LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le jeudi 8 février 2024
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd’hui, à 11 h 31 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi S-252, Loi instituant la Semaine d’appréciation de la fonction de juré.
La sénatrice Ratna Omidvar (présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La présidente : Je m’appelle Ratna Omidvar, je suis une sénatrice de l’Ontario et je suis la présidente de ce comité.
[Traduction]
J’aimerais pour commencer souhaiter la bienvenue aux membres du comité, aux témoins et aux membres du public qui regardent nos délibérations. Nous allons faire un tour de table rapidement afin de nous présenter. J’invite d’abord la sénatrice Cordy à le faire.
La sénatrice Cordy : Je suis Jane Cordy, sénatrice de la Nouvelle-Écosse et vice-présidente du comité.
[Français]
Le sénateur Cormier : René Cormier, du Nouveau-Brunswick. Bonjour.
[Traduction]
La sénatrice Burey : Sharon Burey, de l’Ontario.
La sénatrice MacAdam : Je suis la sénatrice Jane MacAdam, de l’Île-du-Prince-Édouard.
[Français]
La sénatrice Petitclerc : Chantal Petitclerc, du Québec.
[Traduction]
La sénatrice McBean : Je suis la sénatrice Marnie McBean, de l’Ontario.
La sénatrice Dasko : Donna Dasko, sénatrice de l’Ontario.
[Français]
La sénatrice Seidman : Judith Seidman, du Québec.
[Traduction]
La présidente : Nous entreprenons aujourd’hui notre étude sur le projet de loi S-252, Loi instituant la Semaine d’appréciation de la fonction de juré. Pour la première partie de notre réunion, nous accueillons notre collègue, la sénatrice Lucie Moncion, de l’Ontario, qui est marraine du projet de loi. Nous vous remercions de vous joindre à nous aujourd’hui, sénatrice Moncion. Vous savez comment nous procédons. Vous avez la parole.
L’honorable Lucie Moncion, marraine du projet de loi : Chers collègues, je vous remercie de me donner l’occasion de témoigner devant le comité aujourd’hui au sujet du projet de loi S-252, Loi instituant la Semaine d’appréciation de la fonction de juré.
Chaque jour, des milliers de Canadiens sont appelés à s’acquitter de cette fonction. En 1989, j’ai été l’une d’entre eux. J’ai été assignée et choisie pour être jurée dans un procès pour meurtre au premier degré. Cette expérience a eu des conséquences très importantes sur moi et sur ma famille.
Alors que je me suis sentie isolée pendant longtemps, j’ai réalisé au cours des dernières années que de nombreux autres jurés avaient vécu une expérience semblable à la mienne.
[Français]
Voici quelques exemples des difficultés fréquemment rencontrées par les jurés.
La fonction de juré peut être mentalement éprouvante, voire entraîner des symptômes du trouble de stress post-traumatique (TSPT).
Le manque de soutien financier, en particulier pour les personnes les moins bien nanties, est un facteur de stress important et a un impact négatif sur la représentation et la diversité au sein des jurés.
Les employeurs sous-estiment souvent les défis auxquels sont confrontés les employés convoqués pour être jurés, et le soutien qu’ils leur apportent s’avère insuffisant.
Les indemnisations accordées par les provinces et les territoires sont insuffisantes et ne couvrent pas les pertes de revenus et les dépenses qui sont associées à la fonction de juré.
Après le procès, on s’attend à ce que les jurés reprennent une vie normale comme si un procès n’avait pas eu lieu, comme si on leur avait payé des vacances de plusieurs jours, voire de plusieurs semaines, sans égard à leur état d’esprit ou à leur santé mentale.
[Traduction]
Chers collègues, il est impératif de discuter de l’élimination de ces obstacles pour un système de jury plus inclusif et équitable. Le projet de loi S-252 servirait de base pour favoriser des environnements plus favorables. En me fondant sur mon expérience, mes conversations avec d’anciens jurés et des intervenants, et sur les réflexions du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de l’autre endroit dans son rapport intitulé Mieux soutenir les jurés au Canada, j’en suis venu à comprendre que le leadership à l’échelle fédérale et à l’échelle nationale pour les jurés est non seulement essentiel, mais aussi absolument nécessaire.
En tant que sénateurs, nous avons le privilège de présenter des projets de loi pour proclamer une semaine nationale. Le projet de loi S-252 représente une prochaine étape importante en vue de mettre de l’avant les questions relatives au devoir de juré une fois par année.
Le leadership fédéral encouragerait les organisations, les tribunaux et les gouvernements provinciaux et territoriaux à déployer des efforts concertés pour mettre en œuvre les recommandations énoncées dans le rapport et refléterait la portée et l’importance de la contribution de ces citoyens au système de justice canadien. En gros, le projet de loi S-252 propose que la Semaine d’appréciation de la fonction de juré soit reconnue annuellement au Canada au cours de la deuxième semaine de mai. C’est une proposition très simple et directe.
[Français]
Le préambule offre un contexte permettant de comprendre l’objectif de ce projet de loi : il reconnaît que des milliers de Canadiens sont jurés chaque année et que la fonction de juré constitue un élément crucial de notre système de justice et de notre démocratie. Cette reconnaissance favorise un sentiment de valeur et d’importance qui pourrait aider les jurés à se sentir reconnus pour leurs contributions.
Le préambule attire également l’attention sur le lien entre le bien-être et la santé mentale des jurés et le bon fonctionnement de notre système judiciaire. En effet, toute personne accusée d’une infraction pénale passible d’une peine d’emprisonnement d’au moins cinq ans a le droit d’être jugée par un jury.
Enfin, il précise que le projet de loi doit servir à éduquer, informer et engager les citoyens, les organisations, le système judiciaire et les gouvernements provinciaux, territoriaux et fédéraux, en favorisant la prise de conscience et la compréhension des complexités associées à l’accomplissement de ce devoir civique.
[Traduction]
Je vais maintenant parler brièvement du rôle du gouvernement fédéral en ce qui concerne les fonctions de juré. La justice est une compétence partagée. Le rapport de 2018 intitulé Mieux soutenir les jurés au Canada envisage que le gouvernement fédéral dirige une approche coordonnée et fondée sur des données probantes en matière de soutien aux jurés. Ainsi, le ministre de la Justice et le gouvernement fédéral sont au cœur de chacune des recommandations, ce qui correspond à l’intention du projet de loi S-252.
À titre d’exemple, le rapport recommande un financement fédéral et la mise en commun des pratiques exemplaires avec les provinces et les territoires. De plus, il souligne l’importance de la sensibilisation à l’égard des répercussions potentielles des procédures judiciaires sur la santé mentale des jurés en proposant des programmes de formation pour les juges, les coroners et les fonctionnaires judiciaires.
Il est essentiel que le gouvernement fédéral s’acquitte de ses responsabilités en ce qui concerne les fonctions de juré, et le projet de loi fournit un moyen efficace de le faire tout en respectant l’administration de la justice par les provinces et les territoires. J’espère vous avoir présenté une introduction utile en vue de l’examen du projet de loi par le comité, et serai heureuse de répondre à vos questions. Merci.
La présidente : Merci beaucoup, sénatrice Moncion. Nous vous avons entendue sur le sujet à plusieurs reprises; nous savons donc très bien ce que vous proposez.
J’aimerais pour commencer vous poser une question : pourquoi une semaine? Pourquoi pas un mois, et pourquoi en mai?
La sénatrice Moncion : Pourquoi une semaine? Parce qu’une journée n’est pas assez. Il n’y a pas assez de temps pour mettre les enjeux au premier plan afin que les gens soient au courant de ce qui se passe dans le système de jury au Canada.
Lorsqu’on devient juré, on n’a aucune idée de ce qui nous attend. J’avais 31 ans en 1989 et j’étais mère de deux jeunes enfants. J’ai été appelée à me présenter et j’ai été choisie pour faire partie d’un jury. Je n’avais absolument aucune idée de la façon dont les choses se passaient. Je ne savais pas à quoi m’attendre. Mon employeur n’avait aucune idée de tout le temps que j’aurais à consacrer à cette tâche.
Une semaine de sensibilisation nous donne le temps d’examiner toutes ces questions et de les mettre à l’avant-plan par l’entremise de publicités et d’autres mesures pour sensibiliser les gens à la fonction de juré.
Vous m’avez aussi demandé pourquoi tenir la semaine en mai. Dans certaines administrations des États-Unis, cette semaine est déjà reconnue, et ce, depuis plusieurs années. Dans d’autres États, on reconnaît une journée ici, une journée là. Pour nous, il s’agit de miser sur ce qui se fait dans d’autres pays et aux États-Unis.
Ma dernière réponse à vos questions serait la suivante : tout comme le fait le Sénat avant l’été, les tribunaux tentent de clore les dossiers au mois de mai. C’est donc un moment important pour sensibiliser la population à la question et reconnaître le travail des jurés.
La présidente : Merci, sénatrice Moncion. Je crois que tous les sénateurs autour de la table ont déjà été jurés. C’est une expression de la citoyenneté. C’est une expérience incomparable et je suis certaine que nous aurons beaucoup de questions à vous poser.
Chers collègues, comme à l’habitude, vous disposez de cinq minutes pour poser vos questions et entendre les réponses. Nous allons d’abord entendre la vice-présidente.
La sénatrice Cordy : Je n’ai jamais fait partie d’un jury.
Merci beaucoup d’avoir présenté ce projet de loi. Lorsque j’ai appris que vous alliez le présenter, je me suis dit : « C’est bien beau, mais qu’est-ce que cela signifie vraiment? » Ensuite, j’ai entendu votre discours et j’ai pensé aux gens que je connais et qui ont dû s’acquitter de cette fonction. Certaines expériences étaient certainement plus difficiles que d’autres. On entend parfois parler de choses que l’on ne croyait pas possibles dans notre société, mais elles se produisent. Alors, merci beaucoup de l’avoir fait.
Selon vous, que signifiera cette semaine pour les Canadiens qui ont fait partie d’un jury et pour ceux qui n’en ont pas fait partie? Qu’est-ce que cela signifiera pour les Canadiens en général? En quoi cette semaine permettrait-elle d’améliorer les choses? En tant qu’ancienne professeure, je devrais peut-être poser la question suivante : quels enseignements pourrons-nous tirer de cette semaine?
La sénatrice Moncion : Je vous remercie de la question. Elle est importante.
La première chose que je dirai, c’est que la Commission des jurés canadiens fera partie du prochain groupe de témoins. J’ai eu le privilège de participer à des groupes de discussion qu’elle a organisés avec d’anciens jurés. Nous avions tous une chose en commun : nous n’avions aucun moyen d’exprimer nos préoccupations et nos sentiments. Nous devons respecter la loi du secret. Jusqu’à récemment, nous n’étions pas autorisés à parler de notre expérience à un psychologue ou à un psychothérapeute parce que la plupart d’entre eux ne voulaient pas nous prendre en charge en raison de la possibilité d’en venir à un procès nul.
Pour eux, le fait de faire partie d’un jury et d’entendre l’histoire d’autres personnes crée un lien entre nous. Nous avons réalisé que nous ne sommes pas les seuls à ressentir ce que nous ressentons. Les situations peuvent varier. Certains ont peur de retourner au travail, de marcher dans la rue ou de regarder des films violents. Je suis toujours incapable de regarder de tels films à ce jour. Je trouve que la facilité de tuer dans les films n’est pas associée à des personnes réelles. Bref. Ces images restent gravées dans votre mémoire. C’est la première chose que je dirais à ceux qui ont fait partie d’un jury : ces images restent gravées dans votre mémoire.
Ceux qui n’ont jamais fait partie d’un jury ne comprennent pas ce que c’est. Les employeurs ne savent pas ce que cela implique. Quels renseignements peut-on donner? Qu’en est-il du temps et des coûts associés à la fonction de juré une fois qu’on a été sélectionné? Il y a des coûts associés à ce travail. Il faut informer les gens sur la santé mentale et l’accès à la justice. Nous devons également promouvoir notre système judiciaire et son fonctionnement. Les gens ne sont pas au courant.
À moins d’être avocat, juge ou associé à un tribunal, vous ne savez pas comment cela fonctionne. Il y a l’enjeu des informations pour ceux qui n’ont jamais été jurés et l’enjeu des informations que les jurés peuvent échanger entre eux. Je pense que c’est important.
La sénatrice Cordy : Je suis heureuse de vous l’entendre dire. Je me souviens lorsque le changement est survenu, permettant au moins aux gens de parler à un professionnel de la santé. Je ne peux pas imaginer ce qu’ils vivaient avant cela. Ils ne pouvaient pas parler à leur famille ou à un professionnel. Il s’agit donc d’un point positif.
Pensez-vous que cela nous aidera à faire un pas de plus pour faire comprendre aux gens que ce qu’ils vivent est en fait tout à fait normal pour un ancien juré?
La sénatrice Moncion : Oui.
Je tiens tout d’abord à préciser que la règle du secret ne s’appliquait qu’aux délibérations des jurys séquestrés, mais les psychologues et les psychothérapeutes ne voulaient quand même pas avoir affaire à un ancien juré en raison de cette règle. Nous aurions pu parler de tout, sauf de ce qui s’était passé dans la salle de délibération, mais ils ne voyaient pas la différence. Ils ne comprenaient pas nos émotions ou le lien. Ils refusaient systématiquement de rencontrer toute personne ayant déjà été juré. Voilà pour le premier point.
Vient ensuite l’enjeu de la sensibilisation. La population doit prendre conscience de la manière dont le système fonctionne au Canada et de ce qu’il implique. Les anciens jurés doivent réaliser qu’ils ne sont pas les seuls à souffrir comme ils souffrent. Les Canadiens qui n’ont pas exercé ce rôle... Il faut pouvoir prendre la décision consciente d’être juré. Or, cette possibilité ne vous est pas offerte lorsque vous vous rendez au palais de justice et que vous êtes sélectionné. J’avais 31 ans, et j’avais mené une vie protégée à Ottawa jusque là. Je n’avais jamais été près du milieu policier ou judiciaire. J’étais mère de deux jeunes enfants et j’ai été la première jurée sélectionnée. Je me suis assise dans la salle et je me suis dit : « d’accord. Il se passe quoi maintenant? » Le procès a commencé, et je ne pouvais pas partir avant la fin. Il a duré six semaines, et j’ai trouvé cela extrêmement long.
La sénatrice Seidman : Merci beaucoup, sénatrice Moncion. Je n’ai jamais été jurée, mais ma mère l’a été. Je me souviens du traumatisme qu’elle a subi parce qu’elle aussi avait mené une vie protégée jusque-là. Elle avait trois jeunes enfants et s’est soudainement retrouvée dans un procès pour meurtre qui a duré des semaines. Je me souviens à quel point c’était difficile. Cela ne fait aucun doute. C’est pourquoi cette histoire me touche. Elle me rappelle des souvenirs.
Si je comprends bien, cette semaine serait l’occasion de sensibiliser et d’éduquer la population, non seulement pour aider ceux qui ont été jurés, mais aussi pour sensibiliser les jurés potentiels à ce qu’ils affronteraient. Il serait extrêmement utile que les gens sachent à quoi s’attendre si jamais ils devenaient jurés. Cela dit, se pourrait-il que soulever ces questions génère des conséquences imprévues? Cela ne pourrait-il pas en dissuader certains d’être jurés, par exemple? Cette idée n’est pas nécessairement mauvaise, mais cela pourrait créer des inquiétudes excessives chez certains à propos de cette responsabilité.
La sénatrice Moncion : Je vous remercie de la question. Elle est excellente.
De nombreuses personnes ne devraient pas être jurées pour diverses raisons. Certains n’ont pas les moyens financiers d’être jurés. Quand vous devenez juré, votre employeur a des responsabilités à votre égard, mais cela ne veut pas dire pour autant que votre environnement de travail ne sera pas perturbé de diverses façons. C’est une chose. Ceux qui n’ont pas les moyens financiers d’être jurés pourraient voir leur situation s’aggraver.
Ceux qui souffrent de troubles mentaux importants pourraient être encore plus affectés par le travail de juré. Il faut pouvoir prendre une décision consciente. Or, le système ne nous permet pas de le faire.
Lorsque je me suis rendue au palais de justice le premier jour, je pense qu’il y avait environ 35 personnes. Avant que je ne sois choisie — et j’ai été la première à l’être —, il y avait une trentaine de personnes — hommes, femmes, médecins et autres — qui prenaient le micro et disaient des choses comme : « je ne peux pas être choisi parce que je vais à la chasse pendant une semaine; je ne peux pas être choisi parce que mon environnement de travail ne le permet pas ». J’ai entendu toutes sortes d’excuses. Le juge a dit au chasseur de s’asseoir. Idem pour la personne qui avait dit que sa situation professionnelle ne lui permettait pas d’être jurée. Il a dit la même chose à ceux qui avaient évoqué des problèmes familiaux. J’en avais aussi, mais je ne me suis pas levée pour donner cette excuse. Peu importe leur situation, les jurés potentiels se sont fait dire de s’asseoir. Or, les avocats n’ont pas choisi ceux qui s’étaient levés pour donner une excuse lors de la sélection des jurés. Lorsque j’ai été choisie, je me suis dit que j’aurais dû donner l’excuse d’être mère de deux jeunes enfants. Mais je ne l’ai pas fait.
Mon expérience de jurée a été extraordinaire. Malgré le syndrome de stress post-traumatique, le simple fait d’être jurée m’a permis de comprendre le système judiciaire à un niveau qui m’aurait été inaccessible autrement puisque je n’ai pas fait d’études en droit. Il y a des avantages à être juré, donc, mais il y a aussi des conséquences.
Le système a créé des victimes au fil du temps. Si vous développez un syndrome de stress post-traumatique — qui n’apparaît pas dès le jour un, mais plutôt dans les mois suivant la fin du procès —, vous devenez une victime du système. Je ne crois pas que ce soit l’objectif du système judiciaire, mais c’est ce qu’il fait depuis des années.
Je pense qu’il serait important de comprendre comment le système fonctionne et comment il affecte différentes personnes à un certain point. Je vais vous donner un autre exemple. Les juges, les avocats et les greffiers ont tous accès à des professionnels de la santé mentale dans leur milieu de travail. Les jurés sont les seuls à ne pas y avoir accès. Or, nous voyons et entendons les mêmes choses. On parle de sensibilisation et de conséquences imprévues, mais la liste d’enjeux est longue.
La sénatrice Seidman : Merci. Vous nous avez appris des choses, et je vous en remercie.
Vous avez parlé de conséquences financières, et je trouve cela important. Quelqu’un pourrait devoir s’absenter de son travail pendant six semaines pour un procès important et ne pas toucher son salaire pendant ce temps. J’en viens aux différences entre les provinces. Je sais que les jurés du Québec reçoivent 103 $ pour chaque journée ou demi-journée de service. En Ontario, c’est différent. Les 10 premiers jours ne sont pas rémunérés. En Colombie-Britannique, les jurés reçoivent 20 $ par jour pour les premiers jours. La situation varie énormément d’une province à l’autre. Tenteriez-vous d’y remédier avec ce projet de loi? Je ne sais pas comment on pourrait remédier à la situation si l’on se contente d’organiser une semaine de sensibilisation.
La sénatrice Moncion : Je pense que cela permettrait de sensibiliser la population à cette question. Vous savez, lorsque j’étais jurée en 1989, les montants versés en Ontario étaient les mêmes. On ne recevait rien pendant les 10 premiers jours, puis on recevait 40 $ par jour après 39 jours de service et 142 $ par la suite. J’ai eu la chance d’avoir un employeur qui avait prévu des dispositions pour les fonctions de juré, mais j’ai dû rembourser l’argent que je recevais à mon employeur. J’ai engagé des dépenses que j’ai payées de ma poche. J’ai dû payer mes frais de déplacement jusqu’au palais de justice, les frais de gardiennage, etc. Cela fait quoi, 35 ans, maintenant? Peu de choses ont changé depuis 35 ans — et peut-être même plus — en Ontario.
Il est important de comparer les provinces et de comprendre qu’il y a un coût associé au rôle de juré. Je trouve que 40 $ par jour pour quelqu’un qui n’a pas les moyens d’être juré, c’est... Bon, je ne dis pas que nous devrions être payés grassement pour être jurés, mais il faudrait trouver un équilibre afin que la situation soit à peu près la même partout au pays.
La sénatrice Seidman : Je me répète, mais vous nous en apprenez beaucoup. Si nous en apprenons autant aujourd’hui au cours d’une seule réunion avec vous, j’espère que cela signifie que ce type d’approche serait une excellente occasion d’éduquer la population et peut-être aussi de défendre les intérêts des futurs jurés. Merci, c’est important. Je vous suis reconnaissante de votre présence et de votre témoignage.
[Français]
Le sénateur Cormier : Merci, sénatrice Moncion, pour ce projet de loi si important. Je dirais en introduction que vous montrez bien comment nos expériences personnelles peuvent servir l’ensemble des citoyens canadiens. Je trouve que c’est un apprentissage à la fois pour nous en tant que sénateurs et sénatrices et pour l’ensemble des citoyens, et je vous remercie déjà pour cela.
Évidemment, cette semaine de sensibilisation est extrêmement importante. En effet, ce qu’on entend depuis le début de notre conversation et ce qu’on a entendu à l’étape de la deuxième lecture et dans votre présentation, c’est qu’il y a un objectif de sensibilisation et d’éducation. Il y a aussi un objectif de formation et de financement, et il importe donc de travailler avec les responsabilités fédérales et provinciales. Vous avez d’ailleurs dit ce qui suit dans votre discours à l’étape de la deuxième lecture :
La reconnaissance annuelle des fonctions de juré contribuerait à favoriser et à promouvoir des conversations continues et opportunes entre le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires et divers intervenants au sujet de l’importance d’améliorer le soutien aux jurés partout au Canada.
Voici ma question, qui est assez large : le jour où cette semaine sera officielle, quel sera le travail prioritaire à faire, qui devrait le faire et comment devrait-il être fait, sachant que vous êtes une sénatrice très organisée? Je dirai ceci : on s’oppose souvent aux journées de sensibilisation ou aux journées nationales pour reconnaître une chose ou une autre, mais le défi réel est le suivant : qui prendra cela en charge, d’où viendra le financement et comment le gouvernement fédéral agira-t-il par rapport à cette semaine de sensibilisation? Si vous aviez un plan de travail à déposer, quel serait-il, en résumé, pour tenir compte de l’ensemble des enjeux qui ont été soulevés par votre projet de loi?
La sénatrice Moncion : Je vous remercie tellement pour votre question. Sénateur Cormier, on n’attend pas. Le travail est déjà commencé depuis plusieurs années. On a commencé à travailler sur ce dossier il y a environ cinq ans. La première étape était la reconnaissance du fait que les jurés pouvaient parler à un professionnel de la santé.
Le prochain groupe de témoins que vous allez rencontrer sera constitué de gens qui font partie de la Commission canadienne des jurés, qui a un programme complet de formation. Ces gens travaillent déjà avec le ministère de la Justice. La situation de la commission est toujours associée aux fonds nécessaires pour mettre sur pied des programmes et faire un travail exhaustif. Le travail est donc déjà commencé. Les gens qui font ce travail font un boulot exceptionnel. Ils vont aussi vous parler de leur situation, parce qu’ils ont été membres de jury eux aussi. Il y a des programmes qui sont déjà en place en Colombie-Britannique. D’autres programmes sont en voie d’être établis avec les provinces canadiennes. Ce sont des programmes de formation accessibles en ligne.
On a travaillé avec le ministère de la Justice pour financer le début de ces programmes. Cela fait quand même deux ans que la semaine de sensibilisation existe de façon informelle. Il y a déjà de la sensibilisation qu’on a commencé à faire. Les outils sont de plus en plus spécialisés. La publicité qui se fait autour du travail accompli par la commission a aussi été entendue en Europe, et il y a des pays européens qui demandent d’avoir un aperçu du programme et de ce qui est mis en place.
En ce qui a trait au programme, il y a une composante pour les jurés lorsqu’ils sont appelés à devenir jurés. Il y a aussi une composante pour les commissaires. Lorsque vous êtes à la cour, les membres de jury sont pris en charge par des commissaires; les commissaires ont donc aussi une formation, pour savoir comment aider les jurés à comprendre l’environnement dans lequel ils se trouvent et pour avoir des indicateurs et des outils si un juré ne semble pas aller bien. Tout un programme est en élaboration et continue de progresser.
En fait de plan de travail, je vous dirais que ces gens pourront vous dire où ils en sont. Leur plus grand défi est plutôt associé au financement de leurs initiatives et au travail de relations publiques qu’ils sont en train de faire partout dans les provinces.
Le sénateur Cormier : Merci beaucoup pour cette information. Quelle est la situation du Barreau canadien? Dans votre discours à l’étape de la deuxième lecture, vous avez dit que la Semaine d’appréciation de la fonction de juré est déjà reconnue au Canada par diverses parties prenantes et par le gouvernement fédéral. Pourriez-vous préciser quelles sont ces parties prenantes? À l’instar de l’Association du barreau américain, est-ce que l’Association du Barreau canadien reconnaît formellement cette semaine?
La sénatrice Moncion : C’est une bonne question. Je ne veux pas vous induire en erreur. Je crois que l’Association du Barreau canadien est au courant... Je sais qu’ils sont au courant des problèmes associés aux jurés qui quittent les salles d’audience et qui ne sont pas bien. Je ne pourrais pas vous dire à quel point les connaissances au sein du barreau. Je vous invite à poser votre question au prochain groupe qui sera beaucoup plus au courant, car il travaille directement de concert avec le barreau pour mettre en place cette partie sur le plan de la reconnaissance.
Le sénateur Cormier : Merci. J’ai une dernière question pour vous, qui faites partie des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Êtes-vous persuadée que, avec cette semaine de sensibilisation, les jurés faisant partie des communautés de langue officielle en situation minoritaire auront un accès dans les deux langues? Vous connaissez les défis que l’on rencontre dans le système de justice.
La sénatrice Moncion : Cela fait partie des conditions du financement et de tout ce qui est associé aux documents élaborés.
Le sénateur Cormier : D’accord, merci.
La sénatrice Petitclerc : Un énorme merci, sénatrice Moncion, pour tout le travail que vous faites. Je ne vais pas répéter ce que mes collègues ont dit, mais merci beaucoup.
Quand on pense à ce projet de loi, on pense à un côté éducatif, à la sensibilisation. Je sens qu’on veut aussi qu’il ait des impacts très concrets et quantitatifs. Sommes-nous assez au courant des impacts potentiels sur les jurés présentement? Par exemple, sait-on quelle sorte de stress, d’angoisse et de défis de santé mentale ils doivent affronter? C’est difficile à quantifier. Est-ce qu’on a un portrait de base? Sinon, est-ce que cette semaine pourrait aider à trouver tous ces outils qui — j’imagine — peuvent ensuite justifier la création de programmes qui sont essentiels?
La sénatrice Moncion : Le portrait de base, concrètement, si vous me demandez des nombres et tout cela... On n’a pas cette information, parce qu’elle n’a jamais été calculée ou retenue par les cours. Quand on arrive à la cour, on devient juré, puis on quitte la cour, et la dernière chose que le juge vous dit, c’est de ne pas parler de cela. Si vous parlez de cela, vous pouvez être reconnu coupable d’avoir divulgué de l’information confidentielle. C’est le dernier message que l’on a. Nous, les jurés, on ne sait même pas s’ils ont gardé des données sur le nombre d’hommes ou de femmes qui faisaient partie du jury. Je n’ai jamais rappelé la cour pour dire que j’avais des problèmes d’équilibre, donc je n’ai jamais été questionnée. C’était il y a 35 ans. Est-ce que c’est encore ainsi aujourd’hui? Certains procès ont été très médiatisés. Je ne pense pas que cette information ait été calculée.
Quand on a commencé à parler de la règle du secret du délibéré, de petits champignons ont poussé un peu partout au Canada, et les gens ont commencé à dire : moi, moi, moi. Quand la commission a été créée, beaucoup de professionnels faisant partie du conseil d’administration, comme les psychologues, n’étaient pas intéressés à traiter des gens souffrant de stress post‑traumatique qui était associé à la fonction de juré et ils n’avaient pas de statistiques à donner non plus.
Votre question est excellente, parce qu’on a besoin d’avoir un portrait de base du nombre de Canadiens qui peuvent avoir été affectés. Le premier portrait de base qu’on pourrait avoir, ce serait de retourner il y a 50 ans et de trouver le nombre de Canadiens qui ont siégé comme jurés au Canada, pour savoir de combien de personnes on parle... Je pense qu’on parle de millions de Canadiens. On ne parle peut-être pas de 35 millions de Canadiens, mais on peut peut-être parler de 1 million ou de 2 millions de Canadiens.
Il y a eu beaucoup de procès au cours des 50 dernières années. Chaque fois, il y a un impact sur 12 personnes. Si on fait le calcul, une dizaine de personnes par année pendant 50 ans... On pourrait essayer d’obtenir certaines statistiques pour être en mesure d’identifier ceux qui ont souffert de stress post‑traumatique ou... Certains vont terminer un procès et n’auront aucun problème, mais on ne peut pas le dire. Nous étions 12 au procès auquel j’ai participé comme jurée et je ne peux pas vous dire si la mère de famille monoparentale a été affectée par cela. Je ne sais pas si l’employé du gouvernement qui était là aussi a été affecté. Je ne connais que ma situation.
La sénatrice Petitclerc : Est-ce qu’on peut aller jusqu’à dire que si on avait un peu plus de données comme celles-là, ce serait un outil important? Quand on se présente devant un gouvernement pour dire qu’on a besoin d’argent pour ce programme... Il faut pouvoir quantifier certains éléments pour créer des programmes et avoir des soins et un minimum de suivi.
La sénatrice Moncion : Votre question est extrêmement importante. Il y a une prise de conscience, et elle existe depuis longtemps au sein des cours. Que ce soit à l’échelle provinciale ou fédérale, les gens du système de justice sont bien conscients des problèmes que ce système crée pour les Canadiens qui ne sont pas des accusés.
Ils en sont bien conscients, parce que lorsqu’on leur parle de fournir des outils de formation, ils en veulent et ils en ont besoin. Le calcul qu’on pourrait faire, maintenant que les outils seront ou sont accessibles, c’est de comptabiliser le nombre de personnes qui utilisent ces outils pour déterminer que notre système est réellement utilisé. Quand on parle de personnes qui les utilisent, je parle non seulement des jurés, des anciens jurés, des commissaires, de ceux qu’on forme pour servir... Il y aurait beaucoup de données statistiques qu’on pourrait récolter à partir du moment où les gens commencent à utiliser le système. Quand quelqu’un est appelé à servir comme juré ou quand il remplit le formulaire, il pourrait aller voir et on aurait une meilleure idée du nombre de Canadiens qui sont affectés ou qui utilisent les outils. Ce serait prospectif, et non rétroactif.
La sénatrice Petitclerc : Merci.
La sénatrice Mégie : Merci, sénatrice Moncion. Je trouve ce travail extraordinaire, parce que c’est un chantier qui n’avait jamais été abordé en général. Je trouve cela vraiment bien.
Je voyais les pratiques exemplaires que vous étiez allée chercher, que toute l’équipe est allée chercher pour la formation des Canadiens. Au début, j’ai pensé à la question que la sénatrice vous a posée : n’y aura-t-il pas un effet dissuasif après? Puis, je me suis dit que quand les personnes vont recevoir cette formation, c’est bien qu’elles y aillent. Cependant, dans vos projets, avez-vous prévu de recenser ces jurés à partir de ceux qui ont eu la formation, ou tout le monde a-t-il le droit d’avoir la formation, parce que n’importe qui peut être appelé à servir comme juré?
Le fait que la personne ait eu la formation ne risque-t-il pas d’influencer quelque peu positivement les choses? Les juges ou les avocats risquent-ils de choisir ceux-là lorsqu’ils vont se présenter? Pensez-vous que cela pourrait avoir un impact?
La sénatrice Moncion : Merci de votre question. Cela peut avoir un impact. Je vais faire une nuance. Il y a des composantes « formation » et il y a des composantes « information ». Les composantes « information » sont accessibles à tous les Canadiens; les composantes « formation » sont accessibles à un groupe précis.
Vous n’auriez donc pas nécessairement... Vous allez sur le site et vous avez accès à tout. Si vous êtes appelé à devenir juré, il y aurait de l’information qui vous serait donnée à ce moment-là et qui parle de...
Si je ne me trompe pas et comme je vous le disais encore tout à l’heure, c’est une bonne question pour le prochain groupe de témoins. On me parlait d’un code QR. Vous numérisez le code QR et vous êtes en mesure de voir les outils accessibles sur une base d’information.
Pour les jurés, une fois que leur travail est terminé, il y aurait un autre code QR donnant accès à la formation. Donc, vous auriez accès à de l’information lorsque vous êtes appelé à être juré et, à la fin de votre travail comme juré, vous auriez accès à des modules de formation. Je vous donne cette information, mais le prochain groupe pourra vous en parler avec plus de certitude, parce que ce sont eux qui ont travaillé sur les modules.
Quand vous êtes appelé à être juré, avant même d’être appelé, vous savez qu’ils utilisent les listes électorales pour établir à qui on va envoyer une petite lettre. Vous avez un dépliant à remplir où l’on vous pose différentes questions, puis vous devez le renvoyer. Même sur le dépliant, il est indiqué que si vous ne le remplissez pas, vous commettez une infraction, ou si vous ne le renvoyez pas avant telle date, il s’agit d’une infraction et on peut déposer des accusations contre vous. Il y a donc beaucoup de contraintes juridiques qui sont associées à cette première étape.
Ensuite, lorsqu’on reçoit l’appel, on vous envoie une lettre — dans mon temps, c’était comme cela, aujourd’hui c’est peut-être différent —, et on vous dit que vous devez vous présenter à la cour à telle date. Peu importe que vous ayez une intervention chirurgicale prévue ou quoi que ce soit d’autre, on vous indique que vous devez vous présenter à telle date et à telle heure. Vous y allez et vous attendez. Il y a 35 ans, j’arrive dans la salle, je suis là avec 300 personnes, on est tous assis l’un à côté de l’autre, personne ne se connaît et on attend que les gens qui sont là commencent leur exercice de sélection. Ce sont des renseignements qui seraient donnés quand vous recevez cette lettre. L’étape suivante, c’est la formation pour une catégorie de jurés et ensuite, vous en avez une autre pour les commissaires et une autre pour d’autres groupes qui ont un travail à faire au sein de la cour.
La sénatrice Mégie : J’ai entendu parler de gens qui ont eu des conséquences sur leur santé mentale; quand vous sortez d’un procès, le juge vous dit qu’il ne faut pas en parler.
Qu’est-ce que vous avez eu comme rétroaction de la part de ces personnes? Si vous souffrez d’un problème de santé mentale, vous allez dans un bureau de médecin, et il va vous poser des questions pour savoir d’où cela vient, quand cela a commencé. Si vous dites que cela a commencé depuis que vous avez été juré et ensuite, vous vous taisez, car vous ne pouvez plus rien dire, qu’est-ce qui se passe? Quelle est la bonne façon de lever ce volet secret? Faut-il une loi ou une motion?
La sénatrice Moncion : Je vais commencer par la dernière partie de votre question, puis je vais revenir à la première.
Pour ce qui est de lever le voile, il y a le projet de loi qui a été approuvé au Sénat et à l’autre endroit pour lever le secret du délibéré.
Maintenant, parmi les personnes qui ont souffert d’un trouble du stress post-traumatique, certains ont trouvé différentes façons de vivre avec leur stress ou de trouver un processus de guérison.
Je vais vous raconter mon histoire pour vous dire jusqu’où tout cela est allé et comment j’ai réglé le problème, car cela a un lien avec votre question.
J’ai terminé le procès un samedi matin. Je me souviens, j’arrive à la cour et j’ai un enfant de 3 ans et un autre de 5 ans, et ces enfants ne m’ont pas vue depuis cinq jours. Je n’avais aucune communication avec mes enfants ni avec mon conjoint. Les communications se faisaient entre le commissaire et mon conjoint. J’arrive le samedi matin, je viens de sortir de la salle d’audience, je viens de me faire dire par le juge que je ne peux pas parler de cela. Mes enfants arrivent, ils courent vers moi, ils m’embrassent et je fonds en larmes. On part en famille. Le lundi, je prends l’avion pour aller dans le Nord de l’Ontario. Je retourne à ma vie professionnelle. Le lundi suivant, je dois me rendre dans une autre ville et travailler comme si rien ne s’était passé.
J’arrive là-bas et je suis là toute la semaine, puis je retourne chez moi la fin de semaine. J’arrive chez moi, j’ai tout cela à l’intérieur de moi et je ne peux pas en parler. C’est comme cela pendant trois semaines. On est juste avant Noël. Je suis pleine d’émotions négatives et la journée de Noël, je vous dirais que le volcan éclate et mon mari me dit : « Tu n’es pas endurable, je m’en vais. » La journée de Noël. J’ai dit : « Non, ce n’est pas toi qui as un problème, c’est moi. »
Je me rends donc compte que j’ai ce problème à régler, mais je ne sais pas où aller pour trouver de l’aide. Il y a plein de jurés qui ont vécu cela, mais les gens ne le savent pas. Mon mari et moi avons réglé notre problème; cela fait 40 ans que nous sommes mariés et il a été capable de m’endurer tout ce temps.
Par la suite — on parle d’une dizaine d’années plus tard —, je réalise que j’ai de la difficulté à gérer une partie... J’ai une rage à l’intérieur de moi, et cette colère peut se manifester tout d’un coup et être incontrôlable. Mon mari m’a dit qu’il fallait que j’aille me faire soigner. J’ai donc consulté un psychologue qui m’a dit qu’il ne pouvait pas m’aider, parce que la situation était liée à mon rôle de jurée.
Donc, je repars de là et je me dis qu’il faut que je trouve une solution. J’ai suivi une formation et je suis devenue psychothérapeute. En devenant psychothérapeute, on fait notre propre psychanalyse. Je n’ai jamais affiché le fait que j’étais psychothérapeute; je ne commencerai pas à faire de la psychothérapie avec personne, mais j’ai cette formation, et c’est comme cela que j’ai pu comprendre l’origine de la situation et que j’ai pu régler ce problème. C’est pour cela que quand je suis arrivée ici, le fait d’avoir connu tout cela a fait en sorte que je suis en mesure aujourd’hui... Tout d’abord, la colère n’est plus là; je vous le garantis, elle a disparu. Je parle du fait d’être enragée. Je peux être fâchée, mais l’autre côté plus violent associé au fait d’être enragé, je ne l’ai plus. J’ai réglé cela et beaucoup d’autres choses.
Je tiens pour acquis qu’il y a beaucoup de jurés qui vivent avec des situations comme la mienne et qui ont participé à des procès qui étaient beaucoup plus atroces que celui que j’ai vécu. Ce dialogue doit être entendu. Les gens ont besoin d’exprimer tout cela. Mes enfants étaient trop jeunes pour se rappeler tout cela. C’est toute l’évolution qu’on voit dans des situations comme celle-là.
Quand on arrive à parler de sensibilisation... Quand tu n’as pas pu en parler et que tu peux en parler aujourd’hui et expliquer comment tu as réglé ton problème ou comment tu n’as pas été en mesure de régler ton problème... En résumé, le problème, c’est toi qui l’as, ce n’est pas le système de justice canadien.
La sénatrice Mégie : Merci, sénatrice Moncion.
[Traduction]
La sénatrice Dasko : Je vous remercie de nous faire part de ces réflexions, sénatrice. Vous avez vécu une expérience incroyable. Cela m’amène à me poser des questions sur d’autres personnes dans le système de justice pénale. Cela doit également concerner les tribunaux et les juges, mais ce n’est pas ma question.
La sénatrice Moncion : Ils ont accès à une aide de leur employeur.
La sénatrice Dasko : Ah d’accord, alors leur situation est différente, de toute évidence.
Je change de sujet complètement.
J’ai appris récemment qu’il était possible d’obtenir ces jours de reconnaissance par le biais de motions au sein du Parlement fédéral. Je ne sais pas s’il est possible de le faire par le biais d’une motion au Sénat, mais il y a également la possibilité de déposer un projet de loi, ce que vous avez fait.
J’aimerais revenir en arrière. Je regardais le tableau que nous avons reçu sur les jours de reconnaissance. Le Mois de l’histoire des Noirs, qui est célébré en février, a été institué par une motion de la Chambre des communes en 1995 et par une motion du Sénat en 2008, ce qui soulève la question suivante : pourquoi a‑t‑il fallu attendre 13 ans de plus pour que le Sénat reconnaisse cet événement? Bon, mettons cela de côté.
Vous avez choisi de déposer un projet de loi, ce qui prend plus de temps, évidemment, puisqu’il faut le déposer au Sénat puis à l’autre endroit. Il serait également possible de déposer une motion. Le résultat est-il différent? Les jours sont-ils reconnus différemment dépendamment de la procédure choisie? Pourquoi avez-vous décidé de suivre cette voie alors qu’il aurait été possible d’en choisir une autre? Voilà la question que j’aimerais vous poser.
La sénatrice Moncion : Je vous remercie de la question. Un projet de loi confère un caractère permanent. Ce n’est pas le cas d’une motion. Voilà la différence entre les deux, selon moi. Si quelqu’un voulait mettre fin à cette semaine de reconnaissance, il serait forcé de déposer un autre projet de loi pour ce faire. Certains enjeux revêtent une grande importance pour le bien-être du Canada, tels que le Mois de l’histoire des Noirs, la réconciliation, etc. Les motions, c’est très bien. Nous pouvons y avoir recours, mais dans ce cas-ci, nous recherchons une plus grande permanence, faute de quoi cette initiative pourrait être très facilement révoquée.
Le fait d’avoir un projet de loi permet également d’obtenir du financement pour ce type d’initiative. C’est important, selon moi. La Commission a eu de la difficulté à obtenir du financement par le passé en raison des compétences fédérales, provinciales et territoriales. Qui va financer cela? Qui va payer? Qui va aider? Nous espérons que la permanence de ce projet de loi permettra d’avoir des fonds disponibles pour faire avancer les choses. Le système judiciaire affecte les Canadiens partout au pays, peu importe si le champ de compétence est fédéral, provincial ou territorial.
La sénatrice Dasko : Je crois que cela répond à ma question. Est-il possible de n’avoir qu’une motion au Sénat? Savez-vous si c’est possible?
La sénatrice Moncion : Oui, c’est possible. Si je ne m’abuse — et j’y vais de mémoire —, je pense que le Sénat a adopté une motion à ce sujet il y a quelques années. C’est pourquoi nous reconnaissons cette semaine depuis quelques années, mais nous sommes maintenant à la recherche de quelque chose de plus permanent.
La sénatrice Dasko : Je vois. Vous l’avez déjà fait, donc.
La sénatrice Moncion : Oui.
La sénatrice Dasko : Merci.
La sénatrice Burey : Je vous remercie de votre témoignage si profond et émouvant, sénatrice Moncion. Vous m’avez fait pleurer.
La sénatrice Moncion : Ce n’était pas mon intention.
La sénatrice Burey : C’est l’essence de la tâche. C’est ce que représente la fonction de juré. C’est un projet de loi très important. J’ai naïvement cru qu’il s’agissait d’un simple projet de loi sur la fonction de juré, mais j’ai les larmes aux yeux.
J’ai quelques commentaires et une question. J’ai participé à des campagnes de sensibilisation pendant des semaines et des mois au cours de ma carrière, alors je vous salue vraiment parce que je connais l’importance de ces campagnes. Cette campagne va changer la vision. Elle modifiera les politiques, et lorsque les politiques changent, les résultats changent. Pour moi, c’est l’occasion pour l’ensemble de la société de s’approprier la démocratie. Je vous en félicite.
Mon prochain commentaire porte sur un enjeu dont nous parlons souvent : les soins tenant compte des traumatismes. Bien entendu, je m’y intéresse étant donné mon expérience en pédiatrie et en santé comportementale. Ces questions sont maintenant omniprésentes dans le domaine médical, et il est vraiment intéressant et merveilleux de voir que nous adoptons maintenant une approche pansociétale pour une justice culturelle tenant compte des traumatismes, afin d’avoir une justice plus juste. Je pense que c’est vraiment important.
Ce sont là mes commentaires, mais la question porte sur les autres changements législatifs que le projet de loi rendra possibles. Vous avez brièvement parlé des changements financiers et des conséquences financières de la participation à un jury, comme le secret qui devait auparavant être tenu et qui a été modifié par voie législative. D’autres modifications législatives pourraient-elles alléger les contraintes financières pesant sur les jurés? Y a-t-il quelque chose qui, selon vous — en raison de la sensibilisation, de l’importance accordée au rôle, de tout ce que j’ai dit —, pourrait avoir des répercussions financières par la voie législative? Je ne pense pas à votre projet de loi; je nous projette plus loin dans le temps.
La sénatrice Moncion : Tout d’abord, merci pour vos commentaires. C’était une excellente conclusion.
En second lieu, oui, mais je dirais qu’il est difficile pour nous, les législateurs, d’envisager des changements financiers, étant donné la compétence provinciale dans le système judiciaire.
Un projet de loi comme celui-ci sensibilise la population, chez qui il suscite des discussions. Les personnes qui sont appelées à être des jurés peuvent trouver des moyens d’échapper au système en raison d’obstacles financiers et de toutes sortes de situations.
Alors oui, il pourrait y avoir des changements dans d’autres aspects du système législatif. Je ne suis pas certaine, cependant, de l’aspect financier. Ce que nous voulons, c’est faire de la sensibilisation et pousser les provinces et le gouvernement fédéral à envisager de consacrer plus d’argent à ce type de programmes. Merci beaucoup.
La présidente : Chers collègues, voilà qui clôt la discussion avec ce témoin. Permettez-moi de vous féliciter, sénatrice Moncion, pour votre engagement sur cette question et pour votre témoignage. Il est toujours très intéressant qu’une expérience personnelle se fraie un chemin dans un projet de loi qui touchera probablement, comme vous l’avez dit, un million de Canadiens. Merci beaucoup.
Dans notre deuxième groupe de témoins, nous accueillons les représentants de la Commission canadienne des jurés : Mark Farrant, le fondateur et président-directeur général, comparaît devant nous en personne; Tina Daenzer, la directrice des finances et cheffe de l’exploitation, se joint à nous par vidéoconférence. Nous recevons également l’honorable Patrick LeSage, ancien juge en chef de la Cour supérieure de justice de l’Ontario, qui est lui aussi en ligne. Bienvenue à tous et merci de vous joindre à nous en personne et en ligne.
Nous commencerons par la déclaration liminaire de M. Farrant, qui sera suivie de celles de Mme Daenzer et de l’honorable M. LeSage. Chacun dispose de cinq minutes. Essayez autant que possible de vous limiter à cette durée, car nous aurons beaucoup de questions à vous poser par la suite. Monsieur Farrant, vous avez la parole.
Mark Farrant, fondateur et président-directeur général, Commission canadienne des jurés : C’est un plaisir d’être ici avec vous aujourd’hui pour appuyer le projet de loi S-252. Je remercie la sénatrice Moncion de parrainer ce projet de loi et de son engagement continu à soutenir la santé mentale des Canadiens qui font partie d’un jury ou qui participent à une enquête de coroner.
La Commission canadienne des jurés est un organisme national sans but lucratif qui représente et soutient les jurés partout au Canada. En 2014, j’ai été juré dans un procès pour meurtre au premier degré très brutal qui m’a changé et qui a changé le cours de ma vie.
Comme vous le savez certainement, nos calendriers sont marqués par un certain nombre d’événements spéciaux et d’occasions d’honorer les professions et les fournisseurs de services de première ligne qui travaillent si fort pour garantir notre sécurité, notre santé et notre protection. Il est important de reconnaître leurs contributions et leurs sacrifices en soulignant un événement en leur honneur et en mettant en lumière leurs réalisations et leur service; nous veillerons ainsi à ce que ces hommes et ces femmes soient adéquatement soutenus à leur tour. La Semaine d’appréciation de la fonction de juré serait l’occasion de remercier les jurés d’hier et d’aujourd’hui pour l’énorme service rendu à la communauté et pour leur importante contribution au système judiciaire. Sans jurés, il n’y aurait pas de justice. Une semaine destinée à remercier et à honorer les jurés aurait dû être instaurée il y a longtemps au Canada.
Chaque année, des milliers de jurés quittent leur travail, leur famille et leur vie quotidienne pour assumer l’une des fonctions civiques les plus importantes qui subsistent dans notre démocratie : l’observation des preuves dans un procès pénal ou civil ou lors d’une enquête de coroner, et la détermination d’un verdict. La fonction de juré est l’une des responsabilités fondamentales de la citoyenneté, et le droit d’être jugé par un jury de pairs est inscrit dans notre Charte des droits et libertés et dans le Code criminel.
La semaine d’appréciation de la fonction de juré est l’occasion de reconnaître les sacrifices que font les jurés pour soutenir le système de justice et leurs communautés, et de leur dire merci. En outre, c’est aussi le moment de rappeler aux Canadiens l’importance du travail de juré et d’améliorer l’image de cette importante responsabilité civique.
La Commission canadienne des jurés suit l’évolution du soutien à la fonction de juré depuis quatre ans, et les résultats sont troublants. Seulement 19 % des Canadiens sont prêts à faire partie d’un jury. C’est moins que la volonté de donner du sang ou de faire du bénévolat dans la communauté. Pire encore, seulement 9 % des Canadiens connaissent la fonction de juré et comprennent en quoi elle consiste; très peu d’entre eux comprennent les fonctions d’un jury pénal ou civil, et encore moins de Canadiens comprennent celles d’un jury pour une enquête de coroner.
Nous n’avons pas investi directement dans la fonction de juré depuis des décennies, et cela se voit dans les données qui démontrent une faible opinion de la fonction et une faible volonté d’être juré. Alors que les jurés rendent d’énormes services à notre communauté et à notre système judiciaire, nous n’avons pas fait de notre mieux pour les soutenir pendant et après leur mandat. Bien trop souvent, nous entendons des récits d’employés maltraités au travail en raison de leur fonction de juré, ou d’employeurs qui pensent que cette fonction s’apparente à un congé ou à des vacances sans en comprendre l’importance et la valeur. Des employés nous ont confié être victimes de représailles en milieu de travail, d’hostilité flagrante et d’un manque de soutien de la part des gestionnaires et du personnel de bureau. Il est tout à fait mal avisé de dire aux employés qu’il faut faire passer le devoir du travail avant le devoir de juré. La Semaine d’appréciation de la fonction de juré est l’occasion de nous rappeler à nous tous notre responsabilité civique et notre responsabilité de défendre cet important pilier de notre démocratie.
La santé mentale des jurés est au cœur du mandat de la Commission canadienne des jurés. Pour beaucoup, la fonction de juré est une expérience extrêmement gratifiante, et les jurés reconnaissent leur contribution positive au système judiciaire et à leur communauté. Or, nous reconnaissons que la fonction de juré n’est pas facile pour tous. L’expérience peut s’avérer extrêmement stressante. Pour certains, elle peut changer leur vie, avoir des répercussions sur leur santé mentale et entraîner une dépression, de l’anxiété, un syndrome de stress post-traumatique, voire pire.
Il y a 10 ans, la santé mentale des jurés était à peine un concept. C’était quelque chose dont on ne parlait pas et qu’on décourageait même d’aborder. Aujourd’hui, la santé mentale des jurés est une priorité pour de nombreux territoires et provinces, et la commission est fière d’offrir des programmes et des services qui soutiennent directement les jurés, comme notre projet pilote en Colombie-Britannique.
La Semaine d’appréciation de la fonction de juré est aussi l’occasion de rappeler aux jurés de penser à leur santé mentale, de reconnaître leurs expériences vécues et de leur offrir espoir et soutien. La Semaine d’appréciation de la fonction de juré doit être ajoutée à notre calendrier d’occasions et d’événements spéciaux et occuper une place importante parmi les autres services et professions de première ligne que nous reconnaissons et célébrons déjà.
Je vous remercie de m’avoir invité ici aujourd’hui pour appuyer le projet de loi S-252.
La présidente : Merci beaucoup, monsieur Farrant.
Tina Daenzer, directrice des finances et cheffe de l’exploitation, Commission canadienne des jurés : Merci, honorables sénateurs, de m’avoir invitée à participer à cette discussion aujourd’hui pour appuyer le projet de loi S-252. Tout d’abord, j’aimerais également remercier la sénatrice Moncion de parrainer ce projet de loi.
Je m’appelle Tina Daenzer et je suis actuellement directrice des finances et cheffe de l’exploitation de la Commission canadienne des jurés. Je suis également une ancienne jurée qui a participé à l’un des plus horribles procès pour meurtre au Canada, qui m’a marquée à jamais. Bon nombre d’entre vous, comme la plupart des Canadiens, ne sont probablement pas conscients des répercussions que l’accomplissement de votre devoir peut avoir sur votre vie et votre santé mentale. Je veux donc expliquer pourquoi le simple fait de montrer sa reconnaissance et d’adopter ce projet de loi importe tant.
L’un des plus grands problèmes entourant la fonction de juré est le fait que la plupart des Canadiens ne savent pas comment le processus fonctionne réellement. Comment pourrait-on le savoir? Contrairement aux Américains, une fois le procès terminé, les Canadiens n’en parlent jamais. Les jurés sont tenus au secret sous la foi du serment. À moins de faire partie de la communauté juridique ou d’avoir été convoqués à participer à un jury, la plupart des Canadiens pensent très peu aux réalités des jurys. En fait, je suis presque certaine que la première réaction de la plupart des gens qui reçoivent une convocation est de se demander comment ils peuvent esquiver la responsabilité.
Cette convocation peut déclencher un torrent de pensées stressantes. Devrai-je m’absenter du travail? Que dira mon patron si je suis sélectionné? Pourrais-je être licencié? Mon entreprise continuera-t-elle à me payer? Qu’en est-il de la garde des enfants ou des personnes âgées? Qui paiera mes frais de transport et de stationnement? Combien de temps le procès durera-t-il — des semaines ou des mois? Les questions sont innombrables, et l’anxiété, bien réelle.
Si vous êtes sélectionné, votre expérience n’est pas digne d’une émission de télévision. La procédure ne ressemble à rien de ce que vous avez connu auparavant et peut être extrêmement stressante. Même si des preuves explicites ou troublantes ne sont pas présentées comme au procès auquel j’ai participé, les émotions restent vives, car vous tenez la vie d’une personne entre vos mains. Pensez aux accusés qui ont été déclarés coupables et qui ont été disculpés des années plus tard. Imaginez la culpabilité qu’un juré doit ressentir pour cette décision, même si elle était fondée sur les preuves présentées.
La rémunération des jurés est encore nettement insuffisante pour former un jury vraiment équilibré. À vrai dire, en Ontario, les montants n’ont pas changé depuis ma participation au procès de Paul Bernardo en 1995. Les 10 premiers jours ne sont pas rémunérés, puis on commence à toucher 40 $ par jour. Des millions de Canadiens occupent des emplois au salaire minimum ou sont des travailleurs indépendants, ce qui signifie qu’ils sont financièrement incapables de faire partie d’un jury. Si nous voulons vraiment former des jurys de pairs, nous devons veiller à ce que chaque Canadien puisse en faire partie.
Le soutien en santé mentale pour les jurés n’est toujours pas offert dans certaines provinces; ceux qui y participent doivent donc payer leurs thérapies de leur poche s’ils désirent en suivre. Nous ne devrions pas demander à nos citoyens de s’acquitter de leur devoir sans soutien et au détriment de leur santé mentale.
Nous avons constaté certaines améliorations à ces égards au cours des deux ou trois dernières années. Depuis sa création, la Commission canadienne des jurés travaille d’arrache-pied au nom des citoyens pour améliorer la fonction de juré en collaborant directement avec le ministère de la Justice et les diverses provinces, mais il reste encore beaucoup de travail à faire.
Si la fonction de juré est si importante pour l’ensemble de notre système juridique, pourquoi les personnes sélectionnées souffrent-elles d’un tel manque de reconnaissance, tant sur le plan de la rémunération que sur celui de la santé mentale? De nombreuses études ont montré que la reconnaissance en milieu de travail stimule l’engagement, attire de meilleurs employés, aide le personnel à trouver un sens à son travail et renforce les aspects positifs. Dans notre pays, nous devrions tous souhaiter ces bienfaits, non seulement pour les employés, mais aussi pour les personnes choisies comme jurés. Nous devons veiller à ce qu’ils se sentent soutenus et valorisés et que, à la fin du procès, ils puissent repartir avec le sentiment d’avoir vécu une expérience gratifiante et enrichissante.
Merci pour votre temps. Je vous en suis grandement reconnaissante et j’espère que vous contribuerez à l’adoption de ce projet de loi.
La présidente : Merci beaucoup, madame Daenzer.
L’hon. Patrick J. LeSage, ancien juge en chef de la Cour supérieure de justice de l’Ontario, à titre personnel : C’est un honneur d’être invité ici aujourd’hui. Pour ce qui est de ma déclaration liminaire, je pense que tout ce que j’avais à dire a déjà été exprimé avec éloquence par les deux orateurs précédents. Je pense que je n’ai pas grand-chose à ajouter, sinon de répéter un petit élément, à savoir que notre système judiciaire est ou devrait être réellement basé sur les valeurs de la communauté. Le jury constitue le lien que notre système judiciaire a — un lien très direct — avec les interprétations et les points de vue de la communauté. Les jurés n’incarnent pas leurs opinions, mais plutôt leur application des lois de notre pays.
Je raffole des jurés. J’ai travaillé avec des centaines de jurés et à des centaines de procès avec jury, à la fois en tant que procureur et en tant que juge, sur une période qui remonte à 60 ans. Je ne suis pas au fait des changements très récents qui se sont produits, mais je suis au courant des expériences que les deux orateurs précédents ont mentionnées, et je suis entièrement d’accord avec eux.
Voilà qui termine ma déclaration liminaire. Merci.
La présidente : Merci beaucoup à nos témoins. Nous allons maintenant passer aux questions des sénateurs. Les sénateurs disposeront d’environ quatre minutes pour poser leurs questions, ce qui inclut les réponses des témoins. Il serait utile que vous indiquiez à qui vous adressez vos questions et, si vous voulez que tous les témoins répondent, quelle réponse vous souhaiteriez entendre en premier. Je demanderai également à mes collègues les membres du comité de parler clairement et lentement lorsqu’ils poseront leurs questions.
La sénatrice Seidman : Merci à tous nos témoins d’être avec nous aujourd’hui et de nous présenter des informations qui sont manifestement nouvelles pour nous tous et qui nous ouvrent les yeux dans une large mesure. La réalité est troublante, à vrai dire.
Je vais vous adresser ma question, monsieur Farrant. Ce que je trouve troublant, c’est qu’il n’y a pas de données. Vous nous présentez le début d’une collecte de données, ce qui est rassurant.
J’aimerais savoir si vous avez connaissance de projets en cours où l’on tente de recueillir des données sur les répercussions sur les jurés. De telles données seraient extrêmement utiles pour de futurs programmes, les efforts de sensibilisation et l’aide financière.
J’aimerais savoir si une initiative est en cours maintenant qu’on semble reconnaître qu’il faut agir.
M. Farrant : Je vous remercie de la question.
Il est extrêmement difficile de mener des recherches avec des jurés, car la structure de l’appareil judiciaire empêche l’accès aux jurés. Par conséquent, les chercheurs, les universitaires et les professionnels de la santé ne sont pas autorisés à interagir avec les membres d’un jury. On ne peut pas les approcher. Les médias ne sont pas autorisés à approcher les membres d’un jury. Ils sont anonymes, leur identité est secrète et ils sont tenus au secret, sous serment. C’est une disposition importante, voire extrêmement importante, de notre système judiciaire.
Nous avons malheureusement entendu parler de cas où des jurés, à leur sortie du palais de justice, ont été suivis jusqu’à leur voiture par des personnes qui étaient à la tribune. Des jurés ont exprimé des craintes réelles pour leur sécurité. Ce n’est pas de la fiction, mais la réalité. Ils disent avoir été suivis jusqu’à leur voiture ou l’arrêt d’autobus. Ils disent qu’on les a suivis, en voiture, jusqu’à leur domicile. Il est primordial de maintenir ce degré de sécurité et de secret, mais cela nuit à la tenue de recherches à des fins éducatives.
Des chercheurs tentent actuellement d’entreprendre une telle étude au Royaume-Uni, mais se butent aux mêmes difficultés que nous pour ce qui est du manque d’accès et de contact.
Nous avons fait beaucoup de recherches, sous forme de groupes de discussion, auprès d’anciens jurés. Cela a été très enrichissant et nous a permis d’obtenir des données très pertinentes qui, encore une fois, ne sont pas quantitatives, mais qualitatives.
La sénatrice Seidman : Je crois que la sénatrice Moncion a parlé d’un sujet auquel vous avez fait allusion. Vous avez parlé de modules de programmation et de certaines de vos activités. Cela vous donne accès à des jurés qui, selon toute vraisemblance, ne sont plus anonymes.
M. Farrant : Les jurés qui ont participé à nos études ont été trouvés par l’intermédiaire de notre réseau. Donc, ce sont des gens qui se sont manifestés pour savoir comment participer, comment aider. Nous avons constitué un groupe de jurés au fil des ans.
Nous avons adopté la théorie ancrée dans des données empiriques pour créer le programme qui est maintenant en place en Colombie-Britannique. C’est notre programme pilote; il comporte deux volets. Le premier est un réseau de soutien par les pairs que nous avons créé et qui sert à offrir une formation en soutien par des pairs aux anciens jurés. Investir dans le soutien par les pairs et offrir ce type de soutien aux travailleurs de première ligne pour lutter contre les problèmes de santé mentale et le suicide chez les travailleurs de première ligne est l’une des principales recommandations de la Commission de la santé mentale du Canada. Nous avons suivi cette recommandation et décidé d’offrir un programme complémentaire, notamment dans des administrations qui n’offrent pas de soutien en santé mentale après le procès. Donc, c’est un programme national.
L’autre volet est notre programme de formation en services d’accompagnement. Il s’agit d’un programme de formation en ligne complet offert au Service des shérifs de Colombie-Britannique. Il porte sur ce que c’est que d’être juré, à chaque étape d’un procès, et ce, du moment qu’une personne reçoit une assignation à comparaître dans sa boîte aux lettres. Il y a un volet sur l’intégrité et sur l’équilibre entre soutien et devoir. On y explique les troubles de santé mentale, et il y a une série de scénarios. Les membres de la cohorte du Service des shérifs de Colombie-Britannique qui ont suivi cette formation ont non seulement dit que c’était une excellente formation, mais que c’était la meilleure formation qu’ils avaient reçue au cours de leur carrière au sein du service.
La sénatrice Seidman : N’est-ce pas un cercle vicieux de ne pas pouvoir offrir du soutien aux gens ni faire un suivi de leur bien-être parce qu’on ne peut pas les identifier? Il est donc très difficile d’offrir les programmes qui pourraient être nécessaires pendant qu’ils sont jurés et par la suite.
Je me demande s’il est possible... Je pense que le programme que vous avez créé et dont vous venez de parler pourrait être utile à cet égard. Y a-t-il moyen d’établir des programmes de concert avec le système judiciaire, en collaboration avec des acteurs qui sont déjà dans le milieu et qui travaillent avec les jurés? Ce que je veux dire, c’est qu’il est évident qu’il y a un besoin de sensibilisation aux répercussions possibles sur les jurés.
M. Farrant : Voilà pourquoi nous considérons que les principales personnes-ressources pour les jurés sont les constables, les agents de cour et les shérifs. Ils sont les premiers à interagir avec les jurés au quotidien. Ce sont eux qui les accueillent le matin et les gèrent tout au long du procès. Ce sont eux qui, dans certains cas, les appellent par leur nom. Ils tissent des liens tout au long du procès. Par conséquent, ils sont les mieux placés pour leur apporter soutien et réconfort.
La formation que nous leur offrons ne vise pas à en faire des thérapeutes, mais à les aider à intervenir dans certaines situations, par exemple lorsqu’un juré pleure en coulisses ou lorsqu’un juré est en détresse, afin que le travail puisse se poursuivre.
Voilà pourquoi les programmes de soutien aux jurés après le procès, comme notre programme de soutien par les pairs, sont offerts aux jurés lorsqu’ils sont libérés de leurs fonctions. Ils peuvent parler à un juré qui comprend ce que c’est que d’être juré, qui est passé par là et qui a une expérience commune. Voilà la beauté du soutien par les pairs: cela permet de parler à une personne qui comprend ce que vous vivez.
Certaines provinces — la Colombie-Britannique, la Saskatchewan et l’Ontario — ont créé et assurent la prestation de programmes de soutien aux jurés après le procès. Nous sommes très fiers du rôle que nous avons joué dans la création de ces programmes. Toutefois, le nombre de séances offertes est limité et il y a un manque d’uniformité d’une province à l’autre. L’adoption d’une norme nationale était l’une des recommandations du rapport du Comité permanent de la justice et des droits de la personne.
La sénatrice Seidman : Vos propos me portent à penser qu’il y a moyen de collecter des données. Il s’agirait de données anonymisées, mais il est possible de collecter des données basées sur vos programmes. Les shérifs qui voient les jurés au quotidien, qui... Je pense simplement qu’il y a moyen d’intégrer la collecte de données sur les répercussions, même si elles sont anonymisées.
M. Farrant : Certainement.
La sénatrice Seidman : En fin de compte, ce projet de loi et le travail que vous faites pourraient servir à fournir les données fondées sur des preuves qui sont nécessaires pour créer le type de services dont les jurés ont désespérément besoin.
J’espère que vous aurez cette occasion et que vous pourrez en tirer parti pour collecter des données qui pourraient être utiles à cet égard.
M. Farrant : Nous l’avons fait. Je vous remercie de votre commentaire et de votre question.
Nous utilisons les données que nous avons, notamment les données des groupes de discussion qui portent sur ces expériences, pour faire des présentations régulières aux acteurs du système judiciaire. Nous avons des preuves très concrètes des effets à long terme de la fonction de juré, de ce qu’une personne ressent 10 ans après avoir été juré et de ce qu’elle vit lorsque l’affaire fait l’objet d’un nouveau procès. Pour un ancien juré, apprendre que l’affaire pour laquelle il a été juré est renvoyée en procès parce qu’une erreur a été relevée est dévastateur. Soudainement, 10 ans plus tard, cela peut raviver quelque chose que la personne est incapable de gérer. Nous avons ces données.
La sénatrice Seidman : Je vous félicite sincèrement de cette initiative et du travail que vous faites. Je pense qu’il est important de sensibiliser chacun d’entre nous, y compris les législateurs, sur les répercussions du devoir de juré.
Merci.
[Français]
La sénatrice Mégie : Je vais poser ma question en français. Vous avez parlé tout à l’heure de la fonction de juré; quand les gens reprennent leur travail, dans leur milieu de travail, il y a peut-être de l’hostilité ouverte ou des représailles.
Est-ce lié au fait qu’ils ont manqué des jours de travail et que, de ce fait, la charge de travail était trop grande pour les autres, ou bien est-ce parce que la population était en faveur ou en défaveur du verdict, et que les gens réagissent en faisant subir des représailles?
[Traduction]
M. Farrant : Je vous remercie de la question.
Très souvent, pour ce qui est du dernier point de la question, ce n’est pas lié au verdict. La plupart des employés qui participent à un procès n’en parlent pas et ne révèlent pas sur quel procès ils ont participé, en particulier lorsqu’il aboutit à un verdict nuancé ou un verdict avec lequel le public n’est pas d’accord, disons. C’est un autre traumatisme pour les jurés, car dans le cas d’un jury qui rend un verdict d’homicide involontaire, la preuve, le processus et la présentation de la preuve ne relèvent pas du jury. Le rôle du jury consiste à évaluer les éléments de preuve en fonction de la loi. La décision rendue en fonction de la preuve présentée au jury. Le jury fait son travail. Voilà la nature du travail et voilà le résultat. Toutefois, il arrive que les jurés éprouvent de l’angoisse et du chagrin en raison du résultat. Il est rare qu’ils disent qu’ils ont participé ou qu’ils se sentent liés à un procès quelconque.
Quant à la première partie de la question, les employeurs réagissent avec agressivité et colère lorsqu’un procès dure quatre mois ou plus. Je connais des jurés qui ont participé à des procès ayant duré 11 mois et 18 mois. La personne s’absente du travail ou continue peut-être quand même de travailler. C’est le cas de nombreux jurés. L’attente, même si l’employeur se dit fier que son employé occupe la fonction de juré, c’est qu’il continuera de faire son travail. Par conséquent, le juré se trouve à occuper deux fonctions. Le jour, il fait son devoir de juré; le soir, il brûle la chandelle par les deux bouts pour faire son travail et le remettre à temps. Certains vont même au bureau après la fermeture du tribunal. C’est ce que j’ai fait. J’allais au bureau et je travaillais jusqu’à 2 heures du matin, puis j’étais de retour au tribunal le lendemain matin pour m’acquitter de mes fonctions. J’ai fait cela pendant les quatre mois du procès.
[Français]
La sénatrice Mégie : Merci. J’ai une question de précision pour Mme Daenzer. J’ai cru comprendre que vous avez spécifié que la non-divulgation — le droit au secret — était encore en vigueur au Canada. Pouvez-vous me dire si c’est encore en vigueur aux États-Unis ou alors cela n’existe plus?
[Traduction]
Mme Daenzer : Honnêtement, je ne sais pas si cela a toujours existé aux États-Unis, mais lors d’importants procès très médiatisés, on voit les jurés commenter devant les caméras, à la sortie de la cour, l’ensemble de la procédure, la décision et tout autre aspect. Ici, cela n’arrive pas. Comme M. Farrant l’a indiqué, l’identité des jurés est secrète. Les médias ne sont pas autorisés à les approcher, à moins qu’un juré ne dise « J’ai quelque chose à dire ». Son nom devient alors connu du public.
[Français]
La sénatrice Mégie : Merci.
[Traduction]
Le sénateur Cormier : Ma question s’adresse à M. Farrant ou à Mme Daenzer.
Je crois que la sénatrice Seidman a posé une question à la sénatrice Moncion au sujet des conséquences imprévues de ce projet de loi, s’il est adopté. Voulez-vous répondre à cette question? Pensez-vous qu’il pourrait y avoir des conséquences involontaires? C’est ma première question.
Deuxièmement, ni l’importance des jurés pour le système de justice ni le risque pour la santé mentale associé à la fonction ne sont propres au contexte canadien. Outre les quelques États américains qui honorent officiellement les jurés, comment la contribution et le service des jurés sont-ils reconnus ailleurs dans le monde? Savoir ce qui se fait ailleurs pourrait-il nous aider à comprendre les enjeux?
M. Farrant : Je vous remercie de la question.
Pour ce qui est des conséquences imprévues, je ne pense pas que la volonté de faire partie d’un jury... Cela pourrait empirer, mais elle est déjà très faible. C’est d’ailleurs le cas depuis des années, voire des décennies, en raison du manque d’investissement dans la fonction de juré. Donc, le discours qu’on entend sur le désir de se soustraire au devoir de juré découle de témoignages qui circulent dans la communauté selon lesquels cela constitue une expérience horrible, d’une certaine manière. Nous n’avons pas vraiment réussi à faire connaître l’importance du devoir civique qu’est la fonction de juré ou à partager les expériences positives de nombreux jurés. Beaucoup de jurés sortent de l’expérience avec le sentiment d’avoir contribué au système de justice, d’avoir fait quelque chose pour leur pays, et ils en parlent pendant des années : « J’ai participé à un procès et j’en suis très fier. »
Voilà les témoignages que nous voulons transmettre aux Canadiens. Voilà l’approche que nous voulons adopter. Lorsqu’on pense au devoir de juré, la réaction ne doit pas être « Comment vais-je m’en soustraire? », mais plutôt « Je pense que ce serait une expérience intéressante et je veux contribuer. »
Encore une fois, il y a des Canadiens qui ont de l’intérêt. Lorsqu’ils reçoivent l’assignation à comparaître, ils attendent l’expérience avec impatience et sont intéressés. Cependant, beaucoup de gens ne le sont pas et sont préoccupés par les répercussions que cela peut avoir sur eux ou sur leur emploi : « J’ai tellement peur d’en parler à mon employeur; je ne sais pas comment il va réagir, ou plutôt je sais comment il va réagir et ce ne sera pas bon. »
Pour ce qui est de la reconnaissance, nous avons eu d’excellentes discussions avec des responsables de la Californie, du Texas, du Missouri, de la Floride et de l’État de New York. Beaucoup de ces États ont déjà une semaine d’appréciation des jurés ou du devoir de juré. Je pense qu’ils n’ont pas atteint le niveau espéré. C’est une approche fragmentaire et non une reconnaissance à l’échelle nationale. Les tribunaux fédéraux des États-Unis reconnaissent aussi ce rôle, mais il y a peu de choses en ce sens ailleurs dans le monde.
Le sénateur Cormier : Pour vous, après l’adoption de ce projet de loi, quels seront les principaux enjeux sur le plan financier? Où les fonds doivent-ils aller en priorité?
M. Farrant : Pour ce projet de loi, c’est le financement; voilà le principal problème. Nous avons un plan pour lancer des initiatives dans les milieux de travail canadiens. Nous voulons parler de l’importance du devoir de juré directement aux employeurs de partout au pays. Nous voulons les rencontrer pour leur rappeler qu’ils ont la responsabilité et l’obligation d’appuyer leurs employés qui font partie d’un jury.
C’est le dernier devoir civique obligatoire qui reste dans notre société. Il n’y a rien d’autre. Nous n’avons pas de conscription pour le service militaire et voter n’est pas obligatoire, mais la fonction de juré est obligatoire.
Nous voulons faire des présentations dans les écoles. Nous avons une plateforme éducative. Lorsque nous parlons aux enseignants, ils sont très enthousiastes et nous disent que leurs étudiants adoreraient cela. Nous voulons faire les choses correctement, en permettant aux étudiants d’utiliser la technologie et de participer sur des plateformes numériques.
Nous voulons promouvoir ce rôle dans l’ensemble du pays. Nous menons une campagne de remerciement à l’intention des jurés depuis maintenant deux ans. Nous sommes très fiers que d’éminents Canadiens aient donné de leur temps pour participer à notre campagne dans le passé.
Cela dit, c’est une question de financement. La concrétisation de ces programmes est tributaire du financement.
La présidente : J’ai deux questions. La première s’adresse à l’honorable Patrick LeSage.
M. Farrant a indiqué que lorsque ce projet de loi deviendra loi, le cas échéant, les constables, les agents de cour et les commissaires joueront un rôle dans la Semaine d’appréciation de la fonction de juré. Vous êtes juge. Selon vous, quel rôle les juges devraient-ils jouer, le cas échéant, dans l’appréciation de la fonction de juré dans le cadre de la semaine proposée?
M. LeSage : C’est délicat, mais nous avons des façons d’aider, à tout le moins.
Une des situations délicates, c’est la possibilité qu’un juré soit perturbé sur le plan psychologique de manière substantielle et significative en cours de procès. La question qui se pose est de savoir si quelqu’un, dans l’appareil judiciaire, peut recommander qu’elle consulte un psychiatre ou un psychologue, par exemple. Le risque, en fin de compte, c’est que l’on pourrait se demander si le vote de cette personne au sujet du verdict est le sien ou celui du psychologue ou du psychiatre.
Cela dit, il est très important, dans l’appareil judiciaire, de reconnaître l’existence de ce problème très réel et d’offrir, à tout le moins, une aide quelconque à ces personnes. J’ai directement participé à ce processus il y a près de 30 ans. J’avais organisé... C’était une initiative privée; un groupe de psychologues et de psychiatres donnaient de leur temps pour venir discuter avec les jurés après le procès. Maintenant, il est peut-être trop tard, mais l’autre problème, c’est qu’il faut faire preuve d’une grande prudence avant d’offrir des traitements ou des conseils au cours d’un procès. C’est délicat.
Dans ce cas, grâce à la bonté et à la générosité des psychologues et des psychiatres, nous avions fait en sorte que les jurés puissent consulter ce genre de professionnels immédiatement après le procès et, en fait, avant même qu’ils ne quittent le palais de justice. Les jurés n’étaient pas forcés de le faire, la participation étant volontaire. Nous avions préparé deux locaux séparés, et les séances qui ont eu lieu se sont évidemment déroulées en toute confidentialité. À la suite du verdict, les 12 jurés sont entrés dans la salle des jurés, et je leur ai expliqué que nous disposions de ce service. Ils m’ont semblé très reconnaissants. J’ai pris le soin de préciser que notre intervention ne s’inscrivait pas dans un cadre judiciaire de suivi et de traitement.
À l’époque, il s’agissait d’une structure plutôt rudimentaire, mais je pense qu’il est possible de trouver les moyens d’offrir aux jurés l’accès gratuit à des services psychologiques et psychiatriques. Il ne s’agit pas d’une panacée, mais cela fait partie de la solution.
J’admire profondément le travail effectué par M. Farrant et par Mme Daenzer, qui se sont beaucoup impliqués dans ce dossier au fil des ans. La situation a beaucoup évolué, alors que nous ne partions de rien, pour arriver à un stade où nous sommes au moins en mesure de fournir un peu d’espoir aux jurés. Mais il faut encore créer une structure — et ne me demandez pas comment faire pour s’y prendre —, qui permet aux jurés de comprendre dès le début de leur parcours qu’ils peuvent avoir accès à de l’aide psychiatrique.
La présidente : Merci beaucoup.
Monsieur Farrant, j’ai moi-même déjà agi comme jurée et j’ai été enfermée avec les autres jurés pendant deux semaines. Je travaillais à l’époque pour un employeur compréhensif, et je n’ai donc pas été pénalisée sur le plan financier, bien que tout le processus ait été difficile.
Je voudrais vous demander si vous avez une idée du contexte actuel au sein des ressources humaines et des employeurs. Est-ce que vous percevez une tendance chez les ressources humaines à considérer le travail du juré comme un ultime devoir de citoyen. Cet enjeu me tient réellement à cœur parce que le Canada n’a pas de service national pour les jeunes, comme le déplorent plusieurs d’entre nous. En tant que citoyens, il nous reste le devoir de juré. Je me demande si vous avez l’impression que les entreprises, et notamment les grandes entreprises, réalisent l’importance que revêt le devoir civique.
M. Farrant : Je vous remercie pour cette question très intéressante. Nous avons effectué un certain nombre de travaux et d’enquêtes dans ce domaine. L’acceptation et la promotion du devoir de juré sont quasiment inexistantes dans le monde du travail. Dans les modules de ressources humaines comme dans les portails en ligne de type « Découvrez votre employeur », le devoir de juré n’est même pas mentionné. Dans le meilleur des cas, on peut trouver une petite ligne indiquant que le salaire de l’employé continuera de lui être versé pendant la période du procès. Mais c’est tout.
Dans certains cas, le portail des employés présente de courts récits, du genre l’employé Bob a accompli son devoir civique, mais il a également effectué des heures supplémentaires pour son employeur. Nous sommes donc très fiers de Bob, qui a su démontrer sa loyauté envers son employeur. Par contre, de telles histoires ne mettent jamais de l’avant l’importance du devoir de juré ni l’engagement de l’entreprise à soutenir les jurés.
Lorsque l’on s’adresse directement aux professionnels des ressources humaines, certains d’entre eux ne connaissent même pas la politique de leur entreprise à l’égard du devoir de juré. Je parle ici d’entreprises bien établies et respectées, et ce, dans tous les secteurs économiques.
Beaucoup de jeunes entreprises ont considérablement amélioré leurs connaissances en deux ou cinq ans. Auparavant, elles n’avaient jamais pensé au devoir de juré et n’avaient donc pas élaboré de politique à ce sujet. Toutefois, en étudiant l’objectif, l’esprit et la lettre de cette loi, de nombreux dirigeants d’entreprise se sont rendu compte qu’en réalité, ils n’ont pas besoin de faire grand-chose. L’employeur peut par exemple accorder à son employé un congé d’invalidité à court terme, et n’est pas tenu de lui verser un salaire normal. C’est la loi dans toutes les provinces, sauf à Terre-Neuve-et-Labrador. Il est illégal de licencier un employé ayant été appelé à intégrer un jury, mais l’employeur n’est pas tenu de lui verser un salaire. Il s’agit là d’une disposition de l’employeur qui s’inscrit dans le cadre des meilleures pratiques.
La présidente : Le gouvernement fédéral dispose d’un levier par rapport aux employeurs relevant de la compétence fédérale. Je vous laisse le soin d’y réfléchir.
[Français]
La sénatrice Petitclerc : Ma question s’adresse à vous, monsieur Farrant, mais je serai évidemment heureuse d’entendre les autres témoins.
Je vous écoutais et il me semble qu’il y a quand même plusieurs choses qu’on peut faire pendant qu’un juré est en train d’accomplir son devoir, c’est-à-dire que c’est à ce moment-là qu’on a un contact avec eux, même s’ils sont anonymes, et qu’on peut leur offrir des services ou des outils.
Est-ce que cela restera un grand défi de se demander si on peut faire un suivi une fois qu’ils sont retournés à la maison? Cela me semble un point de grande vulnérabilité s’ils en ont besoin, quelques semaines ou quelques années après.
Pour votre groupe de pairs, vous avez dit plus tôt que les gens ont levé la main. Qu’est-ce qui se passe avec ceux qui, pour toutes sortes de raisons, ne lèvent pas la main? Est-ce même réaliste de croire qu’on pourrait, d’une façon ou d’une autre, être en mesure de faire un suivi auprès de ces gens pour s’assurer qu’ils n’ont pas de besoins particuliers quelques semaines ou quelques mois après? Est-ce que cela restera toujours un grave problème, puisqu’ils sont anonymes?
[Traduction]
M. Farrant : Je vous remercie de la question. Nous avons récemment organisé des groupes de discussion composés d’anciens jurés, et nous sommes très heureux de collaborer directement avec l’unité d’enquête du coroner de l’Ontario. Nous sommes très fiers qu’un accord ait été conclu avec l’unité d’enquête pour assurer un suivi direct des jurés, et pour les faire participer à un groupe de discussion. Toutefois, il s’agit là d’un cas unique dans le cadre d’une entente conclue avec l’unité d’enquête, ce qui n’est pas le cas lors des procès criminels et civils.
Le suivi des jurés est une tâche particulièrement difficile, car il n’y a aucune disposition, aucune loi en place et aucun mécanisme pour assurer leur suivi une fois leur devoir accompli. Je ne suis pas familier avec les mécanismes de ce processus, et je ne sais pas exactement qui dispose de l’autorité nécessaire pour mener à bien cette démarche.
Le manque de renseignements en amont constitue également un défi pour les jurés. Nombre d’entre eux se disent extrêmement nerveux à l’idée de savoir ce que l’on attend vraiment d’eux le jour J. Plusieurs jurés ont beaucoup de questions, mais n’arrivent pas à trouver les renseignements adéquats. Nous avons donc conçu et modélisé une application de renseignements disponible en plusieurs langues, dont l’anglais, le français, et certaines langues autochtones. Cette application offre des services personnalisés aux jurés en fonction notamment de leur province de résidence.
Nous avons également évoqué la possibilité qu’il y ait un jour une sorte de « jour zéro », pas un jour un, mais bien un jour zéro où les jurés seraient informés de ce que l’on attend d’eux. Les jurés se posent toutes sortes de questions, et s’interrogent par exemple sur la manière de s’habiller lors du procès. Ce sont des questions simples, mais nous ne parvenons pas toujours à trouver les meilleures réponses.
Je tiens une fois de plus à préciser que notre objectif n’est pas de donner aux jurés notre propre avis concernant le procès auquel ils vont assister. L’important est de mieux les outiller par rapport à ce que l’on attend d’eux, et sur la procédure à suivre. Nous constatons certaines lacunes d’une province à l’autre, ainsi que des incohérences quant à la disponibilité de certains types de renseignements.
[Français]
La sénatrice Petitclerc : Madame Daenzer, comme on nous l’a dit plus tôt et depuis plusieurs années — et vous l’avez dit vous-même —, vous finissez d’accomplir votre devoir, on vous dit de garder le secret et c’est tout. À votre avis, est-ce que cela se passe encore ainsi? Les gens sont-ils un peu mieux outillés, ne serait-ce qu’avec un numéro de téléphone ou quelque chose d’autre, ou leur dit-on encore : « Merci, et gardez le secret »?
[Traduction]
Mme Daenzer : Oui, en effet. Je pense que ce manque de renseignements est entre autres attribuable à la culture du secret entourant les jurys. Mais comme l’a mentionné M. Farrant, quatre séances de conseil sont actuellement proposées en Colombie-Britannique, en Ontario et dans quelques autres provinces. Le projet pilote que nous avons lancé pour le programme de soutien par les pairs coïncide avec ces quatre sessions, de sorte qu’à la fin du procès, nous avons également créé une brochure que les shérifs pourront remettre à chaque juré. Cette brochure contient tous les renseignements pertinents sur le programme de soutien par les pairs. Les jurés pourront la conserver et nous contacter quelques mois plus tard. Il n’y a pas de stipulation pour ce programme en termes de durée ou de nombre de sessions, car, comme l’a expliqué M. Farrant, lorsqu’un prévenu se présente pour un nouveau procès ou pour demander une libération conditionnelle, cela peut déclencher tout un processus. Un juré pourra alors se connecter automatiquement sur le site Web, et prendre rendez-vous avec un employé de soutien pour discuter de son état mental.
La présidente : Merci beaucoup.
La sénatrice Burey : Ma question s’adresse à M. Farrant, à Mme Daenzer et à M. LeSage.
Monsieur Farrant, vous avez indiqué que seuls 19 % des Canadiens se disent prêts à servir au sein d’un jury. Je pense qu’il s’agit d’une information très importante pour le comité.
Madame Daenzer, vous avez parlé des répercussions sur le plan financier. Je crois me rappeler que nous avons également discuté avec la sénatrice Omidvar des différentes politiques en matière de ressources humaines, et de projets de loi à l’échelle fédérale et provinciale.
Monsieur LeSage, vous avez pour votre part décrit l’importance des liens communautaires.
J’aimerais comprendre de quelle manière ce projet de loi pourrait amener à la mise en place de groupes de jurés plus inclusifs? Je me doute bien que tel est votre objectif, mais comment y parvenir de façon concrète?
Mme Daenzer : Je vous remercie pour votre excellente question, à laquelle je vais essayer de répondre rapidement. Il s’agit en fait d’un enjeu qui nous occupe sur une base régulière.
Comme vous le savez, les personnes qui se présentent devant les tribunaux sont souvent issues de communautés marginalisées. Or, la Charte stipule que chacun a le droit d’être jugé par un groupe de pairs. Comme la moitié de la population canadienne n’a même pas les moyens financiers de faire partie d’un groupe de jurés, par conséquent, nous nous retrouvons fréquemment avec des groupes de jurés composés d’enseignants retraités qui ont beaucoup de temps libre, et de personnes qui travaillent pour un employeur capable de leur verser un salaire. Nous devons changer cet état de fait pour que les groupes de jurés reflètent réellement la population canadienne dans toute sa diversité. Le seul moyen d’y parvenir est de demander aux gouvernements provinciaux d’arrimer automatiquement la rémunération des jurés au salaire minimum, et ce, dès le premier jour du procès.
La sénatrice Burey : Je vous remercie.
La présidente : Sénatrice Burey, souhaitez-vous faire intervenir d’autres témoins, ou êtes-vous consciente de mon stress par rapport au temps?
La sénatrice Burey : Je suis consciente de votre stress, madame la présidente, et les témoins pourraient donc nous faire parvenir leur réponse par écrit.
La présidente : En effet, il s’agit d’une bonne solution.
La sénatrice Dasko : Ma question s’adresse à M. LeSage et à M. Farrant.
La sénatrice Moncion a dit tout à l’heure que certaines personnes ne devraient pas être appelées à faire partie d’un jury. J’aimerais approfondir cette question un instant pour déterminer dans quelle mesure les personnes susceptibles de souffrir de traumatismes de toutes sortes pourraient être exemptées lors de la sélection des jurés. Je pense par exemple aux gens qui, comme moi, pourraient être traumatisés à la vue d’images perturbantes ou d’autres formes de violence, ce qui est le cas lors de nombreux procès.
Dans quelle mesure le système judiciaire permet-il d’exempter des personnes du devoir de juré en raison de telles limitations potentielles? Monsieur LeSage, pourriez-vous nous faire part de votre avis à ce sujet, s’il vous plaît?
M. LeSage : Il s’agit d’une très bonne question. D’abord, je vous demande de garder à l’esprit le fait que j’ai participé à une quarantaine de procès au cours de ma carrière de juge, mais que cela remonte à plusieurs années. À cette époque, la procédure juridique exigeait de toujours demander aux jurés potentiels s’ils avaient un motif majeur de ne pas intégrer le groupe de jurés. Chacun avait donc le loisir de se lever et de révéler qu’ils souffrent de schizophrénie ou de bipolarité, par exemple. Je peux vous confirmer que cette façon de procéder a créé toutes de situations très embarrassantes.
Lors d’un procès auquel j’ai participé à titre de juge — je pense qu’il s’agissait du procès de Paul Bernardo —, nous avions demandé à tous les jurés potentiels de remplir un questionnaire. Ce questionnaire contenait des questions du genre : « Pourriez-vous, dans certaines situations, vous sentir incapacité ou mal à l’aise en raison de votre état de santé, que ce soit sur le plan physique ou mental? » En réalité, je ne pense pas que nous ayons utilisé le terme « santé mentale ». Le fait est que les jurés potentiels avaient l’occasion de répondre à un tel questionnaire, qui était ensuite transmis au juge, au procureur de la Couronne et aux avocats de la défense. Lors du procès Bernardo, il m’est arrivé de m’adresser tant à la Couronne qu’à la défense et de déclarer quelque chose comme : « Vous avez lu la réponse de Mme Jones à la question X du questionnaire. Êtes-vous d’avis que Mme Jones puisse bénéficier d’une exemption d’exercer son devoir de jurée? » La réponse des avocats de la défense ne tardait jamais à se faire entendre : « Oui, Mme Jones devrait être exemptée. »
À l’époque, c’était une façon de procéder. Il s’agissait d’une procédure supplémentaire très efficace, et qui a permis à de nombreux jurés potentiels d’être exemptés sans devoir révéler publiquement le motif justifiant une telle exemption.
La sénatrice Dasko : Monsieur Farrant, est-ce que selon vous cette procédure existe encore aujourd’hui?
M. Farrant : D’après ce que je sais, oui, chaque juré potentiel dispose toujours de la possibilité d’expliquer les raisons pour lesquelles il ne juge pas être en mesure d’intégrer un groupe de jurés. Certains évoquent par exemple leur incapacité à visionner des images ou des vidéos violentes. Dans la plupart des cas, les jurés potentiels obtiennent gain de cause et sont exemptés.
La sénatrice Dasko : Je vous remercie.
La présidente : Sénatrice Burey, voudriez-vous que M. Farrant ou Mme Daenzer réponde à votre question, car on m’indique que nos interprètes nous accordent cinq minutes supplémentaires.
La sénatrice Burey : Souhaitez-vous prendre la parole en premier, monsieur Farrant? Nous aimerions entendre votre avis sur le projet de loi, notamment sur la question de l’inclusivité du groupe de jurés.
M. Farrant : Je pense que ce projet de loi contribuera grandement à rappeler à l’ensemble des Canadiens l’importance de faire partie d’un jury, de participer au système judiciaire, et de représenter sa communauté. C’est l’occasion pour tout un chacun de représenter sa communauté directement au sein du système judiciaire. Il s’agit là d’un message que nous n’entendons pas trop souvent, mais qui doit être porté à l’attention de la population canadienne.
La rémunération des jurés constitue la pierre angulaire de notre système judiciaire. Nous avons reconnu l’existence d’un racisme systémique au sein du système judiciaire, et le simple fait d’augmenter la rémunération des jurés leur offre une excellente incitation à exercer leur devoir de citoyen. Je rappelle que la rémunération des jurés est inférieure au salaire minimum. En Ontario, par exemple, la rémunération d’un juré est de 5 $ de l’heure, ce qui ne permet évidemment pas de payer les factures ni de couvrir une perte de revenus. Ce petit montant permet à peine de s’acquitter de la facture du stationnement et du repas du midi.
La sénatrice Burey : Je vous remercie.
La sénatrice McPhedran : Comme je suis très attentive à l’heure, je ne vais pas me lancer dans une question trop complexe.
Je tiens à remercier la sénatrice Moncion, ainsi que nos témoins d’aujourd’hui et tous ceux et celles qui ont participé à l’élaboration de ce projet, car, à mes yeux, il s’agit avant tout d’une question de démocratie.
Monsieur Farrant, vous avez parlé du devoir de juré comme d’une obligation civique. J’irais même plus loin, car c’est toute la solidité et la crédibilité du système juridique canadien qui reposent sur le système des jurys. Je tiens à vous exprimer mon immense gratitude, et j’espère que nous pourrons continuer d’améliorer l’efficacité et l’inclusivité de notre démocratie.
M. Farrant : Merci beaucoup pour le compliment.
La présidente : Je souhaite remercier tous les membres du comité, ainsi que nos trois témoins : Mme Daenzer, M. LeSage et M. Farrant. J’aimerais également exprimer toute notre gratitude envers la sénatrice Moncion, qui nous a fourni l’occasion de discuter d’un sujet important auquel on devrait accorder davantage d’attention.
Merci beaucoup.
(La séance est levée.)