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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 2 novembre 2023

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd’hui, à 11 h 30 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi C-35, Loi relative à l’apprentissage et à la garde des jeunes enfants au Canada.

La sénatrice Ratna Omidvar (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente : Je m’appelle Ratna Omidvar, je suis une sénatrice de l’Ontario.

[Traduction]

Je suis la présidente du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Avant de commencer, j’aimerais faire un tour de table et demander aux sénateurs de se présenter en commençant par la sénatrice Moncion.

[Français]

La sénatrice Moncion : Bonjour; sénatrice Moncion, de l’Ontario.

Le sénateur Cormier : Bonjour; sénateur René Cormier, du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

La sénatrice Burey : Bonjour, je suis Sharon Burey, sénatrice de l’Ontario.

La sénatrice Moodie : Rosemary Moodie, sénatrice de l’Ontario.

Le sénateur Tannas : Scott Tannas, de l’Alberta.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, du Québec.

La présidente : Je vous remercie, chers collègues. Aujourd’hui, nous poursuivons l’étude du projet de loi C-35, Loi relative à l’apprentissage et à la garde des jeunes enfants au Canada. Je souhaite la bienvenue à Brenda Lenahan, directrice fondatrice de la société BC Complex Kids; à Krista Carr, vice-présidente à la direction d’Inclusion Canada, et à Mme Jamie Metsala, qui est professeure d’éducation à l’Université Mount Saint Vincent. Elles se joignent à nous par vidéoconférence. Merci beaucoup de vous joindre à nous aujourd’hui. Je rappelle aux témoins qu’elles disposeront chacune de cinq minutes pour leur déclaration préliminaire. Nous passerons ensuite aux questions des sénateurs

Madame Carr, je vous invite à commencer, suivie de Mme Metsala puis de Mme Lenahan.

Krista Carr, vice-présidente à la direction, Inclusion Canada : Je vous remercie, madame la présidente, ainsi que les membres du comité, de me donner l’occasion de témoigner aujourd’hui au sujet du projet de loi C-35. Je m’adresse à vous aujourd’hui depuis le territoire ancestral et non cédé du peuple mi’kmaq.

Je suis heureuse de prendre part aux discussions visant à renforcer un projet de loi fondamental sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants qui prévoit la prestation de programmes et de services abordables, inclusifs et de haute qualité au Canada. Malheureusement, le projet de loi n’a pas les mesures de protection législative voulues pour établir un système national d’éducation préscolaire et de garderies véritablement inclusif.

Inclusion Canada a été fondé il y a plus de 60 ans par des mères qui ont essuyé un refus lorsqu’elles ont voulu inscrire leur enfant ayant une déficience intellectuelle à l’école de leur quartier. À ce jour, le droit à l’inclusion scolaire n’est pas acquis. Aujourd’hui, nous sommes une fédération nationale qui compte 13 associations provinciales et territoriales et 300 associations locales qui soutiennent les enfants et les adultes ayant une déficience intellectuelle et leurs familles.

Un système d’éducation préscolaire et de garderie inclusif est une bonne chose pour tous les enfants. Malheureusement, les enfants handicapés continuent d’être exclus ou séparés, en dépit des recherches sur les avantages que présente l’éducation préscolaire inclusive pour tous les enfants. Le projet de loi C-35 est une mesure cruciale, qui pourrait transformer la vie des enfants et des familles au Canada en inscrivant dans la loi la prestation de services d’apprentissage et de garde des jeunes enfants de haute qualité, abordables et inclusifs. Toutefois, mentionner les mots « handicapé » et « inclusif », comme on le voit dans le projet de loi, ne suffit pas. Il faut apporter des amendements essentiels.

Trop souvent, le critère d’inclusion ne s’applique pas aux enfants qui ont une déficience intellectuelle. La majorité des enfants d’âge scolaire ayant une déficience intellectuelle ne sont pas dans des classes « régulières », et la majorité des adultes ayant une déficience intellectuelle restent sans emploi. Si on ne la définit pas explicitement, qu’on ne la finance pas et qu’on ne la met pas concrètement en pratique, l’inclusion n’est rien d’autre qu’un beau mot.

Inclusion Canada appuie le projet de loi C-35, mais nous savons qu’à moins de renforcer cette mesure, la prestation de services d’éducation préscolaire et de garderies inclusifs demeurera limitée, et que les pratiques d’exclusion et de séparation se poursuivront. En ce qui a trait à l’apprentissage et à la garde des jeunes enfants, le projet de loi C-35 doit clairement définir des principes et des pratiques qui sont inclusifs à l’égard des enfants handicapés. La prestation de services d’éducation préscolaire et de garderies de haute qualité, abordables et inclusifs, a des répercussions importantes non seulement sur la vie d’un enfant, son éducation, son emploi et son bien-être futurs, mais aussi sur sa famille en entier ainsi que sur la société. Le coût de l’exclusion est élevé.

L’accès à des services d’éducation préscolaire et de garderies inclusifs pour tous les enfants est un droit fondamental. La Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, la CRDPH, et la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant — deux conventions que le Canada a ratifiées — reconnaissent le droit de tous les enfants, y compris les enfants handicapés, d’avoir accès à des services d’éducation et d’apprentissage inclusifs, sans faire l’objet de discrimination.

Voici quelques-uns des amendements que nous proposons dans les mémoires que nous avons présentés :

Renforcer les références à l’engagement et aux obligations du Canada en vertu de la CRDPH dans l’objet du projet de loi, et non uniquement dans le préambule.

Ajouter une définition de l’inclusion dans le préambule afin de clarifier ce concept et de veiller à ce que l’inclusion soit comprise comme allant fondamentalement au-delà de l’« accès ».

Veiller à ce qu’elle s’applique expressément aux enfants handicapés et qu’elle corresponde pleinement aux intentions de l’article 24 de la CRDPH.

Faire en sorte que l’interprétation et l’administration de la loi dans son intégralité et des règlements subséquents s’inspirent de la CRDPH.

Renforcer les principes directeurs, en particulier le point c) du paragraphe 7(1), afin que l’inclusion concerne également les enfants handicapés, ce qui signifie que des soutiens devront être offerts en vue d’assurer l’égalité des chances et l’accès équitable.

Exiger des provinces et des territoires qu’ils recueillent des données et fassent rapport sur des paramètres clés qui mesurent les progrès accomplis dans l’établissement d’un système d’éducation préscolaire accessible, abordable et pleinement inclusif.

Il faut indiquer clairement dans le projet de loi C-35 les engagements à l’égard de l’inclusion. Les choix politiques d’aujourd’hui auront des répercussions sur l’avenir des enfants et de leurs familles.

Notre vision est celle d’un monde où les familles d’enfants ayant une déficience intellectuelle peuvent se présenter dans une garderie au coin de n’importe quelle rue en sachant que leur enfant y sera bien accueilli et recevra des services d’éducation préscolaire et de garderies inclusifs et de haute qualité. Les parents d’enfants handicapés devraient pouvoir accéder au marché du travail au même titre que les autres parents. Nous vous prions de tenir compte de nos amendements. Des services d’éducation préscolaire et de garderie de haute qualité et pleinement inclusifs sont une nécessité. Tous les enfants ont le droit de s’épanouir.

Je remercie les sénateurs.

La présidente : Merci beaucoup, Madame Carr. Vous avez la parole, madame Metsala.

Jamie Metsala, professeure d’éducation, Université Mount Saint Vincent, à titre personnel : Honorables sénateurs, je m’adresse à vous aujourd’hui depuis le territoire ancestral et non cédé du peuple micmac. Je salue le projet de loi C- 35. Dans le cadre de mes travaux de recherche et de défense des intérêts, je cherche à faire en sorte que tous les élèves, y compris ceux qui ont des difficultés d’apprentissage ou qui présentent d’autres facteurs de risque, atteignent un bon niveau d’alphabétisme.

Dans son récent rapport d’enquête, Le droit de lire, la Commission ontarienne des droits de la personne conclut que l’Ontario échoue à enseigner la lecture à beaucoup trop d’élèves. Un élève handicapé, un élève provenant d’une famille à faible revenu, un élève racisé ou un élève autochtone est bien plus susceptible de ne pas être initié à la lecture à un jeune âge. Certains élèves, faute d’avoir été initiés au langage, à la lecture et à l’écriture à un jeune âge, connaîtront des échecs scolaires, car l’apprentissage de ces compétences commence avant d’aller à l’école. Les années préscolaires jouent un rôle crucial dans la capacité des enfants de comprendre ce qu’ils lisent et de communiquer leurs idées tout au long de leur vie.

Afin de donner aux services d’éducation préscolaire et de garderies les meilleurs outils pour faciliter l’apprentissage du langage, de la lecture et de l’écriture de tous les enfants, j’effleurerai trois points.

J’aimerais d’abord parler de l’établissement de lignes directrices pour les services d’éducation préscolaire et de garderies, en insistant sur l’apprentissage du langage, de la lecture et de l’écriture à un jeune âge. Il est important de noter qu’il y a une abondance de données au sujet d’expériences qui peuvent agir positivement sur ces compétences et qui sont essentielles pour des élèves susceptibles de développer ultérieurement des difficultés quant au langage, à la lecture ou à l’écriture. Dès le début du parcours scolaire, on observe déjà entre les jeunes enfants de vastes différences dans la richesse du vocabulaire, la connaissance de l’alphabet et des syllabes et la capacité de jouer avec la langue. Il n’y a pas meilleur indicateur que ces connaissances et ces compétences pour prévoir comment un enfant apprendra à lire.

On peut difficilement exagérer l’importance de ces écarts entre chacun par rapport à la langue, la lecture et l’écriture, car ceux-ci sont en grande partie attribuables à des inégalités dans les occasions d’apprentissage à un jeune âge.

L’alphabétisation est cruciale, car elle est aussi un déterminant social de la santé, puisqu’elle a une incidence sur le bien-être social et émotionnel, ainsi que sur la réussite scolaire, l’estime de soi et les perspectives de formation et d’emplois.

Étant donné que les occasions d’apprentissage du langage, de la lecture et de l’écriture des jeunes enfants diffèrent, et que cela a une incidence sur les compétences qu’ils acquièrent, le projet de loi C-35 a le potentiel d’avoir une influence majeure à cet égard.

Les activités qui favoriseront l’apprentissage en bas âge du langage, de la lecture et de l’écriture doivent toutefois avoir un fondement scientifique. On trouve dans le National Early Literacy Panel des États-Unis une vaste synthèse des pratiques exemplaires dans ce domaine. Ces données sont essentielles pour les enfants qui sont susceptibles de commencer l’école en ayant des faiblesses sur le plan du langage, de la lecture et de l’écriture.

L’intégration d’activités de renforcement du langage, de la lecture et de l’écriture, comme la lecture partagée assortie de conservations dynamiques dans le but d’enrichir le vocabulaire et les connaissances tout au long de la lecture et de parler et de jouer avec la langue, favorise le développement de l’alphabétisme chez les jeunes enfants.

Dans le projet de loi C-35, on recommande d’accorder une importance cruciale aux pratiques exemplaires dans les services d’apprentissage et de garde des jeunes enfants. Une recommandation serait d’indiquer explicitement qu’il faut consulter les données probantes sur les pratiques exemplaires dans ces domaines liés au langage.

La Fondation pour l’alphabétisation des enfants canadiens se consacre au soutien des jeunes enfants et des familles dans les domaines du langage et de l’alphabétisation. Elle a rassemblé et rédigé de la documentation pour développer efficacement les compétences à cet égard. Une des principales façons d’y arriver est de veiller au perfectionnement d’une main-d’œuvre qualifiée dans les services à la petite enfance et bien épaulée. C’est le deuxième point que j’aborderai.

Les éducateurs de jeunes enfants savent déjà que l’alphabétisation en bas âge est importante pour le développement des enfants, mais il leur manque souvent la formation pour savoir comment employer cette information. Par exemple, seulement 10 % des plus de 1 000 éducateurs de jeunes enfants sondés par la Fondation pour l’alphabétisation des enfants canadiens ont rapporté avoir participé à une activité de perfectionnement professionnel sur l’alphabétisation en bas âge. Seulement 38 % se sentaient confiants à l’idée de favoriser l’apprentissage de la lecture et de l’écriture en bas âge, mais une écrasante majorité de 99 % dit vouloir ce genre de formation.

De nombreuses recherches soulignent que l’acquisition d’une formation additionnelle sur l’apprentissage du langage, de la lecture et de l’écriture accroît considérablement la confiance des éducateurs dans leur capacité à aider les enfants à cet égard.

Enfin, je mentionne brièvement qu’il est essentiel d’évaluer à un jeune âge les compétences de tous les enfants dans le maniement de la langue, de la lecture et de l’écriture. Nous savons que des indicateurs précoces peuvent aider à identifier les élèves susceptibles d’être dyslexiques et à intervenir efficacement et rapidement auprès d’eux. De plus, d’autres troubles du langage peuvent se manifester pendant la petite enfance; une intervention rapide est essentielle pour amoindrir l’effet futur des troubles de langage et de compréhension.

On estime qu’entre 4 % et 12 % des enfants ont des troubles du langage ou de la parole, et qu’environ 10 % à 15 % sont dyslexiques. L’intégration d’orthophonistes communautaires au sein des services d’éducation préscolaire et de garderies permettrait d’aider les enfants les plus susceptibles d’avoir un trouble de langage ou d’apprentissage à un moment optimal de leur développement. De plus, insister sur l’apprentissage du langage, de la lecture et de l’écriture en bas âge ainsi que sur des jalons dans le cadre des programmes de préparation à l’éducation préscolaire ferait en sorte que les professionnels de ce domaine se sentiraient plus confiants à l’idée d’attirer l’attention sur ces aspects et d’aider les enfants à cet égard dans des services de garderies.

En conclusion, la loi sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants au Canada qui est proposée assurera une éducation préscolaire de qualité dans des services de garderie. Examiner les données sur les pratiques exemplaires dans le domaine de l’apprentissage du langage, de la lecture et de l’écriture en bas âge permettra sans doute d’accroître la portée du projet de loi C-35. Je vous remercie.

La présidente : Je vous remercie, madame Metsala. Madame Lenahan, c’est votre tour.

Brenda Lenahan, directrice fondatrice, société BC Complex Kids : Bonjour, et merci, madame la présidente. Je m’adresse à vous aujourd’hui depuis la lointaine côte ouest de l’île de Vancouver sur le territoire de la Première Nation Mowachaht/Muchalaht. Je vous remercie de me donner l’occasion de présenter mon point de vue.

Je suis membre du Conseil consultatif national sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants qui est mentionné dans le projet de loi. Cependant, aujourd’hui, je suis ici à titre de directrice fondatrice de la société BC Complex Kids, un organisme à but non lucratif dirigé par des familles qui cherchent à créer des liens entre des familles et à unifier nos voix pour réclamer un avenir meilleur pour nos enfants qui ont des besoins médicaux complexes. Je témoigne aussi de mon expérience, car j’élève seule dans une collectivité éloignée mon enfant de 9 ans qui a un handicap complexe.

Comme tous les parents, nous aimons nos enfants de façon inconditionnelle et nous nous cherchons jour après jour à leur procurer une bonne qualité de vie. Cependant, tout joue contre nous, car des obstacles se dressent devant pour pourvoir à presque chaque besoin fondamental dans tous les ministères et dans toutes les provinces et les territoires. Les services de garderies trônent presque au sommet de la liste des besoins à combler. Nous voulons voir des changements significatifs et croire que ce projet de loi sur les services de garderies a le potentiel de changer la donne; nous en avons besoin.

Lorsque le projet de loi a été rendu public pour la première fois, j’ai été profondément frappée de constater que la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées n’était pas mentionnée dans l’objet de ce projet de loi. Elle figure dans le préambule, au même titre que les cadres des droits des autochtones et des enfants. Cependant, alors que ces cadres sont intégrés à la fois dans le préambule et dans l’objet, la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées n’est pas mentionnée dans l’objet. Il s’agit d’une grave omission, et je suis ici aujourd’hui pour demander au comité d’apporter un amendement important et d’inscrire la convention dans l’objet de ce projet de loi.

Pourquoi est-ce important? Si l’approche fondée sur les droits des enfants handicapés n’est pas expressément définie comme un objectif dans le projet de loi, cela affaiblit les obligations fédérales, provinciales et territoriales de faire de l’inclusion des personnes handicapées une priorité. L’exclusion de la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées envoie également un signal de statu quo, laissant les familles se battre continuellement pour des solutions uniques au sein de systèmes qui ne sont pas conçus pour nos enfants. Tous les enfants handicapés méritent d’avoir pleinement accès aux possibilités d’épanouissement et de socialisation dont bénéficient leurs pairs. En tant que parents, nous méritons d’avoir les mêmes possibilités que les autres parents pour atteindre notre potentiel financier. Nous pourrions tenir une autre discussion sur les coûts extraordinaires associés aux handicaps de nos enfants, car on pourrait facilement soutenir que nos enfants devraient avoir la priorité en matière de garde d’enfants.

Je tiens aussi à soutenir expressément les amendements proposés par Inclusion Canada, qui renforceront ce projet de loi. Afin de remédier à des années de politiques et de modèles de financement validistes, nous devons être très déterminés et prendre des engagements forts en ce qui concerne l’accessibilité de l’environnement bâti et les modèles de financement tenant compte des personnes handicapées, et veiller à ce qu’il soit clairement établi que les enfants handicapés ont droit à un accès équitable et à l’inclusion dans les services de garde d’enfants d’un bout à l’autre du pays.

Le projet de loi indique que le Canada s’engage à soutenir l’établissement et le maintien d’un système d’apprentissage et de garde des jeunes enfants à l’échelle du Canada, notamment des services de garde avant et après l’école. Si une définition de l’apprentissage et de la garde des jeunes enfants est ajoutée à ce projet de loi, comme beaucoup l’ont suggéré, il est important que le comité comprenne que bon nombre de nos enfants ont besoin d’un soutien jusqu’à l’âge de 19 ans. Je dirais que l’ajout d’un profil d’âge spécifique est discriminatoire envers beaucoup d’enfants qui n’atteignent pas l’indépendance à un âge précis. La prise en charge avant et après l’école est essentielle pendant l’adolescence et serait mieux prise en compte par un modèle de financement direct permettant aux familles d’embaucher une aide à domicile. Il arrive également que l’embauche d’une aide à domicile soit nécessaire pour des enfants plus jeunes en raison de divers problèmes de santé, et nous avons besoin d’un système qui permet cette souplesse.

Si nous ne commençons pas à donner la priorité à des populations comme les nôtres, les familles continueront à vivre en marge de la société, où elles sont confrontées à de graves conséquences financières, physiques et émotionnelles. Les nouveaux arrivants, les familles racisées, les membres de la communauté LGBTQ et les personnes vivant dans des régions isolées ou rurales sont confrontés à des difficultés supplémentaires en raison des handicaps complexes de leurs enfants.

Au Canada, la pauvreté des personnes handicapées commence dès la naissance pour trop d’enfants. En tant que parents, nous apprenons rapidement qu’avoir un enfant handicapé mène souvent à la pauvreté et à l’instabilité financière.

J’espère de tout mon cœur et avec optimisme que vous verrez l’importance des amendements proposés et que vous choisirez d’inscrire les droits des personnes handicapées dans l’objet de ce projet de loi, ainsi que les autres amendements proposés. Je vous remercie. Je répondrai avec plaisir à vos questions.

La présidente : Merci, madame Lenahan.

Nous allons maintenant passer aux questions des sénateurs. Chers collègues, pour la séance d’aujourd’hui, vous disposerez de quatre minutes pour la question et la réponse. Nous avons trois témoins. Veuillez indiquer à quel témoin vous voulez adresser votre question, le cas échéant.

C’est la sénatrice Cordy, vice-présidente du comité, qui va poser la première question.

La sénatrice Cordy : Merci beaucoup à vous tous. Vos exposés étaient fascinants. J’ai enseigné aux enfants du primaire et de la maternelle pendant de nombreuses années, alors vous avez dit beaucoup de choses qui faisaient partie de ma liste de souhaits il y a un certain temps.

Mes questions s’adressent à Mme Metsala. Félicitations à l’Université Mount Saint Vincent, qui a toujours été à l’avant-garde en matière d’éducation préscolaire et de garde d’enfants. Vous avez accompli beaucoup de travail dans ce domaine.

Madame Metsala, je vais vous poser deux questions en même temps. Vous avez dit que le dépistage précoce permet d’obtenir les premiers indicateurs des difficultés que l’enfant pourrait rencontrer plus tard dans sa vie. Si on commence le dépistage le plus tôt possible, vers l’âge de 2, 3 ou 4 ans, on peut certainement réaliser de grands progrès. Plus on laisse perdurer les troubles de la parole, la dyslexie ou d’autres problèmes de ce type, plus la situation devient difficile.

Ma deuxième question porte sur ce dont vous avez parlé au sujet des difficultés liées à la main-d’œuvre. Des gens s’épuisent à cause des responsabilités et de la faiblesse des salaires. J’aimerais que vous nous disiez ce que vous en pensez.

Mme Metsala : Merci beaucoup.

Le dépistage précoce, comme vous l’avez souligné, peut réellement contribuer à réduire et à atténuer certaines prédispositions biologiques aux difficultés de lecture ou à la dyslexie, ainsi qu’aux troubles du développement du langage, et pour les enfants qui éprouvent des difficultés en raison d’autres facteurs. Les dépisteurs universels se veulent fiables et valides, mais aussi très rapides. Ainsi, en ce qui concerne le dépistage de la dyslexie, nous savons que la connaissance précoce des correspondances sons-lettres et la façon dont les enfants peuvent jouer avec les sons et le langage, c’est-à-dire la conscience phonologique, sont les meilleurs prédicteurs des problèmes de lecture ultérieurs. Nous pouvons choisir les enfants qui ont ces difficultés et procéder à une évaluation diagnostique un peu plus poussée, non pas pour poser un diagnostic, mais pour découvrir où se situent les difficultés et intervenir très tôt.

Les interventions peuvent être très efficaces, en particulier pour les enfants présentant un risque de déficience de lecture. Souvent, il y a moins de déficiences de lecture ultérieures que si nous n’avions pas procédé à un dépistage et à une intervention.

C’est la même chose pour les difficultés liées au langage. Le langage comporte de nombreux aspects, dont la syntaxe, la morphologie et le vocabulaire, et nous pouvons effectuer un dépistage chez les jeunes enfants pour voir si leur développement se situe au niveau souhaité. Si ce n’est pas le cas, nous pouvons mettre en place des programmes d’intervention approfondis avec de petits groupes d’enfants afin de renforcer ces compétences, de les mettre sur une bien meilleure voie et d’atténuer les problèmes relatifs à l’apprentissage scolaire ainsi que le risque de prendre du retard par rapport à leurs pairs et de ne pas pouvoir réussir à l’école.

Un dépistage précoce peut donc s’avérer essentiel. Il se veut rapide, précis et fiable.

En ce qui concerne la main-d’œuvre, je pense que les programmes de préparation sont essentiels pour la soutenir. Il faut également recommander que ces programmes soient fondés sur des données probantes. Par exemple, nous savons que le jeu est très important, mais il est souvent très difficile d’intégrer l’apprentissage intentionnel du langage qui doit se faire dans les centres de la petite enfance.

Si nous soutenons les éducateurs de la petite enfance en leur fournissant, par exemple, des livres et des moyens de rendre la lecture de ces livres plus interactive, et des livres sur certains thèmes que les enfants doivent commencer à apprendre — en particulier les enfants à risque qui n’ont peut-être pas les mêmes expériences d’apprentissage en dehors du cadre de la petite enfance —, par exemple sur la croissance des plantes et le monde animal, alors les enfants arriveront à l’école avec beaucoup plus de vocabulaire et de connaissances. Ils seront prêts à apprendre à l’école et ils réussiront à bien comprendre les textes plus tard.

Nous devons soutenir la main-d’œuvre, mais comme vous l’avez mentionné, nous devons également respecter et appuyer nos travailleurs de la petite enfance, et nous devons le faire en augmentant les salaires et en reconnaissant tout ce qu’ils accomplissent. Il existe à la fois des programmes de préparation, mais aussi des programmes de soutien...

La présidente : Nous devons poursuivre. Sénatrice Seidman, vous avez la parole.

La sénatrice Seidman : Merci aux témoins pour les précieux renseignements qu’ils nous fournissent, plus particulièrement au sujet de la communauté des personnes handicapées. C’est la première fois que nous entendons des témoignages de représentants de cette communauté. Merci.

J’ai une question pour Mme Carr. Inclusion Canada suggère d’ajouter un nouveau paragraphe, le paragraphe 8(2), stipulant ce qui suit :

Comme condition dans les accords de financement, les gouvernements provinciaux, les organes directeurs autochtones et d’autres entités autochtones seront tenus de rendre public un rapport annuel contenant les principaux résultats et indicateurs mesurant les progrès réalisés aux termes de leurs ententes et plans d’action pancanadiens en matière d’apprentissage et de garde des jeunes enfants [...].

Notre comité a entendu les témoignages de nombreux témoins, y compris Gord Cleveland, président du groupe de travail sur les données et la recherche du conseil consultatif national. Il nous a informés que les provinces et les territoires ne font pas la collecte de données de qualité sur les systèmes d’apprentissage et de garde des jeunes enfants. Il est convaincu que cette question n’est pas une priorité pour les instances gouvernementales. Je le cite : « Les rapports qu’ils produisent ne sont pas conformes à ce que prévoyaient les accords. »

Dans ce cas, ma question sera la suivante : étant donné que vous avez indiqué que cet aspect est un enjeu très important, pouvez-vous nous dire pourquoi est-ce si important pour les groupes de personnes handicapées de recueillir ce type de données et d’indicateurs clés, et qu’est-ce qui, à vos yeux, est si utile?

Merci.

Mme Carr : Merci pour votre question, madame la sénatrice.

Nous pensons que c’est extrêmement important. Je suis d’accord avec le témoin qui a soulevé que ce n’est pas une priorité, que ces données ne sont pas récoltées ou, si elles le sont, ce n’est pas fait de façon adéquate. Du côté des groupes de personnes handicapées, il est très difficile d’obtenir des données exactes et à jour, surtout à propos de l’inclusion des enfants handicapés, peu importe si c’est à l’école ou dans les systèmes d’apprentissage et de garde de jeunes enfants.

Ces renseignements sont extrêmement importants pour défendre nos arguments à l’égard des politiques ou des mesures législatives, car toutes les instances gouvernementales provinciales, territoriales ou fédérales demandent ces données. Combien d’enfants? Qui est inclus et qui ne l’est pas? À mon avis, il faudrait recueillir des données précises, mais sans qu’elles se limitent à déterminer combien d’enfants handicapés sont inclus à l’heure actuelle dans les centres d’apprentissage et de garde des jeunes enfants. On nous demande aussi de dire combien d’enfants ont quitté ces centres et pourquoi ils ont été retirés du système? Ce que nous constatons, dans bien des cas, c’est que même si un enfant est inclus, il risque de ne pas obtenir le soutien nécessaire. Autrement dit, le centre n’a pas les appuis requis pour inclure l’enfant handicapé, alors ce dernier finira par quitter le centre. Il serait utile d’établir des points de repère par rapport au nombre d’enfants handicapés dans une province, ou autre, répartis par tranche d’âge.

Je pense que ce sont des exemples de données cruciales dont nous aurions vraiment besoin. Je pense qu’il serait aussi utile de savoir combien d’enfants ont été refusés. Quelle était la raison du refus? Est-ce parce que le centre n’avait pas l’espace nécessaire ou parce que le personnel ne savait pas comment offrir le soutien adéquat ou qu’il n’avait pas les ressources requises pour le faire, et cetera? J’espère avoir répondu à votre question.

La sénatrice Seidman : Oui, certainement.

La sénatrice Moodie : Je remercie les témoins.

Si vous me le permettez, j’aimerais revenir à ce que Mme Carr a soulevé à propos de son expérience avec le Comité du développement social — le comité HUMA de l’autre endroit. Je sais que vous avez présenté un mémoire qui énonce presque mot pour mot ce que vous avez dit aujourd’hui. Je sais que vos arguments ont été étudiés et débattus, et qu’ils ont probablement contribué à renforcer l’alinéa 7(1)c) du projet de loi, à l’avantage des personnes handicapées.

Je vous en fais la lecture très rapidement :

[...] d’appuyer la prestation, y compris dans les collectivités rurales et éloignées, de programmes et services d’apprentissage et de garde des jeunes enfants qui sont inclusifs à l’égard des enfants issus des groupes systématiquement marginalisés, notamment les enfants handicapés [...].

Et ainsi de suite.

J’aimerais savoir pourquoi vous estimez nécessaire que le libellé soit plus explicite. Quelle est la lacune dans cet amendement, qui, selon l’autre endroit, semblait répondre à vos questions et à vos préoccupations?

Mme Carr : Je vous remercie de votre question, sénatrice Moodie.

Tout d’abord, je tiens à dire que nous avons essayé d’être convoqués pour témoigner devant le Comité du développement social, sans succès. Je vous remercie de me donner l’occasion de témoigner ici.

Je pense que c’est parce que le projet de loi nous donne l’impression de ne pas aller assez loin. Si l’on prend l’exemple de l’alinéa auquel vous avez fait mention, en plus d’indiquer l’obligation d’être inclusifs à l’égard des enfants handicapés, il devrait aussi souligner l’obligation de fournir les appuis nécessaires pour assurer des chances égales et un accès équitable aux enfants handicapés. C’est l’élément qui devrait être ajouté, à notre avis.

Nous sommes évidemment reconnaissants envers le comité de la Chambre des communes d’avoir ajouté la notion de handicap. Toutefois, nous demandons à ce qu’il aille un peu plus loin en précisant la nécessité de fournir les mesures de soutien dont les enfants handicapés ont besoin pour réussir leur intégration et s’épanouir dans cet environnement.

La sénatrice Moodie : Mme Lenahan, la définition de l’apprentissage et de la garde des jeunes enfants a fait l’objet de débats. D’ailleurs, vous l’avez soulevé précédemment.

Bien que certaines personnes souhaitent une définition plus stricte, d’autres ont souligné — vous y compris, je crois — qu’une définition suffisamment souple de manière à être ouverte est plus inclusive.

Certaines personnes allèguent qu’une définition plus stricte pourrait faire obstacle à ce que le gouvernement — y compris les gouvernements provinciaux et territoriaux — puissent élargir le programme éventuellement.

Pourrais-je entendre votre point de vue à ce sujet? Une définition plus souple est-elle plus avantageuse pour les enfants ayant des besoins complexes?

Mme Lenahan : Je crois que oui. Je crois que nous avons besoin de systèmes souples.

Bien sûr, nous voulons un projet de loi avec des paramètres stricts prévoir l’accès à des possibilités d’inclusion. Cependant, nos enfants ont besoin de la plus grande souplesse parce que, comme je l’ai dit, ce n’est que vers 12 ans qu’ils atteignent des jalons en matière d’autonomie. Par conséquent, s’il est décidé d’élargir les paramètres et d’inclure l’âge de 12 ans dans la définition, alors les jeunes de 13 à 19 ans qui doivent être intégrés dans les services de garde ou qui ont besoin d’appuis seront explicitement exclus. Il est important de bien le comprendre dès qu’il est question de prévoir une définition.

Oui, je pense que nous devons absolument veiller à ce que le système soit souple. Comme je l’ai également souligné, de nombreux enfants ont besoin de possibilités différentes. Parfois, durant cette période où les enfants sont plus âgés, les familles ont besoin d’un financement direct pour avoir la possibilité d’embaucher un préposé afin que leur enfant handicapé ait le soutien dont il a besoin, par exemple pour participer à un programme d’activités parascolaires ou revenir à la maison. Le projet de loi doit être suffisamment flexible pour tenir compte des besoins particuliers de nos enfants, peu importe si ce sont des besoins très variés comme des soins médicaux ou un encadrement sur le plan comportemental.

[Français]

Le sénateur Cormier : La première partie de ma question s’adresse à Mme Lenahan. Vous avez entendu la position de Mme Carr sur la question de l’amendement apporté à l’alinéa 7(1)c). Quelle est votre position à ce sujet? Est-ce que vous adhérez à la position de Mme Carr au sujet du renforcement de cet article?

La deuxième partie de ma question s’adresse à vous deux. De votre point de vue, madame Lenahan et madame Metsala, considérant que la vision de ce projet de loi est avant tout la mise en place d’un réseau public, quel type de garderie permet d’offrir les meilleurs services pour les jeunes enfants en situation de handicap et pour livrer des services de qualité dans les domaines d’apprentissage de la langue et de la littératie? Cela en considérant que dans plusieurs provinces, il y a le public, mais il y a également le privé qui agit.

J’aimerais vous entendre sur ces questions, en commençant par vous, madame Lenahan, au sujet de l’alinéa 7(1)c).

[Traduction]

Mme Lenahan : Merci pour la question.

Oui, j’appuie les amendements proposés par Inclusion Canada. Il est essentiel de renforcer le libellé, comme il a été suggéré. À moins d’un libellé explicite, ce sont depuis toujours les groupes marginalisés qui vont continuer — le projet de loi n’aura pas assez de mordant. Il faut des engagements solides.

Pouvez-vous répéter votre deuxième question?

[Français]

Le sénateur Cormier : Quel type de garderie permet d’offrir les meilleurs services pour les jeunes enfants en situation de handicap : privée, publique, familiale, agréée ou non agréée?

[Traduction]

Mme Lenahan : Dans le monde réel, ce dont nous avons besoin et ce qui est disponible — mon fils a eu accès à des services de garde à temps partiel dans notre collectivité. C’est à un centre que j’avais moi-même choisi. Nous avons été très chanceux de pouvoir vivre cette expérience.

Les enfants handicapés ont besoin d’avoir accès aux services dans un centre de leur collectivité afin de côtoyer les enfants qu’ils retrouveront à l’école plus tard. C’est un besoin fondamental et cela crée des liens essentiels, autant pour la famille que pour l’enfant, pour faire la transition vers la maternelle.

Il est crucial que ce type de services soient accessibles. De nombreux enfants handicapés utilisent un fauteuil roulant. Ils ont absolument besoin d’appuis médicaux. Avant, en Colombie-Britannique, le personnel pouvait être formé pour exécuter des tâches simples. L’alimentation par sonde, dans le cas d’une gastrostomie, n’est pas très compliquée à faire; les parents sont formés pour apprendre cette méthode. C’est facile de former le personnel pour exécuter cette tâche dans un centre de services de garde d’enfant. C’est quelque chose qui se faisait auparavant. Récemment, ce service a été aboli.

Il est nécessaire de veiller à ce que ces appuis soient incluent, renforcés et multipliés. Ces appuis doivent être intégrés dans le système.

En outre, le modèle de financement est très important. Ces appuis étaient seulement offerts à temps partiel. Cela signifie que pour le préposé qui aide mon fils, de manière individuelle, ce n’est qu’un emploi à temps partiel, à un taux horaire de 23 $. C’est insuffisant comme gagne-pain pour ce préposé et, en tant que parent, cela ne me permet pas d’occuper un emploi à temps plein.

Ce sont tous des éléments fondamentaux qui doivent...

Le sénateur Cormier : Merci. Puisque je ne veux pas que la présidence nous interrompe, j’aimerais demander à Mme Metsala de répondre à la question, si possible.

La présidente : Vous pourrez le faire au deuxième tour, sénateur.

La sénatrice Dasko : Je remercie les témoins d’être ici pour parler de ces enjeux importants.

Ma principale question s’adresse à Mme Carr. Vous demandez que le libellé soit modifié, mais j’aimerais avoir plus de détails sur les modalités et les ententes déjà conclues avec les provinces et les territoires. Est-ce que le libellé de l’une ou l’autre de ces ententes porte sur les services ou les appuis destinés aux enfants handicapés? Je suppose que non, mais si c’est le cas, j’aimerais en savoir plus.

J’aimerais aussi savoir si les services pour les enfants handicapés ont été intégrés dans les ententes déjà en vigueur, que le libellé le mentionne ou non.

En ce qui concerne la mise en œuvre du financement prévu par le gouvernement fédéral, la réduction des frais, l’élargissement des services, et tous les autres aspects, pouvez-vous nous donner plus de détails sur les services qui seront éventuellement offerts aux enfants handicapés en vertu de ces nouvelles ententes?

Je comprends que ma question est longue. Je ne m’attends pas à ce que vous me donniez les détails sur chacune des provinces, mais tous les détails que vous pouvez nous fournir sont les bienvenus. Merci.

Mme Carr : C’est une question à deux volets et je vais commencer par le premier. Je vous remercie de la question, sénatrice.

Selon ce que j’en comprends, les ententes actuelles de nos associations membres dans les provinces et les territoires ne prévoient aucune obligation en ce qui a trait au financement des possibilités visant à inclure des places pour les enfants handicapées dans les centres d’apprentissages et de garde de jeunes enfants. Il n’y a aucune précision concrète à cet effet.

Notre organisation aurait aimé que ces ententes précisent qu’un certain montant d’argent doit servir à améliorer l’inclusion de tous les enfants et les éléments connexes. Je pense que la notion d’inclusion est énoncée de manière générale dans les ententes. Toutefois, selon la rétroaction des associations membres, la majorité du financement est prévu pour l’inclusion de divers groupes autres que les enfants handicapés.

C’est la meilleure réponse que je puisse vous fournir pour le premier volet.

Si je ne me trompe, le deuxième volet porte sur ce qui est requis.

La sénatrice Dasko : [Difficultés techniques] s’est produit jusqu’à maintenant en ce qui concerne la distribution des sommes fédérales aux provinces. Comment cela se passe-t-il? Pourriez-vous nous dire comment cet argent a pu aider des enfants handicapés jusqu’à présent?

Mme Carr : Je ne dirais pas qu’il ne permet pas d’aider des enfants handicapés. La situation varie selon les administrations et leur détermination à ce que les services de garde, les lieux, la qualité et ainsi de suite tiennent compte des enfants handicapés. Les progrès à cet égard sont plus marqués dans certaines provinces.

Le nœud du problème, c’est toutefois que le financement et les ententes ne sont pas assortis d’une obligation de fournir aux enfants handicapés un accès égal à celui des autres enfants. Cela entraîne un grave problème pour les familles que nous aidons puisque, dans bien des cas, les mères — ce ne sont pas toujours les mères, en fait — ne travaillent pas. Il leur est impossible d’avoir un emploi et de participer au marché du travail parce qu’elles n’arrivent pas à trouver, pour leur enfant, un service inclusif d’apprentissage et de garderie. Résultat : ces familles sont plus susceptibles d’avoir un faible revenu et de vivre dans la pauvreté, bien qu’elles doivent composer avec les coûts accrus associés au handicap de leur enfant. Cela crée toutes sortes de difficultés.

De plus, comme ces enfants n’ont pas la chance de participer à des services d’apprentissage pour les jeunes enfants, il est encore plus difficile de les intégrer aux milieux scolaires par la suite.

Je m’arrête là-dessus, car je sais que le temps est limité.

La présidente : Madame Carr, vous pourriez peut-être préciser un point pour moi. Croyez-vous que si la mesure législative mentionne spécifiquement les besoins des enfants handicapés, il y aura aussi de meilleures données et de meilleurs indicateurs de progrès dans le rapport annuel?

Mme Carr : Je l’espère. Mon grand espoir, ce serait qu’on renforce le projet de loi en ce qui concerne les handicaps. Je trouve plutôt ahurissant qu’il mentionne les droits de l’enfant et les droits des peuples autochtones, mais pas ceux des personnes handicapées.

Je m’attendrais à ce que le scénario que vous avez décrit se réalise, en effet, et je crois qu’il faut décrire les attentes concernant les indicateurs et les rapports qui feront le point sur la situation. Nous savons tous que ce qui est quantifié finit par se réaliser. La version actuelle du projet de loi n’établit pas des attentes assez solides au sujet de l’inclusion, des handicaps et des indicateurs correspondants.

La présidente : Vous nous avez fait une recommandation à ce sujet. Nous passons maintenant à la sénatrice Moncion.

[Français]

La sénatrice Moncion : Ma question s’adresse à Mme Metsala. Nous sommes tous d’accord avec ce que vous avez dit dans vos remarques préliminaires, à savoir que les années préscolaires sont essentielles pour l’acquisition du langage et de l’alphabétisation. En tant que francophones en milieu minoritaire, nous comprenons tous très bien l’importance de cette composante.

Vous avez mentionné la nécessité d’établir une main-d’œuvre dans le domaine de la petite enfance. Je voudrais connaître votre opinion sur l’établissement d’un conseil consultatif sur l’apprentissage et la garde de jeunes enfants à l’article 9 du projet de loi C-35, et savoir si la main-d’œuvre serait complémentaire au conseil. Pouvez-vous préciser votre point de vue sur cette recommandation?

[Traduction]

Mme Metsala : Je vous remercie de votre question. Nous devons absolument examiner les données probantes pour cerner des façons efficaces de préparer les enfants à apprendre et à réussir à l’école, et pour offrir, en milieu préscolaire, des expériences qui faciliteront cette préparation. Nous aimerions que le Conseil consultatif national se concentre sur le volet de l’apprentissage des jeunes enfants, qu’il s’informe auprès des gens qui ont des choses à dire à ce sujet, et qu’il intègre le jeu tout en ciblant et en facilitant intentionnellement tout cela. Il faut aussi voir comment on peut préparer les éducateurs de la petite enfance, dans le cadre de leurs programmes de formation et de leurs activités de perfectionnement professionnel.

L’un des éléments qui brillent parfois par son absence, c’est une étude des données probantes. Nous avons accès à beaucoup d’indicateurs sur l’apprentissage de la langue et de la littératie chez les tout-petits, et nous avons beaucoup de données probantes qui indiquent ce qui peut être efficace et permettre de prévenir de nombreuses difficultés futures. Le projet de loi se trouverait immensément renforcé si une partie du conseil consultatif national se concentrait sur l’apprentissage et se penchait sur l’expertise, les pratiques exemplaires et les programmes de formation.

La sénatrice Moncion : Merci.

La sénatrice Burey : Je remercie encore tous les témoins. En tant que pédiatre, je me suis occupée pendant 30 ans d’enfants qui avaient des troubles d’apprentissage, du comportement et du développement. Ce projet de loi sur la garde des enfants me tient donc vraiment à cœur.

Les témoins ont mentionné certains des défis liés à la pédiatrie ainsi qu’à la santé, au développement et à la garde des enfants, des enjeux qui se trouvent au carrefour de ces différents domaines que sont la santé, les services axés sur les troubles du développement, les services sociaux, les services médicaux et le cloisonnement entre les divers types de soins, auxquels vous avez tous fait allusion, d’une manière ou d’une autre. Étant donné ces problèmes et le cloisonnement entre les types de soins, Mme Carr et Mme Lenahan proposent de mieux parler d’inclusion dans le texte du projet de loi. Je rappelle aussi que Mme Lenahan a parlé de son fils, qui a des problèmes médicaux complexes, et du fait que la garderie qu’il fréquentait a cessé de s’occuper des sondes gastriques, ce qui signifie que l’enfant ne pouvait plus y aller.

Le projet de loi à l’étude pourrait-il couvrir des problèmes aussi complexes? Voulons-nous qu’il mène à une coordination de tous ces genres de soins?

Mme Carr : Je peux donner une première réponse, et j’aimerais aussi entendre d’autres personnes à ce sujet. Je vous remercie de votre question, madame la sénatrice. Je ne crois pas que le projet de loi puisse tout régler. Il ne peut pas tout accomplir, et la question du cloisonnement des soins dépasse largement la portée de cette mesure législative sur la garde des enfants; vous le savez très bien, étant donné votre profession.

Nous voulons profiter de chaque occasion qui se présente pour avancer dans la bonne direction. Le projet de loi à l’étude est un élément qui pourrait nous rapprocher un tout petit peu du but qu’il faut atteindre. Je crois qu’en tant qu’organisation — je parle ici au nom de notre organisation et au nom des familles et des enfants que nous représentons —, nous devons profiter de toutes les occasions et de tous les projets de loi pour avancer un peu, et encore un peu, pour que tout soit accessible puis, au-delà de l’accès, pour garantir une participation de qualité. Non, je ne crois pas que le projet de loi puisse tout régler, mais il pourra nous rapprocher du but s’il est bien fait.

La sénatrice Burey : Quelqu’un aurait-il quelque chose à ajouter?

Mme Metsala : J’ajouterai simplement qu’il serait possible de renforcer le projet de loi en favorisant une coordination accrue, particulièrement entre les professionnels qui se concentrent sur le développement cognitif, médical ou social des jeunes enfants, en veillant à ce que ces professionnels travaillent ensemble et en transformant les centres en carrefours. Ce serait aussi une façon de soutenir les éducateurs de la petite enfance et leur formation continue. S’il pouvait y avoir une intégration de certains services et des carrefours qui répondraient aux besoins en matière de développement et aux besoins complexes, ce serait un changement positif, selon moi. Merci.

La sénatrice Burey : Si vous deviez choisir un seul amendement, lequel aurait l’effet le plus positif, selon vous?

Mme Carr : Wow. C’est une grande question. Je vous remercie de la poser, madame la sénatrice. Il faudrait définir l’« inclusion ». J’en choisirai probablement deux. Je dirais qu’il faut définir ce que signifie « inclusif » dans le projet de loi et y inscrire aussi les droits prévus dans la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, particulièrement l’article 24. Ce serait les deux amendements les plus cruciaux.

La sénatrice Burey : Merci beaucoup.

Le sénateur Cormier : Ma question s’adresse à Mme Metsala.

[Français]

Nous avons plus d’un type de services de garde, comme vous le savez — privé, public, familial, agréé, non agréé. Selon vous, est-ce que vos données et votre recherche vous permettent d’affirmer quels sont les modèles qui sont les plus favorables aux enjeux que vous avez soulevés, notamment sur l’apprentissage de la langue et la question de la littératie?

J’aimerais vous entendre sur ce sujet, parce que je crois qu’un de mes enjeux est de comprendre comment traiter l’ensemble de l’écosystème des garderies dans certaines provinces où le public et le privé cohabitent beaucoup. Merci.

[Traduction]

Mme Metsala : Je vous remercie de votre question. Je n’ai pas de recherches qui portent directement sur le type de garderie qui facilite le mieux l’apprentissage de la langue et de la littératie chez les jeunes enfants. Je crois qu’en raison de leur formation et de leur perfectionnement professionnel continu, les éducateurs de la petite enfance pourraient obtenir de bons résultats dans de multiples contextes. Pour faire en sorte qu’on atteigne les objectifs visés en matière d’apprentissage de la langue et de la littératie dans de multiples contextes, la voie à suivre serait peut-être d’examiner la profession d’éducateur de la petite enfance et de voir comment nous pouvons vraiment soutenir les gens qui choisissent cette profession et la rendre très attrayante. D’après les témoignages que j’entends aujourd’hui, la souplesse est d’une grande importance pour les gens, même quand il s’agit de besoins complexes. Merci.

[Français]

Le sénateur Cormier : Est-ce que le projet de loi, tel qu’il est rédigé, permet de tenir compte de ce dont vous venez de parler?

[Traduction]

Mme Metsala : Je laisserais répondre des personnes qui ont réfléchi plus que moi à cet aspect. Je crois qu’elles sauront mieux vous informer, grâce à leurs connaissances.

Mme Carr : Je n’ai pas vraiment de bonne réponse à cette question. J’en suis désolée.

Le sénateur Cormier : Ne vous en faites pas.

La présidente : Je me permets de m’interposer, sénateur Cormier : d’après les témoignages que nous avons entendus, il semble qu’il faudrait, pour répondre aux besoins des enfants handicapés, un modèle plus souple, au lieu d’une solution unique. J’espère ne pas avoir mal interprété les propos des témoins. Ce n’est pas mon intention.

Mme Lenahan : Je suis d’accord avec votre observation, madame la présidente. Oui, je suis d’accord.

La présidente : Merci.

La sénatrice Seidman : Je reviens sur la question posée par la sénatrice Burey au sujet de l’amendement ou des amendements les plus importants. Je ne vous demanderai pas d’en choisir un seul. Je trouve inquiétant que la notion de diversité semble bien présente dans le projet de loi, mais qu’elle n’inclue pas nécessairement les enfants handicapés. Vous l’avez souligné clairement, madame Carr, et je crois que les autres témoins, mesdames Lenahan et Metsala, en ont fait autant. Ce point me préoccupe.

En ce qui concerne la définition d’« inclusion », vous avez recommandé de la mentionner dans le préambule, mais aussi dans la section des définitions, je pense. Vous affirmez très clairement que la définition doit être claire et indiquer clairement que l’inclusion va au-delà de l’accès. Le concept d’accès est générique à bien égards, du moins il l’est devenu. À une certaine époque, nous parlions d’accessibilité, mais la notion est devenue beaucoup plus générique, selon moi. Vous dites clairement que la notion d’inclusion doit comprendre les enfants handicapés et qu’il faut le dire explicitement, que ce message ne peut pas demeurer implicite.

Vous recommandez plusieurs endroits où il serait possible d’inclure une formulation simple, comme « les droits des personnes handicapées », dans le premier paragraphe du préambule puis dans une définition. Pourriez-vous regarder rapidement le texte? Je suis en train de regarder le mémoire que vous nous avez soumis, madame Carr. Pourriez-vous nous proposer une façon très claire et très ciblée de régler ce problème au moyen de quelques amendements importants, ou en en faisant davantage au besoin?

Mme Carr : Merci beaucoup de votre question, sénatrice. Les amendements que nous proposons indiquent certains domaines où il pourrait y avoir plus de rigueur.

En ce qui concerne vos propos sur l’accès, cela signifie seulement que, techniquement parlant, on peut le faire. Mais cela ne signifie pas que l’on aura le soutien nécessaire ou que l’on sera pleinement accueilli ou inclus. Il y aura tous les « mais » qui viennent avec cela. Nous demandons à ce que la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées soit placée sur un pied d’égalité avec les autres conventions citées, ce qui nous aidera à réfléchir sur la signification réelle de l’inclusion et le fait qu’elle comprend les enfants handicapés.

Pour revenir à ce que vous avez dit au sujet de la diversité, l’équité et l’inclusion, ou DEI, nous constatons que les initiatives DEI, incluent tout le monde, sauf les personnes handicapées. Nous savons que les personnes handicapées font également partie de tous ces autres groupes en quête d’équité.

Dans le cadre des engagements de financement, il faut faire en sorte que le soutien au financement est bien présent et, dans les mesures clés, faire en sorte que les personnes soient tenues de rendre des comptes et de faire rapport de ce qu’elles ont fait. Il n’y a pas beaucoup d’amendements, mais les principaux renforceraient vraiment le texte.

La sénatrice Seidman : Merci beaucoup. C’est vraiment important.

La présidente : Merci, chers collègues, et merci aux témoins d’avoir pris le temps de nous faire part de leurs points de vue. Je pense parler en notre nom à tous en disant que vous avez énormément élargi notre compréhension du projet de loi C-35 en ce qui concerne les enfants handicapés.

Pour la deuxième partie de notre réunion sur le projet de loi C-35, nous accueillons en personne Mme Julie Savard-Shaw, directrice générale, Projet prospérité; M. David McDonald, économiste principal au Centre canadien de politiques alternatives; et, par vidéoconférence, Mme Lisa Wolff, directrice des politiques et de la recherche, UNICEF Canada.

Conformément à notre pratique habituelle, les témoins disposeront de cinq minutes chacun pour leur déclaration liminaire, suivie des questions des membres du comité. Nous commencerons par M. Macdonald, suivi de Mme Savard-Shaw et de Mme Wolff.

Monsieur McDonald, vous avez la parole.

David Macdonald, économiste principal, Centre canadien de politiques alternatives : Je vous remercie de m’avoir invité à prendre la parole sur le projet de loi C-35.

Au cours des 10 dernières années, j’ai eu l’occasion de travailler avec le milieu des services de garde pour recueillir des données essentielles sur les garderies dans les grandes villes du Canada. Notre enquête sur les frais, combinée à d’autres recherches définissant les déserts en matière de garde d’enfants, fournit des approches publiques essentielles et cohérentes pour évaluer à la fois l’abordabilité et l’accessibilité des services de garde d’enfants au Canada. Lorsque cette entreprise a été lancée en 2014, nous étions loin de nous douter qu’un changement radical allait s’opérer dans le domaine de la garde d’enfants en moins d’une décennie.

J’aimerais attirer votre attention sur mon étude la plus récente, Mesurer ce qui compte, que j’ai co-rédigée avec Martha Friendly. Il s’agit d’une enquête sur les frais de garderie dans 37 villes canadiennes. C’est l’enquête annuelle la plus ancienne et la plus détaillée sur les frais de garde d’enfants au Canada. Sans les données recueillies en 2019, il n’aurait pas existé de méthode externe pour déterminer si les provinces et les territoires avaient atteint l’objectif fédéral de réduction de 50 % en décembre 2022.

Dans le cadre de la création du Conseil consultatif national sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants prévue dans le projet de loi C-35, j’encourage le gouvernement à confier à ce nouveau conseil, ou à un autre organe du gouvernement fédéral, la tâche de procéder à une évaluation publique et indépendante des objectifs fédéraux intégrés au système sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants à l’échelle du Canada.

Bien que le Centre canadien de politiques alternatives et les défenseurs des services de garde aient joué un rôle important dans la collecte et l’analyse d’informations cruciales sur les frais et la disponibilité des places, nous ne sommes pas le bon véhicule pour poursuivre ce travail. Compte tenu de l’importance des investissements du gouvernement fédéral dans les services d’éducation préscolaire et de garde, et de son bien meilleur accès aux données provinciales, c’est lui qui devrait évaluer rigoureusement, indépendamment et publiquement les progrès réalisés par les provinces et les territoires dans l’atteinte des objectifs qu’il a fixés, que les résultats soient positifs ou négatifs. Cette tâche est trop importante pour être confiée à un groupe de réflexion menant des recherches sur les services de garde d’enfants avec un budget restreint.

En ce qui concerne notre dernier rapport sur les frais de garde d’enfants, nous avons évalué les progrès réalisés en vue de l’objectif de décembre 2022, à savoir une réduction de 50 % des frais, et les résultats sont solides. La moitié des grandes villes ont enregistré une réduction de 50 % des frais par rapport à l’année de référence, 2019 ou 2020. Un quart d’entre elles ont enregistré des réductions de l’ordre de 40 % — même si elles n’ont pas atteint l’objectif fédéral, elles s’en sont tout de même rapprochées.

Le dernier quart des villes ont fait des progrès, mais leurs frais médians n’ont baissé que de 20 à 30 %. Les villes les plus en retard sont dans l’Île-du-Prince-Édouard, en Alberta et en Colombie-Britannique. L’Île-du-Prince-Édouard et l’Alberta ont pris en compte les changements apportés à leurs subventions pour les personnes à faible revenu dans leur réduction de 50 % des frais. D’autres provinces ont également modifié leurs aides aux personnes à faible revenu, mais ne les ont pas comptabilisées dans leur réduction de 50 %. En Colombie-Britannique, les résultats sont plus mitigés, certaines villes s’en approchant, comme Vancouver, en raison notamment de l’expansion rapide des places à 10 $ par jour dans cette ville. En revanche, d’autres villes, comme Surrey ou Burnaby, sont plus éloignées de l’objectif de 50 %.

Les augmentations prévues dans le cadre de l’initiative de réduction des frais n’ont pas suffi à réduire les frais de 50 % dans les cas où elles sont neutralisées par la non-participation et les changements de composition, combinés à une faible expansion des espaces à 10 $ par jour.

L’un des autres résultats intéressants de cette année est l’écart observé dans certaines villes. Par exemple, à Hamilton, la plupart des parents paient un montant quotidien qui se situe à quelques dollars de la médiane. Mais dans les grandes villes, comme Toronto ou Richmond, les parents paient des montants très variés, qui sont bien supérieurs à la médiane, même si ces frais ont baissé. Les frais fixes, tel qu’ils existent actuellement dans sept provinces et territoires, éliminent essentiellement ces écarts importants.

Les différentes approches de réduction des frais donnent des résultats différents dans les provinces et les territoires, et cela mérite une étude plus approfondie de la part du gouvernement fédéral, car cela a de sérieuses répercussions sur l’atteinte de l’objectif de 10 $ par jour fixé par le système Apprentissage et garde de jeunes enfants à l’échelle du Canada pour 2025.

Dans notre rapport sur les frais, nous avons formulé quatre recommandations pour les prochaines étapes du plan national sur les services de garde d’enfants. Premièrement, afin d’éliminer les écarts, il faut rapidement fixer des tarifs dans les six provinces ou territoires qui n’en ont pas encore puis amener les tarifs de manière prévisible à 10 $ par jour d’ici 2025-2026. Deuxièmement, il faut planifier publiquement l’emplacement des nouvelles places afin d’assurer qu’elles sont situées à proximité des endroits où vivent les enfants, et non pas uniquement dans les centres-villes et les grandes villes. Troisièmement, il faut continuer à mettre l’accent sur l’expansion des organismes à but non lucratif, étant donné que l’écart entre les tarifs des organisations à but non lucratif et ceux des organisations à but lucratif ne cesse de se creuser. Enfin, à mesure que le financement fédéral remplace les frais payés par les parents, il faut tenir compte en priorité des salaires des travailleurs dans les formules de financement.

Je vous remercie de votre attention. J’attends vos questions avec impatience.

Julie Savard-Shaw, directrice générale, Projet prospérité : Merci, madame la présidente.

J’aimerais d’abord reconnaître que je prends la parole sur le territoire traditionnel et non cédé du peuple algonquin anishinabe.

Mon nom est Julie Savard-Shaw et je suis la directrice générale du Projet prospérité. Le Projet prospérité a été fondé en avril 2020 par un groupe de plus de 65 femmes occupant des postes de cadres un peu partout au pays qui s’inquiétaient de l’impact de la pandémie sur les carrières des femmes.

Maintenant que la pandémie est en grande partie derrière nous, le Projet prospérité axe ses efforts sur des initiatives qui aident à cerner et à éliminer les obstacles à la prospérité économique des femmes, en particulier des femmes appartenant à des groupes sous-représentés.

La garde d’enfants continue d’être régulièrement désignée comme l’obstacle le plus difficile à surmonter dans la carrière d’une femme.

[Français]

J’en ai fait l’expérience personnellement. Non seulement je n’ai jamais réussi à trouver une place pour mon fils dans une garderie francophone — ou à tout le moins une garderie véritablement bilingue —, mais aujourd’hui, je suis incapable de trouver une place dans un programme de garde parascolaire en français.

Heureusement, mon horaire de travail me permet d’aller reconduire mon fils à 9 h 30 le matin et d’aller le chercher à 15 h 30, mais cette flexibilité n’est pas possible pour plusieurs parents. Malheureusement, comme on le sait, ce sont les mères qui écopent.

[Traduction]

Le Projet prospérité félicite le gouvernement fédéral d’avoir franchi une première étape importante vers la mise en place d’un système pancanadien d’éducation préscolaire et de garde d’enfants. Nous reconnaissons la nécessité d’inscrire l’éducation préscolaire et les services de garde dans la loi et, bien que nous ne souhaitions pas que l’adoption du projet de loi soit retardée au-delà de la fin de l’année 2023, il est nécessaire d’éclaircir certaines questions.

Tout d’abord, étant donné la terrible situation qui s’est produite en Alberta en raison de normes de santé et de sécurité mal appliquées dans les cuisines commerciales qui fournissent la nourriture aux garderies, le Projet prospérité estime qu’il est important d’établir des pratiques de manipulation des aliments et des exigences d’inspection plus strictes afin de préserver le bien-être des enfants. Bien qu’une référence aux normes de santé et de sécurité puisse être ajoutée à la disposition 7(1)(b), nous recommandons vivement que les accords bilatéraux fassent spécifiquement référence à la nécessité de renforcer les pratiques de manipulation des aliments dans les cuisines accueillant des enfants afin de recevoir un financement du gouvernement.

Deuxièmement, les engagements de financement décrits à l’article 8 ne prévoient aucun mécanisme de reddition de comptes ou de contrôle. Dans l’état actuel des choses, les rapports des provinces et des territoires ne sont pas très transparents et ne sont pas facilement accessibles. Pourtant, un grand nombre de responsabilités et de décisions leur incombent pour garantir des services de garde d’enfants équitables, de haute qualité et accessibles. Le public mérite de savoir où et comment les provinces et les territoires utilisent les fonds fédéraux.

[Français]

Troisièmement, mon collègue en a déjà parlé, le Projet Prospérité est préoccupé par les défis attribuables à une augmentation significative de la demande sans augmentation de l’offre, notamment due au manque de personnel.

Je parlais plus tôt du fait que je n’ai pas trouvé de place pour mon fils, mais ce qui est encore plus difficile à croire, c’est le fait que le service de garde à Ottawa, dans les écoles francophones, compte sur les éducatrices travaillant à la maternelle pour pourvoir ses postes. Donc, ces femmes arrivent le matin à 7 heures au service de garde, travaillent jusqu’à 9 heures le matin, ensuite vont à l’école pour travailler de 9 heures à 15 h 30 et ensuite retournent au service de garde pour travailler de 15 h 30 à 18 heures, parce qu’il n’y a pas assez de personnel.

Nous recommandons donc que le gouvernement fédéral cesse de s’appuyer entièrement sur les provinces et les territoires pour assurer la durabilité du système d’apprentissage en créant des incitatifs pour attirer plus de gens dans le métier.

Comme le gouvernement fédéral l’a fait pour les médecins de famille et les infirmières, il est temps d’offrir une exonération de remboursement du prêt étudiant pour les gens qui obtiennent un certificat en éducation à la petite enfance.

[Traduction]

Pour conclure, je tiens à réaffirmer le soutien du Projet prospérité à cette étape importante visant à consolider le droit à des services de garde d’enfants, car nous sommes fermement convaincus qu’il s’agit du principal soutien dont les femmes ont besoin pour progresser dans leur carrière. Ultimement, lorsque les femmes réussissent, l’économie prospère.

Merci.

La présidente : Merci beaucoup. Madame Wolff, allez-y, je vous prie.

Lisa Wolff, directrice des politiques et de la recherche, UNICEF Canada : Merci, madame la présidente et honorables sénateurs, et bonjour à mes collègues.

Je me joins à vous depuis le territoire traditionnel des peuples wendat, haudenosaunee et anishinaabe visé par les traités Williams.

Dans 190 pays et territoires du monde, l’UNICEF a pour mandat de faire progresser les droits universels des enfants, en s’appuyant sur la Convention relative aux droits de l’enfant et sur d’autres traités fondamentaux sur les droits de la personne.

L’éducation préscolaire et la garde d’enfants sont de plus en plus au centre des préoccupations dans le monde entier, dans les pays à faible et moyen revenu, en raison de leur contribution à la garantie équitable des droits et de l’avenir des enfants et des sociétés. Aussi, UNICEF Canada accueille favorablement le projet de loi C-35, qui inscrit dans la loi un engagement durable et responsable visant à mobiliser les leviers de financement considérables du gouvernement fédéral et à promouvoir son intérêt stratégique pour un système d’éducation préscolaire et de garde d’enfants de haute qualité. Ce système devrait être universel, équitable et accessible à tous les enfants, en coopération avec les provinces, les territoires et les organisations et gouvernements autochtones.

Si le chemin parcouru pour parvenir à cette étape est vieux de plus de 50 ans, une contribution importante a été apportée en 2008 avec la publication d’un bilan de l’UNICEF sur la garde d’enfants dans les pays riches. Cette série de bilans est publiée par le Centre mondial de recherche et de prévisions de l’UNICEF. Cela fait plus de 20 ans que nous publions une série de bilans sur les enfants dans les pays riches. Nous comparons et mesurons ces pays parce qu’ils ont des niveaux de richesse nationale similaires et qu’ils devraient être en mesure d’obtenir des résultats similaires pour les enfants. Si ce n’est pas le cas, c’est parce qu’ils n’ont pas les mêmes ambitions politiques pour les enfants.

Le bilan de 2008 mesurait la réalisation de 10 critères de référence en matière de politique de garde d’enfants dans 26 pays riches à l’époque. Il s’agissait de normes minimales pour un système de garde d’enfants adéquat. Elles ont été atteintes dans environ un tiers des pays à revenu élevé. Le Canada s’est classé 24e sur ces 26 pays, n’atteignant qu’un seul des 10 critères de référence. Ce critère concernait le fait qu’au moins 50 % du personnel des services agréés de garde de jeunes enfants possédait une qualification pertinente.

Les enfants canadiens ne bénéficiaient pas des neuf autres indicateurs d’inclusion et de qualité des services de garde, d’accès aux services. Il manquait aussi les indicateurs relatifs aux politiques de soutien qui entourent un bon système de garde, comme l’existence d’un plan national pour l’enfance, un taux de pauvreté infantile inférieur à 10 % et un congé parental adéquat et inclusif.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce bilan a déclenché un vif débat sur nos progrès pour le bien-être de nos enfants les plus jeunes.

Combien de ces 10 points de référence le Canada atteindrait-il aujourd’hui? Les données suggèrent qu’il en atteindrait environ trois. En plus du point de référence initial, le Canada dépasse désormais les dépenses de 1 % du PIB pour les services à la petite enfance, mais ces dépenses restent inférieures à la moyenne de l’Organisation de coopération et de développement économiques, ou OCDE. Le Canada a ramené le taux de pauvreté infantile sous la barre des 10 %, selon l’indicateur de faible revenu fixé à 50 % du revenu médian. Toutefois, à 9,4 %, le taux de pauvreté des enfants reste plus élevé que celui des adultes.

Il s’agit là de points de référence minimaux que tout pays riche devrait être en mesure d’atteindre. Le projet de loi C-35 vise à juste titre une ambition encore plus élevée, en accord avec la richesse de notre pays et les objectifs de développement durable des Nations unies que nous nous sommes engagés à atteindre. Comme loi, il s’agit d’un élément important — un indicateur d’un système de garde d’enfants important.

Nous sommes heureux de constater que le projet de loi fait référence aux obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne, en particulier en ce qui concerne les enfants, et explicitement les enfants handicapés et les peuples autochtones. L’approche fondée sur les droits est également concrétisée par l’engagement en faveur du suivi et de l’évaluation. Idéalement, les résultats du système de suivi seraient intégrés dans une stratégie de suivi des résultats pour les enfants et les jeunes.

Les services de garde sont-ils bénéfiques pour les enfants? En quoi la vie et le bien-être des enfants changent-ils ou s’améliorent-ils grâce à la mise en place d’un système efficace et robuste? Il faudrait recueillir des données à cet égard afin de permettre des comparaisons à l’échelle internationale, ce que le Canada n’a pas réussi à faire jusqu’à présent.

Le projet de loi pourrait encore être renforcé en incluant à l’article 7 des principes fondés sur les droits de l’enfant, en particulier le droit des enfants à ce que leur intérêt supérieur, au sens de la Convention relative aux droits de l’enfant, soit une priorité dans la prestation des services d’éducation préscolaire et de garde d’enfants. Nous savons que ces services ont tendance à servir de nombreux objectifs différents; parfois, on oublie l’intérêt primordial des enfants.

L’adoption des dispositions du projet de loi C-35 et la mise en œuvre intégrale des cadres multilatéraux devraient permettre à l’ensemble du Canada d’atteindre et, idéalement, de dépasser les critères minimaux du bilan 2008 de l’UNICEF, au moins en ce qui concerne l’accès et la qualité.

Cependant, pour que chaque enfant bénéficie du meilleur départ possible dans la vie, le Canada devrait également respecter tous les points de référence, à savoir un système complet d’éducation préscolaire, un accès équitable au congé parental, la réduction de l’écart entre le congé parental et les services de garde d’enfants, un accès quasi universel aux services essentiels de santé infantile et un plan ou une stratégie nationale pour l’enfance. L’objectif devrait être de permettre à chaque enfant de dépasser le seuil de la pauvreté.

Cela favoriserait le développement, l’équité et les chances des enfants, et cela aiderait le gouvernement fédéral à atteindre un grand nombre de ses objectifs. Cela permettrait également d’optimiser les dépenses fédérales en les concentrant plus tôt dans le parcours de vie.

Chaque enfant a le droit d’être soigné, de bénéficier d’une protection sociale, de services de garde et d’un développement optimal dès les premiers mois de sa vie. Le projet de loi C-35 est une étape importante pour aider à remplir ces obligations.

Je vous remercie de m’avoir invitée à cette discussion.

La présidente : Merci beaucoup à tous nos témoins. Nous allons commencer par les questions. Vous disposez de cinq minutes chacun, chers collègues.

La sénatrice Seidman : Merci beaucoup pour votre témoignage. Il est très révélateur. Je pense que je vais commencer par vous, madame Wolff.

Vous l’avez mentionné à la fin de votre exposé, mais je dirais que dans l’introduction du mémoire que vous nous avez présenté — c’est-à-dire votre rapport de mars 2023 — vous indiquez que le Canada ne recueille pas actuellement de données qui permettent de comparer directement ses systèmes d’éducation préscolaire et de garde d’enfants à ceux de pays comparables. Vous avez également mentionné l’OCDE, bien sûr. En fait, si nous examinons les comparaisons internationales de l’OCDE, les données canadiennes sont largement absentes.

Quels sont les inconvénients de l’absence de collecte de données comparables sur le plan international? Pourquoi est-ce important? Merci.

Mme Wolff : Je vous remercie de votre question, sénatrice Seidman.

Pour en revenir à mon intervention précédente, nous comparons les pays parce que cela permet de montrer ce qui est réalisable dans la pratique et non uniquement en théorie, selon des idéaux d’inclusion ou d’équité, dans ce cas-ci. Il s’agit de savoir ce que des pays disposant de ressources similaires aux nôtres arrivent à accomplir en mettant certaines politiques en place.

Quelles leçons pouvons-nous en tirer? L’un des exemples est tiré d’un rapport publié par l’UNICEF en 2019 sur les politiques favorables à la famille dans les pays riches. Le Canada ne disposait pas de toutes les données que nous avions sur d’autres pays, mais nous avons pu nous appuyer sur des données similaires, bien que non directement comparables, fournies par d’excellents experts universitaires de notre pays. Nous avons constaté que 54 % des enfants âgés de 2 à 4 ans avaient accès à des services de garde d’enfants organisés à l’époque, c’est-à-dire autour de 2019. Dans les pays de l’OCDE, la moyenne était de 70 %. Dans un tiers de ces pays, elle était de 80 %. Ce seul exemple vous montre l’écart d’accès dans des pays aux économies très similaires.

Le fait de disposer de données comparables peut nous aider à comprendre ce qui est bien et à déterminer si nous nous dirigeons vers des objectifs possibles et réalisables.

La sénatrice Seidman : Je crois fermement qu’il est essentiel de se fonder sur des preuves et que les données sont à la base de ces preuves. Vous avez illustré un facteur très important pour comprendre nos normes en matière d’éducation préscolaire au Canada.

Je devrais vous poser la même question, monsieur Macdonald, car vous avez fait un travail laborieux de collecte de données sur la tarification. Dès le début, les témoins ont dit à ce comité que, ce qui nous manque, et ce dont nous avons désespérément besoin au Canada dans le cadre de ce programme, c’est une stratégie nationale en matière de données. En quoi cela permettrait-il de mieux concevoir nos services et de mieux comprendre nos lacunes?

Je devrais peut-être vous poser cette question à tous les deux, madame Savard-Shaw et monsieur Macdonald, si vous voulez bien y répondre. Je pense que la présidente me dira très bientôt que mon temps est écoulé.

M. Macdonald : Je vous remercie de votre question. En ce qui concerne la collecte de données, je commencerais par les objectifs explicites du système pancanadien d’éducation préscolaire et de garde d’enfants, et nous pourrions poursuivre à partir de là, en évaluant la réduction de 50 % des coûts, puis en progressant vers les 10 $ par jour, non seulement à l’échelon provincial — même si les accords ont été conclus à ce niveau —, mais aussi à l’échelon municipal. Il existe de grandes différences dans les coûts des services de garderie entre Toronto et Windsor, par exemple, malgré le fait que ce sont deux villes de l’Ontario. C’est l’un des éléments que nous avons ajoutés au fil des ans, un sondage téléphonique exhaustif effectué auprès de tous les centres de la petite enfance dans les grandes villes du pays.

Ce travail ne devrait pas nous incomber, car le gouvernement dépensera, au bout du compte, 10 milliards de dollars par an pour ce programme; il faudrait que quelqu’un d’autre s’en charge. Statistique Canada commence à recueillir ces données à l’échelon provincial, mais pas nécessairement à l’échelon municipal. Rassembler toutes les données pour déterminer l’atteinte des objectifs dans certaines provinces ou certaines villes... Car l’une des choses que nous avons remarquées dans le sondage sur les frais, c’est que, dans le cas de certaines villes, les objectifs peuvent être atteints à l’échelon provincial — en Colombie-Britannique, par exemple —, mais pas à l’échelon municipal, en raison de particularités locales, de changements de composition, d’expansions et de sous-programmes. Ces éléments sont extrêmement importants pour la réalisation des objectifs.

Je ne pense pas que le gouvernement fédéral doive croire les autorités provinciales sur parole. Il faut tirer parti des accords sur les données qui ont été signés avec les provinces. Le gouvernement fédéral dispose désormais d’un bien meilleur accès que moi pour évaluer les données, mais aussi pour les rendre publiques — qu’elles soient positives ou négatives —, de sorte que nous comprenions tous où nous en sommes dans la progression vers un service à 10 $ par jour.

Je crois que nous faisons de grands progrès, et ce n’est donc pas une surprise, mais je trouve que les détails sont importants. Ce n’est pas un groupe de réflexion doté d’un budget restreint qui devrait procéder aux évaluations. C’est le gouvernement fédéral, ou l’un de ses organismes, qui devrait le faire publiquement.

La sénatrice Seidman : Merci. C’est important.

Mme Savard-Shaw : Je me ferai l’écho des deux autres témoins et j’ajouterai, en ce qui concerne la tarification, qu’il est important de vérifier les données, mais qu’il est encore plus important de vérifier le nombre de nouvelles places créées, le nombre d’employés embauchés et le nombre d’augmentations accordées afin de maintenir la qualité de la main-d’œuvre. Nous manquons de données dans pratiquement toutes les catégories. Il incombe au gouvernement fédéral de demander ces données aux gouvernements provinciaux avant de leur verser la prochaine tranche de financement. On me dit que c’est chose faite, mais où sont les rapports?

La sénatrice Seidman : Oui. Malheureusement, on nous dit que ce n’est pas une grande priorité pour les provinces et les territoires. Vous soulignez l’importance cruciale de cet aspect. Nous dépensons beaucoup d’argent dans un programme national et nous avons besoin d’un moyen d’évaluer s’il atteint ses objectifs. Vous nous le dites tous très clairement. Je vous en suis très reconnaissante.

La présidente : Le défi d’une fédération, je dirais.

La sénatrice Seidman : En effet. Nous savons que cela vaut non seulement pour l’éducation, mais aussi pour les soins de santé. Nous le constatons à tous les égards. Nous l’avons constaté pendant la pandémie de COVID-19.

La présidente : Monsieur Macdonald, vos collègues qui témoignent avec vous ont proposé des amendements pour renforcer le projet de loi. Dans votre mémoire, vous faites quatre recommandations. Voudriez-vous nous faire ces recommandations de vive voix pour proposer des amendements, ou s’agit-il de recommandations dont le gouvernement pourrait tenir compte pendant le processus?

M. Macdonald : Comme ces quatre recommandations faisaient partie des recommandations du rapport sur les tarifs, il s’agit plutôt de recommandations générales au gouvernement fédéral.

Pour ce qui est de ce projet de loi en particulier, on parle d’un engagement à faire des évaluations publiques à l’égard de volets essentiels du programme pancanadien d’éducation préscolaire et de garde. En principe, cela fait partie des exigences concernant le rapport annuel du conseil national, mais en ce qui concerne les tarifs seulement, notre dernier rapport fait 62 pages. Juste pour ce qui est des tarifs, on pourrait faire beaucoup de travail intéressant au-delà de ce qu’on pourrait recommander en une seule page dans un rapport annuel.

Attendre simplement la publication d’un rapport annuel avant de publier des données essentielles n’est pas forcément idéal. Je pense notamment à l’évaluation de la réduction de 50 % en décembre 2022. Il pourrait être bon de produire un rapport plus tôt avant la publication du rapport annuel. On pourrait publier séparément des rapports sur ces objectifs, sur l’accessibilité et sur l’abordabilité, qui font partie de la liste des éléments dont le conseil national rendrait compte annuellement, mais évaluer ces objectifs — et publier cette information au lieu de la fournir seulement au ministre — fait aussi partie des exigences qu’on pourrait prévoir en ce qui a trait aux évaluations publiques en général. Je pense qu’il pourrait s’agir d’une fonction importante du conseil national qui serait créé en vertu du projet de loi C-35.

La présidente : Je vous remercie de la précision.

La sénatrice Moodie : J’aimerais qu’on poursuive cette discussion sur ce que vos données révèlent et qu’on fasse un peu d’extrapolation à partir de ce qui a été dit.

Dans la section 5 de votre rapport, vous parlez de vos observations concernant l’écart entre le secteur sans but lucratif et le secteur à but lucratif en ce qui a trait aux tarifs; la figure 7 en particulier indique des écarts considérables. Alors que les tarifs du secteur à but lucratif sont beaucoup plus élevés et que, pour une raison que j’ignore, l’administration dans ce secteur semble plus coûteuse, nous avons entendu, lors de nos consultations au comité, que l’expansion du secteur à but lucratif est une solution à l’inaccessibilité des services dans certaines collectivités. Compte tenu des tarifs plus élevés qui sont exigés dans les garderies à but lucratif, selon vous, quel effet aurait l’expansion des services de garde à but lucratif dans les régions qui sont des déserts de services de garde?

M. Macdonald : Je vous remercie de la question, sénatrice Moodie. L’écart sur le plan des tarifs a toujours existé, c’est-à-dire qu’en moyenne, dans presque toutes les villes, les tarifs des garderies sans but lucratif sont moins élevés que ceux des garderies à but lucratif. En moyenne, les tarifs des garderies à but lucratif sont plus élevés. Cela ne nous dit rien sur les coûts. Nous n’avons pas fait d’analyse des coûts; nous avons seulement analysé les tarifs. De façon générale, cela signifie qu’acheter une place supplémentaire dans une garderie à but lucratif coûte plus cher qu’acheter une place dans une garderie sans but lucratif.

Cet écart existait avant la mise en œuvre du programme pancanadien d’éducation préscolaire et de garde dans les provinces et la réduction de 50 %. Le programme a creusé encore davantage cet écart pour un certain nombre de raisons. On observe nombre d’écarts très importants dans les villes de la Colombie-Britannique. C’est notamment en raison de l’augmentation des places à 10 $ par jour offertes dans l’ensemble des villes. Dans une minorité de cas, environ 10 % des garderies offraient des places à 10 $ par jour avant l’expansion rapide de la dernière année et demie. Cette expansion rapide s’est produite presque exclusivement dans le secteur sans but lucratif, et elle a été particulièrement importante à Vancouver, en grande partie parce que la majorité des places en garderie y sont offertes par le secteur sans but lucratif, ce qui explique l’écart important entre les garderies à but lucratif qui n’offrent pas de places à 10 $ par jour et les garderies sans but lucratif qui en offrent.

De façon générale, il y a des garderies qui ne participent pas à ces programmes. Dans la plupart des provinces, il n’est pas obligatoire de participer à un programme de réduction des tarifs. Il y a plus de chances que les garderies qui n’y participent pas soient des garderies à but lucratif. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas beaucoup de garderies à but lucratif qui participent à ces programmes. Il y en a, mais les garderies à but lucratif sont plus susceptibles de ne pas participer à de tels programmes.

Pour ce qui est de l’expansion, comme nous l’avons indiqué dans notre rapport sur les déserts de services de garde, dans les politiques publiques, il est assez rare qu’on tienne compte du lieu où les nouvelles places seront offertes. Si on ne précise pas que l’on veut plus de places dans les petites villes, dans les collectivités rurales et dans certaines banlieues mal desservies, alors aucune place ne sera créée dans ces endroits. Si on donne plein d’argent à des gens pour qu’ils établissent des garderies à l’endroit qui leur convient, alors ces garderies seront situées dans les grandes villes et dans les centres-villes, car c’est la tendance que nous observons déjà. Ce sont les endroits qui leur conviennent le mieux, car ils ont ainsi accès non seulement à la clientèle des centres-villes densément peuplés, mais aussi à des clients qui doivent faire la navette pour obtenir ces services. Des gens qui vivent en banlieue doivent amener leurs enfants dans les centres-villes parce qu’ils ont plus de chances d’y trouver des places en garderie que près de l’endroit où ils habitent.

Ce n’est pas ainsi qu’on gère l’éducation publique. On ne choisit pas l’emplacement des écoles en fonction de ce qui est le plus commode, mais en fonction des endroits où vivent les enfants. Malheureusement, les services de garde ne sont pas gérés de la même façon.

Il y a quelques exceptions à cela, mais, comme on l’indique dans une des recommandations, l’une des principales difficultés est d’adopter des politiques publiques permettant de déterminer l’emplacement des centres, de maintenir de faibles coûts et de limiter ces coûts de manière à éviter qu’une partie de ce que l’on paie pour établir et administrer de nouvelles garderies contribue à grossir les profits. Très peu de choses peuvent être faites pour optimiser l’administration d’une garderie. Il n’y a pas d’innovation. Les coûts sont plutôt fixes; il y a des coûts pour le personnel et des coûts pour l’immobilier. Ces coûts ne changent pas parce qu’ils sont réglementés. On ne peut pas réduire le nombre d’employés, parce que c’est illégal dans la plupart des cas.

La seule façon de dégager un profit est de hausser les tarifs. Si on ne peut pas les augmenter parce qu’ils sont réglementés, alors on ne peut faire des profits qu’en réduisant le coût des salaires ou de l’immobilier. Encore une fois, cela pose problème, n’est-ce pas? Ce profit doit venir de quelque part.

La sénatrice Burey : Monsieur Macdonald, vous êtes bombardé de questions aujourd’hui en raison de toutes les données que nous souhaitons obtenir. Je vous remercie infiniment du travail remarquable que vous faites depuis plus d’une décennie, comme vous l’avez indiqué.

J’allais vous demander quelle est la voie à suivre, mais, au début, vous avez dit que la plus grande difficulté consiste à recueillir des statistiques. Je vous remercie de cette précision.

Je vais citer ce que vous avez dit au sujet de la main-d’œuvre, même si votre sondage ne portait pas précisément là-dessus. Vous avez dit :

Le sondage annuel sur les frais de garde n’aborde pas les enjeux du recrutement et de la rétention de la main-d’œuvre dans le secteur des services de garde. Mais comme les problèmes liés à la main-d’œuvre sont étroitement liés à l’abordabilité et à l’accès des services de garde, on ne peut pas réfléchir à l’abordabilité et à l’accès sans se pencher sur le recrutement et la rétention. Ce sont des questions qui doivent retenir notre attention immédiate.

À quoi devrait ressembler une stratégie sur la main-d’œuvre? Comment devrions-nous organiser les systèmes d’information nécessaires pour obtenir ces données afin d’orienter les politiques?

M. Macdonald : Encore une fois, je vous remercie de la question. Les recherches que j’ai effectuées ne portaient pas explicitement sur la main-d’œuvre, mais, dans le milieu des services de garde, on craint fort que le véritable obstacle à la création de nouvelles places soit lié non pas aux capitaux comme tels, mais à l’incapacité de trouver les travailleurs nécessaires pour offrir ces places, en raison des bas salaires, des difficultés associées à l’horaire qui varie beaucoup et de l’offre de travail à temps partiel plutôt qu’à temps plein.

Ce n’est pas un milieu de travail attrayant. C’est la difficulté fondamentale. Ce n’est pas un emploi attrayant. Nous devons rendre ce travail attrayant, et nous devons le faire sans tarder. Cela implique certainement d’offrir plus de travail à temps plein. Bien des gens ont reçu une formation d’éducateur de la petite enfance, mais ces éducateurs ne restent pas en poste très longtemps. Ils resteront peut-être cinq ans pendant leur vingtaine. Il se peut qu’ils veuillent vraiment exercer ce métier, mais ils se rendent compte qu’ils ne peuvent pas en faire une carrière. Le salaire est tout simplement trop bas, alors ils passent à autre chose. C’est un défi énorme.

Je crois que nous avons peu de chances de ramener ces gens dans les garderies, même en les payant davantage. Il faut qu’on forme plus d’éducateurs de la petite enfance afin de pouvoir en embaucher davantage, mais il faut aussi les maintenir en poste. Outre l’augmentation de la main-d’œuvre, le maintien en poste représente un grand défi. Cela veut probablement dire qu’il faudra augmenter tous les salaires. Dans une certaine mesure, on en a tenu compte dans les ententes en prévoyant des grilles salariales qui permettent de stabiliser les salaires à l’échelle provinciale et de les augmenter dans certaines régions où ils peuvent être plus bas ou en dessous de la norme. Quoi qu’il en soit, hausser les salaires sera l’un des éléments essentiels au maintien en poste. Il faut augmenter les salaires non seulement pour les nouveaux travailleurs, mais pour tous les travailleurs déjà en poste afin de pouvoir les maintenir en poste. Il faut éviter que les gens partent au bout de deux ou trois années seulement. C’est l’un des principaux défis actuels.

La sénatrice Burey : Est-ce que cela devrait faire partie du travail du conseil consultatif? Cela devrait faire partie intégrante de son travail, n’est-ce pas?

M. Macdonald : Pour ce qui est de la collecte de données de base sur les tarifs exigés dans les différentes villes, ce sont des données assez élémentaires, étant donné qu’elles sont affichées et que cela fait partie des caractéristiques du programme pancanadien de services d’éducation préscolaire et de garde. Personne ne le fait à part nous et quelques personnes à Statistique Canada. C’est dommage. Dans les prochaines années, une grande partie du travail consistera simplement à recueillir des données pour connaître le nombre approximatif de places et pour déterminer dans quelle mesure le nombre de places augmente ou non. Encore une fois, ce n’est pas le genre de données sur lesquelles le gouvernement fédéral se penche activement.

Cela fait certainement partie des données essentielles. Au-delà de ces données, il faudrait connaître le niveau des salaires des travailleurs dans le secteur. Quel est leur degré de scolarité? Est-ce que le nombre de travailleurs augmente dans ce secteur? Il y a eu quelques travaux de recherche dans ce domaine, mais ils ne sont pas récents.

Parmi ses responsabilités principales, le conseil national pourrait produire des rapports publics fournissant des données comparatives détaillées sur le rendement des différentes provinces en ce qui concerne leurs engagements, les ententes du programme pancanadien de services d’éducation préscolaire et de garde ainsi que d’autres aspects plus généraux.

Je ne pense pas que cela relève uniquement du rapport annuel, mais c’est ce que prévoit actuellement le projet de loi C-35. Une page du rapport annuel est consacrée à la formation. Une page du rapport annuel est consacrée aux frais. Une autre page du rapport annuel est consacrée à l’expansion des locaux. Nous venons de terminer un rapport de 62 pages qui porte uniquement sur les frais. Celui-ci ne renferme que des détails sur les frais. Étant donné les fonds considérables qui sont engagés, le rapport annuel pourrait comporter des pages sur des sujets de recherche beaucoup plus importants.

La présidente : Je vous remercie, monsieur MacDonald.

Madame Wolff, il est souvent question, au Canada, de la faible rémunération des éducateurs qualifiés de la petite enfance et de leurs effectifs. Comment le Canada se compare-t-il à d’autres pays en ce qui concerne la qualité de l’éducation?

Mme Wolff : La qualité est probablement l’un des indicateurs les plus difficiles à mesurer dans le système. On a recours à différents indicateurs, notamment le ratio du nombre d’enfants par éducateur. Lorsqu’il est question de qualité, il faut regarder au-delà des résultats conventionnels. Il faut se pencher sur les résultats que le système permet d’obtenir pour ce qui est du bien être des enfants.

La formule est assez simple. Certains pays disposent d’une combinaison gagnante de trois facteurs. Ils ont un système de garde d’enfants universel et efficace disponible à tous ceux qui en ont besoin ou qui souhaitent y avoir recours. Ils ont également un système inclusif de congés parentaux bien rémunérés, avec un écart assez faible entre les deux, et ils enregistrent un taux de pauvreté plus faible. Ces trois politiques axées sur les familles permettent d’obtenir de meilleurs résultats pour les enfants. Il est difficile de déterminer avec précision le rôle de chacune de ces politiques pour ce qui est des résultats obtenus par rapport au bien-être de l’enfance, mais nous savons qu’un système de services de garde d’enfants accessibles à toutes les familles qui en ont besoin joue un rôle important.

Je pense qu’il faut continuer à s’y intéresser alors que ce système est mis en place. Il faut déterminer si les résultats obtenus s’améliorent, que ce soit au début du cycle scolaire, ou du point de vue du nombre de jeunes âgés de 15 ans qui ne sont ni en emploi, ni aux études, ni en formation. Faire le suivi de l’évolution de ces résultats est un projet de longue haleine. L’expérience d’autres pays indique que le fait d’investir dans des services de qualité permet d’obtenir de bons résultats. Nous pouvons donc nous fier, en quelque sorte, à cette formule.

La présidente : J’espère que ce projet de loi et que ces investissements nous permettront d’améliorer la situation de notre pays par rapport à votre référence mondiale.

[Français]

La sénatrice Moncion : Ma question sera posée en français et elle donne suite à celle de la sénatrice Omidvar.

Madame Wolff, vous parlez de notre système comparativement au monde. Est-ce qu’une comparaison a été faite avec le système qui existe au Québec, puisqu’il y a quand même des salaires réglementés et que depuis longtemps, il y a des places déjà désignées en garderie?

Est-ce qu’une comparaison a été faite avec le système québécois pour évaluer ce qu’on y fait de bien et la manière dont on pourrait intégrer cela dans le système canadien?

[Traduction]

Mme Wolff : L’UNICEF n’a pas étudié de manière approfondie les politiques favorables aux familles au Québec ni les résultats obtenus relativement aux enfants. Cependant, nous savons que cette province dispose d’un système de garderies plus évolué, d’un régime de congés parentaux plus inclusif et mieux rémunéré et qu’elle affiche un taux de pauvreté infantile plus faible. Or, le fait que de nombreux indicateurs de santé pour les enfants du Québec soient positifs n’est pas le fruit du hasard. Je vous remercie d’avoir souligné que le Québec est l’exemple d’une province canadienne où des investissements dans la petite enfance permettent d’obtenir de bons résultats pour les enfants.

[Français]

La sénatrice Moncion : Monsieur Macdonald ou madame Savard-Shaw, pour le nombre de places en garderie, vous avez parlé des salaires qui sont bas et de l’environnement. Maintenant, je vous pose la même question au sujet du Québec, parce qu’on a un très bon exemple. Il y a des défis aussi, mais le mode de fonctionnement du Québec est, je crois, un exemple à suivre.

[Traduction]

M. Macdonald : Certainement, en ce qui concerne la disponibilité des places. Dans le dernier rapport sur les déserts de services de garde publié récemment, le Québec se classait au deuxième rang national. En effet, dans cette province, seulement 11 % des jeunes enfants vivent dans des déserts de services de garde, c’est-à-dire dans des régions où on compte trois enfants par place disponible en service de garde autorisé. Ce qui est intéressant dans le cas du Québec, c’est que non seulement cette province compte une proportion relativement faible d’enfants qui n’ont pas accès à une place en garderie agréée à proximité, mais également que cette situation s’observe dans les grandes villes, dans les petites villes et même dans les zones rurales comme le Nord du Québec. Bien que certaines régions soient très peu densément peuplées, le nombre de places disponibles dans des garderies agréées reflète relativement bien le nombre d’enfants. Cela indique que tout comme l’Île-du-Prince-Édouard, le Québec dispose d’un système bien plus efficace pour ce qui est d’offrir des espaces agréés.

J’aimerais souligner que le déploiement initial des garderies à 5 $ par jour au Québec dans les années 1990 s’est déroulé de façon particulière, c’est-à-dire qu’il y avait effectivement des places à 5 $ par jour, mais qu’il y a eu également une expansion rapide du secteur privé, ce qui a fait augmenter le nombre de places au cours de cette période, sous l’impulsion du crédit d’impôt pour services de garde. D’après des études réalisées à l’époque dans le secteur privé, ces services étaient généralement de moindre qualité par rapport à ceux des centres de la petite enfance, qui facturaient le même tarif de 5 $ par jour, mais dont la qualité était bien meilleure.

Je pense que cela devrait nous servir de leçon dans le cadre de la mise en place d’un programme national qui vise des objectifs très similaires. Si les provinces et les territoires ne parviennent pas à accroître l’offre de places disponibles dans le secteur public assez rapidement, il est presque certain que la demande se reportera sur le secteur privé, ce à quoi les gouvernements se plieront, au détriment de la qualité des services. C’est ce qui s’est passé au Québec dans les années 1990. C’est ce qui pourrait se produire si nous, les provinces et les territoires, ne mettons pas suffisamment l’accent sur l’expansion des services de garde du secteur public.

[Français]

La sénatrice Moncion : Vous avez parlé du manque de places en garderie, madame Savard-Shaw, et il y a une garderie dans le centre-ville d’Ottawa dont on parle depuis plusieurs années, qui est fermée. Il n’est pas garanti que ces places seront disponibles ailleurs.

En Ontario, je sais que, par exemple, Grandir ensemble est une des garderies les plus répandues dans la région d’Ottawa. Vous avez parlé de l’accès extrêmement limité et du fait que maintenant, vous avez une place, je pense, mais c’est parce que vous avez la flexibilité d’avoir accès à un endroit. Je comprends les défis. Vous avez un seul enfant. Donc j’imagine que si vous en aviez deux, cela serait doublement difficile.

Parmi les défis, pour vous, est-ce que vous avez accès, par exemple, aux garderies subventionnées ou devez-vous payer le plein prix pour avoir un enfant en garderie — c’est tel prix par jour, peu importe le nombre d’heures?

Mme Savard-Shaw : Mon fils a quatre ans et il va à la maternelle ou à la prématernelle. Je disais que je n’ai pas de place en service parascolaire avant et après l’école, parce qu’il y a très peu de programmes parascolaires en français dans les communautés en situation minoritaire. Donc oui, j’ai une place à l’école. Il va à l’école en français, mais je n’ai pas d’accès aux services parascolaires. Quand nous avions une garderie, les places en français étaient très limitées.

Il n’y a pas vraiment de garderies réellement bilingues. Elles se disent bilingues, mais elles ne le sont pas. Donc, quand on était en garderie, je pense que je payais 1 900 $ par mois jusqu’à l’année dernière où, effectivement, les coûts ont été réduits grâce au système fédéral. C’était une garderie privée parce que je n’ai jamais été capable d’accéder à une garderie publique.

[Traduction]

La présidente : Madame Savard-Shaw, c’est peut-être un problème de traduction ou d’interprétation, mais quand vous parlez de garderies périscolaires, est-ce que vous voulez dire des garderies après l’école?

Mme Savard-Shaw : Oui, les services de garde avant et après l’école.

[Français]

Le sénateur Cormier : Ma question s’adresse à Mme Wolff. Madame, je m’excuse, j’ai dû m’absenter et je n’ai pas entendu votre témoignage. Si quelqu’un a répondu à ma question, je vous prie de m’excuser.

Dans le contexte où nous aimerions tendre vers un accès universel et équitable des services d’apprentissage et de garde des jeunes enfants, pouvez-vous préciser le rôle que peuvent jouer le secteur privé et les garderies en milieu familial dans cet accomplissement? Comment peut-on s’assurer que les droits de l’enfant sont respectés et que les intérêts supérieurs de l’enfant sont pris en compte dans les garderies privées et en milieu familial?

[Traduction]

Mme Wolff : Merci beaucoup de votre question, sénateur Cormier. De nombreux témoins du milieu universitaire, de l’économie et des services de garde d’enfants se sont exprimés devant le comité sur les conséquences de l’existence de services de garde privés dans le système, au niveau individuel et systémique, et sur le plan de la qualité et de l’accessibilité de ces services. Ce que j’aimerais ajouter à cela, étant donné que je travaille dans le domaine des droits de l’enfant, c’est que l’accès aux services de garde est un droit qu’ont les enfants. J’espère que le Canada vise progressivement à assurer le respect de ce droit en mettant en place un système public universel pour le bien des enfants.

Lorsqu’on commence à déterminer des tarifs, des coûts et des frais pour garantir le respect des droits des enfants, que ce soit pour l’enregistrement des naissances ou les services de garde, cela pose un problème. L’État a le pouvoir et la responsabilité de faire respecter ce droit. Le Comité des droits de l’enfant des Nations unies a publié la consigne générale no 7 afin d’aider les États à faire respecter les doits des enfants au début de la mise en place d’un système de services de garde d’enfants. Cette consigne vise la mise en place d’un système public, organisé par l’État, et où la prestation des services est effectuée par ce dernier, les collectivités, et les organisations de la société civile.

[Français]

Le sénateur Cormier : Merci pour votre réponse. Dans le mémoire que vous avez déposé au Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées (HUMA), vous proposez qu’une évaluation de l’impact sur les droits de l’enfant soit entreprise afin d’évaluer les répercussions du projet de loi C-35 chez les enfants et les jeunes et afin de veiller à leur intérêt supérieur. Est-ce qu’une telle évaluation a été réalisée, à votre connaissance?

[Traduction]

Mme Wolff : Non, je ne crois pas qu’il s’agissait d’une évaluation des répercussions sur les droits de l’enfant. Je pense qu’heureusement, le ministère de la Justice vient de publier, en juillet dernier, un outil d’évaluation des répercussions sur les droits de l’enfant. Contrairement à l’analyse comparative entre les sexes plus dans l’ensemble des ministères fédéraux, cette évaluation n’est pas obligatoire. Cependant, j’espère que ce sera le cas un jour, car les droits de l’enfant doivent être une priorité pour les gouvernements, sachant qu’il est facile de négliger les répercussions des décisions qui sont prises sur les enfants et sur leurs droits.

Il est maintenant possible de réaliser une évaluation des répercussions sur les droits de l’enfant, et j’espère que les membres de ce comité demanderont que cela soit pris en considération dans le cadre de l’étude d’autres mesures législatives ou d’autres questions. C’est quelque chose qu’il est maintenant possible de faire.

La présidente : Chers collègues, nous procéderons à une brève deuxième série de questions. Vous disposerez de trois minutes chacun.

La sénatrice Seidman : Bien que j’aie encore beaucoup de questions à poser, je m’efforcerai de les adresser uniquement à vous, monsieur Macdonald, pour l’instant.

Le rapport que vous avez produit est vraiment impressionnant, et je sais qu’il est le fruit d’un énorme travail. Nous devons donc le prendre très au sérieux et l’examiner en détail.

J’aimerais revenir sur une recommandation qui a été formulée. Bien qu’elle ait peut-être déjà été abordée, c’est une recommandation qui a souvent été évoquée par d’autres témoins. La recommandation no 3 de votre rapport se lit comme suit :

Compte tenu de l’écart croissant entre les frais imposés par le secteur sans but lucratif et le secteur privé, nous recommandons que les gouvernements développent uniquement le secteur public et sans but lucratif, et que leurs démarches fassent l’objet d’un système de reddition de comptes transparent.

J’apprécie le fait que vous fassiez référence à la reddition de comptes, et vous avez souvent employé le mot « public » dans votre exposé. C’est un aspect important de la transparence et de la responsabilité démocratique, et c’est également un mot qui a été employé précédemment dans un autre exposé.

Pourriez-vous s’il vous plaît nous expliquer cette recommandation? Pouvez-vous nous expliquer l’importance de développer uniquement le secteur public et sans but lucratif, et la manière dont on pourrait mettre en place un système de reddition de comptes pour appuyer cette démarche?

M. Macdonald : Merci beaucoup de vos bons mots sur ce rapport. Bien que celui-ci ait représenté un travail considérable, je suis heureux qu’il permette de mieux comprendre la mise en œuvre du système pancanadien d’apprentissage et de garde des jeunes enfants.

En ce qui concerne l’expansion des services, et pour répondre à la question du sénateur Cormier, à l’heure actuelle, une part importante de l’offre de services de garde d’enfants est assurée par le secteur privé dans de nombreuses grandes villes. Selon les villes, il en va de même pour les services de garde en milieu familial agréés. Dans certaines villes, ces derniers représentent un important fournisseur de services de garde d’enfants et, franchement, les services de garde en milieu familial sont appelés à prendre de l’ampleur à mesure que certains services non réglementés passeront dans le secteur réglementé en raison de la différence de tarifs.

Cependant, votre question porte sur l’expansion des services. Si celle-ci devait se faire dans le secteur privé, elle serait probablement plus coûteuse en raison des marges de profit. L’écart se creuse principalement parce que certains centres choisissent de participer à ces programmes de réduction des frais et d’autres non. Je pense donc que cela explique les raisons économiques pour lesquelles il est préférable d’opter pour une expansion du secteur public, car celle-ci sera vraisemblablement moins coûteuse.

Selon moi, l’emplacement des places est aussi important que leur création elle-même. Il ne suffit pas de créer des places, encore faut-il les créer aux bons endroits. Or, sans planification ni reddition de comptes publiques, c’est impossible. Ce n’est évidemment pas au gouvernement fédéral de faire ce genre de chose, mais aux provinces ou, encore mieux, aux municipalités. Le hic, c’est qu’il s’agit d’une toute nouvelle façon de penser la garde des enfants. À certains endroits, comme en Ontario, dès qu’une école est rénovée, les rénovations doivent prévoir des places en garderie. Jusqu’à un certain point, on peut dire que le conseil scolaire planifie certains éléments. Mais en général, il n’y a pas de processus public visant à déterminer où les places doivent être créées, où les besoins sont les plus importants, où il y a déjà des services de garde, ce genre de chose, et c’est ce qui manque le plus dans le PPAGJE. Je sais que les provinces et les territoires se sont engagés à créer de nouvelles places, mais personne n’a de plan permettant de déterminer où les créer. Il s’agit pourtant d’un élément important, à mon avis. Autant que la création d’espaces elle-même.

[Français]

La sénatrice Moncion : J’ai une question de statistique. Est-ce que vous avez de l’information sur le nombre de mères et de pères qui restent à la maison et qui ont des enfants qui pourraient aller à la garderie, mais qui n’ont pas de place? Avez-vous également le nombre de personnes qui ont des enfants en garderie, mais qui n’ont pas de place dans une garderie à 10 $ ou dans une garderie subventionnée? Avez-vous les statistiques de tous ceux qui sont laissés pour compte?

J’aimerais ajouter que dans le rapport que le gouvernement doit rendre public, ces informations ne seront pas disponibles et ne seront pas comptabilisées.

[Traduction]

M. Macdonald : Merci beaucoup.

Nous n’avons pas vraiment calculé le nombre de personnes qui voudraient avoir une place, mais qui n’en trouvent pas. Nous nous sommes intéressés aux listes d’attente et à la disponibilité des nouvelles places; nous avons essayé plusieurs questions sur les listes d’attentes, le temps nécessaire pour obtenir une place, ce genre de chose, et nous avons constaté que celle qui fonctionnait le mieux — et qui s’est retrouvée dans le dernier sondage — était : « Votre garderie pourrait-elle accepter un enfant au cours de la semaine prochaine? Y a-t-il actuellement une place de libre pour un enfant dans votre garderie? » En fait, le réseau est pour ainsi dire plein. À certains endroits, comme à Edmonton ou à Windsor, environ le tiers des garderies pourraient accepter un nouvel enfant au cours de la semaine suivante, mais dans la plupart des villes, cette proportion est plutôt de 10 %. Il n’y a donc pas de places de libres. Le réseau est au maximum de sa capacité. Par conséquent, toutes les places qui sont créées risquent fort de trouver preneur. Maintenant, j’avoue que je n’ai pas calculé le nombre de parents qui pourraient faire garder leurs enfants maintenant que les frais sont moins élevés.

Pour répondre à la deuxième partie de votre question, qui m’échappe pour le moment...

La sénatrice Moncion : Je parlais des parents qui restent à la maison, ceux qui ne sont pas pris en compte dans le rapport du gouvernement. L’information que nous allons recevoir est très limitée. Et beaucoup de gens seront exclus des calculs. Alors je...

M. Macdonald : Je vois...

La présidente : Monsieur Macdonald, pourriez-vous nous transmettre votre réponse par écrit? Le temps nous manque. Merci à tous les témoins de nous avoir aidés à comprendre la situation grâce à leurs témoignages et aux chiffres qu’ils nous ont fournis. C’est toujours très utile. Merci beaucoup du temps que vous nous consacrez.

Chers collègues, avant de terminer, un mot sur l’horaire de la semaine prochaine. Nous procéderons à l’étude article par article du projet de loi C-35 le mercredi 8 novembre. Je vous demande de bien vouloir — ou plutôt je me reprends : je vous rappelle que vous devez consulter le bureau du légiste lorsque vous rédigez un amendement. Même quand un amendement s’inspire des propos d’un témoin, il vaut toujours mieux — n’est-ce pas? — consulter le légiste. Les analystes peuvent vous aider à rédiger les observations. Vous pouvez vous adresser soit au légiste, soit aux analystes si vous avez besoin d’aide pour la traduction des observations.

Le ministre de l’Éducation et du Développement de la petite enfance du Nouveau-Brunswick aimerait venir discuter du projet de loi C-35. Il comparaîtra donc au début de la réunion du 8 novembre. Nous procéderons à l’étude article par article tout de suite après. Merci encore une fois à tout le monde, et plus particulièrement aux témoins. Sur ce, chers collègues, je lève la séance.

(La séance est levée.)

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