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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 25 octobre 2023

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit avec vidéoconférence aujourd’hui, à 16 h 15 (HE), pour étudier le projet de loi C-35, Loi relative à l’apprentissage et à la garde des jeunes enfants au Canada.

La sénatrice Ratna Omidvar (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Honorables sénateurs, mesdames et monsieur les témoins et ceux qui regardent la réunion d’aujourd’hui, c’est avec un profond regret que je vous avise que l’honorable sénateur Ian Shugart est décédé plus tôt aujourd’hui. Nous aurons l’occasion, chers collègues, de lui rendre hommage plus tard, mais pour l’instant, je transmets les plus sincères condoléances du comité à sa femme Linda, à son fils James, à ses filles Robin et Heather et à toute sa famille. Je vous demanderais de vous lever, si vous le pouvez, et de vous joindre à moi pour prendre un instant et lui rendre hommage en silence.

(Les personnes présentes se lèvent pour observer une minute de silence.)

Je vous remercie. Je m’appelle Ratna Omidvar, sénatrice de l’Ontario et présidente de ce comité. J’aimerais commencer par souhaiter la bienvenue aux membres du comité, aux témoins et aux gens qui regardent nos délibérations.

Je souhaite tout spécialement la bienvenue à la sénatrice White, qui participe à notre comité pour la première fois. Avant de poursuivre, j’aimerais que les sénateurs autour de la table se présentent, en commençant par la vice-présidente du comité, la sénatrice Cordy.

La sénatrice Cordy : Je m’appelle Jane Cordy et je suis sénatrice de la Nouvelle-Écosse. Je vous souhaite la bienvenue au comité.

La sénatrice Osler : Gigi Osler, sénatrice du Manitoba.

La sénatrice Moodie : Rosemary Moodie, sénatrice de l’Ontario.

[Français]

Le sénateur Cormier : René Cormier, sénateur du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

La sénatrice Bernard : Wanda Thomas Bernard, sénatrice de la Nouvelle-Écosse.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Bonjour; Chantal Petitclerc, sénatrice du Québec.

[Traduction]

La sénatrice White : Judy White, sénatrice de Terre-Neuve-et-Labrador.

[Français]

La sénatrice Mégie : Marie-Françoise Mégie, sénatrice du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Dasko : Donna Dasko, sénatrice de l’Ontario.

La présidente : Aujourd’hui, nous poursuivons notre étude du projet de loi C-35, Loi relative à l’apprentissage et à la garde des jeunes enfants au Canada. Nous accueillons pour notre premier groupe de témoins, en personne, Julie Bisnath, directrice générale du Réseau des intervenantes en service de garde à domicile; Peter Jon Mitchell, directeur de programme de Cardus; et par vidéoconférence, Krystal Churcher, présidente de l’Association des entrepreneurs en services de garde d’enfants de l’Alberta.

Je rappelle aux témoins qu’ils ont chacun cinq minutes pour présenter leur exposé. Les sénateurs vous poseront ensuite des questions.

Julie Bisnath, directrice générale, Réseau des intervenantes en service de garde à domicile : Bonjour et merci à vous tous, madame la présidente, mesdames et messieurs, pour cette occasion qui m’est offerte de témoigner. Le Réseau des intervenantes en service de garde à domicile s’engage à veiller au bien-être et à la sécurité de tous les enfants. Nous sommes une organisation sans but lucratif qui a pour mission de fournir des renseignements, de la formation, des ressources et du soutien à ceux et celles qui gardent des enfants à domicile. Pour nous, la garde d’enfants peut être assurée par les parents, les grands‑parents, des amis ou de la parenté, des gardiennes à domicile, des éducatrices qui travaillent dans un centre ou d’autres fournisseurs de services de garde à domicile, qu’ils détiennent un permis ou non, les deux situations étant légales.

Au sein de notre réseau, nous sommes ravis que le gouvernement ait présenté une stratégie nationale en matière de garde d’enfants, mais nous estimons que le Plan d’apprentissage et de garde des jeunes enfants pancanadien est loin d’être aussi inclusif qu’il pourrait l’être. Comme ceux qui sont du même avis que nous, nous réclamons un accès équitable pour tous, des services de garde de qualité et le libre choix des parents. Pour satisfaire à la demande actuelle, qui est en croissance, les familles canadiennes ont besoin que toutes les formes de garde d’enfants soient accessibles et abordables. Le fait de limiter le choix parental à un seul type de garde d’enfants entre en conflit avec la notion de plan universel et entrave l’accès aux services.

Les données de Statistique Canada montrent que les familles canadiennes comptent sur diverses formes de services pour répondre à leurs besoins de garde d’enfants. Pour améliorer l’accès, le plan doit comprendre la garde d’enfants à domicile, avec ou sans permis, qui est une composante précieuse de l’éventail de services de garde. Non seulement la garde à domicile contribue à l’expansion du réseau, car il est plus rapide et moins coûteux d’ouvrir un service de garde en milieu familial, mais elle répond aux besoins uniques des familles canadiennes en leur permettant de choisir une éducatrice qui a des valeurs semblables aux leurs, qui parle la même langue ou qui a la même culture.

En partenariat avec l’éducatrice de leur enfant, les parents nouent un lien fort et une relation de confiance axée sur les besoins de leur enfant. Nous savons qu’il est essentiel que la famille soit mobilisée pour assurer le bon développement de chaque enfant. Nous savons aussi que l’apprentissage se fait dans le contexte des relations.

La garde d’enfants à domicile offre aux familles des heures flexibles qui vont au-delà du modèle habituel de 9 heures à 17 heures, ainsi qu’une stabilité avec l’éducatrice principale, une qualité que les grands services de garde ne peuvent pas offrir. Ces environnements, qui comptent peu d’enfants, sont authentiques et chaleureux, et on en trouve partout au Canada, dans les milieux urbains comme les milieux ruraux.

Il est essentiel de placer les services de garde à domicile au cœur des ententes pancanadiennes sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants si nous voulons améliorer l’accès à différents modèles de garde d’enfants. Cela aiderait par ailleurs les femmes entrepreneures, dont bien des nouvelles arrivantes au Canada. Ces services à domicile mettent en valeur les expériences et les qualités uniques de ces intervenantes, dont beaucoup sont des éducatrices de la petite enfance. Elles fournissent des services essentiels à leur collectivité et enrichissent la vie des jeunes enfants.

Étant donné que moins de 25 % des enfants ont accès à des services de garde reconnus, les ententes conclues en vertu du cadre multilatéral excluent plus de 75 % des enfants et des familles en Ontario. Ces familles choisissent un service de garde non titulaire de permis ou une gardienne à la maison, elles s’entendent de manière informelle avec une amie ou un membre de la parenté ou choisissent de rester au foyer pour s’occuper de leurs propres enfants. Nous croyons que les parents sont compétents et qu’ils sont aptes à faire leurs propres choix de garde pour bien répondre aux besoins de leur enfant et de leur famille.

Le gouvernement pourrait collaborer de diverses façons avec l’ensemble des services de garde d’enfants, mais en privilégiant une forme de garde en particulier, les ententes pancanadiennes sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants créent un accès inéquitable et limitent les choix des parents. Ces derniers continuent de choisir diverses formes de garde d’enfants, dont les services de garde en milieu familial, qu’ils soient titulaires d’un permis ou non. Certains choisissent plutôt de rester à la maison durant les premières années de l’enfant. Ils ont besoin de savoir que le gouvernement a à cœur leurs enfants et respectent leur choix. Les politiques, le soutien et le financement pour la garde d’enfants doivent être inclusifs et respectueux de tous les choix.

Même dans le système des services de garde agréés de l’Ontario, les fournisseurs de services de garde à domicile sont incapables d’obtenir leur propre permis. Si le gouvernement permettait l’octroi direct d’un permis à ces services, cela aurait une incidence immédiate sur les places disponibles et améliorerait l’accès aux services pour les familles. Il importe d’être équitable, car les familles canadiennes ne jouissent pas toutes du même accès aux ressources et aux privilèges. La capacité de choisir son type de garde et la prise en compte des revenus donneraient lieu à un accès plus inclusif et plus équitable.

Les accords de financement accompagnant les ententes pancanadiennes sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants doivent être flexibles et inclusifs et permettre aux provinces de transférer les fonds directement aux parents. C’est la façon la plus efficace d’atteindre leurs objectifs. La réduction des frais administratifs généraux dégagerait de la marge financière afin de réduire les frais de garde pour toutes les familles, peu importe leur choix de garde d’enfants.

En terminant, j’aimerais citer une mère qui a choisi un service de garde en milieu familial. Elle s’appelle Lisa Walker et est neuropsychologue clinicienne :

On sait qu’un service de garde en milieu familial est de qualité quand on voit que son enfant est avec une éducatrice véritablement soucieuse qui le traite comme son propre enfant et qu’elle s’investit dans le développement sain de l’enfant. C’est évident pour les parents quand l’éducatrice aime son travail et en tire de la fierté. Cet enthousiasme se voit dans son interaction avec l’enfant, les activités qu’elle planifie et le milieu qu’elle cultive. Un service de garde de qualité donne une paix d’esprit aux parents, parce qu’ils savent que non seulement leur enfant est dans un milieu sécuritaire, mais qu’il est estimé. Lorsque j’ai trouvé Brenda, j’ai su que j’avais trouvé quelqu’un d’intègre qui donnerait à mon enfant le genre de soins de qualité que je cherchais.

Je vous remercie de votre temps aujourd’hui.

La présidente : Je vous remercie, madame Bisnath.

Peter Jon Mitchell, directeur de programme, Cardus : Je vous remercie de l’invitation qui m’est offerte de témoigner aujourd’hui et du travail que fait votre comité pour appuyer les familles canadiennes. Je vous offre mes condoléances pour le décès de l’honorable sénateur Shugart.

Cardus est un groupe de réflexion non partisan qui vise à clarifier et à renforcer, par la recherche et le dialogue, les façons dont les gens, les institutions et les gouvernements travaillent ensemble pour le bien commun. Je dirige le programme de la famille de Cardus, par lequel nous nous demandons comment renforcer la stabilité familiale.

Chez Cardus, nous reconnaissons que les familles emploient diverses formes de garde d’enfants pour répondre à leurs besoins et à leurs désirs. La garde d’enfants est souvent coûteuse, qu’elle soit assurée par un centre agréé, une gardienne au domicile de l’enfant ou un parent qui renonce à ses revenus pour s’occuper de son enfant. Cependant, il s’agit toujours de garde d’enfants, peu importe qui s’en occupe.

Nous proposons des politiques respectueuses de la prise de décisions par les parents entre les différents types de garde. Le projet de loi C-35 prévoit du financement pour certaines formes de services seulement. Par conséquent, bien des familles n’en bénéficieront pas. D’après certaines estimations, il n’y a de services de garde agréés que pour moins de 30 % des enfants, et les données montrent que les familles ayant un statut socioéconomique inférieur sont moins susceptibles d’avoir accès à ce type de garde. Les recherches montrent que les familles qui en auraient le plus besoin y ont moins accès. Il serait plus équitable de venir en aide aux parents directement. Nous pourrions y arriver en donnant aux provinces et aux territoires une plus grande marge de manœuvre dans l’octroi du financement pour bien appuyer toutes les familles.

La stratégie fédérale actuelle pour la garde d’enfants me paraît lacunaire en raison de la direction que prend le projet de loi dans le processus législatif, mais j’aimerais vous faire trois recommandations.

Tout d’abord, il faut reconnaître que c’est des enfants qu’il s’agit dans les services de garde. La meilleure façon pour les décideurs de soutenir le développement des enfants consiste à appuyer les familles qui sont les principaux fournisseurs de soins. Le projet de loi C-35 doit clairement reconnaître le rôle central que jouent les familles dans le développement des enfants. L’alinéa 5e) du projet de loi fait écho à l’article 18 de la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant pour garantir que les enfants de parents qui travaillent ont droit à des services de garde.

Le même article de la convention prescrit aussi que les parents et les tuteurs légaux sont les principaux responsables de l’éducation et du développement de l’enfant et que son intérêt supérieur doit être leur préoccupation fondamentale. Le projet de loi C-35 doit explicitement reconnaître le principe selon lequel les parents et les tuteurs sont les principaux responsables de l’éducation et du développement de l’enfant et qu’ils sont les mieux placés pour prendre les décisions qui concernent leur enfant.

Ensuite, il faut amender l’alinéa 7(1)a) pour refléter la contribution des services de garde privés, qui sont souvent de petites entreprises dirigées par des femmes entrepreneures. Des provinces comme l’Alberta et le Nouveau-Brunswick assument un fardeau supplémentaire le temps de créer de nouvelles places. La majorité des places y sont exploitées par des fournisseurs privés, mais leurs ententes limitent le nombre de places que ces fournisseurs peuvent offrir. Ces restrictions visant les fournisseurs privés désavantagent les provinces comme l’Alberta et le Nouveau-Brunswick.

Enfin, il faut améliorer la reddition de comptes pour favoriser de meilleures politiques et une meilleure imputabilité. Même si nous sommes maintenant dans le troisième exercice sur cinq des ententes pancanadiennes sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants, aucun rapport d’étape fédéral n’a été publié, à ma connaissance. Le peu de données accessibles venant des provinces et des territoires atteste du fait que les premières phases de la mise en œuvre ont été lentes et complexes. Chez Cardus, nous venons de publier nos trois premiers rapports sur le financement provincial lié à la mise en œuvre de la première année du programme fédéral. Ces rapports montrent généralement que la mise en œuvre a été, au mieux, lente.

Pendant la première année, la Colombie-Britannique n’a dépensé que 11 % de son allocation, ratant ainsi bon nombre de ses cibles en matière d’inclusion. La province signale qu’il est peu probable qu’elle atteigne ses futurs objectifs en matière d’inclusion en raison de difficultés dans le secteur. Au cours de la première année, la Saskatchewan a dépassé son budget pour la création de places, mais elle n’a atteint que 37 % de son objectif. La semaine dernière, la province a indiqué qu’elle avait créé environ 5 700 places durant les deux premières années du programme. Elle devra créer 22 000 places supplémentaires au cours des trois prochaines années pour respecter son engagement quinquennal.

Bien que l’article 16 du projet de loi au sujet du rapport préparé par la ministre ait été grandement amélioré depuis la première lecture à la Chambre des communes, il importe de le rendre plus précis pour assurer la reddition de comptes. L’article 16 devrait être modifié pour inclure les dépenses détaillées et les résultats propres à chaque province. La ministre devrait rendre publics les états financiers vérifiés et publier un rapport sur les progrès réalisés envers l’atteinte des cibles précises définies dans les plans d’action des provinces et des territoires.

Lorsque les accords arriveront à échéance au cours des prochaines années, les représentants des provinces et des territoires retourneront à la table de négociation avec le gouvernement fédéral. Il est important que les Canadiens disposent d’un portrait juste de la mise en œuvre du programme afin d’en évaluer la réussite.

Je vous remercie de votre attention. C’est avec plaisir que je répondrai à vos questions.

La présidente : Merci, monsieur Mitchell.

Krystal Churcher, présidente, Association des entrepreneurs en services de garde d’enfants de l’Alberta : Merci. Je m’appelle Krystal Churcher et je suis fière d’être la présidente de l’Association des entrepreneurs en services de garde d’enfants de l’Alberta, une association qui représente les exploitants de garderies agréées en milieu familial à but lucratif et sans but lucratif.

C’est pour moi un privilège, en tant que mère, propriétaire de garderie et Canadienne, d’avoir l’occasion de donner mon avis sur le projet de loi C-35. Notre association n’appuie pas le projet de loi C-35. Nous ne pouvons tout simplement pas soutenir un projet de loi qui exclut les garderies à but lucratif qui, en Alberta, représentent la plus grande part du secteur des services de garde. Les exploitants de garderies à but lucratif sont en majorité des femmes et des immigrants qui ont pris des risques et qui ont fait beaucoup de sacrifices pour offrir des services de garde agréés et réglementés.

Dans sa forme actuelle, ce projet de loi est discriminatoire envers ces Canadiens en les excluant sciemment. En général — maintenant que j’ai exprimé mon opposition au projet de loi —, notre association est d’accord avec d’autres témoins qui ont dit que le financement prévu par le gouvernement fédéral devrait être prévisible, durable et suffisant, en plus de refléter le coût réel des services de garde d’enfants, et tenir compte des augmentations dues à l’inflation. Nous sommes également d’accord sur le fait que le financement prévu dans le cadre du système d’apprentissage et de garde des jeunes enfants ne devrait être offert qu’à ceux qui fournissent des services de garde réglementés et agréés.

Nous appuyons les recommandations selon lesquelles une étude devrait être lancée afin d’examiner les progrès réalisés depuis la signature des accords avec les provinces. Nous aimerions que les difficultés imprévues découlant de ce programme soient mises en évidence par un examen fondé sur des données probantes.

Nous savons que les travailleurs dans le secteur des services de garde d’enfants traversent une crise. Pour régler cette situation, le gouvernement fédéral doit appuyer la reconnaissance professionnelle des éducateurs de la petite enfance, ou EPE. Pour atteindre nos objectifs en matière d’accessibilité, nous avons besoin de main-d’œuvre. Nous pensons donc que le projet de loi serait amélioré s’il incluait un engagement d’investissement envers une stratégie nationale en matière de main-d’œuvre.

J’aimerais également parler du choix de service de garde d’enfants. Je serais bien curieuse de savoir combien de membres de ce comité ont choisi une garderie privée ou une école privée pour leurs enfants. Lorsque vous avez fait ce choix, l’avez-vous fait uniquement en fonction du modèle d’affaires de la garderie, ou avez-vous pris en compte d’autres facteurs, tels que l’emplacement, l’horaire, la formation du personnel ou la qualité du programme?

Notre association croit fermement qu’il incombe aux parents de prendre les décisions relatives à la garde de leurs enfants. L’élimination des garderies à but lucratif pénalise les fournisseurs de services de garde en fonction de leur modèle d’affaires, ce qui réduit les choix offerts aux familles et entrave les promesses faites quant à la qualité, la souplesse et l’accessibilité des services. Nous recommandons que le libellé de l’article 7 englobe tous les types de garderies agréées, y compris les garderies à but lucratif, sans but lucratif, les garderies publiques et celles en milieu familial.

Il s’agit d’établir un équilibre. Bien que nous nous réjouissions du financement du gouvernement fédéral pour rendre les services de garde plus abordables pour les parents, nous devons rappeler que les garderies à but lucratif représentent 70 % du secteur des services de garde en Alberta, et qu’il est donc essentiel que notre province puisse continuer à suivre sa propre voie. Nous devons reconnaître que selon la Constitution, les services de garde relèvent des provinces.

Nous reconnaissons que ce projet de loi sera probablement adopté sans amendements. Nous croyons toutefois qu’il y aura toujours une demande pour des services de garde privés et que cette vaste approche idéologique ne fonctionnera pas de sitôt en Alberta. Il suffit de regarder ce qui se passe au Québec pour constater qu’il y aura toujours une demande pour des places en garderies à but lucratif.

L’avenir de notre système de garde d’enfants dépend de la qualité des services. Le secteur des services de garde est un secteur rigoureusement réglementé où la qualité est protégée par des règles d’octroi de permis que tous les fournisseurs doivent respecter, quel que soit le modèle d’affaires. Il incombe au gouvernement de veiller à ce que la réglementation soit respectée. Lors des deux dernières réunions, beaucoup de témoins ont dit que la main-d’œuvre est au cœur de la qualité. Les experts en recherche ont indiqué qu’en ce moment, la qualité pâtit en raison des conditions de travail, de la formation insuffisante, des salaires trop bas et de l’absence totale d’une reconnaissance professionnelle dans le secteur de l’éducation de la petite enfance.

Je suis donc assez déconcertée lorsque j’entends dire que mon centre doit assurément offrir un service de piètre qualité simplement parce qu’il s’agit d’une garderie à but lucratif. Mes employés sont les mieux payés de la région. Ils bénéficient de régimes d’avantages sociaux collectifs, organisés par notre association. Nous réinjectons des fonds dans notre programme de sorte que nous jouissons de niveaux de dotation quotidiens nettement supérieurs aux niveaux exigés.

Ce n’est pas le modèle d’affaires qui définit la qualité d’un programme. Une réglementation efficace est essentielle pour maintenir des services de garde d’enfants de grande qualité, quel que soit le modèle d’affaires. Des signes nous montrent que la qualité est insuffisante, alors comment se fait-il que nous ne nous attaquions pas au manque de réglementation qui en serait la cause?

Que vous soyez favorable ou non à un système de garde d’enfants mixte, nous devons reconnaître que ce système existe partout au pays. J’ai entendu de beaux discours sur le fait qu’il faut protéger les services de garde d’enfants contre les mégagarderies à but lucratif, mais les exploitants de garderies privées ne gèrent pas que des mégagarderies. Des femmes entrepreneures, comme moi, qui sont des éducatrices, et souvent des mères, ont comblé un besoin dans leur collectivité. En excluant les services de garde à but lucratif, des petites garderies comme celle que j’exploite seront contraintes de faire faillite et disparaîtront.

Je sais que cette tribune est la dernière occasion qui m’est donnée pour recommander que tous les services de garde agréés soient représentés de façon égale. J’espère que l’on tiendra compte des importants investissements réalisés par les exploitants de garderies comme moi dans le secteur. J’espère que le choix parental restera au cœur du système à mesure que ce programme évoluera. Je vous remercie de votre attention.

La présidente : Merci beaucoup de votre déclaration liminaire, madame Churcher. Je remercie également nos deux autres témoins.

Avant de passer aux questions de mes collègues, permettez‑moi de poser une brève question à M. Mitchell. D’après le témoignage de Mme Churcher, il est clair que son centre offre des salaires plus élevés et de meilleurs avantages sociaux.

Seriez-vous en mesure de comparer les salaires offerts dans une garderie à but lucratif à ceux offerts dans une garderie publique sans but lucratif?

M. Mitchell : Je ne crois pas être en mesure de fournir une comparaison entre les deux. Des recherches ont déjà été menées à ce sujet. On a cerné quelques problèmes. Par exemple, les services offerts par les garderies à but lucratif seraient peut-être de moins bonne qualité que ceux offerts par les garderies sans but lucratif. Il est toutefois difficile de comprendre l’ampleur des différences à la lecture de ces recherches. Ces études portent principalement sur la main-d’œuvre. Bon nombre d’études portent aussi sur le problème de la qualité. Les problèmes n’ont pas seulement trait à la main-d’œuvre. Cependant, je ne pourrais pas établir de comparaison entre les différentes provinces.

La présidente : Merci. Nous pourrons peut-être trouver ces renseignements ailleurs. Nous allons commencer notre première série de questions avec la vice-présidente du comité, la sénatrice Cordy. Vous disposerez de quatre minutes, comme tout le monde.

La sénatrice Cordy : Je vous remercie. C’est juste, n’est-ce pas?

Madame Bisnath, vous avez dit que les choix en matière de garde d’enfants devraient être inclusifs, et qu’il devrait y avoir une option d’octroi direct de permis. Vous avez aussi dit que les parents devraient avoir accès aux services de garde en milieu familial et devraient pouvoir garder les enfants dans leur propre maison. Je n’ai pas très bien compris comment vous définissiez cela ou ce que cela voulait dire.

Mme Bisnath : Désolée, vous voulez savoir ce qu’est une garderie en milieu familial, plus précisément?

La sénatrice Cordy : Lorsque vous avez dit que les parents devraient avoir accès aux garderies en milieu familial ou devraient pouvoir garder les enfants à la maison dans le cadre du plan proposé par le gouvernement, je n’ai pas très bien compris ce que vous vouliez dire.

Mme Bisnath : Bien sûr. La garde d’enfants à la maison s’entend de familles qui vont embaucher une nounou qui habitera chez elles ou qui viendra à la maison pour s’occuper des enfants du lundi au vendredi. Une garderie en milieu familial s’entend d’une garderie indépendante exploitée par une femme, dans sa maison. Les enfants se rendent chez elle et y sont gardés selon un horaire fixe.

Selon le modèle, vous pouvez avoir une garderie en milieu familial qui est titulaire d’un permis, qui est agréée par l’intermédiaire d’une agence en Ontario, ou une garderie sans permis, qui est indépendante et non affiliée à une agence.

La situation n’est pas tout à fait la même d’une province à l’autre. En Ontario, les fournisseurs de services de garde en milieu familial ne peuvent pas obtenir leur propre permis. Si l’exploitant d’une garderie en milieu familial veut être affilié au système agréé, il doit se placer sous l’égide d’une agence agréée. Il ne peut obtenir son propre permis.

La sénatrice Cordy : C’est ce que j’avais compris. Pour ce qui est d’une nounou qui serait embauchée par une famille, vous attendriez-vous à ce que tous les frais soient couverts par ce programme de garderies?

Mme Bisnath : Selon nous, la façon la plus équitable de procéder serait de donner l’argent directement aux parents. Ils pourraient ensuite choisir le service de garde qui leur convient. C’est ce que nous défendons. Donc, oui, l’argent pourrait être utilisé pour embaucher une nounou ou pour envoyer son enfant dans une garderie en milieu familial, dans une garderie non résidentielle, ou peut-être chez grand-maman ou grand-papa. Une autre possibilité serait de donner cet argent aux parents qui restent à la maison, pour pallier la perte de revenus.

La sénatrice Cordy : Il ne s’agirait pas nécessairement de couvrir tous les frais. Il s’agirait simplement de leur donner le montant qu’ils recevraient s’ils envoyaient leur enfant à la garderie.

Mme Bisnath : Oui, pour payer les services de garde d’enfants.

La sénatrice Cordy : Oui, à cette fin. Merci.

Monsieur Mitchell, vous avez parlé des défis que représente la création de nouvelles places en garderie et vous nous avez donné des statistiques. D’après ce que nous avons entendu, cette tâche n’est pas facile non plus pour les autres provinces. La Saskatchewan n’est donc pas toute seule dans cette situation.

Quels sont les obstacles? On nous en a fait part. Les gens ont parlé de différentes difficultés, mais je me demande si vous pourriez nous donner une liste concise de freins à la création de nouvelles places, autres que la dotation en personnel et l’épuisement professionnel. Vous avez évoqué le salaire de ceux qui offrent des services à domicile, et ce genre de choses. Quoi d’autre?

M. Mitchell : Évidemment, il y a une pénurie d’éducateurs de la petite enfance. Il existe des pénuries de main-d’œuvre dans de nombreux secteurs, et pas seulement dans le nôtre, bien sûr, mais c’est certainement un défi.

Il n’est tout simplement pas facile de créer ces places rapidement. Il est beaucoup plus facile de réduire les coûts. Les provinces ont réduit les coûts, et certaines d’entre elles l’ont même fait avant la date prévue. La création de places prend du temps et c’est un véritable défi, en particulier dans le contexte économique actuel. La prestation des services de garde coûte plus cher.

Il s’est aussi avéré difficile de débloquer des fonds, surtout au cours de la première année, une fois les accords conclus. Il n’a pas été facile d’obtenir l’argent par le biais des différents mécanismes de financement. La demande de subventions et leur administration constituent un véritable fardeau administratif pour les fournisseurs de services. Dans certaines provinces, nous avons constaté que le simple fait d’essayer de gérer l’afflux soudain d’argent et de le distribuer était tout un défi.

La sénatrice Osler : Je remercie tous les témoins de leur présence aujourd’hui. Ma première question s’adresse à Mme Churcher. Votre association a présenté un mémoire au Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées, ou HUMA, à l’autre endroit. Dans ce mémoire, vous affirmez que les exploitants de garderies à but lucratif sont confrontés à trop d’obstacles dans le cadre du programme pancanadien d’apprentissage et de garde des jeunes enfants, ou AGJE. Vous dites que le gouvernement fédéral devrait modifier le plan pour que plus d’argent soit envoyé directement aux parents, ce qui leur permettrait de choisir une garderie. Il faudrait aussi apporter d’autres modifications pour qu’il n’y ait pas de limite quant au nombre de places en garderies à but lucratif qui pourraient être créées. Pourriez-vous nous parler davantage de ces recommandations et nous expliquer comment elles pourraient profiter à tous, en particulier aux enfants issus de groupes systématiquement marginalisés, dont les enfants handicapés ou les enfants issus de communautés linguistiques en situation minoritaire?

Mme Churcher : Je vous remercie de votre question. Nous avons toujours plaidé en faveur d’un financement qui serait envoyé aux parents pour qu’ils puissent faire un choix adapté à leurs valeurs familiales et aux besoins de leurs enfants. Je pense que l’accès à des fonds, comme on l’a déjà évoqué en comité aujourd’hui, permettrait aux parents de toutes les provinces de choisir le type de service qu’ils préfèrent, peu importe le modèle d’affaires ou l’accès limité aux programmes dans certains centres. Je sais que les garderies privées proposent de nombreuses initiatives novatrices. Bon nombre d’investissements sont effectués dans des programmes spécialisés. Il y a, par exemple, des programmes d’enseignement de l’espagnol langue seconde et des programmes préscolaires d’immersion française. Il existe toute sorte de programmes spécialisés. Notre programme se concentre sur le développement social et émotionnel. Un accès direct aux fonds permettrait aux familles de choisir des programmes qui correspondent à leurs croyances, à leurs valeurs et aux besoins de leurs enfants. L’accès aux fonds permettrait aux familles issues de groupes marginalisés et aux familles qui souhaitent inscrire leurs enfants à un programme de perfectionnement linguistique de choisir des programmes en fonction de leurs besoins et de leurs attentes, plutôt que d’essayer de trouver une place dans un programme simplement pour avoir accès aux fonds. Selon moi, l’Alberta est à l’avant‑garde en matière de croissance. Notre province vient d’annoncer que les exploitants de garderies privées et à but lucratif auront accès aux subventions pour la création de places, ce qui est une victoire importante pour le secteur privé et pour les familles de notre province. J’espère que d’autres provinces s’inspireront de l’Alberta pour envisager comment elles peuvent inclure et soutenir tous les types de services de garde d’enfants.

Chaque fois que vous freinez le libre marché dans un secteur, comme vous le faites avec les services de garde en soutenant seulement certains types d’organismes, vous limitez les choix et les options et vous poussez des entreprises comme la mienne à la faillite. Le secteur des services de garde est traditionnellement féminin. En Alberta, la plupart de nos membres sont des immigrantes et des Néo-Canadiennes qui ont ouvert un centre pour répondre à un besoin dans leur communauté. Elles possèdent les compétences nécessaires pour aider les enfants et les familles issus de leur communauté et elles font des investissements pour y arriver. Malheureusement, le programme leur vole ces investissements et leur entreprise perd de sa valeur.

Nous devons revenir à l’objet initial de ce programme qui est de répondre aux besoins des enfants et des familles et de fournir des services de garde abordables, accessibles et inclusifs. Le programme n’est pas conçu pour les organismes à but non lucratif, mais bien pour les services de garde. Il tient compte du droit des parents d’avoir accès au type de service qui répond aux besoins de leur famille. Pour cette raison, je pense qu’il faut en rétablir la portée initiale. Les personnes qui ouvrent des centres en se conformant aux règlements sur la santé, la sécurité et les permis devraient avoir accès à ces programmes faits pour les familles.

[Français]

Le sénateur Cormier : Vous fournissez de l’information, de la formation et des ressources aux exploitants des garderies familiales accréditées et non accréditées. Pouvez-vous nous expliquer la différence de besoins entre les garderies en milieu familial accréditées et les garderies non accréditées? Quelles sont les différences en ce qui a trait aux besoins des deux catégories de garderies?

[Traduction]

Mme Bisnath : Merci. Je vais répondre en anglais si vous le permettez. Si j’ai bien compris, la question porte sur la différence entre les besoins des garderies en milieu familial qui sont agréées et les besoins de celles qui ne le sont pas. Nous sommes basés en Ontario et nous connaissons bien le système de cette province. Ici, les fournisseurs de services de garde en milieu familial supervisés par une agence agréée bénéficient souvent d’un plus grand accès à la formation et aux ressources. Les agences offrent en majeure partie ces avantages.

Les fournisseurs de services de garde en milieu familial ont également des occasions de réseauter ou d’obtenir du soutien de la part des personnes qui viennent faire des contrôles chez elles. Les éducatrices qui travaillent de façon autonome, ce qui est légal — le permis n’est pas obligatoire —, doivent respecter les règlements pris en vertu de la Loi relative à l’apprentissage et à la garde des jeunes enfants au Canada, mais comme elles sont isolées, elles n’ont pas le même accès aux informations sur la formation, les ressources et les aides. Nous essayons de répondre à ce besoin en offrant du soutien aux fournisseurs de services de garde agréés ou non, aux parents et aux grands-parents.

[Français]

Le sénateur Cormier : Pourquoi ne sont-ils pas accrédités? Pourquoi décident-ils de ne pas être accrédités, puisqu’ils auraient accès aux services et aux avantages dont vous venez de parler?

[Traduction]

Mme Bisnath : Récemment, nous avons mené un sondage où nous demandions aux propriétaires de garderies pourquoi elles ne veulent pas être agréées. La majorité d’entre elles veulent être propriétaires d’entreprise. Ce sont des entrepreneuses. Ce sont des esprits indépendants qui sentent que les inconvénients tels que la supervision et le fardeau administratif supplémentaire imposés par les agences sont plus importants que les avantages que ces mêmes agences leur procureraient. Le plus grand désavantage est le tarif journalier. L’écart de salaire est considérable. Les garderies supervisées par une agence ne font pas les mêmes salaires que les garderies privées. Il faut donner à ces dernières plus d’options. L’octroi de permis directement aux garderies élargirait grandement les possibilités des fournisseurs de services de garde en milieu familial en leur permettant d’être agréés sans se voir imposer la supervision par une agence. Nous savons que les fournisseurs indépendants, qui sont fiers d’offrir des services de garde de grande qualité, veulent être reconnus à leur juste valeur...

[Français]

Le sénateur Cormier : J’apprécie énormément le rôle que jouent les femmes dans les garderies à but lucratif, dans les petites entreprises. On a entendu dans un précédent panel que des services publics à but non lucratif permettent de mieux desservir les minorités socioéconomiques, ethniques et linguistiques.

Je reprends la question de la sénatrice Osler. Les services de garde offerts à ces populations sont généralement plus complexes et coûteux parce qu’ils doivent tenir compte de la question des considérations socioéconomiques, ethniques et linguistiques. Que pouvez-vous nous donner comme information? Est-ce qu’effectivement, c’est plus coûteux?

[Traduction]

La présidente : Sénateur Cormier, je vous demanderais de retenir votre question. Nous y reviendrons probablement à la deuxième série de questions.

[Français]

La sénatrice Mégie : Ma question s’adresse à Mme Churcher.

Si je comprends bien, ce que vous avez dit est que ce serait bien que le gouvernement puisse étendre son financement à chacune des familles qui voudrait ouvrir une garderie chez elle.

Cependant, je ne vois pas la limite. Qui aurait le contrôle sur toutes ces familles si beaucoup de mères décidaient de dire : « si je peux avoir la subvention du gouvernement, je préfère garder mon enfant chez moi »? Qu’en est-il de la socialisation de ces enfants? Est-ce bénéfique pour tous les enfants d’être gardés à la maison, sachant qu’il y a un ou deux enfants par famille? Je voudrais vous entendre là-dessus.

[Traduction]

Mme Churcher : Merci de votre question. Je vais encore une fois répondre en anglais. À mon avis, ces fonds ne devraient pas être versés à des fournisseurs de services de garde qui ne sont ni agréés ni réglementés. Notre association soutient la réglementation, l’octroi de permis et les normes de santé et sécurité dans le secteur des services de garde. Nous soutenons les fournisseurs de services de garde en milieu familial agréés, y compris les mères, les pères et toute personne qui offre des services de garde en résidence privée. Ces petits services de garde agréés ou réglementés comptent au plus six enfants en Alberta. Nous soutenons cette catégorie de garderie.

Notre association ne soutient pas les services de garde non réglementés. Il est très important de faire socialiser les enfants. Le centre que j’ai mis sur pied est axé sur les besoins sociaux et émotionnels des enfants et tient compte de l’évolution de ces besoins. Je dis oui à l’exposition des enfants à une forme ou à une autre de socialisation, mais j’estime que ce sont les parents qui devraient décider quelle formule convient le mieux à leur enfant et à leur famille. J’espère que j’ai répondu à votre question.

[Français]

La sénatrice Mégie : Ma seconde question est majeure : est‑ce que vous demandez au gouvernement de prendre les fonds publics et de subventionner des garderies privées? Est-ce votre intention en proposant cela?

[Traduction]

Mme Churcher : Je propose que les fonds publics soient versés aux familles. Après tout, ce sont des fonds publics. Ces programmes sont créés pour soutenir les familles, et non pas pour les exclure. Voilà pourquoi je pense que le financement devrait toujours aller aux parents et que les choix devraient revenir aux parents.

Selon moi, le versement de fonds publics aux centres de la petite enfance privés constitue un investissement stratégique dans la future main-d’œuvre et le mieux-être social de la population. Il est difficile de savoir où vont les fonds de ce programme déroutant, mais en Alberta — je peux seulement parler de l’Alberta —, dans le cadre de ce programme, les centres privés sont des agents fiscaux qui ne sont pas rémunérés par le gouvernement. Ce sont nos centres à but non lucratif et privés qui reçoivent le financement, qui est par la suite transféré aux familles. Aucun financement n’est versé aux centres privés en Alberta, sauf à un nombre limité de places destinées aux familles en vertu d’un droit acquis obtenu au début de la mise en œuvre du programme.

Le nouveau programme de subventions des services de garde privés en Alberta vise les territoires où les besoins et la demande sont élevés. De toute évidence, l’application à toute la province du modèle à but non lucratif afin de soutenir les régions rurales éloignées où les besoins sont élevés n’est pas concluante jusqu’à présent. Le modèle a été étendu aux fournisseurs de services de garde privés dans l’espoir de donner un certain niveau de services aux communautés qui en ont désespérément besoin. Je ne vois pas vraiment cela comme du financement versé aux entreprises privées, mais plutôt comme un investissement dans les communautés et les familles.

[Français]

La sénatrice Mégie : Merci.

[Traduction]

La présidente : Madame Churcher, j’aimerais obtenir des clarifications sur l’accord conclu avec l’Alberta. Le document que j’ai devant moi indique que le financement fédéral permettra de créer 42 500 places exclusivement dans les services de garde agréés — privés, à but non lucratif, publics — de même que dans les services de garde en milieu familial. Le financement fédéral permettrait également de créer des places pour les enfants jusqu’à l’âge de la maternelle pour soutenir la prestation de services de garde agréés par des fournisseurs à but non lucratif.

On dirait que cet accord a été conclu entre l’Alberta et le Canada pour proposer et développer un plan d’expansion pour les fournisseurs à but lucratif, y compris un cadre de contrôle des coûts. Voyez-vous les choses de cette façon?

Mme Churcher : Il y a deux semaines, le 10 octobre, une annonce a été faite en Alberta selon laquelle les fonds visant à créer des places en garderie seraient étendus aux services de garde privés. Le gouvernement provincial a accepté d’octroyer 28 millions de dollars pour créer des places dans les services de garde privés. Le plan renferme les mêmes catégories et lignes directrices que le programme de création de places à but non lucratif, qui est établi depuis un certain temps dans la province. Les exploitants de services de garde peuvent désormais faire une demande dans le cadre du programme. S’ils répondent au critère lié à la création de places dans les communautés marginalisées qui ne comptent pas de services de garde et dont les besoins sont élevés en la matière, ils recevront les fonds.

La présidente : Merci d’avoir apporté cette précision.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Je vais poursuivre avec une question pour vous, madame Bisnath, et si j’ai le temps pour Mme Churcher aussi. Je voudrais avoir un certain éclaircissement. Je ne suis pas certaine de comprendre. Je suis assez d’accord avec vous pour dire que les parents ont un certain choix quant aux soins qu’ils veulent offrir à leurs enfants. On est certainement d’accord pour dire que les besoins sont différents selon les enfants. On se comprend là-dessus.

Comment garantit-on une certaine uniformité en matière de qualité des soins et de niveau d’expertise et d’éducation du personnel qui va s’occuper de ces enfants? Est-ce qu’à travers la multitude de modèles que vous nous avez présentée, surtout quand on parle d’unlicenced childcare, on est capable de garantir que tous les enfants auront accès à la même qualité de services?

[Traduction]

Mme Bisnath : Merci de poser cette question très importante. Nous ne pouvons pas garantir la qualité des services de chaque centre de la petite enfance et de chaque exploitant de garderie. Il en est de même dans toutes les professions. Vous trouverez immanquablement de bons et de mauvais éléments dans tous les groupes professionnels, que ce soit les médecins, les enseignants ou les policiers. C’est impossible de garantir la qualité.

Nous sommes fermement convaincus que les parents possèdent les capacités et les compétences nécessaires pour faire les meilleurs choix pour leurs enfants et pour demander des comptes aux fournisseurs de services de garde. Ce contrôle s’exerce grâce aux relations qui se développent lorsque les parents déposent leurs enfants à la garderie ou qu’ils vont les chercher. C’est le devoir de diligence des parents de déterminer ce qu’ils recherchent dans un service de garde et de comprendre ce que le service leur fournit.

Il y a évidemment des normes minimales et des attentes générales, mais à nos yeux, les composantes de la qualité vont bien au-delà de cela et ne sont pas forcément des règles écrites. La qualité des services englobe la relation et la confiance que le personnel du service de garde instaure avec les enfants et la famille.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Merci. Je comprends ce que vous me dites. Si je regarde l’expérience du Québec, par exemple, qui est ma province, ce qu’on lit comme rapports, majoritairement — et c’est le cas de presque tous les rapports qu’on lit — nous disent qu’au fond, dans les centres de la petite enfance, où on a un certain contrôle sur le niveau d’éducation et sur la programmation des services, on trouve une certaine uniformité de services qui est dans l’intérêt de l’enfant, surtout des enfants qui parfois viennent de milieux défavorisés.

Ne devrait-on pas avoir comme objectif, au moins, de viser un certain niveau de qualité qu’on est capable de contrôler, qu’on est capable de surveiller un tout petit peu? Cela me semble très difficile dans un milieu où il n’y a pas de licence.

[Traduction]

Mme Bisnath : Oui.

La présidente : Je vais revenir à vous lors de la deuxième série de questions. Je vous demanderais de retenir cette question, car nous allons en reparler plus tard.

La sénatrice Dasko : Merci aux témoins. Ma première question s’adresse à Mme Bisnath.

Vous avez dit que des éducatrices autonomes pourraient être agréées. Le programme renferme un modèle de services de garde agréés qui garantit certaines normes. La raison d’être des certifications n’est pas d’assurer une homogénéité absolue, mais plutôt d’instaurer des normes communes assorties de règles. Seriez-vous en faveur d’un modèle qui permettrait à des éducatrices autonomes de s’autoagréer?

Puisque vous êtes en Ontario, ce qui est mon cas également, je vais vous demander si vous en avez discuté avec le gouvernement provincial.

Les gouvernements provinciaux sont des partenaires clés dans ce dossier. Avez-vous abordé la question avec des représentants du gouvernement, et qu’avaient-ils à dire sur vos propositions?

Mme Bisnath : Avant le lancement du plan national, nous réclamions déjà depuis longtemps au niveau provincial un registre, un système d’accréditation ainsi que la délivrance de permis directement aux fournisseurs, ou une combinaison de tous ces programmes. Il y a certains liens à faire avec votre question, sénatrice.

J’enlèverais la strate de supervision intermédiaire exercée par cet organisme pour que les fournisseurs de services de garde demandent directement leur certification auprès du gouvernement et qu’ils soient assujettis au même ensemble de normes et au même niveau d’exigences, mais en conservant leur indépendance et le contrôle de leur entreprise. Rappelons-nous que ces personnes sont fières de leur statut d’entrepreneuses.

Nous avons soumis maintes fois ces options au ministre de l’Éducation de l’Ontario. La dernière discussion ou le dernier engagement est consigné dans le rapport Renforcer le secteur des services de garde d’enfants et de la petite enfance en Ontario produit par le ministère de l’Éducation. Ce document renferme deux directives visant à améliorer et à maintenir la qualité des services de garde non agréés. Il pose également la question de savoir si d’autres options pourraient être étudiées, mais rien ne s’est passé depuis la publication du document en 2020.

La sénatrice Dasko : Si l’argent allait directement aux parents, comme vous l’avez suggéré, la certification ne pourrait donc plus s’appliquer, car ce processus comprend la visite de représentants du gouvernement dans le lieu où sont offerts les services. Comment cela fonctionne-t-il?

Mme Bisnath : Les permis octroyés directement aux fournisseurs de services de garde d’enfants en milieu familial permettraient à ces derniers de devenir des exploitants agréés et de répondre à certaines de ces normes, même si bon nombre d’entre eux les dépassent déjà.

La sénatrice Dasko : Je parle des services de garde dans une résidence privée avec un nombre maximal d’enfants de...

Mme Bisnath : Les services de garde en milieu familial comptent jusqu’à cinq enfants.

La sénatrice Dasko : D’accord.

Mme Bisnath : Nous avons fait des démarches pour que ce financement soit versé aux familles pour permettre à ces dernières de choisir les services de garde qui répondent le mieux à leurs besoins, que ce soit des services de garde réglementés dans un centre ou dans une résidence privée, ou des services offerts par un voisin ou des grands-parents, ou encore pour compléter les revenus du parent qui reste à la maison avec de jeunes enfants. Les fonds seraient distribués de façon beaucoup plus équitable de cette manière. La semaine dernière, un témoin a dit que le plan national n’est pas pancanadien, car il ne soutient que 30 % des fournisseurs de services de garde.

La présidente : Merci, madame Bisnath.

Je vais m’immiscer dans la discussion pour poser une question à M. Mitchell. Je voudrais parler des résultats du modèle axé sur les forces du marché instauré en Nouvelle-Zélande, en Australie et au Royaume-Uni, où un nombre croissant de services de garde d’enfants appartiennent à des sociétés de capitaux privés, même si le système est financé par des fonds publics.

Au-delà de cela, il y a la crainte de voir des fonds publics financer des acquisitions immobilières, c’est-à-dire des biens réels, et non pas des services. Dans le cas des centres à but non lucratif, le gouvernement devrait-il limiter son financement aux services? Devrait-il s’abstenir de financer des aspects tels que l’acquisition de biens immobiliers ou la croissance de capitaux privés dans les centres à but lucratif?

M. Mitchell : Les provinces seraient peut-être les mieux placées pour déterminer comment le financement devrait être utilisé. Je peux affirmer avec certitude que la plupart des cas que je connais au Canada ne sont pas des mégagarderies, mais je comprends les réticences à l’égard du modèle en question.

Dans certains accords, des balises ont été établies pour que les fournisseurs à but lucratif ne se servent pas du financement octroyé pour payer l’hypothèque d’un de leurs immeubles. Quelqu’un comme Mme Churcher ne pourrait pas transférer de fonds dans son hypothèque, mais elle pourrait les transférer ailleurs. Ce serait donc très compliqué.

Si nous nous lançons dans ce type de système, nous devons établir des règles très claires pour les petits fournisseurs. Si vous voulez vraiment viser les grandes sociétés de capitaux privés, vous devez y aller avec prudence. Je me demande si ce serait plus facile dans les systèmes provinciaux, puisque ces derniers varient d’une province à l’autre.

La présidente : Merci.

La sénatrice Moodie : Selon les données actuelles sur le nombre de places, nous n’avons pas assez de places en garderie. C’est incontestable. Voilà pourquoi nous bâtissons le système de cette manière. Je ne comprends pas que certaines personnes disent que le système est brisé alors qu’il n’a même pas encore été mis sur pied.

Ensuite, nous offrons des mesures d’aide pour les enfants et les familles au Canada. L’allocation canadienne pour enfants en fait partie. Elle fournit des centaines de dollars aux familles pour différentes choses, notamment les services de garde.

Enfin, le secteur des garderies agonise parce qu’il ne fait pas assez d’argent. Voilà le nœud du problème. Nous ne voulons pas mettre en péril l’accès de certaines familles aux services de garde. L’accès aux services doit être déterminé en fonction des besoins et des demandes des dirigeants dans l’optique de renforcer les communautés.

Le droit de choisir n’est pas vraiment un enjeu. Personne n’est obligé de recourir aux services de garde publics ou à but non lucratif. Personne n’est obligé non plus de choisir l’école publique au lieu de l’école privée. Les familles peuvent très bien continuer à payer des frais élevés dans les services de garde à but lucratif si c’est ce qu’elles souhaitent.

Je pense que les arguments sur la liberté de choix des parents sont un peu trompeurs, car je n’ai jamais vu de données sur le sujet. Si des données sur les choix parentaux existent, je veux les voir. Que veulent les parents? J’entends surtout dire que les choix des parents sont conditionnés par la pénurie de places dans le système public.

La question s’adresse à toute personne souhaitant faire un commentaire sur le choix politique inhérent à ce projet de loi. Le Canada va créer des services de garde d’enfants peu coûteux, accessibles et abordables pour toutes les familles, ce qui nécessitera du travail, de l’argent et, sans aucun doute, du temps. Nous avançons dans cette direction. J’aimerais avoir votre avis sur certains de mes commentaires. Je vous remercie tous de vos témoignages et de votre service dans ce domaine.

Mme Churcher : Je suis ravie de répondre à cette question. Je crois au système. Je pense que l’intention derrière le programme pancanadien d’AGJE est remarquable. En tant que mère de deux enfants qui a payé pour des services de garderie dans le passé, je pense qu’avoir des options de services de garderie abordables représente un soulagement et un appui considérables pour les familles canadiennes.

À mon avis, les petites entreprises de garderie ne ferment pas parce qu’elles ne font pas de profits. Le problème est le manque d’accès des familles aux programmes de subventions d’abordabilité, le manque de compléments de salaire et de subventions pour les familles dans le cadre de ces programmes, étant donné que leur modèle d’affaires ne les rend pas admissibles au programme pancanadien d’AGJE. Voilà ce qui nuit aux entreprises et dévalorise ces petites entreprises.

Quant aux grands centres de garde d’enfants à but lucratif qui suscitent des préoccupations, on parle de très grandes entreprises axées sur les affaires. Lorsqu’on examine la situation actuelle sur le terrain en Alberta et dans d’autres provinces, on constate que ces centres réorientent actuellement leur modèle d’affaires vers un modèle à but non lucratif. Lorsqu’on se félicite de la création de nouvelles places à but non lucratif dans le cadre de ce programme, considère-t-on où ces places sont créées et qui les crée?

Si la préoccupation est que des fonds publics servent à financer des entreprises privées, il convient de faire une étude ou un examen sur la transformation qui s’opère actuellement. Dans notre province, on se targue de la création d’un certain nombre de nouvelles places à but non lucratif, mais ce n’est pas ce qu’on pense.

Le système n’est pas brisé, mais je pense qu’il a été mis en œuvre sans une compréhension du secteur. Je travaille sur le terrain. Je ne fais pas des recherches en restant assise derrière un bureau. Je suis sur le terrain et je vis ce que les familles et les enfants vivent dans le cadre de ce programme. Il a été mis en place sans tenir compte de la demande que cela allait susciter. Il a entraîné une demande importante sans les infrastructures provinciales nécessaires pour y satisfaire.

Dans nos centres — dans tous nos centres —, nous perdons le financement inclusif. Il n’y a pas assez de financement ou d’aide pour répondre aux besoins considérables des enfants que nous voyons, ce qui crée de l’épuisement professionnel dans le secteur de l’EPE. Il y a une perte de qualité parce que les gens n’ont tout simplement pas les fonds nécessaires. En Alberta, les frais dans le cadre de ce programme sont plafonnés. Nous n’avons pas été en mesure d’augmenter les frais dans l’ensemble des secteurs, qu’ils soient privés ou sans but lucratif.

La présidente : Je crains de devoir vous interrompre.

Mme Churcher : Je suis désolée.

La présidente : Sénateur Cormier, sénatrice Petitclerc, allez-vous reformuler rapidement vos questions, ou allez-vous passer votre tour?

Le sénateur Cormier : Non; je vais la poser, mais différemment.

[Français]

Je vais vous parler de la situation au Nouveau-Brunswick.

Les parents francophones du Nouveau-Brunswick souhaitent avoir accès à des services de qualité pour ce qui est des garderies. Il y a effectivement, au Nouveau-Brunswick, beaucoup de garderies en milieu familial, dans le secteur lucratif. Le rôle des garderies est de permettre aux parents de faire garder leurs enfants. Leur rôle est aussi de permettre aux parents de s’assurer que leurs enfants aient accès à des services de qualité qui leur permettent de construire leur identité et de préserver leur langue.

Je pose ma question dans ce contexte, madame Bisnath. On a tendance à croire que les garderies à but non lucratif offrent davantage de services qui assurent, un peu comme l’a dit la sénatrice Petitclerc, la qualité de ce genre de service. Que pouvez-vous me répondre? Si M. Mitchell a le temps, car il a parlé du Nouveau-Brunswick, je voudrais mieux comprendre les défis qu’il a précisés pour le Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

La présidente : Vous avez une minute chacun, car je veux aussi donner la parole à la sénatrice Petitclerc.

Mme Bisnath : Je vous remercie de la question. Concernant le rôle des garderies en milieu familial, et je pense que c’est semblable au Nouveau-Brunswick, nous sommes d’avis qu’en raison de leur nature — un petit environnement familial au sein de la communauté —, elles offrent un meilleur accès à la langue, aux valeurs ou à la culture communes. Les parents peuvent donc choisir une garderie qui répond à leurs besoins, à leurs objectifs, à leurs valeurs et à leurs croyances, ce qui a une incidence considérable sur la qualité.

M. Mitchell : Pour ce qui est des données, nous avons seulement eu accès aux données de la première année du Nouveau-Brunswick. De toute évidence, offrir des services de garde inclusifs a été difficile, mais nous l’avons aussi constaté dans d’autres provinces. Des objectifs précis ont été établis pour le financement, mais je pense qu’il est difficile de déterminer comment utiliser ces fonds, de déterminer la région ou l’endroit où établir ces garderies ou offrir ces services. Je pense que cela ne se limite pas à simplement définir un objectif donné. C’est beaucoup plus difficile que cela. Il faudra attendre de voir les résultats pour la deuxième année et savoir s’il y a eu des progrès à cet égard, mais disons que la première année a été très difficile. Nous verrons bien.

La présidente : Je vous remercie. Sénatrice Petitclerc, voulez-vous poser votre question?

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Je crois avoir eu la réponse.

[Traduction]

La présidente : Chers collègues, c’est là-dessus que se termine la première partie. Je tiens à remercier nos témoins qui sont ici en personne et en ligne. Nous avons eu une discussion fort intéressante, et vos idées sont riches en enseignements. Merci encore une fois.

Accueillons maintenant notre deuxième groupe de témoins, qui comparaissent en personne et par vidéoconférence. Nous accueillons, en personne, Mme Sandra Mullen, présidente du Syndicat des employés du gouvernement et des employés généraux de la Nouvelle-Écosse et vice-présidente nationale du Syndicat national des employés du secteur public et général. Par vidéoconférence, nous accueillons Mme Beth Deazeley, registrateure et directrice générale de l’Ordre des éducatrices et des éducateurs de la petite enfance, et Mme Emily Gawlick, directrice générale de l’organisme Early Childhood Educators of British Columbia. Merci beaucoup de vous joindre à nous aujourd’hui.

Les témoins auront chacune cinq minutes pour leur déclaration préliminaire, puis nous passerons aux questions des membres du comité. Nous commencerons par vous, madame Mullen, et vous serez suivie de Mme Deazeley et de Mme Gawlick.

Sandra Mullen, présidente, Nova Scotia Government and General Employees Union et vice-présidente nationale du Syndicat national des employées et employés généraux du secteur public : Madame la présidente, membres du comité, je vous remercie de me donner l’occasion de comparaître aujourd’hui. Je suis la présidente de la Nova Scotia Government and General Employees Union, connue sous le nom de NSGEU, qui est le plus important syndicat de la province de Nouvelle-Écosse et un agent de négociation reconnu pour plus de 35 000 employés des secteurs public et privé.

Je suis également vice-présidente nationale du Syndicat national des employées et employés généraux du secteur public, le SNEGSP, que je représente ici aujourd’hui. Nous représentons 425 membres dans l’ensemble du pays. Le SNEGSP regroupe 13 syndicats, dont le NSGEU.

La plupart des membres du SNEGSP offrent des services publics de toute sorte aux citoyens de leur province respective. Cela inclut les travailleurs du secteur des services de garde d’enfants.

Le SNEGSP réclame depuis longtemps la création d’un système national de garde d’enfants universellement accessible, financé et administré par l’État, sans but lucratif, inclusif et de haute qualité. Nous pensons que la législation fédérale peut être l’outil essentiel pour appuyer un tel système, et nous nous réjouissons de l’occasion de présenter des observations.

Nous avons présenté un mémoire écrit, mais j’aimerais souligner deux points principaux quant aux mesures que le SNEGSP souhaite voir dans la mesure législative pour appuyer un tel système.

Premièrement, dans le but de s’assurer que le système pancanadien de garde d’enfants est public et sans but lucratif, le SNEGSP souhaiterait que la mesure législative rende le financement conditionnel au respect de certains principes et modalités. En particulier, les fonds fédéraux doivent être réservés à des services de garde d’enfants publics et sans but lucratif.

Il n’y a pas de place pour la recherche du profit dans les services de garde d’enfants. Les entités privées à but lucratif doivent, par nature, privilégier le profit plutôt que la qualité du service. Durant la pandémie, nous avons vu dans le secteur des soins de longue durée à quel point une telle approche pouvait être catastrophique.

La recherche montre que les services de garde d’enfants publics et sans but lucratif sont beaucoup plus susceptibles d’être de meilleure qualité que les services de garde d’enfants à but lucratif. En outre, les données démontrent que les garderies à but lucratif offrent des services de moindre qualité.

Nous sommes heureux que les principes directeurs pour le financement énoncés dans la mesure législative soulignent qu’un accent devrait être mis sur les programmes et services publics et sans but lucratif.

Nous nous réjouissons aussi de constater que cela a été maintenu lors de l’étude du projet de loi par le comité permanent de la Chambre des communes. J’exhorte le comité à veiller à ce que la mesure législative ne permette pas le financement de services de garde à but lucratif ou des services non accrédités et non réglementés.

Le SNEGSP fait écho à la recommandation de l’association Un enfant Une place, dont nous sommes membres, visant l’ajout d’une définition de l’apprentissage de la petite enfance et la garde d’enfants énonçant clairement que seuls les programmes et services accrédités et réglementés sont admissibles au financement.

Le deuxième point que je tiens à souligner est l’importance de la main-d’œuvre pour la prestation de services de garde de grande qualité. La recherche montre que le perfectionnement de la main-d’œuvre, y compris l’éducation et la formation du personnel et des conditions de travail satisfaisant à des normes élevées, est essentiel à la création d’environnements d’apprentissage sûrs, sains et de qualité pour les enfants. Cependant, la main-d’œuvre du domaine des services de garde au Canada — majoritairement composée de femmes, en particulier les femmes racisées, immigrantes et migrantes — a longtemps été sous-estimée et sous-financée. Les bas salaires, l’absence d’avantages sociaux, le faible taux de syndicalisation et les difficultés de recrutement et de rétention caractérisent le secteur depuis longtemps, et la situation a été aggravée par la pandémie de COVID-19. Le personnel est à bout de souffle. Les gens quittent le secteur et il est difficile, dans ces conditions, d’attirer d’autres personnes. Il y a une crise dans la main‑d’œuvre des services de garderie au Canada, ce qui menace l’ensemble des efforts pour la création d’un système pancanadien.

Pour remédier à la crise, il faut de toute urgence améliorer les salaires et les conditions de travail, et élaborer une stratégie pour la main-d’œuvre afin de recruter du nouveau personnel et de retenir les éducateurs de la petite enfance et les travailleurs en garderie déjà en poste. Nous sommes heureux de constater que le projet de loi C-35 fait référence à l’appui aux services d’apprentissage et de garde de jeunes enfants de grande qualité grâce à une main-d’œuvre qualifiée et bien soutenue, et nous sommes favorables aux amendements du comité HUMA visant l’ajout du recrutement, du maintien en poste et des conditions de travail dans le libellé.

Nous demandons au comité d’examiner le renforcement du projet de loi pour aider à répondre à la crise de la main-d’œuvre. Le Canada a l’occasion historique de créer — enfin — un système pancanadien de garde d’enfants à la fois universel, public, sans but lucratif, inclusif et de grande qualité. À cet égard, le projet de loi C-35 peut jouer un rôle déterminant en veillant à ce que nous fassions les choses correctement de façon à bâtir un système dont nous pourrons être fiers.

Je vous remercie de l’occasion de formuler des commentaires. Je me ferai un plaisir de discuter avec vous.

La présidente : Merci beaucoup, madame Mullen.

Beth Deazeley, registrateure et directrice générale, Ordre des éducatrices et des éducateurs de la petite enfance : Bonjour à tous. Je suis honorée, en tant que registrateure et directrice générale de l’Ordre des éducatrices et des éducateurs de la petite enfance de l’Ontario, d’être des vôtres aujourd’hui pour vous présenter nos observations au sujet du projet de loi.

Nous avons formulé des commentaires semblables lors de l’étude du projet de loi par le comité permanent de la Chambre des communes. Certes, nous sommes favorables au projet de loi C-35 et nous nous réjouissons de certaines modifications qui y ont été apportées, mais nous sommes d’avis qu’il est possible d’y apporter d’autres améliorations pour veiller à ce qu’il ait des retombées concrètes pour les enfants et les familles.

Notre ordre, qui compte actuellement plus de 61 000 éducatrices et éducateurs de la petite enfance en règle, réglemente la profession d’éducatrice et d’éducateur de la petite enfance en Ontario. Notre mandat, en vertu de la loi, consiste à établir des exigences en matière d’inscription, des normes déontologiques et professionnelles, des exigences en matière d’apprentissage professionnel continues et un processus d’examen des plaintes afin d’assurer la protection des intérêts des enfants et des familles et d’en faire une priorité. En outre, nous tenons un registre complet et public de nos membres.

L’étendue de nos activités réglementaires est unique et n’a pas d’équivalent dans les autres administrations au Canada. Ces dernières années, nous avons contribué à rehausser les normes de la profession en mettant en œuvre un programme obligatoire de prévention des abus sexuels, en fournissant des conseils sur l’intégration des enfants handicapés et en reconnaissant que les actes de racisme et de discrimination constituent une faute professionnelle.

Bien que nous reconnaissions l’importance de l’ensemble des principes du projet de loi C-35, nous tenons à souligner que les mesures visant à soutenir l’abordabilité ou l’augmentation du nombre de places en garderie ne doivent pas se faire au détriment de la qualité. Malgré l’absence d’une définition universellement acceptée de la qualité, la recherche a démontré que des éducateurs qualifiés et responsables sont essentiels à la mise en œuvre de programmes pour la petite enfance qui se traduisent par de meilleurs résultats pour les enfants et les familles. Nous étions ravis de voir les modifications qui ont été apportées au projet de loi pour refléter l’importance du recrutement et de la rétention d’une main-d’œuvre qualifiée et bien soutenue.

Le secteur des services de garde d’enfants est en effet confronté à une crise de la main-d’œuvre; de nombreux éducateurs font leur entrée dans le secteur chaque année, mais les départs se font presque au même rythme. Il s’agit d’un obstacle majeur à la mise en œuvre du plan d’apprentissage et de garde des jeunes enfants pancanadien, car de nombreux programmes doivent déjà limiter les inscriptions en raison du manque de personnel qualifié.

Le principal prestataire de services de garde d’enfants de la région de Toronto, le YMCA, a récemment indiqué qu’il fonctionnait à moins de 50 % de sa capacité en raison d’une pénurie de personnel, déclarant pouvoir accueillir seulement 16 000 enfants sur les 35 000 places disponibles. Les récentes annonces faites en Ontario semblent mettre l’accent sur la création de nouvelles places en garderie. C’est important, certes, mais cela n’aura aucune incidence si on ne s’attaque pas à la crise de la main-d’œuvre. Les postes peuvent seulement être occupés par des éducateurs qualifiés.

Nous sommes d’avis qu’il est nécessaire de se concentrer sur la rétention des éducateurs en s’attaquant aux problèmes systémiques qui contribuent à l’attrition, notamment les conditions de travail, les ressources des programmes, la rémunération et les possibilités de croissance professionnelle. Si l’attrition était réduite de seulement 25 %, cela pourrait se traduire par environ 4 000 éducateurs de la petite enfance agréés, ou EPE, supplémentaires au cours des cinq prochaines années, sans augmentation du recrutement.

À cela s’ajoute la possibilité d’encourager le retour de ceux qui ont quitté la profession. Selon notre dernier rapport sur les données relatives aux membres, plus de 25 000 personnes qui étaient inscrites à un moment donné ont quitté la profession, même si elles sont encore en âge de travailler. Voilà pourquoi nous étions ravis de voir l’ajout, dans les principes directeurs, d’une reconnaissance de l’incidence des conditions de travail sur la capacité des éducateurs d’assurer la prestation des programmes d’éducation préscolaire de grande qualité, et sur la viabilité des programmes eux-mêmes.

Notre dernière demande de modification porte sur la composition et la fonction du Conseil consultatif national. Nous recommandons que le mandat du conseil inclue explicitement la responsabilité d’examiner les facteurs sous-jacents à la crise de la main-d’œuvre et de recommander des solutions. Nous demandons également un siège à cette table. Notre ordre est le seul organisme qui possède des données sur la main-d’œuvre qualifiée en éducation de la petite enfance en Ontario, et nous sommes le seul organisme de réglementation des EPE au Canada. Nous pouvons fournir des observations sur la profession ainsi que les exigences pour la création d’un système solide axé sur la qualité et répondant aux besoins des enfants et des familles. Nous demandons l’inclusion de notre ordre, ainsi que de tout autre organisme de réglementation indépendant susceptible d’être créé dans d’autres provinces, dans le Conseil consultatif national.

Ces ajouts au projet de loi C-35 permettraient de s’assurer que les décisions sont fondées sur des données, que l’intérêt public est au centre de la prise de décisions et que la qualité demeure un pilier du programme lors de sa mise en œuvre dans l’ensemble des provinces et territoires.

Je vous remercie de nous avoir donné l’occasion de présenter notre point de vue. Nous nous réjouissons à la perspective de collaborer à ce travail essentiel. C’est avec plaisir que je répondrai aux questions du comité.

La présidente : Merci beaucoup.

Emily Gawlick, directrice générale, Early Childhood Educators of British Columbia : Bonjour, honorables membres du comité. Je m’appelle Emily Gawlick et je suis la directrice générale d’Early Childhood Educators of British Columbia, aussi connu sous l’acronyme ECEBC. C’est un honneur pour moi de témoigner devant vous depuis l’endroit où je vis, je travaille et je m’épanouis : les territoires ancestraux non cédés des Salish de la Côte.

Étant donné nos obligations, notre organisation est contrainte de réfléchir en profondeur, d’écouter attentivement et d’agir avec éthique quand nous mettons au premier plan la sagesse collective des éducateurs de la petite enfance, ou EPE, de la Colombie-Britannique. De concert avec notre partenaire, la Coalition of Child Care Advocates of BC, nous prônons depuis 2011 notre propre régime de garde d’enfants à 10 $ par jour. Notre plan préconise un système public de garde d’enfants répondant aux besoins en abordabilité, en accessibilité et en qualité. En juillet 2023, nos deux organisations ont publié une recommandation mise à jour d’une grille salariale pour les éducateurs de la petite enfance qui tient compte de la scolarité et de l’expérience.

Le facteur essentiel dans un système de qualité qui vient en aide aux enfants, aux familles et aux communautés est la profession d’éducateur de la petite enfance. Au Canada, cette profession est habituellement perçue comme un service pour les parents occupant un emploi plutôt que comme un bien public revêtant une grande importance sociale, culturelle et politique. En adoptant la perspective que l’apprentissage en bas âge est un bien public, on peut en étudier non seulement ses retombées économiques, mais aussi les facteurs d’éthique, de politique et de justice qui sont essentiels dans le travail avec les enfants, les familles et les communautés. Le Conseil consultatif national doit rendre des comptes aux membres de la profession et travailler avec les chercheurs et les éducateurs pour collaborer à créer un système s’appuyant sur les droits des enfants, ce qui garantira un accès à un environnement pédagogique où tous les enfants canadiens se réaliseront.

La recherche actuelle démontre que les politiques et les perspectives sociales figent notre profession dans un moule genré, racisé et marginalisé qui la relègue à un rang secondaire des forces du marché. Nous savons toutefois que les éducateurs de la petite enfance ne se résument pas à ces perspectives. En faisant la promotion des pratiques éthiques et de la complexité de ce travail grâce à de la formation, de la reconnaissance, l’établissement d’un statut et de meilleures conditions de travail et rémunération, nous pourrions redéfinir tout le sens que prend le travail avec les enfants. Le gouvernement peut harmoniser son financement pour aplanir les obstacles empêchant les éducateurs de la petite enfance de poursuivre leur scolarité.

Depuis des générations, la formation donnée aux éducateurs de la petite enfance a évolué pour refléter la diversité des enfants et des familles. Les éducateurs, majoritairement des femmes, endurent depuis trop longtemps des conditions de travail inadéquates, des salaires bas, l’absence d’avantages sociaux et une piètre reconnaissance professionnelle.

Les gouvernements fédéral et de la Colombie-Britannique continuent d’investir des sommes sans précédent pour réaliser des progrès dans la garde d’enfants. Or, pour atteindre la qualité à laquelle les familles peuvent accéder, et dont l’économie a besoin, la province doit immédiatement accorder la priorité à la mise en œuvre d’une grille salariale juste et concurrentielle pour les EPE.

Le projet de loi C-35 doit permettre la reconnaissance des complexités et de l’aspect pédagogique de la profession, et veiller à ce qu’elle ne soit pas perçue par des œillères. Après tout, les droits économiques et de la personne sont fondamentalement liés.

À notre organisation, nous trouvons encourageant que ce texte de loi honore les droits et les champs de compétence autochtones. Nous devons exiger cette reconnaissance; cerner et surmonter les obstacles créés par les structures et les systèmes coloniaux; et harmoniser nos pratiques comme il se doit. Nous appuyons le Cadre d’apprentissage et de garde des jeunes enfants autochtones. De plus, nous reconnaissons que les communautés des Premières Nations, des Métis et des Inuits adaptent leurs structures de gouvernance et leurs services de garde, et pourraient continuer de le faire.

Forte de mes plus de 30 ans d’expérience comme éducatrice de la petite enfance, je suis transportée de voir les formidables investissements et engagements du gouvernement fédéral pour créer un système pour la petite enfance et la garde des enfants. La recherche démontre l’importance d’investissements robustes et continus dans un modèle public et réglementé à but non lucratif. Grâce au projet de loi C-35, nous pourrons faire des avancées progressistes puisqu’il énonce l’importance d’un tel système dans l’optique des droits des enfants. Notre organisation s’engage à travailler en partenariat et à saisir cette occasion historique pour que le projet de loi favorise un système qui attirera — et maintiendra en poste — des éducateurs de la petite enfance grandement qualifiés, en plus d’être représentatif de la diversité canadienne.

Merci.

La présidente : Merci. Nous allons maintenant passer aux questions.

Honorables sénateurs, vous aurez chacun quatre minutes pour vos questions et les réponses. Nous allons commencer par la vice-présidente du comité.

La sénatrice Cordy : Je vous remercie toutes les trois.

En tant que mère et ancienne enseignante au primaire, j’ai une réelle reconnaissance envers la profession. Je me souviens de l’époque où les enfants étaient petits et allaient à la garderie; je souhaitais de tout cœur que le personnel ne tombe pas malade, parce que j’aurais été prise au dépourvu. Je crois que nous nous reconnaissons tous dans vos propos.

Je suis époustouflée par les réalisations de chacune d’entre vous. Madame Mullen, je vais commencer par vous. Je vous félicite pour le travail que vous abattez en Nouvelle-Écosse avec le Syndicat national des employées et employés généraux du secteur public.

D’autres témoins nous ont dit qu’un nombre incroyable d’éducateurs quittent le secteur, qui est majoritairement féminin. Vous avez toutes décrit les problèmes que nous éprouvons à maintenir en poste le personnel qualifié de nos services de garde.

Vous avez toutes parlé des salaires et des conditions de travail. Je pense aussi que le statut — l’image qu’a la population de cette carrière — importe. Les médecins et les avocats s’attirent beaucoup de respect et sont assez bien payés. Or, les personnes qui s’occupent de nos êtres les plus chers gagnent à peine plus que le salaire minimum, comme vous l’avez toutes souligné.

Comment faire la transition vers une réalité où les gens se précipiteront pour suivre des cours en service de garde et où ils seront reconnus pour leur valeur dans notre société? Je sais que vous avez toutes fait des observations, mais comment atteindre ce stade? La question est cruciale, parce que la profession est vraiment unique.

Mme Mullen : Je vous remercie de la question.

Ce que je n’ai pas dit dans ma déclaration liminaire est que, avant de travailler pour le syndicat, j’ai été fonctionnaire en Nouvelle-Écosse. Je compte plus de 30 ans d’expérience au gouvernement. J’ai notamment travaillé dans le secteur des subventions et des garderies. Puis, j’ai été responsable de la délivrance des permis. Je connais depuis longtemps les conditions de travail des éducateurs et la disponibilité des places en garderies.

Je suis aussi au fait de ce que vous avez dit : les grilles salariales qui étaient utilisées dans le secteur. Comment convaincre nos enfants de suivre un programme postsecondaire de deux ans pour gagner 16 $, s’ils sont chanceux, et travailler dans un milieu où il faut lever des fonds pour payer les factures d’électricité? La situation est tellement difficile. En Nouvelle-Écosse, nous avons maintenant de la chance d’avoir une stratégie et d’avoir apporté des améliorations.

Voilà précisément le problème : trop d’années se sont écoulées où les salaires ont été trop bas. Nous ne pouvons inciter nos enfants à suivre ce programme parce que, une fois diplômés, leur salaire ne suffirait pas pour subvenir à leurs besoins.

Il est essentiel d’augmenter les salaires dans le secteur. Cela incitera la relève à prendre cette voie.

Nous accusons un retard, parce qu’il faut suivre un programme de deux ans pour devenir un EPE pleinement qualifié. Je crois que des programmes préscolaires ont aussi été créés partout au pays, et plus récemment chez nous, en Nouvelle-Écosse. Ce changement a retiré des EPE du secteur de la garde d’enfants, ce qui les désavantage. Ils doivent vraiment se démener.

Nous le voyons chez nos propres membres. Nous représentons les travailleurs en enseignement préscolaire, qui sont des EPE à différents échelons. Il est à tout prix primordial que le financement serve à payer les salaires dans ce secteur.

La sénatrice Osler : Je remercie toutes les témoins d’être ici présentes.

Ma question s’adresse à Mme Deazeley. Vous, ainsi que d’autres, avez parlé de la crise qui touche les travailleurs du secteur de la garde d’enfants au Canada. Vous venez de parler de la rétention des éducateurs professionnels, de la réduction de l’attrition et des mesures incitatives pour le retour dans le secteur, ce que certains diraient davantage relever des provinces. Selon vous, comment le gouvernement fédéral peut-il contribuer à la rétention des éducateurs professionnels, soit en réduisant l’attrition ou en incitant les travailleurs à retourner dans le secteur?

Mme Deazeley : Je vous remercie de cette question.

Un des éléments de l’important rôle que peut jouer le gouvernement fédéral, et de l’occasion qui se présente à nous, est de garantir que le programme pancanadien d’apprentissage et de garde des jeunes enfants soit mis en œuvre de façon à prioriser la qualité des programmes et le bien-être des enfants. La façon de formuler les principes directeurs dans le projet de loi et le mandat confié au Conseil consultatif national peuvent garantir une cohérence et clarifier les attentes du gouvernement fédéral quant à la mise en œuvre du programme. C’est sur ce plan que vous pouvez vraiment aider à garantir que l’importance d’une main-d’œuvre qualifiée et bien appuyée demeure centrale dans l’exécution du programme.

La sénatrice Osler : Je pose la même question à Mme Mullen, dans un premier temps, puis à Mme Gawlick.

Mme Mullen : Pourriez-vous répéter la question?

La sénatrice Osler : On nous a parlé de la réduction de l’attrition des effectifs et des mesures incitatives pour le retour dans le secteur. Comment le gouvernement fédéral peut-il aider à cet égard?

Mme Mullen : Je répéterai que le financement de ces activités doit s’accompagner d’une grille salariale. Pour que le personnel revienne dans le secteur, les salaires doivent être raisonnables.

Le marché de l’emploi de notre province, à l’instar de nombreuses autres provinces, offre d’innombrables possibilités. Pour attirer des travailleurs dans ce secteur, les salaires doivent être raisonnables. Comme la sénatrice Cordy l’a souligné, nous confions à ces travailleurs les personnes qui nous sont les plus chères. Ils doivent être rémunérés convenablement.

Mme Gawlick : Je suis d’accord avec les deux autres témoins ainsi que mes collègues ici présentes. Le gouvernement fédéral pourrait souligner à grands traits l’urgence avec laquelle nous devons renforcer la main-d’œuvre. Le besoin est criant. Des études récentes en Colombie-Britannique nous apprennent que de 47 à 49 % des exploitants de garderies ne parviennent pas à doter tous les postes offerts dans leurs centres. Nous réussissons à attirer des travailleurs dans le réseau grâce à des bourses d’études du gouvernement, mais la rétention laisse grandement à désirer. L’urgence semble très prononcée, et il faut agir dès maintenant.

La sénatrice Osler : Merci.

La sénatrice Moodie : Madame Gawlick, je suis ravie de vous revoir. Nous nous sommes rencontrées lorsque j’étais en Colombie-Britannique cet été. J’aimerais vous adresser ma question.

Un des avantages de créer un programme national est que les administrations pourront apprendre l’une de l’autre.

Vous venez de la Colombie-Britannique, où on trouve des pratiques exemplaires. Nous avons aussi entendu le témoignage de quelqu’un qui nous a parlé de l’Île-du-Prince-Édouard.

Pourriez-vous nous faire part de pratiques exemplaires que vous avez vues dans votre province ou dans d’autres administrations et que le gouvernement fédéral pourrait aider à transformer en norme nationale, surtout pour établir un effectif très qualifié qui restera en poste longtemps?

Mme Gawlick : Je suis moi aussi ravie de vous voir, sénatrice Moodie.

Un des éléments qui a changé la donne en Colombie-Britannique est la stratégie de recrutement et de rétention que le gouvernement provincial a mise en œuvre. Il existe différentes façons de renforcer le secteur et d’aller de l’avant, notamment le financement direct pour appuyer le secteur même, comme la bonification des salaires ou les bourses étudiantes, ainsi que la prolongation de la formation et du perfectionnement professionnels pour les éducateurs chevronnés. Grâce à un programme de mentorat par les pairs qui connaît beaucoup de succès, de nouveaux éducateurs peuvent établir des liens avec des collègues d’expérience. Le réseau pédagogique est en mesure de mettre en valeur la pédagogie de la petite enfance pour que les éducateurs se perçoivent, à juste titre, comme des professionnels compétents. Il existe de multiples initiatives, et je crois que nous devons les intégrer à un système durable pour qu’elles soient garanties pour les années à venir.

La sénatrice Moodie : Merci. J’aimerais entendre les commentaires de Mmes Mullen et Deazeley, si elles ont quelque chose à ajouter.

Mme Mullen : Je suis d’avis que nous tirons des leçons des autres provinces et que nous y voyons de bons coups et des changements positifs. Il est certain que les garderies en milieu familial réglementées jouent un rôle très important dans ce processus. Je viens d’une région rurale. Je compatis avec les résidents du Nouveau-Brunswick parce que je viens moi-même d’une région francophone. Je sais que le besoin en garderies pour les différents groupes culturels est bien réel dans les régions rurales, et partout en Nouvelle-Écosse.

Il faut réglementer les garderies. Elles offrent des services de garde d’enfants de qualité. Bien que les garderies privées existent, les familles ne savent pas toujours si ce choix est sécuritaire. Les familles doivent avoir la certitude que la garderie réglementée choisie et pour laquelle elles paient, qu’elle soit en milieu familial ou dans un centre, s’avère un choix sécuritaire. Pour ce faire, l’agente de délivrance des permis que je suis croit que les garderies doivent être réglementées.

[Français]

Le sénateur Cormier : Ma première question s’adresse à Mme Deazeley.

Dans le mémoire que vous avez présenté au comité HUMA — Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées — de la Chambre des communes, vous mentionniez craindre que la pression exercée pour résoudre la crise de la main-d’œuvre ne conduise à une réduction des normes professionnelles plutôt qu’à une résolution des problèmes systémiques.

Pouvez-vous, dans un premier temps, me dire qui sont vos membres et comment votre ordre professionnel peut présenter une solution à ce problème de maintien des normes professionnelles?

[Traduction]

Mme Deazeley : Je vous remercie de la question. La profession que nous réglementons en Ontario regroupe les éducateurs professionnels, ce que nous appelons dans la province le personnel qualifié des programmes de garde d’enfants réglementés. Il y en a 61 000 à l’heure actuelle.

En réponse à votre question sur l’inquiétude soulevée dans notre mémoire, je dirai que l’Accord sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants à l’échelle du Canada comprend différents piliers, dont la qualité. L’accès et l’inclusion figurent aussi dans la liste. Nous nous inquiétons du fait que, pendant la première phase mettant l’accent sur le pilier de l’abordabilité — qui a entraîné une diminution des frais et une augmentation de la demande pour les places en garderies —, le gouvernement n’a pas accordé une attention équivalente aux autres piliers. L’attention soudaine accordée à un accès accru exerce des pressions sur les autres piliers puisqu’il faut trouver un moyen de répondre à la demande en places en garderies, en l’absence d’une stratégie sur les effectifs qui garantirait un personnel qualifié et qui permettrait réellement à des enfants d’occuper ces places.

[Français]

Le sénateur Cormier : Madame Gawlick, j’ai beaucoup aimé vos propos lors de l’étude du projet de loi — au comité HUMA de la Chambre des communes — quant au danger de réduire l’éducation de la petite enfance à une simple transaction économique sans qu’il soit tenu compte de ses valeurs et ses objectifs éducatifs. Vous avez aussi mentionné que la formation des éducatrices et des éducateurs de la petite enfance a évolué au fil des années pour refléter la diversité des enfants et des familles.

Pouvez-vous nous en parler davantage afin qu’on comprenne bien comment cela a évolué?

[Traduction]

Mme Deazeley : Je vous remercie de la question. Je suis éducatrice de la petite enfance et je pense à la formation que j’ai suivie il y a plus de 30 ans. Les programmes ont grandement changé depuis. De nos jours, on comprend réellement les compétences des enfants pendant la petite enfance ainsi que leur statut de citoyens qui leur mérite une place dans la société pour les personnes qu’ils sont aujourd’hui, et non pas seulement pour les personnes qu’ils pourraient un jour devenir. Cette mentalité est essentielle quand on réfléchit à des projets de loi : les enfants font partie de notre société aujourd’hui. L’enseignement en petite enfance a évolué en ce sens. Les perspectives sur les relations avec les familles et les communautés, et sur les liens qui nous unissent tous ont vraiment changé.

Je ne devrais pas plaisanter à ce sujet, mais, jadis, on nous apprenait bien des choses qui ne sont plus légales quand on travaille avec de jeunes enfants de nos jours. Les intervenants du secteur ont trouvé une grande motivation pour étudier la pédagogie et la façon de voir les enfants ainsi que leurs interactions avec le monde les entourant.

[Français]

Le sénateur Cormier : Les éducateurs en garderies sont-ils davantage outillés pour desservir les populations minoritaires, par exemple?

[Traduction]

Mme Gawlick : Il doit à tout prix y avoir un système de garderies réglementées pour veiller à la surveillance. Le plus grand indicateur de qualité est la formation que les éducateurs de la petite enfance reçoivent pour ce travail complexe.

[Français]

Le sénateur Cormier : Merci beaucoup.

La sénatrice Mégie : Ma première question s’adresse à Mme Deazeley en tant que registrateure de l’Ordre des éducatrices et des éducateurs de la petite enfance.

Savez-vous le nombre d’éducateurs et d’éducatrices que vous formez par année par rapport aux besoins de votre milieu?

[Traduction]

Mme Deazeley : Merci de poser la question. À l’heure actuelle, nous accueillons plus de 5 000 nouveaux éducateurs dans la profession chaque année. Pour ce qui est du nombre de personnes qui seront nécessaires, selon l’estimation que nous avons vue dans les accords avec les gouvernements provinciaux, pour pouvoir créer 86 000 nouvelles places en garderie par rapport aux chiffres de 2019 et hausser le nombre d’éducateurs de la petite enfance agréés afin qu’il représente 60 % de la main‑d’œuvre, le ministère de l’Éducation de l’Ontario a estimé qu’il faut 15 000 éducateurs de la petite enfance agréés supplémentaires.

[Français]

La sénatrice Mégie : Merci. Ma deuxième question s’adresse à Mme Gawlick.

On parle ici d’un financement pour les garderies de 0 à 12 ans. Sauf que de 0 à 5 ans, d’accord on peut parler de garderie, mais pour l’autre partie, entre 5 ans et 12 ans, souvent ce sont les écoles qui prennent la relève.

Où se situent les éducateurs et les éducatrices que vous formez? Est-ce qu’ils vont dans les écoles? Qui s’en charge dans les écoles entre 5 et 12 ans?

Madame Gawlick ou madame Mullen, l’une après l’autre, vous pouvez donner vos réflexions.

[Traduction]

Mme Gawlick : Ici, en Colombie-Britannique, les services sont offerts de nombreuses façons. Nous avons un atelier qui s’appelle Adulte responsable que l’on peut suivre pour travailler dans les services de garde en milieu scolaire. Je sais que des titulaires du baccalauréat en éducation préscolaire font ce travail. Il est très important de vraiment bien encadrer le soutien aux services de garde en milieu scolaire. Au moment d’élaborer ces projets de loi et de se faire une idée de la situation, nous travaillons très étroitement avec la School Aged Child Care Association of BC, qui se penche également sur ce qui est nécessaire pour développer le système d’éducation dans cette partie du secteur afin que les enfants aient des éducateurs de haut niveau et qualifiés qui les appuieront toute la journée à l’école ou dans le système de garderies.

Mme Mullen : Merci de poser la question. Il existe sans aucun doute des services de garde après l’école qui sont réglementés dans certains centres de la Nouvelle-Écosse et ailleurs, je suppose. Nous avons aussi des règlements qui portent sur ces services offerts après l’école. Il doit y avoir un ratio de 1 superviseur pour 15 enfants. Ces enfants sont dans des salles de classe de 25 élèves, et à 14 heures, ils se retrouvent dans un endroit un peu différent.

Il y a certaines règles en place, mais à cause du règlement et parce que le programme est rattaché à autre chose, les familles ont droit à des subventions. C’est important. Elles ont peut-être un autre enfant au même centre. C’est aussi plus facile pour elles lorsque les services de garde après l’école sont offerts au même endroit. Les enfants sont dans un milieu sécuritaire pendant toute la période où les services de garde sont nécessaires. Oui, c’est important.

La sénatrice Mégie : Merci.

La sénatrice McPhedran : Ma première question porte sur l’Ordre des éducatrices et des éducateurs de la petite enfance, et elle est donc pour Mme Deazeley.

Vous avez dit qu’il n’y aucun autre ordre comme le vôtre au Canada. Je pense qu’il provient directement de la Loi de 2007 sur les éducatrices et les éducateurs de la petite enfance, la loi ontarienne. Votre processus disciplinaire est-il en place depuis l’entrée en vigueur de cette loi?

Mme Deazeley : Oui. Merci pour la question. L’ordre célèbre son quinzième anniversaire et le quinzième anniversaire de l’adoption de la loi qui reconnaît que les éducatrices et les éducateurs de la petite enfance sont membres d’une profession autoréglementée. La loi établit la même structure qui s’applique à d’autres professionnels, y compris les enseignants, les avocats et les professionnels de la santé. Depuis son adoption, nous avons l’obligation d’avoir un processus pour enquêter sur les allégations de faute professionnelle, d’incompétence ou d’incapacité. Cela peut mener, au besoin, à l’expulsion de la profession.

La sénatrice McPhedran : Merci. Ma prochaine question est pour Mme Gawlick et Mme Mullen. Puisque l’Ontario est la seule province qui a ce genre de loi, comment les autres provinces, y compris la vôtre, gèrent-elles la délivrance des permis, les normes disciplinaires, le respect des normes et les autres dossiers connexes?

Mme Mullen : Je peux très bien expliquer la situation en Nouvelle-Écosse. Le processus de délivrance des permis pour les établissements et les garderies en milieu familial est très bien établi. Une loi aborde la question des enfants dans les centres non réglementés; il doit y en avoir moins de trois. Il existe toutes sortes de règles. Lorsque nous inspectons une installation et que nous observons des problèmes, le centre doit rendre des comptes. Nous pouvons recevoir des plaintes des parents pour inconduite de la part d’un éducateur de la petite enfance ou pour un comportement inacceptable ou dangereux de la part d’une personne qui travaille dans une installation. Ces affaires font l’objet d’une enquête menée par des inspecteurs, comme moi. Un certain nombre d’inspecteurs travaillent pour le ministère de l’Éducation et du Développement de la petite enfance; ils font régulièrement des inspections planifiées et non planifiées dans ces installations. Vous me rappelez des souvenirs. Nous avons une liste de vérification. Nous regardons le dossier des enfants, les rapports d’incident et ainsi de suite, et nous traitons les plaintes des familles et du milieu. Ces choses font l’objet d’une enquête.

Mme Gawlick : Ici, en Colombie-Britannique, les choses sont semblables à ce qui se fait en Nouvelle-Écosse. Conformément à notre loi sur la délivrance des permis, on se penche sur la santé et la sécurité ainsi que sur les permis accordés pour les programmes. Au ministère de l’Éducation et du Développement de la petite enfance, nous avons un registre des éducatrices et éducateurs de la petite enfance dans lequel se trouvent les numéros et les titres de compétence des éducateurs. Nous avons aussi une entité qui s’occupe des plaintes et des enquêtes.

La sénatrice McPhedran : Comment cette entité s’appelle‑t‑elle?

Mme Gawlick : Le ECE Registry.

La sénatrice McPhedran : De quel ministère relève-t-il?

Mme Gawlick : Le ministère de l’Éducation et du Développement de la petite enfance.

La sénatrice McPhedran : Merci.

La sénatrice Bernard : J’ai deux questions. Elles s’adressent à toutes les témoins.

Je sais que des garderies offrent des possibilités d’emploi à des personnes qui étudient pour obtenir leur diplôme d’éducatrice ou d’éducateur de la petite enfance. Pouvez-vous parler du bien‑fondé de cette pratique pour régler les problèmes de recrutement et de maintien en poste des éducateurs?

Mme Mullen : En Nouvelle-Écosse, à la plupart des garderies réglementées, une certaine proportion du personnel doit être formée. On parle également de postes de débutant. Même dans nos programmes préscolaires, on retient les gens qui ne sont pas encore qualifiés, mais qui ont l’intention d’acquérir des compétences nécessaires, et on les encourage. C’est une excellente façon pour le nouveau personnel de vivre l’expérience du poste. C’est comme quelqu’un qui veut devenir médecin, mais qui se rend compte qu’il s’évanouit à la vue du sang. C’est une très bonne occasion pour les gens d’être encadrés dans ces milieux.

Mme Deazeley : De notre point de vue en Ontario, alors que nous traversons une crise de la main-d’œuvre, nous devons absolument penser à la façon d’éliminer les obstacles à la profession pour les gens qui pourraient vouloir acquérir ces compétences. Nous nous intéressons sans aucun doute au personnel non qualifié qui travaille actuellement avec des enfants et nous cherchons des occasions pour leur permettre d’acquérir des compétences et de devenir des professionnels.

Nous sommes aussi vraiment convaincus qu’il faut le faire d’une façon qui ne minimise pas l’importance de la formation suivie pour devenir éducatrice de la petite enfance, pour apprendre sur la pédagogie et le développement de l’enfant ni le rôle très important des programmes postsecondaires dans ce processus. Nous voulons que l’expérience d’apprentissage dans une garderie permette à l’étudiant d’observer et de renforcer sa formation. Les étudiants ne doivent pas subir la pression de ce que nous appelons le « ratio ». Ils ne doivent pas travailler en tant que membre du personnel sur place ni assumer toutes les responsabilités des éducatrices. Nous devons procéder très prudemment.

La sénatrice Bernard : Y en a-t-il parmi vous qui pensent qu’il est vraiment possible de régler les problèmes de recrutement et de maintien en poste sans régler également le racisme systémique et le sexisme qui sous-tendent ces réalités?

Mme Mullen : C’est justement ce que nous sommes sur le point de devoir faire. Nous devons tout faire pour offrir des occasions de suivre la formation. Nous espérons que les étudiants sont appuyés dans ces efforts. Il existe certains types de financement pour aider les garderies à accueillir des étudiants sans incidence directe sur le ratio. Je comprends également cela.

Il nous faut absolument un programme national pour que ce soit à l’avant-plan, pour recruter et maintenir en poste des membres, pour que les jeunes membres de notre communauté suivent la formation. En Nouvelle-Écosse, pour être pleinement formé, il faut suivre un programme d’éducation de la petite enfance. Il nous faut beaucoup de sensibilisation en vue de soutenir les membres de différentes cultures qui entrent dans la profession. Nous voyons beaucoup de garderies qui accueillent de nombreux travailleurs immigrants, qui acceptent moins d’argent que ce qu’ils devraient gagner. Il y a beaucoup à faire. Une stratégie nationale est la façon de procéder à cette fin.

La sénatrice Bernard : Merci.

La sénatrice Dasko : Je remercie nos témoins. La discussion nous fait très bien comprendre les problèmes de recrutement et de maintien en poste. Je suis très triste d’entendre que le programme de garderies du YMCA à Toronto n’offre que la moitié des places prévues à défaut d’avoir le personnel nécessaire pour offrir les services. De nombreux parents et enfants sont pénalisés. Je suis navrée de l’entendre.

De toute évidence, il faut des salaires plus élevés dans le secteur, entre autres choses. Que pourrait-il y avoir d’autre? Cela ne se limite pas aux conditions de travail; les salaires doivent y être pour quelque chose.

J’essaie de voir comment on pourra offrir des salaires plus élevés. Le programme est financé par le gouvernement fédéral à hauteur de 30 milliards de dollars, et, bien entendu, l’objectif est de réduire de moitié les frais payés par les parents au cours des deux ou trois premières années, ou peu importe, puis de les faire passer à 10 $ par jour. C’est une énorme réduction de ce que les parents devront payer, mais j’essaie d’assembler les morceaux du casse-tête.

Pourriez-vous donc m’aider à comprendre à quel endroit on trouvera l’argent? Y a-t-il des programmes spéciaux? Y a-t-il d’autres sources de financement qu’on peut utiliser pour aider à régler le problème des salaires?

Vous êtes toutes libres de répondre. Madame Deazeley, puisque vous êtes dans ma province, l’Ontario, j’aimerais vous entendre, tout comme les autres témoins.

Mme Deazeley : C’est une merveilleuse question, mais je pense que tout le monde a de la difficulté à trouver la réponse, et ce, depuis de nombreuses années.

Je pense toutefois que ce qui est maintenant en train de changer dans le discours, c’est le message envoyé par le gouvernement fédéral et qui peut être envoyé en ce qui concerne les attentes quant à la façon de mettre en œuvre le programme et ce qui constituera la priorité, et l’importance non seulement d’assurer une diminution des frais, mais aussi de trouver un équilibre avec la nécessité d’améliorer les conditions de travail et les salaires pour avoir assez d’éducatrices qualifiées et répondre à la demande. Pour donner suite à la question posée plus tôt, la sous-évaluation incohérente de longue date de cette profession est, en grande partie, due au fait qu’elle est à prédominance féminine et racisée.

D’ici à ce que ce soit réglé, et il faut pour cela reconnaître la juste valeur de la profession, nous allons continuer de perpétuer le problème. Je pense que la véritable occasion qui s’offre au gouvernement fédéral est d’envoyer un message clair pour dire qu’il faut que cela change.

La sénatrice Dasko : Est-ce que cela signifierait alors que les parents devraient payer plus? Au bout du compte, nous ne parlons peut-être pas de 10 $ par jour, mais plutôt de 15 ou 20? Je ne fais que formuler une hypothèse.

Mme Mullen : Cela a été important au cours de ma vie. Mon amie, qui a eu des enfants en même temps que moi, vivait au Québec et avait des services de garde à 5 $. Je vivais en Nouvelle-Écosse, et ce n’était pas 5 $ par jour. Cela fait partie de mon travail depuis longtemps, et lorsqu’on a annoncé la stratégie, j’étais ravie, et c’est mon mari qui a demandé de quel endroit l’argent allait provenir.

C’est donc une bonne question. Je vais lui dire que vous l’avez posée. Je lui ai finalement fait voir la lumière. Lorsqu’on a une fille de 12 mois ici à Ottawa et qu’on paye 1 800 $ par mois pour des services de garde, pourquoi aurait-on un deuxième enfant?

C’est un autre sujet de discussion, mais j’ai répondu que les familles ne peuvent pas se permettre de dépenser autant d’argent pour des services de garde. Donc, en réduisant la somme à payer chaque jour, les familles, comme c’était le cas au Québec, avaient plus d’enfants, et plus de femmes allaient travailler. Vous savez, il nous faut plus de main-d’œuvre et plus d’enfants pour soutenir nos autres plans de société.

Je pense que l’argent va venir du fait que ces femmes iront travailler — donc, des familles à deux revenus et de tout le reste. Les enfants seront gardés par des éducatrices agréées dans des milieux réglementés et sûrs, et la réduction des frais de garde profitera à l’économie parce que les gens pourront payer leur hypothèque et ainsi de suite.

Je parle peut-être en m’appuyant sur l’expérience d’un autre groupe de personnes, mais je pense que l’argent va venir de là, et que nous verrons que c’est avantageux pour tous les Canadiens d’un bout à l’autre du pays.

La sénatrice Dasko : Voulez-vous dire que ce sera financé par l’entremise du régime fiscal?

Mme Mullen : Parce que ces personnes se rendront au travail, paieront des impôts et cotiseront au Régime de pensions du Canada, et parce que tous ces autres régimes sociaux ont besoin de travailleurs. Il y a des postes vacants partout au pays, et nous avons besoin de personnes qui peuvent aller travailler.

La présidente : Merci. Je vais rapidement donner suite à la question que la sénatrice Dasko a posée à Mme Deazeley. Vous avez dit que c’est une occasion pour le gouvernement fédéral d’envoyer un message clair. Quel est le message que vous aimeriez envoyer?

Mme Deazeley : Je pense que le message, c’est l’importance de la main-d’œuvre et des éducatrices qualifiées dans la mise en œuvre du programme. Il faut donc renforcer l’idée que parmi les piliers cernés, la qualité du service est essentielle, même si c’est un objectif plus difficile et plus long à atteindre, et cette qualité de service est impossible sans éducatrices spécialisées qui bénéficient d’un soutien dans une profession où elles peuvent faire carrière.

La présidente : Merci. Pensez-vous que dans la prochaine mouture des ententes, on devrait peut-être accorder plus d’attention aux deniers publics utilisés pour améliorer la rémunération?

Mme Deazeley : Je pense que d’ici à ce que les ententes mettent l’accent sur le soutien à la main-d’œuvre, rien d’autre ne pourra être mis en œuvre.

La présidente : Merci.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Je vais poser ma question à Mme Deazeley, mais je serais heureuse d’entendre les réponses de nos autres invités, qu’on remercie beaucoup.

J’ai une question sur l’importance d’avoir des éducatrices qui ont une formation adéquate, un respect de la profession, une reconnaissance et un revenu approprié, bien entendu. Je pense non seulement à l’importance d’avoir des places en service de garde, mais aussi d’avoir cette formation adéquate.

Je prends l’expérience du Québec, ma province, comme exemple. Je voudrais savoir si vous êtes d’accord avec ce qui suit : on a remarqué, au Québec, que ce service de garde, le centre de la petite enfance, avec des éducatrices qualifiées, avait un impact essentiel pour tous les enfants, mais encore plus pour les enfants de familles en situation de vulnérabilité, les enfants de milieux défavorisés. On a constaté que la formation des éducatrices aidait les enfants à pallier un certain écart sur le plan de la stimulation, de l’éducation. Madame Deazeley, avez-vous constaté la même chose dans votre secteur, dans votre milieu? Pouvez-vous dire qu’il y a, en plus, ce rôle essentiel pour les enfants de milieux défavorisés?

[Traduction]

Mme Deazeley : Merci. Je pense que ce qui est différent chez les éducatrices professionnelles grâce à la formation qu’elles reçoivent, c’est une compréhension approfondie de la pédagogie et du développement des enfants. Elles sont formées pour créer des milieux d’apprentissage sûrs et inclusifs où tous les enfants à leur charge peuvent s’épanouir. Elles sont formées pour évaluer et communiquer les progrès réalisés dans les programmes. Je crois que c’est grâce à cette formation et à cette expertise qu’elles sont vraiment outillées et qu’elles peuvent soutenir tous les enfants à leur charge. Ce faisant, l’inclusion des enfants, je pense, permet sans aucun doute d’obtenir de meilleurs résultats, tant pour les enfants que pour leurs familles.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Merci. Voulez-vous commenter cela?

[Traduction]

Mme Mullen : Exactement. Les éducatrices qualifiées dans les services de garde ou les garderies en milieu familial sont formées pour voir des choses qu’il est nécessaire de cerner pour d’autres systèmes sociaux. Elles sont formées pour garantir un milieu sûr, y compris pour ce qui est de l’alimentation, et pour offrir tout ce qui est essentiel à des services de garde de qualité.

Elles sont également formées pour aider les enfants qui ont des besoins spéciaux, qui sont, par exemple, dans des familles d’accueil ou qui ont vécu d’autres situations tristes.

Vous verrez peut-être de bons fournisseurs de services de garde privés dans votre collectivité, mais ils ne sont pas formés pour répondre à tous les besoins en matière de santé et de sécurité, ce qui fait certainement partie de la formation des éducatrices de la petite enfance.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Merci.

[Traduction]

La sénatrice McPhedran : Je veux revenir à ma question précédente et mieux comprendre les aspects réglementaires associés aux éducatrices de la petite enfance.

En gros, la différence entre l’Ontario et les autres provinces et territoires, c’est le type d’inspection et de processus réglementaire que Mme Mullen et Mme Gawlick ont décrits comme étant directs. Des organismes gouvernementaux, c’est‑à‑dire le gouvernement, financent l’industrie, les différents services de garde et les différentes personnes concernées, tandis que l’Ontario a, en ce moment, un système unique avec l’ordre. Nous avons un ordre et un financement — le processus d’inspection et le processus réglementaire se font plus indépendamment du gouvernement.

Ce que je me demande, c’est si la Colombie-Britannique ou votre province, madame Mullen, envisage ce modèle. Ou est-on assez satisfait de la façon dont les choses se font actuellement?

Mme Mullen : Je ne peux pas dire si on envisage un ordre pour surveiller les éducatrices de la petite enfance, car, bien entendu, notre province est très petite et nous sommes limités — c’est le Nova Scotia Community College qui offre la formation d’éducatrice de la petite enfance, ainsi que deux ou trois établissements privés. C’est la même désignation, un programme de deux ans en éducation de la petite enfance ou un baccalauréat. Je n’ai rien entendu à propos d’un ordre. L’idée est certainement intéressante.

J’ai cru comprendre à un moment donné que nous avions 2 000 éducatrices et éducateurs de la petite enfance qui travaillaient dans le domaine en Nouvelle-Écosse, du niveau 1 au niveau 3. À notre connaissance, nous en avons probablement aussi plus de 700 qui travaillent dans des écoles, mais je n’ai rien entendu à propos de l’ordre professionnel.

Mme Gawlick : Excellente question. En Colombie-Britannique, nous avons des éducatrices de la petite enfance depuis maintenant plus de 50 ans, et la question d’avoir un ordre est revenue sur la table à maintes reprises, et nous nous penchons sans aucun doute sur le modèle de l’Ontario. En ce moment, Early Childhood Educators of British Columbia, l’organisation, estime que le travail fait par le gouvernement est satisfaisant. Il fournit le personnel. Il donne la formation. Il est responsable de cela, et nous avons vraiment eu l’impression à l’époque, en tant qu’organisation professionnelle, que nous devions défendre avec vigueur les éducatrices de la petite enfance, ce qui est un peu plus difficile lorsqu’on a un ordre. C’était une des principales raisons pour poursuivre le travail avec notre organisation professionnelle et peut-être envisager plus tard un ordre des éducatrices et des éducateurs de la petite enfance en Colombie-Britannique.

La présidente : Je vous remercie beaucoup d’avoir témoigné, que ce soit en personne ou en ligne. Nous sommes maintenant beaucoup plus sages que nous l’étions au début de la réunion, et je vous remercie, y compris de la part de mes collègues.

Chers collègues, comme il n’y a pas d’autre point à l’ordre du jour, la séance est levée.

(La séance est levée.)

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