LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES TRANSPORTS ET DES COMMUNICATIONS
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le jeudi 15 septembre 2022
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd’hui, à 10 h 3 (HE), avec vidéoconférence, pour examiner la teneur du projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois.
Le sénateur Leo Housakos (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour. Je m’appelle Leo Housakos, sénateur du Québec et président de ce comité. J’aimerais que mes collègues se présentent brièvement.
La sénatrice Miville-Dechêne : Julie Miville-Dechêne, du Québec.
Le sénateur Dawson : Dennis Dawson, du Québec.
La sénatrice Simons : Paula Simons, de l’Alberta, du territoire du Traité 6.
La sénatrice Sorensen : Karen Sorenson, de la province de l’Alberta.
Le sénateur Quinn : Jim Quinn, de la province du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Clement : Bernadette Clement, de l’Ontario.
La sénatrice Dasko : Donna Dasko, de l’Ontario et de Toronto.
[Français]
Le président : Nous nous réunissons afin de poursuivre notre examen de la teneur du projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois.
[Traduction]
Je vous présente notre premier groupe de témoins. Nous accueillons un représentant de Corus Entertainment Inc. : M. Troy Reeb, vice-président exécutif du Réseau de radiodiffusion. Il comparaît par téléconférence. Nous recevons également deux représentants de Québecor Média inc. : M. Pierre Karl Péladeau, président et chef de la direction; et Mme Peggy Tabet, vice-présidente des affaires réglementaires et environnementales. Enfin, nous accueillons des représentants d’Anthem Sports and Entertainment : M. Leonard Asper, président et chef de la direction; et M. Anthony Cicione, Game Media Group. Je vous souhaite la bienvenue et je vous remercie de comparaître devant ce comité.
Monsieur Reeb, vous serez le premier à faire votre déclaration préliminaire. Ce sera ensuite au tour de M. Péladeau, puis de M. Cicione. Par la suite, les membres du comité vous poseront des questions.
Troy Reeb, vice-président exécutif, Réseau de radiodiffusion, Corus Entertainment Inc. : Merci, monsieur le président. Bonjour, honorables sénateurs. Je m’appelle Troy Reeb. Je suis le vice-président exécutif du Réseau de radiodiffusion chez Corus Entertainment. Au nom des plus de 3 000 employés que compte notre entreprise au Canada, je tiens à vous remercier de nous avoir invités à donner notre point de vue sur le projet de loi C-11, que nous vous exhortons à examiner et à adopter sans délai.
Après de nombreuses années au cours desquelles l’industrie s’est transformée et après des années de débat public, il est grand temps de mettre à jour la Loi sur la radiodiffusion, qui a 30 ans, et c’est ce que le projet de loi C-11 permet d’accomplir. En clair, le projet de loi n’est pas parfait, mais il fait le plus gros du travail, et c’est pour cette raison que nous l’appuyons.
Corus est fière d’être une entreprise indépendante de premier plan de médias et de création de contenu au Canada. Nos filiales comprennent le studio d’animation Nelvana; l’éditeur de livres pour enfants Kids Can Press; Corus Studios, un producteur d’émissions axées sur le mode de vie et l’information; et Toon Boom, une entreprise de logiciels d’animation basée à Montréal. Au total, le contenu canadien de Corus est exporté dans 160 pays, mais la diffusion ici au Canada reste le cœur de nos activités. Nous gérons 15 stations de Global Television et 39 stations de radio dans huit provinces, en plus de 33 chaînes de télévision spécialisées comme YTV, Séries Plus et Food Network Canada, ainsi que le service de diffusion en continu StackTV, qui connaît une croissance rapide.
Nous sommes également fiers d’être l’hôte de Global News, l’une des plus grandes organisations journalistiques au Canada. Global dessert les petites et grandes collectivités partout au pays avec des nouvelles et des informations de dernière heure sur de multiples plateformes.
Depuis près d’un siècle, la réussite de la politique canadienne de radiodiffusion dépend du succès des radiodiffuseurs canadiens. C’est ainsi que nous appuyons la réalisation des priorités culturelles dans ce pays; les deux vont de pair. Malheureusement, nous ne pouvons plus tenir le succès des radiodiffuseurs pour acquis. Comme l’a dit à juste titre la sénatrice Simons au Sénat en juin 2021 :
Les stations de radio et de télévision privées de tout le pays sont dans une situation financière très précaire, et bon nombre d’entre elles sont au bord de la fermeture et de l’effondrement [...]
C’est pourquoi le projet de loi C-11 est si urgent. En tant que radiodiffuseur canadien, Corus assume ses responsabilités en matière de politique culturelle, et nous voulons continuer à y contribuer dans les années à venir, mais nous ne pouvons plus le faire seuls ou en vertu de règles de radiodiffusion qui datent de plusieurs décennies. Ce qui est incroyable, c’est que les règlements sur la radiodiffusion décident encore combien nous devons dépenser pour certaines émissions, à quel moment nos émissions peuvent être diffusées et les types de chansons que nous pouvons faire jouer sur nos stations de radio. Je pourrais continuer ainsi longtemps. Ce régime a été conçu pour un monde qui n’existe tout simplement plus. On continue de supposer, à tort, que les radiodiffuseurs canadiens réglementés bénéficient d’un accès privilégié aux auditoires canadiens alors qu’en fait, les plus grands réseaux de télévision au Canada, jour après jour, ne sont plus du tout canadiens. Ce sont des diffuseurs étrangers non réglementés.
Le statu quo n’est pas viable. Je vous donne un exemple. Plus tôt, j’ai parlé des nouvelles locales, et Corus est le joueur le mieux en mesure de fournir ce service essentiel par l’intermédiaire de stations locales que les diffuseurs étrangers ne pourront jamais imiter. Ils ne le veulent et ne peuvent pas le faire. Or, les nouvelles locales ont un coût important, car il s’agit d’un secteur difficile. Jusqu’ici, nous compensions nos pertes liées aux nouvelles par des émissions de divertissement plus rentables, mais ce n’est plus une stratégie viable. Notre capacité à fournir des nouvelles locales, fondées sur les faits, dans de grandes parties du pays, dans de petits marchés et, par exemple, dans la communauté minoritaire de langue anglaise à Montréal, tout cela est sur le point de disparaître.
Nous appuyons le projet de loi C-11 parce qu’il règlera le plus important : il soumettra enfin au même cadre réglementaire que nous les grands diffuseurs numériques étrangers actifs au Canada. Il s’agit d’une condition préalable nécessaire à toute autre réforme de politique importante, y compris l’adoption de mesures visant à soutenir les nouvelles.
Le projet de loi prévoit également d’autres éléments importants. En raison de la présence d’imposants diffuseurs étrangers qui inondent notre marché, il devient plus difficile pour les entreprises canadiennes de bénéficier équitablement des émissions que nous concevons, finançons et produisons. En mettant l’accent sur les contributions du secteur de la production canadienne dans son ensemble et sur les droits de propriété intellectuelle pour toutes les entreprises canadiennes, le projet de loi C-11 propose des mesures encourageantes. Nous sommes convaincus que le projet de loi appuiera les entreprises créatives canadiennes solides qui ont l’envergure nécessaire pour être concurrentielles sur la scène mondiale.
J’aimerais maintenant conclure en répondant à certaines des critiques que nous avons entendues au sujet de ce projet de loi. Certains disent que le projet de loi C-11 est tout simplement inutile parce que les entreprises médiatiques canadiennes et étrangères sont dans des marchés différents. Cela ne pourrait pas être moins vrai. En réalité, Facebook et Google nous font concurrence pour la publicité et, en fait, accaparent la part du lion sur ce marché. Netflix et Amazon nous font concurrence pour les auditoires et en conquièrent plus que jamais. Les mêmes studios américains qui nous accordaient des licences pour du contenu destiné à la télévision canadienne contournent maintenant les radiodiffuseurs canadiens pour l’offrir directement aux Canadiens.
Certains diront que le projet de loi C-11 nécessite un réexamen approfondi. Encore une fois, nous ne sommes pas de cet avis. Il serait difficile pour les sénateurs de trouver un autre texte législatif dont les questions fondamentales liées aux politiques ont été examinées de plus près que le projet de loi C-11 et son prédécesseur. Ce projet de loi n’est peut-être pas parfait. Nous le savons certainement. Toutefois, il est le fruit de six années de consultations et de compromis entre les parties prenantes, les fonctionnaires et les membres du public. Ce n’est pas le moment de retourner à la planche à dessin.
Enfin, certains prétendent que le projet de loi C-11 favorise un excès réglementaire, mais cette préoccupation n’est pas fondée. Le projet de loi vise à garantir l’avenir de la Loi sur la radiodiffusion. Il nous a fallu 30 ans pour revoir cette loi, et le dossier ne sera probablement pas rouvert de sitôt. Tout projet de loi trop normatif qui lie les mains de l’organisme de réglementation sera rapidement dépassé par les événements. Pour réglementer l’industrie de façon juste et efficace, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, ou CRTC, a besoin d’un mandat clair et d’un pouvoir discrétionnaire approprié pour surveiller les plateformes numériques qui agissent comme des radiodiffuseurs, tout comme le prévoit le projet de loi C-11.
Honorables sénateurs, j’espère que vous conviendrez que le statu quo n’est pas viable et que vous nous aiderez à mener à bien le long projet de réforme de la Loi sur la radiodiffusion au Canada. L’avenir de toute une industrie canadienne est en jeu. Je vous remercie, et je serai heureux de répondre à vos questions.
[Français]
Le président : Merci beaucoup. Monsieur Péladeau, la parole est à vous.
Pierre Karl Péladeau, président et chef de la direction, Québecor Média inc. : Monsieur le président, honorables sénateurs et sénatrices, je m’appelle Pierre Karl Péladeau et je suis le président de Québecor Média, et je suis accompagné de Mme Peggy Tabet, vice-présidente, Affaires réglementaires et environnementales.
[Traduction]
Tout d’abord, je tiens à remercier M. Reeb de son témoignage. Vous comprendrez que, pour l’essentiel, nous avons le même point de vue.
[Français]
Le projet de loi C-11 est une révision longuement attendue de la Loi sur la radiodiffusion. Depuis sa dernière mise à jour, il y a maintenant plus de 30 ans, alors qu’Internet en était à ses balbutiements, l’industrie de la radiodiffusion a été bouleversée par l’émergence fulgurante des diffuseurs en ligne étrangers tels que Netflix, Disney+ et Amazon. On peut prévoir qu’il y en aura d’autres, également, dans les mois et les années à venir.
Le cadre réglementaire de la radiodiffusion ne s’est aucunement adapté au rythme du tsunami technologique, et les entreprises traditionnelles comme TVA et Vidéotron se sont trouvées confrontées à un système à deux vitesses, où il est devenu impossible de faire concurrence aux services en ligne étrangers.
Ces derniers ont même dépassé les services de télédistribution au Québec. Selon la dernière enquête NETendances, en 2021, 66 % des Québécois et des Québécoises étaient abonnés à un télédistributeur, contre 71 % à un service payant de diffusion de contenu vidéo en ligne.
En imposant des contraintes réglementaires aux services de vidéo en ligne étrangers, le projet de loi C-11 n’assure pas la pérennité des entreprises d’ici. Après tout, cela ne change rien au fait que Netflix, Disney+, Prime Video et les autres grandes plateformes américaines dépenseront plus de 150 milliards de dollars mondialement cette année pour créer des films et des séries télévisées qui éloigneront davantage de téléspectateurs canadiens de notre système de radiodiffusion. Pour assurer la survie des entreprises locales, il faut entreprendre un allégement considérable du fardeau réglementaire administratif et financier.
Depuis notre témoignage devant le Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes, il y a maintenant trois mois, la situation déjà préoccupante des radiodiffuseurs canadiens n’a fait qu’empirer. Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) a publié la décision longuement attendue du renouvellement des licences de la Société Radio-Canada (SRC). Le diffuseur public qui, rappelons-le, était déjà moins réglementé que les radiodiffuseurs privés, s’est vu accorder davantage d’allégements et de flexibilité réglementaires.
Le CRTC entend clairement laisser libre cours aux pratiques anticoncurrentielles du diffuseur public dans le marché publicitaire et à la course aux cotes d’écoute qu’il mène au détriment de sa mission d’intérêt public. Pendant ce temps, le CRTC a décidé de maintenir les diffuseurs privés dans un carcan réglementaire rigide et désuet.
À la suite de cette décision, l’ensemble de l’industrie de la radiodiffusion s’est insurgé. Pas moins de 14 appels au gouverneur en conseil ont été déposés afin que le CRTC révise sa décision relative au renouvellement des licences de la SRC. Ce faisant, la révision du mandat de la SRC doit impérativement faire l’objet d’une intervention législative afin de rétablir l’équité avec les diffuseurs privés.
Tout dernièrement, Netflix et Disney+ ont annoncé leur entrée imminente sur le marché publicitaire canadien, comme elles viennent de le faire aux États-Unis. Ces entreprises s’ajoutent à la concurrence déjà écrasante de Facebook et de Google qui, dorénavant, seront presque l’équivalent d’un télédiffuseur en ligne concurrençant les radiodiffuseurs canadiens.
Par conséquent, les radiodiffuseurs auront moins de moyens pour financer les émissions d’information et la création de contenu porteur pour l’industrie culturelle canadienne. À cela s’ajoute l’érosion du modèle d’affaires de la télévision privée. En juillet dernier, le CRTC a publié une étude alarmante qui souligne que les diffuseurs privés canadiens ont de plus en plus de difficulté à faire l’acquisition de droits de diffusion pour les contenus qui attirent le plus grand public, faute de moyens.
De 2010 à 2021, les télédiffuseurs traditionnels privés ont accusé un déficit de près de 188 millions de dollars. L’appauvrissement des radiodiffuseurs canadiens au profit des services de diffusion en ligne étrangers constitue une menace réelle pour la production d’émissions de nouvelles et d’information d’ici et, évidemment, dans l’intérêt public.
La disparition des entreprises locales rendrait le système canadien de radiodiffusion entièrement dépendant d’acteurs étrangers, privant ainsi les Québécois, les Québécoises, les Canadiens et les Canadiennes de leur souveraineté culturelle. Dans ce contexte, le législateur doit agir avant qu’il ne soit trop tard.
Le projet de loi C-11 doit donc baliser le mandat de la SRC afin qu’elle agisse de façon complémentaire aux radiodiffuseurs privés et il doit mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles de la SRC en éliminant toute forme de publicité sur ses plateformes.
De plus, la modernisation de la Loi sur la radiodiffusion ne doit pas sacrifier le principe d’équité entre les différentes parties du système canadien de radiodiffusion. Le législateur doit mettre un terme au régime à deux vitesses, où les radiodiffuseurs privés croulent sous le poids d’un régime réglementaire anachronique, et où les services de vidéo en ligne étrangers profitent du marché canadien sans aucune contrainte.
En ce sens, le projet de loi C-11 devrait être amendé afin de veiller à ce que toutes les entreprises de radiodiffusion soient traitées de façon juste et équitable, comme c’était le cas dans la version précédente de cette réforme, dans le but de libérer ces importants acteurs économiques locaux de leur camisole de force.
Honorables sénateurs, peut-être que la formule peut paraître exagérée, mais c’est une question de vie ou de mort. Merci beaucoup de votre attention.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Péladeau.
[Traduction]
Leonard Asper, président et chef de la direction, Anthem Sports and Entertainment : C’est moi qui allais prendre la parole aujourd’hui, en fait. Je suis désolé s’il y a eu confusion. Je vais intervenir et sauver M. Cicione.
Tout d’abord, bonjour à tous. Je remercie tous les membres du Comité sénatorial permanent des transports et des communications. C’est un honneur d’être ici.
Je m’appelle Leonard Asper. Je suis président et chef de la direction d’Anthem Sports and Entertainment. Je suis accompagné d’Anthony Cicione. Il est président du Game Media Group, qui gère nos activités télévisuelles canadiennes, entre autres actifs que nous avons.
Comme je l’ai dit, c’est un honneur d’être ici aujourd’hui. Je tiens également à souligner d’emblée que ce que je vais dire n’a pas du tout pour but de réduire l’importance de l’incroyable contribution des entreprises comme Québecor, Corus et bien d’autres comme elles qui contribuent grandement au système canadien et qui font face aux mêmes menaces que nous.
Il s’agit vraiment d’une question d’équité relative ici, comme je vais le dire, mais ce sont des entreprises qui font un travail phénoménal et qui créent beaucoup d’emplois au Canada. Je les en félicite.
Je pourrais presque dire qu’elles ont fait la majeure partie du travail pour nous ici, mais nous avons un problème plus particulier, propre à des entreprises comme la nôtre. Anthem est un radiodiffuseur canadien spécialisé, indépendant et non affilié, qui évolue dans un paysage médiatique très fortement concentré, dans lequel les câblodistributeurs et les télécommunicateurs possèdent également un grand nombre de chaînes canadiennes qu’ils distribuent. Nous avons des chaînes indépendantes, trois en fait. Il s’agit de chaînes de langue anglaise axées sur le divertissement et le sport, connues sous les noms de GameTV, Game+ et Fight Network.
Nous sommes canadiens. Nous sommes basés à Toronto, et nous fournissons plus de 70 emplois de haute qualité directement par notre organisation. Nous sommes des diffuseurs, mais nous produisons également une quantité importante de contenu au Canada. Nous achetons et produisons des émissions canadiennes, et nous vendons et distribuons notre contenu dans environ 120 pays.
De plus, nous possédons Impact! Wrestling, qui est ce que ce nom laisse entendre, soit une promotion de lutte, mais qui est aussi canadienne, produite par des gens du Canada, de Windsor à Toronto. Elle emploie également un certain nombre de personnes ailleurs au pays. Ce contenu est distribué sur des plateformes numériques. L’ensemble de notre contenu est présenté sur certaines plateformes numériques dans le monde.
Nos chaînes sont ce qu’on appelle des chaînes « facultatives ». Cela signifie que personne n’est obligé de les distribuer, contrairement aux radiodiffuseurs en direct, pour lesquels la distribution obligatoire au service de base leur permet de rejoindre toute la population canadienne. Il y avait autrefois un grand nombre de chaînes facultatives, mais la plupart ont été achetées par les grandes entreprises de câblodistribution et de télécommunications, ce qui leur a donné tout de suite un avantage sur le plan de la distribution, évidemment.
Nous sommes en concurrence avec un certain nombre d’autres types de diffuseurs, mais nous n’avons pas les mêmes avantages qu’eux. Par conséquent, un certain nombre de services facultatifs comme le nôtre ont tout simplement fermé leurs portes compte tenu de ce désavantage concurrentiel.
Or, tous les radiodiffuseurs sont tenus d’acquérir et de prévoir une quantité minimale de contenu canadien, peu importe si les entreprises sont prêtes à nous rémunérer équitablement pour notre travail. Nos obligations en matière de programmation — comme celles de tout le monde — soutiennent les producteurs canadiens et créent des emplois. Soit dit en passant, nous ne sommes pas du tout opposés aux règles sur le contenu canadien.
Par contre, nous sommes également désavantagés par rapport au milieu de la production. Les producteurs bénéficient de crédits d’impôt, de mécanismes de financement, de fonds de développement provinciaux, de fonds de Téléfilm ou de revenus provenant du Fonds des médias du Canada. Ils ont, en fait, un « acheteur forcé » dans toutes les chaînes de télévision canadiennes, y compris le radiodiffuseur public. Ils disposent donc d’un certain nombre de mécanismes de soutien de ce genre pour rentabiliser leurs activités. Comme je l’ai dit, les radiodiffuseurs en direct sont assurés de rejoindre l’ensemble de la population, ce qui augmente leurs revenus publicitaires, et ils reçoivent une compensation supplémentaire.
Il y a ces trois éléments dans le système. Ils ont tous des difficultés. Ne vous y trompez pas. Nous soutenons tout ce qu’ils ont dit, mais nous avons un problème spécifique dans la mesure où parfois, dans le cadre des processus législatifs et sous le régime du CRTC, les radiodiffuseurs spécialisés sont laissés pour compte.
Nous félicitons le gouvernement d’avoir entrepris de proposer ce projet de loi, et nous convenons, bien sûr — comme tout le monde ici l’a dit, et comme beaucoup de gens l’ont dit — que le système est complètement dépassé par rapport à la façon dont le monde et Internet ont évolué. La loi doit être mise à jour. Nous voulons simplement être assurés que les radiodiffuseurs spécialisés indépendants canadiens, comme nous, restent inclus dans les discussions. Cela s’est produit avec le projet de loi C-10 et maintenant avec le projet de loi C-11. Nous voulons simplement nous assurer, encore une fois, qu’on reconnaît qu’il y a différents types de diffuseurs et que nous sommes inclus dans les discussions, comme je l’ai dit.
Nous sommes simplement ici pour exhorter le Sénat à conserver ces termes dans le projet de loi C-11 — reconnaissance des radiodiffuseurs indépendants — et à s’assurer que les priorités contenues dans le projet de loi sont mises en œuvre, car il ne s’agit pas seulement de l’adoption du projet de loi, mais aussi, bien sûr, de ce qui se passera après coup.
Nous vous demandons, à vous, sénateurs de ce comité, de travailler avec vos collègues de la fonction publique et de la Chambre des communes pour demander au CRTC d’assurer une distribution et une compensation significatives aux radiodiffuseurs spécialisés canadiens indépendants afin de nous permettre de poursuivre notre contribution essentielle et d’employer des Canadiens talentueux.
Plus précisément, concernant les contributions versées par les multinationales au système de radiodiffusion du Canada dans le cadre du projet de loi, nous exhortons le gouvernement à affecter un pourcentage significatif de ces contributions au secteur de la radiodiffusion spécialisée.
Nous savons que vous vous posez de nombreuses questions sur le projet de loi, et vous entendrez aujourd’hui, tout au long de votre étude, à la fois des gens qui le soutiennent et d’autres qui s’y opposent.
Nous vous demandons simplement de prendre quelques questions en considération. Le projet de loi garantit-il que les radiodiffuseurs indépendants canadiens peuvent rester compétitifs? Tous les témoins vous ont dit à quel point c’est difficile. Même si nous disons que nous sommes relativement désavantagés par rapport à des entreprises comme Corus ou Québecor, nous sommes tous confrontés aux mêmes problèmes parce que la concurrence n’est pas réglementée. Le projet de loi garantit-il que tous ceux qui bénéficient du système de radiodiffusion y contribuent équitablement? Garantit-il que les Canadiens auront toujours accès au contenu de haute qualité que les radiodiffuseurs indépendants canadiens continuent de produire?
Nous pensons que le projet de loi répond par l’affirmative à ces questions et, comme l’a dit M. Reeb, il n’est pas parfait, mais il contribue grandement à l’atteinte des objectifs qui sous-tendent le système depuis de nombreuses années. Il fournit une mise à jour importante pour refléter la concurrence qui a évolué, en particulier non seulement de l’Internet, mais aussi des diffuseurs en continu qui avaient l’habitude de vendre leur contenu au Canada, mais qui maintenant diffusent ici et prennent encore plus d’auditeurs.
Nous avons un problème précis, mais nous soutenons l’ensemble du système de radiodiffusion canadien et le milieu de la production dans leur appui à ce projet de loi.
Merci de votre attention. Nous serons ravis de répondre à vos questions.
[Français]
Le président : Merci beaucoup. Ma première question s’adresse au représentant de Québecor.
Le 31 mai dernier, lors de votre comparution devant le comité de la Chambre des communes, monsieur Péladeau, vous avez conclu votre présentation ainsi :
[...] au lieu de demander au CRTC une nouvelle réglementation tentaculaire et truffée d’exigences ahurissantes, le législateur devrait plutôt aller à l’essentiel en privilégiant un régime réglementaire allégé où les plateformes de diffusion en ligne étrangères contribuent financièrement à notre écosystème et aux différentes parties prenantes de l’industrie, et ce, afin de maintenir le système canadien de radiodiffusion fort et robuste.
Selon vous, est-ce que le projet de loi C-11 contribue à alléger le système réglementaire? Sinon, le gouvernement ne vient-il pas créer d’autres « tentacules », pour reprendre votre expression?
Deuxièmement, le changement que vous demandez au mandat de la SRC devrait-il faire partie du projet de loi C-11?
M. Péladeau : Il n’est pas toujours facile de comprendre les tenants et aboutissants de la relation qui peut exister entre le gouvernement et le CRTC. Certes, il s’agit d’un organisme indépendant. Également, il se doit d’être tout à fait attentif aux dynamiques sociales, économiques et culturelles, étant donné le rôle primordial qu’il doit jouer en la matière.
Il est indéniable que les acteurs dans le domaine du contenu vidéo en ligne sont venus perturber de façon significative le paysage. Ni le CRTC ni le gouvernement ne peuvent ignorer ce fait. Il y a quelques années, il a été question de taxer les services étrangers et un gros débat s’est tenu à ce sujet. Était-il question d’une taxe Netflix ou seulement de l’imposition de taxes de vente? De plus en plus, on en est arrivé à l’essentiel.
Qu’est-ce que le diffuseur étranger en ligne, qui prend de plus en plus d’auditoires auprès des Canadiens et Canadiennes, est en mesure d’apporter ou de soustraire au régime canadien de radiodiffusion?
Est-ce que le projet de loi se penche sur ces questions? Indéniablement, puisqu’il concerne des entreprises étrangères. N’est-il pas également temps, dans le cadre de cette problématique, de réfléchir à la réglementation des radiodiffuseurs canadiens? On peut penser que dans sa décision relative au renouvellement de la licence de la SRC, le CRTC s’y est intéressé.
Il a donné droit à une réduction de la réglementation pour la SRC, ce qui est assez étonnant; donc, par voie de conséquence, il devrait, le cas échéant, faire la même chose pour faire en sorte que les étrangers n’aient pas un rôle privilégié eu égard à l’importance des radiodiffuseurs canadiens — leur importance historique ainsi que leur importance économique et sociale, encore aujourd’hui.
Nous voulons maintenir un système de radiodiffuseurs canadiens qui participeront étroitement à l’économie canadienne. Cela est d’autant plus vrai au Québec, compte tenu de l’importance de la production indépendante, qu’elle soit en matière d’information, de séries, de cinéma et de toute autre activité culturelle. On se doit d’avoir des radiodiffuseurs québécois forts parce qu’ils sont à l’origine de l’écosystème culturel canadien. Si des mesures ne sont pas prises pour faire en sorte que cette situation soit maintenue, c’est le système tout entier qui va se trouver affaibli.
Le président : Merci.
[Traduction]
Ma deuxième question s’adresse à tous les témoins présents. Jusqu’à présent, le gouvernement a refusé de divulguer au CRTC ses directives en matière de politiques et de réglementation relatives à la mise en œuvre du projet de loi, et je pense que c’est un élément important. Comme nous le savons tous dans cette ville, les aspects réglementaires et les directives en matière de politique font partie intégrante d’une loi aussi importante que celle-ci.
Les témoins croient-ils qu’il serait utile ou important d’avoir ces directives à l’avance, afin que les législateurs et les témoins puissent les évaluer? De plus, est-ce que le fait de ne pas publier ces directives en matière de politiques contribue à l’incertitude liée à l’objectif du gouvernement avec le projet de loi C-11? Cette question s’adresse à tous les témoins présents.
M. Asper : Il s’agit certainement d’une préoccupation, comme c’est toujours le cas lorsqu’un projet de loi se traduit par des politiques et une mise en œuvre réelles. Comme je l’ai souligné dans ma déclaration, il serait utile de comprendre, de façon générale, ce qui vient ensuite, car l’adoption d’une loi entraîne souvent une autre série d’activités de lobbying. Comme nous sommes un petit groupe dans le sous-ensemble des électeurs du système, nous craignons certainement de faire les frais du lobbying.
J’ai indiqué que nous serions certainement heureux que l’intention des législateurs soit reflétée dans la mise en œuvre, et je pencherais donc probablement dans la direction qui ferait en sorte que le cadre envisagé par le CRTC soit révélé plus tôt que plus tard, mais pas au prix d’un retard dans l’adoption du projet de loi. Dans notre milieu, nous préférerions certainement que le projet de loi soit adopté rapidement, puis avoir, si possible — que ce soit avec le ministère du Patrimoine canadien, la Chambre des communes ou le Sénat — un rôle quelconque dans l’élaboration de la mise en œuvre des politiques.
M. Reeb : Je me ferai l’écho des commentaires de M. Asper. Manifestement, nous aimerions pouvoir connaître les répercussions de l’orientation en matière de politiques. Je pense que la question reste ouverte quant à savoir si cette orientation en matière de politiques exigerait une approche plus ferme ou plus souple lorsqu’il s’agit de réglementer les radiodiffuseurs canadiens qui sont actuellement dans le système et les radiodiffuseurs étrangers sur Internet qui ne font pas partie de ce système. Mais pour reprendre les paroles de M. Asper, nous ne voulons pas que cela cause du retard dans l’adoption du projet de loi. Le plus important, c’est de commencer à prendre des mesures pour uniformiser les règles du jeu, car à l’heure actuelle, nous sommes dans une situation où les entreprises canadiennes qui paient des impôts canadiens et créent des emplois et du contenu canadiens font face à une série de règlements, de taxes, de frais et de quotas, alors que les concurrents étrangers arrivent sur le marché sans avoir à s’occuper de tout cela. C’est donc le premier problème qu’il faut régler.
[Français]
Peggy Tabet, vice-présidente, Affaires réglementaires et environnementales, Québecor Média inc. : Effectivement, nous aimerions voir la directive comme on l’avait fait la dernière fois, parce que cette directive est censée enchâsser des principes de flexibilité et d’équité.
Pour répondre à votre première question, ces principes devraient être enchâssés dans la loi et ne pas compter seulement sur la directive gouvernementale, parce qu’évidemment, une directive peut changer du jour au lendemain; alors si ces principes sont enchâssés dans la loi, cette dernière est plus difficile à changer. Cela répond à votre première question, à savoir s’il y a assez de principes pour respecter la flexibilité et l’équité entre les différents acteurs de l’industrie. La réponse est : on aimerait voir plus de libellés à cet effet. C’est ce que l’on va présenter dans notre mémoire en tant que modification, comme le principe du juste et équitable, qui était dans la version du projet de loi C-10, qui a disparu malheureusement au profit du projet de loi C-11.
Ce sont des choses qu’on aimerait voir enchâssées dans la loi, et tant mieux si les directives vont dans le même sens, mais c’est important aussi de les avoir dans cette loi.
Le président : Merci.
[Traduction]
La sénatrice Simons : Comme certains d’entre vous le savent peut-être, j’ai exercé le métier de journaliste pendant 30 ans, et j’ai travaillé pour un quotidien pendant 23 ans. D’ailleurs, M. Asper a déjà été mon patron. Je suis vraiment préoccupée par les questions liées à l’absence de nouvelles locales et à la santé de notre secteur des nouvelles, car ce sont des enjeux qui, à mon avis, ne seront pas pris en charge adéquatement dans le projet de loi C-18.
Monsieur Péladeau et monsieur Reeb, le projet de loi C-11 est relativement silencieux au sujet de la question des nouvelles. Pensez-vous que le projet de loi en fait assez pour assurer la pérennité du secteur des nouvelles dans notre pays et dans vos entreprises?
M. Reeb : Je m’en remets à vous, monsieur Péladeau. Je serai heureux de répondre après votre intervention.
M. Péladeau : Je dirais que nous devons considérer la radiodiffusion comme un ensemble de différents segments, dont l’un est celui des nouvelles, c’est-à-dire les nouvelles locales, les nouvelles nationales et probablement aussi les nouvelles internationales, qui sont certainement moins couvertes par les radiodiffuseurs privés que par les radiodiffuseurs nationaux. Étant donné qu’il s’agit d’un écosystème, les différents segments doivent être adéquatement financés. Si nous avons un écart économique, si nous n’allons pas dans la bonne direction, si nous évoluons dans un environnement déficitaire, je présume qu’un jour ou l’autre, cela aura des répercussions sur notre capacité de continuer à financer la recherche, la capture et la diffusion des nouvelles locales. Vous avez raison de dire que c’est un enjeu très important. C’est probablement l’enjeu le plus important. C’est ce qui fait que les radiodiffuseurs canadiens sont canadiens, car si nous devions attendre que les radiodiffuseurs internationaux soient en mesure de diffuser ces nouvelles, nous attendrions longtemps, car cela ne se produira pas.
C’est la raison pour laquelle nous devons aborder cette question dans son ensemble, car il y a différentes parties qui contiennent cet élément important pour les Canadiens, mais aussi pour la démocratie. Que ferons-nous sans une couverture adéquate de nos collectivités locales?
La sénatrice Simons : Monsieur Reeb, les stations de radio de Corus sont souvent la seule source de nouvelles dans les régions qui sont autrement des déserts d’information. La radio ne reçoit pas souvent l’attention qu’elle mérite. Pensez-vous qu’il y a suffisamment d’éléments dans le projet de loi C-11 qui — je déteste cette expression — « uniformisent les règles du jeu »? A-t-on prévu suffisamment de mesures qui permettront aux nouvelles, surtout les nouvelles locales, d’être sur un pied d’égalité?
M. Reeb : Je vous remercie de votre question. C’est évidemment une question qui me tient à cœur. En effet, j’ai travaillé comme journaliste et présentateur de télévision pendant des années, et M. Asper a aussi été mon patron à un moment donné — et c’était un patron fantastique.
Le projet de loi en fait-il assez? Non. Est-ce un premier pas important? Oui.
Les défis auxquels fait face le secteur de la radiodiffusion sont différents de ceux auxquels fait face l’industrie de la presse écrite. La presse écrite, qui était un milieu largement non réglementé, a fait face à l’effondrement de son modèle économique avec la disparition des petites annonces et des publicités pour les films et les voitures, et cetera.
Les nouvelles locales dans les secteurs de la radiodiffusion, de la radio et de la télévision font face à certains de ces mêmes défis en raison de la migration des dollars publicitaires des radiodiffuseurs locaux vers des plateformes comme Facebook et Google. Toutefois, le secteur de la radiodiffusion dans son ensemble continue de porter cet énorme fardeau réglementaire, et il y a une limite au nombre de fardeaux qu’il peut porter.
Chez Corus, la fierté est au premier plan. Nous dirions que notre obligation la plus importante, celle que nous sommes fiers de remplir chaque jour pour les Canadiens, consiste à diffuser des nouvelles locales par l’entremise des 15 stations de notre réseau Global Television. Je pense que nous nous acquittons superbement de cette tâche sur tous nos marchés locaux, même si c’est une activité non rentable.
Les nouvelles représentent une activité déficitaire dans la presse écrite. Elle était autrefois financée par toutes les autres sections du journal. C’est une activité déficitaire à la radio, où elle est financée par la musique et c’est une activité déficitaire à la télévision, où elle est financée par les émissions de divertissement.
C’est ce financement indirect qui ne peut plus être fourni aux nouvelles, et il y a une limite au nombre de fardeaux que nous pouvons porter. Nous devons faire face à tous ces autres quotas, frais, exigences en matière de contenu canadien, exigences en matière de production canadienne, et cetera. En même temps, des concurrents étrangers arrivent et prennent les audiences en même temps que Facebook et Google prennent les revenus publicitaires. Il s’agit en partie d’uniformiser les règles du jeu pour que nous puissions livrer une concurrence équitable aux radiodiffuseurs étrangers. La deuxième étape, pour répondre au point soulevé plus tôt par M. Péladeau, est de commencer à réduire le fardeau imposé aux diffuseurs canadiens par certaines de ces autres exigences réglementaires. À mesure que nous uniformiserons les règles du jeu, nous augmenterons le fardeau des entreprises étrangères et nous réduirons celui des entreprises canadiennes pour que les radiodiffuseurs canadiens puissent donner la priorité aux nouvelles locales.
La sénatrice Simons : Pour avoir travaillé dans un journal, je sais qu’il est difficile de faire la transition entre les médias traditionnels et les médias en ligne. Dieu sait que M. Asper et moi le savons très bien.
Mais je me demande si, tant pour Corus que pour Vidéotron, vous êtes entrés de manière suffisamment agressive dans l’espace numérique. Croyez-vous que viendra le temps où vous cesserez de faire de la radiodiffusion traditionnelle et deviendrez vous-même des diffuseurs de contenu en continu? Vos deux entreprises ont-elles fait ce qu’il faut pour s’assurer d’être intégrées verticalement et de rivaliser dans un espace de diffusion en continu pour une génération de personnes qui ne regardent plus la télévision traditionnelle et qui s’attendent à ce que toutes leurs nouvelles et toutes leurs émissions de divertissement soient diffusées en continu?
M. Reeb : Une autre excellente question. Je vais répondre à celle-ci en premier si cela ne vous dérange pas, monsieur Péladeau.
Je dirais que, oui, nous nous sommes lancés de façon très agressive dans cet espace. Comme vous le savez peut-être, nous avons été le premier radiodiffuseur canadien à offrir des services de nouvelles en continu, non seulement sur notre fil national de Global News, mais aussi sur tous les marchés locaux que nous desservons. Ces services sont offerts sur une myriade de plateformes, par l’entremise de l’application Global TV, de Prime Video et du Web. Nous enregistrons une croissance considérable des audiences sur ces plateformes, mais nous savons aussi que la publicité est très différente sur ces plateformes. En effet, les réseaux publicitaires sont souvent contrôlés par de grandes multinationales étrangères, de sorte que les dollars que nous obtenons encore à la télévision et à la radio ne deviennent que quelques sous sur les plateformes numériques.
C’est un problème que le projet de loi C-18 vise à résoudre. Je partage une partie de votre scepticisme — mais je partage aussi une partie de ce que je pense être votre espoir que le projet de loi C-18 s’attaquera à une partie de cette disparité dans les règles du jeu —, mais je ne pense pas que le projet de loi C-11 soit nécessairement le bon endroit pour tenter de résoudre ce problème. Un pas en avant à la fois, et la première chose que nous devons faire, c’est de nous attaquer à un problème économique beaucoup plus important pour les radiodiffuseurs, à savoir la concurrence avec Netflix, Amazon Prime Video et Disney+. En effet, pour nous, ce domaine représente 1 milliard de dollars, alors que le secteur des nouvelles ne représente que 100 millions de dollars.
La sénatrice Simons : Monsieur Péladeau, comme Vidéotron, une transition suffisante a-t-elle été effectuée?
M. Péladeau : Je suis un peu jaloux, car tout le monde a travaillé pour M. Asper.
M. Reeb : Il a les emplois de la lutte.
M. Péladeau : Cela me donne aussi l’occasion de préciser qu’il était un éditeur important il y a quelques années.
En fait, puisque j’en parle, rappelez-vous à quel point le secteur des journaux était important pour les Canadiens, et regardez ce qui s’est passé non seulement au Canada, mais aussi en Amérique du Nord et ailleurs — pensez au nombre de journaux qui ont fermé.
Nous avions autrefois 30 pages de petites annonces, et cela a complètement disparu. M. Reeb a tout à fait raison de dire que ce problème doit être abordé dans le projet de loi C-18, mais cela ne signifie pas que les entreprises canadiennes se contentent d’observer la situation et d’attendre de voir ce qui va se passer.
Pour répondre précisément à votre question, Vidéotron a été l’une des premières entreprises à affronter ou à anticiper ce qui allait se passer dans le domaine de la diffusion en continu. Nous avons été la première entreprise à lancer un service de diffusion en continu appelé Club illico, où nous avons commencé, il y a 10 ans, à proposer des séries originales. Aujourd’hui, c’est l’un des plus importants services de diffusion en continu en français. Nous sommes en concurrence — imaginez cela — avec la Société Radio-Canada, qui a décidé de lancer un service de diffusion en continu. Nous payons déjà pour la Société Radio-Canada, mais elle a décidé que vous deviez payer plus, car il faut débourser 10 $ pour le contenu supplémentaire. Lorsque nous parlons de mesures anticoncurrentielles, c’est à ce genre de choses que nous faisons référence.
Nous étions là au début. Nous continuons toujours d’investir pour nous assurer que nous serons en mesure de proposer du contenu pour faire concurrence aux multinationales, mais nous n’avons certainement pas les mêmes moyens financiers que ces énormes organisations.
Nous pouvons affirmer que la capitalisation boursière de Québecor est importante. En effet, elle est de 7 milliards de dollars, mais ce n’est rien comparé à Google ou Netflix, des entreprises pour lesquelles elle s’élève à 100 milliards de dollars et plus. Si on combinait toutes les capitalisations boursières des entreprises américaines, cela représenterait plus d’un billion de dollars.
Bref, oui, nous faisons ce que nous pensons devoir faire. En fait, nous avons certainement des avantages, car nous comprenons comment la culture québécoise et francophone peut nous différencier des Américains, mais certainement pas aux niveaux de production et de distribution que nous observons chez ces entreprises, car leur marché s’étend à l’échelle mondiale. Notre marché se résume au Québec et aux régions francophones du Canada, et ce n’est certainement pas à la même échelle.
Nous poursuivrons donc nos efforts, et puisque nous faisons partie de l’écosystème, nous sommes en mesure de financer d’autres éléments comme les nouvelles locales auxquelles je faisais référence, mais nous ne sommes certainement pas sur un pied d’égalité.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Bienvenue, monsieur Péladeau.
Tout d’abord, je dois vous dire que, tout comme vous, je suis inquiète, étant donné l’arrivée et l’omniprésence de ces géants américains, quant à l’avenir de la culture francophone, de la culture québécoise, et même, à la limite, de la langue française.
Au Québec, tout cela a un effet quand même assez important.
Cela dit, je veux vous entendre sur ce paradoxe que certains pourraient voir quant au fait que vous demandez un allégement réglementaire — et je me demande là si vous demandez aussi un allégement réglementaire pour ce qui est des règles relatives au contenu canadien que vous devez présenter —, au moment même où on s’apprête à réglementer les plateformes étrangères.
J’aimerais vous entendre spécifiquement sur la réglementation relative au contenu canadien qui est imposé aux radiodiffuseurs canadiens, mais aussi sur ce que vous semblez dire quand vous parlez d’une réglementation du CRTC qui serait à l’avenir « tentaculaire et truffée d’exigences ahurissantes ».
Ce que vous voulez, si je comprends bien, c’est qu’on laisse tomber le critère de la découvrabilité, les algorithmes et tout cela, et qu’on demande seulement de l’argent aux étrangers. Est-ce que je comprends bien ou non?
M. Péladeau : Ce n’est pas une question simple, madame la sénatrice. Maintenant, comment peut-on véritablement réglementer des entreprises étrangères, d’autant plus qu’elles sont dorénavant — je veux dire qu’à l’époque, vous avez été une longue collaboratrice du système de radiodiffusion canadien, cela prenait une licence pour diffuser du contenu? Aujourd’hui, en raison des développements technologiques, la détention d’une licence n’est plus nécessaire. Alors comment pourrons-nous réglementer, de façon aussi puissante que l’a fait le CRTC, les détenteurs de licence? C’est une question qui n’est pas simple à répondre et vous en êtes certainement saisis. Si cette réalité existe, que peut-on faire? Nous sommes d’avis que pour s’assurer que le niveau d’équité est rétabli ou qu’il peut être en mesure d’être rétabli, la meilleure chose serait effectivement de déréglementer.
En ce qui nous concerne, et puisque je pense que les radiodiffuseurs canadiens et québécois sont peu nombreux, ils savent très bien que s’ils veulent maintenir leur auditoire — c’est l’expérience que TVA et les autres chaînes spécialisées de TVA ont entreprise depuis des dizaines d’années —, on n’écoutera plus Les joyeux naufragés — pardonnez-moi la métaphore —, mais on va écouter des séries québécoises. On vient de lancer une émission quotidienne, lundi, qui s’intitule Indéfendable. C’est l’exemple le plus beau et le plus puissant. Cela fera qu’il ne sera pas nécessaire pour les radiodiffuseurs de diffuser et de produire du contenu canadien.
Là où cela pose problème, c’est lorsqu’on dit que cela prend telle affaire ou tel truc. En ce qui concerne la télédistribution, d’avoir un service de base qui vient nous pénaliser... Vous savez, il y a un mouvement qu’on appelle cord-cutting, cord-shaving ou cord-never. Les jeunes ne s’abonnent plus à la câblodistribution, vous le savez. Il faut savoir également que c’est le système de câblodistribution qui finance le Fonds des médias du Canada en très grande partie, et que le Fonds des médias du Canada est essentiel pour mettre en valeur le talent et tout ce que nous avons développé au Québec, certainement dans l’univers francophone. C’est la même chose dans l’univers anglophone : pour mettre en valeur ceux qui sont devant comme ceux qui sont derrière l’écran; Dieu sait qu’ils sont nombreux. Il ne s’agit pas seulement des cameramans. Il y a également des scripteurs et des scénaristes. C’est une industrie extrêmement importante.
À cet égard, nous souhaitons que cette déréglementation rende les gens plus susceptibles de maintenir un abonnement plutôt que d’être obligé de devoir s’abonner à un service de base et de payer les sommes qui y sont associées. C’est plutôt rédhibitoire, et c’est une des raisons pour lesquelles nous voyons les jeunes aller davantage sur YouTube plutôt que de s’abonner à la câblodistribution.
Certes, il y a l’accès à Internet, et cela peut faire en sorte de mettre en valeur notre culture, mais nous faisons face à des géants étrangers qui sont en mesure de nous ensevelir de contenu et qui rendent notre environnement encore plus difficile dans cet univers concurrentiel.
Les allégements ne sont pas nécessairement techniques, mais ce sont des allégements qui nous permettront d’avoir un niveau d’égalité, un effet d’entraînement pour le maintien des abonnements, plutôt que de voir partir l’argent des familles et des jeunes dans des abonnements Netflix, Disney+ ou Amazon. Ces compagnies n’ont aucune réglementation et décident de diffuser ce qu’elles veulent, quand elles le veulent, avec des moyens technologiques extrêmement puissants qui sont les leurs. C’est ça, la dynamique, le défi et les enjeux.
La sénatrice Miville-Dechêne : Cette réglementation ne peut pas être présente dans ce projet de loi. Cela fait partie de ce que le CRTC devrait faire. Donc, voulez-vous des directives plus claires ou voulez-vous que dans le projet de loi, on parle d’allégements réglementaires?
J’aimerais entendre ce que vous avez à dire de l’autre partie de l’équation. À votre avis, quelles doivent être les responsabilités des radiodiffuseurs étrangers, des plateformes étrangères, sur le plan du contenu canadien? Vous avez dit plusieurs fois qu’ils doivent contribuer au fonds, à la partie II. Est-ce cela la priorité ou est-ce de faire découvrir du contenu canadien sur leurs plateformes, qui sont des concurrents?
M. Péladeau : J’ai tendance à penser qu’étant donné que nous avons développé pendant des décennies d’énormes talents — et nous le savons, puisque nombreux sont ceux et celles qui sont allés travailler aux États-Unis pour les studios américains et participer à l’émergence, et par la suite au développement des plateformes internationales.
Ce que l’on souhaiterait serait qu’on puisse maintenir de façon solide et pérenne ces talents-là au Canada. Est-ce que cela va se faire parce que nous allons imposer des obligations? Il faut faire attention, parce qu’on a déjà aussi, même en ce qui concernait les radiodiffuseurs canadiens, imposé des conditions de contenu canadien. Toutefois, ce n’est pas toujours simple de définir le contenu canadien. Qu’est-ce qui est du contenu canadien? Est-ce le réalisateur, le financement, le diffuseur? Là aussi, tristement, on s’est rendu compte que ce qui était censé être canadien ne l’était pas nécessairement.
Est-ce que les diffuseurs de contenu en ligne étrangers devraient être réglementés pour diffuser du contenu canadien? C’est une question qui demeure ouverte. Ce n’est pas une question simple à répondre. D’ailleurs, c’est la raison pour laquelle il nous apparaît beaucoup plus simple de déréglementer, pour faire en sorte que les Canadiens disposent de tous les moyens possibles. Vous parlez de la partie II, mais il y a également ce qui concerne les distributeurs. Je vais demander à Mme Tabet, qui est une grande spécialiste en la matière, de vous en parler. On parle de déréglementation, on parle du service de base, mais on parle aussi des taxes qui sont imposées aux distributeurs. Je pense à la partie I ou la partie II. Il s’agit de sommes importantes.
Mme Tabet : Effectivement, il y a les parties I et II. La partie I traite de l’administration du CRTC, mais il y a aussi les 5 % qu’on paie sur les revenus des télédistributeurs qui vont au Fonds des médias et à la programmation canadienne ou à la télévision communautaire. Si vous voulez que la Loi sur la radiodiffusion s’applique aux services étrangers, ceux-ci devront contribuer à la programmation canadienne. Est-ce que c’est à leur avantage ou à l’avantage de l’industrie? C’est à l’avantage de l’industrie. Leur contribution ira dans un fonds. Est-ce que c’est le Fonds des médias? Cela va servir à la production canadienne. C’est la façon la plus simple de les faire contribuer.
De l’autre côté, il faut alléger notre réglementation et enlever tout ce fardeau administratif et financier qui nous incombe en ce moment. Sachez que même si nous sommes réglementés ou déréglementés sur le plan du contenu canadien, on va toujours en produire. Comme M. Péladeau le disait, c’est notre mission, au Québec, de produire des émissions canadiennes. En ce moment, 55 % des dépenses consacrées aux émissions canadiennes de la télévision traditionnelle privée du Québec sont engagées par TVA. Donc, 55 % des dépenses viennent de chez nous. De toutes les télévisions privées au Québec, on effectue 55 % des dépenses totales en matière d’émissions canadiennes. Ce n’est pas là le problème. Que vous enleviez cette obligation, cela ne va rien changer pour nous. On va continuer d’en produire parce que c’est notre façon de nous distinguer.
Le président : Merci, madame Tabet.
[Traduction]
Il y a quatre collègues sur la liste des intervenants, et il ne nous reste que 16 minutes. À dessein, je n’ai pas interrompu les longues réponses de nos témoins, car elles étaient intéressantes et j’ai donc pris la liberté de leur permettre de communiquer leurs points de vue.
La sénatrice Dasko : Je remercie les témoins d’être ici aujourd’hui. J’ai deux questions pour M. Reeb et une question pour M. Péladeau.
Le contexte et la principale justification du projet de loi C-11, c’est que les revenus de la radiodiffusion traditionnelle ont diminué, ce qui a créé une situation très difficile pour les entreprises de ce milieu, et nous devons donc maintenant aligner les diffuseurs étrangers. Toutefois, si j’examine le récent rapport du CRTC, qui tient compte des cotes d’écoute et des revenus jusqu’en 2021, je constate que la télévision traditionnelle a connu une augmentation des revenus publicitaires au cours de cette période en 2021.
À votre avis, cette information remet-elle un peu en cause cet argument, et comment l’expliquez-vous? Ce n’est pas comme si les revenus connaissaient une baisse constante. En fait, nous observons une augmentation des revenus.
Pour le représentant de Corus, je ne sais pas si les revenus de vos stations de télévision ont augmenté ou diminué au cours de cette période, mais ces données montrent néanmoins que les revenus ont effectivement augmenté au cours de cette période. J’aimerais savoir si vous pouvez expliquer cela?
M. Reeb : J’ai une explication très simple. Les revenus suivent une tendance à la baisse depuis 10 ans. En 2020, ils se sont absolument effondrés à cause de la COVID-19. En 2021, ils ont connu une certaine reprise, mais la tendance à la baisse sur 10 ans s’est poursuivie en 2021. Il s’agissait donc d’une petite reprise après l’effondrement causé par la COVID-19, qui a entraîné un arrêt généralisé des investissements publicitaires dans l’ensemble du système.
Le secteur de la télévision traditionnelle perd de l’argent depuis des années, et par traditionnelle, j’entends le secteur de la télévision en direct. Vous pouvez examiner les résultats du CRTC année après année au cours de la dernière décennie, et vous constaterez que le secteur traditionnel de la télévision en direct est en chute libre. Il a donc été financé par le secteur des abonnements spécialisés.
La sénatrice Dasko : Êtes-vous en train de dire que cette augmentation sur un an est une anomalie, et que vous vous attendez à ce que les revenus continuent de baisser?
M. Reeb : C’est exact.
M. Asper : Si vous permettez, madame, qu’un vieux routier du système comme moi intervienne... La marge bénéficiaire d’un diffuseur dépend de plusieurs éléments, parmi lesquels les coûts. Or les coûts du contenu ont augmenté. M. Reeb a tout à fait raison de dire qu’une année de regain partiel après une forte décroissance est une anomalie qui ne remédie pas à la décroissance globale du secteur. Les radiodiffuseurs en direct s’associent tous avec des chaînes thématiques, parce qu’elles subventionnaient le volet radiodiffusion de leur activité.
Par exemple, les revenus du réseau Global de télévision avaient toujours été cinq fois supérieurs à ceux de la chaîne Home and Garden TV, mais, vers 2010 ou 2011, cette chaîne — peut-être grâce à ses abonnés et à des coûts très inférieurs — était plus rentable que Global et que, j’en suis convaincu, CTV, dont le service de nouvelles dévore des sommes inouïes de travail et d’argent. De plus, le passage à Internet s’accompagne d’une baisse importante des revenus des abonnements.
En ce qui concerne les nouvelles, il importe de se défaire de la conception qu’on véhicule le projet de loi C-11. Je tiens particulièrement à insister là-dessus, car il faut que ce soit réglé pour le projet de loi, comme M. Reeb l’a laissé entendre, puis en examiner les diverses formes — l’imprimé, la radiodiffusion, la télédiffusion et Internet — qui ont toutes besoin de solutions très adaptées.
La redistribution des revenus qui reviennent aux réseaux de radiodiffusion pour être réinvestis dans des émissions de nouvelles ou de divertissement répond à la remarque de M. Péladeau sur la disparité financière entre les gros diffuseurs en continu, qui peuvent investir dans le contenu, peu importe la qualité qu’il acquerra — ce qui est également un problème. Ça créera un meilleur contenu, ce qui, d’après moi, permettra à des entreprises comme Québecor, Corus et Anthem d’entrer en lice. Il importe de ne pas oublier la redistribution, qui permet à des gens comme M. Reeb d’investir dans leurs produits d’information ou de divertissement.
Les Canadiens excellent dans le contenu non scénarisé. La remarque de M. Péladeau sur la réglementation des exigences en matière de dépenses est judicieuse. C’est vraiment cette réglementation qui touche les radiodiffuseurs, parce que s’ils réussissent à produire économiquement du contenu tout en conservant de bonnes cotes d’écoute, ils ne devraient pas être obligés de dépenser plus que nécessaire dans certains types de contenus. Il est acceptable de réglementer la proportion de contenu que les Canadiens sont tenus de regarder, en pourcentage du contenu que les diffuseurs sont obligés de diffuser dans leur programmation. Mais quand l’État et le CRTC se mêlent de surveiller le temps d’écoute d’une émission donnée par un individu, ils imposent une charge au système.
La sénatrice Dasko : Merci. Monsieur Péladeau, vous avez formulé plusieurs observations sur CBC/Radio-Canada. En préconisez-vous la privatisation? Quelle est votre opinion là-dessus?
M. Péladeau : Voilà une excellente question. Cette société a sa propre mission. Il est important, pour notre démocratie, de posséder un radiodiffuseur national ou d’État. Mais, d’après moi, il importe que sa mission diffère de celle que se donneront des diffuseurs privés.
Il y a un marché, et je suppose que la sénatrice Miville-Dechêne le sait très bien. En fait, il en existe également un exemple assez éloquent. ICI Radio-Canada, même si c’est l’homologue de CBC Radio, ne passe pas de messages publicitaires, et il existe un marché pour ça. Personnellement, j’écoute même la radio de CBC, même si, évidemment, j’écoute la télévision de Radio-Canada. Mais on peut constater que la mission de Radio-Canada, à la radio, diffère de celle des radiodiffuseurs privés au Québec. Pourquoi cette différence ne pourrait-elle pas exister dans le secteur de la télévision? Évidemment, personne ne peut retourner 20 ans en arrière, mais, à l’époque, la mission était centrée sur l’intérêt public. Elle ne l’est plus, puisqu’on concurrence les radiodiffuseurs privés.
J’ai fait allusion à une quotidienne. Nous la lançons lundi. Vous devriez voir l’argent qu’a investi Radio-Canada dans la publicité de sa propre nouvelle quotidienne. On l’entendait partout. D’après moi, elle a dépensé 10 millions de dollars, même plus. Elle réagit donc comme un concurrent du privé. Est-ce la conduite que nous devrions attendre d’un diffuseur public? Je crois que non. En ma qualité de Canadien et de Québécois, j’estime qu’un diffuseur public est important, mais son produit doit différer de celui des diffuseurs privés.
Pour répondre à la première partie de votre question, qui concerne également Radio-Canada, cette société reçoit un financement annuel de 1,4 milliard de dollars. Les diffuseurs privés, qui ne reçoivent rien, doivent s’adapter au marché. La comparaison en amènera certains à dire que c’est stupide, mais que c’est ainsi que va l’économie. Or, c’est vraiment le nœud de la question. La tendance, depuis 10 ans, comme M. Reeb l’a fait remarquer, est l’amenuisement des recettes publicitaires. C’est un fait. Vous avez vu Corus. Il est regrettable de le dire, mais nous ne pouvons pas faire semblant que ce n’est pas arrivé.
Corus vient d’annoncer qu’il affronte une situation difficile, et ses actions ont plongé. Savez-vous à combien s’élève aujourd’hui sa capitalisation boursière? À 500 millions. Connaissez-vous celle de Netflix? Elle est de plus de 100 milliards. Voilà de quoi il s’agit, dans ce secteur, et s’il nous est impossible d’avoir une activité rentable faute de subventions de l’État, elle cessera d’exister.
[Français]
Le président : Merci, monsieur Péladeau.
[Traduction]
Désolé de vous interrompre, mais trois sénateurs attendent encore leur tour, et nous ne disposons que de cinq ou de six minutes. Peut-être pouvons-nous grouper les questions pour permettre à tous de poser les leurs. Je suis désolé de vous bousculer. Comme je l’ai dit, les réponses étaient très salutaires et très intéressantes.
Le sénateur Dawson : Pour revenir au projet de loi — parce que je suis d’accord avec vous, la publicité à CBC/Radio-Canada, si vous revenez en parler, je vous appuierai là-dessus. Mais il ne s’agit pas de CBC, mais des gros joueurs, qui viendront s’exprimer sur le projet de loi C-11. En ma qualité de parrain du projet de loi, je suis heureux d’entendre des encouragements à l’adopter, et sans tarder.
[Français]
Si vous me permettez, madame Tabet, cela m’inquiète aussi de savoir que l’on voudrait inclure la réglementation, parce qu’il a fallu 30 ans pour faire avancer le projet de loi. Si l’on va dans les détails et que l’on alourdit le projet de loi, inévitablement, l’on sera en train de créer des contraintes. J’espère que cela ne prendra pas 30 ans, car en raison de l’évolution des technologies, nous n’avons pas les moyens d’attendre 30 ans.
Si l’on alourdit le projet de loi, en incluant Radio-Canada et la réglementation, je pense que l’on agit en défaveur de la véritable cible du projet de loi C-11, qui est un rééquilibrage par rapport à l’international. Je ne veux pas vous critiquer, mais on ne peut pas avoir les deux. Le gouvernement a cherché — je suis parrain au Sénat — à trouver un équilibre entre les deux.
[Traduction]
Hier soir, je disais à M. Péladeau que, la veille, 3 millions de Québécois avaient écouté la télévision québécoise, parce que nous consommons ce que nous produisons.
[Français]
Une semaine exceptionnelle, ce sera peut-être moins fort ce soir avec le débat des chefs, mais nous avons eu une semaine de télévision francophone qui a été un succès selon les règles actuelles.
Cela est attribuable à la protection linguistique du Québec, qui nous donne ce privilège. Pour le reste du Canada, on doit se donner un cadre et c’est ce que le projet de loi C-11 cherche à faire.
Je remercie mes amis de Corus Entertainment Inc., et en passant, j’ai eu le père de M. Reeb comme client, mais je ne l’ai jamais eu comme patron. Monsieur Péladeau, j’ai eu votre père comme témoin, il y a 30 ou 40 ans, mais la réalité, c’est que c’est tellement lent, il ne faut pas se donner des règles qui seront trop contraignantes.
C’est l’équilibre que je cherchais. Que pensez-vous de mes remarques?
Mme Tabet : Au contraire, nous ne cherchons pas à alourdir le fardeau réglementaire, mais à l’alléger. C’est très important, on ne veut pas l’alourdir, on en veut moins.
Le sénateur Dawson : Si vous l’inscrivez dans la loi, vous alourdissez la possibilité de l’améliorer au fur et à mesure.
Mme Tabet : On veut deux mots pour que ce soit équitable et juste. Au contraire, on vise à supprimer un bon nombre de dispositions de cette loi pour l’alléger. Le but est d’alléger notre réglementation et non de l’alourdir.
Le sénateur Dawson : La raison de notre présence ici, c’est de pouvoir essayer d’améliorer le projet de loi, donc c’est avec plaisir que je collabore avec vous.
[Traduction]
Le sénateur Quinn : Je passe mon tour, parce que les sénatrices Miville-Dechêne et Dasko ont abordé la question. Pour gagner du temps, allons au suivant.
Le président : Vous êtes un sage et un galant homme.
[Français]
La sénatrice Clement : J’ai beaucoup apprécié l’urgence que vous mettez dans vos présentations. Je pense que nous sommes rendus là.
[Traduction]
Merci pour le sentiment d’urgence que vous mettez dans vos propos.
Je tenais à interpeller Corus, au sujet de boom 101.9. Je viens de Cornwall, un petit marché. Les postes radiophoniques locaux sont vraiment des moyens importants pour mettre les gens en rapport les uns avec les autres. J’en remercie Corus.
M. Reeb : Merci.
La sénatrice Clement : Par les possibilités qu’il offre en matière de programmation et d’emploi, le projet de loi C-11 exige que le réseau canadien de radiodiffusion réponde aux besoins et aux intérêts des Canadiens, y compris à ceux des groupes racisés et de milieux divers. Quelles en sont les conséquences pour vous? Est-ce que vous le faites déjà? En êtes-vous heureux? Sachez que, certainement, beaucoup de communautés s’en réjouissent.
M. Reeb : Nous adhérons complètement à cette mission, et c’est un exemple de la manière avec laquelle la Loi sur la radiodiffusion applique un important objectif de politique publique à des radiodiffuseurs canadiens assujettis de manière asymétrique à la loi, par rapport aux joueurs étrangers qui arrivent sur le marché sans être visés par les mêmes exigences, les mêmes encouragements et les mêmes incitations que leurs homologues canadiens.
Ça témoigne du constat général selon lequel la Loi canadienne sur la radiodiffusion possède tant d’éléments enrichissants pour la culture canadienne et, réciproquement qu’elle peut compliquer le modèle d’affaires des radiodiffuseurs canadiens. Le projet de loi voit juste en essayant de rendre les règles du jeu équitables pour que, s’il y a plus de réglementation, plus d’encouragements, plus d’incitations, plus de quotas ou plus de peu importe quoi, éventuellement, tout cela sera équitable pour les joueurs étrangers qui entrent dans le système. Parce que ce système, pour répondre à votre question, est un endroit qui peut encourager les radiodiffuseurs canadiens, les appuyer, et ces derniers sont tenus de rendre des comptes comme aucun joueur étranger n’y est simplement tenu.
Je me réjouis d’entendre le sénateur Dawson affirmer que le projet de loi cherche à alléger la réglementation et non à l’appesantir pour les radiodiffuseurs canadiens, mais nous préconisons essentiellement, que l’objectif soit d’assujettir les joueurs étrangers à plus de règles ou à faire le contraire pour les radiodiffuseurs canadiens, d’être assujettis à un régime équitable qui permet, ce qui est le plus important, la libre concurrence entre tous les joueurs et avec les joueurs étrangers.
Le président : Comme il est maintenant 11 h 15, je tiens à remercier tous nos témoins d’aujourd’hui. L’excellent brassage d’idées de ce matin a permis de vraiment faire avancer le dossier.
Nous sommes heureux d’accueillir notre deuxième groupe de témoins, les représentants de Spotify : la cheffe des affaires publiques, Affaires gouvernementales, Mme Regan Smith; et le chef des partenariats labels et artistes, M. Nathan Wiszniak, tous deux par vidéoconférence; le vice-président de la Politique publique mondiale de Walt Disney, l’une de mes compagnies préférées, M. David Fares; enfin, le président et chef de la direction de la Digital Media Association, M. Garret Levin. Nous entendrons successivement les déclarations de Mme Smith, de M. Fares, puis de M. Levin. Madame Smith, vous avez la parole.
[Français]
Nathan Wiszniak, chef des partenariats labels et artistes, Spotify : Monsieur le président, chers membres du comité, merci de nous avoir invités à nous adresser à vous aujourd’hui.
[Traduction]
Je me nomme Nathan Wiszniak. Je suis le chef des partenariats labels et artistes chez Spotify Canada. Je suis accompagné de notre cheffe des affaires publiques, Affaires gouvernementales, Regan Smith.
La discussion d’aujourd’hui est très importante pour Spotify. Nous faisons nôtre l’engagement du gouvernement de célébrer les cultures particulières et diverses du Canada, en amplifiant leurs voix et leurs témoignages. Le travail de votre comité est important, et nous nous présentons en collaborateurs pour offrir des idées favorables à l’atteinte des objectifs de la loi.
Spotify investit dans les voix canadiennes, ici et à l’étranger, et nous prévoyons de poursuivre la tâche. Nous voulons être des modèles de la contribution responsable d’une plateforme en ligne à l’écosystème créatif canadien. Mais, tout en appuyant les objectifs du projet de loi C-11, nous craignons que, sans correctifs, il ne nous rende la tâche plus difficile. Nous vous encourageons vivement à envisager des modifications constructives pour que des services comme Spotify puissent atteindre les objectifs stratégiques du projet de loi sans effet de rupture pour les investissements actuels, qui profitent aux artistes canadiens ni bris de confiance ou baisse de la qualité de l’expérience d’écoute chez nos auditeurs.
Je m’explique. Depuis son lancement, en 2014, Spotify Canada a dépassé les 11 millions d’auditeurs par mois. Chaque semaine nos auditeurs canadiens explorent 83 fois plus de musique canadienne sur Spotify que ce qui se joue à la radio; 8 milliards de flux de contenu canadien sont exportés partout dans le monde tous les mois, rapportant aux artistes plus de 7 fois plus de redevances que les flux non exportés.
Spotify ouvre la porte de la réussite à des artistes canadiens de différents genres ou parvenus à différentes étapes de leur carrière, par exemple des superstars Drake et The Weeknd à des lauréats comme Charlotte Cardin, en passant par plus d’un millier d’artistes émergents distingués pour la toute première fois par notre franchise RADAR Canada. À cette fin, nous faisons appel à la publicité écrite ou au marketing de même qu’à des recommandations personnalisées. Mon équipe contribue à organiser plus de 90 listes de diffusion visant à faire valoir des artistes canadiens, par exemple un Autochtone, un rappeur francophone ou un artiste local s’exprimant en pendjabi, qui font des vagues à l’étranger. Nous sommes fiers de mettre en évidence la diversité canadienne par des campagnes de marketing célébrant les créateurs noirs, les musiciennes et les voix LGBTQIAS+.
Spotify exalte des artistes qu’on n’entend pas à la radio. Par exemple, sept des dix premiers artistes franco-canadiens diffusés en continu sont des rappeurs indépendants et seulement deux d’entre eux figurent actuellement dans les palmarès des radios francophones canadiennes. La diffusion en continu se fonde sur la connaissance des préférences des auditeurs, dont on comble les attentes. Elle permet des découvertes comme jamais la radiodiffusion n’en a permis. Différente de la radio et de la diffusion vidéo en continu, la diffusion audio en continu ne peut donc pas être réglementée de la même façon.
Par exemple, aller à l'encontre des préférences des auditeurs pourrait avoir un effet négatif. Plutôt que de favoriser un contenu unique pour tous, nous préconisons un contenu recherché par les auditeurs.
Ensuite, avec plus de 80 millions de pistes, nous ne recevons pas suffisamment de métadonnées de nos partenaires pour appliquer la définition radiophonique de contenu canadien à nos musicothèques. Ça signifie que beaucoup de chansons que notre culture considère comme canadiennes à tous les niveaux sont peu susceptibles de satisfaire aux critères techniques.
De plus, notre modèle économique diffère également de celui de la radio et du secteur vidéo. Les deux tiers de chaque dollar que la musique nous rapporte sont versés à des détenteurs de droits qui, à leur tour, rémunèrent les artistes. Il s’agit d’un montant 8,5 fois plus élevé que celui que verse la radio, et il faudrait en tenir compte dans les attentes concernant les contributions.
Alors que le Canada se prépare à édicter ce projet de loi, le premier en son genre, il est indispensable à votre comité d’entendre la voix des entreprises qui en subiront les effets et qui sont les moteurs de l’industrie.
Respectueusement, nous recommandons la prise en considération de trois modifications pratiques. D’abord, il faudrait communiquer au CRTC une liste de critères à prendre en considération avant de réglementer ces entreprises. Le projet de loi fait allusion à des critères propres à la production vidéo, mais il a besoin d’orientations semblables pour les plateformes de diffusion audio en continu. Les attentes pour les fonds culturels devraient prendre en considération toutes les contributions appuyant la culture canadienne, y compris les redevances versées.
Ensuite, les règles devraient assurer au consommateur canadien des options et la conservation de la maîtrise de son expérience d’auditeur. Le fait de demander à des services d’aller à répétition contre les préférences des auditeurs frappe en plein cœur le lien de confiance que nous avons noué avec notre clientèle, et ça pourrait nuire aux chansons en question, au détriment de l’artiste, en fin de compte.
Ensuite encore, il faudrait actualiser les règles définissant ce qui a droit d’être qualifié de contenu canadien, et adapter les obligations connexes au modèle de diffusion audio continue. Vu l’échelle de grandeur des musicothèques de diffusion continue, l’industrie y gagnera si les plateformes peuvent porter de bonne foi des jugements commercialement sensés sur le contenu canadien à partir des connaissances et de l’information qu’elles possèdent.
Enfin, on devrait donner au CRTC le temps d’apprécier les faits avant de prendre des décisions. Le Canada a acquis un certain élan pour Spotify, et nous tenons à nous assurer de pouvoir miser là-dessus. Merci. Nous sommes prêts à répondre à vos questions.
Le président : Merci. Entendons maintenant M. Fares.
David Fares, vice-président, Politique publique mondiale, The Walt Disney Company : Merci, monsieur le président et membres du comité, de m’avoir invité à comparaître aujourd’hui.
Je suis heureux d’avoir l’occasion de discuter de l’importante relation entre la Walt Disney Company et le Canada, ainsi que du projet de loi C-11.
Le Canada est un des quatre principaux marchés de production de Disney. Au cours des trois dernières années, les dépenses de l’ensemble de nos sociétés de production pour le contenu — du contenu destiné à être présenté sur de multiples plateformes pour distribution mondiale — se sont élevées à environ 3 milliards de dollars.
Nous avons produit six de nos plus récents longs métrages au Canada. En 2021, nous avons produit 18 séries originales pour la télévision et la VSD au Canada. Mentionnons également que Disney+ Originals stimule la croissance dans le secteur des productions. De fait, lorsque la plateforme a été lancée, trois des six émissions originales qu’elle présentaient étaient produites au Canada.
Nous avons également produit des histoires typiquement canadiennes. Par exemple, la série Barkskins, produite par National Geographic, raconte une histoire se déroulant au Québec; on y suit deux familles françaises pendant une période de 300 ans à partir de leur arrivée en Nouvelle-France. L’équipe de production de Barkskins a travaillé en étroite collaboration avec la nation Wendat pour assurer l’exactitude et le respect des faits historiques.
Ensuite, Alerte rouge, un film d’animation de Pixar diffusé sur Disney+ le 11 mars, est une histoire d’amour mettant en scène des jeunes qui grandissent à Toronto. La série a été créée et réalisée par la Canadienne primée Domee Shi.
Nous produisons également une série inspirée du roman canadien primé Washington Black.
Il faut mentionner que Barkskins, Alerte rouge et Washington Black ne sont pas considérées comme des émissions canadiennes selon la définition actuelle du CRTC, même si ce sont des histoires typiquement canadiennes.
Notre relation spéciale avec le Canada ne se limite pas aux productions, mais comprend également une empreinte physique permanente sous forme, par exemple, d’installations ultramodernes et novatrices où travaillent des employés hautement qualifiés.
Deux des entreprises de production de Disney ont une présence physique au Canada. En pleine expansion, ces entreprises favorisent la croissance du secteur audiovisuel, notamment les infrastructures et le développement des compétences. La société Industrial Light & Magic, ou ILM, une filiale de Lucasfilm dans le domaine des effets visuels, a l’un de ses cinq bureaux internationaux à Vancouver, et fait travailler en permanence 500 personnes. ILM étend son empreinte avec la construction d’un studio de production virtuel de 20 000 pieds carrés. Grâce au système StageCraft LED, Vancouver demeurera l’une des plaques tournantes des effets visuels les plus novatrices au monde.
En août 2021, Walt Disney Animation Studios a annoncé l’ouverture, à Vancouver, de sa première installation de production ailleurs qu’à Burbank, en Californie, ainsi que l’embauche de 400 employés hautement qualifiés au cours des deux prochaines années.
Disney travaille également avec des entreprises canadiennes de production indépendante. Elle les aide à grandir et à devenir des chefs de file dans leur secteur. Mentionnons d’abord le studio d’animation Mercury Filmworks, établi à Ottawa, avec lequel Disney a travaillé dans le cadre d’au moins 10 productions. Il y a ensuite la société de production d’action réelle Omnifilm Entertainment, établie à Vancouver, avec laquelle nous avons travaillé dans le cadre d’au moins cinq productions.
Nous sommes enchantés également d’avoir embauché récemment Stephanie Azam à titre de directrice du contenu pour le Canada. Madame Azam s’affaire à bâtir notre stratégie pour le déploiement de la programmation canadienne, qui comptera les meilleures histoires au Canada, du Québec à la Colombie-Britannique en passant par l’Ontario et le nord du pays.
Monsieur le président et membres du comité, je comprends qu’un des principaux messages qui sous-tendent le projet de loi C-11 est d’exiger de ceux qui s’enrichissent grâce au Canada qu’ils contribuent à leur tour à la prospérité du pays. J’espère avoir réussi à démontrer, au cours des dernières minutes, que Disney est fière de contribuer au Canada et à son écosystème de création. J’espère investir encore plus au Canada, et un régime de réglementation flexible nous permettra de maximiser ces futurs investissements.
De notre point de vue, un régime de réglementation souple doit reconnaître que les offres aux consommateurs varient d’une entreprise à l’autre. Les attentes des consommateurs s’ajustent au contenu de ces offres. Disney+ est unique, car son offre se compose principalement de contenu des différentes marques de Disney, en l’occurrence Disney, Pixar, Marvel, Star Wars, National Geographic et Star. Vu cette offre unique, nous espérons que le projet de loi C-11 permettra à chaque entreprise de contribuer à la santé de l’écosystème audiovisuel canadien conformément aux services qu’elle offre. Ainsi, les consommateurs disposeront de plus de choix, d’avantages et de diversité.
Comme je l’ai mentionné, Disney est fière de ses contributions au Canada, mais étant donné la nature même du contenu que nous offrons, ces contributions diffèrent de celles des radiodiffuseurs canadiens. Par exemple, les diffuseurs canadiens consacrent une part importante de leurs dépenses de contenu aux nouvelles et aux sports, un type de contenu que Disney ne produit pas au Canada. Nous serions heureux d’avoir l’occasion de travailler avec vous pour veiller à ce que ces différences soient reconnues et prises en compte dans le projet de loi C-11. Merci, monsieur le président et membres du comité. Je répondrai avec plaisir à vos questions.
Garrett Levin, président et chef de la direction, Digital Media Association : Bonjour, monsieur le président et honorables sénateurs. Merci beaucoup d’avoir invité la Digital Media Association, ou DiMA, à comparaître devant vous aujourd’hui afin de discuter du projet de loi C-11, la Loi sur la diffusion continue en ligne. La DiMA est l’association commerciale chargée de défendre les intérêts des entreprises de diffusion continue en ligne audio, en l’occurrence Amazon, Apple, Spotify, YouTube et Pandora.
La diffusion continue en ligne est très prospère au Canada et ses revenus continueront à augmenter au cours des prochaines années. Il y a 10 ans, le secteur de la musique enregistrait une baisse de ses revenus et se démenait pour que les gens paient pour la musique. Aujourd’hui, au Canada uniquement, les services audio de diffusion continue génèrent des centaines de millions de dollars en royautés versées aux artistes et aux détenteurs de droits d’auteur. Ce virage réussi prouve le rôle indispensable des membres de la DiMA, qui fournissent aux créateurs canadiens un accès sans précédent à des publics partout au pays et dans le monde, et à l’inverse, qui font connaître aux adeptes de musique canadiens de la musique exceptionnelle faite au Canada et un peu partout dans le monde.
Dans l’industrie de la musique en diffusion continue d’aujourd’hui, les artistes à succès canadiens comme Drake, Justin Bieber, Shawn Mendes, The Weeknd et Jessie Reyez sont des noms connus non seulement à Montréal, Ottawa et Saskatoon, mais aussi à Paris, à Londres, à New York et ailleurs dans le monde.
L’incidence de la diffusion continue transcende le phénomène des grandes vedettes mondiales. Les membres de la DiMA soutiennent les artistes canadiens et les détenteurs de droits d’auteur sur le plan financier et non financier d’une manière que les diffuseurs traditionnels ne peuvent tout simplement pas égaler. Par exemple, nos membres versent entre 65 et 70 % de leurs revenus aux détenteurs de droits d’auteur sous forme de royautés prévues dans des contrats de licence. Les stations de radio commerciales canadiennes, quant à elles, ne paient que 8,2 % de leurs revenus.
La diffusion de musique en continu a été lancée au Canada il y a moins d’une décennie. Or, elle représente aujourd’hui presque 78 % du marché de la musique enregistrée au pays selon un calcul basé sur les revenus générés. Les données les plus récentes indiquent une croissance de 18 % d’une année à l’autre en 2021, ce qui bat tous les autres segments. Qu’est-ce que cela veut dire pour les artistes canadiens et les détenteurs de droits d’auteur? Une étude de 2021 menée pour Patrimoine canadien a révélé que les compositeurs, les éditeurs de musique, les étiquettes de disque et les artistes de la scène canadiens ont enregistré, seulement en 2019, plus de 500 millions de dollars de revenus provenant de la diffusion continue. Cette augmentation n’a pas cessé depuis, et rien ne laisse présager qu’elle le fera dans un avenir prévisible.
En quoi la diffusion continue se distingue-t-elle des autres modèles de distribution? Contrairement aux discaires d’autrefois, la diffusion continue offre un espace de stockage illimité pour la musique canadienne, y compris pour les artistes indépendants ou canadiens-français. Ainsi, plus d’un demi-milliard d’utilisateurs dans le monde ont accès à un nombre infini de rayons virtuels. De plus, contrairement à la radio traditionnelle au temps d’antenne limité ou aux listes de lecture en onde à portée restreinte et au mode de transmission « un à plusieurs » limité à une région donnée, la diffusion continue se fait simultanément sous forme de millions de transmissions « un à un », qui sont choisies sur demande par les amateurs et personnalisées grâce à des moteurs de recommandation et des outils de recherche avancés.
Les services de diffusion continue fournissent aux amateurs au pays et à l’étranger pratiquement tous les enregistrements canadiens faits à ce jour. Ils font ainsi tomber les vieilles barrières et débloquent l’accès à tout le spectre des voix canadiennes.
Pour atteindre pleinement les objectifs importants de ce projet de loi, il est essentiel de reconnaître et de prendre en compte, à ce stade du processus législatif, les différences entre la diffusion continue et la radiodiffusion traditionnelle. Par conséquent, nous exhortons le Parlement à apporter les changements qui, selon nous, permettront à l’industrie et aux créateurs canadiens de continuer à prospérer à la fois au pays et dans l’industrie sans frontière de la musique, que la diffusion en continu a contribué à bâtir.
Nous demandons au comité d’examiner chacun des six amendements que nous proposons dans notre mémoire. Aujourd’hui, nous aimerions nous attarder sur deux amendements en particulier.
Les algorithmes constituent un élément crucial de l’expérience des utilisateurs des services de diffusion continue et des outils de découvrabilité de la musique. Ce sont d’ailleurs à la fois la personnalisation et l’étendue du catalogue qui distinguent la diffusion continue des autres modèles de distribution. Par conséquent, le comité devrait ajouter une disposition qui empêcherait le CRTC d’interférer avec la prise de décision algorithmique.
La version actuelle de l’article 9.1 du projet de loi interdit au CRTC d’exiger l’utilisation d’algorithmes ou de codes sources en particulier. Vu sa portée restreinte, ce projet de loi risque d’appauvrir l’expérience des utilisateurs, qui est l’apanage de la diffusion continue, et de finir par limiter l’accès du public local et mondial aux artistes canadiens. Nous proposons d’ajouter un paragraphe selon lequel le CRTC n’exigera pas, à l’égard des entreprises, « la modification ou l’utilisation » d’algorithmes ou de codes sources. Cet ajout permettrait de mettre en œuvre une réglementation sensée qui ne menace ni n’appauvrit l’expérience des consommateurs de diffusion de musique en continu.
Ensuite, le projet de loi C-11 doit permettre de s’assurer que le CRTC tient compte des importantes contributions financières et non financières versées par les services de diffusion continue au Canada aux artistes canadiens. Que ce soit les paiements de royautés substantiels ou les efforts concertés pour mettre en valeur et soutenir la musique canadienne, tous les avantages de la diffusion continue doivent être pris en compte au cours du processus réglementaire. Nous proposons l’ajout d’un article qui exigerait explicitement du CRTC qu’il examine toute la gamme des avantages fournis par les services de diffusion continue.
Je voudrais remercier les honorables sénateurs faisant partie du comité de se pencher sérieusement sur le projet de loi C-11 et de produire un cadre législatif qui assurera l’avenir des artistes, des amateurs de musque et des détenteurs de droits d’auteur canadiens, ainsi que l’innovation, la prospérité et l’ouverture sur le monde qui les caractérisent. Merci pour votre temps. Je répondrai avec plaisir aux questions.
Le président : Merci. Je laisse le soin à ma collègue, la sénatrice Miville-Dechêne, de lancer la période de questions.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Ma question s’adresse au porte-parole de Spotify. Vous semblez attacher beaucoup d’importance au contenu canadien, au contenu francophone. Évidemment, dans cette optique, je me demande pourquoi vous craignez certains aspects du projet de loi C-11 qui, finalement, ne va que codifier l’importance du contenu canadien.
Plus précisément, pourriez-vous nous fournir des chiffres? Puisque vous parlez du contenu canadien, vous semblez avoir des chiffres quant à ce qui est écouté du point de vue des contenus canadien et québécois. Pouvez-vous les partager afin que l’on puisse avoir une idée de la place qu’occupe ce contenu musical sur votre plateforme?
[Traduction]
Regan Smith, cheffe des affaires publiques, Affaires gouvernementales, Spotify : Je vous remercie de votre question, sénatrice. Vous avez raison. Nous soutenons les objectifs généraux de la Loi sur la diffusion continue. Spotify travaille très fort pour aider les créateurs canadiens et améliorer leur situation dans l’espace musical et dans les balados. Nous sommes convaincus que ce que nous faisons fonctionne et fait accroître le bassin d’auditeurs, particulièrement pour les genres musicaux et les artistes qui ne seraient peut-être pas diffusés à la radio traditionnelle.
Nous sommes ici aujourd’hui parce que nous pensons que des modifications s’imposent avant d’aller plus loin dans le processus législatif, afin que ces efforts se poursuivent et, si jamais le projet de loi C-11 devient loi, que ce qui fonctionne déjà reste en place.
La consommation de musique enregistrée au Canada sur les plateformes de diffusion continue a connu une croissance — corroborée, si je ne m’abuse, par l’industrie, comme M. Levin l’a dit lors de son témoignage. Ce phénomène a été observé dans les marchés francophones et dans les autres marchés.
La sénatrice Miville-Dechêne : Pouvez-vous donner des chiffres précis? Pour comprendre la situation, nous avons besoin de savoir à quelle fréquence la musique canadienne — la musique québécoise en fait — est écoutée sur votre plateforme, qui était l’une des plus importantes.
Mme Smith : Merci. Oui, je vous remercie de le souligner. Comme nous l’avons expliqué, dans une semaine donnée, selon une enquête que nous avons menée au printemps, les auditeurs canadiens faisaient jouer plus de 83 fois plus de contenu canadien sur Spotify qu’à la radio. Nous parlons de plus de 600 000 titres en moyenne.
Si nous regardons les tendances, depuis 2019, nous avons enregistré une hausse de 18 % des revenus associés à ce que nous considérons comme de la musique canadienne. Quant à la musique québécoise, cette hausse s’élève à 21 %. L’augmentation est donc plus marquée au Québec. Une partie de la hausse est liée, à notre avis, à une augmentation des utilisateurs de la jeune génération, notamment la génération Z au Québec, ce qui est bon signe selon nous parce que nous rejoignons des gens qui n’écoutent peut-être pas la radio traditionnelle.
La sénatrice Miville-Dechêne : J’essaie de comprendre. Je suis désolée, mais vous avez dit que la proportion de musique québécoise était de 21 %. Pour avoir une idée de ce dont nous parlons exactement, vous avez dit 600 titres canadiens — sur combien, et quel pourcentage au juste? De plus, le 21 % au Québec représente une augmentation et certainement pas le total des titres écoutés sur votre plateforme.
J’essaie d’avoir une idée de la quantité de musique canadienne et québécoise qui est écoutée sur votre plateforme. Je voudrais avoir des chiffres qui veulent dire quelque chose.
Mme Smith : Certainement. Nous ferons avec plaisir un suivi par écrit si cela peut aider, car je comprends les chiffres et je veux m’assurer qu’ils sont bien transmis.
Je pense que le 600 000, soit le nombre de titres qui ont été écoutés au Canada — de musique que nous pourrions considérer comme canadienne — est la première statistique. La deuxième statistique indique qu’au Québec, on a observé une augmentation de 21 % du nombre d’auditeurs. Donc, en comparaison avec les chiffres de 2019, c’est ce que nous voyons aujourd’hui.
La sénatrice Miville-Dechêne : J’aurais une dernière question, qui porte sur la découvrabilité. J’aimerais que vous parliez des algorithmes, car il me semble — je l’ai lu dans votre mémoire, qui est excellent — que vous recommandez déjà la musique canadienne au moyen des algorithmes. Pourriez-vous me dire de quelle manière cela changerait avec le projet de loi C-11?
Mme Smith : Merci encore. Nous mettons en valeur, en effet, la musique canadienne au moyen des algorithmes et grâce aux efforts dont mon collègue a parlé dans le soutien promotionnel et rédactionnel humain. Nous voulons continuer dans cette voie.
Selon nous, ce qui devrait retenir votre attention dans ce projet de loi est la nécessité de prévoir suffisamment de balises pour que la réglementation ne nous empêche pas d’utiliser les algorithmes comme incitatifs à la recherche dans le contexte de la diffusion continue, par nature axée sur l’utilisateur. Nous proposons une modification concrète à cet effet.
La sénatrice Miville-Dechêne : Comme vous le savez, le CRTC demande des résultats et vous les obtenez. Il ne vous force pas à utiliser des algorithmes.
Mme Smith : Nous en sommes conscients, mais nous pensons — et je souligne que j’ai déjà travaillé dans un organisme de réglementation — que plus de détails au sujet du CRTC seraient les bienvenus dans le cadre de la promulgation des paramètres qui permettront aux plateformes, y compris Spotify, de faire ce qu’il faut pour atteindre les résultats désirés. Nous ne voudrions pas qu’on nous incite à faire des changements qui perturberaient l’expérience de l’auditeur ou qui porterait atteinte à sa confiance. À notre avis, cela irait à l’encontre des intérêts des auditeurs, des artistes et de notre plateforme. Merci.
La sénatrice Miville-Dechêne : Merci beaucoup.
La sénatrice Simons : J’aimerais continuer dans la foulée des questions de la sénatrice Miville-Dechêne.
Nous avons entendu hier des représentants du groupe OpenMedia et du Centre pour la défense de l’intérêt public. Ils nous ont dit qu’ils étaient préoccupés à l’idée de voir le CRTC demander aux plateformes de diffusion continue en ligne — que ce soit YouTube, Spotify ou d’autres services de diffusion de musique — d’intensifier les algorithmes qui mettent en valeur la musique canadienne. Cette façon de faire pourrait se retourner contre les artistes, qui seraient lésés parce que les auditeurs les escamoteraient et ne les écouteraient pas.
Monsieur Levin, monsieur Wiszniak ou madame Smith, selon vous, ces préoccupations sont-elles légitimes, et ce qui arriverait le cas échéant?
M. Levin : Merci pour votre question. C’est une question très importante qui touche au cœur des préoccupations des membres de DiMA, y compris Spotify, c’est-à-dire l’interaction des utilisateurs avec les services. Nous avons tendance à penser que la radiodiffusion est une étape de l’évolution qui vient après la radiodiffusion. En tout cas, c’est ce qui transparaît des discussions sur le projet de loi. En réalité, la diffusion continue est une combinaison inédite de toutes les façons d’accéder à la musique du monde moderne. Je pense aux discaires, aux stations de radio, aux compilations maison de tubes radiophoniques sur cassette ou CD ou encore aux artistes suggérés par un ami.
Autrement dit, les utilisateurs interagissent chacun de façon légèrement différente avec le service. Ce sont les algorithmes et les moteurs de recommandation qui permettent de créer cette expérience personnalisée. Au bout du compte, si la réglementation en vient à imposer le contenu et les résultats selon la conception communément admise de la programmation radiophonique, l’expérience des consommateurs sera beaucoup moins satisfaisante, et le marché, beaucoup moins dynamique. Cela vaut autant au Canada qu’à l’échelle mondiale.
Nous avons pris bonne note des inquiétudes que suscite la possibilité que le contenu soit imposé aux utilisateurs. Ce sont ces inquiétudes qui nous poussent à demander que soient clarifiées les directives au CRTC concernant les décisions algorithmiques.
La sénatrice Simons : Je comprends très bien vos arguments concernant les algorithmes; je comprends un peu moins lorsque vous dites que les paiements de redevances devraient être considérés comme faisant partie de vos contributions supplémentaires. Les paiements de redevances sont le loyer que vous payez pour avoir le droit de jouer de la musique. Si vous ne les payez pas, disons-le sans détour, vous commettez un vol.
Par conséquent, je m’en fais lorsque M. Wiszniak de Spotify affirme que les métadonnées sont insuffisantes pour identifier le contenu canadien. Je présume que cela signifie aussi que les métadonnées sont insuffisantes pour verser les paiements voulus à la SOCAN et aux éditeurs de musique.
Je ne sais pas si ma question s’adresse à M. Wiszniak, à Mme Smith ou à M. Levin, mais il me semble que de nos jours, nous ne devrions avoir aucune peine à suivre les métadonnées. Pourquoi n’êtes-vous pas en mesure de suivre les métadonnées pour faire les paiements de redevances qui s’imposent, et pourquoi donc considérez-vous les paiements de redevances comme faisant partie de vos contributions supplémentaires? La musique appartient à l’artiste. Vous devez lui verser des redevances. Autrement, vous utilisez son travail sans le payer.
M. Levin : Je peux commencer...
Mme Smith : Commencez, et nous ajouterons à votre réponse.
M. Levin : Je passe beaucoup de temps à parler des données dans l’industrie de la musique; c’est une question qui intéresse vivement les services de diffusion en continu. Je tiens à préciser, pour le compte rendu, que les métadonnées utilisées pour payer les titulaires de droits et celles qui sont requises pour identifier le contenu canadien selon les normes actuelles sont deux choses complètement différentes. De nombreux facteurs sont en cause dans les défis liés aux données auxquels l’industrie de la musique fait face aujourd’hui, notamment la vitesse à laquelle la musique est mise sur le marché, le volume de musique mis sur le marché et la capacité des titulaires de droits de fournir des données adéquates et exactes au moment de la création.
Je ne veux certainement pas que les membres du comité croient que les services ne paient pas les titulaires de droits en raison de difficultés posées par les métadonnées. Je pense que ces difficultés ont une incidence sur l’efficacité des groupes comme la SOCAN et sur l’exactitude des paiements versés aux bons créateurs, mais ce n’est pas tout à fait le même problème que celui soulevé par M. Wiszniak au sujet de la capacité d’identifier le contenu canadien.
En ce qui concerne les redevances, je ne veux pas que vous croyiez que les paiements de redevances sont le seul type de contribution que nous faisons. Vous avez tout à fait raison lorsque vous dites que les redevances sont le coût à payer pour obtenir les licences nécessaires pour diffuser les œuvres. En même temps, ce que nous tentons de souligner, c’est que la différence entre les redevances payées par les services de diffusion en continu — plus de 70 % de leurs recettes — et les redevances payées par le secteur de la radiodiffusion commerciale — 8,2 % — devrait être prise en compte lorsqu’on parle des contributions faites à l’industrie canadienne de la musique et à la création d’œuvres d’art canadiennes.
Rien n’a un effet plus direct sur la création d’œuvres d’art que la rémunération reçue pour l’utilisation des œuvres.
Mme Smith : C’est une bonne explication de l’industrie. Je voudrais juste préciser que la question soulevée par M. Wiszniak concernant les métadonnées que nous recevons sur le lieu de production et sur la nationalité de l’artiste ou des contributeurs et le respect des normes actuelles en matière de contenu canadien n’a rien à voir avec les données nécessaires pour payer les titulaires de droits avec lesquels nous avons conclu des contrats nous permettant de diffuser leur musique sur notre plateforme. Nous payons les titulaires. La SOCAN, par exemple, a engrangé des revenus record; c’est un des partenaires que nous payons. Cela n’a rien à voir avec notre capacité d’utiliser les métadonnées fournies par nos partenaires pour identifier le contenu canadien, selon des règles de radiodiffusion précises, dans notre répertoire de plus de 80 millions de pièces musicales.
La sénatrice Simons : Au lieu d’utiliser le système MAPL — j’ai été réalisatrice d’émissions radiophoniques; je programmais la musique —, on devrait peut-être tout simplement dire que toute œuvre protégée par une licence de la SOCAN est nécessairement considérée comme du contenu canadien.
J’aimerais aussi poser une question à M. Fares, si nous faisons un deuxième tour.
Le sénateur Quinn : Je remercie tous les témoins de leur présence. Mes questions sont simples. Je ne suis pas expert en la matière, mais je trouve intéressante la discussion des derniers jours au sujet des contributions à la SOCAN, ainsi qu’à tous les aspects de la promotion et de la valorisation des talents canadiens. Je le crois aussi, mais je pense que la sénatrice Simons a raison lorsqu’elle dit que les redevances appartiennent à l’artiste — et je pense que vous venez d’appuyer cette affirmation. Il en va de même pour la création d’espaces physiques et pour les emplois ainsi générés pour les Canadiens grâce aux diverses activités qui ont lieu à ces endroits.
Ma question concerne plutôt les recettes encaissées par la maison mère — ou par les actionnaires —, comme Spotify, Walt Disney ou toute autre grande société. Ces sociétés ne devraient-elles pas elles aussi verser des contributions à la SOCAN afin que le bassin de talents continue à s’élargir? N’est-ce pas à votre avantage?
La question s’adresse à tous les témoins.
Le président : Est-ce que quelqu’un veut répondre? Pas tous en même temps.
Le sénateur Quinn : Il n’y a peut-être pas de réponse.
Mme Smith : Ce que nous voulons dire, c’est qu’au moment de déterminer ce qui constitue une contribution appropriée, le CRTC devrait tenir compte de l’ensemble des types de soutien et du fait que la diffusion audio en continu — je ne peux pas parler de la diffusion vidéo en continu — fonctionne différemment.
M. Levin pourrait peut-être parler des tendances générales de l’industrie, mais en ce qui concerne Spotify, un service non diversifié, je crois que la marge est plus mince que pour les magasins de disques du passé ou pour la radio. C’est une des raisons pour lesquelles nous croyons que toutes les contributions devraient être prises en compte, y compris la quantité de contenu accessible à partir de la plateforme, l’éventail des services de soutien, les outils offerts aux artistes, ainsi que les paiements de redevances. Car la question ne concerne pas seulement les revenus de diffusion de musique que nous touchons, mais aussi ce que nous pouvons garder. Il faut en tenir compte et veiller à ce que le système soit durable pour tous les acteurs de l’écosystème audio canadien — y compris les plateformes. Il faut aussi que des mesures soient prises pour nous inciter à investir dans des programmes qui commencent vraiment à amplifier de nouvelles voix canadiennes et à donner de l’impulsion à de nouveaux genres artistiques au Canada et ailleurs dans le monde.
M. Levin : C’est une très bonne question. J’ajouterais juste que nous avons parlé des redevances, mais il y a aussi d’autres avantages, comme Mme Smith vient de le dire. Spotify en parle dans son mémoire, et nous les abordons aussi dans le nôtre au nom de certains membres de la DiMA. Les plateformes de diffusion en continu contribuent à la durabilité et à la création d’œuvres artistiques canadiennes différemment que les radiodiffuseurs, par exemple en créant des listes d’écoute de pièces canadiennes, en investissant dans les installations et l’embauche d’employés au pays ou en appuyant des artistes dont les œuvres ne jouent pas à la radio à moins ou jusqu’à ce qu’ils atteignent un certain statut de vedette.
Ce sont les contributions de ce genre que nous vous demandons de dire au CRTC de tenir compte. Dans le domaine de la radiodiffusion traditionnelle, on a tendance à croire que la meilleure façon de soutenir la création de nouvelles œuvres d’art canadiennes, c’est en versant des contributions à la SOCAN, par exemple. Toutefois, ce que la diffusion en continu est en train de prouver au Canada et ailleurs dans le monde, c’est qu’il y a nombre d’autres façons d’investir dans le développement de la création et de soutenir la culture et la communauté à l’échelle locale.
M. Wiszniak : J’aimerais ajouter à cela. La fonction principale de mon équipe, c’est de collaborer avec l’industrie canadienne de la musique — de travailler avec les titulaires de droits locaux, qu’il s’agisse de grandes maisons de disques, de maisons de disques indépendantes ou de distributeurs partout au Canada et particulièrement au Québec. Nous élaborons des campagnes de marketing pour promouvoir les listes d’écoute que nous créons — je le répète, nous avons créé plus de 90 listes d’écoute mettant en valeur le contenu canadien.
En outre, nous offrons des studios d’écriture. Nous invitons les auteurs-compositeurs et les éditeurs à utiliser notre studio de Toronto sans frais pour composer des chansons. De plus, nous soutenons l’enregistrement de contenu canadien par l’intermédiaire de notre programme Spotify Singles. Nous avons noué des partenariats avec des studios d’enregistrement à Toronto et à Montréal.
La fonction principale de l’équipe de Spotify Canada et de l’équipe chargée de la musique, c’est d’amplifier les voix canadiennes au moyen de notre programmation, de notre marketing hors plateforme et des investissements que nous versons pour donner vie aux histoires des artistes canadiens ici au pays et, nous l’espérons, pour transmettre ces histoires à nos homologues ailleurs dans le monde.
M. Fares : J’aimerais prendre la parole. Comme je l’ai dit durant ma déclaration préliminaire, au cours des trois dernières années, nous avons versé environ 3 milliards de dollars dans la production de contenu au Canada. Chaque production représente un investissement dans l’embauche et le perfectionnement professionnel de travailleurs canadiens hautement qualifiés et dans les infrastructures. C’est donc à l’avantage de l’ensemble de l’écosystème audiovisuel.
De plus, nous collaborons avec les maisons de production locales — j’ai mentionné Mercury Filmworks et Omnifilm —, ce qui les aide à se développer, assure leur succès continu et renforce leur expertise. Nous embauchons des gens à mesure que nous déployons le système de production virtuelle DEL StageCraft à Vancouver. Nous engageons et nous formons du personnel pour Disney Animation Studios, qui ouvrira ses portes à Vancouver. Nous contribuons à de nombreux égards à la vitalité globale de l’écosystème audiovisuel.
La situation actuelle est telle qu’il arrive que le secteur audiovisuel manque de main-d’œuvre qualifiée. Nous travaillons avec plusieurs provinces en vue d’élargir le bassin de talents afin qu’un nombre croissant de productions puissent être réalisées au Canada. Les pénuries de main-d’œuvre qualifiée posent problème. Nous en faisons beaucoup pour contribuer à la vitalité globale de l’écosystème canadien et nous espérons continuer à en faire plus. Pour cela, il faut un régime souple.
Le sénateur Quinn : Divers intervenants nous ont parlé du CRTC et des pouvoirs qu’il détient. D’après ce que j’ai compris, quand la loi a été adoptée, le processus d’appel était très limité. On s’adressait aux tribunaux, ou à un certain point, on pouvait s’adresser au ministre. Quoi qu’il en soit, trouvez-vous le recours aux tribunaux et le processus d’appel adéquats, étant donné la diversité et le nombre important d’acteurs qui participent au secteur? Selon vous, le processus d’appel est-il approprié, ou préféreriez-vous qu’il soit remplacé?
M. Levin : Je ne pense pas pouvoir répondre à cette question aujourd’hui. Je n’ai pas une connaissance approfondie du droit réglementaire canadien et du processus d’appel. Nous pouvons certainement noter la question et vous répondre par écrit, si vous voulez.
M. Fares : Pareillement.
La sénatrice Dasko : Je remercie les témoins de leur présence. Ma question s’adresse à Mme Smith et à M. Wiszniak, de Spotify. Je vais vous décrire une situation hypothétique, ou peut-être éventuelle. Disons que le projet de loi C-11 est adopté sous sa forme actuelle, sans les modifications que vous avez demandées. Donc le projet de loi que nous avons devant nous est adopté. Un an s’écoule, et vous vous retrouvez dans le bureau de la présidence du CRTC, qui veut savoir quelles sont vos propositions quant à la découvrabilité. Quel contenu canadien proposez-vous de mettre en valeur ou de présenter? Vous devez parler non de ce que vous n’êtes pas en mesure de faire, mais de ce que vous allez ou pouvez faire. J’aimerais savoir ce que vous diriez à la présidence du CRTC dans une telle situation.
Mme Smith : Je vous remercie pour la question, sénatrice Dasko. Nous prévoyons collaborer avec le CRTC et contribuer à l’étape de la mise en œuvre. Vous avez raison : à notre avis, il faudrait modifier les dispositions du projet de loi touchant ce que nous ne pouvons pas faire. Nous avons déjà mis en place une grande partie des moyens nécessaires pour faire les choses que nous pouvons faire. Nous promouvons de diverses façons les voix, la musique et les balados canadiens sur la plateforme. Je pense que nous lui présenterions simplement nos histoires qui fonctionnent. Je vais laisser mon collègue vous en dire plus à ce sujet.
M. Wiszniak : Oui, je pense que c’est en plus. Ce qui compte pour nous, c’est de conserver les 11 millions de consommateurs extraordinaires qui utilisent notre plateforme et de pouvoir promouvoir le contenu canadien dans des domaines précis. Ce travail se fait déjà. Si je cherche un genre précis, par exemple du rock, la première chose que je vois, ce sont les listes d’écoute canadiennes créées par nos équipes. Il en va de même pour tous les genres. Pour le contenu francophone, nous avons un centre consacré à la programmation francophone et aux nouveautés qui paraissent quotidiennement, en plus de notre riche catalogue existant.
Nous faisons beaucoup de travail pour mettre en valeur le contenu canadien, car, comme je l’ai déjà dit, depuis 2014, la mission et la fonction centrale de Spotify Canada et de l’ensemble des équipes chargées de la musique et des services aux artistes et aux maisons de disques, c’est de créer un milieu où les artistes canadiens peuvent s’épanouir par l’intermédiaire de nos listes d’écoute, de notre marketing et du marchandisage sur la plateforme.
Nous voulons nous assurer que les organismes de réglementation comprennent ce que nous faisons pour promouvoir le contenu canadien. Nous estimons que nos démarches fonctionnent. Encore une fois, étant ici depuis 2014 — presque 8 ans à ce poste —, voir la croissance de l’industrie canadienne de la musique, l’infrastructure des maisons de disques et les investissements dans le répertoire national est la partie la plus intéressante de notre travail. Nous sommes ravis de voir l’incroyable quantité de contenu canadien avec lequel nous devons travailler tous les jours et avec lequel nous devons travailler avec nos partenaires dans d’autres territoires.
Les efforts que nous déployons pour mettre en valeur la plateforme actuelle et les investissements que nous réalisons en dehors de la plateforme par l’entremise de nos campagnes de marketing sont vraiment efficaces à l’heure actuelle, et nous voulons être en mesure de poursuivre ce travail.
La sénatrice Dasko : Donc, essentiellement, vous parlez des listes de lecture pour les Canadiens...
M. Wiszniak : C’est exact.
La sénatrice Dasko : ... disons, de la musique rock ou des listes de lecture en français, mais vous ne changeriez aucunement vos algorithmes. Cela n’en ferait pas partie. Vous utiliseriez ces autres options d’affichage. C’est ce que j’en comprends. Est-ce exact?
M. Wiszniak : Oui, et l’engagement que nous voyons grâce à nos listes de lecture canadiennes et à la façon dont nous les présentons aux consommateurs canadiens permet de découvrir davantage d’artistes canadiens lorsqu’ils écoutent nos listes de lecture. J’écoute notre liste de hip-hop canadien intitulée « Northern Bars », que j’ai terminée, mais je vais continuer de recevoir du contenu canadien en lien avec la musique que j’ai écoutée. Plus nos utilisateurs sur la plateforme écoutent du contenu canadien — la façon dont nous les servons et dont ils ajoutent à leur collection et l’engagement que nous constatons —, plus les résultats sont importants pour que la découvrabilité joue en leur faveur afin qu’on leur offre la musique de nouveaux artistes canadiens en tant qu’amateurs de musique canadienne.
La sénatrice Dasko : Merci.
M. Levin : J’allais présenter un point de vue de l’ensemble de l’industrie à ce sujet, car je pense que c’est une excellente question, madame la sénatrice. Je soulignerais cependant, et je pense que M. Wiszniak en a parlé un peu, que l’un des avantages d’avoir cette conversation dans un an, c’est que nous aurons un an de plus de données, d’engagement, de progrès et d’innovation de la part des plateformes de diffusion. C’est une industrie en constante évolution qui est encore assez jeune, tout compte fait. Ce que vous entendez de Spotify est un exemple de ce que les services de diffusion en continu font, mais c’est vrai pour tous les membres de la DiMA qui exerce leurs activités au Canada. Cette question de découvrabilité et de mise en valeur est au cœur de l’expérience du consommateur, de la proposition présentée aux amateurs de musique et aux consommateurs canadiens, et c’est nécessaire pour le climat concurrentiel.
Ce qui ferait l’objet de discussion en grande partie dans le cadre de cette conversation hypothétique dans un an est le succès que les services ont connu en ce qui a trait à la promotion, la mise en valeur, la découverte du contenu canadien — pas seulement ici au Canada, mais dans le monde entier. Nous en avons beaucoup parlé dans cette conversation, mais je pense que c’est un aspect très important.
La sénatrice Dasko : Merci.
La sénatrice Clement : Merci de comparaître devant nous aujourd’hui. J’ai tendance à aimer perturber les expériences d’écoute et de visionnement confortables des auditeurs. Je m’efforce de duper les algorithmes afin que l’on puisse me présenter du contenu auquel je ne m’attends pas. Je m’inquiète du peu de connaissances des Canadiens sur le fonctionnement des algorithmes. Je m’inquiète aussi du fait que les métadonnées et les données ne sont pas accessibles aux gens ordinaires. Ce sont là mes remarques liminaires.
Disney, par exemple, je vois que vous offrez du contenu canadien. J’aimerais en savoir plus à ce sujet, car cela me semble être incohérent. Vous dites que nous ne voulons pas faire de sélection. Nous ne voulons pas d’algorithmes ou imposer du contenu canadien, mais vous êtes déjà en train de faire de la conservation de contenu canadien. J’ai du mal à comprendre cela, car dans votre mémoire, vous parlez de le faire. Comment les Canadiens s’engagent-ils avec ce que vous offrez? Avez-vous des données à ce sujet?
Spotify, dans votre mémoire, vous parlez d’environ 8 milliards de diffusions en continu. S’agit-il de nos grandes vedettes canadiennes — Bieber, Drake, The Weeknd — ou ce chiffre inclut-il aussi des artistes autochtones émergents?
J’ai l’impression que nous avons besoin d’une explication pour savoir ce que cela signifie, comment vous conservez le contenu canadien et pourquoi vous dites que vous ne pouvez pas le faire alors que vous le faites déjà.
M. Fares : Je ne vous ai pas entendue, sénatrice. La question m’était-elle adressée?
La sénatrice Clement : Oui.
M. Fares : Si vous n’y voyez pas d’inconvénient, je me ferai un plaisir de répondre en premier. Merci de la question.
Je ne pense pas que nous disons que nous ne pouvons pas faire de conservation. Nous en faisons. Nous avons en fait une collection intitulée « Ô Canada » sur la page d’accueil des abonnés canadiens...
La sénatrice Clement : Je suis au courant.
M. Fares : ... qui est un sous-ensemble de notre bibliothèque qui est conservé et qui inclut du contenu précisément en lien avec le Canada, que ce soit l’histoire canadienne, les talents canadiens ou le paysage canadien. Nous le mettons à jour chaque année le jour de la fête du Canada dans le cadre de notre célébration du pays.
Nous avons également une mesure incitative intégrée, et c’est en fait un impératif, pour offrir aux consommateurs le contenu qu’ils veulent regarder. Nous avons appris au fil des ans que les abonnés aiment le contenu local. Par conséquent, notre algorithme répondra aux requêtes sur les différentes caractéristiques du contenu que les gens recherchent.
Je ne pense pas que nous disons que nous ne pouvons pas le faire. Ce que je sais, c’est que nous disons que nous essayons constamment d’innover pour faciliter cette fonction de recherche ou la découvrabilité de ce qu’un consommateur veut regarder.
Ce que nous ne voulons pas, ce sont des règlements normatifs qui nuiraient à notre capacité d’innover au fil du temps. C’est le point de vue que nous faisons valoir, si cela peut être utile.
La sénatrice Clement : Vous gardez des données sur tout ce contenu et sur toute la rétroaction à ce contenu?
M. Fares : Oui. Il y a une collecte de données, en effet.
La sénatrice Clement : Merci.
Et de Spotify?
M. Wiszniak : Oui. C’était une excellente question concernant les 8 milliards de diffusions d’artistes canadiens écoutés dans le monde entier.
À mesure que nous nous lançons dans de nouveaux territoires, de nouvelles occasions se présentent à nous pour offrir de nouveaux publics aux artistes canadiens. L’une des parties les plus passionnantes de mon travail, ces derniers temps, a été notre lancement en Inde et, grâce à cela, nous commençons à voir des artistes canadiens du Pendjabi, qui sont au Canada, devenir de grandes vedettes en Inde, avec plus d’un demi-million d’auditeurs sur ce territoire.
Donc, ces 8 milliards de diffusions ne sont pas seulement le fait de grandes vedettes canadiennes — Drake, The Weeknd, Justin Bieber et Alessia Cara — mais aussi d’un vaste éventail d’artistes canadiens, comme vous l’avez mentionné, d’artistes autochtones et indépendants qui obtiennent des auditoires dans le monde entier, des listes de lecture aux États-Unis, des listes de lecture au Royaume-Uni, et qui travaillent avec, encore une fois, les meilleurs.
La relation avec nos équipes musicales dans le monde entier nous donne l’occasion de collaborer avec un grand nombre de nos homologues internationaux afin de contribuer à la diffusion de la musique canadienne dans le monde. Ces 8 milliards de diffusions représentent donc l’ensemble des artistes canadiens avec lesquels nous travaillons au quotidien.
Mme Smith : En ce qui concerne les métadonnées, il y a aussi un lien avec le fait que, parfois, les informations qui permettent de déterminer si du contenu est considéré comme canadien ou non peuvent davantage faire défaut dans le cas d’un artiste émergent ou d’un genre musical particulièrement collaboratif comme le hip-hop.
Permettre à l’équipe de M. Wiszniak d’exercer son jugement qualitatif, à la lumière des renseignements qui lui ont été transmis, est vraiment en partie une façon dont nous suscitons ces histoires de réussite sur la plateforme, et nous estimons que ce serait simplement un amendement raisonnable et constructif à ce stade.
La sénatrice Clement : Merci.
Le président : J’ai des questions pour nos témoins.
Divers témoins ont signalé que l’alinéa 10(1)i) du projet de loi fournit des directives au CRTC sur la rédaction des règlements. Il expose divers enjeux que le CRTC doit prendre en considération pour établir si une émission ou un projet répond aux critères relatifs au contenu canadien.
Certains d’entre vous ont soutenu que cette définition devrait demeurer flexible et ont suggéré que l’article soit amendé pour préciser qu’aucun facteur ne doit être déterminant. Cet amendement a été proposé à la Chambre, mais a été rejeté par le gouvernement.
Est-ce que tous les témoins continuent de considérer qu’un tel amendement est important? Pouvez-vous nous expliquer, en fournissant un peu de contexte, pourquoi ou pourquoi pas, si vous croyez que non?
Quelles sont, d’après vous, les conséquences pour les investissements au Canada si la flexibilité n’est pas intégrée dans ce projet de loi en ce qui concerne la définition du contenu canadien?
M. Fares : Merci beaucoup de la question. Je suis heureux de commencer en parlant de la définition du contenu canadien et de l’amendement que vous soulignez qu’aucun facteur unique ne devrait être déterminant pour définir ce qu’est le contenu canadien.
Je pense que ce qui est pertinent et si important pour nous à ce sujet, c’est que j’ai relevé trois histoires canadiennes que nous avons produites : Barkskins, Alerte rouge et Washington Black. Elles ne sont pas du contenu canadien car la propriété intellectuelle de ce contenu appartient à la société Walt Disney.
En revanche, il y a des situations où le contenu sera considéré comme étant du contenu canadien, même s’il ne raconte pas une histoire canadienne et n’est pas produit au Canada. Toutefois, il répond au système de points et la propriété intellectuelle est détenue par un Canadien. Par conséquent, ce que nous essayons de faire, c’est de rectifier cette anomalie afin qu’il y ait une définition flexible de manière à ce que des œuvres comme Alerte rouge , Barkskins et Washington Black puissent être qualifiées de contenu canadien.
Le simple fait que la propriété intellectuelle nous appartient ne devrait pas nous disqualifier lorsque l’œuvre est produite au Canada, qu’elle raconte une histoire canadienne et, en effet, Alerte rouge comptait une foule de Canadiens. Le film a été réalisé par un Canadien, et une foule d’acteurs et de membres de l’équipe de tournage étaient canadiens. C’est pourquoi cet amendement est si important pour nous...
Le président : Quelqu’un d’autre veut prendre la parole à ce sujet?
Mme Smith : Je pense que mon collègue et moi aimerions le faire. C’est une excellente question et c’est une raison pour laquelle Spotify est ici pour soutenir les objectifs du projet de loi, mais espère obtenir plus de clarté.
Un grand nombre de ces questions et ce qui figure actuellement dans le projet de loi concernent plus particulièrement la production vidéo. De toute évidence, la Loi sur la radiodiffusion en général a vu le jour avec la radio et la télévision.
La réglementation de la diffusion en continu de contenu audio est une proposition législative inédite. Nous pensons qu’il devrait y avoir des directives précises pour ce secteur, étant donné le caractère unique de ce volet de l’industrie.
L’ampleur des répertoires musicaux et des répertoires audio en général sur les plateformes de diffusion en continu est exhaustive, ce qui est différent des plateformes vidéo comme Disney+.
Nous croyons, à la lumière de cela, que les obligations concernant la promotion du contenu canadien devraient être reconnues comme devant tenir compte de certaines décisions commerciales raisonnables que toutes les plateformes devront prendre pour s’assurer qu’elles sont toujours encouragées à promouvoir la musique que nous reconnaissons tous communément comme canadienne, mais qui ne pourrait ne pas correspondre aux structures du système précédent.
M. Wiszniak : Oui. Spotify a quelques façons d’établir le contenu canadien à l’heure actuelle. L’une d’entre elles est notre propre application appelée Spotify, où les artistes ont la possibilité de proposer leur musique pour l’inclure dans une liste de lecture. Nous avons démocratisé le processus par lequel la musique parvient à notre équipe d’éditeurs.
Dans le cadre de ce processus, les artistes ont la possibilité de s’identifier comme étant des Canadiens. Nous avons cette option, ainsi que la possibilité de travailler avec Gracenote, une entreprise internationale de données sur le divertissement qui déterminera le pays d’origine.
Le dernier point concerne les relations directes et de confiance que nous entretenons avec les détenteurs de droits au Canada dans le système des maisons de disques, d’éditeurs et d’auteurs-compositeurs, en identifiant les artistes canadiens.
Des artistes canadiens font de la musique en dehors du Canada. Certains membres de l’industrie de la musique country déménagent à Nashville pour créer de la musique et écrire avec, potentiellement, des auteurs internationaux, collaborer avec des producteurs et enregistrer dans des studios qui ne sont peut-être pas au Canada.
Cependant, si cet artiste est canadien, en fonction de son pays d’origine, nous l’appellerons toujours un artiste canadien. Ainsi, la définition actuelle du contenu canadien, et c’est essentiellement prendre la décision de diffusion du contenu canadien dans l’environnement de diffusion en continu, devrait être mise à jour avant que le contenu arrive à nous.
M. Levin : Si je peux me permettre d’ajouter quelque chose, en m’appuyant sur ce qui vient d’être dit, nous avons souvent entendu avec le premier groupe de témoins — et nous avons souvent entendu durant l’étude de ce projet de loi — que ce sont des règlements et une loi qui n’ont pas fait l’objet d’un examen depuis des décennies. Ils remontent à une époque où toute la création médiatique était intrinsèquement locale. Une grande partie de la radiodiffusion demeure encore un média intrinsèquement local.
Ce que je pense que vous entendez de la part de Spotify, de M. Fares et de moi, c’est que nous sommes dans un marché de production, de création et de distribution beaucoup plus mondial et dynamique. Il s’agit d’un domaine où la réglementation était élaborée pour un tout autre type d’industrie, comme l’industrie musicale qui existait il y a plus de 30 ans, si bien qu’elle ne reflétait pas la manière dont la musique est créée et par qui elle est créée de nos jours.
Le président : Merci. Ma question s’adresse à M. Levin.
J’ai entendu dans votre témoignage — et corrigez-moi si j’ai tort — des chiffres concernant ce que l’industrie de la diffusion en continu réinvestit dans le marché canadien. Je crois que vous avez mentionné que 70 % des revenus sont réinvestis en redevances, par rapport à 8 % pour les plateformes radio traditionnelles, ce que je trouve spectaculaire. Vous pourriez peut-être nous en dire plus à ce sujet.
Je suis également curieux de savoir, si nous continuons avec cette approche inflexible dans ce projet de loi et si l’amendement que j’ai mentionné plus tôt n’est pas adopté par le Sénat du Canada et est renvoyé, quelles seraient les conséquences en matière d’investissement de votre point de vue dans l’industrie canadienne.
M. Levin : En ce qui concerne la première question, les 65 %, c’est exact. En moyenne, les services de diffusion en continu audio versent 65 à 70 % de leurs revenus en redevances. Comme j’en ai discuté avec vos collègues, ces redevances représentent le coût de l’octroi de licences et de l’utilisation des œuvres. Le coût similaire pour l’octroi de licences et l’utilisation des œuvres par les radiodiffuseurs commerciaux s’élève à environ 8.2 % de leurs revenus.
Bien que je comprenne le désir de dire que ce n’est pas une façon suffisante d’examiner les contributions au marché canadien, c’est certainement la contribution la plus directe au marché canadien qui est faite par les membres de la DiMA.
Par ailleurs, je pense que mes collègues de Spotify vous ont dit de manière très convaincante qu’il y a des investissements supplémentaires au-delà des revenus issus des redevances et des équipes qui sont mises en place pour lancer et promouvoir les nouveaux artistes canadiens.
Oui, même en partant du montant qu’il faut débourser pour obtenir une licence de musique pour la radio par rapport à la diffusion en continu, il y a un écart d’environ 8,5 fois entre la situation des services de diffusion et celle de la radio commerciale.
Le président : Merci.
La sénatrice Simons : Monsieur Fares, j’ai eu l’occasion de discuter avec vous en personne à quelques reprises, mais je voulais reprendre l’une des conversations que nous avons eues et l’amener à une table plus importante, à savoir la question de la propriété intellectuelle.
Il est vrai que Disney dépense une somme extraordinaire sur la production au Canada et emploie des milliers de Canadiens. Je pense que c’est une excellente chose pour notre industrie cinématographique et pour le profil culturel international du Canada. Il est aussi vrai, cependant, que Disney insiste pour détenir la propriété intellectuelle en grande partie, ce qui signifie que les producteurs et les réalisateurs indépendants canadiens n’ont pas autant de chances de tirer parti des possibilités offertes par votre plateforme.
Comme nous envisageons l’avenir, je me demande s’il y a une quelconque flexibilité dans le modèle d’affaires de Disney qui permettrait le partage des droits de propriété intellectuelle, ce qui donnerait aux Canadiens l’occasion de raconter leurs propres histoires et d’avoir l’occasion de procéder à la distribution par l’entremise de votre énorme réseau.
M. Fares : Merci beaucoup de votre question. Il est vrai qu’à l’heure actuelle, nous possédons généralement les droits de propriété intellectuelle sur le contenu que nous produisons. Comme je l’ai mentionné, nous nous apprêtons à adopter une stratégie de contenu local au Canada. Il faut tenir compte des différents types de licences que nous négocierons. S’il s’agit d’une coproduction et que nous assumons la quasi-totalité du risque, les avantages seront répartis. C’est ce qu’il faut examiner dans le contexte d’une coproduction. Si nous finançons carrément l’ensemble de la production, nous chercherons surtout à détenir les droits de propriété intellectuelle.
Cela ne signifie pas qu’on ne peut pas établir des indicateurs de réussite. Ainsi, dans le cas d’une émission couronnée de succès, le producteur en bénéficierait réellement. Par contre, s’il s’agit d’une acquisition, nous pourrions avoir une licence pour un ensemble limité de droits, ce qui permettrait au producteur de conserver certains des autres droits d’exploitation.
Cela dépend vraiment de l’entente proprement dite, selon qu’il s’agisse d’une coproduction, d’une acquisition ou d’un préachat. Les droits de propriété intellectuelle peuvent varier dans tous ces cas. Je pense que nous nous concentrons souvent sur les coproductions en pensant qu’il sera possible d’appliquer le modèle d’acquisition aux coproductions, mais il s’agit naturellement d’une analyse du marché en fonction des risques et des récompenses.
La sénatrice Simons : J’ai une autre question à poser aux représentants de la DiMA et de Spotify. J’adore les balados. J’en écoute un certain nombre, et j’ai mon propre balado, appelé « Alberta Unbound ». C’est excellent. D’ailleurs, je viens de lancer de nouveaux épisodes cette semaine. C’est diffusé sur Spotify, Apple et Pandora. Nous n’avons pas parlé des balados ni de leur rôle dans l’écosystème de l’information.
Le projet de loi C-11 ne prévoit pratiquement rien à ce sujet. Avez-vous des réserves — que ce soit en raison des algorithmes ou de l’immuabilité accrue du système — quant à l’idée de recommander des balados canadiens, ou vous inquiétez-vous de la possibilité que les réseaux de baladodiffusion soient considérés comme des entreprises en ligne?
Mme Smith : Je vous remercie de votre question, madame la sénatrice. Les balados suscitent beaucoup d’intérêt pour Spotify aussi. Notre plateforme compte plus de 4 millions de balados, dont un certain nombre sont téléversés par des utilisateurs, alors que d’autres sont parfois des créations originales ou exclusives de Spotify. Citons notamment CANADALAND ou les balados de Radio-Canada ou de CBC. Par exemple, nous avons récemment produit un balado sur la situation des Autochtones, animé par la journaliste canadienne d’origine crie, Connie Walker.
La sénatrice Simons : C’était un balado extraordinaire. Je n’en ai rien manqué.
Mme Smith : Nous nous réjouissons de la présence accrue de balados sur Spotify afin de continuer à raconter plus d’histoires canadiennes et à tisser des liens d’une façon culturellement adaptée.
Toutefois, nous estimons qu’il faut faire preuve de prudence — et, encore une fois, cela va dans le sens de notre message général, en faveur des objectifs liés à la modernisation de la Loi sur la radiodiffusion, tout en nous assurant qu’il existe une position claire à cet égard —, pour faire en sorte que le secteur des balados puisse prendre de l’expansion de manière naturelle. Mentionnons un autre excellent balado, intitulé « Canadian True Crime ». Vous le trouverez peut-être en effectuant une recherche dans la catégorie des documentaires de crimes, au lieu du contenu spécifiquement canadien.
Je pense que nous convenons tous que ces exemples devraient être considérés comme du contenu canadien, mais nous ne disposons pas encore de règles concernant les balados pour établir ce qui pourrait être qualifié d’émission canadienne. Nous voulons simplement nous assurer que le CRTC sera en mesure d’adopter une approche mesurée et prudente qui permettra à l’industrie de la baladodiffusion de continuer à croître.
Le sénateur Quinn : Le projet de loi C-11 prévoit une modification qui obligerait les entreprises en ligne à utiliser le système d’alerte en cas d’urgence. Je crois comprendre que la Digital Media Association s’inquiète des difficultés techniques liées à la localisation. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet?
M. Levin : Oui, absolument. Cela montre bien les limites technologiques des services de diffusion en continu. À ce titre, nous ne disposons pas de données de géolocalisation précises sur les utilisateurs. Ce sont des renseignements dont disposent les fournisseurs de services sans fil, et nous comptons sur eux pour fournir l’application et le contenu en continu aux utilisateurs, peu importe où ils se trouvent.
L’aspect le plus important du système d’alerte en cas d’urgence, c’est la précision de l’emplacement pour que les messages atteignent les gens au bon endroit et au bon moment. C’est une question qui s’est posée ici aux États-Unis. La Federal Communications Commission, ou FCC, s’est penchée sur la question de l’ajout d’applications et de services de diffusion en continu au système d’alerte en cas d’urgence.
Nous serions heureux de vous faire part des observations que la DiMA et certaines des autres associations Internet ont transmises à la FCC sur ce sujet, mais cela met littéralement en évidence les limites technologiques et la crainte qu’une telle approche réduise la précision et la sécurité du système d’alerte en cas d’urgence, au lieu d’aider à rejoindre les gens en cas d’urgence.
Le sénateur Quinn : Si vous pouviez nous envoyer cette information, ce serait excellent.
M. Levin : Nous serons ravis de le faire.
La sénatrice Miville-Dechêne : Ma prochaine question s’adresse à M. Fares, de Disney, pour faire suite à la question de ma collègue, la sénatrice Simons, sur la propriété intellectuelle.
Cet après-midi, nous allons entendre des représentants de la Canadian Media Producers Association. Pour bien me préparer, j’aimerais savoir si vous avez déjà partagé la propriété intellectuelle avec des producteurs canadiens puisque vous produisez au Canada. En outre, que répondez-vous à leur argument selon lequel les négociations sont tellement inégales que, lorsque la propriété intellectuelle part à l’étranger, ils perdent tout droit de reproduire quoi que ce soit relativement au produit?
Êtes-vous prêt à changer le mode de négociation, mais d’abord, avez-vous déjà partagé la propriété intellectuelle? Si non, pourquoi?
M. Fares : Merci beaucoup pour ces questions. Je pense que la réponse concernant les producteurs est semblable à celle que j’ai donnée à la sénatrice Simons, à savoir que cela dépend vraiment de l’accord de licence. S’il s’agit d’une coproduction où nous assumons tous les risques, nous cherchons généralement à obtenir la propriété intellectuelle. S’il s’agit d’une acquisition, nous n’avons pas nécessairement besoin de toute la propriété intellectuelle. Nous pourrions demander certaines retenues ou quelque chose de ce genre, mais cela dépend de la nature du contrat de licence.
La sénatrice Miville-Dechêne : Ma question était plus précise : avez-vous déjà partagé la propriété intellectuelle avec des producteurs canadiens puisque vous produisez au Canada depuis un certain temps?
M. Fares : Il y a deux types de productions différentes. Premièrement, il y a notre propre production de services, lorsque nous produisons les œuvres par nous-mêmes, auquel cas nous possédons l’intégralité de la propriété intellectuelle. Dans les exemples que je vous ai donnés concernant Omnifilm et Mercury Filmworks, ces sociétés produisaient en fait un contenu qui se rapportait à une propriété intellectuelle préexistante de Disney. Dans ces circonstances, nous étions toujours détenteurs de la propriété intellectuelle.
Je ne peux pas vous dire à quoi aboutira la stratégie de programmation locale. Cela pourrait varier. Le tout dépendra de la nature des accords que nous négocierons avec les producteurs locaux au fur et à mesure que nous élaborerons cette stratégie de programmation locale.
La sénatrice Miville-Dechêne : Merci.
Le président : Je tiens à remercier tous les témoins qui ont comparu devant nous aujourd’hui. Nous avons dépassé de quelques minutes le temps prévu, mais je pense qu’il était important que chacun puisse être entendu. Merci à tous. Nous allons lever la séance et nous réunir de nouveau à 13 h 30 cet après-midi.
(La séance est levée.)