ce que le ministère a déclaré, c’est ce qui figure au compte rendu. C’est très important pour le ministère d’Immigration de faire tout en son pouvoir pour couvrir sa responsabilité éventuelle en remontant jusqu’en 2017.

La sénatrice Bovey : Cela me semble long.

Madame la présidente, j’aimerais céder les quelques secondes qu’il me reste aux autres, pour que nous puissions creuser davantage.

La présidente : Absolument. Nous avons assez de temps pour creuser davantage.

La sénatrice Poirier : Merci, maître Kurland, d’être avec nous cet après-midi.

Après avoir lu le chapitre 4.2 du budget 2022 et la section 23, je me dis que le gouvernement veut clairement orienter notre système d’immigration à fins économiques. À votre avis, le gouvernement priorise-t-il les besoins du marché du travail au détriment des besoins sociaux et démocratiques, par exemple les besoins des communautés francophones à l’extérieur du Québec?

Me Kurland : La bonne nouvelle, c’est que je consulte depuis de nombreuses années les documents internes du ministère de l’Immigration concernant la Francophonie, surtout pour examiner la situation de l’immigration francophone à l’extérieur du Québec. La tendance des deux ou trois dernières années est qu’il y a une intention évidente et positive de faciliter l’immigration francophone. On a donné aux provinces des cibles précises à atteindre, et elles sont maintenant en voie d’atteindre au moins 4,4 % du volume. Ce n’est pas seulement pour bien paraître. Il y a un effort interne et soutenu au fil du temps. Donc, le Canada fait vraiment — ou du moins, Ottawa fait vraiment — de son mieux, dans ses intentions et dans ses résultats, pour soutenir et même augmenter le volume d’immigrants francophones dans les provinces autres que le Québec.

La sénatrice Poirier : Croyez-vous que cela a une incidence sur notre capacité d’accueillir plus de réfugiés?

Me Kurland : À dire vrai, le mouvement des réfugiés a chuté à cause de la COVID, c’est une baisse de plus de 60 % par année. Il devrait y avoir un redressement en 2023.

Il y a un lien intéressant entre la capacité linguistique dans le pays d’origine et le statut de réfugié, en particulier lorsque le statut de réfugié n’est pas accordé. Vous tombez dans le volet des motifs d’ordre humanitaire ou dans un autre volet d’immigration.

Plus clairement, si le pays d’origine du réfugié est majoritairement francophone et que la personne, une fois qu’elle est ici au Canada, ne correspond pas à la définition de réfugié, elle aura peut-être un avantage sur place parce qu’elle est francophone. Les provinces ont un quota à atteindre. S’il ne se trouve pas au Nouveau-Brunswick, au Manitoba ou en Ontario, le demandeur d’asile débouté a tout avantage à chercher à faire partie de cet autre groupe provincial. Dans l’ensemble, le statut de réfugié est seulement un indicateur d’admissibilité, si la demande d’asile est refusée, par rapport à notre préférence habituelle pour des immigrants francophones à l’extérieur de la province du Québec.

La sénatrice Poirier : Merci.

Le sénateur Patterson : Maître Kurland, je suis très heureux de vous revoir. Je voulais vous dire que vous avez un talent extraordinaire pour rendre intéressants des sujets plutôt arides. Je suis sûr que nous vous en sommes tous reconnaissants.

J’aimerais vous poser une question à propos de la section 23 et des modifications relatives à l’établissement d’un groupe, d’un sous-groupe et d’un sous-sous-groupe; ces poupées russes, pour reprendre votre analogie qui a certainement su retenir notre attention. Pourriez-vous, s’il vous plaît, nous donner un exemple de la façon dont ces groupes fonctionneraient? Pouvez-vous nous donner un exemple concret pour que nous puissions mieux comprendre la modification proposée?

Me Kurland : Il s’agit d’une solution potentielle pour d’autres groupes, par exemple un parent et un grand-parent, dans la catégorie du regroupement familial. Je crois que c’est probablement l’exemple le plus simple, et cela s’applique aussi aux bassins de candidats dans le système Entrée express.

Disons que, pour de bonnes raisons, nous ne vidons pas l’arriéré des déclarations d’intérêt des parents ou grands-parents. Plus de 100 000 personnes ont présenté une demande il y a un an ou deux afin d’être invitées à parrainer leurs parents. Elles ont seulement déposé une déclaration d’intérêt. Puis, une liste aléatoire des gagnants est générée. Si vous ne figuriez pas sur la liste, dans le passé, on vidait l’arriéré et vous deviez tenter votre chance encore une fois depuis le début. Peut-être qu’une meilleure façon de procéder serait de mettre en place un filet pour retenir tout l’arriéré des déclarations d’intérêt des parents ou grands-parents, puis, chaque année, de sélectionner au hasard autant de gens que nécessaire pour atteindre l’objectif annuel des parents et grands-parents.

En quoi cela est-il différent? Ce n’est pas différent pour Ottawa, parce qu’on cible le même nombre de personnes pour leur donner l’occasion d’obtenir la résidence permanente. Mais pour les personnes dans l’arriéré, cela fait toute la différence au monde, parce que la question ne devrait pas être si oui ou non vous pouvez parrainer quelqu’un, mais être plutôt quand vous le pourrez. Une fois que l’arriéré est vide, vous rouvrez les vannes, récoltez toutes les nouvelles demandes, puis vous les refermez jusqu’à ce que toutes les demandes soient traitées. C’est équitable, et ça ne coûte rien au Canada. Cela est bon pour les familles, parce qu’elles savent que leur demande va finir par être traitée.

Pour illustrer ce que je veux dire, dans le bassin des candidats parents ou grands-parents, vous pouvez attribuer des points, comme dans le système Entrée express, ou créer des groupes ou des sous-groupes. Vous pouvez créer, par exemple, plus de points ou un sous-groupe de tous ceux qui ont présenté une demande, mais qui ont échoué à la loterie pendant plus de cinq ans; ou alors de tous ceux qui, s’ils étaient autorisés à immigrer au Canada, prendraient soin d’un jeune enfant d’une famille canadienne, dont le parent pourrait entrer sur le marché du travail et payer de l’impôt. Cela vaut plus de points. Finalement, il y aurait des points ou un sous-groupe pour les gens qui sont déjà ici depuis plus d’un an avec un super visa. Voilà des nuances qui, si elles étaient mises en œuvre, établiraient pour les répondants potentiels une échelle allant du score le plus faible au score le plus élevé, et l’approche du « premier arrivé, premier servi » dépendrait du total des points, et les points comptés dépendraient de nos besoins et des avantages pour le Canada.

C’est pour cela que les instructions ministérielles, pour l’établissement de groupes, de sous-groupes et de tout le reste, sont d’une valeur inestimable, compte tenu tout particulièrement du fait que l’arriéré de demandes s’est vraiment alourdi. C’est donc un exemple de ce que les restrictions ministérielles permettraient de faire.

Le sénateur Patterson : Merci beaucoup de nous avoir donné un exemple très clair. Cela m’a beaucoup aidé.

Vous avez dit que l’inconvénient, avec les instructions ministérielles, même si vous êtes très en faveur, c’est qu’elles contournent la surveillance parlementaire. Y aurait-il une façon de conserver ces modifications progressives tout en conservant la surveillance parlementaire? Est-ce que ce serait difficile d’ajouter cela aux dispositions?

Me Kurland : Monsieur le sénateur, je sais que les parlementaires ont peu de temps et que ces instructions ministérielles, et il y en aura beaucoup, contiendront des détails très pointus; j’avais prévu la question de l’honorable sénateur, et j’y ai réfléchi longuement pendant quelques semaines. Il y a une solution potentielle : créez un chien de garde pour surveiller le ministère de l’Immigration. Nous en avons pour d’autres ministères. Ce chien de garde pourrait avoir accès à toutes les données du ministère de l’Immigration, y compris les données sous-jacentes aux instructions ministérielles. Son mandat devrait comprendre une fonction de surveillance et de reddition de comptes. Ce n’est pas aux parlementaires d’examiner minutieusement, une à une, les instructions ministérielles, mais il faut qu’il y ait une forme ou une autre de surveillance, par mesure de protection. Donc, ce chien de garde devrait pouvoir faire rapport régulièrement et directement au Parlement des constatations, recommandations et conclusions découlant de son travail. Cela permettrait de répondre aux préoccupations relatives à la démocratie et d’exercer un certain niveau de contrôle sur les décisions du ministère de l’Immigration.

Le sénateur Patterson : Merci.

La présidente : Maître Kurland, rapidement, je vais approfondir certaines des questions du sénateur Patterson. Je suis d’accord avec mon collègue pour dire que, à partir d’aujourd’hui, nous verrons toujours le système Entrée express comme « des poupées russes sur une étagère », et nous savons qu’il y a beaucoup de ces poupées russes.

Si j’ai bien compris ce que vous dites, le ministre pourra établir des catégories qui sortent du cadre habituel du système Entrée express, lequel cible les gens destinés au marché du travail, est-ce bien ça? Le ministre pourrait, comme vous le laissez entendre, créer une catégorie pour les parents et les grands-parents, pour le parrainage des époux ou même pour les camionneurs, qui existe déjà, mais, disons pour les travailleurs moins qualifiés de notre pays.

Me Kurland : Absolument, madame la sénatrice. À dire vrai, j’étais là, au stade embryonnaire d’une instruction ministérielle. J’ai conseillé de nombreux ministres sur l’utilisation de cet instrument au fil du temps.

Mon avertissement — et il ne s’applique pas ici, c’est théorique —, mon avertissement concerne la possibilité de corruption politique. L’exemple que j’ai donné pendant très longtemps serait une circonscription risquant plus ou moins de basculer, où il y a un intérêt politique à ce que certains donateurs ou certains électeurs restent contents. Rien n’empêche un fonctionnaire du ministre d’aller au centre-ville d’Ottawa, de se rendre au centre de technologie, de taper sur l’épaule de l’exploitant et de dire : « Bon, il faut que les candidats pour cette usine-ci, dans cette ville-ci, aient été approuvés hier. Nous allons nous occuper de rédiger les instructions ministérielles, mais pouvez-vous le faire? Montrez-moi le programme. » Puis, ils fabriquent une instruction ministérielle assez vague et générale qui semble logique, mais, quand on creuse un peu, on se rend compte que c’est seulement les fabricants d’armoires de cette ville-ci, dans cette province-ci, dans cette gamme d’adresses-ci qui sont admissibles. Personne ne va s’en apercevoir. C’est un cadeau politique, et nous devons prendre des mesures pour empêcher cela, si nous ne voulons pas revenir à l’époque de Duplessis au Québec et de ses semblables. C’est à cela qu’il faut faire attention.

La présidente : Merci, maître Kurland.

[Français]

La sénatrice Mégie : Merci, maître Kurland, de nous éclairer. Je vais vous poser une question sur les différents sous-groupes pour faire suite à la question du sénateur Patterson.

Dans les sous-groupes, je vois qu’il y a un groupe en ce qui a trait à la réhabilitation, la criminalité et la grande criminalité. Est-ce qu’il s’agit de personnes qui avaient commis des crimes au Canada et qui ont été expulsées, mais qui voudraient revenir au pays? Ou s’agit-il plutôt de personnes qui sont dans leur pays et qui ont commis des actes criminels, mais qui, un jour, veulent immigrer au Canada? S’agit-il de cette clientèle-là?

Me Kurland : En ce qui a trait aux instructions ministérielles, cela ne présente aucun impact, surtout avec la Loi sur les frais de service, puisqu’on va exclure le critère de performance pour cette catégorie de personnes. Cela signifie qu’il n’y aura aucune limite pour la durée de traitement d’une demande; je trouve cela inacceptable, mais c’est la volonté du ministère de s’exclure de ce régime.

Quant au volet opérationnel, vous avez demandé si cela va changer l’identité des personnes qui pourraient immigrer au Canada ou y faire une visite. Non, aucunement. Il n’y aura aucun changement.

La sénatrice Mégie : J’ai une inquiétude à ce sujet; s’ils ont commis des crimes et si on les rapatrie encore, je me demande quelle est l’idée.

Si cette approche est adoptée, à quel moment commencera-t-elle à être utilisée?

Me Kurland : C’est une excellente question, sénatrice. Je n’ai pas de réponse. Cela dépend du ministère de l’Immigration; c’est une question de volonté. J’imagine qu’ils pourraient, au plus tôt, mettre des modifications en vigueur au mois de novembre ou décembre de cette année.

Ce qui est important, c’est d’introduire tout cela avant 2023. Comme la croissance économique est bonne et que le Canada va bénéficier d’un grand avantage sur le plan de la vente de biens et services à l’échelle mondiale, nous devrions être prêts à accueillir un nombre important d’immigrants et de travailleurs étrangers temporaires, afin d’atteindre nos objectifs économiques.

La sénatrice Mégie : Merci, maître Kurland.

[Traduction]

La sénatrice Moodie : Merci d’être avec nous aujourd’hui. J’apprécie beaucoup l’information que vous nous avez donnée, maître Kurland.

Je me demandais si vous pouviez nous parler un peu plus de toute cette histoire du système Entrée express et en particulier de la surveillance parlementaire que nous allons perdre, comme vous l’avez dit. D’après ce que je comprends, il y aurait peut-être des effets secondaires positifs que nous voudrions, parce qu’ils permettraient de désengorger le système, mais j’entends aussi des choses très préoccupantes. Sans ce chien de garde, seriez-vous en faveur de cette initiative?

Me Kurland : Je ne sais pas quoi répondre. Le groupe que je représente ici aujourd’hui m’a donné le mandat de la soutenir, pour répondre diplomatiquement. En ce qui me concerne, sans chien de garde, rien ne change.

La sénatrice Moodie : Bien. Merci d’avoir répondu avec franchise et transparence.

Quand vous réfléchissez aux conséquences des modifications proposées, selon vous, est-ce qu’il va y avoir les mêmes conséquences pour les clients de tous les pays? Pourriez-vous nous dire, plus précisément, si ces modifications auraient des conséquences pour les candidats de pays africains ou des Caraïbes? Est-ce que les conséquences seraient favorables ou défavorables?

Me Kurland : J’ai étudié la question pendant des années, littéralement, pour voir, avec chaque changement, qui gagne, qui perd, et qui arrive ici plus rapidement. En réponse à votre question, la bonne nouvelle, c’est que cela va toucher les gens qui sont déjà ici au Canada. Notre système a été repensé pour retenir le capital humain au maximum. Si vous avez fait des études au Canada, que vous avez travaillé au Canada et que vous avez moins de 35 ans, il importe peu que vous soyez à l’intérieur ou à l’extérieur du Canada.

Le bon côté des modifications adoptées dans les années 1970 par le premier ministre Trudeau père, c’est que nous nous sommes engagés, en tant que nation, à choisir les compétences et non la couleur de la peau. Le pays d’origine n’a plus d’importance. Ce qui a de l’importance, c’est ce que vous pouvez apporter, c’est-à-dire vos compétences et votre contribution potentielle à l’économie canadienne durant votre vie.

Cependant, certains aspects opérationnels pourraient comporter des lacunes. Cela pourrait prendre plus de temps et, encore une fois, il n’y a pas de norme de rendement. Cela pourrait prendre plus de temps si vous venez d’un pays à l’égard duquel le Canada a des doutes raisonnables, compte tenu des documents reçus de cette région particulière dans le passé, parce qu’il va falloir plus de temps pour vraiment établir l’authenticité et la véracité des documents déposés. Il est préférable de prendre un peu plus de temps et d’être certain que de laisser la porte ouverte aux gens qui sont entrés avec des faux documents. Donc, cette variation existe toujours.

La question est : qu’est-ce qui est acceptable? Cela revient à deux choses : les données et l’accès. IRCC sait très bien qu’il peut générer des rapports sur les temps de traitement selon les catégories, les sous-catégories, le pays d’origine ou la présence effective de la personne. Il le fait déjà. Est-ce que cela est accessible au public ou aux critiques? Non, et cette situation pourrait changer si nous avions un chien de garde. Deuxièmement, tout dépend des normes de rendement. À moins qu’il n’y ait une raison de vraiment creuser et de consulter les données pour comprendre pourquoi IRCC a failli à la tâche et n’a pas respecté les normes de rendement établies annuellement, il n’y a aucune raison ni aucune motivation, et aucun effort n’est déployé pour obtenir précisément l’information dont l’honorable sénatrice a besoin et aurait besoin dans l’avenir.

La sénatrice McPhedran : Merci beaucoup, maître Kurland, d’être avec nous à nouveau si peu de temps après que nous ayons eu la chance d’obtenir vos conseils.

Ma question aura peut-être une saveur philosophique. Laissez-moi situer le contexte, parce que je crois que votre connaissance historique et institutionnelle sera vraiment cruciale sur ce point.

Je fais partie des sénateurs et sénatrices qui travaillent très diligemment pour que, tout particulièrement en ce qui me concerne, les femmes parlementaires afghanes puissent quitter l’Afghanistan et se réinstaller en toute sécurité au Canada. Je ne veux pas prendre de temps pour vous dire les frustrations que cela suppose, mais je veux vraiment insister sur un aspect qui m’a sauté aux yeux quand j’essayais de faire bouger les choses. On m’a dit et on m’a redit que le ministre ne faisait pas de favoritisme, que le ministre n’allait pas, en fait, répondre à des demandes présentées par des parlementaires. Cela veut donc dire que le ministre ne prend essentiellement pas de décision spéciale, mais il semble qu’on nous présente aujourd’hui une position tout à fait contraire.

J’aimerais vraiment comprendre, d’un point de vue historique, comment les choses ont évolué pour atteindre un niveau de pouvoir discrétionnaire si évident et pourquoi la fonction de chien de garde dont vous avez parlé est si cruciale? Comment se fait-il qu’on nous présente aujourd’hui un projet de loi qui semble vraiment viser à donner des pouvoirs discrétionnaires complets au ministre? J’ai de la difficulté à comprendre.

Me Kurland : Je partage les buts de l’honorable sénatrice à cet égard; j’ai moi-même tenté, sans grand succès, de faire venir ici des femmes juges de l’Afghanistan.

La sénatrice McPhedran : Oui.

Me Kurland : Si je regarde comment les choses, dans leur ensemble, ont évolué au fil du temps — et je ne critique pas notre dernier exécutif —, ce genre de décisions viennent du Cabinet du premier ministre et se rendent jusqu’au bureau du ministre de l’Immigration, il en a toujours été ainsi, que ce soit pour prioriser les dossiers de 40 000 réfugiés syriens, pour prioriser les presque 200 000 demandes de visa de visiteur temporaire de trois ans pour des Ukrainiens, pour gérer les dossiers, comme on l’a fait, des Afghans qui ont risqué leur vie pour aider nos militaires canadiens, et j’en passe. Pourquoi est-ce qu’on traite en priorité les demandes d’immigration d’un très grand nombre de personnes appartenant à certains groupes, mais pas celles d’autres groupes?

La vérité, c’est qu’on ne peut pas faire de reproches au ministre de l’Immigration à cet égard. C’est que les enjeux sont plus grands. Je m’excuse si je m’aventure un peu dans le domaine politique, mais si j’étais en charge, ou du moins si je faisais partie du Cabinet du premier ministre, et que mon but était d’accumuler considérablement plus de votes aux prochaines élections dans les Prairies canadiennes, qui ont une très grande population d’électeurs ukrainiens-canadiens, alors ce n’est pas sorcier. La répartition du vote afghan ne fait pas le poids par rapport à la répartition des électeurs potentiels qui sont Ukrainiens-Canadiens ou Syriens-Canadiens ou viennent d’autres régions du Moyen-Orient.

La sénatrice McPhedran : Comment s’est-on retrouvé avec un projet de loi qui appuie et essentiellement renforce les pouvoirs discrétionnaires du ministre d’un côté, alors qu’on nous dit, d’un autre côté, surtout en ce qui concerne les réfugiés afghans, que le ministre ne peut pas prendre de décision discrétionnaire? Je vais m’arrêter là.

Me Kurland : C’est très simple. La modification proposée donnerait au ministre le pouvoir de créer des instructions ministérielles pour traiter les demandes d’asile d’un groupe ou d’un sous-groupe d’Afghans. Avec ce pouvoir, il pourrait le faire.

Le sénateur Yussuff : Merci au témoin d’être ici. Ma question comprend deux volets.

Il y a actuellement dans le système d’immigration le système Entrée express. Cela existe dans l’ALENA. Si vous êtes gestionnaire et que vous voulez venir ici, vous n’êtes pas tenu de suivre le même processus que d’autres immigrants pour venir au Canada. Pouvez-vous confirmer que cela existe déjà?

Ce que les modifications proposées à la loi feraient, c’est donner au ministre, comme vous l’avez dit, le pouvoir de répondre aux souhaits des entreprises, dans une grande mesure, parce qu’il y a une pénurie de main-d’œuvre dans notre pays. Les employeurs sont frustrés d’avoir à attendre leur tour, alors ils demandent qu’il y ait un moyen ou un autre de résoudre ces problèmes. Ai-je bien compris la réalité politique à laquelle nous faisons face?

Me Kurland : Oui. Malheureusement, il y a une possibilité ici qu’on revienne des dizaines d’années en arrière, à l’époque où les permis ministériels, comme on les appelait à l’époque — aujourd’hui, ce sont des permis de résident temporaire — étaient une monnaie d’échange politique dans les circonscriptions. On peut les délivrer avec une justification minimale et sans avoir à rendre de compte, sans que personne ne le sache. Cela ne se fait pas aujourd’hui, j’en suis certain, mais à l’échelon politique local, cela a permis d’amasser du soutien pour certains candidats ou députés en poste. Effectivement, les modifications proposées ont le potentiel de nous faire reculer.

Comme cela est précisé dans la modification proposée, il se peut qu’aucune invitation ne soit formulée à l’égard d’un de ces groupes. Et il peut y en avoir une ou dix, qui le saurait? Même si les instructions ministérielles sont publiées, elles sont si vagues que personne ne peut comprendre précisément pourquoi ces personnes ont été choisies. Il n’y a aucune exigence de reddition de comptes à cause de la protection des renseignements personnels, alors il sera impossible de savoir que les dix personnes travaillent pour la même usine dans la même ville.

Effectivement, monsieur le sénateur, vous avez cerné un problème bien précis qui va nous affecter si nous n’avons pas de surveillance ni de contrôle.

La présidente : Merci, maître Kurland.

J’ai deux ou trois questions à propos de la Loi sur les frais de service. Grâce à la Loi sur l’accès à l’information, vous nous envoyez un document indiquant le volume, les revenus, les coûts, les profits, et cetera au fil des ans. J’ai remarqué que, depuis 2015, le Canada fait des profits. Je croyais savoir — et je vois que la réglementation le confirme — que le prix :

[...] ne peut excéder les coûts supportés par Sa Majesté du chef du Canada pour la fourniture du service ou l’utilisation de l’installation.

Techniquement, si je comprends bien, le ministère déroge à la loi.

Me Kurland : C’est écrit on ne peut plus clairement, dans les documents financiers internes du ministère de l’Immigration, que le ministère ne respecte pas le paragraphe 19(2) de la Loi sur la gestion des finances publiques, on ne peut plus clairement. Donc, on n’a pas à se demander si le ministère le savait ou pas. C’est écrit noir sur blanc : 46 millions de dollars de profit, en contravention avec la loi sur la gestion des finances publiques, pour une seule sorte de frais, les frais relatifs à la conformité de l’employeur.

Le ministère s’est battu pendant cinq ans pour contester la divulgation de ces renseignements sensibles, et il a même dit à l’enquêteur du Commissariat à l’information qu’il s’exposait à des poursuites s’il était forcé de divulguer cette information. Donc, la position du ministère de l’Immigration présentement est que, effectivement, il fait un profit, mais qu’il n’est pas tenu de le redonner, parce que rien ne l’y contraint selon la loi.

Encore une fois, il est question ici d’une reddition de comptes directe au Parlement à propos de l’argent. Il n’y a rien de plus fondamental, parce que ces ministères existent grâce aux crédits votés par le Parlement annuellement pour distribuer les fonds. Nous avons le droit de consulter ces informations, mais nous allons dans la mauvaise direction parce que le ministère s’est exempté lui-même de la Loi sur les frais de service et, avec la modification proposée, qu’il a élargi l’exemption lui permettant de ne pas rendre de comptes sur ses résultats financiers et de ne pas imposer des normes de service aux gens.

Une dernière chose; habituellement, j’explique aux gens qui ont l’intention de se présenter aux élections au Parlement pour devenir député à l’autre endroit que, s’ils ne savent rien en matière d’immigration, alors ils devraient se préparer, parce que 80 % de la journée d’un député est prise par l’immigration. Imaginez à quel point ce serait utile à tous les parlementaires si le ministère de l’Immigration déposait simplement un rapport annuel pour dire quelque chose comme : « Quel genre de demande de visa voulez-vous présenter? Voici le délai de traitement. » Imaginez combien d’heures de travail on économiserait.

La présidente : Si vous me le permettez, j’aimerais confirmer ce que je crois vous avoir entendu dire : vous dites que ce profit de 46 millions de dollars vient d’un seul type de frais d’utilisation?

Me Kurland : C’est un seul type de frais d’utilisation. Pour ce qui est des visas de résident temporaire, l’admission par affidavit devant un tribunal et l’accord du ministère de la Justice représentent près d’un quart de milliards de dollars pour les frais liés aux résidents temporaires, et cela, c’était il y a au moins trois ou quatre ans. Il n’y a pas de données plus récentes d’accessibles.

La présidente : Et pourtant, nous donnons un service vraiment médiocre, compte tenu de tout l’arriéré.

Outre votre recommandation — ce serait mieux pour le système s’il y avait plus de transparence et si on créait un poste d’ombudsman de l’immigration —, quelles autres modifications proposeriez-vous afin que cette modification — en ce qui concerne la Loi sur les frais de service — soit plus utile?

Me Kurland : Éliminez la partie sur l’application rétroactive jusqu’en 2017. Je n’en vois pas l’intérêt. Deuxièmement, inversez la formulation : au lieu de « exempté » de la Loi sur les frais de service, ce serait « inclus » dans la Loi sur les frais de service. Si vous voulez vraiment aller jusqu’au bout, apportez des modifications pour que tous les services liés aux demandes d’immigration soient visés par la Loi sur les frais de service.

La présidente : Chers collègues, nous avons encore un peu de temps. Le greffier me dit que si Me Kurland revient huit autres fois, on va lui donner une tasse du Sénat.

Le sénateur Patterson : J’ai une petite question sur la liste des services d’immigration qui sont exemptés de la loi fédérale sur les frais. La liste semble s’allonger, et je crois savoir qu’une politique ministérielle sur les remises, dans laquelle les exemptions sont énumérées, est entrée en vigueur le 1er avril 2021. Je me demandais si vous aviez un commentaire, maître Kurland. Existe-t-il un mécanisme qui nous assure que les clients d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada ne sont pas, à cause de ces exemptions, exposés à une hausse inconsidérée des prix?

Me Kurland : Pour ce qui est de la hausse des prix, il y en a eu récemment pour plusieurs types de demandes d’immigration, mais, pour ce dont il est question aujourd’hui, les prix et l’accessibilité ne sont pas tellement préoccupants. Peut-être que nous pourrions nous y attarder à un autre moment. Effectivement, pour répondre à la question de l’honorable sénateur sur les ressources, le ministère a adroitement divisé ses services les plus rentables pour les exempter de la Loi sur la gestion des finances publiques. Je parle bien sûr des passeports, qui ont littéralement généré plus de 1 milliard de dollars en profits — à 100 $ le passeport —, ce qui est possible, si vous les exemptez.

Pour revenir aux commentaires de la présidente, qui a demandé pourquoi, malgré ces profits, le ministre de l’Immigration avait pendant vraiment longtemps une réponse toute faite pour la période de questions, sur la question des longs délais de traitement. Les ministres successifs, peu importe le parti, répondaient quelque chose comme « nous n’avons pas les ressources », ce qui n’était pas vrai, parce que les ressources étaient là. Pour éviter les conséquences politiques, chaque ministre renvoyait la question aux calendes grecques pour ne pas avoir à répondre et ne pas embarrasser les ministres de l’Immigration précédents. Il faut toujours suivre l’argent. Vous voulez de meilleurs services? Suivez l’argent, assurez-vous qu’il y ait une reddition de comptes et aussi des normes de rendement, pas seulement pour aider les parlementaires, mais aussi les familles canadiennes ordinaires, sans oublier les gens qui payent pour venir ici de façon légale. Il n’y a rien qui justifie d’accorder un traitement spécial au ministère de l’Immigration, en l’exemptant de la surveillance parlementaire traditionnelle en matière de normes de rendement et de rapports financiers. Je ne comprends pas.

Le sénateur Patterson : Merci.

La présidente : Puisqu’il nous reste encore un peu de temps, creusons davantage la question des frais. Vous avez parlé des parents et des grands-parents. Je suis d’accord avec vous quand vous dites que de nombreux Canadiens à faible revenu aimeraient être réunis avec leurs parents et grands-parents pour des motifs très pratiques, par exemple pour s’occuper d’un enfant, et cetera. Cependant, avec le système de loterie actuel, chaque fois que ces personnes présentent une nouvelle demande, elles doivent payer d’autres frais. Ai-je raison? Ce ne sont pas des frais élevés, mais il y a effectivement des frais.

Me Kurland : Les frais ne sont pas l’obstacle, mais je pourrais peut-être proposer tout de suite une solution politique à la question que vous venez précisément de soulever, madame la sénatrice.

Le problème pour un grand nombre de familles, qui travaillent dur et qui payent leurs impôts, c’est qu’elles ont beaucoup de difficulté à trouver un logement abordable, pour elles et pour leurs enfants. Ces familles sont à un stade de leur vie où elles ont une hypothèque, des dépenses en services de garde, en plus des autres pressions habituelles qui viennent avec le fait d’élever une famille au Canada, et elles n’atteignent pas le seuil du revenu minimum suffisant, parce que la barre est trop haute. Le regroupement familial est donc inaccessible à certains segments de notre société.

J’ai peut-être une solution. Pour chaque enfant âgé de moins de 12 ans dans la famille qui présente la demande de parrainage, on réduit de 5 000 $ le revenu pour être admissible. On accorde une réduction de 5 000 $, abaissant ainsi le seuil, parce que le parent ou le grand-parent pourra prendre soin de l’enfant une fois au Canada. On peut donner cet avantage économique à la famille, en réduisant le seuil du revenu minimum suffisant si vous avez un, deux, trois ou peu importe combien d’enfants de moins de 12 ans, et prioriser le regroupement familial pour ceux qui ont besoin d’aide maintenant. Pas dans sept ans ou dans dix ans, maintenant. C’est le genre de justice sociale qui manque depuis trop longtemps chez les responsables des politiques de l’administration centrale du ministère de l’Immigration.

La sénatrice McPhedran : Pourriez-vous me parler un peu plus de la fonction de chien de garde? Y a-t-il une proposition complète quelque part que nous devrions voir?

Me Kurland : À quelles fins, si je peux le demander, honnêtement et avec respect? J’ai vu qu’on avait encore une fois demandé aujourd’hui la création d’un chien de garde pour l’ASFC.

La présidente : Oui.

Me Kurland : J’ai souvent vu les gens se renvoyer ce ballon. L’idée surgit à certains moments. Puis, on la range dans la remise après que des choses se sont passées. À moins que cela continue d’attirer l’attention de façon soutenue, à moins que les gens à l’autre endroit y songent sérieusement, cela ne va pas se faire, même s’il le faudrait.

La sénatrice McPhedran : Mais est-ce qu’un document existe?

Me Kurland : Il n’est pas public. Le concept a fait l’objet d’un examen. Au bout du compte, cela va remonter la chaîne jusqu’au Cabinet du premier ministre, et cela va en rester là.

[Français]

La sénatrice Mégie : Maître Kurland, le nombre établi par le gouvernement fédéral pour les demandes de travailleurs très qualifiés a été réduit de 111 000 en septembre 2021 à 48 000 en mars 2022, et on s’apprête encore à le diminuer en juillet 2022.

Comment expliquez-vous cette diminution draconienne, alors qu’on travaille en ce moment à améliorer la capacité du système d’Entrée express pour répondre à nos besoins économiques?

Me Kurland : Tout d’abord, ce n’est pas la faute d’Ottawa pour ce qui est de l’immigration. Les priorités ont été établies par le premier ministre, et la priorité actuellement, c’est l’Ukraine. Certains dossiers vont donc subir de petits délais.

Cependant, les personnes qui ont déposé leur demande pour venir ici à titre de résidents permanents dans cette catégorie sont déjà physiquement présentes ici; ils travaillent actuellement avec des permis de travail et paient leurs impôts. Je ne vois donc aucun préjudice pour que les chiffres ne soient pas les meilleurs possibles en ce moment.

La sénatrice Mégie : Merci.

[Traduction]

La présidente : Merci beaucoup, maître Kurland. Je prédis déjà que vous reviendrez, et que nous aurons une autre plaisante discussion sur les poupées russes. Au nom du comité, je vous remercie chaleureusement de votre témoignage.

Accueillons nos prochains témoins, les représentants d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada : M. Philip Somogyvari, directeur général, Politiques stratégiques et planification; Mme Julie Chassé, directrice générale, Direction générale stratégique financière; M. Marcel Poirier, directeur, Division de la communauté financière, établissement des coûts de passeport/relations clients et frais; et M. Jonathan Joshi-Koop, directeur par intérim, Politiques d’Entrée express.

Merci à vous tous de vous joindre à nous par vidéoconférence aujourd’hui. Je vais vous inviter à nous présenter votre déclaration préliminaire. Je vous rappelle que vous avez cinq minutes pour votre déclaration et que nous passerons ensuite aux questions.

Philip Somogyvari, directeur général, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada : Merci beaucoup de votre accueil, madame la présidente.

Bonjour, et merci à nouveau de nous donner l’occasion de discuter des modifications proposées à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés dans la Loi d’exécution du budget. Comme vous le savez sans doute, les modifications proposées couvrent deux aspects : premièrement, les modifications au système Entrée express; et deuxièmement, les modifications à la Loi sur les frais de service visant à exempter certains frais sous le régime de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

Le système Entrée express est un système de gestion des demandes qui sert pour un certain nombre de programmes d’immigration économique du Canada. Les candidats déclarent leur intérêt à immigrer au Canada, et, s’ils satisfont aux exigences de base de l’un des programmes du système Entrée express, ils sont placés dans un bassin de candidats préqualifiés, puis cotés les uns par rapport aux autres en fonction d’une grille de cotation transparente qui favorise les personnes ayant un capital humain élevé. Le ministère invite ensuite les candidats les mieux cotés du bassin à présenter une demande de résidence permanente dans le cadre d’un des programmes, au moyen de rondes de sélection régulières.

La modification proposée, à la section 23 de la Loi d’exécution du budget, tire parti de la flexibilité existante du système Entrée express et soutient la reprise économique du Canada ainsi que sa croissance future en permettant à IRCC de sélectionner plus aisément les candidats qui répondent à un éventail de besoins économiques et de priorités gouvernementales. Plus précisément, ces modifications autorisent le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté à inviter des étrangers à présenter une demande de résidence permanente, dans le cadre du système Entrée express, sur une nouvelle base, leur admissibilité en tant que membres d’une catégorie favorisant l’atteinte d’un objectif économique défini par le ministre. Les exigences en matière d’admissibilité pour un membre de cette catégorie seraient établies par le ministre et dépendraient de facteurs précis tels que les antécédents professionnels, les études ou les compétences linguistiques.

Par exemple, si nous voulions tirer parti de l’immigration pour soutenir la croissance du secteur canadien de la technologie, une catégorie de candidats d’Entrée express pourrait être créée en fonction de critères comme l’expérience de travail dans ce secteur professionnel ou le fait d’avoir un diplôme d’études pertinent. Les meilleurs candidats de la catégorie seraient ensuite invités à présenter une demande. Le ministre établirait la catégorie en donnant des instructions ministérielles et en publiant des détails, y compris les critères d’admissibilité, sur le site Web d’IRCC.

Pour protéger l’intégrité du programme, les modifications proposées prévoient également que les agents refuseront les demandes des candidats qui ne peuvent pas démontrer qu’ils pouvaient faire partie de la catégorie en question, ou, en d’autres mots, des candidats qui n’ont pas, pour reprendre l’exemple, l’expérience professionnelle requise ou les études, et cetera.

Pour que ces pouvoirs soient utilisés de façon transparente, les modifications proposées prévoient aussi que le ministre doit décrire l’objectif économique qu’il cherche à soutenir avec chaque catégorie individuellement. Les modifications prévoient aussi une exigence selon laquelle le ministre doit rendre des comptes sur l’utilisation de ces pouvoirs dans le rapport annuel au Parlement sur l’immigration, une exigence qui se trouvait déjà dans la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

Les modifications prévues à la section 23 comprennent également des modifications techniques à la section 0.1 de la LIPR, notamment pour éliminer une incohérence entre les versions anglaises et françaises du libellé, et une disposition clarifiant que le ministre est autorisé à préciser à quel programme un candidat est invité à présenter une demande, dans l’éventualité où ce candidat est admissible à plus d’un programme.

En ce qui concerne les modifications relatives aux frais, le ministère demande que quatre frais de service établis sous le régime de la LIPR soient exemptés de la Loi sur les frais de service. Il s’agit des frais suivants : premièrement, autorisation de revenir au Canada; deuxièmement, décision sur la réadaptation (criminalité et grande criminalité); troisièmement, rétablissement du statut de résident temporaire; et quatrièmement, permis de séjour temporaire. La Loi sur les frais de service a reçu la sanction royale en juin 2017, et elle exige que des normes de service soient établies pour tous les frais, et que ces frais soient remis aux clients quand les normes de service ne sont pas respectées. Les services visés par ces quatre frais sont liés aux situations où un candidat serait interdit de territoire parce qu’il a un casier judiciaire ou parce que son cas a été signalé en raison de circonstances spéciales qui l’empêcheraient de suivre la voie habituelle pour obtenir la résidence temporaire et venir au Canada. Les temps de traitement pour ces services sont très variables, car ils dépendent des circonstances propres aux clients, et une exemption à la Loi sur les frais de service est donc proposée parce qu’il est difficile d’établir une norme de service raisonnable et utile relativement aux frais pour ces services.

Je vous remercie de cette occasion de vous donner plus d’information sur les modifications proposées, et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

La présidente : Merci beaucoup, monsieur Somogyvari.

Chers collègues, nous allons commencer la période de questions. La vice-présidente, la sénatrice Bovey, ouvre le bal.

La sénatrice Bovey : Je vous remercie beaucoup de votre exposé. J’ai deux questions.

Je m’intéresse à l’établissement des catégories, et je me demandais comment, le temps venu, une fois que cela sera adopté, si ce le sera, les catégories seront établies et s’il y aura des consultations pour leur établissement. C’est ma première question.

Ma deuxième question est la suivante : vous avez conclu votre exposé en parlant des normes de service, alors j’aimerais approfondir le sujet pour savoir quelles sont ces normes de service et si les quatre exemptions auront une incidence sur les normes de service ou même si elles les modifieront. Va-t-on respecter les normes de service? Je me demandais si vous pouviez nous donner les renseignements qui nous manquent. Voilà mes questions.

M. Somogyvari : Merci beaucoup. Si la présidente n’y voit pas d’inconvénient, je vais répondre à la première question, puis céder la parole à ma collègue, Mme Chassé, qui pourra répondre à la seconde.

En ce qui concerne l’établissement des catégories, le ministère est en train de déterminer comment il procédera et quels conseils devront être fournis au ministre par le ministère pour recommander dans quels cas il faudrait établir une catégorie par décision du ministre.

Cela étant dit, il se pourrait, dans certains cas, que ces catégories soient établies après consultation, y compris, par exemple, avec les provinces et les territoires. Il pourrait aussi y avoir des consultations avec des secteurs et des groupes d’employeurs. On pourrait mobiliser les gens du secteur privé qui génèrent de l’information sur le marché du travail, ou alors les gens de la fonction publique, donc nos collègues d’Emploi et Développement social Canada, qui génèrent de l’information sur le marché du travail que nous utilisons pour nos divers programmes.

Aussi, pour prendre des décisions éclairées sur les objectifs économiques, d’autres pistes pourraient être les priorités économiques qui ont été annoncées dans le Discours du Trône, dans le budget annuel ou dans les lettres de mandat.

Pour terminer, je dirais également que nous nous orienterions sur les objectifs économiques énoncés dans la loi elle-même, à l’article 3. Par exemple, assurer la répartition des avantages de l’immigration économique dans tout le Canada. C’est un exemple parmi d’autres. Merci.

Julie Chassé, directrice générale, Direction générale stratégie financière, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada : Peut-être que je pourrais répondre à la deuxième partie de votre question sur les quatre frais.

Le ministère publie des rapports et rend des comptes sur les normes de service pour la grande majorité des frais. Cette information est publiée annuellement sur notre site Web. Aussi, le ministère rend des comptes sur tous les frais dans son rapport sur les frais, déposé annuellement par notre ministre. Cela comprend de l’information sur les recettes générées par ces frais ainsi que le coût applicable au groupe de frais que nous percevons.

En ce qui concerne les quatre frais précisément, le problème que nous avons présentement est que nous ne pouvons pas définir des normes de service prévisibles et utiles que nous pourrions respecter. Dans les circonstances actuelles, ces quatre frais sont surtout liés à des cas d’interdiction de territoire, comme mon collègue, M. Somogyvari l’a dit au début. Dans ces cas-là, les délais de traitement peuvent varier de trois jours à un an. Cela dépend vraiment des circonstances de chaque personne, de son casier judiciaire, le cas échéant, ou, dépendamment de la situation, de l’information que nous devons recueillir et produire. Le but de la Loi sur les frais de service est de présenter aux clients des normes de service qui soient prévisibles et utiles. Dans ce cas particulier, c’est très difficile et pour ainsi dire impossible pour nous de publier des normes de service que nous pourrions respecter.

La sénatrice Bovey : J’ai une question complémentaire, rapidement. Ce serait sûrement possible de fixer des objectifs pour les normes de service, non?

Mme Chassé : Oui. Nous sommes censés pouvoir prévoir des normes de service sur lesquelles nos clients peuvent compter. Dans ce cas-ci, les normes vont varier énormément d’un demandeur à un autre, et on ne peut vraiment pas fixer une moyenne et dire qu’il faudrait traiter une demande dans un nombre x de jours, comme nous le faisons pour nos autres frais.

La sénatrice Poirier : Merci aux témoins d’être avec nous aujourd’hui. Je vous en suis très reconnaissante.

J’aimerais qu’on discute rapidement de chiffres. Dans le budget, à la page 138, il est écrit que le gouvernement a engagé 2,1 milliards de dollars sur cinq ans et 317,6 millions de dollars par la suite en nouveau financement. Est-ce que ces fonds seront utilisés pour la section 23 du projet de loi C-19?

Mme Chassé : Je peux répondre à la question. La réponse est non : ces modifications ne coûteront rien, alors elles ne sont pas incluses dans les nouveaux montants demandés dans le budget 2022. Ces modifications respectent les niveaux de référence actuels du ministère.

La sénatrice Poirier : Merci.

Ma deuxième question, à dire vrai, est celle que la sénatrice Bovey avait posée à notre premier témoin de l’après-midi. Quelqu’un pourrait-il me donner plus de détails sur les conséquences que les modifications proposées auraient sur les provinces et les territoires qui utilisent le système Entrée express dans le cadre du Programme des candidats des provinces? Je sais que notre autre témoin avait répondu, mais j’aimerais connaître l’avis des représentants du ministère.

M. Somogyvari : Merci.

Le système Entrée express comprend plusieurs programmes. Trois relèvent du fédéral, et il y a une partie du Programme des candidats des provinces qui fait partie du système Entrée express. Cela étant dit, du point de vue du mécanisme, une fois qu’une province a sélectionné un candidat, ce candidat est invité automatiquement à présenter une demande à Entrée express, puis une vérification est faite quand la demande est reçue. Dans le système Entrée express, la décision relative à la sélection appartient à la province. Donc, cette modification n’aurait aucune incidence directe sur la partie du système Entrée express qui concerne les candidats des provinces.

Si on parle de façon plus générale des objectifs économiques d’une administration particulière, puis des objectifs de sélection fédéraux, lesquels peuvent être de portée nationale ou bien régionale, le ministère travaille en étroite collaboration avec ses homologues provinciaux et territoriaux pour s’assurer que la nouvelle disposition fonctionne efficacement, et qu’elle renforce ou complète le Programme des candidats des provinces et que son application ne nuit pas au programme. Merci.

Le sénateur Patterson : Merci aux témoins d’être avec nous.

J’aimerais qu’on discute des exemptions proposées à la Loi sur les frais de service. Selon la disposition, ces exemptions seraient réputées être entrées en vigueur le 22 juin 2017, si je comprends bien. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi les exemptions proposées sont rétroactives?

Mme Chassé : Merci de la question. Je peux vous répondre.

Si nous demandons une application rétroactive, c’est par souci de cohérence et de transparence, et aussi parce que, compte tenu de tous les autres frais que nous demandons — par exemple, tous les frais pour les demandes de résidence temporaire sont exemptés de la Loi sur les frais de service —, l’application rétroactive fait en sorte que nous traitons tous nos ensembles de clients de la même manière, c’est-à-dire qu’ils ont droit à une remise si les normes de services ne sont pas respectées.

Le sénateur Patterson : Merci de votre réponse.

Dans cette optique, je me demande donc si vous pourriez fournir au comité ou peut-être nous dire maintenant combien de frais de service payés à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada ont été remis aux demandeurs parce que les normes de service n’avaient pas été respectées? Je voudrais surtout le savoir pour les frais de service des quatre catégories visées par les exemptions. Pourriez-vous nous fournir de l’information sur le montant des frais de service de ces quatre catégories qui ont été remis depuis le 22 juin 2017, s’il vous plaît?

Mme Chassé : Merci de la question.

La réponse, c’est zéro. Il n’y en a eu aucune, parce que le ministère, pour ces quatre frais précisément, n’a pas été en mesure d’établir des normes de service utiles à publier. Pour ces quatre frais précisément, il n’y a eu aucune remise.

Selon notre plus récent rapport sur les frais, il y a eu environ 24 000 remises, la plupart en lien avec le programme des passeports, parce que tous les frais concernant les passeports sont visés par la Loi sur les frais de service. Il y a eu environ 24 000 remises pour ces frais.

La présidente : Merci beaucoup aux témoins.

Monsieur Somogyvari, j’ai une question pour vous, et nous avons assez de temps, du moins je l’espère, pour que je puisse la poser. J’aimerais quelques éclaircissements. Vous avez dit que la modification proposée, laquelle permettrait au ministre de créer de nouvelles catégories d’Entrée express, viserait uniquement les personnes au capital humain élevé qui répondent à nos besoins économiques. Vous ai-je bien entendu?

M. Somogyvari : C’est exact. La modification s’applique aux personnes qui créent un profil dans le système Entrée express, font partie de la catégorie de l’immigration économique et satisfont aux critères minimums du système Entrée express.

La présidente : Du moins pour l’instant. Si le ministre voulait utiliser ce nouveau pouvoir ministériel pour établir une catégorie, disons, pour les réfugiés ou les parents et grands-parents, des catégories où il y a des arriérés, ce ne serait pas possible? Il semble y avoir une certaine confusion, parce que nous avons entendu le contraire de la part de notre premier témoin.

M. Somogyvari : Madame la présidente, j’ai manqué le début, mais j’ai compris ce que vous vouliez dire avec le reste, et non, cela ne s’applique effectivement pas à la catégorie du regroupement familial ou aux réfugiés. Les modifications elles-mêmes touchent à la section de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés qui concerne Entrée express, qui est le système de gestion des demandes pour les programmes réglementaires sous-jacents, et ces programmes ont des fins économiques.

La présidente : Donc, ce n’est pas non plus possible pour le ministre d’utiliser ce pouvoir pour établir une catégorie d’immigrants dont l’économie canadienne aurait peut-être besoin, mais qui ne remplissent pas le critère du capital humain élevé?

M. Somogyvari : Oui, madame la présidente, et je précise, le critère qui doit être rempli est le critère minimum du système Entrée express, lequel est également le critère minimum pour les programmes économiques fédéraux qui utilisent Entrée express.

[Français]

La sénatrice Mégie : Merci aux témoins. Ma question concerne le programme Entrée express. Prenons l’exemple d’une personne qui a posé sa candidature, mais qui n’est pas admissible parce qu’elle n’appartient à aucun groupe ou sous-groupe. Si cette personne ne reçoit pas de réponse, peut-elle, à un certain moment, passer par les voies normales pour faire une demande d’immigration au Canada? Subirait-elle un préjudice en raison du fait que son nom se trouverait dans les groupes et les sous-groupes?

[Traduction]

M. Somogyvari : Avec les modifications proposées, une fois qu’un candidat a été invité, soit parce qu’il satisfait aux critères minimums d’admissibilité, selon la catégorie qui a été établie, soit parce qu’il a la cote minimale pour une ronde d’invitation donnée, une fois que cette personne a été invitée à présenter une demande de résidence permanente et une fois que la demande a été reçue, l’agent vérifie alors l’admissibilité, parce que, à l’étape du profil, ce sont les candidats eux-mêmes qui remplissent leur profil. Puis, il y a une vérification qui est faite, et si le candidat ne satisfait pas aux critères minimums d’admissibilité pour les programmes qui utilisent le système Entrée express, ou si la ronde d’invitation en question dépendait d’une catégorie, alors en conformité avec les autorités proposées, la demande serait refusée. Merci.

[Français]

La sénatrice Mégie : Elle ne pourrait donc pas utiliser une autre voie qu’Entrée express?

[Traduction]

M. Somogyvari : Je crois que je vais demander à mon collègue de répondre, parce que je crois qu’un candidat peut présenter un nouveau profil dans le système Entrée express, mais encore une fois, l’important, c’est qu’il remplisse les critères minimums du programme, que ce soit un programme qui utilise Entrée express ou n’importe quelle autre catégorie prévue par la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

Peut-être que mon collègue, M. Joshi-Koop, pourrait ajouter quelque chose.

Jonathan Joshi-Koop, directeur par intérim, Politiques d’Entrée express, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada : Bien sûr. Merci de la question.

Pour compléter la réponse de mon collègue, c’est exact. Si un candidat était invité à présenter une demande de résidence permanente par l’intermédiaire du système Entrée express, puis qu’il voyait sa demande refusée pour une raison ou pour une autre, rien ne l’empêcherait de présenter une autre demande plus tard, que ce soit par l’intermédiaire du système Entrée express ou dans un autre volet opérationnel. Merci.

[Français]

La sénatrice Mégie : J’ai une autre question. Dans les catégories, sous-groupes ou groupes, il est présumé que les demandeurs sont des gens hautement qualifiés qui peuvent répondre aux besoins économiques du pays.

Quand ces personnes arrivent sur le territoire canadien, une partie de leur admission est gérée par les provinces qui, le plus souvent, vont leur dire que leurs compétences acquises ailleurs ne sont pas reconnues au Canada.

Pourtant, on les sélectionne en fonction de leurs grandes qualifications. Est-ce qu’on a pensé à quelque chose, dans les lois de l’immigration, pour contourner ce problème et trouver une solution?

[Traduction]

M. Somogyvari : Je vais essayer de répondre de mon mieux.

En ce qui a trait aux provinces et aux territoires, chaque province et chaque territoire a son propre programme des candidats des provinces, à l’exception, je crois, du Nunavut. Beaucoup de programmes des candidats des provinces n’utilisent pas le système Entrée express, parce que celui-ci, comme on l’a déjà souligné, comprend des critères minimums d’admissibilité qui sont fondés en partie sur un capital humain élevé, et donc les provinces administrent ces programmes à l’extérieur du système Entrée express.

Les programmes des candidats des provinces qui font partie du système Entrée express sont conçus par les provinces, mais ils sont conçus en fonction des critères d’entrée minimums du système Entrée express. Quand ces critères sont remplis, la province elle-même sélectionne les candidats, et, au moment de la ronde d’invitations, ces candidats provinciaux sont automatiquement invités. Ensuite, une vérification de l’admissibilité est faite à l’échelon fédéral. Les provinces elles-mêmes décident des critères d’admissibilité, à l’exception des critères minimums du système Entrée express. J’espère que j’ai bien répondu.

La sénatrice Cordy : Je croyais bien comprendre, mais, après votre dernière réponse, les choses me semblent plus floues.

J’aimerais aussi discuter du système Entrée express. Ces modifications veulent-elles dire que le ministre ou le ministère pourrait modifier les critères et les catégories plus rapidement, maintenant? Combien de temps faut-il pour ajouter ou supprimer une catégorie? C’était les questions que je voulais poser au départ, mais à présent, je crois que vous avez dit que c’était les provinces qui établissaient les catégories. J’ai vérifié en ligne, et j’ai vu, par exemple, les médecins — personnellement, je crois que ça pourrait être tous les travailleurs de la santé, et pas juste les médecins —, les entrepreneurs, les travailleurs qualifiés avec... Je pense que c’était avec un an d’expérience. Je n’ai pas pris de notes. Je dois me fier à ma mémoire, depuis la dernière fois que j’ai vérifié. Pouvez-vous m’aider à y voir plus clair? J’imagine que c’est ce que je vous demande.

M. Somogyvari : Je serais heureux d’essayer. Je suis désolé si j’ai ajouté à votre confusion.

À dire vrai, je parlais seulement de la partie du système Entrée express concernant le Programme des candidats des provinces, parce que, effectivement, le système de gestion des demandes Entrée express sert aussi pour le Programme des travailleurs qualifiés du volet fédéral, la Catégorie de l’expérience canadienne et le Programme fédéral des travailleurs de métiers spécialisés. Ce sont des programmes fédéraux réglementaires dont les critères d’admissibilité relèvent du fédéral.

Le système Entrée express en place gère les demandes reçues, et il permet aussi d’évaluer de manière descendante chaque candidat qui est déjà réputé comme se qualifiant aux programmes à au moins un égard. Aussi, en fonction de l’information fournie par le candidat dans le Système de placement global, on obtient une cote pour chaque candidat. C’est en partie ce qu’on appelle le critère du capital humain, en ce qui a trait aux études et à l’expérience professionnelle.

Par exemple, pour les études, il n’y a pas de niveau d’études minimum requis pour la Catégorie de l’expérience canadienne. Cela dit, pour qu’un candidat reçoive une invitation, étant donné que les invitations sont envoyées d’abord aux candidats qui ont la meilleure cote... Les candidats qui ont fait des études postsecondaires à un plus haut niveau recevront plus de points dans le Système de classement global.

J’espère que j’ai éclairci un peu les choses.

La sénatrice Cordy : Merci.

Je viens de la Nouvelle-Écosse. Donc, est-ce que la liste de la Nouvelle-Écosse pourrait être différente de celle du Québec ou de l’Alberta?

M. Somogyvari : Je vais commencer par le Québec. Le Québec n’utilise pas le système Entrée express, parce que, en conformité avec l’Accord Canada-Québec, la province a compétence en ce qui concerne la sélection des candidats pour la résidence permanente économique.

Pour ce qui est des programmes des candidats des provinces qui relèvent du système Entrée express, c’est exact. Les critères d’admissibilité du Programme des candidats des provinces peuvent varier d’une province à l’autre. D’ailleurs, cela vaut autant pour les programmes qui relèvent du système Entrée express que pour les autres programmes.

La sénatrice Cordy : Quand j’ai regardé les catégories, elles m’ont semblé plutôt larges. Par exemple, il y a des médecins, sinon les travailleurs de la santé, les entrepreneurs, les travailleurs qualifiés avec de l’expérience. Les provinces peuvent-elles préciser leurs besoins dans le cadre du système Entrée express?

M. Somogyvari : Pourrais-je vous demander, madame la sénatrice, de quel document vous parlez?

La sénatrice Cordy : Ce que je veux dire, c’est que, quand j’ai consulté la liste en ligne, il y avait des catégories spécifiques comme les médecins, les entrepreneurs et les travailleurs qualifiés, puis en dessous, il y avait des choses assez générales. Pourriez-vous consulter ces renseignements assez généraux? Les provinces peuvent-elles décider qu’elles veulent des ensembles de compétences particulières? C’est ce que je demande.

M. Somogyvari : Oui, les provinces peuvent associer des listes d’occupations précises ou des filtres à leurs programmes.

La sénatrice Cordy : C’était à mon tour de vous dérouter.

M. Somogyvari : Mes excuses.

La sénatrice Cordy : Merci beaucoup.

La présidente : C’est que l’immigration est un sujet qui porte vraiment à confusion, de façon générale.

Le sénateur Yussuff : Si je comprends bien, nous accordons manifestement des pouvoirs spéciaux au ministre pour qu’il puisse réagir aux pressions économiques qui vont venir en grande partie des employeurs, qui disent qu’on doit prioriser une chose ou une autre, parce qu’ils ont de véritables difficultés à gérer la main-d’œuvre; il y a une pénurie de main-d’œuvre. Le ministre va-t-il être constamment bombardé de demandes d’employeurs qui veulent qu’il réponde à leurs besoins? Est-ce que c’est cela qui va décider des catégories de travailleurs qui seront priorisées, en raison des efforts de lobbying de chaque entreprise qui a un besoin à combler? Je n’essaie pas de dire que les entreprises n’ont pas de besoins à combler. Elles peuvent le prouver, c’est évident. Mais est-ce que le ministre n’a pas la possibilité de contourner le système? Annuellement, il annonce combien de catégories d’immigration il va essayer de sélectionner. Quand il aura ce pouvoir spécial, est-ce qu’il ne va pas subir des pressions pour qu’il utilise ce pouvoir pour répondre aux besoins d’une entreprise particulière ou de l’une ou l’autre des provinces?

M. Somogyvari : Je ne crois pas pouvoir faire de commentaire sur les pressions que pourrait subir le ministre, mais il y a deux choses que je pourrais dire.

Premièrement, il y a des exigences en matière de transparence, et il faut justifier les objectifs économiques qu’on cherche à atteindre grâce à une ronde d’invitation par catégories, et il y a aussi une deuxième reddition de comptes requise dans le rapport annuel.

Pour ce qui est de la façon dont on a déterminé les impératifs économiques ou ceux du marché du travail, encore une fois, ce sont les fonctionnaires du ministère qui s’occupent de ces critères. Comme je l’ai dit, je crois effectivement que le mieux, ce serait de faire participer des groupes sectoriels d’employeurs qui ont cerné un besoin relativement au marché du travail ou un besoin pour que des employeurs soutiennent l’économie, mais je dirais aussi qu’il faudrait utiliser l’information sur le marché du travail recueillie de diverses sources. Encore une fois, ce genre d’information provient non seulement des entreprises privées, mais aussi du gouvernement, par exemple la base de données de projection des professions qui est gérée par EDSC. Donc, les recommandations seraient fournies par des fonctionnaires, comme c’est le cas pour d’autres initiatives entreprises à la discrétion du ministre. Merci.

Le sénateur Yussuff : Donc, ce que vous dites, c’est que, avec le pouvoir actuel du ministre, on ne peut pas atteindre ces objectifs et qu’il faut donc lui accorder ce nouveau pouvoir parce que nous n’avons pas atteint l’objectif actuel en ce qui concerne les catégories mais aussi les besoins du marché du travail au Canada?

M. Somogyvari : Je dirais que le système Entrée express a eu partout un franc succès, y compris auprès de groupes comme l’OCDE, parce que c’est un mécanisme très efficace, très agile et très flexible pour faire venir des travailleurs qualifiés au Canada. Les modifications proposées ici tirent parti de cette flexibilité et nous permettront d’adapter encore mieux les rondes d’invitation aux attributs qui sont en vérité ceux des candidats eux-mêmes, et dont on ne peut tenir compte actuellement dans le cadre du système d’invitation.

Présentement, quand le ministre donne les instructions pour une ronde du système Entrée express, il peut préciser le nombre, indiquer quels programmes fédéraux sont compris dans la ronde, et ce sont essentiellement les deux principales caractéristiques. Par exemple, si on veut combler un besoin plus précis, par exemple combler une pénurie de travailleurs clés dans une partie précise du pays grâce à une ronde d’invitation, ou atteindre un objectif économique, comme soutenir une communauté francophone de langue officielle minoritaire grâce aux candidats identifiés comme francophones dans le système Entrée express, ce serait impossible, étant donné la façon dont les instructions sont présentement formulées. Les modifications nous donnent donc cette flexibilité. Merci.

La présidente : J’ai une autre question pour vous. Un témoin précédent nous a dit que, même si cette mesure nous permettra d’atteindre plus facilement nos objectifs économiques grâce à cette flexibilité, il y a un prix à payer, et ce prix est la perte du contrôle parlementaire et, par voie de conséquence, d’un certain degré de transparence. Avez-vous un commentaire à faire sur cette observation dont on nous a fait part plus tôt?

M. Somogyvari : Merci de la question. Je dirais que, dans les modifications elles-mêmes, en ce qui a trait au Parlement, il y a des exigences : combien de rondes pour des catégories distinctes ont eu lieu dans une année donnée, combien de candidats ont été invités à chaque ronde et quel était l’objectif économique recherché. Un rapport annuel au Parlement est exigé sous le régime de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Merci.

La présidente : De façon générale, on nous a aussi dit, ou plutôt conseillé — sans vouloir en dire plus — qu’il serait important que ce système ait un ombudsman de l’immigration ou quelque chose du genre. Avez-vous un commentaire à faire sur cette proposition?

M. Somogyvari : Merci de la question. J’ai bien peur de ne pas avoir d’expertise précisément dans ce domaine, mais j’ai pris une note. Merci, madame la présidente.

[Français]

La sénatrice Mégie : Les immigrants investisseurs, est-ce une des catégories associées au système Entrée Express, ou font-ils partie d’une tout autre catégorie? Je ne sais pas qui peut répondre à ma question au sujet des immigrants investisseurs.

[Traduction]

M. Somogyvari : Merci de la question.

Dans le système Entrée express, il y a les trois programmes fédéraux. Il n’y a pas de programme fédéral pour les investisseurs, ce qui fait que ceux qui demandent la résidence permanente dans le cadre du système Entrée express le font en s’appuyant sur leur capital humain et sur le fait qu’ils correspondent aux besoins du marché du travail. Il n’y a aucun programme dans le système Entrée express pour les immigrants investisseurs. Merci.

[Français]

La sénatrice Mégie : Merci.

[Traduction]

La présidente : Il nous reste du temps. C’est très rare que la présidence ait le luxe de poser autant de questions.

Je crois avoir une question pour Mme Chassé. La Loi sur la gestion des finances publiques prévoit que le prix ne peut excéder les coûts supportés par Sa Majesté du chef du Canada pour la prestation des services aux clients; et pourtant, selon l’information que nous a fournie un témoin qui a recouru à la Loi sur l’accès à l’information, nous avons certains renseignements qui montrent que, dans les faits, le ministère a continuellement fait des profits au cours des cinq dernières années. Avez-vous des commentaires à faire là-dessus?

Mme Chassé : Merci de la question, madame la présidente. Oui, j’aurais des commentaires à faire.

Nous rendons effectivement des comptes sur les coûts et les revenus pour l’ensemble de nos frais dans notre rapport sur les frais, comme je l’ai dit plus tôt. Ce dont vous parlez, ce sont des frais réglementaires. Pour ce qui est du trop-perçu, nous voyons cela dans le contexte des programmes. Nous envisageons tous les frais qui sont facturés à un résident temporaire, ou dans le cadre du programme des travailleurs, par exemple. Dans ce programme, il n’y a pas de trop-perçu présentement dans le programme lui-même. Oui, il y a certains frais pour lesquels le taux de recouvrement des coûts est peut-être plus élevé, mais les autres frais de la même catégorie dépassent habituellement les revenus que nous percevons également. Pour nos frais réglementaires, nous prenons en considération l’ensemble du programme, et cela ne pose pas de problème.

Nous effectuons une surveillance annuelle et prenons des mesures pour examiner nos frais, pour veiller à ce qu’ils restent rentables, c’est-à-dire que nous nous assurons que la responsabilité de payer ces frais incombe à ceux qui doivent les payer, et aussi pour limiter les subventions qui viendraient des Canadiens d’un bout à l’autre du pays. Bien sûr, si les frais ne sont pas suffisamment élevés, cela veut dire que les contribuables vont aussi devoir couvrir une partie des coûts pour ces services du gouvernement.

Dans ce cas précis, c’est la situation par rapport à ces frais.

La présidente : Ce n’est pas exactement ce que notre témoin nous avait dit, mais peut-être que nous pourrions laisser passer.

La sénatrice Moodie : J’aimerais creuser un peu plus, si vous me le permettez, la question de la surveillance. Nous avons entendu plus tôt que la modification de la Loi sur les frais de service proposée ici pourrait entraîner une perte quant à la surveillance parlementaire. On a exprimé clairement des préoccupations au sujet des indicateurs de rendement et de l’incapacité de savoir quelle sera la norme, disons, pour la prestation des services ou quelle forme elle prendrait, et il y aurait une perte d’accès à l’information. Pourriez-vous commenter? J’imagine que cette question serait pour Mme Chassé.

Mme Chassé : Pourriez-vous répéter la question, pour moi? Je ne suis pas sûre de comprendre. Désolée.

La sénatrice Moodie : Je ne sais pas si vous avez entendu les commentaires du témoin précédent, mais on parlait d’une perte de notre capacité de surveiller le rendement de votre ministère et les services qu’il fournit, si les modifications de la Loi sur les frais de service proposées étaient adoptées; nous perdrions effectivement notre capacité de connaître en détail votre rendement et de vous demander des détails sur votre rendement dans divers domaines. Est-ce vrai?

Mme Chassé : Merci de la question.

Conformément aux politiques pangouvernementales du Canada, le ministère publie ses normes de service pour la plupart de ses frais et publie de l’information sur son rendement par rapport à ces frais, annuellement. Vous trouverez cette information sur le site web d’IRCC. Vous trouverez aussi l’information dans notre rapport sur les frais, que notre ministère publie annuellement et qui comprend chacun des frais pour lesquels il existe une norme de service.

La sénatrice Moodie : Merci.

La présidente : Je ne veux pas parler pour la sénatrice Moodie, elle peut le faire elle-même, mais je suis aussi curieuse moi aussi de savoir si la transparence dont vous nous parlez ne s’appliquera pas aux frais qui sont exemptés.

Mme Chassé : Les quatre frais précisément?

La présidente : Oui.

Mme Chassé : Ils ne sont pas assortis d’une norme de service. C’est très difficile d’établir une norme de service pour ces frais et d’avoir une norme de service prévisible pour ces quatre frais spécifiquement. Malgré tout, tous les autres frais qui sont assortis d’une norme de service sont évalués par rapport à cela, et l’information est fournie dans un rapport.

La sénatrice Bovey : On revient donc à la question que j’ai posée plus tôt, madame Chassé, sur les normes de service dans ces quatre cas, ou si je puis dire, les quatre exemptions. Je comprends que vous ne pouvez pas établir en détail ce que seraient les normes, mais je ne peux pas comprendre pourquoi il n’y a pas de lignes directrices ou d’objectifs en matière de normes sur lesquelles le programme pourrait s’enligner.

Mme Chassé : Merci de la question.

C’est similaire aux normes de service, alors on peut les appeler les normes ou les objectifs. C’est très difficile d’établir des normes de service utiles que le ministère pourra respecter, parce qu’elles dépendent énormément de la situation de la personne, disons son casier judiciaire ou ses circonstances. Dans ces cas, et compte tenu des demandes que nous avons reçues par rapport à ces quatre frais, les cas étaient trop différents les uns des autres, et il est difficile d’établir une moyenne pour avoir des normes de service utiles que les clients pourraient consulter pour avoir des services prévisibles.

La sénatrice Bovey : Je comprends. Je veux que vous sachiez que je comprends. Ce que je ne comprends pas — et manifestement, je viens d’un autre secteur professionnel, alors vous devrez m’excuser —, c’est que, dans le secteur sans but lucratif, une réponse comme celle-là nous causerait beaucoup de problèmes, et peut-être même que nous ne pourrions plus donner de reçus d’impôts. Dans le secteur sans but lucratif, il y a toujours eu des buts et des objectifs, puis des normes pour nous aider à atteindre ces objectifs. Je comprends bien pourquoi vous ne pouvez pas faire de prévision, surtout pour ces quatre frais, mais j’ai comme l’impression qu’il y a une règle pour une partie de la société, et une autre règle pour l’autre.

La présidente : Posez-vous une question, sénatrice Bovey?

La sénatrice Bovey : C’est une question. Vous avez dit que les normes et les objectifs étaient la même chose. Je ne crois pas que c’est le cas. Je crois que les normes aident à atteindre les objectifs qui sont fixés. Avez-vous eu des discussions, au sein de votre ministère, sur ce qui serait le plus efficace? Voilà ce que je veux savoir.

Mme Chassé : Je ne suis pas au courant de discussions à ce sujet spécifiquement, alors je ne veux pas me prononcer. Mes collègues pourraient probablement vous fournir plus d’information. Nous pourrions nous engager à cet égard et vous fournir plus d’information sur les diverses raisons pour lesquelles les temps de traitement varient tant d’une demande à une autre.

La sénatrice Bovey : Ce serait utile.

La présidente : Madame Chassé ou monsieur Somogyvari, nous parlons de façon générale, et peut-être que ce serait utile que vous nous donniez un exemple contextuel. Pourquoi est-ce si difficile d’établir ces normes, et pourquoi avez-vous besoin de cette exemption?

Mme Chassé : Je peux vous fournir cette information sans aller dans le détail. Par exemple, lorsqu’il faut prendre une décision sur la réadaptation dans des cas de criminalité ou de grande criminalité, les agents doivent examiner les antécédents criminels du demandeur, qui peut avoir commis ses infractions dans plusieurs pays. Il faut aussi travailler avec nos partenaires du gouvernement du Canada dans le domaine de la sécurité, ainsi qu’avec nos partenaires à l’extérieur du pays, pour obtenir de la documentation et pour prendre la décision. Cela dépend aussi du moment où on reçoit ces documents et de la capacité de tous ces ministères et des autres pays de fournir ces documents; le temps de traitement peut varier énormément, c’est imprévisible.

La présidente : C’était très utile.

Merci à tous de votre participation ici et de nous aider à comprendre ces modifications. Nous vous sommes très reconnaissants de votre aide dans le cadre de notre étude.

Chers collègues, voilà qui met fin aux témoignages pour aujourd’hui. Puisque nous examinons plusieurs sections du projet de loi, cela faciliterait le processus si vous pouviez envoyer vos observations à l’analyste du comité sur cette section du projet de loi en particulier, afin que nous puissions achever nos observations sur chaque partie. Comme vous les savez, nous avons sept sections. Je vous encourage à envoyer vos commentaires dès que possible au greffier, afin que nous puissions les inclure dans le rapport.

Merci, chers collègues. Sur ce, la séance est levée.

(La séance est levée.)

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