LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES TRANSPORTS ET DES COMMUNICATIONS
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mercredi 23 octobre 2024
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd’hui, à 18 h 47 (HE), pour étudier toute question concernant les transports et les communications en général.
Le sénateur Leo Housakos (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Bonsoir, honorables sénatrices et sénateurs. Je m’appelle Leo Housakos, je suis un sénateur du Québec et je suis président de ce comité. Je voudrais inviter mes collègues à se présenter, en commençant par ma gauche.
[Traduction]
La sénatrice Simons : Bonjour. Je suis la sénatrice Paula Simons. Je viens de l’Alberta, du territoire visé par le Traité no 6.
Le sénateur Cuzner : Rodger Cuzner, sénateur de la Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Robinson : Bonsoir. Bienvenue. Je suis Mary Robinson, de l’Île-du-Prince-Édouard.
Le sénateur Tannas : Scott Tanas, de l’Alberta.
Le sénateur Cardozo : Andrew Cardozo, de l’Ontario.
La sénatrice Clement : Bernadette Clement, de l’Ontario.
La sénatrice Dasko : Donna Dasko, sénatrice de l’Ontario.
Le président : Merci, chers collègues. Ce soir, nous entamons notre étude relative aux services locaux et régionaux fournis par la CBC/Radio-Canada.
Nous sommes ravis d’accueillir des représentants des Affaires culturelles à Patrimoine canadien : Mme Joëlle Montminy, sous‑ministre adjointe principale ; M. Michel Sabbagh, directeur général ; et Mme Annick Munezero, directrice. Je vous souhaite la bienvenue et vous remercie de vous joindre à nous. Nous entendrons d’abord votre déclaration préliminaire, pour laquelle vous disposerez de cinq minutes. Nous passerons ensuite aux questions et réponses. Madame Montminy, vous avez la parole.
Joëlle Montminy, sous-ministre adjointe principale, Affaires culturelles, Patrimoine canadien : Merci beaucoup, monsieur le président. Mesdames et messieurs les sénateurs, bonsoir. Je suis accompagnée de M. Michel Sabbagh, qui est le directeur général de la direction générale de l’audiovisuel, et de Mme Annick Munezero, directrice générale des Médias autochtones, numériques et publics à Patrimoine canadien.
Nous sommes ici pour vous parler de CBC/Radio-Canada, et plus particulièrement de ses services locaux et régionaux. Avant de commencer, j’aimerais mentionner que CBC/Radio-Canada est une société d’État qui fonctionne sans lien de dépendance avec le gouvernement. La Loi sur la radiodiffusion contient plusieurs dispositions qui garantissent sa liberté d’expression ainsi que son indépendance journalistique et de programmation.
CBC/Radio-Canada rend des comptes au Parlement et aux Canadiens par l’entremise de la ministre du Patrimoine canadien.
[Français]
CBC/Radio-Canada est également redevable devant le CRTC, qui a pour rôle de définir les obligations spécifiques du diffuseur public. Ses obligations comprennent des exigences relatives au contenu canadien ainsi qu’à la programmation et aux nouvelles locales.
[Traduction]
Le rôle de Patrimoine canadien à l’égard de CBC/Radio-Canada comporte deux fonctions principales. Le ministère appuie la ministre dans le domaine de la gouvernance et de la reddition de comptes des sociétés d’État. Cela inclut, par exemple, la coordination des nominations et le dépôt de rapports devant le Parlement. Le ministère fournit également des conseils stratégiques concernant le mandat et les objectifs de la société au titre de la Loi sur la radiodiffusion.
Par exemple, nous avons récemment aidé la ministre dans son travail avec le comité consultatif sur l’avenir de la société.
[Français]
Comme vous le savez sans doute, l’écosystème des médias est confronté à de nombreux défis au Canada et ailleurs dans le monde. Les fondements économiques qui soutenaient autrefois le journalisme d’intérêt public se sont érodés, créant des risques de désert médiatique un peu partout au pays.
Les éditeurs de la presse traditionnelle étaient autrefois bien placés pour fournir un journalisme de qualité qui soutenait la démocratie. Cependant, aujourd’hui, le contenu gratuit est largement disponible, la volonté de payer est faible et le marché de la publicité a été restructuré par les plateformes numériques mondiales. Par exemple, en 2021, Facebook, Google et Amazon ont recueilli plus de 88 % de tous les revenus publicitaires numériques au Canada.
[Traduction]
Ces plateformes sont en mesure d’attirer de la publicité, d’influencer l’attention, de façonner la manière dont le contenu est découvert et d’exploiter les données des utilisateurs pour conserver un avantage. Ainsi, elles ont entraîné la disparition de nombreux médias traditionnels.
De 2008 à 2024, 521 journaux au Canada, dont 400 journaux communautaires, ont fermé leurs portes ou se sont regroupés à la suite d’une fusion. Ces chiffres illustrent bien l’incidence de ces plateformes. Ces changements majeurs dans l’écosystème des médias ont mené à la propagation de la désinformation et à l’affaiblissement de la confiance des Canadiens dans les institutions démocratiques. Selon le Reuters Institute, la confiance des Canadiens envers les médias d’information se situe, dans l’ensemble, à 39 %, et la tendance est à la baisse tant chez les Canadiens anglophones et francophones. Cela représente une baisse de près de 20 points de pourcentage depuis 2018.
En réponse à cette crise, le gouvernement a pris des mesures pour soutenir les nouvelles locales, indépendantes et fiables. Ces mesures comprennent un soutien fiscal comme le crédit d’impôt pour la main-d’œuvre journalistique canadienne, le crédit d’impôt pour les abonnements aux nouvelles numériques et le statut d’organisations journalistiques enregistrées pour encourager les dons de bienfaisance.
Nous avons également présenté des mesures législatives — vous en connaissez quelques-unes —, notamment la Loi sur les nouvelles en ligne, adoptée il y a quelque temps, et des programmes de financement comme l’Initiative de journalisme local, le Fonds canadien pour les périodiques et le Fonds d’appui stratégique aux médias communautaires de la Direction des langues officielles.
Patrimoine canadien a également mis en place des mesures visant à renforcer la résilience de la société face à cette désinformation. Pensons au Programme de contributions en matière de citoyenneté numérique.
[Français]
En tant que radiodiffuseur public national, CBC/Radio-Canada joue un rôle essentiel dans la promotion de l’expression culturelle, du bilinguisme et de l’identité nationale. La Loi sur la radiodiffusion lui confie le mandat de fournir une large programmation qui renseigne, éclaire et divertit. Elle remplit ce mandat de plusieurs façons.
CBC/Radio-Canada a des histoires proprement canadiennes en anglais et en français sur ses 27 chaînes de télévision, 88 stations de radio et divers services numériques. Elle investit dans des productions issues des groupes sous-représentés, tout en offrant des services spécifiquement destinés aux communautés autochtones dans huit langues par l’intermédiaire d’antennes comme CBC North et CBC Indigenous. CBC/Radio-Canada joue également un rôle crucial dans la diffusion de nouvelles et d’informations, notamment à l’échelle locale et régionale. En effet, elle est présente dans plus de 60 communautés dans toutes les régions du Canada.
[Traduction]
Cette présence physique permet aux journalistes de couvrir et de mettre en valeur des sujets d’intérêt public qui sont pertinents pour les collectivités, ainsi que de favoriser un lien plus profond et un sentiment d’appartenance avec le radiodiffuseur public. Il convient également de souligner que sans le radiodiffuseur public, bon nombre de ces marchés deviendraient des déserts médiatiques, car ils ne seraient pas rentables pour les médias commerciaux.
En conclusion, à une époque de changements technologiques rapides dans un environnement médiatique en évolution, CBC/Radio-Canada continue de jouer un rôle important en soutenant et en informant les citoyens, et en préservant la culture et le débat public.
Merci, monsieur le président, de nous donner l’occasion de discuter du rôle du gouvernement du Canada et de CBC/Radio-Canada dans notre paysage médiatique national. Nous serons heureux de répondre aux questions du comité.
[Français]
Le président : Merci beaucoup, madame Montminy.
[Traduction]
La sénatrice Simons : Je remercie les témoins de leur présence.
Je dois vous dire que, avant de devenir sénatrice, j’ai été journaliste pendant 30 ans, dont six à la CBC et, pendant la dernière partie de ma carrière, j’ai travaillé pour des journaux. Je suis bien consciente des tendances que vous décrivez, à savoir que les journaux, en particulier dans les marchés régionaux à l’extérieur de Toronto et de Montréal, sont en chute libre.
Je suis d’avis que le rôle de la CBC n’a jamais été aussi important. Or, elle est tiraillée dans tous les sens. On attend d’elle qu’elle s’occupe de l’information régionale, étant souvent la seule source, ou du moins la principale source d’information, dans les collectivités où elle se trouve. Elle diffuse des programmes de radio et de télévision. Elle diffuse des nouvelles en ligne, ce qui représente une part beaucoup plus importante de son travail, car les gens ne regardent plus la télévision et consomment désormais les nouvelles en ligne. Elle offre des programmes en anglais et en français. Autrefois, son offre de programmes artistiques était beaucoup plus importante. Aujourd’hui, cette offre a pratiquement disparu, surtout à l’échelle régionale. Elle diffusait beaucoup d’émissions de fond. Cela ne se fait plus, plus particulièrement l’échelle régionale. En revanche, elle diffuse des émissions culinaires, des émissions musicales, des téléromans et j’en passe, et essaie de répondre aux intérêts de tous.
Est-il raisonnable d’attendre de la CBC qu’elle fasse tout cela avec le budget dont elle dispose? Est-il possible que, pour bien faire son travail à l’échelle régionale, elle ait besoin non pas de moins d’argent, mais de beaucoup plus d’argent? Est-il possible qu’elle ne puisse survivre que si elle se concentre sur les choses les plus essentielles pour les Canadiens, en particulier sur les services régionaux?
Mme Montminy : Je vous remercie de vos questions. Le financement de la société est au cœur de vos questions et vous vous demandez ce que nous pouvons faire à cet égard.
Comme vous le savez, la société a pour mandat de fournir un large éventail de services aux Canadiens, où qu’ils se trouvent. Oui, son mandat est très large. Elle a pour mission, je le répète, de renseigner, d’éclairer et de divertir. Il s’agit en quelque sorte de trois volets différents. Comme vous l’avez dit, contrairement à ce qu’elle faisait lors de sa création il y a 90 ans de cela, elle doit maintenant offrir ses services sur plusieurs plateformes, ce qui est très coûteux. Le Canada est un vaste pays, et les Canadiens sont dispersés sur tout le territoire. Il peut donc être difficile d’avoir une présence locale.
J’ajouterais que nous avons examiné le niveau de financement par habitant que d’autres pays investissent dans leur radiodiffuseur public. Il est parfois difficile de faire des comparaisons parce qu’au Canada, nous avons deux langues officielles et CBC/Radio-Canada offre également une couverture dans huit langues autochtones ; notre radiodiffuseur public évolue dans un environnement médiatique très complexe.
Cela dit, pour ce qui est du niveau de financement actuel, CBC/Radio-Canada reçoit environ 33 $ par citoyen par année. C’est le niveau de financement. Parmi les 20 grands pays démocratiques auxquels nous nous comparons, nous nous classons au 17e rang. La moyenne dans ces 20 pays est de 79 $ par citoyen par année. Le niveau de financement de la société est donc bien moindre et la situation est complexe, comme vous l’avez dit.
Des investissements ont été effectués au fil des ans. En 2016, le gouvernement a investi 675 millions de dollars sur cinq ans, puis un certain montant est devenu permanent. En raison de l’inflation et des dollars réels, cette augmentation n’est plus notable.
Au cours des dernières années, il y a eu des augmentations de 21 millions de dollars pour environ trois ans, et plus récemment, le budget de 2024 a augmenté le budget à 42 millions de dollars.
Ensuite, comme vous le savez certainement, la société a procédé à des mises à pied l’année dernière pour faire face aux pressions financières. Elle a aussi renforcé, dans une certaine mesure, sa présence locale dans quelques endroits. Elle dispose désormais de quelques nouveaux bureaux parce qu’elle se concentre sur la présence locale. Je ne me souviens pas du nombre de nouveaux bureaux, mais il y en a beaucoup qui comptent une ou deux personnes, ce qui lui permet d’avoir cette présence.
La sénatrice Simons : Il me semble que nous serions en bien meilleure posture si le gouvernement finançait non seulement la CBC, mais surtout les programmes régionaux, au lieu d’utiliser un projet de loi voué à l’échec comme le projet de loi C-18, qui n’a jusqu’à présent absolument rien fait pour le journalisme canadien et qui, d’ailleurs, a rendu l’accès aux nouvelles beaucoup plus difficile. Ce serait mieux que d’essayer de créer un instrument à la Rube Goldberg et de prendre l’argent d’ici et le mettre là. Pourquoi ne pas utiliser l’argent des contribuables canadiens pour servir les Canadiens là où ils vivent?
Mme Montminy : Je vous remercie de la question. Nous ne pouvons pas faire cela en raison de l’indépendance de la société. Nous ne pouvons pas orienter les activités des sociétés d’État. Comme je l’ai dit dans ma déclaration préliminaire, l’indépendance de la société est prévue par de nombreuses dispositions dans la Loi sur la radiodiffusion.
D’ailleurs, lorsque la société a été créée, on a décidé que le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, ou CRTC, aurait le pouvoir exclusif sur les conditions de licence, qui sont maintenant appelées conditions de service. Le gouvernement n’a aucun levier pour influencer le contenu de la société, ce qu’elle fait, comment elle le fait et où elle le fait.
Cela dit, la récente décision du CRTC à l’égard de CBC/Radio-Canada contient un certain nombre d’exigences quant à la présence locale, conformément aux grands objectifs de la loi. Par contre, nous ne pouvons pas orienter les investissements vers des activités précises.
La sénatrice Simons : Merci beaucoup. Cela est très utile pour établir le contexte.
Mme Montminy : Merci.
Le président : Ma question porte sur le mandat de la CBC en matière d’attribution de licence, mandat qui relève, en tout ou en partie, de la compétence exclusive du ministère. C’est le ministère qui détermine les obligations et les droits en matière d’attribution de licence. Lorsque la CBC a été créée, l’un des éléments fondamentaux avancés par Patrimoine canadien était qu’elle diffuse des informations locales et régionales.
La question que j’adresse aux représentants du ministère est la suivante : pourquoi cela fait-il des années que la société contrevient à sa licence? Elle l’a ignorée à cause des compressions budgétaires. Elle a diminué la diffusion d’informations régionales et locales de manière radicale au point où cela est devenu préjudiciable. Je le répète, elle contrevient totalement à cette licence et le CRTC continue de la laisser faire ; il contribue à cette situation en lui permettant de s’en tirer.
La question est la suivante : le CRTC a permis à la CBC de s’en tirer; mais pourquoi le gouvernement lui permet-il de ne pas se conformer aux exigences de sa licence?
Mme Montminy : Je vous remercie de la question. Comme je l’ai dit, le gouvernement n’a aucun pouvoir sur les exigences ou les conditions des licences. Conformément à la Loi sur la radiodiffusion, seul le CRTC peut déterminer les conditions de licence ou les conditions de service et veiller à ce qu’elles soient respectées. Le gouvernement n’a aucun rôle à jouer dans ce domaine. L’indépendance de la société en matière de programmation est telle que seul le CRTC peut imposer ces exigences et les faire respecter.
Le président : Madame Montminy, selon la Loi sur la radiodiffusion, la ministre a l’autorité de dernière instance pour ordonner au CRTC de lui retirer sa licence si elle ne la respecte pas. Au bout du compte, c’est toujours la ministre qui est responsable...
Mme Montminy : Il existe des...
Le président : ... c’est sans équivoque.
Mme Montminy : ... mécanismes. Par exemple, la dernière licence délivrée en 2002 comportait de nouvelles exigences et nous avons reçu 14 pétitions de diverses parties prenantes. En conséquence, le gouverneur en conseil a utilisé le pouvoir que lui confère la Loi sur la radiodiffusion pour demander au CRTC de réexaminer les conditions de licence qui avaient été proposées. Nous attendons une nouvelle décision ou la confirmation d’une décision. Nous ne savons donc pas quand le CRTC...
Le président : La ministre a donc ordonné au CRTC de la réexaminer?
Mme Montminy : Il lui a demandé de revoir sa décision.
Le président : Madame Montminy, reconnaissez-vous qu’au titre de la Loi sur la radiodiffusion, la ministre peut imposer des amendes?
Mme Montminy : Le gouverneur en conseil l’a fait ; pas la ministre. Cela ne se fait pas... mais il s’agit d’une différence importante.
Le président : Le gouverneur en conseil a-t-il le droit d’imposer des amendes si la société ne respecte pas sa licence?
Mme Montminy : Non.
Le président : Il ne peut pas imposer d’amendes?
Mme Montminy : Non. Si la société ne respecte pas sa licence, c’est le CRTC qui peut imposer des amendes.
Le président : Êtes-vous donc en train de dire que c’est le CRTC qui n’exécute pas son mandat?
Mme Montminy : Le CRTC a le pouvoir exclusif, oui.
Le président : Le CRTC n’impose pas d’amende et n’oblige pas la CBC à respecter la licence.
La sénatrice Clement : Je veux que vous reveniez sur les 39 % et le manque de confiance. Pourriez-vous approfondir ce point? Vous avez aussi déclaré qu’il y avait certaines choses que vous aviez... merci de votre présence, soit dit en passant. Pardonnez-moi mon impolitesse. La journée a été longue. Excusez-moi. Merci.
Vous avez dit que la confiance des Canadiens à l’égard des médias s’établissait à 39 %. D’où tenez-vous ce chiffre? Pouvez‑vous nous donner plus de détails à ce sujet? Vous avez ensuite énuméré quelques programmes : crédit d’impôt pour la main‑d’œuvre, crédits d’impôt pour les nouvelles numériques. Mettons de côté la Loi sur les nouvelles en ligne. Ces mesures ne semblent pas suffisantes pour contrer cet énorme problème.
Je me demande si Patrimoine canadien et le gouvernement ont d’autres plans, car cette situation est alarmante.
Mme Montminy : Je vous remercie de votre question. Je laisserai mes collègues vous donner plus de détails sur les sondages d’opinion publique que j’ai cités.
Vous avez raison, nous observons les tendances que j’ai mentionnées dans ma déclaration préliminaire, et ce, malgré toutes les mesures que j’ai énumérées et que nous avons mises en place au fil des ans. Il s’agit d’un écosystème très complexe. De plus, les entités médiatiques dans cet espace sont structurées différemment et font face à différents défis.
Là encore, un crédit d’impôt pourrait être très utile. C’est probablement la mesure qui semble la mieux accueillie. Dans l’Énoncé économique de l’automne 2023, le gouvernement a augmenté le crédit d’impôt pour la main-d’œuvre journalistique à 35 % sur les salaires allant jusqu’à 85 000 $. Auparavant, ce crédit était beaucoup moins élevé. Il était de 25 % sur les salaires admissibles de 55 000 $. Cette mesure a été prise à la demande de l’industrie, car un certain nombre de médias en profitent.
Les autres mesures que nous avons mises en place poursuivent des objectifs différents. Par exemple, Patrimoine canadien offre depuis de nombreuses années le Fonds du Canada pour les périodiques. Son objectif est d’assurer la disponibilité d’un contenu diversifié. Il n’aide pas nécessairement le modèle d’affaires de l’industrie. Nous ne finançons pas l’organisation en tant que telle.
Nos mesures poursuivent toutes des objectifs différents. Mais, dans l’ensemble, je suis d’accord avec vous pour dire qu’il faut en faire plus parce que les temps sont toujours très difficiles pour les médias partout au pays, y compris à l’échelle locale. Je le répète, il est beaucoup plus difficile d’assurer la présence d’un marché viable dans certaines petites collectivités. C’est là que le radiodiffuseur public peut jouer un rôle, car, bien sûr, étant financé par des crédits et ayant le mandat de servir les Canadiens où qu’ils soient au pays, dans toutes les langues et en racontant diverses histoires, il s’ajoute à d’autres médias qui n’ont peut‑être pas les mêmes moyens.
La sénatrice Clement : Je vous remercie.
Michel Sabbagh, directeur général, Affaires culturelles, Patrimoine canadien : Si vous me le permettez, j’aimerais revenir sur l’étude du Reuters Institute que ma collègue a citée tout à l’heure. Elle indique que la confiance des Canadiens dans l’information en général, de 2018 à 2024, a chuté de 20 points de pourcentage. Si l’on examine la confiance accordée à la CBC en particulier, on constate que Radio-Canada est régulièrement classée au premier rang des médias d’information les plus dignes de confiance sur le marché francophone du Canada, avec un taux de 74 %. CBC News est systématiquement classée au quatrième rang des médias les plus fiables sur le marché anglophone du Canada, à un niveau comparable à celui des trois médias qui ont un meilleur classement : CTV News est à 66 %, les journaux régionaux et locaux à 65 %, tout comme Global News, et la CBC à 63 %.
La sénatrice Clement : Cela se trouve dans l’étude du Reuters Institute?
M. Sabbagh : C’est ce qu’indique son étude de 2024.
La sénatrice Clement : Par souci de transparence, chers collègues, je tiens à vous dire que ma sœur travaille pour Radio-Canada, à Montréal, dans le domaine de l’apprentissage, de la formation, de la diversité et de l’équité. Je voulais simplement vous en faire part.
[Français]
Ma prochaine question s’adresse à Mme Munezero. Je suis intéressée par le fait qu’en plus des langues officielles, on vise également à offrir des services en huit langues autochtones. J’aimerais comprendre comment cela s’est passé et pourquoi on parle de huit langues. Quel travail faites-vous avec les communautés? Est-ce développé en consultation avec celles-ci?
Annick Munezero, directrice, Affaires culturelles, Patrimoine canadien : Ce n’est pas nous qui déterminons les langues dans lesquelles CBC/Radio-Canada fournira ses services; CBC/Radio-Canada choisit ces langues de manière indépendante.
Par exemple, en 2020, ils ont commencé à développer une stratégie autochtone qui sera en vigueur de 2024 à 2027. Cette dernière a été développée en consultation avec les communautés autochtones, les leaders autochtones et les employés autochtones. CBC voulait savoir comment améliorer les services et le contenu offerts, pour mieux représenter les communautés autochtones dans leurs contenus.
Cette stratégie est en vigueur jusqu’en 2027; je crois qu’ils doivent déposer chaque année un rapport pour montrer les résultats obtenus et pour déterminer s’il y a des leçons qui ont été apprises, et décider de ce qu’ils vont faire pour améliorer les services.
La sénatrice Clement : Le choix des huit langues autochtones, c’est la responsabilité de CBC?
Mme Munezero : Oui.
La sénatrice Clement : Le gouvernement n’a pas de droit de parole pour suggérer des choses?
Mme Munezero : Non; c’est vraiment le choix de CBC‑Radio Canada, le gouvernement n’impose pas de conditions comme telles.
La sénatrice Clement : Cette stratégie est sur le site Web?
Mme Munezero : Oui, absolument.
La sénatrice Clement : Merci.
[Traduction]
La sénatrice Dasko : Je vous poserai d’abord quelques questions, avant d’en venir à ma question principale. Vous avez dit que le Canada se classe au 17e rang mondial sur le plan du financement. Cela concerne-t-il uniquement le financement public ou l’ensemble du financement de la CBC? Il ne faut pas oublier que la CBC engrange des recettes publicitaires, évidemment.
Mme Montminy : Je vous remercie de votre question. Cela ne concerne que le financement public.
La sénatrice Dasko : D’accord. Alors cette position au 17e rang ne concerne que les 33 $ par citoyen de l’argent des contribuables.
Je suis heureuse que vous ayez ajouté des détails à ceux fournis par Reuters, car j’ai consulté son étude. L’une des conclusions formulées par Reuters est que le niveau de confiance... bien sûr, il a baissé, mais il s’est en fait stabilisé, je crois, ces derniers temps. Peut-être que ce déclin ne sera pas aussi dramatique qu’on pourrait le croire. Avec 39 %, nous sommes dans la moyenne mondiale, qui est, selon l’étude de Reuters, de 39 %, n’est-ce pas?
Mme Montminy : [Difficultés techniques]
La sénatrice Dasko : En tout cas, nous nous situons au centre. Vous avez ensuite mentionné la CBC et d’autres médias. Je pense qu’il s’agit d’une partie importante de l’étude effectuée par Reuters.
Ma principale question est la suivante : j’aimerais me pencher davantage sur les dépenses régionales et locales de la CBC. Que pensez-vous de sa stratégie en matière de financement des programmes régionaux et locaux? Comment a-t-elle pris ses décisions? A-t-elle un plan stratégique ou improvise-t-elle? Sur quoi se base-t-elle pour décider de fermer une station locale? De quoi tient-elle compte? Qu’est-ce qui sous-tend son plan stratégique? Adopte-t-elle plutôt des mesures ponctuelles? Tout ce que vous pouvez me dire à ce sujet serait utile, car l’objet de notre étude est l’investissement et les dépenses à l’échelle locale et régionale.
Il y a aussi CBC Radio ; pas « Radio 2 », mais la radio. La radio dessert de nombreux marchés locaux. Comment cela s’inscrit-il dans la stratégie régionale telle que vous l’avez observée?
Mme Montminy : Je répète que CBC/Radio-Canada est totalement indépendante du gouvernement...
La sénatrice Dasko : Je comprends cela.
Mme Montminy : ... alors nous ne sommes pas tenus au courant. D’après ce que nous pouvons observer et ce que nous comprenons, je dirais que ce sont les conditions de service qui auront la plus grande incidence, car elles contiennent certaines exigences en matière de présence et de nombre d’heures de diffusion, en fonction de certains éléments, sur chacune de ses stations. J’indiquerai, par exemple, que les conditions de service imposent à chaque station de télévision de CBC/Radio-Canada de diffuser des nouvelles locales tous les jours, sauf les jours fériés, pendant au moins sept heures par semaine en langue anglaise sur les stations de télévision de CBC et pendant cinq heures par semaine en langue française sur les stations d’ICI TÉLÉ. Ces exigences sont semblables à celles des stations privées.
En ce qui concerne la présence et l’offre locale et régionale, j’imagine que la première… Ce n’est qu’un exemple particulier d’une condition de service liée à l’information dans toutes les stations. Mais au-delà de cela, dans le plan stratégique convenu, vous verrez que CBC/Radio-Canada veut donner la priorité à la présence locale. J’ai mentionné dans mes remarques préliminaires qu’ils ont ouvert de nouveaux bureaux. J’en ai ici une liste. Nous entendons souvent la société parler de sa volonté d’être présente dans laplupart des collectivités de 50 000 habitants et plus. Je pense que la CBC est absente de 31 de ces collectivités actuellement, alors que du côté de Radio-Canada, il n’y en a que quatre, parce que, bien sûr, le territoire à couvrir est beaucoup plus petit.
Récemment, la CBC a donné la priorité à la présence locale et a ouvert un bureau d’une ou deux personnes à Fort Smith dans les Territoires du Nord-Ouest, Nanaimo, Cranbrook, Grande Prairie, Lethbridge, Swift Current, Brampton et Kingston. Elle a également lancé sept balados locaux pour mettre en lumière et célébrer des collectivités de l’Île-du-Prince-Édouard à Vancouver. Ce sont des exemples de choses qu’on trouve dans le plan stratégique et qui se concrétisent ensuite par certaines décisions, activités et investissements.
La sénatrice Dasko : Il s’agit donc d’un modèle fondé sur la densité de la population?
Mme Montminy : Je sais que l’une des mesures consiste à être présents dans le plus grand nombre possible de collectivités de 50 000 habitants…
La sénatrice Dasko : Parlez-vous de la radio, de la télévision ou des deux ?
Mme Montminy : La présence ne signifie pas qu’il y a une station complète. Il y a des infrastructures dans tout le pays. Nous pourrions en dresser la liste. Il y a des infrastructures pour la radio et la télévision et ils utilisent évidemment maintenant… Je parle de la présence physique d’un journaliste dans la collectivité pour couvrir des sujets et interagir avec les gens.
La sénatrice Dasko : Merci.
Le sénateur Tannas : Merci d’être là. Je ne sais pas trop par où commencer. Je pourrais peut-être vous demander combien de personnes dans votre secteur, votre ministère, se concentrent spécifiquement ou exclusivement sur les activités de la CBC?
Mme Montminy : Je vais laisser mon équipe répondre. Je ne pense pas que nous ayons un groupe strictement dédié à CBC/Radio-Canada. Nous avons une équipe qui est structurée autour des médias publics et d’autres choses. Je vais peut-être laisser Mme Munezero répondre puisqu’elle est la directrice.
Mme Munezero : Merci de votre question. Notre équipe s’intéresse aux médias publics, mais pas seulement à CBC/Radio-Canada. Nous examinons également la programmation de TV5. Nous nous penchons aussi, par exemple, sur l’augmentation du financement d’APTN annoncée dans le budget de 2024. Il y a ICI TÉLÉ. Nous avons un tas de médias publics qui reçoivent des fonds, et nous les examinons tous. Il y a donc peut-être une personne qui se concentre davantage sur la CBC à un moment donné, mais le champ d’action est large.
Le sénateur Tannas : Cela m’aide beaucoup à comprendre. Je vous remercie. Lorsque vous examinez les différents médias publics qui reçoivent des fonds publics, disposez-vous d’une sorte de carte de pointage? Comment analysez-vous le rapport qualité-prix? Est-ce l’auditoire? L’auditoire ne veut plus rien dire, car il y a toutes les autres façons de lire un article en ligne, etc. Quels sont vos paramètres pour évaluer la valeur que nous obtenons de ces sources financées par le contribuable? Ils ont dû évoluer considérablement au cours des dernières années, non? Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?
M. Sabbagh : Le cadre général des objectifs de la société est défini dans la Loi sur la radiodiffusion. Il n’a pas changé de manière significative depuis 1991. Nous avons mentionné plus tôt informer, éclairer et divertir comme étant les principaux objectifs généraux de la société. La loi contient également des objectifs plus spécifiques.
Ces objectifs sont mis en pratique ou traduits en exigences concrètes par le CRTC et dans les conditions de licence qu’il impose. Le CRTC peut évaluer, au moment du renouvellement, si la société a respecté les conditions de licence et quels ajustements doivent être faits pour que la société continue à atteindre ses objectifs en vertu de la Loi sur la radiodiffusion.
Le sénateur Tannas : Compte tenu de la réduction de l’auditoire des médias traditionnels et de la forte réduction de l’auditoire de la CBC, sur quoi vous basez-vous pour conseiller au gouvernement de lui donner 20 millions de dollars de plus, 50 millions de dollars de plus ou 1 milliard de dollars de moins? Y a-t-il une quelconque analyse quantitative? Ou s’agit-il simplement de donner l’argent et d’espérer des résultats?
Je suis totalement novice en la matière. Je ne comprends pas. Je ne veux pas poser de questions insolentes. Je suis comme un citoyen ordinaire, et je ne comprends pas comment on arrive à la décision de verser tout cet argent et comment quelqu’un peut déterminer si nous en avons pour notre argent. La seule façon de le savoir est d’évaluer ce qui se passe. Je me demande quels sont les critères qui permettent de déterminer si nous en avons pour notre argent. Quels sont-ils? Pouvez-vous nous en donner une idée?
M. Sabbagh : Peut-être que je peux présenter quelques-unes des mesures de reddition de comptes que la société doit respecter. L’une d’entre elles est son plan d’investissement. Chaque année, la société doit soumettre son plan d’investissement au Conseil du Trésor, qui doit l’approuver.
Il existe également un certain nombre d’exigences en matière de rapports au Parlement ou au ministre du Patrimoine canadien, comme le plan d’entreprise et le rapport annuel déposé au Parlement.
L’obligation de rendre compte au CRTC est également importante en ce qui concerne le respect des conditions de licence. C’est un élément important de la manière dont la société atteint ses objectifs.
Le sénateur Tannas : Merci.
Le sénateur Cuzner : J’ai deux questions. Je suis un adepte inconditionnel de la CBC. Je me réveille avec Steve Sutherland tous les matins, au sens figuré, sur CBC Cap-Breton. La diffusion en ligne permet certainement de rester connecté, quel que soit l’endroit où on se trouve.
Sur le plan culturel, la CBC fait beaucoup pour notre région. Quand je pense à CBC Cap-Breton, je pense à la famille Rankin, Natalie MacMaster, Ashley MacIsaac, l’humoriste Ron James; ces artistes ont fait leurs débuts à CBC Cap-Breton.
Depuis 30 ans, nous accueillons le festival international Celtic Colours. Il fait partie intégrante de notre produit touristique d’intersaison. La CBC est présente à chaque étape pour promouvoir ce produit culturel.
La programmation régionale sera-t-elle réduite à l’avenir? Diminuera-t-elle d’une manière ou d’une autre? Comment combler le vide créé par l’absence d’un champion de la culture dans les régions de notre pays? L’effet sur le Cap-Breton est important, mais je suis sûr qu’il l’est aussi pour d’autres collectivités rurales et éloignées. Comment combler un tel vide? Dans quelle mesure CBC est-elle essentielle à la promotion de la culture dans ces collectivités? Je suppose que c’est là l’essence de ma question.
Mme Montminy : Je vais commencer et peut-être que mes collègues voudront ajouter quelque chose. Vous avez tout à fait raison de dire que CBC/Radio-Canada joue un rôle majeur dans la promotion de la culture canadienne. Cela fait partie de son mandat, de promouvoir l’expression d’une culture diversifiée à travers le pays et de mettre en valeur les talents canadiens, les artistes canadiens, par la musique et le format audiovisuel. Les exemples que vous avez donnés sont absolument convaincants.
La société est de loin le partenaire national le plus important du secteur de la production indépendante au Canada. Par exemple, en 2002, plus d’un dollar sur trois dépensés par les radiodiffuseurs canadiens pour des programmes acquis par des producteurs indépendants venait de la CBC.
Mes collègues pourront peut-être décrire quel est l’effet total de ces investissements. L’écosystème de la production indépendante canadienne dépend en grande partie des investissements de la CBC dans toutes ses émissions, car contrairement au secteur privé qui peut acheter les droits d’autres émissions, notre radiodiffuseur est évidemment mandaté pour créer un contenu canadien avec des talents canadiens. C’est sans aucun doute très important.
Le sénateur Cuzner : Une fois qu’on atteint un statut comme celui de Bryan Adams, les Américains vous récupèrent, mais quelqu’un a dû donner à Céline Dion sa première chance.
La CBC est considérée comme une pierre angulaire de la culture et de la démocratie. Tout Canadien qui prête attention à ces choses doit s’inquiéter de l’ampleur de la désinformation. Il y a le contenu qui parvient des États-Unis, de nos amis au sud de la frontière, et qui a accordé de l’attention aux, je le dirai ainsi, personnages impliqués dans le mouvement du convoi ici à Ottawa. Lorsque ces personnages ont interpellé un juge en disant que leurs « droits Miranda » n’avaient pas été respectés, cela indique en quelque sorte qu’ils sont gavés de médias américains et qu’ils regardent un peu trop la télévision américaine.
Dans quelle mesure votre ministère est-il préoccupé par la désinformation et par l’effet qu’elle aura sur nos institutions démocratiques?
Mme Montminy : Merci beaucoup de la question. Oui, nous sommes très préoccupés par la montée de la désinformation et de l’ingérence étrangère, ainsi que par les déserts d’informations qui existent de par le pays, ce qui signifie que les Canadiens se tournent vers les médias sociaux, obtenant souvent des informations qui ne proviennent pas nécessairement de sources fiables et dignes de confiance.
Diverses organisations ont démontré des corrélations directes entre la désinformation et la polarisation, et d’autres conséquences négatives sur la société. Nous sommes très inquiets. Nous pensons qu’il faut empêcher la formation de déserts d’informations. Nous devons veiller à ce que CBC/Radio-Canada soit présente dans de nombreuses collectivités. Le gouvernement a également prévu d’autres mesures. Nous soutenons toujours les journaux, qu’ils soient imprimés ou numériques. Nous soutenons toutes sortes d’autres formes de médias privés pour compléter l’écosystème et nous assurer de lutter contre la désinformation.
Le sénateur Cuzner : Y a-t-il des initiatives particulières que vous envisagez? La désinformation et la mésinformation sont de véritables affronts à nos institutions démocratiques. Je pense que ce sont des questions qui vous préoccupent.
Mme Montminy : Merci de la question. Je vais peut-être prendre une minute pour vous parler du programme de contribution à la citoyenneté numérique que nous avons mis en place. Ce programme offre un financement direct aux organisations de la société civile au Canada afin d’accroître leurs compétences en matière de médias numériques et de civisme.
Ce programme vise à former des citoyens plus critiques et mieux informés. Nous pensons que c’est absolument essentiel.
Au cours des dernières années, nous avons fourni 21 millions de dollars et soutenu environ 115 projets d’un océan à l’autre. Nous avons différents partenaires, tels que HabiloMédias et CIVIX, qui œuvrent dans des écoles publiques à travers le pays pour améliorer l’éducation aux médias. Nous nous inspirons des modèles d’autres pays, tels que la Finlande qui dispose d’un programme d’éducation aux médias très solide, intégré dans le programme scolaire.
Bien sûr, l’éducation dans notre pays est une compétence provinciale, mais il y a beaucoup de possibilités. Nous travaillons avec des partenaires provinciaux et territoriaux pour les encourager à voir ce qu’ils peuvent fairedans le contexte du système scolaire, et nous travaillons aussi sur l’éducation aux médias pour que les gens puissent distinguer ce qui est vrai de ce qui ne l’est pas, et ce qu’est une source fiable, alors que cela devient de plus en plus difficile et qu’ils ont accès à tant de plateformes. L’intelligence artificielle, l’IA, existe depuis longtemps, mais aujourd’hui, avec l’augmentation des outils d’IA, des hypercontrefaçons et de tout le reste, je pense qu’il va devenir très difficile pour les Canadiens de faire la distinction entre le vrai et le faux, les robots, etc. La désinformation entraîne bien sûr la méfiance à l’égard des institutions et des gouvernements, mais elle peut aussi avoir toutes sortes d’autres conséquences négatives.
Le sénateur Cardozo : Premièrement, je voudrais juste mentionner deux ou trois choses, et on me corrigera s’il le faut.
Si j’ai bien compris, vous avez dit que la ministre avait le pouvoir de retirer à la CBC sa licence. Je ne crois pas que ce soit le cas. L’objectif de la création d’un radiodiffuseur public et d’une agence d’octroi de licences était précisément pour que cela ne soit pas possible.
Comme on me l’a enseigné il y a 27 ans — j’ai été commissaire au CRTC, au tournant du siècle — le plus récent, pas l’autre — on m’a appris que la raison pour laquelle le conseil a été créé était pour empêcher les élus de faire une telle chose. Certains élus ne voulaient pas avoir un tel pouvoir parce que, en tant que politiciens, ils ne voulaient pas avoir à prendre de décisions difficiles sur qui obtiendrait une licence radio dans une circonscription, par exemple.
Si j’ai bien compris, la ministre n’a pas ce pouvoir, le Parlement ne lui a pas donné ce droit.
Par ailleurs, je ne crois pas que le CRTC ait la capacité d’infliger des amendes. Comme je l’ai dit, qu’on me corrige s’il y a des preuves du contraire.
Le président : Je le ferai. La raison pour laquelle j’en suis certain est que dans une vie antérieure, lorsque je n’étais que vice-président de notre comité, nous avons étudié CBC/Radio-Canada, et c’est la raison pour laquelle j’ai confondu les deux. J’ai confondu le ministère et le CRTC. Si on contrevient à sa licence, il est clair que le CRTC a le droit de la retirer, ce qu’il n’a pas fait. Il a également le droit d’infliger une amende si on ne respecte pas la licence, ce que, là encore, le CRTC n’a pas fait.
Le sénateur Cardozo : Il ne l’a pas fait.
Le président : Je veux juste souligner l’importance de ce que j’essaie de dire. Le gouvernement et le CRTC, qui est une création du gouvernement, ont permis à la CBC d’ignorer une exigence fondamentale, fournir des informations régionales et des services régionaux, et personne n’a rien dit. C’est le seul point que j’essayais de soulever. Et nous n’avons toujours rien dit à ce sujet non plus.
Le sénateur Cardozo : C’est exact. Je pense que c’est précisément ce que j’espère accomplir grâce à notre étude, mais je veux encore clarifier si cette capacité d’infliger des amendes s’applique au radiodiffuseur public comme aux autres.
Je voudrais juste faire une autre remarque concernant le radiodiffuseur public. Les gens ont tendance à critiquer CBC, et à demander des comptes au gouvernement lorsque la société d’État choisit de diffuser ou non tel ou tel reportage. Il faut bien comprendre qu’un radiodiffuseur d’État est une entité complètement inféodée au cabinet et au gouvernement; c’est au pouvoir de dicter quel contenu peut être diffusé, et de quelle manière. Par contraste, le monde entier, y compris le gouvernement au pouvoir, est libre de critiquer ouvertement un radiodiffuseur public. Je m’inquiéterais de voir un jour des membres du cabinet dicter aux journalistes sur une base régulière la façon de couvrir le sujet X ou Y, et d’exercer leur métier en général.
Je suis conscient qu’il ne s’agit pas exactement de vos propos; je tenais simplement à répéter ce qu’on me rapporte souvent.
Pour nos chercheurs, je pense qu’il serait utile d’avoir les sections du projet de loi qui traitent de CBC, et notamment des licences se rapportant à la programmation locale. Je pense que ce serait fort utile.
J’aimerais à présent porter votre attention sur le sous‑alinéa 3(1)(m)(ii) du projet de loi, qui stipule que le mandat de CBC/Radio-Canada est, et je cite: « […] refléter la globalité canadienne et rendre compte de la diversité régionale du pays, tant au plan national qu’au niveau régional, tout en répondant aux besoins particuliers des régions. ».
Vous serez à même de constater que le terme « local » n’est pas utilisé dans le libellé du projet de loi, ce qui méritera notre attention en temps voulu.
En fait, le terme « local » est mentionné par rapport au système de radiodiffusion dans son ensemble, et ce, aux sous-alinéas 3(1)(i)(ii) et 3(1)(i)(ii.2).
Le président : Monsieur Cardozo, tout cela fera l’objet d’une séance d’information la semaine prochaine, au moment de recevoir nos invités du CRTC. Entretemps, nous devons écouter les témoignages des représentants du ministère des Transports, et nous devons réaliser une étude spécifique sur la CBC et les services régionaux. Je pense qu’il est temps pour les sénateurs de poser des questions aux témoins.
Le sénateur Cardozo : D’accord, c’est ce que je m’apprête à faire.
Le président : Nous devons également régler certaines questions d’ordre administratif.
Le sénateur Cardozo : Je tiens simplement à souligner ces points au moment où nous entamons cette étude, afin d’indiquer que nous pourrions envisager de recommander ultérieurement que le projet de loi soit plus spécifique.
J’ai déjà évoqué la partie du projet de loi concernant les « régions ». En ce qui concerne le terme « local », le gouvernement s’attend-il à ce que le radiodiffuseur public, CBC/Radio-Canada, diffuse des émissions locales? S’agit-il d’une attente de votre part, ou est-ce plus explicite du côté du CRTC? Dans quelle mesure le ministère du Patrimoine canadien doit-il investir dans le journalisme local?
Mme Montminy : Merci pour votre question; c’est une bonne distinction à faire.
Comme je l’ai expliqué, Patrimoine canadien ne possède aucune autorité en la matière. Le ministère ne dispose d’aucun levier pour faire savoir au CRTC, qui est indépendant en tant que société d’État, mais également en matière de programmation, que nous n’avons pas la capacité d’effectuer les investissements requis.
Comme vous l’avez si bien expliqué, tout cela est fait à dessein, pour que le CRTC soit celui qui impose ces licences. La seule manière de le faire, pour être clair, est de légiférer. Nous devons donc modifier le mandat de la société d’État en vertu de la Loi sur la radiodiffusion, qui comporte plusieurs dispositions. Vous avez d’ailleurs raison de dire que l’objectif de l’article 3 est de définir le mandat et les objectifs de la Loi sur la radiodiffusion, qui inclut la CBC. La partie III de la loi contient toutes les dispositions de gouvernance qui s’appliquent à la CBC en matière de conseil d’administration et ainsi de suite.
Si le gouvernement souhaite réellement apporter des changements, il faudrait le faire par voie législative, et non pas en ordonnant aux dirigeants de la CBC d’investir davantage dans sa programmation locale et régionale.
Le sénateur Cardozo : Permettez-moi de contester cette affirmation, car je pense que le gouvernement peut le faire, et qu’il le fait de temps en temps lorsqu’il donne à la CBC une enveloppe supplémentaire pour telle ou telle raison. Je ne me souviens plus, mais il y a eu plusieurs fois où vous avez reçu de l’argent pour certains aspects de la radiodiffusion. Peut-être que les gens ne veulent pas entendre cela, mais plutôt : « Nous allons vous donner un tel montant supplémentaire, mais vous devez garder tel nombre de stations ouvertes. » Il ne s’agirait peut-être pas de les définir, mais dans le cadre des pouvoirs dont dispose le gouverneur en conseil pour donner des directives au comité, entre le financement de la société d’État et une directive au CRTC, ne pourrait-il pas influencer une question administrative générale comme celle-là?
Mme Montminy : La réponse générale est qu’il faut être prudent, car, encore une fois, plusieurs dispositions renforcent l’indépendance de la société d’État. L’affectation de fonds à un objectif particulier pourrait se situer dans cette zone grise. Dire que cette somme est destinée à l’ouverture d’un nombre X de stations, je pense que ce serait franchir la ligne rouge de l’indépendance. Il pourrait peut-être y avoir une orientation plus générale, mais encore une fois, je dirais que cela dépend de l’interprétation juridique de la loi. Je m’en tiendrai là.
Le sénateur Cardozo : Monsieur le président, ai-je le temps de poser une dernière question?
Le président : Pas vraiment, mais étant donné que votre préambule a été long, je peux bien vous accorder une minute supplémentaire.
Le sénateur Cardozo : Je vous remercie. J’examine les deux articles que j’ai mentionnés, le sous-paragraphe 3(1)m)(ii), et l’autre article concernant la Loi sur la radiodiffusion. L’un traite du fait que la société doit refléter les régions. Le terme « local » n’est pas utilisé, mais dans la section plus large, le sous‑paragraphe 3(1)i)(ii.1), il y a plusieurs références à « local » que le Parlement a dit au CRTC d’accomplir pour le système de radiodiffusion dans son ensemble. Je pense que c’est là que le CRTC peut pousser la CBC à se concentrer sur le contenu local. Le contenu régional pourrait par exemple englober les provinces de l’Atlantique, par opposition à tel ou tel ville ou village précis.
Mme Montminy : En tant qu’ancien commissaire, vous savez comment tout cela fonctionne. Le processus de renouvellement d’une licence implique que de nombreuses parties prenantes fassent des représentations auprès des dirigeants du CRTC, qui prennent des décisions sur la base du dossier public, et leur imposera des conditions en se basant également sur les objectifs de la loi. Ces conditions pourraient être imposées sur la base de l’ensemble des données dont le CRTC dispose.
Le sénateur Cardozo : Je vous remercie.
Le président : Je vais commencer le deuxième tour. Je voudrais juste revenir sur les questions du sénateur Tannas. Avant de venir au Sénat, j’ai passé quelques années dans le marketing et la communication, et le baromètre, le seuil, pour déterminer la valeur du contenu dans l’industrie de la radiodiffusion était l’audimat. Au cours des 10 dernières années, les cotes d’écoute de la CBC ont été exécrables. Oubliez leur cote en matière de confiance et d’information auprès de la population. Je vais vous donner un exemple. Dans une ville comme Calgary, l’audimat quotidien ne dépasse pas les 20 000 personnes.
J’exclurai Radio-Canada parce que j’ai une certaine affinité avec elle. Ses cotes d’écoute sont à moitié décentes. Dans le cas de CBC, si vous faites une analyse des coûts par client potentiel, et du chèque annuel de 1,4 milliard de dollars versé par le gouvernement, la subvention par personne de ce média dépasse largement la somme de 33 $.
Par ailleurs, si nous comparons avec d’autres radiodiffuseurs publics dans le monde, il y en a beaucoup qui reçoivent plus de fonds que la CBC, mais ils ne puisent pas non plus dans le réservoir de publicité du secteur privé. Lorsqu’il est question des coûts pour informer éclairer et divertir la population canadienne, les chiffres parlent d’eux-mêmes: les Canadiens paient beaucoup d’argent pour un service qu’ils n’utilisent pas.
La question que je pose à Mme Montminy est la suivante : est‑ce une préoccupation pour le ministère, étant donné que le nombre de Canadiens qui suivent CBC diminue alors que les investissements augmentent?
Mme Montminy : Je vous remercie pour votre question. Je dirais, comme je l’ai mentionné plus tôt dans mes remarques, que tous les radiodiffuseurs publics du monde entier sont confrontés à des défis importants. Avec l’arrivée des services de diffusion en continu et des plateformes de médias sociaux depuis plusieurs années, capter l’attention du public est un sérieux défi pour l’ensemble des radiodiffuseurs.
Par conséquent, j’imagine que l’audimat évolue et qu’il existe différentes stratégies de rétention. J’ai également mentionné que les plateformes ont des moyens particuliers de maintenir l’attention sur leur contenu. Tous les radiodiffuseurs publics sur la planète sont confrontés à ce genre de défis.
Je voudrais également mentionner que de nombreux radiodiffuseurs publics partout dans le monde se sont également dotés d’un modèle de financement hybride. Les données que nous vous avons présentées correspondent à l’argent public investi dans ces autres radiodiffuseurs. Certains d’entre eux peuvent également générer des revenus de manière autonome, d’autres non. Cela dépend encore une fois du pays. Nous pouvons vous fournir une analyse complète à ce sujet.
C’est tout un défi. Nous ne prenons pas de décisions pour la CBC au jour le jour, mais en matière d’observations générales, je dirais que le défi de retenir l’audimat aujourd’hui se pose à toutes les plateformes et à tous les médias. Tout le monde se bat pour attirer l’attention parce qu’il y a une multiplication des contenus mis à la disposition des gens. Je pense que l’on peut s’attendre à ce que l’audimat diminue en raison de la croissance exponentielle du contenu mis à la disposition de la population canadienne.
Le président : Je vais vous dire ce qui préoccupe notre comité, et c’est pourquoi nous avons lancé cette étude à l’initiative du sénateur Cardozo, c’est le fait que la CBC a fait des coupes sombres dans les services régionaux. Je comprends que le CRTC est indépendant du gouvernement et que la CBC l’est aussi, mais ce qui n’est pas indépendant, c’est la décision que vous avez prise ces dernières années d’augmenter continuellement le financement de la CBC par les contribuables.
Ma prochaine question est très simple : pourquoi votre ministère a-t-il continué à augmenter son financement de centaines de millions de dollars, alors qu’il ne respecte pas l’obligation de fournir des services régionaux? Au contraire, les dirigeants de la CBC ont décidé de supprimer le contenu régional au moment même où le financement à la société d’État était en augmentation.
Mme Montminy : Je signale que depuis 2021, il y a eu de modestes investissements à court terme dans le radiodiffuseur public. Je parle de 21 millions de dollars en 2021. Ce montant a été prolongé deux fois. L’année dernière, ce montant est passé à 42 millions de dollars, et ce, pour contrer les pressions inflationnistes très réelles qui s’exercent sur le radiodiffuseur afin de maintenir un niveau de production similaire et, bien entendu, de limiter le nombre de mises à pied auquel la société d’État était confrontée.
Le président : Récemment, la haute direction de la CBC a annoncé une nouvelle vague de mises à pied au cours des prochains mois, et ce, malgré toutes les injonctions contraires du Parlement. Je ne m’attends pas à recevoir une réponse claire à cette question, mais je tenais à exprimer les préoccupations majeures du comité. Le gouvernement continue d’injecter massivement l’argent des contribuables dans la société d’État, alors que ses dirigeants continuent à éliminer le contenu régional et à effectuer des mises à pied.
La sénatrice Simons : Il ne fait aucun doute que l’audimat télévisuel est en constante diminution. Cette baisse concerne l’ensemble du secteur. Personne ne regarde CTV ou GlobalTV comme avant. Je crois que l’émission matinale de CBC Calgary, « Calgary Eyeopener », est numéro un sur son marché. Le véritable défi auquel nous sommes confrontés est qu’un média entier est en train de disparaître. Sur le plan statistique, force est de constater que les Canadiens ne regardent plus la télévision locale, un point c’est tout.
J’ai été productrice à l’émission « Ideas » de la CBC. Cela fait longtemps que je n’ai pas écouté « Ideas » en tant que radio de rendez-vous, sauf que j’écoute « Ideas » en mode baladodiffusion tout le temps. La CBC a fait preuve d’une extraordinaire proactivité en créant des portails en ligne qui fonctionnent vraiment et des sites Web qui sont très populaires. Lorsque je pense à la salle de rédaction de la CBC à Edmonton, la plupart des employés semblent travailler à partir du site Web, et non sur l’émission de télévision en tant que telle. Les baladodiffusions, voilà l’avenir. Je pense que je consomme la plupart des émissions de radio de la CBC à partir de mon téléphone. Je promène ma chienne, et c’est ainsi qu’elle m’écoute écouter Terry O’Reilly.
Dans un contexte où la télévision est en train de devenir un médium archaïque, voire obsolète, Patrimoine canadien et le gouvernement canadien doivent-ils se demander si la télévision est toujours la voie à suivre, ou s’il serait grandement temps de miser principalement sur l’environnement numérique?
Je vais poser ma question complémentaire à la suite du sénateur Cuzner. Vous avez parlé des grandes productions télévisuelles. Je pense que le sénateur Cuzner parlait du fait que les stations locales régionales avaient l’habitude d’encourager les artistes musicaux et les comédiens prometteurs. Lorsque tous les dollars sont engloutis dans des productions télévisées très coûteuses, il ne reste plus d’argent dans les régions pour enregistrer les festivals folkloriques locaux ou les symphonies locales. Il n’y a plus d’argent pour organiser des émissions qui permettent aux jeunes talents des régions de s’épanouir. Je m’inquiète également de voir l’argent aspiré dans le vide des productions télévisées à gros budget, au lieu d’être utilisé à l’échelle régionale pour faire émerger des talents régionaux. Ce sont deux questions distinctes, je suis désolée.
Mme Montminy : Nous vous remercions. Le mandat de la CBC est de rendre le contenu disponible à travers le Canada par les moyens les plus appropriés et les plus efficaces, au fur et à mesure que les ressources se libèrent à cette fin.
Je reconnais que certains types de technologies sont en déclin dans certaines régions du pays, tandis que d’autres sont plus populaires. Le passage au monde numérique est indéniable, et la société a investi pour répondre aux besoins des Canadiens là où ils se trouvent, c’est-à-dire sur leur appareil. Il y a également de nombreuses régions dans ce pays qui dépendent encore de la télévision, et où le journal télévisé à l’heure du dîner est toujours l’émission la plus regardée. Il y a aussi le Nord, où CBC North et CBC Indigenous sont des plateformes très importantes.
C’est très variable. Encore une fois, je pense qu’il s’agit là de bonnes questions pour l’entreprise en ce qui concerne la manière dont elle fait ces choix. Pour l’instant, ils soutiennent tous ces différents formats. Il est certain que tout cela coûte cher. Je sais qu’ils essaient de rationaliser certains d’entre eux en matière d’infrastructure afin que ces plateformes soient compatibles et qu’ils puissent réaliser des économies.
La sénatrice Simons : Par ailleurs, le personnel de la société d’État est dorénavant appelé à travailler à la fois à la radio, à la télévision, et en ligne.
Mme Montminy : En effet, il faut désormais produire du contenu susceptible d’être consommé sur différentes plateformes.
Je suis d’accord pour dire que nous traversons une phase majeure de transformation. Les Canadiens plus âgés préfèrent peut-être encore la télévision, alors que les plus jeunes l’adoptent, et puis il y a la radio, qui reste un format très populaire en anglais et en français au Canada.
La sénatrice Dasko : J’aimerais obtenir quelques éclaircissements. Monsieur le président, vous avez répété plusieurs fois que la société avait réduit la diffusion de programmes régionaux de manière radicale. Vous l’avez dit à de nombreuses reprises. Elle contrevient à sa licence et ne reçoit pas d’amende, etc. Je pense bien avoir entendu Mme Montminy dire que la CBC investit. Vous avez créé des programmes régionaux et vous avez investi dans ces programmes. Vous avez cité des critères comme celui des collectivités de 50 000 habitants. Ces deux choses sont-elles vraies? Est-ce vrai? Je pose simplement la question.
Le président : Je ne fais pas partie des témoins. Ils peuvent parler au nom de la CBC et vous dire s’ils ont augmenté la diffusion de programmes régionaux. Si c’est le cas, cette étude est une perte de temps, ne croyez-vous pas? Si nous avons commandé cette étude, c’est qu’il y avait de bonnes raisons.
La sénatrice Dasko : Je pose simplement la question. Vous avez dit que vous aviez augmenté la diffusion de programmes régionaux. Je crois que vous avez dit que vous aviez créé de nouvelles stations, en vous fondant sur le critère lié au nombre d’habitants. Mais nous avons aussi entendu que vous aviez réduit le nombre de programmes régionaux de manière radicale. Est-ce également vrai?
Mme Montminy : Encore une fois, ce n’est pas moi qui ai pris ces décisions, mais la société.
La sénatrice Dasko : Je comprends parfaitement. Vous avez dit à plusieurs reprises que vous ne preniez pas de décisions. Je comprends.
Mme Montminy : Nous ne sommes pas la société. Nous ne sommes pas la CBC. Vous devriez convoquer ses représentants pour qu’ils puissent s’exprimer au sujet de leur décision.
La sénatrice Dasko : Je sais que vous ne prenez pas ces décisions.
Mme Montminy : Pour ce qui est de Patrimoine canadien, le rapport annuel et d’autres documents que nous pouvons consulter témoignent du fait que ce ministère a investi dans de nouvelles stations locales. J’ai cité ces documents et donné l’exemple de ces lieux. Ces investissements ont été réalisés au cours des deux dernières années.
Je n’ai pas entendu dire que la société n’avait pas respecté les exigences de sa licence. Je n’ai pas connaissance d’un quelconque problème de conformité avec le CRTC. Pour autant que je sache, elle satisfait à toutes ces exigences, mais encore une fois, c’est au CRTC qu’il appartiendra de répondre à cette question la semaine prochaine. Vous devriez peut-être également convoquer la société pour qu’elle puisse vous dire comment elle compte mettre en œuvre certains des engagements qu’elle a pris dans le plan stratégique.
La sénatrice Dasko : D’accord. Merci. J’essayais de me faire une idée de ce qui se passe réellement.
Le président : Madame la sénatrice, peut-être que les réductions qu’ils annoncent de temps en temps sont le fruit de mon imagination.
La sénatrice Dasko : Je cherche simplement à clarifier ce qui se passe réellement.
Le président : Moi aussi.
La sénatrice Dasko : Et il y a beaucoup d’autres exemples.
Le président : Comme je l’ai dit, je pense que si le sénateur Cardozo a proposé cette étude, c’est qu’il avait de bonnes raisons. Nous pensons que les nouvelles régionales posent problème dans l’ensemble du pays.
Le sénateur Cardozo : Je vous remercie d’avoir souligné que j’avais suggéré cette étude, mais il y a quelques minutes, dans votre description, vous avez fourni un commentaire un peu plus coloré que celui que j’aurais formulé. Nous sommes en effet préoccupés par l’état des programmes locaux. Nous nous préoccupons du fait qu’il semble y avoir des réductions. Je pense, comme l’ont dit la sénatrice Simons et d’autres sénateurs, que nous nous inquiétons également de ce qui se passe dans le reste des médias d’information, étant donné que les secteurs privés, TVA et CTV, ont procédé à des réductions radicales et que de nombreux journaux ont fait de même.
Dans ce contexte, la CBC/Radio-Canada et son importance au niveau local deviennent d’autant plus significatives. S’il y a des réductions, le problème est d’autant plus grave.
Cela étant dit, je vais essayer de ne pas passer trop de temps à me bagarrer avec vous au cours de cette étude, monsieur le président...
Le président : Je pense que vous devriez moins vous préoccuper de mes questions et vous concentrer sur les vôtres.
Le sénateur Cardozo : Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit...
Le président : Tout ce que j’ai dit, c’est que c’est vous qui avez lancé l’étude. C’est tout.
Le sénateur Cardozo : Merci. Je vous en suis reconnaissant.
Ma question porte sur la manière dont vous envisagez la CBC et Radio-Canada. Comme on l’a déjà mentionné, elles semblent ne pas avoir le même niveau de popularité et d’audience. Comment envisagez-vous cette différence du point de vue du gouvernement? Qu’en pensez-vous? Pensez-vous que le côté anglais puisse apprendre du côté français, ou ces différences sont-elles liées au fait que ces marchés sont très différents? Le lien entre l’anglais du Canada et celui des États-Unis est-il très différent de celui qui existe entre le français du Canada et celui que l’on parle ailleurs dans le monde?
Mme Montminy : Je vous remercie pour votre question. Je pense que plusieurs facteurs entrent en jeu. Il y a bien entendu, le fait que, comme vous l’avez dit, ces marchés sont très différents et que la présence de Radio-Canada sur le marché francophone est bien établie. Radio-Canada dessert évidemment non seulement la province du Québec, mais aussi le reste du pays, et répond à un grand nombre d’exigences liées à l’offre de services aux communautés de langues officielles en milieu minoritaire. Le marché est plus petit, et il y a plus de liens avec celui-ci. Je pense que la société obtient de bons résultats.
Du côté anglophone, la concurrence avec le contenu offert en anglais par nos voisins du Sud et dans le monde entier constitue évidemment un défi pour la société. J’imagine qu’il est difficile de résoudre ces problèmes et d’assurer la réussite des programmes. Mes collègues ont-ils quelque chose à ajouter?
Le sénateur Cardozo : On entend parfois que Radio-Canada est très populaire à la télévision et à la radio, mais que du côté anglais, la radio est également assez populaire. Ce qui pose problème, c’est la télévision en anglais. Le problème concerne peut-être la partie qui n’est pas consacrée aux nouvelles, par exemple CBC Radio One par rapport à CBC News Network. Avez-vous envisagé d’abandonner cette partie?
Mme Montminy : Encore une fois, le ministère du Patrimoine canadien n’est pas en mesure de déterminer quelle partie de la société doit être abandonnée. Il s’agit d’une société d’État indépendante et le ministère du Patrimoine canadien n’est pas en mesure de lui dire « Vous devriez cesser de faire des émissions de télévision ». Cela irait à l’encontre de son mandat actuel.
Le sénateur Cardozo : Ce serait contraire au mandat prévu dans la loi.
Mme Montminy : Le mandat qui figure dans la loi. Notre rôle est de divertir. Le divertissement existe en français et en anglais, et la société doit également s’efforcer de produire du contenu de qualité équivalente en anglais et en français. Elle ne peut pas offrir des services dans une langue et pas dans l’autre. J’aimerais également ajouter à votre remarque précédente au sujet de certains des problèmes auxquels la CBC pourrait être confrontée en raison de la concurrence dans le domaine de la production, le coût de la production au Canada anglophone est nettement plus élevé.
Le sénateur Cardozo : Pourquoi?
Mme Montminy : C’est à cause de la concurrence. Le coût de la main-d’œuvre, par exemple, est plus élevé. Comme vous le savez, au Canada, nous faisons aussi beaucoup de production pour des studios. La production d’une émission de télévision au Canada anglais est beaucoup plus coûteuse, de sorte que vous n’en avez pas autant pour votre argent. Une fois encore, ce fait peut avoir une incidence sur la quantité de fonds à investir dans diverses émissions.
Le sénateur Cardozo : Monsieur Sabbagh, souhaitez-vous ajouter quelque chose?
M. Sabbagh : Pour compléter cette réponse, ma collègue a cité le sous-alinéa 3(1)m)(v), à savoir « ... chercher à être de qualité équivalente en français et en anglais... ». Il y a toutefois aussi le sous-alinéa 3(1)m)(iv) qui dit que la programmation de la Société doit :
être offerte en français et en anglais, de manière à refléter la situation et les besoins particuliers des collectivités de langue officielle, y compris les besoins et les intérêts propres aux communautés de langue officielle en situation minoritaire.
Le sénateur Cardozo : D’une certaine manière, si la société voulait ne pas diffuser d’émissions de télévision dans l’une ou l’autre langue, elle pourrait probablement le faire, en tenant compte des particularités de chaque collectivité. Pour ce faire, faudrait-il modifier la Loi sur la radiodiffusion?
Mme Montminy : Je pense que oui.
Le sénateur Cardozo : Pensez-vous que la partie anglophone puisse tirer des leçons de la partie francophone qui, d’une certaine manière, s’en sort mieux?
Mme Montminy : Il est difficile pour nous de répondre à ces questions. Je pense qu’il serait préférable de les poser à la société elle-même, car nous ne participons pas aux opérations quotidiennes. Nous ne sommes pas dans la salle de rédaction. Nous ne participons pas aux décisions sur la manière de rejoindre les Canadiens. Encore une fois, nous n’intervenons absolument pas dans les activités quotidiennes de la société. Je pense qu’il s’agit d’une seule société qui dessert des marchés très différents. Je pense qu’elle a établi des pratiques exemplaires et, oui, je pense que mes collègues de la société pourraient vous fournir des réponses plus complètes.
Le sénateur Cardozo : Merci.
La sénatrice Clement : Je vais avoir un problème, car je ne voudrais pas obtenir la même réponse. La CBC va comparaître devant le comité et je ne veux pas que vous ayez à répéter cette réponse. Je vais essayer d’adopter une vue d’ensemble. J’ai passé la fin de semaine à Toronto avec des jeunes à l’occasion d’une conférence municipale. Il s’agissait de jeunes âgés de jusqu’à 25 ans. Ils n’écoutent pas les nouvelles comme nous le faisons et ne regardent pas la télévision, mais ils sont connectés à leur municipalité, à leur collectivité. C’est évident. Ils sont connectés à leur identité. S’ils essaient de protéger une langue autochtone, ils explorent leur identité autochtone ou leur diversité raciale. Ils sont connectés à ces éléments.
J’essaie de réfléchir à la façon dont nous communiquons avec eux et à la façon dont nous pourrions les amener dans un espace où ils pourraient être connectés à des informations réelles et exactes. Que fait Patrimoine canadien pour soutenir ces efforts, pour soutenir les jeunes dans leur identité, dans leur langue, pour les relier à de vraies informations?
Mme Montminy : Notre ministère propose un large éventail de programmes portant sur tous les aspects des arts et de la culture. Par exemple, l’expression culturelle de notre identité canadienne par l’entremise de toutes ces méthodes est au cœur de nos activités. Nous soutenons la création et l’accès à ce contenu pour tous les Canadiens. Nous soutenons les industries du livre, de la musique et de l’audiovisuel. Nous offrons toutes sortes de programmes. Nous accordons une attention toute particulière à la jeunesse, car nous savons qu’elle est bombardée de contenu provenant de partout ailleurs et que l’accès à du contenu de bonne qualité l’aide à comprendre son identité, et que les valeurs canadiennes sont très importantes. Plusieurs de vos collègues ont cité des exemples d’artistes musicaux qui ont une grande influence. Voilà le genre de choses que nous faisons.
En ce qui concerne les nouvelles proprement dites, j’aimerais souligner que la société compte quelques stations intéressantes. Il se peut que je ne trouve pas leur nom. Il y a les nouvelles pour enfants et quelque chose de semblable. Je ne connais pas le nom en français, mais ils ont développé ces plateformes pour que les jeunes, les enfants, puissent interagir avec les nouvelles, ce qui, à mon avis, est un très bon moyen de leur communiquer des nouvelles d’une manière qui parle aux enfants. Voilà des exemples de mesures prises par le ministère, mais aussi par la société, pour mobiliser les jeunes.
La sénatrice Clement : Vous travaillez donc avec la CBC à la création de ces programmes?
Mme Montminy : Non. Nous ne travaillons jamais avec la CBC à la création de quelque programme que ce soit, car elle est totalement indépendante. Nous prenons note de ce qu’elle fait et examinons le reste de l’écosystème des médias.
La sénatrice Clement : Ce que vous faites ne l’inspire pas?
Mme Montminy : Je ne sais pas où elle puise son inspiration. Nous savons ce qu’elle fait. Je suppose qu’elle est au courant de ce que nous faisons en tant que ministère en matière de financement général. Mais nous ne concevons pas de programmes ensemble. Ce n’est pas quelque chose que nous faisons.
La sénatrice Clement : C’est peut-être un problème. Merci pour votre réponse.
Le président : Merci à Mme Montminy, M. Sabbagh et Mme Munezero. Vous avez été très généreux avec votre temps. Comme vous pouvez le constater, ce sujet nous intéresse énormément.
(La séance se poursuit à huis clos.)