LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mercredi 1er novembre 2023
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd’hui, à 16 h 16 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi C-35, Loi relative à l’apprentissage et à la garde des jeunes enfants au Canada.
La sénatrice Ratna Omidvar (présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La présidente : Je m’appelle Ratna Omidvar et je suis une sénatrice de l’Ontario.
[Traduction]
Je suis présidente du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. J’aimerais commencer par souhaiter la bienvenue aux membres du comité, aux témoins et aux membres du public qui suivent nos délibérations.
Avant de commencer, je voudrais que chaque sénateur se présente, en commençant par la vice-présidente du comité, la sénatrice Cordy.
La sénatrice Cordy : Bienvenue devant notre comité cet après-midi. Je m’appelle Jane Cordy, sénatrice de la Nouvelle-Écosse.
[Français]
La sénatrice Moncion : Lucie Moncion, sénatrice de l’Ontario.
Le sénateur Cormier : Bienvenue. Sénateur René Cormier, du Nouveau-Brunswick.
[Traduction]
La sénatrice Burey : Bienvenue. Sharon Burey, sénatrice de l’Ontario.
La sénatrice Moodie : Rosemary Moodie, de l’Ontario.
La sénatrice McPhedran : Sénatrice Marilou McPhedran, du Manitoba.
Le sénateur Cardozo : Andrew Cardozo, de l’Ontario.
La sénatrice Dasko : Donna Dasko, sénatrice de l’Ontario.
[Français]
La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.
Le sénateur Quinn : Jim Quinn, du Nouveau-Brunswick.
[Traduction]
La présidente : Aujourd’hui, nous poursuivons notre étude du projet de loi C-35, Loi relative à l’apprentissage et la garde des jeunes enfants au Canada.
Pour notre premier groupe de témoins, nous recevons aujourd’hui Natan Obed, président, et Amy Graham, gestionnaire de l’avancement des politiques, d’Inuit Tapiriit Kanatami. Par vidéoconférence témoignent Joanna Bernard, cheffe nationale par intérim, Stephanie Wellman, directrice du développement social, et Jessica Quinn, analyste principale des politiques, Développement social, de l’Assemblée des Premières Nations; ainsi que Melanie Omeniho, présidente des Femmes Michif Otipemisiwak. Merci de vous joindre à nous aujourd’hui.
Cinq minutes seront accordées aux témoins pour leurs déclarations préliminaires, qui seront suivies par les questions des sénateurs.
Monsieur Obed, nous commencerons par votre déclaration préliminaire, suivie de celle de la cheffe nationale intérimaire Bernard et de Mme Omeniho. Monsieur Obed, vous avez la parole.
Natan Obed, président, Inuit Tapiriit Kanatami : Nakurmiik. Je vous remercie beaucoup, madame la présidente. C’est toujours un plaisir d’être avec vous tous ici, au Sénat.
La présente mesure législative est vue d’un très bon œil par les Inuits. Nous avons travaillé en étroite collaboration avec le gouvernement fédéral sur le plan de l’apprentissage et la garde des jeunes enfants dans l’Inuit Nunangat et partout où vivent les Inuits, surtout au cours des huit dernières années.
Je suis président de l’Inuit Tapiriit Kanatami, ou ITK, l’organisation nationale qui représente les 70 000 Inuits du Canada. Nous travaillons en collaboration avec les régions inuites visées par des revendications territoriales au Nunatsiavut, dans le Nord du Labrador, au Nunavik, dans le Nord du Québec, au Nunavut, par l’intermédiaire de Nunavut Tunngavik dans le territoire du Nunavut, et par l’entremise de la Société régionale inuvialuite, dans les Territoires du Nord-Ouest.
Un système efficace d’apprentissage et de garde des jeunes enfants — et qui représente et respecte l’autodétermination des Inuits — est essentiel pour combler les disparités sociales et économiques entre les Inuits et les autres Canadiens. En 2019, 52 % des Inuits de l’Inuit Nunangat vivaient dans des logements surpeuplés, comparativement à 9 % pour les autres Canadiens, et 70 % des ménages inuits souffraient d’insécurité alimentaire, comparativement à seulement 8 % pour les autres Canadiens. L’accès à l’apprentissage et à la garde des jeunes enfants pourrait contribuer à augmenter les taux d’emploi, qui s’établissent à actuellement à 47,5 % pour les Inuits dans l’Inuit Nunangat. Cela aiderait également à réduire les énormes disparités de revenu dans l’Inuit Nunangat. En 2019, le revenu médian avant impôt était de 92 000 $ pour les personnes non autochtones dans notre territoire traditionnel, comparativement à 23 000 $ pour les Inuits.
Ces disparités incroyables dans les résultats socioéconomiques sont à l’origine d’un certain nombre de difficultés socioéconomiques, mais l’apprentissage et la garde des jeunes enfants constituent l’un des fondements clés qui favorisent la prospérité au sein de nos communautés, et qui permettent également aux enfants inuits d’avoir un départ très positif en inuktitut au sein de la communauté. Nos centres d’apprentissage et de garde des jeunes enfants créent un sentiment d’identité inuite et favorisent un environnement qui s’appuie sur la riche utilisation de la langue dans nos foyers.
Forts de ces principes, les Inuits se sont réunis et ont élaboré un cadre inuit d’apprentissage et de garde des jeunes enfants, ou AGJE. Ce cadre a servi de base à l’investissement fédéral pour les Inuits au cours des sept ou huit dernières années. Nous avons conclu un accord financier de 10 ans avec le gouvernement du Canada pour le renforcement de l’autodétermination des Inuits en matière d’apprentissage et de garde des jeunes enfants dans l’Inuit Nunangat.
En septembre dernier, le conseil d’administration de l’ITK a affecté le financement disponible pour les 10 prochaines années. Ce faisant, il a permis d’effectuer des investissements stratégiques pour apporter des changements systémiques dans l’ensemble du secteur de l’apprentissage et de la garde des jeunes enfants inuits. Le coût de la vie étant de plus en plus élevé dans l’Inuit Nunangat, il est important que le projet de loi C-35 indique explicitement que les engagements financiers qui ont été pris demeurent permanents.
Comme l’ont souligné de nombreux autres témoins, le recrutement et le maintien en poste des éducatrices de la petite enfance demeurent un problème persistant au Canada et dans l’Inuit Nunangat. Des efforts ont été déployés à l’échelle régionale pour accroître les salaires et les avantages sociaux de ces éducatrices et offrir aux membres des communautés intéressés une formation et une éducation de perfectionnement professionnel en matière de garde d’enfants. Toutefois, ces efforts doivent être appuyés par un plan fédéral visant à soutenir les éducatrices inuites de la petite enfance et respectant l’autodétermination des Inuits en collaboration avec les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. Il importe maintenant pour nous de voir la modification qui a été apportée à l’alinéa 7d), qui indique maintenant explicitement que le recrutement et le maintien en poste d’une main-d’œuvre qualifiée et bien appuyée en éducation de la petite enfance dans tout le Canada méritent une action nationale.
Le projet de loi C-35 enchâsse dans la loi le Conseil consultatif national sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants. Il ne comprend rien de précis sur la représentation autochtone au sein du conseil, mais il est important que vous compreniez tous que les Inuits ont déjà un partenariat avec la Couronne par l’entremise du Comité de partenariat entre les Inuits et la Couronne. Ces relations bilatérales existent également entre les organisations inuites signataires de traités et le gouvernement fédéral.
Le travail que nous avons accompli dans le domaine de l’AGJE et la relation très précise que nous entretenons avec le gouvernement fédéral par l’entremise du Comité de partenariat entre les Inuits et la Couronne ne devraient pas être minés par la création du conseil ou par le travail connexe qu’effectue ce dernier pour conseiller le gouvernement. C’est là que les mesures de mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, ou DNUDPA, se fusionnent avec les mesures législatives fédérales, et la création de conseils et leur utilisation comme moyen d’informer le gouvernement sur ce qu’il faut faire en matière d’apprentissage des jeunes enfants autochtones constitue en fait un mécanisme plus faible que ceux qui existent déjà et pour lesquels nous nous sommes battus dans le cadre de notre relation avec la Couronne.
En tant qu’Inuits, nous appuyons le projet de loi C-35, mais nous signalons au gouvernement que lorsqu’il dit « Autochtone » dans un texte de loi, ce terme inclut les Inuits, les Premières Nations et les Métis, comme dans l’article 35 de la Constitution. Toutefois, le libellé actuel du projet de loi ne garantit pas que les Inuits, les Premières Nations et les Métis travailleront de façon équitable à la mise en œuvre de la loi et, surtout, du conseil. Nakurmiik.
La présidente : Je vous remercie beaucoup.
Joanna Bernard, cheffe nationale par intérim, Assemblée des Premières Nations : Kwey kwey. Bonjour. Je m’appelle Joanna Bernard et je suis cheffe nationale par intérim de l’Assemblée des Premières Nations, ou APN, et cheffe régionale du Nouveau-Brunswick. Je suis membre de la Première Nation malécite du Madawaska, et j’aimerais reconnaître que les terres sur lesquelles nous tenons cette réunion se situent sur le territoire traditionnel algonquin non cédé. Je vous remercie de m’avoir invitée aujourd’hui. Je parlerai des préoccupations de l’APN au sujet du projet de loi C-35.
L’APN est une organisation nationale de défense des droits qui, depuis des décennies, dirige l’avancement des priorités des Premières Nations en ce qui concerne les soins prodigués à leurs enfants. L’APN représente près d’un million de membres des Premières Nations. En 2018, elle a élaboré un cadre national sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants qui décrit la vision et les objectifs d’un système de garde d’enfants déterminé par les Premières Nations. La vision de ce cadre est celle d’enfants des Premières Nations heureux et en santé, soutenus par un système de garde d’enfants ancré dans les langues et les cultures des Premières Nations et régi par ces dernières.
Nos enfants sont des dons du Créateur, et il est de notre devoir sacré de les protéger et de les élever pour qu’ils connaissent leur identité en tant que membres des Premières Nations et en soient fiers. Des études ont également montré que les personnes qui ont un fort attachement à leur langue, à leur culture et à leurs traditions ont une meilleure résilience au racisme et à la colonisation.
Mes observations d’aujourd’hui porteront sur les préoccupations de l’APN quant au défaut du gouvernement du Canada de respecter l’obligation de consulter et d’accommoder les parties prenantes lors de l’élaboration du projet de loi C-35, comme l’exige le droit constitutionnel et la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. En outre, le projet de loi ne respecte pas les droits et la compétence des Premières Nations en la matière.
En rédigeant le projet de loi C-35, le gouvernement du Canada n’a pas consulté de façon significative les titulaires de droits et a choisi de ne pas élaborer conjointement cette mesure législative avec les Premières Nations. En 2022, Emploi et Développement social Canada a seulement sollicité les commentaires écrits des parties prenantes pour éclairer l’élaboration du projet de loi fédéral sur les services de garde d’enfants. Cela ne constitue pas un engagement ou une consultation significative comme l’exige la déclaration des Nations unies. Les commentaires formulés dans le cadre de ce processus de mobilisation limité soulignaient la nécessité de respecter les droits ancestraux et issus de traités, et d’élaborer conjointement le projet de loi avec les partenaires autochtones, une observation qui brille par son absence dans le projet de loi C-35.
La Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones affirme le droit des Premières Nations de participer aux processus décisionnels qui les touchent. Cette déclaration demande aux gouvernements de consulter les peuples autochtones et d’obtenir leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause avant d’élaborer des mesures législatives qui pourraient les toucher. Le projet de loi a été amendé à la Chambre des communes pour énoncer l’engagement du Canada à obtenir le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause des peuples autochtones. Toutefois, aucune mesure n’a été prise à cet égard, et ce consentement n’a pas été obtenu dans le cas du projet de loi C-35.
Le projet de loi C-35 ne reconnaît pas non plus le droit et la compétence inhérents des Premières Nations de prendre soin de leurs enfants selon leurs cultures, leurs langues, leurs lois et leurs traditions.
Il est bon que le projet de loi C-35 prévoie un engagement à l’égard du financement à long terme des services de garde d’enfants, mais il doit aller plus loin pour garantir aux Premières Nations un financement durable et fondé sur les besoins. Les enfants des Premières Nations ont besoin de solides engagements à l’égard de leur bien-être, appuyés par un financement à long terme, pour combler les graves lacunes découlant de décennies de sous-financement.
Pour répondre à ces préoccupations, je demande au gouvernement du Canada de prendre le temps de discuter sérieusement de ce projet de loi avec les titulaires de droits des Premières Nations. Il est essentiel que les voix des Premières Nations soient prises en compte dans le projet de loi, qui aura des répercussions sur nos enfants et nos familles pour les générations à venir.
J’ai été enchantée de constater que le projet de loi prévoit maintenant une représentation autochtone au sein du Conseil consultatif national sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants, mais cela ne va pas assez loin. Les Premières Nations ont des besoins et des priorités distincts de ceux de leurs partenaires inuits et métis, et nous avons besoin de représentants distincts qui sont nommés par les Premières Nations pour défendre nos intérêts au sein de ce comité.
Enfin, j’exhorte le gouvernement du Canada à travailler avec les Premières Nations pour comprendre l’état actuel des besoins en matière de garde d’enfants et effectuer des investissements substantiels pour combler les lacunes découlant de décennies de sous-financement.
Dans le cadre de votre étude du projet de loi, je vous demande de garder dans votre cœur les générations passées, présentes et futures d’enfants des Premières Nations. Je vous rappelle le droit de nos enfants de grandir entourés de leurs cultures, de leurs langues et de leurs traditions, et le rôle que jouent des services de garde de haute qualité, déterminés par les Premières Nations, dans la défense de ces droits.
Woliwon, wela’lin, merci.
La présidente : Je vous remercie beaucoup. Nous entendrons maintenant Mme Omeniho.
Melanie Omeniho, présidente, Les Femmes Michif Otipemisiwak : Bonjour. J’aimerais souligner que je me joins à vous aujourd’hui depuis le territoire visé par le Traité no 6, sur les terres ancestrales de la nation métisse.
Les Femmes Michif Otipemisiwak, également appelée LFMO, est l’organisation nationale des femmes autochtones qui a le mandat démocratique de représenter les femmes de la nation métisse sur l’ensemble des terres ancestrales de la nation métisse. Nous militons à l’échelle nationale et internationale pour l’égalité de traitement, la santé et le bien-être de tous les Métis, en mettant l’accent sur les droits, les besoins et les priorités des femmes, des jeunes des enfants métis 2ELGBTQQIA+.
LFMO appuie le projet de loi C-35, car il aiderait à soutenir le Cadre d’apprentissage et de garde des jeunes enfants autochtones. Le développement de la petite enfance chez les jeunes apprenants métis est l’une des étapes les plus cruciales pour établir un lien avec eux-mêmes, leurs ancêtres, leur culture, leur communauté et la terre.
Les femmes métisses ont toujours été et continuent d’être au cœur de la nation métisse. En tant que soignantes, enseignantes, mères, kookums et tantes, les femmes métisses se sont toujours profondément impliquées dans l’apprentissage et la garde des jeunes enfants. Étant celles qui donnent le jour à nos enfants, les femmes métisses et les personnes de diverses identités de genre sont particulièrement touchées par les difficultés d’accès aux programmes d’apprentissage et de garde des jeunes enfants.
L’élaboration d’autres programmes d’AGJE nécessite une approche fondée sur la distinction qui privilégie également un cadre d’analyse comparative entre les sexes. Jusqu’à tout récemment, il manquait cruellement de programmes d’AGJE adaptés à la culture des enfants métis. Bien que d’excellents travaux aient été entrepris à cet égard, notamment dans le cadre de divers projets provinciaux effectués au titre de l’Accord Canada-nation métisse sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants signé par la nation métisse et le gouvernement du Canada en 2019, il y a encore beaucoup de travail à faire, car ce qui est actuellement en place est loin d’être suffisant pour répondre à la fois aux besoins et à la demande en programmes d’AGJE pour les Métis.
Il est urgent de combler les lacunes en matière de financement et de programmes propres aux Métis, et encore plus urgent d’avoir des initiatives d’AGJE dirigées par les Métis pour répondre à cet appel. Vu les pressions qui s’exercent sur les femmes métisses et les parents 2ELGBTQQIA+ pour continuer de participer à l’économie du travail rémunéré, l’absence ou l’insuffisance de financement et de soutien pour ces programmes équivalent à favoriser davantage l’assimilation de la nation métisse.
Compte tenu des principes directeurs énoncés dans le projet de loi C-35, LFMO recommande que le gouvernement du Canada finance la collecte de nouvelles données désagrégées sur les distinctions et le genre en ce qui concerne l’apprentissage et la garde des jeunes enfants métis.
Le projet de loi établit un Conseil consultatif national sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants. LFMO aimerait défendre les intérêts des femmes métisses et des parents 2ELGBTQQIA+ aux tables de travail, au sein des groupes de travail et dans les travaux entrepris pour comprendre les défis propres aux Métis sur le plan de l’apprentissage et de la garde des jeunes enfants. Nous voulons nous engager à apporter des changements systémiques à long terme en mettant en place un financement et un soutien exclusif aux Métis pour la construction de centres d’apprentissage et de garde des jeunes enfants métis dans tout le territoire de la nation métisse.
LFMO voudrait que le gouvernement du Canada s’engage à créer davantage de programmes d’apprentissage et de garde des jeunes enfants propres aux Métis. Il devrait notamment mener des consultations auprès des familles métisses dès le départ.
Ce qu’il faut, c’est un engagement à élaborer une solution à court terme d’apprentissage et de garde des jeunes enfants pour les femmes métisses et les parents 2ELGBTQQIA+, en mettant davantage l’accent sur l’aide immédiate aux filles, aux femmes et les personnes 2ELGBTQQIA+ métisses et leurs enfants qui fuient la violence familiale et la maltraitance.
Nous préconisons l’élaboration d’un programme de garde des jeunes enfants ciblé, permanent et subventionné destiné aux Métis qui tienne compte du coût de la vie et du logement à l’échelle locale dans chaque région. D’autres programmes de garde des jeunes enfants ciblés, permanents et subventionnés destinés aux Métis et du financement pour les familles métisses qui ont des enfants ayant un handicap ou d’autres besoins spéciaux sont fondamentalement nécessaires.
Lorsqu’il y a de la place pour les jeunes apprenants métis ainsi que des outils adaptés à leur culture, les enfants métis sont mieux en mesure de réaliser leur plein potentiel. Si le gouvernement du Canada est déterminé à réussir la réconciliation avec les Métis, les programmes d’AGJE qui accordent la priorité aux besoins des Métis doivent être maintenus.
LFMO appuie l’adoption et la mise en œuvre du projet de loi C-35 uniquement pour s’assurer que les enfants métis continuent d’avoir accès à des services d’apprentissage et de garde de grande qualité axés sur les Métis.
Je vous remercie de m’avoir invitée ici aujourd’hui et de prendre le temps de nous écouter. Merci.
La présidente : Je vous remercie beaucoup, madame Omeniho.
Il y a bien du monde aujourd’hui. Pour vos questions, vous disposez de quatre minutes chacun, et ce, pour la question et la réponse. J’entends faire respecter ce temps.
La sénatrice Cordy : N’y avait-il pas une émission de télévision où la personne avait un gong?
La présidente : J’ai un maillet.
La sénatrice Cordy : Cela convient.
Merci beaucoup. J’ai trouvé vos déclarations excellentes et très instructives. J’ai une dizaine de questions dans les notes que j’ai prises, mais je passerai outre et n’en poserai qu’une seule.
Vous avez toutes fourni des données et des recherches intéressantes que vous avez recueillies et effectuées au sein de vos communautés. Avons-nous suffisamment de données? Avons-nous suffisamment de recherches sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants pour les Premières nations, les Inuits et les Métis? D’après ce que j’ai lu et entendu de votre part aujourd’hui, nous devons être très conscients des différents besoins qui doivent être comblés au sein des communautés.
Pourriez-vous me dire si nous avons besoin de plus de données ou si nous en avons suffisamment, sans toutefois les utiliser lors de l’élaboration de projets de loi au gouvernement?
Mme Bernard : Je vous remercie de votre question, sénatrice.
Pour ce qui est de savoir si nous avons suffisamment de données, je dirais qu’il existe peut-être des rapports qui seraient utiles, mais tout se résume à l’élaboration d’une mesure législative que j’estime nécessaire ici. On ne peut pas avoir une seule personne alors qu’il y a trois organisations nationales. Il y a les Inuits, les Métis et les Premières Nations. La présence d’un seul membre au sein d’un conseil consultatif national ne permet pas de nous représenter tous de manière adéquate. Même avec un grand nombre de documents et de rapports, ce serait insuffisant.
D’une manière ou d’une autre, je pense qu’il est nécessaire de s’engager réellement avec les Premières Nations et les différentes organisations, et de réunir tout le monde autour de la table pour discuter.
Cela a été fait à maintes reprises avec d’autres projets de loi et mesures législatives qu’ils essaient de faire adopter. Ils préparent quelque chose, nous le présentent et nous disent ensuite : « Qu’en pensez-vous? » Les choses devraient fonctionner autrement. Nous devons être présents dès le début. Rien de ce qui nous concerne ne doit se faire sans nous. C’est ce que j’ai dit à tous les sénateurs et à tous les premiers ministres que j’ai rencontrés. C’est important. J’ai l’impression d’être un disque rayé en le disant parce qu’il me semble que je répète le même message et que rien ne change. Il faut vraiment se pencher sur la question.
Vous gagnerez du temps et de l’argent en procédant de la sorte. Commencez par le commencement. Nous sommes avec vous, nous travaillons ensemble et nous trouvons une solution qui garantit que l’on ne porte pas atteinte à nos droits d’une manière ou d’une autre, et ensuite vous allez de l’avant et vous pouvez avoir ces discussions.
La présidente : Merci beaucoup, madame la cheffe nationale par intérim Bernard. Nous avons précisément une minute et six secondes pour entendre M. Obed et Mme Omeniho.
M. Obed : Les Inuits travaillent sur cette question depuis des décennies. À l’heure actuelle, il existe un cadre inuit pour l’éducation préscolaire et les services de garde. Ce cadre permet de prendre des décisions sur la manière dont les fonds provenant d’investissements fédéraux sont acheminés vers les communautés inuites.
Il y a aussi la table de concertation nationale inuite sur l’éducation préscolaire et les services de garde d’enfants, où des fonctionnaires fédéraux travaillent avec nous à la mise en œuvre du cadre.
En outre, nous avons l’Enquête nationale sur la santé des Inuits, appelée Qanuippitaa?, et cette enquête sur la santé des Inuits comporte des questions sur l’éducation préscolaire et les services de garde ainsi que des questions spécifiques aux enfants grâce auxquelles nous disposerons d’informations et de données très claires sur la situation des enfants inuits et sur la manière dont les investissements transformeront les résultats socioéconomiques des enfants inuits au fil du temps.
La présidente : Merci. Madame Omeniho, je vais vous accorder un peu plus de temps bien que le temps soit écoulé, car la question de la sénatrice Cordy mérite une réponse.
Mme Omeniho : Je voudrais en particulier parler de la question des données. La nation métisse est très novice dans ce domaine. C’est en 2019 que nous avons commencé à travailler sur l’éducation préscolaire de nos enfants. Beaucoup de travail a été accompli au cours de ces quelques années, mais il reste encore beaucoup à faire.
L’un des problèmes que nous avons est qu’il existe très peu de données sur les enfants métis. Au fil des décennies, les enfants métis n’ont pas bénéficié de programmes tels que le programme Bon départ. Nous sommes très novices dans ce domaine. C’est aussi une excellente occasion pour nous d’élaborer un modèle d’évaluation qui permettra de mesurer la réussite de nos enfants après avoir travaillé avec eux dans les domaines de l’éducation préscolaire. Merci.
La sénatrice Seidman : Je vous remercie tous de vos importantes présentations. Je vais bien sûr poursuivre sur la question des données. Je vous donnerai donc plus d’occasions de répondre, en particulier à Mme Omeniho, si vous me le permettez. Je vais essayer d’orienter la discussion d’une manière légèrement différente.
Nous savons que la qualité est un indicateur important de la réussite de l’éducation préscolaire. Quelles mesures le gouvernement fédéral devrait-il prendre pour obtenir des données complètes et des résultats de recherche sur les enfants autochtones, dans le but de créer un plan de mise en œuvre fondé sur des données probantes pour des services de garde d’enfants de qualité? Par ailleurs, quelles données relatives aux enfants des Premières Nations, à l’éducation préscolaire et aux services de garde sont disponibles auprès du Centre de gouvernance de l’information des Premières Nations?
J’aimerais commencer avec Mme Omeniho et lui donner un peu plus de temps pour répondre.
Mme Omeniho : Comme je l’ai dit, nous n’avons commencé à travailler sur les questions d’apprentissage préscolaire et de garde d’enfants qu’en 2019. Même si la nation métisse a essayé de procéder efficacement dans ce domaine, nous ne sommes financés que depuis 2019. Mais nous avons un comité national composé de tous les membres dirigeants de la nation métisse qui travaillent ensemble et tentent d’élaborer des stratégies et de construire un modèle fondé sur des données probantes afin de réussir à faire le suivi des enfants et veiller à ce que les programmes qui leur sont proposés et les possibilités qui leur sont offertes portent des fruits.
Nous sommes bien conscients qu’il est important que nos enfants aient la possibilité de s’épanouir dans leur culture, leur langue et les choses qu’ils connaissent autour d’eux. Plus nous donnons aux familles la possibilité d’accéder à l’éducation préscolaire, plus les parents seront impliqués dans l’éducation de leurs enfants et plus nous verrons des étudiants obtenir des diplômes dans les écoles secondaires et les universités.
La sénatrice Seidman : Merci. Je vais donc m’adresser à vous, M. Obed, et vous interroger plus particulièrement sur un plan de mise en œuvre fondé sur des données probantes pour des services de garde d’enfants de qualité, étant donné que nous savons à quel point la qualité est importante pour la réussite des programmes d’éducation préscolaire. Comment le gouvernement fédéral peut-il vous aider à créer ce type de base de données probantes?
M. Obed : Je vous remercie de votre question. Une base législative pour ce travail est d’une importance vitale, mais vu la façon dont le travail se déroule, je voudrais passer la parole à ma collègue, Mme Graham, pour une réponse précise et détaillée.
Amy Graham, gestionnaire de l’avancement des politiques, Inuit Tapiriit Kanatami : Quyanainni, merci. Je pense qu’il est important que le gouvernement fédéral s’adresse directement aux organisations inuites. La table de concertation nationale inuite sur l’éducation préscolaire et les services de garde d’enfants compte des experts prêts à fournir des renseignements, à participer à toute évaluation ou à tout processus que le gouvernement fédéral jugerait utile au travail. Les systèmes sont en place pour l’engagement, et je pense que nous serions en mesure d’apporter notre aide, si nécessaire.
La sénatrice Seidman : Merci.
La sénatrice Moodie : Je remercie tous les témoins de leur présence aujourd’hui.
J’aimerais poursuivre la discussion sur les défis auxquels vous faites face en matière de développement de la main-d’œuvre et de création d’espace. Je voulais vous demander si, dans le cadre de votre partenariat Inuit-Couronne ou de la table nationale de concertation, vous avez eu l’occasion de discuter du plan fédéral d’amélioration de la main-d’œuvre dont vous parlez et que vous proposez. Ce sujet a-t-il été abordé dans vos pourparlers? Quel est votre degré de satisfaction?
M. Obed : L’un des obstacles à l’accès au marché du travail est la garde d’enfants. C’est l’un des principaux sujets de conversation autour des tables techniques depuis une dizaine d’années. Cela va au-delà de la simple solution qu’offre la garderie subventionnée. D’autres mécanismes doivent être mis en place pour permettre aux Inuits de participer pleinement à la vie active.
Il y a également une question plus fondamentale concernant la participation à la communauté et les mesures mises en place pour l’emploi. Même celles que j’ai mentionnées dans mon discours d’ouverture ne sont pas nécessairement les seules en jeu. Ce que nous voulons vraiment, ce sont des communautés inuites prospères et en bonne santé.
Dans notre cadre sur l’apprentissage préscolaire et la garde d’enfants, il n’est pas seulement question d’accès au marché du travail, mais aussi de la possibilité pour les parents de chasser ou d’offrir des enseignements culturels, et d’être des membres de la communauté à part entière. Le cadre sur l’apprentissage préscolaire et la garde d’enfants permet d’inclure nos modes de vie traditionnels dans la vie contemporaine.
La sénatrice Moodie : Est-ce que l’un d’entre vous souhaite ajouter des commentaires à ce sujet? Quels sont les défis que vous voyez pour le développement de la main-d’œuvre et la création d’espace, et quels types de discussions avez-vous déjà eues avec le gouvernement à ce sujet?
Mme Omeniho : Je peux formuler quelques observations. Tout d’abord, la disponibilité des places est un problème important dans beaucoup de communautés métisses, où il y a très peu de places disponibles dans les services d’éducation préscolaire ou de garde d’enfants. Celles qui sont disponibles ne sont pas abordables pour de nombreuses jeunes familles qui tentent d’accéder à ce type de services.
En ce qui concerne le lieu de travail, très souvent — en particulier dans notre jeune population — de nombreuses familles sont obligées d’avoir des expériences de travail diverses qui ne sont pas des emplois de neuf à cinq. Les services de garde d’enfants et d’éducation préscolaire n’existent pas pour elles. Donc, parfois, sur le plan culturel, nous avons beaucoup à faire pour qu’il y ait des possibilités de placement professionnel ainsi que l’équilibre travail-famille. Ce sont des choses que nous devons faire dans le cadre de notre programme d’apprentissage préscolaire et de garde d’enfants autochtones pour que toutes les familles en bénéficient.
Mme Bernard : Il y a 634 Premières Nations au Canada. Je pense que les besoins des Premières Nations sont peut-être uniques, dans la mesure où, pour obtenir un agrément ou pour que le gouvernement les aide financièrement, les systèmes de garde d’enfants des Premières Nations dans les réserves doivent être agréés, et ils doivent remplir un formulaire de demande. Le problème dans de nombreuses Premières Nations est le coût nécessaire pour répondre aux critères et faire en sorte que les enfants aient accès au financement pour des services de garde.
La sénatrice McPhedran : Je remercie tous les témoins de leur présence.
Ma question porte sur la durabilité — je suppose que c’est le terme que j’emploierais — de la loi. Nous sommes tous parfaitement conscients du fait que lorsqu’il est nécessaire d’établir des réglementations détaillées, tout gouvernement ultérieur peut facilement s’y soustraire. J’espère que vous avez examiné le projet de loi dans l’optique d’un éventuel changement de gouvernement. Avez-vous des commentaires sur la durabilité du projet de loi? Le chef Obed pourrait-il répondre en premier, s’il vous plaît?
M. Obed : Je vous remercie de cette question. Je pense tout de suite au conseil et à la volonté du gouvernement d’entendre au fil du temps les voix qu’il veut entendre plutôt que celles des institutions qui défendent les droits des Premières Nations, des Inuits et des Métis. J’encourage simplement le gouvernement fédéral, le Sénat et la Chambre des communes à comprendre l’historique des projets de loi qui portent sur les Premières Nations, les Inuits et les Métis, parce que les processus prévus dans les projets de loi tels que le projet de loi actuel créent des mécanismes qui servent les propres intérêts de l’appareil fédéral, qui permettent une reddition de comptes et de la rétroaction qui viennent d’agents du gouvernement, des différentes parties nommées au conseil.
Ainsi, le conseil présente un risque réel dans ce projet de loi. C’est merveilleux que le présent gouvernement ait la grande ambition d’être un chef de file dans la garde des jeunes enfants. Notre appui est très ferme pour ce qui est d’exprimer cette ambition dans un projet de loi. Toutefois, nous reconnaissons aussi le symbolisme des véritables changements qu’il peut apporter et des progrès réels que nous avons accomplis avec le gouvernement dans le financement de l’apprentissage et de la garde des jeunes enfants, pour répondre aux besoins de ces derniers. C’est notre but. Ce serait fantastique si le projet de loi pouvait aider, mais nous sommes inquiets à cet égard aussi.
Mme Bernard : Je vous remercie beaucoup. Je signale qu’il y a une question qui a été posée sur les données recueillies et la recherche faite pour les Premières Nations. Mme Wellman pourrait-elle en dire plus là-dessus? Je veux simplement que vous sachiez ce qui est disponible et ce qui a été fait.
La présidente : La question de la sénatrice McPhedran concernait la durabilité du projet de loi à long terme. Avez-vous un point de vue à ce propos, madame la cheffe nationale par intérim?
Mme Bernard : Oui, bien sûr. De mon point de vue, il faut interrompre ce processus législatif. On m’a parlé de consultation. Il faut prendre le temps de consulter les Premières Nations, les Inuits et les Métis sur ce projet de loi, parce que quand il sera adopté, il sera trop tard. Il aura une grande incidence sur nous par la suite. Il importe de mettre le processus sur pause. On m’a dit que la consultation doit se faire conformément à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
Je vous remercie.
Le sénateur Cormier : Je vais poser ma question en français, alors assurez-vous de porter votre oreillette.
Je la mets en contexte en anglais. Dans les dernières semaines, on nous a dit qu’il serait souhaitable d’ajouter une définition de l’apprentissage et de la garde des jeunes enfants dans le projet de loi.
[Français]
La députée du Nouveau Parti démocratique Leah Gazan a envoyé au comité une proposition en ce sens. Elle propose que, aux fins du projet de loi C-35, l’apprentissage et la garde de jeunes enfants désignent des fournisseurs de programmes et services d’apprentissage et de garde des jeunes enfants agréés auprès d’un gouvernement provincial et territorial ou les fournisseurs de services relevant de la compétence d’un organisme de gouvernance autochtone. Que pensez-vous de cette proposition? Trouvez-vous qu’il soit nécessaire d’avoir une telle définition dans le projet de loi? C’est la question que je vous pose, monsieur Obed, ainsi qu’aux autres témoins.
[Traduction]
M. Obed : À ITK, nous ne sommes malheureusement pas en mesure de répondre à cette question. Nous devrons nous réunir et vous répondre par écrit le plus tôt possible.
Mme Omeniho : Je dirais que c’est sans doute aux gouvernements de la nation des Métis qu’il faudrait poser la question. Ils sont sans doute bien mieux placés que moi pour y répondre, mais je vous remercie de l’occasion qui m’est offerte de me prononcer. Les Femmes Michif Otipemisiwak est une organisation stratégique. Nous ne faisons pas de prestation de services.
La présidente : Je vous remercie.
Mme Bernard : Je vous remercie. Je suis d’accord pour vous fournir de l’information par écrit plus tard.
Le sénateur Cormier : Je vous remercie.
Madame la cheffe nationale par intérim, vous avez parlé de l’élaboration conjointe de ce projet de loi, n’est-ce pas? Quelles seraient les premières étapes de ce processus? Vous avez souligné que c’est un processus important, et j’aimerais en savoir plus là-dessus.
Mme Bernard : Je vous remercie encore de cette excellente question. Je défends ce point de vue depuis le tout début. Dans tout ce qu’il fait en matière de projets de loi, de lois ou autre, le gouvernement du Canada doit commencer à inclure les Autochtones dès le début. Il semble que si ce n’est pas fait correctement, c’est du temps et de l’argent gaspillés. Selon la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, la consultation doit inclure les Autochtones dès le départ.
Le sénateur Cormier : Qu’est-ce que cela signifie concrètement? Comment vous y prendriez-vous?
Mme Bernard : Au fond, quand l’idée n’est encore qu’au stade de la pensée, c’est là qu’il faut entamer les conversations avec les trois organisations autochtones. C’est à partir de là que tout doit commencer. Il ne faut pas travailler à huis clos, présenter un document pour ensuite demander ce que nous en pensons et s’il faut le modifier. Ce n’est pas ainsi qu’il faut procéder et ce n’est pas ce qu’on appelle une élaboration conjointe.
L’élaboration conjointe commence dès le début. Lorsque la mesure législative n’est encore qu’une pensée ou qu’une idée, c’est là que les gouvernements doivent se consulter. Nous représentons aussi un gouvernement. Je veux simplement que les choses se fassent convenablement. Je pense que les projets de loi seraient plus faciles à adopter et moins controversés ainsi. Il y aurait moins de poursuites et de procès. C’est juste mieux de tenir les consultations au tout début, monsieur.
Le sénateur Cormier : Je vous remercie, madame. Merci beaucoup.
La présidente : Je pourrais peut-être poser une question brève à vous trois.
Nous avons parlé des besoins des peuples autochtones et du manque de consultation, mais une grande part des enfants autochtones vivent en milieu urbain. Croyez-vous que le projet de loi, dans sa version actuelle, prévoit un soutien ciblé pour répondre aux besoins particuliers des enfants autochtones qui vivent en ville?
M. Obed : Le travail que nous avons réalisé avec le gouvernement du Canada jusqu’à présent comprend les Inuits, peu importe où ils vivent. À ITK, nous reconnaissons que les besoins des enfants inuits qui vivent en dehors de notre terre natale, l’Inuit Nunangat, sont de plus en plus un enjeu stratégique et qu’il faut travailler en partenariat avec les gouvernements du Sud.
Dans ce projet de loi, nous ne voyons aucune disposition qui exclue systématiquement les enfants inuits qui vivent en dehors de l’Inuit Nunangat. Nous cherchons davantage à offrir de meilleurs services à ces enfants inuits à l’aide des mécanismes actuels. Nous ne voyons pas cette question comme un point de discorde dans ce projet de loi.
Mme Omeniho : [Difficultés techniques] les restrictions et les limites qu’ont d’autres Autochtones. Bon nombre d’entre nous ont toujours vécu en ville ou près des villes. Même durant notre histoire, bien des villes ont été construites grâce au commerce de la fourrure. Ces villes n’existaient donc qu’en raison de notre participation à ce commerce urbain.
La présidente : Madame Omeniho, croyez-vous que la version actuelle de ce projet de loi répond aux besoins des enfants autochtones en milieu urbain?
Mme Omeniho : Je crois que, s’il prévoit le soutien et les ressources nécessaires pour que les gouvernements des Métis le mettent en œuvre, ce projet de loi répondra aux besoins de la nation métisse, parce que nous assurons la prestation des services aux enfants en milieu rural comme en milieu urbain.
La présidente : Je vous remercie.
Mme Bernard : Honnêtement, je ne peux pas vous répondre par oui ou non. Je ne me rappelle pas l’avoir évoqué, mais le système est plutôt unique. Si les enfants sont dans des services de garde dans les réserves, la responsabilité revient alors au gouvernement de la Première Nation. Si le service de garde est situé hors réserve dans une ville, je ne sais pas comment on peut faire le suivi. Ce serait un peu difficile de voir comment les enfants seront touchés. C’est difficile à dire dans le cas des enfants qui ne résident pas dans une réserve et qui vont dans un service de garde non autochtone, en ville. Je ne sais pas. C’est clairement une chose à laquelle il faut réfléchir. Je vous remercie.
Le sénateur Cardozo : Je vous souhaite la bienvenue à tous. Merci beaucoup de nous accorder du temps aujourd’hui.
Nous avons un peu parlé de langues, aujourd’hui. Est-ce que chacun d’entre vous peut parler de l’importance de parler les langues autochtones et ancestrales dans le contexte de l’apprentissage des jeunes enfants?
M. Obed : Je vous remercie. Nous, les Inuits, sommes très chanceux d’avoir pu conserver l’inuktitut grâce à notre résilience dans diverses circonstances. C’est la langue prépondérante dans bon nombre de nos 51 communautés. Nous sommes très préoccupés par la viabilité de l’inuktitut, en raison des grandes carences dans la prestation de services gouvernementaux et l’enseignement en inuktitut. Il est bien souvent difficile de recevoir des communications et d’autres documents dans notre langue, car l’inuktitut ne reçoit pas le même financement que les langues officielles, l’anglais et le français.
Les services de garde constituent des lieux essentiels pour transférer les rudiments de l’inuktitut de génération en génération. Cela dit, ils ne sont pas les seuls. Le foyer est l’endroit où le transfert essentiel de connaissances se fait, mais si l’enfant ne peut apprendre sa langue qu’en partie à la maison, les services de garde peuvent jouer un rôle extraordinaire pour promouvoir, préserver, maintenir et transmettre l’inuktitut d’une génération à l’autre. C’est exactement ce que nous avons l’intention de faire dans la mise en place de notre cadre dans l’Inuit Nunangat et partout où les programmes sont offerts.
Mme Bernard : C’est une excellente question sur les langues. J’estime qu’il est essentiel d’enseigner les langues dans les services de garde, parce que bien des Premières Nations n’ont pas leurs propres écoles dans les réserves. Le seul endroit où les jeunes enfants peuvent donc apprendre leur langue de la naissance à l’âge scolaire, c’est dans les services de garde. Ensuite, ils vont à l’école jusqu’à 12 ans. Les services de garde sont l’un des meilleurs endroits où enseigner les langues dans bien des communautés éloignées et urbaines qui n’ont pas leur propre école. Les enfants peuvent ainsi les apprendre de la naissance jusqu’à l’entrée à la maternelle, puis encore jusqu’à 12 ans, parce qu’ils vont au service de garde après l’école. C’est le seul endroit où ils peuvent apprendre leur langue.
C’est un sujet qui est très difficile pour moi, car j’ai perdu ma langue. Le wolastoqey est en voie d’extinction. Je suis allée dans les écoles locales de ma communauté. Nous n’y parlions pas notre langue, et il n’y a plus personne dans ma communauté qui s’exprime en wolastoqey. Le besoin de parler sa langue est essentiel. La langue représente qui nous sommes. Je vous remercie.
[Français]
La sénatrice Moncion : Les représentants des communautés de langue officielle en situation minoritaire font la recommandation d’un amendement à l’article 8 du projet de loi. La Commission nationale des parents francophones (CNPF) réclame notamment l’ajout d’une mention des communautés de langue officielle en situation minoritaire (CLOSM) à cet article, qui énonce l’engagement d’un financement à long temps du gouvernement fédéral.
Est-ce qu’un tel amendement aurait un quelconque impact pour les peuples autochtones, à votre avis? Si oui, lequel?
[Traduction]
M. Obed : Je n’étais pas au courant de l’amendement dont vous faites mention, mais très souvent, le statut de langue officielle du français et de l’anglais amène les autorités à imposer par la manière forte ces deux langues et à les rendre dominantes dans nos communautés. L’histoire de la participation des Inuits au Canada dans les systèmes de santé, d’éducation et de gouvernance en est une de dépossession de l’inuktitut face aux lois fédérales, provinciales et territoriales qui donnent préséance à l’anglais et au français, même dans nos communautés où l’inuktitut prédomine.
Je ne veux pas dire qu’il faut nous lancer dans des chicanes entre communautés linguistiques au pays. Je dis simplement que les lois et les politiques causent un appauvrissement de nos langues, qui ne jouissent d’aucun financement, même sur nos terres où l’inuktitut domine, ce qui met en péril la viabilité de nos langues.
Mme Bernard : Je vous remercie. Mme Wellman et à Mme Quinn seront davantage en mesure de répondre à votre question sur l’article 8 du projet de loi.
Stephanie Wellman, directrice du développement social, Inuit Tapiriit Kanatami : Merci, madame la cheffe nationale par intérim. Nous ne nous sommes pas penchés sur les amendements en question, mais comme l’a indiqué la cheffe nationale par intérim, la langue est une question fondamentale pour les Premières Nations.
Des fonds sont nécessaires pour que les Premières Nations puissent revitaliser leurs langues dans tous les domaines, notamment dans les services d’éducation préscolaire et de garderie. Je vous remercie de votre question.
La présidente : Merci.
Mme Omeniho : La langue mitchif est sur le point de disparaître. Par conséquent, j’appuie cette démarche, car il est important que nos enfants apprennent notre langue et qu’ils y soient exposés.
J’ignore le contenu de l’amendement proposé à l’article 8, mais j’admire beaucoup la façon dont les Canadiens français sont parvenus à revitaliser leur langue. J’aimerais que nous redoublions d’efforts pour revitaliser les nôtres et pour qu’elles soient visées par la mesure législative, afin que nos enfants sachent qu’ils peuvent également parler leur langue comme une langue maternelle.
La présidente : Merci.
Le sénateur Quinn : J’ai une observation et une question. Tout d’abord, je vous remercie énormément de...
La présidente : Vous avez quatre minutes.
Le sénateur Quinn : D’accord. Cela me prendra moins de temps que cela.
Je remercie nos témoins de leur présence ce soir.
Tout d’abord, je vous remercie d’avoir reconnu que l’éducation préscolaire et le développement de la petite enfance jouent un rôle fondamental dans l’éducation, quel que soit le groupe démographique, car c’est dans ces domaines que se joue l’avenir de nos enfants. J’ai beaucoup apprécié vos propos à ce sujet.
J’ai également beaucoup apprécié les observations de la cheffe nationale par intérim, Mme Bernard, concernant le codéveloppement. Nous en avons eu des exemples par le passé. Je suis d’accord pour dire que si nous voulons vraiment avancer de manière respectueuse, nous devons envisager des approches d’élaboration conjointes. Cela ne fait aucun doute.
Ma question porte sur le développement de la petite enfance. L’ensemble de notre société connaît une pénurie de main-d’œuvre qualifiée et compétente. Est-ce quelque chose qui vous préoccupe, sachant que même si des places supplémentaires sont créées dans les communautés, il se peut qu’il ne soit pas possible de trouver la main-d’œuvre qualifiée et compétente nécessaire? Est-ce quelque chose qui vous préoccupe? Comment comptez-vous composer avec cette situation?
M. Obed : La solution réside dans l’accréditation et dans les mesures législatives adoptées par les provinces et les territoires afin de déterminer qui peut assurer la prestation de ces services aux enfants et aux communautés. C’est l’un des défis fondamentaux que nous devons relever pour assurer la formation de personnel inuit spécialisé dans les services d’apprentissage et de garde des jeunes enfants.
Les autres obstacles que nous connaissons depuis longtemps sont liés à l’infrastructure, c’est-à-dire à la capacité d’accueil, mais nous collaborons avec le gouvernement pour obtenir de nouveaux investissements qui nous permettront de construire les locaux nécessaires et d’embaucher un plus grand nombre d’éducateurs de la petite enfance.
Le sénateur Quinn : Merci.
Mme Omeniho : Je suis d’accord avec M. Obed. Notre capacité à réaliser ces projets dépend des investissements consacrés à la formation du personnel, afin qu’il soit accrédité à dispenser la formation nécessaire. Je pense que nous devons également participer au processus d’accréditation de ces formations afin de veiller à ce qu’elles respectent nos cultures, nos langues et notre histoire. Je vous remercie.
Mme Bernard : Si j’ai bien compris votre question, vous faites référence à la capacité de faire fonctionner ces établissements dans les communautés; est-ce bien votre question? Je vous prie de m’excuser.
Le sénateur Quinn : Je comprends qu’il soit nécessaire de développer les infrastructures, qui constituent en effet un autre élément du casse-tête. Ma question portait sur les qualifications et les compétences nécessaires. Comment comptez-vous répondre à ce besoin? Tous les secteurs de la société connaissent une pénurie de main-d’œuvre qualifiée pour assurer la prestation de services. Quelles sont les préoccupations particulières de l’Assemblée des Premières Nations à cet égard?
Mme Bernard : Pour l’APN, il s’agit du manque de financement de l’éducation, de notre capacité à former le personnel, et de lui donner la possibilité de venir travailler dans les communautés et dans les garderies ou dans les centres de la petite enfance. Je milite constamment pour la hausse du financement consacré à l’éducation. Je regrette de le dire, mais il s’agit d’un manque de financement. Le système d’éducation doit être mieux financé afin de permettre au personnel d’être adéquatement formé, et afin de leur donner les moyens de faire fonctionner ce système dans les communautés. Je vous remercie.
Le sénateur Quinn : Merci.
La sénatrice Burey : Merci. Encore une fois, monsieur Obed et madame Bernard, cheffe nationale par intérim, je vous souhaite la bienvenue. Je vous remercie de votre présence.
J’aimerais comprendre un peu mieux vos préoccupations concernant le processus de consultation. Je pensais que la mesure législative s’appuyait sur des partenariats existants, tels que des partenariats bilatéraux avec les Autochtones, des partenariats entre les provinces et les territoires, des tables de partenariat nationales et régionales, des secrétariats, et cetera. Dans quelle mesure ces partenariats ont-ils influencé la mesure législative que nous étudions?
Mme Bernard : Merci.
En ce qui concerne cette mesure législative et ce qui a été fait jusqu’à présent, on constate que le point de vue des Autochtones n’est pas suffisamment pris en compte. Des réunions sont organisées avec les ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux. J’ai assisté à un certain nombre d’entre elles. On nous écoute passivement, sans qu’il y ait vraiment de dialogue avec les différentes communautés et les différentes Premières Nations du Canada. Un entretien avec une personne ne constitue pas une consultation. Il faut établir un dialogue avec les chefs et les membres des Premières Nations afin d’obtenir le point de vue de chaque région, et il faut recueillir ces renseignements. Il faut pouvoir être en mesure de produire un rapport exhaustif.
Cela ne doit pas se résumer à rassembler une ou deux personnes dans une salle avec quelques ministres fédéraux, provinciaux ou territoriaux. Ne nous méprenons pas, ces réunions sont très importantes, mais il n’y a pas suffisamment de dialogue avec les communautés. Je vous remercie.
La sénatrice Burey : Merci.
La présidente : Merci, chers collègues, et bien que nous arrivions à la fin du temps qui nous est imparti aujourd’hui, je donnerai à M. Obed l’occasion de s’exprimer.
M. Obed : Pour ce qui est des Inuits, c’est une priorité sur laquelle nous travaillons depuis assez longtemps. Sur le plan structurel, nous avons créé un groupe de travail sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants inuits, qui relève de notre conseil d’administration. Ce groupe de travail a collaboré avec le gouvernement fédéral et nous nous sommes dotés d’une table nationale de partenariat sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants inuits. C’est dans ce cadre que nous avons discuté des dispositions de ce projet de loi, et c’est la raison pour laquelle nous souhaitions participer à cette étude afin d’appuyer le projet de loi.
Par ailleurs, le gouvernement n’a jamais indiqué que cette mesure législative a été élaborée conjointement, et nous ne pensions donc pas que c’était quelque chose qui était lié à un projet de loi comme le projet de loi C-92, la Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis.
La présidente : Je vous remercie. C’est un témoignage intéressant. La marraine du projet de loi a une dernière question à poser. Je lui accorde trois minutes.
La sénatrice Moodie : Je tenais à rappeler certains éléments d’information dont j’ai eu connaissance et j’aimerais vous demander votre avis.
En 2018, l’Assemblée des Premières Nations, l’ITK et les gouvernements métis ont collaboré avec le gouvernement pour approuver conjointement le Cadre d’apprentissage et de garde des jeunes enfants autochtones. Ce cadre définit une vision, des principes et des objectifs. Les tables de partenariat nationales sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants fondées sur les distinctions, qui ont été élaborées avec ces groupes, rassemblaient des experts de l’apprentissage et de la garde des jeunes enfants, des administrateurs de programmes, ainsi que des techniciens régionaux et communautaires, que leurs dirigeants ont chargés de participer à ces tables et d’élaborer le programme.
Ces tables nationales sont chargées de définir des politiques et des priorités. Elles ont conjointement élaboré le cadre.
Je m’en tiendrai à ce que je sais des 15 partenaires autochtones que le gouvernement a consultés au sujet de cette mesure législative. Je me demande si ces renseignements sont exacts, et s’ils reflètent les activités auxquelles votre groupe et d’autres ont peut-être participé.
M. Obed : En ce qui concerne l’ITK, nous sommes d’avis que le cadre a été élaboré conjointement. Bien que le processus suivi pour celui-ci soit bien différent de celui qui a été suivi afin élaborer cette mesure législative, nous avons pu discuter avec le gouvernement des dispositions de cette dernière.
La présidente : Merci.
Mme Omeniho : En ce qui concerne la nation métisse, la situation est très similaire à celle de l’ITK. Nous avons mis en place une table sur les services d’apprentissage et de garde des jeunes enfants autochtones. Ce que vous avez dit correspond exactement à ce que nous faisons. Bien que nous n’ayons pas participé à l’élaboration conjointe de cette mesure législative, nous nous sommes engagés à participer à ces discussions par le biais des mécanismes bilatéraux que nous avons mis en place de manière permanente. Nos gouvernements participent dans une certaine mesure à ces discussions.
Mme Bernard : Bien que nous n’ayons pas participé à l’élaboration de cette mesure législative, je pense que nous avons participé à l’élaboration du cadre. Il me semble que la mesure législative nous a été présentée une fois rédigée, et nous avons eu la possibilité de poser des questions. C’est justement le problème. Comme je l’ai déjà indiqué, nous aurions dû participer à l’élaboration de la mesure législative dès le début. Le cadre est certainement utile, mais il ne constitue pas une consultation et il ne nous permet pas de donner notre consentement préalable. Je vous remercie.
La présidente : Merci beaucoup. Nous concluons cette partie de notre séance beaucoup mieux éclairé que nous ne l’étions. Merci beaucoup d’avoir pris le temps de vous joindre à nous en personne et sur Zoom.
Nous accueillons maintenant, par vidéoconférence, Brian Maude, membre du Comité des politiques et du Groupe de travail sur le projet de loi C-35 de l’Association du Barreau canadien, et Karolyn Bonneau, membre du Réseau Pédagogie des Premières Nations. Merci à nos témoins de s’être joints à nous aujourd’hui. Chaque témoin dispose de cinq minutes pour faire une déclaration préliminaire, après quoi les membres du comité poseront des questions.
Brian Maude, membre du Comité des politiques et du Groupe de travail sur le projet de loi C-35, Association du Barreau canadien : Mesdames et messieurs les membres du comité permanent, merci et bonsoir.
Je m’appelle Brian Maude et je me joins à vous aujourd’hui depuis Saint John, au Nouveau-Brunswick. La ville de Saint John, ou Menaquesk, se trouve sur le territoire traditionnel des Wolastoqiyik et des Malécites. Ces derniers, ainsi que d’autres groupes autochtones voisins, les Mi’kmaqs et les Passamaquoddy — ou Peskotomuhkatis —, ont signé des traités de paix et d’amitié avec la Couronne britannique dans les années 1700, afin de protéger leurs droits à leurs terres et aux ressources qui s’y trouvaient. Je représente aujourd’hui l’Association du Barreau canadien, à titre de membre du Comité des politiques et du groupe de travail pluridisciplinaire qui a fait part de ses observations sur le projet de loi C-35.
[Français]
L’Association du Barreau canadien est une association nationale qui compte 37 000 membres, dont des avocats, des juges, des notaires, des universitaires et des étudiants en droit. Son mandat, depuis 120 ans, est de chercher à améliorer le droit et l’administration de la justice.
[Traduction]
Tout d’abord, je tiens à remercier A.J. Carstairs, de la section nationale du droit des Autochtones de l’Association du Barreau canadien, qui a présidé le groupe de travail chargé d’étudier le projet de loi C-35, de sa grande sagesse et de la confiance qu’elle me témoigne en me permettant de m’exprimer ici.
[Français]
Les sections de l’ABC applaudissent la vision du gouvernement d’un système d’apprentissage et de garde d’enfants à l’échelle du Canada et sa reconnaissance du fait que les politiques et les lois ont un impact sur les droits des femmes, en particulier celles qui ont des identités croisées, comme les femmes autochtones, de diverses manières et de grande envergure.
[Traduction]
Nous nous réjouissons que les modifications législatives proposées par le Comité du développement social de la Chambre des communes réitèrent l’engagement du gouvernement à respecter le droit des peuples autochtones d’être consultés afin d’obtenir leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. Le groupe de travail de l’Association du Barreau canadien recommande des amendements qui visent à clarifier le libellé de la loi à l’aide du principe autochtone de l’approche à double perspective, ou Etuaptmumk, qui correspond aux enseignements d’Albert Marshall, aîné des Mi’kmaq.
Pour commencer, le premier amendement que nous recommandons a pour but d’affirmer clairement le droit des peuples autochtones de diriger et de guider l’élaboration de programmes et de services d’éducation préscolaire et de garde d’enfants adaptés à leur culture à l’intention des enfants autochtones. Nous remercions le gouvernement d’avoir inclus une formulation à cet effet dans l’alinéa 6e), mais nous demandons plus de précisions à ce sujet. Notre mémoire recommande une mise à jour du libellé à cet effet, en particulier des articles 6 et 7 du projet de loi.
Ensuite, en ce qui concerne la définition proposée des peuples autochtones, nous pensons qu’il est essentiel d’inclure non seulement les droits des peuples autochtones reconnus et confirmés par le paragraphe 3(2) de la Loi constitutionnelle de 1982, mais aussi les mots « les peuples autochtones du Canada qui vivent en dehors de leurs terres ancestrales au Canada ». La définition que nous proposons permettra la participation des Autochtones dont le statut n’est peut-être plus reconnu à la suite de diverses interprétations ou applications de la Loi sur les Indiens.
Enfin, nous recommandons l’inclusion d’une formulation qui exige que le conseil consultatif national soit composé d’au moins une personne autochtone, conformément à l’article 9. La participation des Autochtones à la structure de gouvernance est essentielle à l’intégration du point de vue autochtone dans les programmes et les services au fil des ans.
[Français]
Je remercie encore une fois le comité pour son invitation à comparaître.
[Traduction]
La présidente : Merci, monsieur Maude. J’admire votre capacité à parler vite. Nous disposons de votre mémoire dans les deux langues officielles et vous nous avez accordé un peu de temps.
Karolyn Bonneau, membre, Réseau Pédagogie des Premières Nations : [Mots prononcés dans une langue autochtone]
Je m’appelle Karolyn Bonneau. Je suis Okanagan et Kootenay des bandes indiennes de Penticton et de St. Mary’s. Je vis sur le territoire de Musqueam.
Je suis ici au nom du Réseau Pédagogie des Premières Nations. J’ai commencé à travailler pour cette organisation autochtone il y a un an. Au cours de la dernière année, j’ai appris à connaître ceux que j’appelle maintenant mes proches, mes cousins, issus de nombreuses nations de la Colombie-Britannique. Le Réseau Pédagogie des Premières Nations compte uniquement des éducateurs de la petite enfance autochtones, dont les rôles et les responsabilités varient en fonction du travail important que nous accomplissons. Grâce à nos formations et cultures variées, nous pouvons travailler à divers titres avec des enfants, des familles et des communautés autochtones et non autochtones en milieu urbain et rural, et parfois dans une combinaison des deux.
La plupart du travail que nous faisons est le fruit de nombreuses conversations et inspirations et de la cocréation collective de rêves, de visions et d’avenues que nous mettons en pratique dans le milieu de l’éducation préscolaire et de la garde d’enfants et qui encouragent l’autonomie culturelle et les approches communautaires fondées sur les points forts.
La BC Aboriginal Child Care Society et le Early Childhood Pedagogy Network ont créé le Réseau Pédagogie des Premières Nations et l’ont appuyé de 2019 à 2023. La participation de la BC Aboriginal Child Care Society à la création de ce réseau s’inscrit dans le Cadre national d’apprentissage et de garde des jeunes enfants autochtones, comme le prévoient les dirigeants des Premières Nations au Canada et en Colombie-Britannique dans le cadre de la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
Ce qui est le plus important pour le Réseau Pédagogie des Premières Nations, c’est que nous continuions à reconnaître que chaque nation a ses propres lois, cultures, connaissances et protocoles et qu’ils doivent primer en tout temps. Lorsque nous parlons d’éducation préscolaire et de garde d’enfants, ce n’est pas un sujet qui fait abstraction de notre identité en tant qu’Autochtones et de nos origines, ni du leadership, de la gouvernance, de l’éducation, de la terre, des animaux, de la langue et de la culture, ainsi que de nos enseignements, chants et récits traditionnels. Nous avons le rôle et la responsabilité de respecter ce que nous savons et ce que nous pratiquons depuis des milliers d’années et de transmettre ce savoir aux futurs Autochtones.
Nous pouvons nous acquitter de ces tâches tant que le projet de loi C-35 est en mesure de garantir que le Réseau Pédagogie des Premières Nations et d’autres organismes qui font le même travail que nous pour les enfants, les familles et les communautés autochtones et non autochtones, comme je l’ai dit précédemment, obtiennent le financement à long terme prévu à l’article 8 portant sur l’engagement financier, ce qui devrait également inclure le pouvoir et la capacité de soutenir ces groupes de travail et de ne pas laisser les fonds disparaître au moment même où ils en ont le plus besoin.
Au nom du Réseau Pédagogie des Premières Nations, je voudrais également conclure par une invitation à apprendre à mieux nous connaître et à collaborer d’une manière réciproque à la mise en œuvre des visions, des rêves et des avenues liés à l’éducation préscolaire et à la garde d’enfants. Notre groupe est relativement nouveau. Il a été établi en 2019. La plupart des informations à notre sujet se trouvent sur FNPN.ca.
Je vous remercie tous de votre considération et de votre attention aux propos d’aujourd’hui du Réseau Pédagogie des Premières Nations. Merci.
La présidente : Merci beaucoup, madame Bonneau, et merci de cette généreuse invitation à apprendre à mieux vous connaître. J’espère que nous vous connaîtrons beaucoup mieux à la fin de cette première heure.
Monsieur Maude, j’ai une question à vous poser pour obtenir des précisions. Vous avez présenté un mémoire qui contient les amendements assez détaillés que vous recommandez. Avez-vous soumis ce document au Comité du développement social à l’autre endroit? Si oui, quelle a été sa réaction?
M. Maude : Je vous remercie de votre question, sénatrice. Je n’ai pas soumis de mémoire au Comité du développement social de la Chambre des communes. Je pense qu’il a été soumis par le groupe de travail ou le comité politique avant que je commence à travailler sur le dossier.
La présidente : Un mémoire a donc été soumis, que ce soit par vous ou une autre personne?
M. Maude : J’avais l’impression que c’était le cas, mais je n’en suis pas tout à fait certain.
La présidente : Merci.
La sénatrice Cordy : Merci beaucoup à vous deux. Vous parlez plus vite que je n’écris, c’est pourquoi j’ai pris des notes partielles. Si vous ne comprenez pas ce que je dis, n’hésitez pas à demander des précisions.
Monsieur Maude, je suis très heureuse que vous ayez parlé des répercussions du manque de services de garde d’enfants et de son incidence sur les droits des femmes. Toutes les femmes ici qui avaient de jeunes enfants lorsqu’elles travaillaient à l’extérieur du foyer se souviennent de la panique qui les envahissait lorsqu’elles étaient informées que la personne qui gardait leurs enfants ne pouvait pas venir chez elles le jour même ou le jour suivant. Je vous remercie donc de l’avoir souligné.
Madame Bonneau, j’ai été frappée par votre commentaire sur le fait que chaque nation a ses propres lois, qu’elles doivent primer et que la garde d’enfants en fait partie. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet? Le commentaire selon lequel la garde d’enfants est un élément essentiel pour les familles et les enfants autochtones est extrêmement important.
Mme Bonneau : Oui. Je crois que l’idée est que nous avons nos propres lois, nos propres cultures, nos propres connaissances et nos propres protocoles et qu’ils doivent primer en tout temps. C’est la même chose pour les services de garde d’enfants, chaque communauté a sa propre façon de faire les choses. En ce moment, je suis dans le territoire de Musqueam, ce qui signifie que je ne pourrais pas transférer les choses qu’on m’a enseignées et que j’ai apprises dans mon territoire, le territoire d’Okanagan. Je ne peux pas appliquer toutes mes connaissances, tous mes protocoles, tous mes enseignements et toutes mes pratiques ici. Je dois apprendre à connaître les Musqueams et obtenir leur permission pour réaliser certaines des mesures du projet de loi C-35 dont nous avons parlé et que vous voulez mettre en place.
Il est très important pour moi de le dire parce qu’il se peut que de nombreuses nations se prévalent de nos services de garde d’enfants, surtout en milieu urbain, et que beaucoup de ces enfants se retrouvent dans le même groupe. Il est donc important de réfléchir à la langue à utiliser, aux protocoles à suivre et à tous ces éléments. Il ne s’agit pas seulement de dire : « les Autochtones qui sont des Premières Nations, des Métis et des Inuits ». C’est plus que cela. Quelle langue est la plus importante dans le milieu des services de garde d’enfants lorsque différentes nations sont concernées?
La sénatrice Cordy : J’ai également entendu dire que les familles autochtones qui vivent dans des régions urbaines hésitent souvent à confier leurs enfants à des garderies parce qu’elles craignent qu’ils soient victimes de racisme et de discrimination. Y a-t-il suffisamment de garderies dans les régions urbaines pour répondre aux besoins des enfants autochtones?
Mme Bonneau : N’importe qui peut-il répondre ou la question s’adresse-t-elle encore à moi?
La présidente : La question s’adresse à vous, madame.
Mme Bonneau : D’accord.
La question comporte plusieurs éléments. Tout d’abord, je tiens à dire que lorsque j’ai été dans un milieu urbain dans ma région, je n’ai pas reconnu beaucoup de garderies dirigées ou gérées par des Autochtones. Je sais qu’il y a beaucoup de membres du Réseau Pédagogie des Premières Nations qui travaillent dans ces milieux.
Cependant, j’ai l’impression que ces craintes — celles liées au racisme et à d’autres problèmes que vous avez mentionnés — ne touchent pas seulement les familles, mais aussi les éducateurs. Parfois, lorsque l’on arrive dans des garderies et des milieux réguliers, il est vraiment difficile d’adopter nos propres façons de faire dans des milieux qui peuvent être plus rigides. On n’a pas beaucoup de marge de manœuvre.
Nous sommes vraiment une organisation communautaire; je pense donc que c’est l’une des choses que j’ai remarquées qui manque dans les garderies régulières lorsqu’il ne s’agit pas d’une garderie pour enfants autochtones seulement et qu’il n’y a pas ces mesures en place pour les familles, les communautés, les enfants et les parents autochtones. C’est la première chose que j’ai remarquée. Je ne sais pas si cela répond à votre question.
La sénatrice Cordy : Oui. Merci.
La présidente : J’ai une question à poser à M. Maude. J’examine les amendements que vous proposez. Vous proposez que le conseil consultatif national comprenne au moins une personne autochtone.
Je comprends le principe qui sous-tend votre proposition, mais je m’inquiète de la « mise en pratique » de ce principe. Vous attendez-vous à ce que les règlements établissent le processus par lequel la personne — ou au moins une personne — serait choisie? Il y a tellement de choix; il y a les Premières Nations, les Métis et les Inuits. Comment le gouvernement procéderait-il à la sélection ou à la nomination de ces personnes?
M. Maude : Je vous remercie de la question, madame la présidente.
Je prends un instant pour revenir à votre question précédente : le mémoire a bel et bien été soumis au comité de la Chambre des communes. J’en ai reçu la confirmation.
En ce qui concerne votre deuxième question, pour pouvoir nous prononcer, il faudrait que nous ayons accès au texte des règlements afin de savoir comment le gouvernement donne suite à cet amendement, si ce dernier devait être adopté. Comme vous l’avez laissé entendre, l’amendement s’appuie sur le principe « rien de ce qui nous concerne ne doit se faire sans nous ». Il concorderait aussi avec le libellé déjà utilisé dans la mesure législative. En ce qui concerne les aspects des programmes dirigés par des Autochtones, prévoir que le conseil national compte une personne autochtone servirait à cette fin, en plus de concorder avec le libellé du paragraphe 11(1) de la mesure législative.
La présidente : Merci beaucoup.
La sénatrice Moodie : Ma question s’adresse à Mme Bonneau.
Quelles sont les attentes de votre organisme envers le projet de loi? Le projet de loi permettra-t-il de soutenir vos efforts en tant qu’organisme dédié à l’éducation préscolaire pour que vous ayez les capacités d’offrir des services abordables, de grande qualité et adaptés à la culture au sein de votre communauté?
Mme Bonneau : C’est une excellente question.
La sénatrice Moodie : Selon vous, quels seront les résultats du projet de loi? Vous aidera-t-il?
Mme Bonneau : J’y ai beaucoup réfléchi. Bien des dispositions du projet de loi seraient très avantageuses pour le Réseau Pédagogie des Premières Nations. La liste serait longue, mais il y a un aspect en particulier que je suis franchement ravie de souligner : le financement à long terme. C’est extrêmement important pour les groupes de travail comme le Réseau Pédagogie des Premières Nations qui dépendent d’un financement chaque année pour maintenir leurs activités.
Lorsque je lis cet engagement, j’ai l’impression qu’il assurera la viabilité du Réseau Pédagogie des Premières Nations, sans que nous ayons à nous soucier de demander ou de trouver de nouveaux fonds pour maintenir nos activités chaque année.
Les autres dispositions concernent des choses que nous faisons dans le cadre de nos rôles et de nos capacités.
Personnellement, en tant qu’éducatrice de la petite enfance et en tant que personne autochtone, j’ai remarqué une chose — une partie du projet de loi renvoie à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, ce qui est très important. Il faut seulement établir un peu plus clairement quelle forme cela prendra pour les communautés autochtones. Il en a été question avec le premier groupe de témoins : comment peut-on interagir avec un grand nombre de nations différentes de façon individuelle? Je pense néanmoins que le projet de loi pourrait être avantageux à cet égard.
La sénatrice Moodie : Merci.
[Français]
Le sénateur Cormier : Ma question s’adresse à M. Maude. D’abord, je veux vous féliciter pour la qualité exceptionnelle de votre bilinguisme. J’ai regardé vos amendements. Ma question concerne l’amendement que vous proposez à l’article 8.
Vous indiquez, à la première phrase, que votre amendement vise à identifier le financement à long terme du gouvernement fédéral envers le système d’apprentissage et de garde des jeunes enfants autochtones et non autochtones. Cela figure à la première phrase.
À la deuxième phrase, votre amendement précise que cet engagement se réalise au moyen des accords que le gouvernement conclura avec les gouvernements provinciaux ou territoriaux, les corps dirigeants autochtones et les autres entités qui représentent les intérêts de l’ensemble des peuples autochtones.
Est-ce que je comprends, par votre formulation dans les première et deuxième phrases, que votre proposition d’amendement indique que les ententes visant les jeunes enfants non autochtones se concluent avec les provinces et les territoires? Est-ce bien ce que je comprends de votre proposition?
M. Maude : Oui, sénateur Cormier, c’est essentiellement cela.
Le sénateur Cormier : Votre amendement n’a pas pour effet de créer une nouvelle entité avec laquelle le gouvernement devra conclure des ententes?
M. Maude : Non. L’idée de l’amendement est de reconnaître qu’il y a différents joueurs dans le jeu, dont les territoires, les provinces, les groupes autochtones et d’autres groupes. On vise essentiellement à assurer que le financement soit clair et égal parmi les différents groupes pour ne pas exclure un groupe par rapport à d’autres et pour s’assurer que tous les groupes sont financés, tant autochtones que non autochtones.
Le sénateur Cormier : Cependant, l’exception des groupes non autochtones, dans la deuxième partie de votre amendement, vient-elle faire en sorte que ces groupes seront soumis aux ententes avec les provinces et les territoires?
M. Maude : Voilà, oui.
Le sénateur Cormier : Merci beaucoup.
[Traduction]
La présidente : On dirait que j’ai fait peur à tout le monde. Chers collègues, il reste du temps.
La sénatrice Cordy : Vous disposez de 30 minutes, madame la présidente, étant donné que tous les autres membres du comité vous laissent le champ libre.
[Français]
La sénatrice Moncion : Ma question s’adresse à M. Maude. Vous proposez un amendement visant à préciser la portée de la définition des peuples autochtones dans le projet de loi. Vous recommandez d’ajouter la mention suivante : « [...] et comprend les peuples autochtones du Canada qui vivent en dehors de leurs terres ancestrales, au Canada. »
La définition proposée se retrouve-t-elle ailleurs dans la législation ou la jurisprudence? Si oui, pourriez-vous nous indiquer à quel endroit?
M. Maude : Merci, sénatrice. Oui. Excusez-moi, j’ai le titre exact ici. Il s’agit du Cadre d’apprentissage et de garde des jeunes enfants autochtones. Cela a trait justement au fait que pratiquement la majorité des populations autochtones se trouvent à l’extérieur des réserves, dans les communautés urbaines. C’est une reconnaissance des principes auxquels on fait référence au paragraphe 7(2) du projet de loi.
Dans le cadre, si on regarde le chapitre intitulé « Au service des familles là où elles vivent », cela comprend le fait que la majorité des peuples autochtones se trouvent dans les communautés urbaines. On voulait s’assurer que cette définition soit incluse dans le projet de loi, car c’est déjà reconnu à l’extérieur dans un autre cadre législatif fédéral.
La sénatrice Moncion : Pour faire suite à cette question, d’un point de vue juridique, comment est-ce que vous envisagez la mise en œuvre du cadre que prévoit le projet de loi C-35 pour les Autochtones vivant en dehors de leurs terres ancestrales en matière de gouvernance et d’ententes bilatérales? Cela amène une autre dimension. Encore là, est-ce qu’il y a des précédents qui existent?
M. Maude : À ma connaissance, il n’y a pas de précédent. Il y a différentes définitions qui traitent des peuples autochtones dans les différentes lois, mais il n’y a pas une seule définition. Il y a beaucoup de définitions qui font référence au paragraphe 35(2) de la Loi constitutionnelle de 1982, mais il n’y a pas de définition unique qui voyage à travers les différentes lois.
Comment définir ces gens ou avoir un genre de parapluie ou de mécanisme de fonctionnement pour interagir avec ces différents groupes? Je ne sais pas. On n’a pas vraiment eu de langage législatif pour déterminer comment le gouvernement pourrait inclure au moins la majorité de la population autochtone qui vit à l’extérieur des réserves. Je ne sais trop quel groupe ou quel fonctionnement le gouvernement envisagerait pour s’adresser à ces gens.
On voulait s’assurer que, si l’on parle des communautés autochtones, on parle de toutes les communautés autochtones. Cela reflète le fait qu’il ne s’agit pas seulement des communautés inuites ou métisses, ou des communautés qui vivent dans les réserves; il y a une majorité des gens qui habitent dans les communautés urbaines.
La sénatrice Moncion : Merci.
[Traduction]
Le sénateur Cardozo : Ma question s’adresse à M. Maude. En ce qui concerne la représentation autochtone au sein du conseil, je pense que je n’ai pas bien compris. Que proposez-vous? Suggérez-vous que le conseil compte au moins une personne autochtone?
M. Maude : C’est exact, sénateur Cardozo. Nous proposons que le conseil compte au moins une personne autochtone.
Le sénateur Cardozo : D’accord. Je pense que, sans amender le projet de loi, nous pouvons joindre des observations à l’attention du gouvernement après notre étude. Selon les discussions avec le premier groupe de témoins, j’ai cru comprendre qu’on proposait que le conseil compte au moins trois personnes qui représentent les Premières Nations, les Inuits et les Métis. C’est un point dont nous pourrons discuter plus en profondeur.
Madame Bonneau, pouvez-vous nous parler de l’importance des langues autochtones dans le cadre de l’éducation préscolaire?
Mme Bonneau : Les langues autochtones dans les services de garde prennent une importance capitale. Ma langue, l’okanagan, risque aussi de disparaître. Il en a été question plus tôt. Parler des langues autochtones dans n’importe quel contexte — pas seulement dans les services de garde — est extrêmement important pour que les jeunes enfants y soient exposés. Je n’arrive même pas à trouver les mots pour convier toute l’importance de ce fait en quelques minutes.
À mon avis, il importe que les enfants apprennent ces langues, les entendent et y soient exposés. En ce moment, aucune mesure n’est mise en place pour garantir que cette approche est adoptée. J’ai lu dans le projet de loi C-35 qu’on crée un espace pour que ce soit le cas, pour que la langue ne soit pas seulement optionnelle — en fait, sa version amendée prévoit que la langue des enfants et des familles doit être parlée, transmise, écrite et enseignée.
Voilà l’importance que prend cet aspect pour moi. Je n’ai pas eu la chance d’avoir un tel cadre. J’ai dû apprendre de ma famille. Heureusement, j’ai des proches qui parlent couramment la langue. Comme ma famille en compte trois — des oncles plus âgés —, j’ai été plutôt chanceuse, mais ce n’est pas le cas de tout le monde. Je tiens à souligner qu’il est extrêmement important d’encourager l’utilisation de ces langues dans tous les contextes, et non seulement dans les services de garde autochtones. J’aimerais que ce soit le cas partout.
Merci.
Le sénateur Cardozo : Puis-je vous demander de pousser la réflexion un peu plus loin? Il est avantageux pour les enfants de connaître la langue d’un point de vue intellectuel, mais cet apprentissage aide aussi les jeunes à mieux comprendre leurs origines, leur histoire, leurs ancêtres et qui ils sont. Cette question touche à quelque chose de plus profond : le développement d’un sentiment d’appartenance et de fierté envers sa propre culture.
Je ne veux pas vous faire dire ce que vous n’avez pas dit, mais seriez-vous d’accord avec moi sur ce point?
Mme Bonneau : Oui, je suis tout à fait d’accord. Dans mon exposé, j’ai souligné l’importance du fait que les peuples autochtones ne font pas abstraction de la langue et des territoires dans leurs enseignements. C’est extrêmement important. C’est exactement ce que vous venez de dire — c’est une question d’identité.
Dans un milieu qui est très important pour les enfants, où ils passent des heures tous les jours, il est crucial de leur permettre de développer leur sentiment de fierté d’être autochtones.
J’ai eu cette chance et je peux maintenant enseigner à autrui dans d’autres contextes. En ce moment, je travaille dans un milieu d’éducation préscolaire non autochtone, mais je peux tout de même y transmettre certaines de mes connaissances. Je trouve qu’il est aussi très stimulant pour moi, en tant que personne autochtone, de transmettre ces connaissances et ces mots à d’autres personnes qui sont ravies de commencer à apprendre. Merci.
Le sénateur Cardozo : Merci de votre réponse.
La présidente : J’ai une question à poser à M. Maude. Je vous remercie, l’Association du Barreau canadien et vous, de votre mémoire.
Vous avez peut-être entendu, pendant les discussions avec le premier groupe de témoins, les préoccupations de l’Assemblée des Premières Nations à propos de l’absence de consultations en bonne et due forme. Puis-je présumer que le groupe de travail de l’Association du Barreau canadien a été consulté au sujet du projet de loi C-35? Avez-vous eu des interactions significatives avec le gouvernement?
M. Maude : Je ne pense pas qu’il y a eu d’interaction sur ce sujet avec le gouvernement. Les différentes sections de l’Association du Barreau canadien ont tendance à présenter des observations sur divers projets de loi lorsqu’une période réservée à cette fin est offerte. Je ne suis au courant d’aucune consultation menée directement par le gouvernement sur ce sujet en particulier. Nos interactions avec le gouvernement se sont limitées au cadre habituel où nous présentons notre point de vue.
La présidente : Merci. L’Association du Barreau canadien nous a présenté une série complète d’améliorations à apporter au projet de loi, et nous lui en sommes reconnaissants. De votre point de vue, monsieur Maude — vous connaissez évidemment bien les améliorations que vous avez proposées —, quels seraient les amendements les plus nécessaires pour améliorer le projet de loi?
M. Maude : J’aurais de la difficulté à accorder la priorité à certains amendements par rapport à d’autres, sénatrice Omidvar. Je pense que faire en sorte que le principe « rien de ce qui nous concerne ne doit se faire sans nous » soit omniprésent dans la mesure législative est crucial.
Pour revenir à la question du sénateur Cardozo au sujet de notre recommandation voulant que l’article 9 précise qu’une personne autochtone doit être membre du conseil, cette proposition découle également de... La mesure législative comprend des recommandations et des aspirations, si je peux m’exprimer ainsi. Par exemple, le paragraphe 11(1) mentionne l’importance d’inclure les peuples autochtones, mais il est question d’aspirations, et non d’obligations. Si une obligation était prévue, elle établirait un minimum sur lequel on pourrait faire fond.
J’aime l’idée d’avoir au moins trois membres du conseil qui représenteraient différentes communautés autochtones. Cela dit, si nous pouvions ajouter l’obligation dans la mesure législative d’avoir au moins une personne autochtone, ce serait un point de départ qui nécessiterait à tout le moins de consulter les diverses communautés.
La présidente : Je vous remercie.
La sénatrice Moodie : Je pense aux consultations en cours sur la création d’un système de garde d’enfants. Que pensez-vous des tables de partenariat existantes entre le gouvernement du Canada et les trois groupes, qui continuent à dialoguer sur un certain nombre de sujets, y compris la garde d’enfants, et qui ont également exprimé leur inquiétude de ne pas voir ces tables invalidées — j’utilise mon propre terme — ou diminuées d’une manière ou d’une autre.
Mais cette relation solide et ce dialogue existent. Qu’en pensez-vous? Leur inquiétude portait plus particulièrement sur le fait que le conseil national interférait d’une manière quelconque dans ce domaine.
M. Maude : Je laisserai le soin à Mme Bonneau de répondre à cela.
La sénatrice Moodie : Non, la question s’adresse à vous.
M. Maude : À moi?
La sénatrice Moodie : J’aimerais entendre vos observations sur ce point précisément.
M. Maude : Je ne sais pas si j’ai des antécédents qui me permettraient de me prononcer sur les interactions existantes entre les divers ordres de gouvernement sur d’autres aspects d’autres programmes. Le mandat qui m’a été confié aujourd’hui est de commenter le projet de loi C-35. Pardonnez-moi, mais je n’ai pas de connaissances approfondies en ce qui concerne l’interaction du gouvernement avec d’autres groupes sur d’autres mesures législatives.
La sénatrice Moodie : Leur préoccupation est que les possibilités de dialogue qu’ils ont dans leurs tables de partenariat ne soient en aucune façon entravées par le conseil national. Cette mise en garde faite, je m’interroge sur la possibilité d’essayer de garantir un système de communication parallèle.
M. Maude : Pardonnez-moi, sénatrice Moodie. Il faudrait que je présente cela au groupe de travail. Je n’ai pas d’information à ce sujet.
La sénatrice Moodie : Je vous remercie.
Le sénateur Cormier : Ma question s’adresse à Mme Bonneau. C’est davantage un commentaire, mais je veux connaître votre avis à ce sujet.
Vous avez fait des commentaires très touchants sur l’importance de la langue et de l’apprentissage de la langue pour bâtir l’identité personnelle et les communautés. Je me demande — et ce n’est pas nécessairement une demande d’amendement, mais pensez-vous qu’il serait pertinent pour nous de réfléchir à une observation qui renforcerait cette dimension? Je peux comprendre vos commentaires, non pas parce que je fais partie de la communauté autochtone, mais parce que je viens d’une communauté linguistique minoritaire et que je connais l’importance des garderies pour les enfants et l’ensemble de la communauté. Je me demande donc si vous pensez qu’une observation pourrait être pertinente pour renforcer ce que vous venez de dire. Qu’en pensez-vous?
Mme Bonneau : Oui, j’aime ce que vous venez de dire, une observation pour les rendre importants. Permettez-moi de vous poser une question en retour: vous parlez de demander à quelqu’un de les observer pour voir s’il existent ou s’ils se produisent?
Le sénateur Cormier : Ce que je voulais dire, en fait, c’est que nous pouvons apporter des amendements aux projets de loi, mais nous pouvons aussi formuler des observations qui ne font pas partie du projet de loi, mais des messages que nous envoyons au gouvernement pour renforcer certains messages que nous jugeons importants dans la mise en œuvre du projet de loi. C’est à cela que je pensais.
Mme Bonneau : Oui, bien sûr, je pense que n’importe quel groupe autochtone en serait reconnaissant, juste pour avoir ces déclarations plus précises quand il est question de la langue, de la culture et de leur importance pour la communauté, car on ne peut pas les résumer en une seule phrase. J’aime la façon dont vous venez de le formuler, où vous pourriez observer toutes ces choses et les écrire de différentes façons pour vous assurer qu’elles reflètent l’importance de la langue dans ces contextes. Oui. Je suis d’accord.
Le sénateur Cormier : Je vous remercie de votre présence ici ce soir. Nous vous en sommes très reconnaissants. Merci.
La présidente : Merci, madame Bonneau.
Monsieur Maude, je crois que la sénatrice Moodie a soulevé un point sur lequel nous aimerions avoir des éclaircissements. Vous avez proposé, à l’article 9, que le conseil consultatif comprenne au moins une personne, et nous avons parlé de trois personnes. La sénatrice Moodie a fait remarquer que les tables de partenariat qui discutent actuellement de gouvernement à gouvernement ne verraient peut-être pas cela d’un bon œil, car cela entraverait leurs conversations et leurs contacts directs avec le gouvernement. Je comprends que vous ne puissiez pas répondre à cette question maintenant, mais vous pourriez peut-être nous fournir une réponse par écrit après en avoir parlé à vos collègues de l’ABC.
M. Maude : Bien sûr.
La sénatrice Burey : Merci à tous les invités d’être venus. Madame Bonneau, merci beaucoup d’être ici. Merci de nous faire part de votre passion pour votre travail. Nous la ressentons tous. Je ressens votre passion pour la pédagogie de la petite enfance et la garde des enfants.
Vous avez mentionné que l’une des choses qui vous plaisaient le plus dans ce projet de loi était la possibilité d’un financement durable, ce que vous avez dit être très heureuse d’entendre. Bien sûr, cela a beaucoup à voir avec la main-d’œuvre.
Outre le financement, y a-t-il autre chose que nous devrions savoir pour améliorer les effectifs des éducateurs de la petite enfance?
Mme Bonneau : Dois-je dire un seul élément? Il y en a beaucoup. Mais si je devais en choisir un, en ce qui me concerne, ce serait...
La sénatrice Burey : Je n’ai pas dit un seul élément. Vous pouvez en énumérer quelques-uns.
Mme Bonneau : D’accord. Ce serait merveilleux.
Ce que je vois pour aider la main-d’œuvre, plus particulièrement les éducateurs de la petite enfance en général — et il ne s’agit pas forcément des Autochtones —, c’est la manière dont nous obtenons notre certification et ce que nous devons faire pour aller à l’école.
C’est un diplôme en éducation de la petite enfance. Vous obtenez un diplôme d’éducateur de la petite enfance, d’éducateur des nourrissons et des enfants en bas âge et d’éducateur spécialisé. À l’heure actuelle, il existe des options qui permettent d’obtenir ces diplômes. On peut suivre une formation d’assistant en éducation de la petite enfance, puis on peut suivre la formation complète d’éducation de la petite enfance. C’est un long processus. Cela prend beaucoup de temps.
On pense qu’au bout de deux ou trois ans, on aura un diplôme dans ce domaine, mais ce n’est pas le cas. On obtient des certificats. J’ai poussé mes études plus loin et j’ai obtenu un baccalauréat en soins et éducation de la petite enfance à l’Université Capilano. J’ai une maîtrise en éducation de la petite enfance à l’heure actuelle.
Je pense qu’il faut changer la façon dont c’est une option. Je pense qu’il faudrait choisir l’éducation de la petite enfance, des nourrissons et des enfants en bas âge, ainsi que des enfants qui ont des besoins spéciaux. Je pense que cela aiderait la main-d’œuvre en général à comprendre que nous avons besoin d’assistants en éducation de la petite enfance. Cependant, j’ai l’impression que lorsque nous suivons un cours et que nous commençons à travailler, il devient très difficile de revenir en arrière pour suivre le reste du programme complet d’éducation de la petite enfance. C’est quelque chose que j’ai vu de mes propres yeux. J’ai vraiment eu du mal à revenir en arrière et à obtenir ces certificats pour pouvoir créer plus de capacités pour les enfants de moins de trois ans. Il y a très peu d’éducateurs pour les nourrissons et les enfants en bas âge parce que vous avez la possibilité de suivre une formation d’éducation des nourrissons et des enfants en bas âge et d’éducation spécialisée une fois que vous avez obtenu votre certificat complet.
Je ne sais pas si j’ai répondu à votre question.
La sénatrice Burey : Oui. Je vous remercie.
Le sénateur Cardozo : J’allais seulement faire une suggestion. Si nous voulons revenir sur la question de la représentation autochtone, nous pourrions peut-être consulter les personnes qui étaient présentes dans le groupe précédent dans l’optique d’une approche de « rien de ce qui nous concerne ne doit se faire sans nous ».
La présidente : Merci de cette suggestion, sénateur Cardozo.
Nous tenons à remercier Mme Bonneau et M. Maude du temps qu’ils nous ont consacré. Nous vous sommes très reconnaissants de nous avoir fait part de vos points de vue. J’espère qu’ils seront pris en compte d’une manière ou d’une autre lorsque ce comité soumettra son rapport au Sénat.
(La séance est levée.)