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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 9 novembre 2023

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd’hui, à 11 h 31 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi C-35, Loi relative à l’apprentissage et à la garde des jeunes enfants au Canada.

La sénatrice Jane Cordy (vice-présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La vice-présidente : Je vous souhaite le bonjour. Je m’appelle Jane Cordy, sénatrice de la Nouvelle-Écosse et vice-présidente du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

J’aimerais tout d’abord souhaiter la bienvenue aux membres du comité et au public qui regarde nos délibérations. Je demanderais à tous les sénateurs autour de la table ici aujourd’hui de se présenter.

[Français]

Le sénateur Cardozo : Andrew Cardozo, de l’Ontario.

La sénatrice Moncion : Lucie Moncion, de l’Ontario.

Le sénateur Cormier : René Cormier, du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

La sénatrice Burey : Sharon Burey, sénatrice de l’Ontario.

La sénatrice Osler : Gigi Osler, sénatrice du Manitoba.

La sénatrice McPhedran : Marilou McPhedran, sénatrice du Manitoba.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Sénatrice Petitclerc, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Dasko : Donna Dasko, sénatrice de l’Ontario.

[Français]

La sénatrice Mégie : Sénatrice Marie-Françoise Mégie, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Moodie : Rosemary Moodie, de l’Ontario.

[Français]

Le sénateur Gold : Marc Gold, du Québec.

[Traduction]

La vice-présidente : Aujourd’hui, nous poursuivons notre étude article par article du projet de loi C-35, Loi relative à l’apprentissage et à la garde des jeunes enfants au Canada.

Nous accueillons à nouveau des fonctionnaires d’Emploi et Développement social Canada. Certains sont dans la salle parmi nous aujourd’hui, et d’autres vont témoigner par vidéoconférence. Je vais les présenter, et ceux qui sont dans la salle pourraient peut-être lever la main lorsque je prononcerai leur nom : Cheri Reddin, directrice générale, Secrétariat de l’apprentissage et de la garde des jeunes enfants autochtones; Kelly Nares, directrice, Secrétariat fédéral responsable de l’apprentissage et de la garde des jeunes enfants; Christian Paradis, directeur, Secrétariat fédéral responsable de l’apprentissage et de la garde des jeunes enfants. Par vidéoconférence, nous accueillons Michelle Lattimore, directrice générale, Secrétariat fédéral responsable de l’apprentissage et de la garde des jeunes enfants.

Nous reprenons l’étude article par article. Nous avions terminé à l’article 7 hier, donc nous allons recommencer à l’article 8.

Plaît-il au comité d’adopter l’article 8?

Le sénateur Cormier : Madame la présidente, j’ai un amendement à vous soumettre.

Chers collègues, je propose :

Que le projet de loi C-35 soit modifié à l’article 8, à la page 6, par substitution, aux lignes 14 à 22, de ce qui suit :

« 8 (1) Le gouvernement du Canada s’engage à maintenir le financement à long terme des programmes et services d’apprentissage et de garde des jeunes enfants, notamment ceux destinés aux peuples autochtones et aux communautés de langue officielle en situation minoritaire.

(2) Ce financement doit être accordé principalement dans le cadre d’accords avec les gouvernements provinciaux et les corps dirigeants autochtones et autres entités autochtones qui représentent les intérêts d’un groupe autochtone et de ses membres. ».

[Français]

Cet amendement ajoute les mots « communautés de langue officielle en situation minoritaire » à la première phrase de l’article 8, après « notamment ceux destinés aux peuples autochtones », et il scinde en deux paragraphes l’article 8. Le premier paragraphe énonce l’engagement financier du gouvernement. Le deuxième paragraphe précise les mécanismes par lesquels le gouvernement fédéral accordera le financement.

Cet amendement vise deux objectifs. Premièrement, il vise à corriger l’absence de mention des communautés de langue officielle en situation minoritaire à l’article 8, précisant ainsi l’intention du législateur, soit que le gouvernement du Canada s’engage à notamment maintenir le financement à long terme destiné aux communautés de langue officielle en situation minoritaire.

Comme deuxième objectif, il vise à s’assurer que l’ajout des communautés de langue officielle en situation minoritaire à l’article 8 n’a pas pour effet de créer un nouveau mécanisme de négociation qui obligerait le gouvernement fédéral à négocier directement avec les communautés de langue officielle en situation minoritaire.

Collègues, pourquoi est-il important que les communautés de langue officielle en situation minoritaire soient ajoutées à l’article 8?

Dans son témoignage, M. François Larocque, professeur titulaire à la Faculté de droit, section de common law de l’Université d’Ottawa et avocat-conseil chez Juristes Power, a été clair en disant que selon la jurisprudence de la Cour suprême du Canada, en l’absence de directive claire du Parlement, les tribunaux ne devraient pas élargir la portée des droits linguistiques des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Dans l’arrêt Caron c. Alberta, la Cour suprême avait d’ailleurs refusé de reconnaître l’existence de droits linguistiques en l’absence de garanties explicites dans les documents constitutionnels et législatifs pertinents.

En invoquant les principes d’interprétation des lois, le professeur Larocque a renchéri en disant que l’article 8 actuel pourrait donner l’impression à un juge saisi d’une cause que le silence de l’article 8 à l’égard des communautés de langue officielle en situation minoritaire est un choix délibéré et intentionnel du législateur. Autrement dit, que le législateur a implicitement voulu exclure les communautés de langue officielle en situation minoritaire de l’article 8, puisqu’il les a explicitement incluses ailleurs dans la loi. Ce principe d’exclusion implicite est d’ailleurs appuyé par les travaux de l’éminente professeure Ruth Sullivan.

En bref, alors que les dispositions de l’article 7, qui traitent des communautés de langue officielle en situation minoritaire, énoncent les principes directeurs par lesquels le gouvernement sera guidé dans ses investissements, l’article 8 est le cœur du projet de loi, et comporte un engagement réel et contraignant. En conséquence, il est absolument essentiel que l’article 8 mentionne l’engagement financier envers les communautés de langue officielle en situation minoritaire.

Dans un message adressé à la greffière du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie, Me Michel Bastarache, ancien juge à la Cour suprême du Canada et sommité en matière de droits linguistiques, affirme, et je le cite :

À l’article 8, il me semble que l’intention est de garantir un financement continu pour les groupes faisant face à l’assimilation, les autochtones et les francophones hors Québec.

Je mets l’accent sur les derniers mots de cette citation, car l’article 8 doit englober explicitement les communautés de langue officielle en situation minoritaire.

[Traduction]

J’aimerais aussi souligner qu’il y a consensus parmi les communautés anglophones au Québec et les communautés francophones hors Québec sur la nature essentielle de cet amendement à l’article 8. Cette période de solidarité entre les communautés reflète l’importance de cet amendement pour ces communautés.

La Commission nationale des parents francophones, la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada et le Quebec Community Groups Network s’entendent pour dire que l’article 8 manque de clarté et que le gouvernement fédéral doit expliciter son engagement envers les communautés de langue officielle en situation minoritaire.

[Français]

Le commissaire aux langues officielles du Canada, qui est un agent indépendant du Parlement, a aussi envoyé une lettre au comité dans laquelle il affirme ce qui suit :

Si un financement adéquat n’est pas accordé à ces communautés [de langue officielle en situation minoritaire] dans le contexte du plan pancanadien d’apprentissage et de garde des jeunes enfants, les capacités du secteur de la petite enfance dans les CLOSM continueront d’être compromises.

Il est d’avis que l’article 8 du projet de loi C-35 doit être modifié afin d’inclure les communautés de langue officielle en situation minoritaire.

Hier, dans leurs témoignages, les hauts fonctionnaires de la province du Nouveau-Brunswick, à la question que j’ai posée, ont aussi affirmé l’importance de cet ajout.

En terminant, collègues, j’aimerais réitérer que cet amendement n’a pas pour conséquence, je le rappelle, de créer un nouveau mécanisme de financement pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire. Toujours selon le professeur Larocque, et je cite directement son témoignage :

L’article 8 [...] spécifie que le financement est transmis dans le cadre d’ententes entre le fédéral, les provinces et les territoires, et pas directement aux communautés, et ce n’est pas ce qui est demandé et reflété dans les amendements suggérés.

J’aimerais également faire la remarque que oui, certes, les ententes bilatérales conclues avec les provinces et les territoires prévoient actuellement du financement pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire ou CLOSM, mais que nous ne pouvons en aucun cas tenir cela pour acquis — et je ne citerai pas ici les nombreuses causes qui ont été débattues en cour à l’initiative des communautés, mais je pourrai vous en parler plus directement si vous le voulez.

Tout engagement qui n’est pas codifié dans une loi demeure précaire. Les gouvernements changent, les lois restent. Le Sénat du Canada a un rôle de représentation et de protection, entre autres des minorités linguistiques. En accordant à cet amendement toute l’attention nécessaire, nous nous arrogeons de notre important rôle.

Laissez-moi être clair : les CLOSM ne demandent pas un privilège au moyen de cet amendement, elles demandent d’être bien outillées sur le plan législatif afin que leurs droits puissent être respectés partout au Canada.

Merci, madame la présidente.

[Traduction]

La vice-présidente : Je vous remercie, sénateur.

La sénatrice Osler : Puis-je poser une question au sénateur Cormier?

La vice-présidente : Sénateur Cormier, accepteriez-vous de prendre une question?

Le sénateur Cormier : Oui, bien sûr.

La sénatrice Osler : Je vous remercie, sénateur.

Lorsqu’à ce comité, nous avons entendu le point de vue des Autochtones à la 5e réunion, les dirigeants autochtones ont exprimé leur satisfaction concernant le projet de loi C-35. D’après ce que je comprends de l’article 8, l’intention n’était pas d’exclure les communautés de langue officielle en situation minoritaire, mais d’exprimer expressément un engagement à maintenir un financement à long terme et créer des mécanismes pour les Autochtones. Les organismes de gouvernance, les gouvernements et les dirigeants autochtones ont-ils été consultés à propos de cet amendement?

Le sénateur Cormier : Je vous remercie de cette question, sénatrice Osler.

Je veux dire clairement ici que nous ne nous opposons pas aux droits linguistiques des Autochtones et au financement des langues autochtones. Je n’ai pas de réponse à cette question. Je dis que si les droits des communautés de langue officielle en situation minoritaire ne sont pas inclus à l’article 8 du projet de loi, alors ces droits seront menacés, disons-le ainsi, même si ce n’est pas le mot exact. Vous comprenez ce que j’essaie d’expliquer en anglais ici. On ne s’oppose à rien ici, donc personne ne devrait s’inquiéter. On ne retire de droits à personne. On ne retire aucun financement.

Les communautés demandent qu’on ajoute leurs droits à cet article, au cas où elles devraient se rendre devant les tribunaux. J’ai plusieurs exemples pour le démontrer. Quand on examine l’histoire des droits linguistiques au Canada, c’est toujours les particuliers qui doivent aller en cour pour faire respecter leurs droits. C’est le cas dans presque toutes les provinces. À l’Île-du-Prince-Édouard, l’affaire Arsenault-Cameron a pris beaucoup d’importance. Les mères et les parents ont lutté pour avoir une école en français, et ces familles ont lutté si fort qu’elles en sont ressorties brisées. C’est ainsi que les droits linguistiques progressent au Canada. Évidemment, ce n’est pas à cause du Parlement. Nos efforts aident la cause, mais nous avons besoin d’un bon outil. C’est arrivé à l’Île-du-Prince-Édouard, et cela se produit cette année dans les Territoires du Nord-Ouest. La Commission scolaire francophone des Territoires du Nord-Ouest a dû s’opposer au ministre de l’Éducation. Cela se passe en Colombie-Britannique, ainsi qu’en Alberta dans l’affaire Caron c. Alberta. La question se pose donc dans les domaines de l’éducation et de la justice.

Chers collègues, je veux m’assurer que vous compreniez bien avant de voter. Cet amendement vise à demander des protections et se fonde sur des cas bien réels. Nous pourrions dire que tout va bien grâce aux accords entre le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires. Nous avons vu hier que tout allait bien au Nouveau-Brunswick, mais nous constatons toute une série d’enjeux relatifs aux droits. Si mon amendement ne fait pas partie du projet de loi, alors les communautés n’auront pas d’outils pour défendre leurs droits.

C’était la réponse longue à votre question. Je vous prie de m’excuser, madame la présidente.

La sénatrice Osler : Je vous remercie.

La sénatrice Moodie : Avant tout, je tiens sincèrement à remercier mon collègue d’avoir proposé cet amendement et de ses efforts sans relâche pour défendre sa province, sa communauté, ici et dans la sphère publique. Vous êtes un modèle pour nous tous, et nous sommes fiers du travail que vous faites.

Je crois fermement que tous les Canadiens doivent avoir accès à un service de garde dans la langue de leur choix pour leurs enfants; j’y crois. Je suis convaincue que ce gouvernement y croit aussi. Tous les gouvernements devraient s’assurer que les membres des minorités de langue officielle y aient véritablement accès dans un avenir rapproché et que ce souhait devienne réalité pour tous.

Néanmoins, je ne peux pas appuyer votre amendement, je le crains. Je vais voter contre. Nous avons entendu de nombreux témoins, et nous en avons beaucoup discuté au comité. Je tiens simplement à prendre un instant pour rappeler pourquoi je crois non seulement que cet amendement est inutile, mais qu’il pourrait être néfaste.

Le projet de loi C-35 contient déjà de multiples dispositions qui précisent que le financement de la garde d’enfants doit comprendre des investissements pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire. L’alinéa 7(1)c) prévoit que le financement doit favoriser la prestation de services d’apprentissage et de garde des jeunes enfants dans les communautés anglophones et francophones en situation minoritaire, qui respectent et valorisent la diversité de ces enfants et de ces familles, et qui répondent à leurs besoins variés. Le paragraphe 7(3) établit que les investissements fédéraux dans la garde d’enfants doivent être guidés par la Loi sur les langues officielles, et le paragraphe 11(1) précise que le ministre doit tenir compte de l’importance de former un Conseil représentatif des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Grâce à ces dispositions du projet de loi, je crois que les services d’apprentissage et de garde des jeunes enfants dans les communautés anglophones et francophones en situation minoritaire sont très bien protégés pour les générations à venir. Les principes directeurs énoncés à l’article 7 prévoient une telle protection et orientent comment l’article 8 sera mis en application. C’est pourquoi je crois que les dispositions actuelles sont suffisantes et je ne crois pas qu’un amendement soit nécessaire pour renforcer le projet de loi à cet égard.

J’irais encore plus loin, car tous les accords conclus sauf celui avec le Québec, qui dispose d’un accord asymétrique comme vous le savez, énoncent l’objectif d’assurer que les communautés de langue officielle en situation minoritaire aient une proportion de places égale ou supérieure à leur proportion de leur population. Ces accords sont déjà rédigés et signés. Tout cela s’est fait avant le dépôt du projet de loi. Ces accords sont déjà en place.

De plus, un investissement de plus de 60 millions de dollars sur cinq ans est fait dans l’apprentissage et la garde des jeunes enfants dans les communautés francophones en situation minoritaire, notamment pour le développement de la main-d’œuvre, au moyen du Plan d’action pour les langues officielles 2023-2028.

Je comprends la façon dont l’amendement que vous avez proposé est structuré. Il tente de clarifier le fait qu’il n’y a pas de nouvelle voie qui s’ouvre. Je vais demander aux témoins de faire un commentaire, mais avant cela, j’aimerais parler des principales raisons qui sous-tendent votre amendement.

Votre raisonnement consiste à dire que sans votre amendement, le financement des communautés de langue officielle en situation minoritaire ne serait pas garanti à long terme si elles ne sont pas incluses dans l’article 8, explicitement, malgré tout ce que contient déjà l’article 7. Si tel était le cas, est-ce que cela signifierait que le financement pour les enfants handicapés n’est pas garanti s’ils ne sont pas nommés à l’article 8? Qu’en est-il des familles vivant en milieu rural? Les principes directeurs de l’article 7 sont-ils insuffisants pour elles aussi? Je comprends que les droits en éducation des communautés de langue officielle en situation minoritaire sont protégés, et c’est pourquoi on en parle clairement à l’article 7. Je crois qu’il serait plus raisonnable de présumer que les principes directeurs du financement sont suffisants et que tout ce que fait l’article 8, c’est de prévoir du financement pour les partenaires selon les principes directeurs énoncés à l’article 7.

L’adoption de cet amendement pourrait occasionner de l’incertitude et des préoccupations dans certaines provinces, à tout le moins chez les Autochtones et dans d’autres communautés. Nous pourrions créer un problème là où il n’y en a pas à l’heure actuelle.

Ce qui est tout aussi inquiétant, ce sont les commentaires du président d’ITK, Natan Obed, qui s’est dit préoccupé et qui nous a dit ici au comité que cet amendement causerait du tort aux droits langagiers des Inuits. Je sais que ce n’est pas votre intention, mais je veux que nous reconnaissions que cela pourrait se produire. M. Obed s’est dit préoccupé, et nous devons évaluer ce risque.

Enfin, chers collègues, il importe de souligner qu’un amendement semblable à celui-ci a été proposé et discuté dans l’autre endroit. Nos collègues n’ont pas cherché à l’adopter, et je sais que c’était un choix conscient, puisque je suis allée leur parler. Tous les partis ont reconnu que cet amendement comporte des failles.

En raison des inquiétudes liées aux torts potentiels que causerait cet amendement, parce que le projet de loi est robuste tel quel, compte tenu des accords en place qui fonctionnent bien, surtout au Nouveau-Brunswick, et parce qu’il y a d’autres politiques qui protègent les droits des communautés de langue officielle en situation minoritaire, je suis à l’aise de voter contre cet amendement, sachant que ces communautés sont bien appuyées par les dispositions actuelles du projet de loi et que leurs droits sont protégés et seront respectés à long terme.

Je vous remercie.

La vice-présidente : Sénatrice Moodie, avez-vous dit souhaiter que les témoins se prononcent?

La sénatrice Moodie : J’aimerais qu’ils fassent un commentaire sur cet article.

Michelle Lattimore, directrice générale, Secrétariat fédéral responsable de l’apprentissage et de la garde des jeunes enfants, Emploi et Développement social Canada : Nous sommes heureuses de formuler deux observations générales dont le comité pourrait vouloir tenir compte dans le cadre de son examen de l’amendement proposé à l’article 8. La première concerne les rôles et les responsabilités des instances dans la mise en œuvre d’un système pancanadien, et la seconde porte sur les langues autochtones. Sur ce point, je demanderai à ma collègue, Mme Reddin, de vous donner des précisions.

Tout d’abord, j’aimerais souligner que le projet de loi C-35 a été rédigé pour veiller à ce que le gouvernement du Canada respecte les compétences constitutionnelles des provinces et des territoires, ainsi que les droits des peuples autochtones, y compris le droit à l’autodétermination. Il serait incohérent de reconnaître, à l’article 8 du projet de loi, les communautés francophones et anglophones en situation minoritaire au même titre que les provinces, les territoires et les peuples autochtones, qui sont responsables de la conception et de la prestation des programmes et services d’apprentissage et de garde des jeunes enfants. On mentionne sciemment les peuples autochtones à l’article 8 pour reconnaître leur statut et leur rôle dans la prestation des programmes et services d’apprentissage et de garde des jeunes enfants.

Mon équipe et moi-même comprenons que, sur le plan juridique, les minorités francophones et anglophones n’ont pas le même statut ni le même rôle que les partenaires provinciaux, territoriaux et autochtones dans la prestation des programmes et services d’apprentissage et de garde des jeunes enfants et dans l’élaboration et la préservation de ce système pancanadien. Le fait d’inclure une référence à ce groupe, à l’article 8, créerait une attente relativement à un financement accru qui lui serait réservé. Si j’ai bien compris, il s’agit de l’interprétation juridique, et un amendement qui scinderait l’article en deux paragraphes n’y changerait rien.

Même si les communautés de langue officielle en situation minoritaire, ou communautés anglophones et francophones en situation minoritaire, ne sont pas responsables de la conception et de la prestation des programmes, il ne fait aucun doute que le gouvernement fédéral travaille en étroite collaboration avec les partenaires qui s’occupent de la mise en œuvre — des représentants du Nouveau-Brunswick en ont parlé hier — pour veiller à ce que les programmes et les services soient en place pour garantir l’accès à un système pancanadien abordable et inclusif. C’est la raison pour laquelle l’article 7 qui énonce les principes directeurs — et qui a déjà été modifié par le comité HUMA aux paragraphes 7(1) et 7(3) — souligne et inclut de façon adéquate le soutien à des groupes précis, comme les communautés francophones et anglophones en situation minoritaire.

J’ajouterai que les accords pancanadiens, ainsi que le cadre multilatéral, contiennent des engagements visant à appuyer les communautés francophones et anglophones en situation minoritaire. C’est dans le cadre de ces accords pancanadiens que le gouvernement travaille déjà chaque jour avec ses partenaires pour veiller à ce que des mesures de soutien soient offertes par le biais des systèmes provinciaux et territoriaux. D’après ce que nous comprenons, le fait de mentionner les langues officielles ailleurs dans le projet de loi C-35 pourrait donner l’impression que la loi exclut expressément du soutien fédéral d’autres groupes systématiquement marginalisés qui ne figurent pas dans la liste, comme les enfants en situation de handicap.

Ensuite, à part les rôles et des responsabilités des différentes instances, je pense que cet amendement soulève des questions quant à l’appui aux langues autochtones, dont on ne parle pas dans le projet de loi, et au sujet desquelles j’inviterais ma collègue, Mme Reddin, à fournir plus de détails.

Cheri Reddin, directrice générale, Secrétariat fédéral responsable de l’apprentissage et de la garde des jeunes enfants autochtones, Emploi et Développement social Canada : Vous avez bien défini la question.

Je tiens à souligner que nous, les fonctionnaires, avons écouté les témoignages des représentants autochtones qui ont comparu la semaine dernière. Comme l’a mentionné la sénatrice Moodie, le président Obed s’est exprimé haut et fort sur l’absence de références à la Loi sur les langues autochtones et a laissé entendre que les références exclusives aux langues officielles se faisaient au détriment des langues autochtones.

Mesdames et Messieurs les sénateurs, c’est la quatrième fois que je témoigne devant vous. La sénatrice Greenwood, qui est d’ascendance autochtone, m’a posé deux questions sur les langues autochtones. J’encourage donc les sénateurs à tenir compte de ce contexte et de ce point de vue dans leurs délibérations sur cet amendement.

Le sénateur Cormier : Donc, si je comprends bien, vous êtes toutes les deux en train de dire que puisqu’il y a un problème relativement aux langues autochtones, nous ne devrions pas veiller à ce que les droits linguistiques au Canada soient correctement respectés et inclus dans un projet de loi. Ce que j’entends ici ressemble à une opposition, mais cet amendement ne vise en aucun cas à nuire au statut des peuples autochtones et des langues autochtones. Il ne m’appartient pas de m’exprimer sur ce point. C’est la première chose qui, je pense, doit être précisée.

Je comprends, et je suis totalement solidaire des communautés autochtones, mais je ne peux pas miner les droits linguistiques des minorités, qui sont quasi constitutionnels dans cette loi, en disant : « Bon, d’accord, nous ne ferons pas cela parce que cela pourrait être gênant. » Vous comprenez que nous ne pouvons pas défendre cet argument. C’est comme si, en proposant cet amendement, je... C’est le premier point. Cet amendement n’exige pas le même statut. C’est pourquoi il est scindé en deux.

Je vais m’arrêter ici pour l’instant, mais je suis vraiment mal à l’aise avec le fait que le gouvernement fédéral présente des questions qui concernent deux groupes. Je tiens à être très honnête et franc. Cette conversation est très importante pour l’avenir et pour nos liens avec les Autochtones et les minorités linguistiques du pays. Le gouvernement ne doit en aucun cas nous diviser avec des projets de loi ou des débats. Nous devons être solidaires. Je m’arrêterai là, mais je dirai que cette situation me met très mal à l’aise.

Chers collègues, je ne vais pas énumérer à nouveau toutes les affaires qui ont été présentées devant les tribunaux dans chaque province. Mais ces affaires veulent dire que les gens que vous représentez — les femmes et les hommes de vos collectivités — doivent se présenter devant les tribunaux pour défendre leurs droits. Même si le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires font preuve de bonne volonté, je ne pense pas que la situation va changer. Nous avons l’occasion de faire quelque chose. Il ne s’agit pas de demander un financement accru. Nous voulons que le financement soit maintenu, juste au cas où on porterait une affaire devant les tribunaux. Voilà à quoi servirait cet outil. C’est la seule chose que nous demandons.

Je vous remercie, chers collègues.

La vice-présidente : Souhaitiez-vous obtenir des éclaircissements de la part des représentants à ce sujet?

Le sénateur Cormier : Je pourrais attendre une réponse, oui. Madame la présidente, il s’agissait probablement davantage d’une observation.

La vice-présidente : C’est très bien. Je vous remercie.

La sénatrice Burey : Sommes-nous prêts à mettre l’amendement aux voix, ou puis-je prendre la parole? Je n’ai pas à le faire, si vous êtes prêts à passer au vote.

La vice-présidente : J’ai une liste d’intervenants.

La sénatrice Burey : D’accord, il y a une liste.

J’ai l’habitude de passer des nuits blanches lorsque nous traitons de questions aussi importantes. Sénateur Cormier, je comprends votre passion à ce sujet. Je fais moi-même partie d’une minorité et je comprends la passion dont vous faites preuve à ce sujet. C’est la raison pour laquelle je n’ai pas fermé l’œil de la nuit hier. J’ai dû me lever, comme d’habitude, à 2 h 30, et j’ai fini par rester au lit jusqu’à 4 heures. Je me suis dit : « Je dois comprendre. » J’ai donc consulté le projet de loi C-13. C’est ce qui m’a vraiment permis de comprendre ce qui se passait avec les langues officielles et la Loi visant l’égalité réelle des langues officielles du Canada.

Ce qui a retenu mon attention, c’est l’engagement pris dans le projet de loi C-13, qui, je crois, vient de recevoir la sanction royale en juin de cette année, envers les minorités linguistiques pour qu’elles puissent « faire des apprentissages de qualité dans leur propre langue tout au long de leur vie, notamment depuis la petite enfance jusqu’aux études postsecondaires... »

Je pense que le plus important est l’engagement pris à l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, selon lequel le gouvernement du Canada évalue régulièrement, ce qui m’a semblé important, à l’aide des outils nécessaires, le nombre d’enfants dont les parents ont, au titre de l’article 35 de la Charte des droits et libertés, le droit de faire instruire leurs enfants dans la langue de leur choix. J’y ai vu un engagement total à obtenir les bons chiffres, à fournir le financement et à le garantir.

Voilà ce que je souhaitais ajouter à ce débat éclairé.

[Français]

Le sénateur Gold : Je comprends votre déception et le fait que vous êtes loin d’être à l’aise avec la position que le gouvernement que je représente propose; je comprends cela très bien. Cela me cause de la peine au point de vue personnel, point final. Il reste que selon la lecture du gouvernement de ce projet de loi et du contexte constitutionnel, ce n’est pas le cas et j’invite les représentants à commenter ce point.

Vous avez dit que l’inclusion des communautés de langue officielle en situation minoritaire selon l’article 8 serait tout à fait appropriée. Peut-être que j’ai mal compris les représentants, mais je ne le crois pas. La sénatrice Moodie a expliqué pourquoi ce n’est pas approprié en raison de la différence du statut entre les provinces, les territoires et les gouvernements autochtones. Donc, il n’est pas vrai que c’est approprié.

C’est décevant pour la cause que vous défendez avec passion et dévouement, mais pour ce qui est des principes de législation dans le contexte constitutionnel —

[Traduction]

Je veux m’assurer d’avoir bien compris. D’après ce que je comprends, cet amendement n’est pas approprié pour les raisons que la sénatrice Moodie et les représentants ont clairement exposées. Ensuite, le fait de scinder cet amendement en deux ne change rien au fait qu’il n’est pas approprié. Je dis cela sans vouloir répéter tous les autres éléments que la sénatrice Moodie a soulevés, en lien avec ce projet de loi, et dont nous sommes tous bien au fait. Puis-je obtenir des éclaircissements, et savoir ce que pensent les fonctionnaires de ces deux points?

Mme Reddin : Je pense que la sénatrice l’a dit. C’est notre point de vue, ce sont nos conseils d’ordre technique.

La vice-présidente : Madame Lattimore, voulez-vous ajouter quelque chose?

Mme Lattimore : Non. Je pense que Mme Reddin a bien présenté notre point de vue.

L’article le plus indiqué pour répondre aux préoccupations soulevées par le sénateur Cormier est, à notre avis, l’article 7 du projet de loi dans sa forme actuelle. Nous ne sommes pas avocates, mais nous discutons souvent avec des avocats, et je peux vous confirmer que le fait de scinder l’article 8 en deux articles ou deux paragraphes ne changera pas l’interprétation juridique. Grosso modo, les communautés francophones et anglophones en situation minoritaire se verraient offrir un certain rôle dans la conception et la mise en œuvre des programmes et services d’apprentissage et de garde des jeunes enfants. À notre connaissance, ces communautés ne jouent pas ce même rôle que jouent les provinces, les territoires et les partenaires autochtones au Canada.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Je prends la parole brièvement pour dire que j’appuie cet amendement pour toutes les raisons que vous avez énoncées, sénateur Cormier.

D’une part, j’aimerais dire, avec tout le respect que j’ai pour la sénatrice Moodie, que les communautés linguistiques ont des droits constitutionnels, donc il faut faire attention et ne pas mélanger cela avec les droits des personnes en situation de handicap, dont je fais partie. Ce n’est pas la même chose.

Voici l’une des raisons pour lesquelles j’appuie cet amendement : il s’agit d’un amendement qui n’enlève ni ne dilue aucunement les droits de personnes, d’une part, et d’autre part, cet amendement rend explicite une sécurité, une protection dont on a besoin pour nous assurer que les droits des enfants issus de communautés linguistiques en situation minoritaire sont respectés. Ce qu’on a comme chiffres, comme données et comme situation légale dont le sénateur Cormier a parlé et tel que nous l’avons entendu dans ce comité, cette sécurité et cette protection ne sont pas superflues, mais nécessaires. C’est pour cette raison que je vais appuyer cet amendement.

Pour répéter les propos du sénateur Cormier, les projets de loi et les gouvernements changent, mais les projets de loi restent, donc nous avons une certaine responsabilité.

[Traduction]

La sénatrice Moncion : Madame la sénatrice Moodie, vous avez dit que ce gouvernement s’engageait à respecter les droits des communautés linguistiques en situation minoritaire. Nous ne le réfutons pas. C’est exactement l’objectif de l’amendement. Toutefois, l’objectif est aussi de faire en sorte que tous les gouvernements au fil du temps, et pas uniquement le gouvernement fédéral, s’engageront à maintenir un financement à long terme. C’est extrêmement important parce que le gouvernement fédéral met des choses en place, mais ensuite, il n’est pas rare que les mécanismes changent à l’échelle provinciale et territoriale. C’est dans ces instances que les droits des communautés linguistiques en situation minoritaire, au Québec et à l’extérieur du Québec, sont brimés.

La sénatrice Petitclerc vient de dire que les gouvernements changent au fil du temps, et c’est vrai, mais les négociations changent aussi. La sénatrice Moodie a également fait référence à l’accord. Respectueusement, nous débattons du projet de loi C-35, qui entraînera des conséquences durables. Même si je sais que les accords bilatéraux fonctionnent bien à l’heure actuelle, je ne suis pas du tout rassurée. Je sais simplement que l’histoire des francophones au Canada est celle d’une lutte constante pour leurs droits. Le sénateur Cormier a une pile d’exemples, et il y en a pour toutes les régions, dans toutes les provinces. Nous nous battons devant les tribunaux parce que le Parlement n’a pas garanti la protection des droits des minorités dans la loi. C’est ce que nous recherchons ici, et c’est ce que M. Larocque a dit dans son témoignage.

Je vais m’arrêter là. Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de prendre la parole.

La sénatrice Moodie : J’aimerais mettre la question aux voix.

La vice-présidente : Vous souhaitez mettre la question aux voix? Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion d’amendement?

Des voix : Non.

Des voix : Oui.

La vice-présidente : Honorables sénateurs, on demande un vote par appel nominal. Je vais maintenant demander à la greffière de nommer les sénateurs présents qui ont droit de vote, comme elle l’a fait hier.

Emily Barrette, greffière du comité : L’honorable sénatrice Cordy, l’honorable sénatrice Burey, l’honorable sénateur Cardozo, l’honorable sénateur Cormier, l’honorable sénatrice Dasko, l’honorable sénatrice McPhedran, l’honorable sénatrice Mégie, l’honorable sénatrice Moodie, l’honorable sénatrice Osler, l’honorable sénatrice Petitclerc, l’honorable sénatrice Seidman, l’honorable sénateur Gold, c.p.

La vice-présidente : S’il y a des sénateurs qui ne veulent pas voter, ils peuvent se retirer de la table maintenant. La greffière va maintenant nommer les membres du comité. Elle commencera par la présidence et nommera ensuite les autres membres du comité en ordre alphabétique. Les sénateurs doivent exprimer à voix haute s’ils votent en faveur ou non de la motion, ou s’ils souhaitent s’abstenir. La greffière annoncera ensuite les résultats du vote et la présidence déclarera si la motion est adoptée ou rejetée.

Mais avant, je vais lire l’amendement proposé par le sénateur Cormier. L’honorable sénateur Cormier propose que :

Que le projet de loi C-35 soit modifié à l’article 8, à la page 6, par substitution, aux lignes 14 à 22, de ce qui suit :

« 8 (1) Le gouvernement du Canada s’engage à maintenir le financement à long terme des programmes et services d’apprentissage et de garde des jeunes enfants, notamment ceux destinés aux peuples autochtones et aux communautés de langue officielle en situation minoritaire.

(2) Ce financement doit être accordé principalement dans le cadre d’accords avec les gouvernements provinciaux et les corps dirigeants autochtones et autres entités autochtones qui représentent les intérêts d’un groupe autochtone et de ses membres. ».

Mme Barrette : L’honorable sénatrice Cordy?

La sénatrice Cordy : Contre.

Mme Barrette : L’honorable sénatrice Burey?

La sénatrice Burey : Contre.

Mme Barrette : L’honorable sénateur Cardozo?

Le sénateur Cardozo : Contre.

Mme Barrette : L’honorable sénateur Cormier?

Le sénateur Cormier : Pour.

Mme Barrette : L’honorable sénatrice Dasko?

La sénatrice Dasko : Contre.

Mme Barrette : L’honorable sénatrice McPhedran?

La sénatrice McPhedran : Contre.

Mme Barrette : L’honorable sénatrice Mégie?

La sénatrice Mégie : Pour.

Mme Barrette : L’honorable sénatrice Moodie?

La sénatrice Moodie : Contre.

Mme Barrette : L’honorable sénatrice Osler?

La sénatrice Osler : Je m’abstiens.

Mme Barrette : L’honorable sénatrice Petitclerc?

La sénatrice Petitclerc : Pour.

Mme Barrette : L’honorable sénatrice Seidman?

La sénatrice Seidman : Pour.

Mme Barrette : L’honorable sénateur Gold, c.p.?

Le sénateur Gold : Contre.

Mme Barrette : Pour : 4; contre : 7; abstentions : 1.

La vice-présidente : L’amendement est rejeté.

L’article 8 est-il adopté?

Des voix : Oui.

La vice-présidente : C’est adopté.

L’article 9 est-il adopté?

Des voix : Oui.

La vice-présidente : L’article 10 est-il adopté?

Des voix : Oui.

La vice-présidente : L’article 11 est-il adopté?

Des voix : Oui.

La vice-présidente : L’article 12 est-il adopté?

Des voix : Oui.

La vice-présidente : L’article 13 est-il adopté?

Des voix : Oui.

La vice-présidente : L’article 14 est-il adopté?

Des voix : Oui.

La vice-présidente : L’article 14.1 est-il adopté?

[Français]

La sénatrice Mégie : Pour ce point, je vais commencer par vous lire ce qui est inscrit dans le projet de loi.

14.‍1 Le ministre peut, à la demande du Conseil, fournir à celui-ci tout renseignement concernant le système d’apprentissage et de garde des jeunes enfants à l’échelle du Canada dont il dispose et qui est lié aux fonctions du Conseil, s’il est autorisé à le communiquer.

Une partie de phrase est très importante : « s’il est autorisé à le communiquer »; s’il ne se sent pas autorisé à le communiquer, il n’en a pas besoin.

L’amendement dit qu’à la demande du conseil, le ministre peut fournir les renseignements. À l’appui de tout cela, nous avons reçu une lettre de la députée de Winnipeg, Mme Leah Gazan. Celle-ci nous rappelle que ce changement a été apporté à d’autres projets de loi, par exemple au projet de loi C-29, à l’autre endroit; il a été modifié pour y ajouter le protocole « doit permettre au conseil ».

Ce qu’on a reçu çà et là comme commentaires, c’était peut-être parce qu’il y avait des informations qu’on ne voulait pas donner et garder secrètes. On peut garder secret ce qu’on veut garder secret, parce que le reste de l’article 14.1 dit « s’il est autorisé à le communiquer ». C’est le point très important qui appuie le fait qu’on est à l’aise d’ajouter ce que le ministre doit fournir; c’est déjà fait dans le projet de loi, à la recommandation de l’autre comité, à l’autre endroit.

Je ne vois pas pourquoi dans un projet de loi, on peut dire « il doit » alors qu’ici, on ne peut pas le dire. Je ne sais pas si la sénatrice Moodie a des objections à faire — sûrement.

[Traduction]

La sénatrice Moodie : Madame la sénatrice Mégie, je vous remercie de cette proposition. Il s’agit d’une compétence importante dont nous devons parler. Même si je comprends l’intention de votre amendement, je vais voter contre.

Selon moi, l’inclusion du terme « doit » obligerait le ministre à fournir les renseignements demandés au conseil, peu importe la portée de ces renseignements. On risquerait d’éliminer le pouvoir discrétionnaire du ministre. Ainsi, le conseil pourrait élargir son champ d’action et superviser le système d’apprentissage et de garde des jeunes enfants, ce qui, à l’heure actuelle, ne fait pas partie de son mandat. Je vous donne un exemple. Le ministre devrait-il fournir des renseignements qui portent sur la négociation des accords? Si le conseil souhaite publier ces renseignements, une province donnée pourrait juger cela inacceptable et antidémocratique.

Le gouvernement doit aussi respecter les principes autochtones de propriété, d’accès et de contrôle des données. Le ministre pourrait se retrouver dans une situation où il divulguerait des renseignements sur lesquels il n’a pas le plein contrôle.

Si le gouvernement n’a plus le pouvoir discrétionnaire de décider si des renseignements peuvent être transmis ou non à quelqu’un, et n’est plus en mesure de respecter ces principes autochtones de propriété, sa relation avec les peuples autochtones et avec les provinces pourrait se dégrader, car le ministre pourrait être obligé d’échanger des renseignements qui relèvent de sa compétence sans le consentement de ces gens et de ces partenaires.

Enfin, je tiens à souligner que, comme vous l’avez dit à juste titre, la députée Gazan a participé à une discussion à cet effet au Comité permanent des ressources humaines, du développement social et de la condition des personnes handicapées de la Chambre des communes, ou comité HUMA. J’ai beaucoup de respect pour son travail. À ce moment-là, nous discutions également de ces questions. La députée a proposé un sous-amendement pour inclure le terme « peut », et c’est ce que nous avons sous les yeux aujourd’hui. Je pense qu’il est important d’examiner le processus qui a mené au libellé de l’article 14.1 qui se trouve dans le projet de loi à l’heure actuelle.

[Français]

La sénatrice Mégie : Le pouvoir discrétionnaire du ministre dont on parle est déjà protégé par la mention « s’il est autorisé à le communiquer ».

Il peut être à l’aise de dire que s’il est autorisé à le communiquer, il le communiquera, mais en matière de reddition de comptes, il devrait le faire. C’est pourquoi je dis que grâce à cette partie de la phrase, que l’on ne change pas, s’il est autorisé à le communiquer, je pense que son pouvoir discrétionnaire est couvert, parce qu’il ne veut pas tout cacher, je pense — en tout cas, je l’espère.

Enfin, c’est mon point de vue. Je ne sais pas ce que les autres membres du comité en pensent.

[Traduction]

Le sénateur Cormier : Ma question s’adresse aux fonctionnaires, je crois, ou peut-être à la sénatrice Moodie. J’aimerais seulement comprendre le lien qui existe entre le ministre et le conseil. Comment cette relation va-t-elle fonctionner? Je veux juste m’assurer de bien comprendre.

Je suis d’accord avec la sénatrice Mégie qui a dit que le partage des renseignements dépend des pouvoirs conférés au ministre. Si le ministre n’a pas ces pouvoirs, il ne partagera pas les renseignements.

J’aimerais simplement obtenir des éclaircissements sur la relation entre le ministre et le conseil.

Mme Reddin : Mme Lattimore peut répondre à cette question.

Mme Lattimore : Je vous remercie de la question, madame la présidente. Pour ce qui est de cet amendement, il serait utile que le comité examine quelques éléments.

L’amendement à l’article 14.1 du projet de loi, qui remplace le mot « peut » par le mot « doit », est, comme on l’a souligné, un amendement qui a été présenté au comité HUMA et qui a été rejeté. D’après ce que nous comprenons, l’inclusion du terme « doit » obligerait le ministre à fournir au conseil les renseignements demandés, à condition — encore une fois, tout dépend du contexte — que le ministre les ait en sa possession et qu’il ait le pouvoir de les partager, quelle qu’en soit la portée. Cet amendement supprimerait, essentiellement, le pouvoir discrétionnaire du ministre de ne pas partager des renseignements qu’il peut être habilité à partager, mais qu’il ne souhaite pas transmettre en raison, par exemple, des négociations fédérales-provinciales-territoriales qui sont en cours.

Ce changement pourrait élargir le champ d’action du conseil, qui, comme le prévoit le projet de loi, est de donner au ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social — du moins pour l’instant — des conseils indépendants. Son mandat est de prodiguer des conseils et de travailler de concert avec le ministre et le ministère afin de soutenir la conception et la mise en œuvre d’un système pancanadien. Si le conseil devait élargir son champ d’action pour inclure, par exemple, une fonction de surveillance du système d’apprentissage et de garde des jeunes enfants, il dépasserait les limites de son mandat actuel, tel qu’il est défini dans le projet de loi. Le projet de loi C-29, dont on a parlé plus tôt, fait référence au mot « doit ». De fait, le projet de loi C-29 mentionne le rôle d’un organisme de surveillance qui doit faire le suivi des progrès réalisés. Ce n’est pas le rôle que l’on donne au conseil dans le projet de loi dont nous sommes saisis.

À titre de fonctionnaires, nous souhaitons préserver et favoriser les relations avec nos partenaires provinciaux, territoriaux et autochtones. Ces relations sont vraiment au cœur de notre travail. Nous craignons donc qu’il y ait des cas où le partage de renseignements avec le conseil pourrait nuire à ces relations. Si le gouvernement n’a plus le pouvoir discrétionnaire de décider quels renseignements seront partagés, nous pourrions nous retrouver dans une situation où les partenaires hésiteraient à échanger des renseignements avec le ministre, ce qui pourrait avoir une incidence sur la collaboration future en matière d’apprentissage et de garde des jeunes enfants et pourrait compromettre ces relations.

J’espère que ces explications vous sont utiles.

Le sénateur Cardozo : Ce sujet m’intéresse beaucoup, sur le plan de la responsabilité ministérielle et de l’ouverture.

Pour ce qui est des amendements, je pense que le principe directeur est aussi celui auquel j’ai fait référence hier, que j’appelle le protocole Shugart, qui nous invite à faire preuve de retenue lorsque nous modifions des projets de loi, et à comprendre le rôle du Sénat dans l’ensemble du processus constitutionnel. Comme je l’ai dit hier, je crois, avant les réformes du Sénat en 2015 avec la nomination de sénateurs indépendants, le Sénat modifiait environ un ou deux projets de loi par année. Lorsque j’ai commencé à siéger ici, j’ai entendu dire que le chiffre avait grimpé à environ 30 % par année, ce qui représente un bon taux, à mon avis. Je crois que nous en sommes maintenant à environ 50 % par année. Je pense qu’il faut mettre la barre assez haut lorsque nous modifions des projets de loi et que nous devons songer à ce qui est absolument nécessaire, en reconnaissant que ces mesures législatives nous sont transmises par la Chambre élue. C’est tout. Malgré l’intérêt que j’ai pour cette question, tout comme c’était le cas pour le vote que nous venons de tenir, j’ai quelques réserves.

Ma question à l’intention des représentants porte sur le pouvoir discrétionnaire du ministre. D’après ce que vous comprenez, y a-t-il des dispositions semblables dans d’autres lois qui exigent des ministres qu’ils partagent des renseignements avec d’autres ou qui leur demandent de le faire? Comment les autres lois abordent-elles la question?

Mme Lattimore : Je vous remercie pour votre question.

Je pense que cela revient à ce que j’ai mentionné plus tôt au sujet du rôle du conseil tel qu’il est énoncé dans la loi. On s’attendrait à voir — et comme on l’a souligné, on le voit dans le projet de loi C-29 à titre d’exemple — un libellé qui reflète davantage une obligation de communiquer de l’information que ce que l’on verrait dans un projet de loi qui décrirait le rôle d’un conseil qui se voudrait plutôt un organisme consultatif. C’est la distinction à faire pour ce qui est du choix du langage le plus approprié dans une loi donnée. Dans ce cas-ci, on parle précisément d’un rôle d’organisme consultatif pour le conseil, et c’est pourquoi ce libellé est, à notre avis, le plus approprié.

Le sénateur Cardozo : J’aimerais vous poser une dernière question. Est-ce qu’un comité parlementaire — à la Chambre ou au Sénat — pourrait demander à obtenir ces renseignements? Est-ce que nous aurions un plus grand pouvoir en ce sens?

Mme Lattimore : Excusez-moi, sénateur, je ne suis pas certaine de comprendre la question.

Le sénateur Cardozo : Est-ce qu’un comité parlementaire a un plus grand pouvoir qu’un comité consultatif, par exemple, pour exiger d’un ministre qu’il transmette certains renseignements? Quels sont les pouvoirs du Parlement en ce sens?

Mme Lattimore : Le Parlement a un plus grand pouvoir qu’un comité consultatif de façon générale, oui.

La sénatrice Seidman : Madame Lattimore, je vous remercie beaucoup pour votre explication. Je pense qu’elle m’a aidée à comprendre beaucoup mieux le sens de l’article 14.1. Si je comprends bien, il est question de la structure et du pouvoir réel du conseil. Je comprends aussi qu’il pourrait y avoir confusion au sujet des fonctions du conseil si l’on disait que le ministre devait faire rapport des questions qui y sont liées. Il faudrait alors définir les choses de façon plus précise, ce qui créerait encore plus de confusion. Je ne pense pas que c’est ce que nous voulons faire ici, alors je n’appuierai pas cet amendement.

En ce qui concerne la question du sénateur Cardozo sur l’autorité parlementaire, pour ainsi dire, on voit très souvent dans les mesures législatives une période au cours de laquelle le ministre doit faire rapport aux deux Chambres du Parlement ou à l’une ou l’autre des chambres. Le Sénat aime toujours que ce soit à la fois à la Chambre et au Sénat. Nous demandons très souvent au ministre de nous présenter un rapport. On parle beaucoup de l’utilisation des verbes « pouvoir » et « devoir ». Je vais en rester là.

La vice-présidente : Nous avons une langue merveilleuse, n’est-ce pas?

[Français]

La sénatrice Mégie : La réponse que la fonctionnaire a donnée au sénateur Cardozo à sa deuxième question, c’est la question que j’allais poser, donc j’ai eu ma réponse.

[Traduction]

La sénatrice Moodie : Est-ce que nous pouvons demander le vote?

La vice-présidente : Oui.

L’honorable sénatrice Mégie propose la motion.

Que le projet de loi C-35 soit modifié à l’article 14.1, à la page 8, par substitution, à la ligne 18, de ce qui suit :

« 14.1 À la demande du Conseil, le ministre doit fournir ».

Honorables sénateurs, souhaitez-vous adopter la motion d’amendement?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

La vice-présidente : Demandez-vous un vote par appel nominal?

Une voix : Avec dissidence.

La vice-présidente : La motion est rejetée. Merci.

L’article 14.1 est-il adopté?

Des voix : D’accord.

La vice-présidente : L’article 15 est-il adopté?

Des voix : D’accord.

La vice-présidente : L’article 16 est-il adopté?

Des voix : D’accord.

La vice-présidente : L’article 17 est-il adopté?

Des voix : D’accord.

La vice-présidente : Est-ce que l’article 1, qui contient le titre abrégé, est adopté?

Des voix : D’accord.

La vice-présidente : Est-ce que le préambule est adopté?

Des voix : D’accord.

La vice-présidente : Est-ce que le titre est adopté?

Des voix : D’accord.

La vice-présidente : Est-ce que le projet de loi est adopté?

Des voix : D’accord.

La vice-présidente : Le comité souhaite-t-il annexer des observations au rapport?

Des voix : D’accord.

La vice-présidente : Oui. D’accord. Voulez-vous que nous poursuivions à huis clos pour discuter des observations? Non? C’est vous qui décidez. Non. D’accord. Très bien.

La sénatrice Seidman : Le comité a le pouvoir discrétionnaire de décider s’il souhaite passer au huis clos ou non, mais nous avons pris l’habitude de le faire pour discuter des observations, alors c’est ce que je propose. Il est parfois plus facile d’aborder ces questions à huis clos. Je vais laisser le comité prendre une décision.

La vice-présidente : Est-ce que vous acceptez que nous passions au huis clos? Nous allons suspendre brièvement la séance, puis nous poursuivrons à huis clos. Je demanderais aux représentants et aux membres du public de quitter la salle, s’il vous plaît.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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