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TRCM - Comité permanent

Transports et communications


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES TRANSPORTS ET DES COMMUNICATIONS

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 21 septembre 2022

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd’hui, à 18 h 45 (HE), avec vidéoconférence, pour se pencher sur la teneur du projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois.

Le sénateur Leo Housakos (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Honorables sénatrices et sénateurs, je m’appelle Leo Housakos, je suis un sénateur du Québec et président du Comité sénatorial permanent des transports et des communications. J’invite mes collègues à se présenter.

Le sénateur Dawson : Sénateur Dennis Dawson, du Québec, parrain du projet de loi.

La sénatrice Miville-Dechêne : Sénatrice Julie Miville-Dechêne, du Québec.

Le sénateur Cormier : Sénateur René Cormier, du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

La sénatrice Simons : La sénatrice Paula Simons, de l’Alberta, territoire du Traité no 6.

Le sénateur Manning : Fabian Manning, Terre-Neuve-et-Labrador.

Le sénateur Klyne : Bonsoir. Marty Klyne, Saskatchewan.

La sénatrice Sorensen : Karen Sorensen, sénatrice de l’Alberta.

Le sénateur Quinn : Jim Quinn, sénateur du Nouveau-Brunswick.

[Français]

La sénatrice Clement : Sénatrice Bernadette Clement, de l’Ontario.

[Traduction]

La sénatrice Wallin : La sénatrice Pamela Wallin, de la Saskatchewan.

La sénatrice Dasko : Donna Dasko, sénatrice de l’Ontario.

Le président : Nous poursuivons nos délibérations sur la teneur du projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois.

Pour notre premier groupe de témoins de ce soir, nous accueillons Jeanette Patell, cheffe des affaires gouvernementales et des politiques publiques du Canada, à YouTube. De TikTok, nous avons Steve de Eyre, cheffe, Canada, et enfin, Patrick Rogers, président-directeur général de Music Canada.

Comme le veut l’usage, chaque témoin disposera de cinq minutes pour présenter son exposé, après quoi nous passerons à une période de questions.

Nous allons commencer par la représentante de YouTube. À vous la parole, madame.

Jeanette Patell, cheffe des affaires gouvernementales et des politiques publiques du Canada, YouTube : Je vous remercie de me donner l’occasion de m’adresser à vous aujourd’hui.

La mission de YouTube est de donner une voix à chacun et de lui montrer le monde; nous sommes fiers de connecter les Canadiens et les Canadiennes au contenu qu’ils aiment depuis maintenant plus de 15 ans.

Qu’y a-t-il sur votre playlist YouTube?

[Français]

Chaque Canadien ou Canadienne a une réponse unique à cette question. Au Canada, les habitudes des téléspectateurs sont aussi diverses que la population.

[Traduction]

Les Canadiens visitent YouTube pour y trouver de tout, des tutoriels de danse Bollywood aux moments forts du match de hockey de la veille. Répondre aux besoins uniques de chaque utilisateur à ce moment précis est une grande partie de ce qui rend YouTube si spécial.

Nous croyons que la diversité du contenu, la diversité des créateurs et la diversité des utilisateurs sont notre force. Et nous savons que c’est l’ingrédient secret qui a catapulté les créateurs canadiens à devenir les principaux exportateurs de leur contenu auprès du public international.

Plus de 90 % du temps de visionnement sur les chaînes YouTube canadiennes provient de l’extérieur du pays. Et en 2021, ce succès mondial a permis à l’écosystème créatif de YouTube de contribuer à hauteur de 1,1 milliard de dollars au PIB du Canada.

Mais nous craignons que le projet de loi C-11 ne mette cela en péril. Les experts juridiques et la société civile s’entendent pour dire que, dans sa forme actuelle, le projet de loi C-11 exigerait que YouTube présente du contenu en fonction des priorités du Conseil de la radio et de la télévision du Canada, le CRTC, plutôt que de celles des Canadiens. Et cela nuit à toutes les personnes qui utilisent notre plateforme. Ce printemps, des dizaines de milliers de créateurs canadiens ont demandé au gouvernement de modifier le projet de loi C-11, mais ils ont été ignorés. De plus, comme il n’y a pas eu de consultation publique sur ce projet de loi, des millions de Canadiens et de Canadiennes n’ont pas été invités à participer à cette conversation. La plupart ne sont même pas conscients que leur expérience en ligne est sur le point de changer.

[Français]

Je veux préciser nos préoccupations au sujet de ce projet de loi, car il y a un débat considérable sur ce que dit le texte juridique et sur la façon dont il est caractérisé.

[Traduction]

Le président du CRTC, Ian Scott, a témoigné que le projet de loi C-11 leur donne le pouvoir de réglementer le contenu généré par les utilisateurs, l’UGC. Les paragraphes 4.2(1) et 4.2(2) laissent la question de savoir quel contenu apparaît entièrement à la discrétion du CRTC. Il fournit des critères très larges à considérer à l’avance, par exemple si une personne a généré directement ou indirectement des revenus à partir de ce contenu.

Honorables sénateurs, effectivement c’est tout ce qui se trouve sur YouTube. M. Scott a également témoigné que le texte permettrait au CRTC de demander aux plateformes de manipuler leurs algorithmes pour produire les résultats requis. L’alinéa 9.1(1)e) donne explicitement à un organisme de réglementation gouvernemental le pouvoir de déterminer quel contenu est priorisé et comment et où le contenu est présenté aux Canadiens, ce qui donne au CRTC le pouvoir de décider qui gagne et qui perd.

Nous sommes d’avis que cette approche va en fait à l’encontre des créateurs mêmes qu’elle tente de soutenir. Bâtir et développer un public aujourd’hui, c’est se connecter avec le plus grand nombre d’admirateurs qui aimeront votre contenu, qu’ils soient au Canada ou dans le monde entier.

Avez-vous déjà changé de canal à la télé à cause d’une émission que vous n’aimez pas? Sur YouTube, c’est un signal important. La promotion excessive du contenu auprès du public en raison de l’endroit où il vit plutôt que de ses intérêts conduit le public à se désintéresser — et ces signaux entraînent finalement nos systèmes à rétrograder ce contenu pour les téléspectateurs du monde entier. Une telle approche affecterait le cœur même du succès des créateurs canadiens ainsi que leurs recettes.

Ces conséquences imprévues ne sont manifestement pas ce que le gouvernement avait à l’esprit avec le projet de loi C-11. Le ministre a répété à maintes reprises que le contenu des créateurs en ligne ne devrait pas être assujetti à la Loi et que les algorithmes ne sont pas en jeu. Cependant, il est clair que l’organisme de réglementation qui interprétera et appliquera cette loi estime que le libellé lui accorde beaucoup plus de pouvoir que ce que le ministre veut lui accorder.

Le Sénat a un rôle important à jouer pour corriger cet écart. Des modifications de nature chirurgicale qui créent une plus grande précision dans le texte juridique peuvent faire en sorte que ce que dit le ministre corresponde à ce que fait le CRTC. Nous avons la responsabilité envers nos téléspectateurs canadiens de protéger leur expérience sur la plateforme. Et nous voulons nous assurer que la prochaine génération de créateurs canadiens ou que le prochain artiste comme The Weeknd puisse se démarquer.

Moyennant deux changements simples qui reflètent l’intention du ministre, il est possible de soutenir les musiciens et les conteurs canadiens sans interférer avec l’expérience des Canadiens et des Canadiennes sur YouTube ou mettre en danger des milliers de créateurs. Premièrement, en précisant le libellé de l’article 4.2 pour ne saisir que la musique commerciale complète. Et deuxièmement, en renforçant l’article 9.1(8) pour prévenir les impacts réglementaires sur les algorithmes de recommandation.

[Français]

Nous espérons que le Sénat reconnaîtra le caractère unique des plateformes ouvertes comme YouTube et qu’une approche universelle pourrait avoir des conséquences imprévues pour tant de gens.

Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de m’adresser à vous aujourd’hui et je répondrai avec plaisir à vos questions. Merci.

[Traduction]

Le président : Merci beaucoup. Monsieur de Eyre, à vous la parole.

Steve de Eyre, directeur des affaires gouvernementales et des politiques publiques, Canada, TikTok : Merci au sénateur Housakos et merci aux membres du comité de m’avoir invité à comparaître aujourd’hui au nom de TikTok, où, en plus de publier les occasionnelles blagues de papa ou des vidéos de batterie, je suis également directeur des affaires gouvernementales pour le Canada.

TikTok est une plateforme de divertissement qui a nivelé les règles du jeu pour les créateurs numériques canadiens en démocratisant la découverte. Sur TikTok, n’importe qui peut trouver et atteindre un public, non seulement au Canada, mais dans le monde entier, indépendamment de son apparence, de sa voix, de son lieu de résidence ou du type de contenu qu’il crée.

Nous sommes incroyablement fiers, par exemple, de la façon dont les communautés autochtones ont utilisé TikTok pour partager leurs cultures, leur musique et leur histoire avec des centaines de millions d’admirateurs dans le monde. Des créateurs comme Notorious Cree, Sherry Mckay, Shina Novalinga et bien d’autres ouvrent la voie à une nouvelle génération de créateurs de contenu.

Nous craignons cependant que le projet de loi C-11 ne nuise, au lieu d’aider, à ces créateurs et à d’innombrables autres qui ne font que commencer. Tel qu’il est rédigé, ce projet de loi pourrait les assujettir à une réglementation contraignante et donnerait un avantage injuste aux médias déjà bien établis par rapport aux créateurs indépendants.

Tout le monde veut que les créateurs et les artistes prospèrent, qu’ils soient traditionnels ou numériques. Mais le projet de loi C-11 n’a pas été rédigé dans l’intérêt des créateurs numériques.

Depuis que l’exemption pour le contenu généré par l’utilisateur a été retirée du projet de loi C-10 original, il y a près d’un an et demi, les débats concernant les créateurs numériques ont porté sur la question de savoir s’ils sont suffisamment exemptés et protégés de la réglementation. Mais dans sa forme actuelle, le projet de loi C-11 non seulement échoue à protéger les créateurs numériques de la réglementation, mais il en fait des dommages collatéraux. C’est pourquoi il est si important que le Sénat examine une seconde fois ce projet de loi et qu’il étudie soigneusement l’impact qu’il aura sur les créateurs de contenu numérique.

J’espère que nous pourrons profiter de notre temps aujourd’hui pour avoir une discussion constructive sur des amendements mineurs et techniques, en particulier aux articles 4.2 et 9.1, qui contribueraient à atteindre l’objectif annoncé par le gouvernement d’exclure les créateurs numériques.

Tout d’abord, le Sénat devrait préciser que de courts clips musicaux ou vidéo, ou des performances amateurs, ne constituent pas un « contenu professionnel » au sens de l’article 4.2. Tel qu’il est rédigé, toute vidéo sur TikTok qui comprend de la musique, soit la majorité du contenu publié sur notre plateforme, répondrait aux trois critères pour être considérée comme professionnelle. En effet, le texte ne fait pas de distinction entre la diffusion d’une chanson complète et l’utilisation d’un clip de 15 ou 30 secondes en fond sonore d’une vidéo. Nous avons proposé un amendement mineur, que nous avons partagé avec vos bureaux, qui clarifierait ce point dans l’article 4.2.

Deuxièmement, l’article 9.1 exigerait de TikTok qu’il recommande en priorité le contenu canadien, mais nous avons de sérieuses inquiétudes quant à savoir si la majorité du contenu créé par des Canadiens sur TikTok sera en effet qualifié de CanCon, soit de contenu canadien. TikTok permet à tout le monde de créer du contenu et de trouver un public, en particulier ceux qui créent du contenu non traditionnel ou de niche. Bien que les règles du CanCon soient principalement destinées à soutenir les artistes des arts du spectacle, comme la musique, la danse et le théâtre, certains des créateurs TikTok canadiens les plus populaires et les plus prospères sont des vlogueurs, des joueurs en ligne ou des créateurs artisanaux.

Ces Canadiens, dont beaucoup sont jeunes et non établis ou proviennent de groupes historiquement sous-représentés dans les médias canadiens, seront-ils relégués derrière les acteurs traditionnels, simplement parce que ces groupes peuvent cocher les bonnes cases auprès du CRTC?

La version initiale du projet de loi C-10, comprenait deux dispositions qui excluaient expressément le contenu téléchargé par des utilisateurs individuels sur des plateformes de médias sociaux. Ces dispositions protégeaient le contenu généré par les utilisateurs de l’assujettissement à la majeure partie des articles 9 et 10 de la loi, mais celles-ci ont été supprimées dans le projet de loi C-11. Nous avons partagé les détails de ces omissions cruciales avec vos bureaux et nous demandons au Sénat de les réintégrer dans ce projet de loi.

Sur TikTok, où il n’y a pas de contrôleur ou de dictateur de goût décidant des émissions à financer ou de la musique à diffuser, et l’on y découvre une nouvelle génération de créateurs canadiens qui reflètent l’image et le son du Canada d’aujourd’hui.

Un récent sondage d’opinion réalisé auprès des Canadiens a révélé que, parmi ceux qui utilisent TikTok, 44 % découvrent davantage de créateurs et d’artistes canadiens sur TikTok, contre 32 % par le biais des médias traditionnels comme la télévision et la radio. Et lorsqu’il s’agit de découvrir des créateurs de contenu autochtones, 41 % disent en découvrir davantage sur TikTok, contre 27 % dans les médias traditionnels.

Alors, que cherche à résoudre le projet de loi C-11? Si son objectif est, comme on nous le dit, de favoriser la découverte de créateurs canadiens et de leur contenu, alors nous soutenons cet objectif. Mais l’application de la Loi sur la radiodiffusion au contenu généré par les utilisateurs ne permettra pas d’atteindre cet objectif. Dans un monde où les gens peuvent choisir de regarder ou d’écouter du contenu de n’importe où dans le monde, le projet de loi C-11 ne peut que nuire — et non aider — les créateurs canadiens de contenu numérique.

Je me réjouis de répondre à toutes vos questions sur la manière dont le Sénat peut améliorer le projet de loi C-11. Merci.

Le président : Merci. Monsieur Rogers, vous avez la parole.

Patrick Rogers, président-directeur général, Music Canada : Je suis heureux d’être ici ce soir pour discuter du projet de loi C-11 avec vous. Music Canada est l’association commerciale des grandes maisons de disques du Canada, Sony Music Entertainment Canada, Universal Music Canada et Warner Music Canada.

Ces grands labels qui ont des bureaux à Toronto et à Montréal, s’associent à des artistes canadiens français et anglais pour les aider à connaître du succès commercial au Canada et à exporter cette musique à l’étranger.

La grande majorité d’entre eux sont des artistes canadiens et internationaux qui travaillent en partenariat avec de grandes maisons de disques et que les Canadiens écoutent à la radio, en diffusion en continu ou en synchronisation avec leur émission de télévision préférée. De plus, les grandes maisons de disques du Canada distribuent bon nombre des meilleures étiquettes indies, ce qui permet à leurs artistes de faire carrière dans le monde entier.

Les règles de contenu canadien à la radio, élaborées il y a cinquante ans, sont à la base du succès que connaît actuellement l’industrie canadienne de la musique. Ces règles ont ouvert de nouvelles possibilités de carrière et d’essor professionnel non seulement pour les artistes, mais aussi pour les maisons de disques, les studios, les gestionnaires, les lieux et toute une industrie canadienne de la musique émergente. Ce succès commercial a permis aux entreprises de réinvestir dans la prochaine génération de talents.

C’est pourquoi mes membres appuient les principes fondamentaux du projet de loi C-11 qui consistent à accéder au contenu canadien et à le présenter sur le marché numérique.

Dans le marché numérique mondial, le succès atteint au Canada est un tremplin vers un succès international. Comme vous le savez, le Canada affiche certains des noms musicaux les plus connus au monde. Toutefois, de nombreux artistes dont vous n’avez peut-être pas encore entendu parler atteignent le succès en diffusant en continu sur certaines de ces plateformes. Le groupe de la prochaine génération comprend Ali Gatie, Savannah Ré, Tate McRae, Forest Blakk, Eli Rose, Charlotte Cardin, Soran, Rêve et bien d’autres.

Leur succès est attribuable à leur talent et à leur travail acharné ainsi qu’aux investissements de leurs maisons de disques. Il est aussi dû à la portée des plateformes de diffusion en continu qui émettent des licences afin de diffuser leur musique à leurs admirateurs du monde entier.

En diffusant en continu, ces artistes remportent un succès qu’ils n’atteindraient pas nécessairement s’ils diffusaient uniquement à la radio. Il est important que les règlements qui influent sur la façon dont leur musique est diffusée reflètent les différences entre le marché numérique et la radio.

Ce projet de loi doit maintenir les possibilités offertes aux artistes canadiens et leur permettre de prendre de l’ampleur. Il faut qu’il conserve l’expérience d’écoute dont les Canadiens jouissent sur les plateformes de diffusion en continu. L’industrie de la musique sait que si l’on élimine indûment cette expérience, les auditeurs iront la chercher ailleurs, probablement sur des plateformes non autorisées et non réglementées. Cela va à l’encontre de l’intention de ce projet de loi.

Nous espérons donc que les travaux du comité aideront à combler l’écart entre la description que fait le ministre du projet de loi et le texte lui-même.

Il faudra apporter quelques amendements mineurs à ce projet de loi pour que ses résultats répondent à son intention. Le gouvernement a dit que le CRTC ne devrait pas réglementer les algorithmes des services de diffusion en continu. Nous sommes d’accord avec lui. Toutefois, le libellé du projet de loi accorde une certaine marge de manœuvre. Les quelques changements mineurs que nous vous avons suggéré d’apporter au libellé du paragraphe 9.1(8) de ce projet de loi le rendraient plus précis.

Nous sommes d’accord avec le ministre lorsqu’il dit que le contenu généré par les utilisateurs ne devrait pas être réglementé. Nous vous recommandons d’écouter les préoccupations et les recommandations des plateformes à ce sujet.

De plus, bien que cela ne relève pas nécessairement du comité, nous appuierions une directive politique interdisant au CRTC de réglementer les algorithmes et de choisir les plateformes que les utilisateurs pourront utiliser. Le projet de loi ne devrait réglementer que le contenu professionnel et non le contenu généré par les utilisateurs. Enfin, la réglementation du CRTC devrait tenir compte des qualités et caractéristiques uniques qui différencient les plateformes.

Nous vous demandons cela, parce que nous savons que quand les amateurs de musique du monde entier écoutent les meilleurs morceaux de la musique canadienne, ils désirent en entendre davantage. Ce projet de loi est important. Il propose des objectifs concrets, mais ses conséquences seront très graves si ses règlements ne sont pas bien conçus. Votre examen d’aujourd’hui contribuera à produire un projet de loi qui mettra en vedette les talents incroyables du Canada pour des générations à venir. Je vous remercie d’effectuer cette étude approfondie. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

Le président : Je remercie nos témoins d’être venus. Merci aussi d’avoir respecté le temps alloué. Dans mon rôle de président, je vais me permettre de poser la première question. Elle s’adresse à Mme Patell.

Dans le mémoire que vous avez présenté au comité de la Chambre, vous soutenez que le projet de loi C-11 dans sa forme actuelle mettra en péril le gagne-pain de dizaines de milliers de créateurs canadiens qui diffusent dans YouTube. Vous affirmez qu’en influençant activement les algorithmes, il aura une incidence négative sur l’expérience des consommateurs canadiens et qu’il encouragera le mouvement de protectionnisme culturel dans le monde entier.

Vous avez proposé un libellé précis pour amender l’article 4.2 afin que ce règlement ne s’applique pas aux créateurs numériques. Pouvez-vous nous expliquer ce que vous proposez et comment cela permettrait-il d’éviter ces incidences négatives? Pourriez-vous aussi nous dire ce qui se passerait si ce projet de loi était adopté sans ce libellé et sans cet amendement de l’article 4.2? Quelles en seraient les répercussions?

Mme Patell : Je vous remercie pour cette question, sénateur. Tout d’abord, en ce qui concerne les solutions que nous proposons au Sénat, notre libellé codifierait les déclarations du ministre et les rendrait plus claires dans le texte de la loi. Il inclurait clairement les pistes de musique publicitaire de pleine longueur dans la portée de la loi tout en excluant d’autres types de musique et de contenu générés par les utilisateurs ainsi que le contenu des créateurs en ligne.

Selon nous, le texte actuel ne donne pas de seuil juridique clair pour le contenu assujetti à la loi. Notre amendement préciserait ce libellé en établissant un seuil juridique clair qui fournirait certains paramètres au CRTC afin qu’il réglemente le type de contenu que le ministre a l’intention de réglementer. Cela préciserait les critères pour les organismes de réglementation, pour les décideurs politiques et pour les parties prenantes dont les moyens de subsistance sont soumis à cette réglementation.

À titre d’exemple, le ministre a dit que si une chanson de The Weeknd est téléversée dans YouTube et qu’on la trouve aussi dans Spotify, elle devrait être réglementée de la même façon dans les deux plateformes. Nous sommes d’accord avec lui. Le libellé que nous proposons produirait exactement ce résultat.

Cependant, cela permettrait également de veiller à ce que si un sénateur participait à un tournoi de danse — ce que je vous encourage à faire — ou s’il substituait ses propres paroles à celles d’une chanson, sa performance ne soit pas assujettie à la loi. Elle ne serait pas englobée dans un régime de réglementation qui n’a pas été conçu pour cela. Voilà ce que nos amendements produiraient.

Quant aux répercussions de l’adoption du projet de loi dans sa forme actuelle, nous sommes convaincus qu’il entraverait le parcours de réussite des créateurs. Il leur serait plus difficile d’accroître leur auditoire dans YouTube, où plus de 2 milliards d’utilisateurs du monde entier se connectent chaque mois. Il serait vraiment dommage que le secteur le plus dynamique et le plus florissant de la créativité et des exportations culturelles du Canada subisse des dégâts collatéraux provoqués par ce projet de loi.

Le président : Merci, madame Patell. Personne ne sait vraiment comment le CRTC appliquerait cette loi si elle était promulguée. Nous n’avons pas vu les directives de Patrimoine canadien. Nous ne voyons même pas comment il s’y prendrait pour appliquer ses règlements sur le contenu canadien, par exemple, puisqu’en un intervalle de quelques heures, YouTube reçoit 500 heures de contenu de ses utilisateurs. Qu’en pensez-vous?

Ma question est la suivante : comment votre système identifierait-il le contenu canadien? Ne serait-il pas difficile de protéger la vie privée? Comment le CRTC et le gouvernement traiteraient-ils certains de ces enjeux si la loi actuelle était promulguée?

Mme Patell : Oui, merci pour cette question. Quand les utilisateurs visitent sa plateforme ou quand des créateurs y téléversent leur contenu, YouTube ne leur demande pas de dévoiler leur nationalité ou leur lieu de résidence. À l’heure actuelle, nous ne demandons pas ces renseignements. En fait, pour appliquer un système comme celui que le projet de loi envisage, il faudrait mettre en place un mécanisme pour recueillir les renseignements personnels des utilisateurs.

De plus, le fardeau retomberait sur les créateurs, qui sont les seuls à connaître les renseignements personnels des gens qui participent à la production du contenu qu’ils téléversent. Cela fait gravement pencher la balance en faveur des entreprises dont les grandes équipes se débrouillent très bien dans notre programme de certification des émissions canadiennes sur le contenu canadien, qui est très complexe.

Le président : Merci. Mon temps est écoulé. Je suis désolé de vous interrompre, mais je vous remercie de nous donner ces réponses approfondies.

Le sénateur Klyne : Je pourrais peut-être vous donner une réponse plus détaillée. Ma question s’adresse à Mme Patell, de YouTube Canada. Je vois que le débat sur des algorithmes et sur le concept de découvrabilité reste d’actualité.

Pour décrire très simplement votre modèle d’affaires, je dirais que vous prenez le contenu généré par l’utilisateur et que vous créez des auditoires. Ensuite, je suppose que vous louez les yeux et les oreilles de ces auditoires pour générer des revenus. C’est peut-être une simplification excessive de votre modèle d’affaires, mais je vous demanderais de nous parler plus en détail de la découvrabilité, du CRTC et de l’alinéa 9.1(1)e).

Ma deuxième question porte sur le contenu généré par les utilisateurs; j’ai, dans un autre monde, une certaine expérience à cet égard. Vous devez demander aux utilisateurs d’accepter que vous affichiez ce qu’ils téléchargent, et ainsi vous commencez à obtenir des renseignements personnels. Je pense que vous devrez également recueillir une déclaration de leur part indiquant qu’ils sont Canadiens pour démontrer qu’il s’agit de contenu canadien. Cela nous ramène à la question de la protection de la vie privée. Vous pourriez peut-être répondre à ma première question et finir par répondre à celle du sénateur Housakos.

Mme Patell : Bien sûr. Je vais d’abord parler de l’alinéa 9.1(1)e). Je vais vous le rappeler — malheureusement, j’ai mémorisé ce projet de loi. Cet alinéa indique que le CRTC peut prendre des ordonnances imposant des conditions concernant la présentation des émissions et des services de programmation que peut sélectionner le public, y compris, sans toutefois s’y limiter, des émissions canadiennes et des émissions de langue originale française.

En fait, cet alinéa accorde au CRTC le pouvoir de déterminer la façon dont le contenu est présenté aux Canadiens, les choix qui leur sont offerts ainsi que ce qui va où et comment. Cette approche est le contraire de ce qui se passe à l’heure actuelle, puisque les utilisateurs façonnent nos systèmes en suggérant la meilleure façon de les servir. En fin de compte, chaque signal que les utilisateurs envoient au système lui permet de leur recommander du contenu qui répondra à leurs besoins à un moment donné.

En pensant au pouvoir discrétionnaire qu’aurait le CRTC à l’égard de ce vaste corpus de contenu, soit 500 heures de contenu téléversé chaque minute, nous nous inquiétons non seulement de l’étendue du contenu assujetti à la loi, mais aussi des pouvoirs que l’alinéa 9.1(1)e) confère au CRTC.

Quant à la protection de la vie privée, je vous répondrai brièvement que nous avons établi des systèmes pour protéger la vie privée des utilisateurs. Nous nous inquiétons également du fait qu’il incombera aux Canadiens de recueillir ces renseignements confidentiels sur les personnes qui participent à la production de leur contenu. En fait, ce fardeau retombera sur ces personnes même, puisqu’en fin de compte, elles seront la source des renseignements que nous recueillerons sur elles.

Le sénateur Klyne : Voudriez-vous m’inscrire à la liste des intervenants du deuxième tour?

Le président : Il vous reste encore une minute.

Le sénateur Klyne : Quels critères détaillés ajouteriez-vous pour éliminer ce pouvoir discrétionnaire et cette vaste marge de manœuvre?

Mme Patell : Nous commencerions par amender l’article 4.2 en y ajoutant un seuil juridique.

Par conséquent, l’expression « tient compte », par exemple, que vous avez peut-être entendue de la bouche de l’ancien commissaire Konrad von Finckenstein, donne plus de souplesse et de discrétion au CRTC. Nous rédigerions d’abord un libellé qui établisse clairement le type de contenu assujetti à la loi. En fait, nous nous ferons un plaisir de proposer au Sénat des façons d’y parvenir.

Le sénateur Manning : Je remercie nos témoins. Ma question s’adresse à n’importe lequel d’entre vous. Je crois comprendre que tous les organismes ont proposé un libellé pour amender l’article 9.1, mais le gouvernement a jusqu’à maintenant refusé de publier pour le CRTC une directive sur la mise en œuvre du projet de loi avant que celui-ci ne reçoive la sanction royale.

J’ai entendu votre discussion de ce soir sur ce que le ministre a dit et sur ce que le CRTC aurait le droit de faire. Est-ce que certains de nos témoins pensent qu’il serait utile ou important que cette directive soit publiée avant la sanction royale? Pensez-vous que le fait de ne pas publier cette politique ajoute à l’incertitude sur la réglementation que le gouvernement envisage d’établir?

M. de Eyre : Il serait utile, sénateur, que cette directive soit publiée à l’avance. Nos créateurs nous ont dit qu’ils craignent beaucoup que cette directive soit interprétée différemment au fil du temps. Il pourrait y avoir un changement de direction au CRTC, un ministre différent, un gouvernement différent. Cet enjeu touche directement leur gagne-pain. Ils utilisent TikTok ou d’autres plateformes pour diffuser leur contenu. Tout en utilisant la même adresse IP, ils peuvent distribuer leur contenu à des millions d’usagers de par le monde. Ils ont besoin de certitude, car avec un changement, tout pourrait s’écrouler.

Il serait donc utile de voir cette directive, et nous espérons vraiment obtenir de meilleures protections. En fait, ce groupe d’experts semble suggérer différents libellés qui pourraient rassurer les créateurs.

M. Rogers : Je suis d’accord avec une bonne partie de ce que M. de Eyre vient de dire. Pour ce qui est du moment de publier la directive, personne ne m’a demandé mon opinion à ce sujet, sénateur. Je ne m’attends pas à ce qu’elle le soit de sitôt. Cependant, comme je l’ai dit dans ma déclaration préliminaire, lorsqu’elle arrivera, je tiens à ce qu’elle aborde quatre points cruciaux. Elle devra aborder la confirmation des algorithmes, la protection du choix des utilisateurs, le contenu professionnel par rapport au contenu généré par les utilisateurs. Elle devra aussi exiger que la réglementation du CRTC tienne compte des différences entre les plateformes.

Si vous me le permettez, je vais ajouter brièvement à ce sujet, pour faire suite à la question du président, que la plateforme de Mme Patell est différente de celle de M. de Eyre, qui est différente de celle de Spotify, qui est différente de toute plateforme qui n’existe pas encore. On nous a dit que le CRTC examinera ces questions au cas par cas. Soulignons toutefois que nos artistes et la multitude de gens qui les aident à devenir les meilleurs musiciens au monde dépendront du caractère unique de ces plateformes. Nous espérons que la loi tiendra toujours compte de ces différences.

Le sénateur Manning : Les radiodiffuseurs qui violeront la loi seront passibles de sanctions. Les amendes pourraient être salées. Dans le cadre des plateformes, imposeriez-vous des tâches administratives aux créateurs pour éviter ces pénalités? Pouvez-vous nous expliquer comment il serait possible d’appliquer cela et les répercussions que cela aurait sur les créateurs?

Mme Patell : Oui, les gens qui ne feront pas les choses comme ils le devraient risqueront de payer des amendes plutôt salées. Cela incitera YouTube à vraiment croire à la fiabilité des renseignements et à sa capacité de respecter la loi. Comme je l’ai dit plus tôt, la seule façon d’obtenir ces renseignements sera de les demander et de les exiger des créateurs. Donc, oui, j’imagine que cela aurait de grandes répercussions sur ces créateurs.

M. Rogers : Les gens s’inquiètent de la forme pyramidale pointue du succès des artistes de musique populaire. Ils en arrivent au point où quelques personnes seulement se trouvent dans les échelons supérieurs de la renommée. Si les plateformes doivent être parfaitement fiables, elles risquent de faire jouer les mêmes artistes canadiens ou une même chanson qu’elles savent fiables. Cela recréerait une situation que nous connaissons bien, celle de la radiodiffusion. À l’heure actuelle, cette situation n’existe pas en ligne dans le cas de la diffusion en continu, mais ces exigences risquent de la créer.

Le sénateur Manning : Madame Patell, auriez-vous une réponse à ma première question sur les directives positives?

Mme Patell : De toute évidence, il est utile d’avoir plus d’information, mais il est surtout important que les paramètres soient clairs. Pour éviter de causer des préoccupations et de l’anxiété, il suffirait de corriger le texte juridique. C’est tout à fait réalisable, et je suis convaincue que le Sénat est en mesure de le faire.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Ma question s’adresse à Mme Patell. Je suis un peu surprise de vous entendre dire que vous ne pouvez pas repérer le contenu ni les artistes canadiens qui viennent sur YouTube. Vous nous dites que depuis des mois vous mettez en valeur plusieurs artistes canadiens. Vous vous vantez de remplir vos obligations avant même que la loi ne soit en vigueur. Si vous êtes capable, sans loi, de faire découvrir du contenu canadien, pourquoi vous inquiétez-vous puisque le mot « algorithme » n’apparaît pas dans la loi? Je comprends que l’on puisse interpréter, mais le mot « algorithme » n’est pas là.

Si je comprends bien, votre obligation est celle d’obtenir des résultats. Toutefois, d’après M. Eyre, vous êtes déjà en train de mettre en valeur du contenu canadien. Il suffira donc de fournir les chiffres à l’appui de cette affirmation sans toucher à vos algorithmes. Vous avez d’autres façons de mettre en valeur le contenu. J’ai de la difficulté à comprendre votre opposition si ferme puisque, par ailleurs, vous nous dites que vous faites tout pour mettre en valeur le contenu canadien. Pouvez-vous m’expliquer ce paradoxe apparent?

[Traduction]

Mme Patell : Je pense qu’il est très important, dans le cadre de notre examen du projet de loi, que nous nous appuyions sur le texte juridique. Le président du CRTC a confirmé le texte juridique dans lequel le paragraphe 9.1(8) stipule qu’il ne peut pas imposer un algorithme ou un code source précis.

Nous comprenons donc qu’en effet, nous ne nous attendons pas à ce que le CRTC rédige ou nous remette un nouvel algorithme ou un nouveau code source. Toutefois, ce libellé laisse au CRTC une marge de manœuvre suffisante pour qu’il puisse exiger ou demander aux plateformes de manipuler leurs algorithmes en vue de recueillir certains résultats. Nous demandons simplement que le texte soit plus précis pour que...

La sénatrice Miville-Dechêne : Cela n’a pas été écrit. Oui, M. Scott a dit que le CRTC aimerait que vous manipuliez votre algorithme, mais rien dans la loi ne dit que vous devrez le faire. Vous devez choisir les moyens de rendre le contenu canadien repérable. Vous pouvez choisir ces moyens. Alors que craignez-vous? Avez-vous d’autres moyens que vos algorithmes pour promouvoir le contenu canadien?

Mme Patell : Notre objectif est de soutenir le succès des créateurs et des artistes canadiens partout dans le monde. Nous sommes vraiment fiers de l’incroyable écosystème que nous avons bâti afin de permettre aux créateurs canadiens de toutes origines d’atteindre des publics dans le monde entier et de développer leurs entreprises sur notre plateforme. Voilà sur quoi nous nous concentrons.

En examinant le texte juridique, nous voyons une occasion de le renforcer et de veiller à ce que le CRTC ne puisse pas imposer un algorithme particulier et qu’il ne puisse pas rendre des ordonnances qui entraîneraient des changements à l’algorithme. De cette façon, nous pouvons nous assurer que l’expérience de l’utilisateur, l’expérience d’écoute de ce que les gens viennent créer sur notre plateforme, est protégée, et nous respectons l’expérience des utilisateurs. Voilà quel est notre objectif.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Je suis estomaquée par l’importance qu’ont pris les algorithmes, comme s’ils étaient absolument intouchables. Vous avez parlé de votre sauce secrète, mais cela reste un outil commercial, comme tant d’autres, qui vous permet notamment de faire des profits. Vous avez aussi le pouvoir de modifier vos algorithmes. En quoi est-ce à ce point sacré pour qu’on ne puisse pas, comme société, décider que nous voulons du contenu canadien, de la musique francophone et du contenu autochtone? C’est extrêmement difficile à comprendre.

[Traduction]

Mme Patell : Tout est dans le nom. YouTube présente l’artiste en soi. Cela permet aux utilisateurs de façonner nos systèmes, et nos systèmes comptent sur cette information qu’ils reçoivent des utilisateurs pour répondre à leurs besoins. Lorsque les Canadiens consultent notre plateforme et cherchent du contenu autochtone ou canadien, nous tenons absolument à les servir. Mais la façon dont nos systèmes fonctionnent, s’ils déduisent quelque chose qui n’est pas dans l’intérêt des utilisateurs, s’ils déduisent quelque chose d’autre, comme une priorité imposée par le CRTC, alors ils s’effondreront. Comme je l’ai expliqué tout à l’heure, les signaux des utilisateurs commenceront à se corrompre, où tout cela finira par se retourner contre les créateurs.

À notre avis, il existe bien des moyens d’appuyer les artistes et les créateurs canadiens. Nous sommes convaincus que nous le faisons à l’heure actuelle en appliquant un modèle de partage des revenus avec eux, de sorte que notre succès dépend de leur succès.

Le président : Merci, madame Patell. Malheureusement, je suis le trouble-fête obligé d’imposer une certaine discipline.

La sénatrice Simons : Examinons le texte. Page 10, 11 en français, paragraphe 4.2(2), l’exception à l’exemption.

Monsieur de Eyre, je regarde vos amendements, et ils sont très détaillés en traitant de la question du numéro d’identification unique. Je comprends à quoi vous voulez en venir, mais il me semble que l’alinéa 4.2(2)a) est au cœur du débat :

La mesure dans laquelle une émission téléversée vers une entreprise en ligne fournissant un service de média social génère des revenus de façon directe ou indirecte;

L’expression « la mesure dans laquelle » pose un problème. Il me semble que si nous pouvions définir l’étendue et la signification de cette expression, nous indiquerions avec plus de précision ce qui est considéré comme professionnel et ce qui ne l’est pas.

Je pose cette question. TikTok ne propose pas d’amendement au-dessus de cet alinéa. Je ne crois pas, madame Patell, avoir vu le texte des amendements que vous proposez. Que pouvons-nous faire à l’alinéa 4.2(2)a) pour nous sortir de ce bourbier, étant donné que le gouvernement persiste à dire que vos plateformes ne sont visées nulle part?

M. de Eyre : Je vous remercie pour cette question. Nous convenons que l’alinéa 4.2(2)a) est également problématique, particulièrement l’inclusion de la valeur monétaire « indirectement ». TikTok fait de l’argent en vendant des publicités qui sont parsemées de vidéos d’utilisateurs affichées sur la plateforme, alors nous monétisons indirectement. Nous payons des redevances lorsqu’une chanson est utilisée dans une vidéo. C’est ainsi que nous la monétisons. Souvent, nos créateurs établissent des partenariats avec une marque; ils vendent des produits de cette marque ou leur propre gamme de maquillage. Ils monétisent ainsi leurs vidéos. Je conviens qu’il faut restreindre ces façons de faire. Nous nous ferons un plaisir de vous proposer un libellé. Je sais qu’un certain nombre de groupes intéressés ont formulé des commentaires à ce sujet.

La musique est au cœur de la plateforme de TikTok. Nous voulions donc nous concentrer sur ce que nous proposions dans ces amendements afin de préciser que la diffusion d’une chanson partielle — disons, comme 30 ou 15 secondes d’une chanson populaire à l’arrière-plan d’une vidéo de danse ou de cuisine ou d’un simple discours devant une caméra, ce qui est très facile à faire — ne serait pas admissible. Nous voulons souligner que cette diffusion compte autant que la diffusion en continu de la pleine longueur de la chanson. Dans sa forme actuelle, cet alinéa ne fait pas de distinction entre une chanson pleine longueur diffusée en continu dans Spotify ou même dans YouTube et une partie seulement de la chanson.

Mme Patell : En fait, juste au-dessus du l’alinéa 4.2(2)a) proposé, je réglerais d’abord le problème de l’expression « tient compte » qui, à mon avis, donne beaucoup de discrétion et de souplesse au CRTC.

Pour ce qui est de l’alinéa a), je me ferai un plaisir de proposer nos modifications à votre bureau. Nous présenterons sous peu un mémoire au Sénat. En fait, nous ne croyons pas que ce libellé soit très utile, parce que si le gouvernement cherche à viser la musique publicitaire dans ce projet de loi, la question du revenu n’est pas vraiment la façon la plus efficace d’y parvenir.

Notre formule est différente. Elle vise la manière dont on identifie l’entité qui téléverse de la musique publicitaire. Je me ferai un plaisir de vous présenter les détails de notre proposition.

La sénatrice Simons : Le gouvernement nous a dit — Patrimoine canadien me l’a dit — qu’il estimait que 50 % du contenu téléversé dans YouTube entrerait dans cette catégorie. Est-ce à peu près juste?

Mme Patell : À l’heure actuelle, nous évaluons que tout le contenu téléversé dans YouTube serait assujetti à cette loi.

La sénatrice Simons : Non, non. Le gouvernement affirme que 50 % de la musique est publicitaire — le contenu des clients de M. Rogers est très évidemment publicitaire.

Mme Patell : La musique constitue une partie de notre plateforme, mais je ne crois pas qu’il s’agisse de 50 %. Je pense que c’est beaucoup moins que cela dans le cas de la musique téléversée dans YouTube. Mais en réalité, les amendements que nous avions proposés à la Chambre et que nous allons présenter ici cherchent à ce que la musique publicitaire soit clairement visée sans toucher les autres formes de contenu généré par les utilisateurs.

[Français]

Le sénateur Cormier : J’aurai le plaisir de poser ma question en français à Mme Patell qui vient de la même province que moi, bien qu’elle soit libre de me répondre en anglais.

Ma question fait suite à celles de la sénatrice Miville-Dechêne. M. Cohen, qui est responsable mondial de la musique chez YouTube, précise que 80 % du temps de visionnement sur YouTube provient des recommandations qui sont faites par votre plateforme.

Quel est le pourcentage, au Canada, du temps de visionnement que vous recommandez?

Enfin, j’ai navigué sur YouTube et j’aimerais savoir ce qui vous empêche, quand vous recommandez des listes, de faire des recommandations de musique canadienne, voire de musique francophone canadienne. J’essaie de comprendre la logique qui fait que si j’écoute Ariane Moffatt, il y a une liste de recommandations qui apparaît. Il existe des artistes canadiens qui sont dans le même esprit que la musique d’Ariane Moffatt et qui sont de grande qualité. Pourquoi ces artistes ne sont-ils pas priorisés? Expliquez-moi.

Mme Patell : Merci beaucoup pour la question, monsieur le sénateur.

Premièrement, concernant votre première question sur les recommandations et la consommation de contenu, je n’ai pas de chiffres pour le Canada, donc j’en suis désolée.

Le sénateur Cormier : J’en serais reconnaissant si vous pouviez les avoir.

Mme Patell : Nous ne les avons pas selon les pays, malheureusement; c’est juste un chiffre global.

[Traduction]

Nous sommes fiers de constater que nos systèmes ont si efficacement aidé nos créateurs et artistes francophones canadiens à se faire connaître dans le monde entier. Ces systèmes sont efficaces, parce qu’ils garantissent que les utilisateurs obtiennent un contenu qu’ils aimeront et dans lequel ils trouveront de la valeur.

Pour répondre à votre question, en fait, Michael Geist a mené une expérience là-dessus. Lorsque les utilisateurs entrent des données dans notre système ou lorsqu’ils regardent des vidéos ou écoutent de la musique en français, ils enseignent leur langue à nos systèmes et leur indiquent les langues dans lesquelles ils aimeraient écouter du contenu. Nos systèmes doivent donc apprendre de l’utilisateur et lui répondre. C’est un système réactif et non directif. Autrement dit, si vous écoutez beaucoup de musique québécoise comme Cœur de pirate, notre système recommandera plus de contenu similaire, parce qu’il apprendra au fil du temps quelles sont vos préférences.

Essentiellement, nous cherchons à nous assurer que nos systèmes continuent de servir l’utilisateur avant tout et que l’utilisateur contrôle son expérience. Il doit demeurer l’élément principal de l’équation du contenu. En fin de compte, si les utilisateurs s’intéressent au contenu du Canada ou d’ailleurs au monde, qu’ils se trouvent au Canada ou ailleurs, nous voulons nous assurer que les créateurs et les auditoires atteignent le plus vaste public possible.

[Français]

Le sénateur Cormier : Expliquez-moi, et je reprends mon exemple, j’écoute Ariane Moffatt et j’ai des recommandations. Je vais avoir des recommandations qui peuvent être francophones, mais très rapidement les recommandations qui arrivent ne sont plus francophones ni dans le même style qu’Ariane Moffatt; je me retrouve avec des recommandations de musique anglaise de je ne sais où. Alors, c’est vous qui décidez quand même, à un moment donné, de faire ce type de recommandation.

J’essaie de comprendre pourquoi vous ne continuez pas dans la même lignée de ce qui me plaît, qui est d’écouter de la musique du style d’Ariane Moffatt, et pourquoi, dans les recommandations, tout à coup on m’amène ailleurs.

Le président : S’il vous plaît, veuillez répondre brièvement, car le temps file.

Le sénateur Cormier : Ce que je veux dire, c’est que ce n’est pas neutre.

[Traduction]

Mme Patell : Soulignons avant tout que nous suivons l’auditoire. Cette approche reflète vos habitudes de visionnement ou de consommation ainsi que celles de tous les utilisateurs qui vous ressemblent. Fondamentalement, notre système essaie de tirer des leçons des 80 milliards de signaux qu’il reçoit chaque jour afin de vous proposer le contenu qui vous plairait. Il semble que les gens désirent écouter plus d’un type de contenu. La meilleure façon de leur offrir les bonnes recommandations est de leur permettre de continuer à façonner notre système en lui montrant leurs choix .

La sénatrice Sorensen : Je vais poser ma question à M. Rogers en premier, mais j’espère que chacun d’entre vous pourra y répondre brièvement, après quoi j’aurai une deuxième question qui appellera peut-être une réponse encore plus brève.

Pensez-vous que ce projet de loi aura une incidence sur la capacité des artistes canadiens de trouver des auditoires mondiaux? Dans l’affirmative, compte tenu de toute la discussion que nous avons eue, quel est le libellé le plus important à modifier pour empêcher cela?

M. Rogers : Merci de la question et merci de commencer par moi. Je pense que c’est une tribune intéressante pour nous. Nous avons les représentants de deux plateformes ici avec nous. Au bout du compte, c’est la musique de mes membres qui est le contenu.

La seule raison pour laquelle je m’inquiète de la capacité des artistes d’atteindre des auditoires mondiaux est que l’on me dit de m’inquiéter. Notre engagement à cet égard, compte tenu de notre situation, c’est de demander au Sénat d’être très à l’écoute, et je pense que vous l’avez été.

En ce qui concerne l’algorithme, j’exhorte les sénateurs à ne pas perdre de vue la magie de tout cela. Quand vous écoutez une chanson que vous aimez et que vous avez cherchée, elle est suivie par une autre chanson que vous aimez. C’est ce qu’on nous vend. C’est ce qui se fait. C’est ce genre de choses qui aident nos artistes tous les jours. J’encourage les sénateurs à garder cela à l’esprit. Si nous avions toute la latitude et les compétences techniques pour le faire, nous arrangerions les choses chacun à notre façon. Je crois qu’on peut leur faire confiance à ce chapitre.

M. de Eyre : Oui, c’est tout à fait cela. Dans notre mémoire, dont nous vous avons fait part, je crois, il est question d’une incidence sur la capacité d’atteindre un auditoire mondial, particulièrement dans le contexte de l’article 9.1, qui ferait en sorte que nous serions tenus de promouvoir le contenu canadien. Nous ne savons pas qui sera considéré comme Canadien ou non. À l’heure actuelle, cela revient à la question qui a déjà été posée. Comment pouvons-nous savoir? Nous avons une adresse IP qui fournit un emplacement approximatif de haut niveau — pays, province, peut-être ville. Nous ne connaissons pas la citoyenneté. Nous ne savons pas quel type de contenu sera visé. Je pense qu’il y a là beaucoup de questions. Ceux qui ne répondent pas à ces critères se retrouvent essentiellement au bas de la liste, derrière ceux qui y répondent. Nous sommes très préoccupés par le fait que les médias et les porte-parole culturels mieux établis auront les ressources nécessaires pour répondre à ces critères et seront en première ligne.

Mme Patell : Il s’agit d’un précédent à l’échelle mondiale. Aucun autre pays au monde n’impose de telles exigences aux plateformes ouvertes. L’Union européenne a adopté la directive sur les services de médias audiovisuels, qui s’applique aux plateformes fermées et organisées, comme Netflix et d’autres types de diffuseurs. Toutefois, il n’existe rien de tel dans le monde pour les plateformes ouvertes. Pour nous, cela signifie que les auditoires internationaux des créateurs sont à risque. Si la France ou l’Inde, où il est exigé que les artistes locaux soient mis de l’avant, faisait quelque chose comme cela, les Canadiens se retrouveraient au bas de la liste. Cela nuit énormément aux créateurs qui dépendent de ces auditoires pour 90 % du temps de visionnement, et cela est directement lié à leurs revenus. Je pense que c’est la source la plus incroyable d’exportations culturelles que nous voulons continuer à favoriser.

La sénatrice Sorensen : Merci. Ma deuxième question s’adresse à chacun d’entre vous. Vous pourrez peut-être répondre par oui ou par non. Croyez-vous que les plateformes en ligne devraient contribuer financièrement aux industries culturelles du Canada?

Mme Patell : Oui, nous le faisons déjà et nous souhaitons continuer à en faire plus.

M. de Eyre : Oui, nous le faisons aussi. Nous avons un formidable accélérateur pour les créateurs autochtones avec l’Institut national des arts de l’écran, et nous contribuons de toutes sortes d’autres façons et nous voulons continuer de le faire.

La sénatrice Sorensen : Qu’en pensez-vous, monsieur Rogers?

M. Rogers : Absolument. C’est la première question qui s’est posée au moment de l’élaboration de ce projet de loi. Comment pouvons-nous, à notre époque moderne, conserver les programmes efficaces qui s’appliquaient aux anciens modes de diffusion? Il en va de même pour tout le reste, mais oui.

La sénatrice Sorensen : Merci.

La sénatrice Wallin : J’aimerais préciser quelques points. Les trois critères qui font que vous êtes assujettis à la réglementation et à des pénalités si vous ne faites pas les choses correctement concernent la production de revenus directs ou indirects. Vous en avez d’ailleurs parlé, madame Patell.

Jusqu’à quel niveau cela peut-il aller? Honnêtement, si un enfant de 12 ans publie une vidéo de danse et que quelqu’un pense que c’est mignon et qu’il la retransmet, et que quelqu’un qui a sa propre chaîne YouTube ou un balado veut l’utiliser, des revenus sont générés, ne serait-ce que quelques cents seulement.

Mme Patell : Je vous remercie de la question. Pour être honnête, je ne crois pas du tout que cette disposition soit utile. En fait, cela ne fait que créer différentes catégories de créateurs. L’aspect le plus intéressant au sujet des plateformes ouvertes, c’est que tout le monde a une chance de les utiliser pour raconter son histoire et faire entendre sa voix. Tout le contenu est traité également. Ce que je suggère, en fait, c’est de ne pas utiliser ce genre de libellé et de trouver plutôt d’autres façons de déterminer s’il s’agit de pièces musicales commerciales complètes.

M. de Eyre : Nous sommes préoccupés par le fait que cela crée un mauvais incitatif aussi... de dire aux créateurs que s’ils commencent à faire de l’argent, leur activité est réglementée et qu’ils vont être soumis à ces conditions. Nous voulons que nos créateurs soient en mesure de prospérer, d’obtenir des partenariats avec des marques, de faire de l’argent sur notre plateforme et de faire de l’argent avec leur notoriété. Nous sommes préoccupés par le précédent et par l’incitatif que cela créerait.

La sénatrice Wallin : Le fait est que c’est le président du CRTC qui a dit qu’il ne réglementerait pas Internet, mais qu’il allait obliger des gens comme vous à le faire pour nous.

Donc, sans une définition claire de ce qu’est le contenu canadien, comme vous le dites, vous pourriez avoir un Américain qui vit au Canada depuis 30 ans et qui crée des vidéoclips, ou quoi que ce soit d’autre. Il sera très difficile d’en arriver à une définition, parce qu’il ne s’agit pas seulement des personnes qui sont nées et qui ont grandi ici.

M. de Eyre : En fait, j’aimerais vous donner un exemple de la difficulté que pose cette décision. Il y a un créateur TikTok à Regina, je crois, certainement en Saskatchewan, qui s’appelle Andrian Makhnachov. C’est un Ukrainien de 19 ans qui est venu au Canada en mai et qui crée du contenu extraordinaire. Il a eu plus de 1,2 million de visionnements de ses vidéos, il compte plus de 170 000 abonnés à ses publications, dans lesquelles il explore le Canada. Quelle est la nouveauté? Une vidéo de lui qui goûtait des barres Nanaimo a été visionnée des millions de fois. C’est un excellent contenu. Est-il considéré comme Canadien, étant donné qu’il est au Canada? Nous ne le savons pas, et je pense que ce sera difficile à déterminer.

La sénatrice Wallin : Et si les émissions de nouvelles nationales de CTV ou de CBC décident de faire un reportage et de le diffuser, la diffusion se fait par un radiodiffuseur, sur une plateforme traditionnelle, ce qui fait aussi partie des règles selon lesquelles vous êtes assujettis.

J’ai tellement de questions, mais j’aimerais parler très brièvement du processus d’appel. Comme nous en avons tous discuté, nous ne savons pas quel sera le cadre réglementaire, et le libellé législatif n’est pas clair pour l’instant sur des choses comme le contenu canadien.

Si vous deviez être réglementés, ou dans le cas particulier d’une pénalité parce que vous n’avez pas saisi la bonne définition du contenu canadien qui n’a pas encore été définie, le processus d’appel serait devant le CRTC et concernerait le CRTC. Et c’est le CRTC qui déciderait si vous avez contrevenu ou non à ses règles.

Est-ce raisonnable?

M. de Eyre : Ce qui nous inquiète au départ, c’est la possibilité de présenter une demande concernant le contenu canadien. L’idée de devoir interjeter appel devant un tribunal si la décision n’est pas favorable... comme je l’ai mentionné dans ma déclaration préliminaire, beaucoup de créateurs de TikTok sont des jeunes, des gens de groupes en quête d’équité, des gens qui n’ont peut-être pas les ressources, les connaissances ou le temps nécessaires pour savoir comment aborder la question, sans parler de faire une demande, ce qui fait que nous sommes vraiment préoccupés par l’équité s’il fallait interjeter appel.

M. Rogers : Il y a des règles complètement distinctes pour le contenu canadien pour ce qui est de la musique. Le contenu canadien dans le cas de la musique n’est pas un système infaillible.

La sénatrice Dasko : Merci. J’aimerais aborder le concept de la découvrabilité sous un angle légèrement différent.

Supposons que le projet de loi soit adopté tel quel, sans les changements que vous souhaitez. Dans un an, vous vous présentez devant le conseiller du CRTC, qui vous demande : « Quelle est votre proposition en matière de découvrabilité? » Il a été dit que les entreprises et l’industrie seraient écoutées pour savoir ce qu’elles peuvent offrir, ce qu’elles peuvent faire. Ce n’est pas comme si les exigences étaient fixes, par exemple.

Ma question s’adresse à M. de Eyre et à Mme Patell : quelle est votre proposition? Si le projet de loi reste tel quel, quelle est votre proposition en matière de découvrabilité? Comment allez-vous déterminer le contenu canadien, comme l’a demandé la sénatrice Miville-Dechêne? Il se peut que vous ayez déjà fait l’exercice.

Et comment allez-vous identifier les publics cibles pour le contenu canadien? Que proposerez-vous au CRTC lorsqu’on vous posera la question? Vous n’avez pas la possibilité de dire non. Vous devez répondre quelque chose, n’est-ce pas? Vous ne pouvez pas dire : « Non, non. Nous sommes désolés. Nous n’aimons pas ça. » Non, non. Vous devez dire ce que vous allez faire.

M. de Eyre : C’est une excellente question. Cela va au cœur de notre réflexion sur ce projet de loi.

Pendant des années — comme M. Rogers l’a mentionné —, pendant des décennies, nous avons eu ce système pour la radio. Il est question de 30 % de contenu canadien, beaucoup de Kim Mitchell et de David Wilcox, d’excellents musiciens, mais un peu répétitif tout de même.

Dans ce monde où nous avons des choix illimités, où il est possible d’écouter ou de regarder ce que l’on veut partout dans le monde, je ne pense pas que nous puissions continuer à nous concentrer sur le succès et l’aide à nos créateurs en forçant la demande parce que, comme nous l’avons tous dit, les gens iront voir ailleurs si ce n’est pas ce qu’ils veulent regarder ou écouter.

Je pense donc que nous devons renverser la vapeur et, au lieu de nous concentrer sur la demande, nous concentrer sur l’offre. Investissons dans les créateurs et veillons à ce qu’ils aient les ressources, la formation, les compétences, l’équipement et tout ce dont ils ont besoin pour créer le meilleur contenu qui soit et qui obtiendra du succès sur le marché mondial.

Les Canadiens ont cette occasion exceptionnelle. Nous faisons beaucoup plus que notre part pour créer du contenu culturel et nous le savons. Nous avons une occasion en or avec un auditoire mondial de sept milliards de personnes, ou du moins un milliard de personnes dans le monde qui sont sur TikTok, alors aidons-les à créer ce contenu formidable qui peut faire concurrence à n’importe qui, n’importe où.

Mme Patell : Merci. C’est une question tellement importante. Avant tout, nous nous efforçons de préserver l’expérience de l’auditeur et de respecter les besoins de chaque utilisateur de notre plateforme.

Une fois cet objectif atteint, pour soutenir les artistes canadiens sur notre plateforme, nous ne ménageons aucun effort pour accroître l’achalandage et la part du gâteau. Nous voulons nous assurer que les créateurs et les artistes y trouvent tous leur part et qu’ils ont du succès sur notre plateforme.

Je dirais aussi que nous cherchons une façon d’utiliser des outils de marketing et des outils non algorithmiques pour collaborer avec l’industrie de la musique. Nous allons avoir une discussion à ce sujet. Nous devons travailler en collaboration avec l’industrie de la musique pour trouver les outils qui nous permettront d’aider les artistes canadiens à réussir dans le monde numérique, tout en respectant les auditeurs et les Canadiens qui utilisent notre plateforme.

La sénatrice Dasko : À quoi devrait ressembler cette proposition? Diriez-vous que vous avez des méthodes non algorithmiques à proposer, ou des solutions à proposer pour identifier le contenu canadien?

Monsieur de Eyre, quelle est votre proposition? Supposons que je suis la conseillère.

M. de Eyre : Oui.

La sénatrice Dasko : Qu’allez-vous faire?

M. de Eyre : J’expliquerais à la conseillère, et nous en avons longuement discuté aujourd’hui, pourquoi je trouve que ce n’est pas une bonne approche d’imposer un contenu.

La sénatrice Dasko : Mais il est trop tard pour expliquer pourquoi cette approche n’est pas la bonne. Elle a déjà été adoptée.

M. de Eyre : Vous pouvez faire découvrir des Canadiens en les aidant à proposer un excellent contenu; c’est la seule manière de réussir. J’ai déjà parlé de notre accélérateur de contenu autochtone pour les créateurs.

Nous invitons des dizaines de créateurs de contenu autochtones à participer à des séances de formation sur l’utilisation de l’équipement, la rédaction d’histoires, la mobilisation des utilisateurs, la rentabilisation. Nous les aidons à acquérir ces compétences. Cela donnera le résultat stratégique que tout le monde souhaite, c’est-à-dire des créateurs qui réussissent à percer et à se faire connaître au Canada et dans le monde entier.

Le président : C’était une question fort intéressante et une excellente réponse, mais nous avons toutefois largement dépassé le temps alloué. Je veux donner à la sénatrice Clement la chance d’intervenir.

La sénatrice Clement : Pour ne rien vous cacher, je suis une créatrice de contenu TikTok de 57 ans. Nous ne sommes pas tous des jeunes.

J’adore parler du futur. Je pense que c’est ici que nous devons vivre. Monsieur Rogers, c’est fantastique de vous écouter parler des plateformes dont nous n’avons encore jamais entendu parler.

Je tiens à dire ceci : l’ancienne loi que nous allons mettre à jour n’a pas été désastreuse. Nous avons un magnifique contenu canadien qui nous a aidés à afficher notre identité en tant que Canadiens, même si cela a parfois semblé répétitif. Même s’il n’est pas parfait, le CRTC a réussi à faire avancer les choses. Certains intervenants nous ont dit que cela n’a pas été un désastre total.

Je reviens aux algorithmes et ma question est la suivante. Pourquoi devrions-nous avoir confiance que l’algorithme de YouTube traitera le contenu canadien de manière équitable et qu’il empêchera cette marée disproportionnée d’autres contenus?

Ma question pour TikTok est la suivante. Quelle proportion de votre contenu est générée par les utilisateurs? S’il est entièrement généré par les utilisateurs, comment allons-nous arriver un jour à vous mettre en ligne, autrement qu’en vous obligeant à cotiser à un fonds?

Ma dernière question concerne la transparence des algorithmes. Si les gens ne savent pas comment fonctionnent les algorithmes , ce n’est pas démocratique. Les Canadiens doivent le savoir. Vos organisations réfléchissent-elles à cela?

Mme Patell : Je peux peut-être répondre aux deux questions en même temps.

La confiance est essentielle à notre succès. Cependant, pour avoir l’assurance que YouTube soutiendra le contenu canadien, je pense que nous devons faire confiance aux Canadiens.

Nous faisons confiance aux Canadiens pour ce qui est du contenu qu’ils veulent voir et nous respectons tout le monde, qu’il s’agisse de ma grand-mère, originaire de l’Inde, ou de sa voisine de Montréal, dont la famille est implantée ici depuis cinq générations. Elles ont toutes deux des besoins particuliers en matière de contenu lorsqu’elles se branchent sur YouTube. Et nous voulons respecter les besoins de chaque utilisateur de manière égale, quelles que soient leur origine ou leurs préférences. C’est ainsi que nous concevons nos systèmes.

Concernant la transparence, vous avez tout à fait raison. La transparence est au cœur de nos préoccupations. Je suis heureuse de vous annoncer que l’été dernier, YouTube a présenté son programme de recherche appelé YouTube Researcher Program, dans le cadre duquel nous pouvons inviter des chercheurs à utiliser nos données brutes et à pousser leurs recherches sur l’interface API YouTube afin de comprendre comment fonctionnent nos systèmes et d’en tirer des enseignements. Nous avons lancé ce programme l’été dernier et nous avons l’intention de l’élargir.

M. Rogers : Si vous me permettez d’intervenir au sujet de la radio, comme je l’ai dit dans mon allocution préliminaire, nous appuyons le projet de loi parce que la radio a contribué, à bien des égards, au développement de l’industrie canadienne de la musique.

Cela dit, les solutions pour la radio terrestre ne sont pas nécessairement celles qui offrent une capacité de diffusion infinie. C’est pourquoi nous sommes très intéressés à ce que les plateformes expliquent comment fonctionnent leurs systèmes et quelle est la meilleure façon de les exploiter.

Ma fille de deux ans est le meilleur exemple pour comprendre comment cela fonctionne.

Quand ma fille Grace écoute Splash’N Boots sur Spotify, si la plateforme recommande une autre chanson Splash’N Boots, cela correspond à son monde. C’est ce qu’elle veut écouter. Alors elle dit « Oui, oui, encore » et la chanson continue de jouer.

Quand Spotify recommande Skinnamarink et que Sharon, Lois et Bram commencent à la chanter, elle découvre Skinnamarink. Elle découvre un contenu canadien.

C’est ça, la découvrabilité. C’est le monde de ma fille qui s’élargit soudainement. J’encourage les sénateurs et sénatrices à voir les choses sous cet angle.

M. de Eyre : Je vous remercie pour cette question. Merci d’être une incroyable TikTokeuse.

La sénatrice Clement : Merci de m’avoir validée.

M. de Eyre : C’est la moindre des choses. Nous voulons toujours publier de l’information authentifiée et validée.

Je tiens aussi à signaler que Sharon, Lois et Bram — malheureusement, seulement deux d’entre eux sont sur TikTok — sont de fantastiques créateurs canadiens. Vous devriez consulter ce compte.

Pour répondre à votre question sur la proportion du contenu généré par les utilisateurs sur TikTok, je dirais que c’est presque la totalité, entre guillemets. Nous sommes une plateforme de contenu généré par les utilisateurs. Nous faisons parfois du travail éditorial. Nous allons payer un artiste pour faire un concert en direct. Nous allons payer un artiste pour produire une vidéo. Si nous agissons comme un radiodiffuseur, comme tout le monde l’a dit, nous devrions être traités comme une entreprise de radiodiffusion.

Je tiens à souligner que toutes les activités que nous menons au Canada sont considérées comme du contenu canadien. Nous avons une équipe à notre bureau de Liberty Village, à Toronto, dont le travail consiste à aider les créateurs et les artistes canadiens à réussir et à faire leur promotion sur notre plateforme et ailleurs.

Pour ce qui est de la transparence des algorithmes, nous avons publié un article de blogue que je peux vous envoyer dans lequel nous expliquons comment fonctionnent nos algorithmes. Je précise toutefois que nous essayons toujours d’être de plus en plus transparents et de répondre à ces questions. Nous sommes sur le point d’ouvrir ce que nous appelons un centre de transparence et de responsabilisation. Le premier bureau sera à Los Angeles et nous allons bientôt en ouvrir un deuxième à Washington. Nous en ouvrirons peut-être un au Canada, nous verrons. C’est un endroit où les législateurs, les organismes de réglementation, les chercheurs et les membres de la société civile peuvent venir voir le code source, assister à une séance de modération de contenu en direct et discuter avec nos professionnels de la sécurité.

Si jamais les membres du comité souhaitent venir sur place à Los Angeles, nous vous y accueillerons chaleureusement. Je vous le recommande.

Nous allons également ouvrir notre API aux chercheurs admissibles afin qu’ils puissent accéder aux données sur le contenu et l’activité sur notre plateforme, ainsi qu’à nos systèmes de modération du contenu.

Le président : Je remercie nos témoins d’être venus nous rencontrer. Nous avons largement dépassé le temps qui nous était alloué en raison des excellentes questions posées par tous les membres du Comité. Merci pour vos réponses détaillées et exhaustives. Nous vous remercions de nous avoir consacré du temps.

Pour notre deuxième heure, nous avons le plaisir d’accueillir, par vidéoconférence, Andrew Cash, président et chef de la direction de l’Association canadienne de la musique indépendante.

[Français]

Nous avons avec nous, de l’Association des professionnels de l’édition musicale, Jérôme Payette, directeur général, qui se joint à nous par vidéoconférence. Nous accueillons également, de l’Association québécoise de l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo, Eve Paré, directrice générale, qui se joint à nous par vidéoconférence. Puis également de l’Association québécoise de l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo, Simon Claus, analyste, Affaires réglementaires, qui se joint à nous par vidéoconférence.

[Traduction]

Monsieur Cash, bienvenue et merci de vous joindre à nous.

Nous vous écoutons.

Andrew Cash, président et chef de la direction, Association canadienne de la musique indépendante : Je vous remercie. Je suis le président et chef de la direction de la CIMA, l’Association canadienne de la musique indépendante. Nous comptons parmi nos membres des entreprises de musique canadiennes, des artistes, des entrepreneurs, des gestionnaires, des éditeurs, des promoteurs, des consultants ainsi que de nombreux autres entrepreneurs indépendants de l’écosystème de la musique anglophone du Canada.

La CIMA appuie les principes qui sous-tendent le projet de loi C-11. Il a toujours été très difficile de gagner décemment sa vie dans le secteur de la musique au Canada et ce l’est encore. En cette nouvelle ère de mondialisation, le gouvernement fédéral cherche des moyens de multiplier les possibilités de réussite d’une plus grande diversité de voix et d’artistes canadiens. C’est un objectif louable. Je doute qu’il y ait un seul parlementaire, quelle que soit son allégeance politique, qui soit en désaccord avec cette intention.

Aujourd’hui, j’aimerais vous parler de l’importance d’investir dans nos artistes et dans les entreprises de musique canadiennes afin de leur donner les meilleures chances de réussir au Canada et sur le marché mondial. Je dirai également un mot sur le rôle important que le projet de loi C-11 peut jouer à cet égard.

Durant plus de 25 ans, j’ai été chanteur, auteur-compositeur, producteur et interprète. Il est rare qu’un jour se soit écoulé sans que je me demande comment j’allais réussir à me créer un auditoire au Canada et à l’étranger.

Le Canada est un immense pays et il est difficile d’y organiser des tournées, bien que cela n’empêche pas les artistes canadiens, y compris moi-même, de le faire souvent. Le marché canadien de la musique est relativement petit, surtout si on le compare à celui qui se trouve à quelques heures de route de chez nous, vers le sud.

Il est clair que pour arriver à survivre, à gagner ma vie et à élever une famille — autrement dit pour avoir un revenu de classe moyenne —, j’ai dû me trouver un public ici au Canada et à l’étranger. À l’époque, c’était extrêmement difficile. Ce l’est encore aujourd’hui, mais grâce à un certain nombre de facteurs, notamment aux ouvertures créées par la diffusion en continu et les plateformes de médias sociaux, les artistes et les entreprises de chez nous sont de plus en plus nombreux à se créer un public international.

C’est une bonne nouvelle — en fait, c’est une réussite culturelle canadienne. Non seulement les artistes canadiens ont toujours produit une excellente musique primée, mais surtout, cette musique a trouvé des auditoires au Canada et ailleurs dans le monde. Autrement dit, les gens aiment ce que nous faisons, et ce n’est pas un hasard. C’est parce qu’une grande partie des investissements faits dans les entreprises musicales indépendantes canadiennes et les artistes canadiens, surtout les premiers investissements, l’ont été par les maisons de disques canadiennes et aussi par FACTOR et Musicaction, l’organisme sans but lucratif privé qui administre l’argent provenant des radiodiffuseurs privés du Canada et du Fonds de la musique du Canada du ministère du Patrimoine canadien.

Depuis sa création en 1982, FACTOR a investi dans des milliers d’artistes et d’entreprises du Canada. Cette fondation a notamment été l’une des premières à investir dans des artistes comme The Weeknd, Charlotte Cardin, Tanya Tagaq, Daniel Caesar, Feist, George Canyon, Haviah Mighty, Iskwē et bien d’autres.

Voici ce que le lauréat du prix Polaris de l’an dernier et ancien poète officiel d’Edmonton, Cadence Weapon, a dit :

Le soutien financier de FACTOR à l’égard de ma musique et du travail d’autres artistes non conventionnels de notre pays a favorisé la diversification du paysage musical canadien.

En cette ère où le marché de la musique est devenu mondial, ces investissements sont d’autant plus essentiels. Cela m’amène à parler du projet de loi C-11.

Pour les membres de la CIMA, la meilleure façon d’aider les artistes canadiens à percer sur le marché mondial et ici, au Canada, c’est de continuer à investir dans le développement de nos fantastiques artistes canadiens qui sont soutenus par des entreprises canadiennes intelligentes, bien dotées en ressources et hautement concurrentielles, et dont la propriété intellectuelle demeure au Canada. Grâce au projet de loi C-11, les investissements de nos partenaires de plateformes numériques dans ce système qui a fait ses preuves pourraient nous aider à bâtir ensemble une classe moyenne plus stable d’artistes au Canada.

Nous accueillons favorablement toutes les mesures contenues dans ce projet de loi qui contribuent à l’atteinte de ces objectifs. Cela dit, si nous faisons les choses correctement, nous créerons de réelles possibilités pour nos artistes, et si nous échouons, il y aura de graves conséquences.

Il serait inacceptable que les artistes canadiens soient cloisonnés dans des listes de lecture uniquement canadiennes et dans un écosystème numérique uniquement canadien. La promotion et la diffusion de la musique sur les plateformes de médias sociaux par les amateurs de musique sont devenues incontournables pour assurer la croissance de la musique indépendante canadienne dans le monde entier. Nous sommes donc d’accord avec le ministre et le président du CRTC lorsqu’ils disent que le contenu soi-disant généré par les utilisateurs ne doit pas être réglementé. Il est également important de veiller à ce que le coût des contributions financières qu’une plateforme peut être tenue de faire ne soit pas refilé ultimement aux créateurs. Il est essentiel que les créateurs, qui seront les plus touchés par le projet de loi C-11, soient consultés et que nos voix soient entendues lorsque le CRTC sera saisi de ce projet de loi.

Nous devons faire les choses correctement. Cela veut dire que tout le monde doit y gagner. Nous sommes impatients de renforcer les partenariats entre les artistes, les entreprises de musique canadiennes, les plateformes en ligne et les objectifs culturels et économiques du gouvernement du Canada.

Je suis impatient de répondre à vos questions. Merci.

[Français]

Le président : Merci, monsieur Cash.

Monsieur Payette, vous avez la parole.

Jérôme Payette, directeur général, Association des professionnels de l’édition musicale : Bonjour à tous.

Merci de l’invitation à venir m’exprimer devant votre comité.

Je représente l’Association des professionnels de l’édition musicale, qui représente les éditeurs musicaux québécois et francophones du Canada. Partout où il y a des éditeurs musicaux, il y a de la musique.

Nous avons besoin de la continuité du système canadien de radiodiffusion : il faut adopter le projet de loi C-11 le plus rapidement possible.

L’absence de réglementation dans les entreprises en ligne a un impact majeur sur la musique canadienne et particulièrement la musique francophone.

En pratique, cela signifie que les plateformes font elles-mêmes la réglementation en fonction de leurs intérêts financiers, mais notre marché est trop petit pour que ce soit soutenable pour notre culture.

L’absence de cadre réglementaire s’appliquant aux entreprises en ligne a donc des impacts très réels. Malheureusement, plus les plateformes gagnent en importance au Canada, plus la musique canadienne s’appauvrit et peine à rejoindre son public.

Depuis 2016, les revenus versés par la SOCAN aux éditeurs musicaux québécois ont baissé de 24 %. Les revenus en provenance de sources traditionnelles comme la radio et la télévision diminuent, et la musique canadienne ne réussit pas à toucher une part significative des revenus en provenance des entreprises en ligne, qui sont pourtant en croissance.

Seulement 10 % des sommes collectées au Canada par la SOCAN en provenance des diffuseurs numériques sont versées à des auteurs et compositeurs canadiens. Le reste s’en va à l’étranger. Le recul est dramatique par rapport au 34 % qu’on avait auprès des diffuseurs traditionnels, et cela s’explique par l’absence de réglementation.

En ligne, la musique québécoise peine à rejoindre son public. Selon L’Observatoire de la culture et des communications du Québec, notre part de marché n’est que de 8 % sur les services de musique en ligne, alors qu’elle est de 50 % dans le marché traditionnel de la vente de disques.

L’impact financier est important : si notre musique n’est pas écoutée, nous ne sommes pas payés. Si notre musique ne rejoint pas le public, cela crée un effet d’entraînement qui se répercute sur la vente de billets de concert, l’incorporation de notre musique à la télévision et au cinéma, la reprise des chansons par d’autres interprètes, et sur toutes les autres sources de revenus.

Au-delà des aspects financiers, c’est de notre culture et de notre souveraineté culturelle qu’il s’agit.

Les services de musique en ligne, qui sont tous des entreprises étrangères, sauf QUB musique, n’ont aucun intérêt financier à mettre en valeur, à recommander et à soutenir la diversité des expressions culturelles. L’uniformisation culturelle est moins complexe et plus payante.

Cette constatation n’est pas nouvelle. Depuis des décennies, le Canada protège la diversité de ses cultures avec des lois et des règlements. Il faut adapter la réglementation du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) à l’environnement numérique le plus rapidement possible.

Il ne faut surtout pas céder au lobbying des plateformes. Elles répandent des propos trompeurs et cherchent à induire en erreur, en utilisant notamment des organisations tierces. Digital First Canada reçoit du financement de YouTube et de TikTok. OpenMedia reçoit du financement de Google, et bien qu’étant basée à Vancouver, elle organise des campagnes à la fois au Canada et aux États-Unis. On peut se demander si ces groupes représentent vraiment des intérêts canadiens.

Le texte du projet de loi C-11 relatif aux activités de radiodiffusion des médias sociaux ne doit pas être modifié davantage. La version actuelle a été largement débattue à la Chambre des communes lors de l’étude des projets de loi C-10 et C-11.

Si on change de nouveau le texte de l’article 4, on risque de retirer au CRTC des pouvoirs dont il a besoin pour faire son travail. On pourrait créer une échappatoire qui profiterait aux médias sociaux, mais dont l’impact se ferait sentir sur toutes les entreprises parce qu’elles sont en concurrence. TikTok fait concurrence à YouTube, qui fait concurrence à Spotify, qui fait concurrence aux radios. Il faut que la loi s’applique de manière équitable à toutes les entreprises, sinon elle pourrait être obsolète dès son adoption.

Il faut lire le texte de loi dans son ensemble. Ses objectifs sont clairs, et les garde-fous sont présents. Le CRTC ne peut pas réglementer n’importe quoi, n’importe comment. Il doit notamment tenir compte de l’impact sur l’industrie de la création et de la production. Personne ne veut que le contenu non commercial soit réglementé. Personne ne demande cela.

On utilise la peur pour discréditer cette réforme. Selon certains, recommander de la musique canadienne gâcherait l’expérience utilisateur et on laisse entendre au passage que notre musique n’intéresse personne. On dit aussi que les recommandations faites par les plateformes seraient absolument neutres, que ce serait de la magie, et que le CRTC va tout ruiner si seulement on lui donne le pouvoir de poser des questions et d’obtenir des informations sur les activités des entreprises au Canada. Apparemment, toute protection de la culture canadienne nuirait à son exportation, et sans le savoir, on pénaliserait les créateurs numériques.

J’aimerais vous faire remarquer que ces critiques, avec lesquelles je suis en désaccord, ont une chose en commun : elles concernent la réglementation du CRTC et non le projet de loi qui est entre vos mains.

Si on vient préciser trop d’éléments dans le texte de loi, on viendra figer le système canadien de radiodiffusion, on lui retirera la flexibilité dont il a besoin pour s’adapter aux changements rapides de notre secteur. Il faut donner au CRTC les moyens de recueillir des informations et de réglementer adéquatement les activités de diffusion des géants du Web.

Notre association est pour de légers amendements au projet de loi C-11.

Nous appuyons les propositions d’amendements demandées par la Coalition pour la diversité des expressions culturelles. Le recours aux talents canadiens doit être équivalent pour les entreprises canadiennes et étrangères sous un seul alinéa 3(1)f); l’appel au gouverneur en conseil doit aussi être possible pour les ordonnances, et des audiences publiques doivent être tenues lors de la prise d’une ordonnance.

Merci. Cela me fera plaisir de répondre à vos questions.

Le président : Merci, monsieur Payette.

Madame Paré, vous avez la parole.

Eve Paré, directrice générale, Association québécoise de l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo : Mesdames, messieurs les sénateurs, bonsoir.

Au nom des membres de l’Association de l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo (ADISQ), je vous remercie de nous permettre de nous exprimer aujourd’hui à propos du projet de loi C-11. Je suis accompagnée de mon collègue Simon Claus, directeur par intérim des Affaires institutionnelles et de la recherche.

Au Canada, 95 % de la production musicale francophone est le fait d’entreprises locales et indépendantes. C’est unique au monde, puisque partout ailleurs, ce sont les grandes compagnies qui dominent le marché. C’est notamment grâce à Loi sur la radiodiffusion qu’au fil des ans, notre musique a pu se développer, se structurer, se renouveler et toucher le public.

Rappelons-nous que dans les années 1970, l’instauration de quotas francophones a largement contribué au développement d’un star-système fort, si l’on pense à des artistes comme Michel Rivard ou Diane Dufresne.

À la radio commerciale, dans les marchés francophones, deux chansons sur trois sont en français. Au fil du temps, cette obligation de mise en valeur de notre musique a su s’adapter aux évolutions technologiques. À la radio satellite, nos musiques ont su se tailler une place précieuse parmi des centaines de canaux anglophones, et ce, malgré les protestations d’entreprises qui se disaient incapables de mettre en valeur la musique d’ici.

À la télévision, des émissions musicales sont diffusées chaque semaine sur nos chaînes généralistes, tant privées que publiques.

Si toutes ces vitrines musicales peuvent compter sur une offre riche et diversifiée pour leur programmation, c’est grâce aux contributions des radiodiffuseurs versées à Musicaction et au Fonds RadioStar. Ces fonds se consacrent de façon exemplaire au financement de la production et de la commercialisation de la musique en français sous toutes les formes, permettant à des carrières de démarrer, de prendre leur envol puis de se déployer dans la durée, au Canada et à l’international.

Bon an mal an, c’est 50 % des achats de musique par la population québécoise qui sont consacrés aux productions d’artistes locaux. Lorsqu’ils y sont exposés, les gens aiment la musique d’ici et la choisissent.

Je ne vous apprendrai rien en vous disant que la consommation musicale se transforme. Aux côtés des médias traditionnels, les plateformes s’imposent de plus en plus. Un sondage mené par Léger pour le compte de l’ADISQ, en mars dernier, témoigne de manière éloquente de cette cohabitation. D’une part, on apprend que 60 % de la population cite la radio comme outil de découverte musicale et que, parallèlement, 61 % des gens écoutent maintenant de la musique au moyen des services en ligne. Or, contrairement aux médias traditionnels, ces derniers échappent à toute réglementation. Le résultat concret est pour le moins alarmant : à peine 8 % des pistes écoutées sont en français et la part de marché des pistes québécoises francophone descend à 5 %.

Cette situation n’est pas sans inquiéter les créateurs et les producteurs, mais également les citoyens, très attachés à leur culture. Dans ce même sondage, on apprend que 73 % des Québécois pensent que le gouvernement doit légiférer pour que les services d’écoute comme Apple Music, Spotify ou YouTube contribuent aussi à son financement. De plus, 70 % de ceux qui écoutent de la musique en continu disent aimer se faire proposer de la musique québécoise en français.

Le travail auquel vous vous livrez bénéficiera aux citoyens tout autant qu’aux créateurs. Soutenir la diversité des expressions culturelles, c’est encourager la liberté d’expression, augmenter le choix des consommateurs et travailler à renforcer notre démocratie.

En terminant, nous souhaitons vous faire part de certaines recommandations visant à ce que le projet de loi corrige l’iniquité qui mine actuellement notre système. Cet équilibre que nous appelons à rétablir ne doit pas mener à un affaiblissement des obligations des médias traditionnels, mais doit plutôt imposer à l’ensemble des acteurs du système un objectif fort quant aux ressources canadiennes.

L’alinéa 3(1)f) doit ainsi traiter de façon équitable l’ensemble des acteurs. Comme les entreprises de radiodiffusion, les entreprises en ligne doivent, elles aussi, être tenues de faire appel au maximum aux ressources canadiennes. La proposition formulée par la Coalition pour la diversité des expressions culturelles, que nous soutenons, offre toute la flexibilité nécessaire pour tenir compte des différents modèles d’affaires d’entreprises.

Dans un contexte extrêmement mouvant, il faut pouvoir assujettir les nouveaux acteurs à la loi, comme cela a été le cas avec la radio satellite. Pour en assurer la pérennité, le texte doit être neutre sur e plan technologique. En ce sens, il est essentiel que les médias sociaux qui exercent des activités de radiodiffusion en ligne demeurent sous la portée de la loi.

Pour mener à bien la mission qui lui sera confiée, le CRTC doit disposer de suffisamment de moyens humains, financiers et coercitifs. Le conseil n’aura pas trop de pouvoir. Il doit simplement être outillé adéquatement pour contrebalancer celui, démesuré, qui se trouve actuellement entre les mains d’entreprises étrangères.

Des mécanismes existent actuellement dans la loi pour s’assurer que les décisions du conseil servent au mieux l’intérêt public. Nous pensons en particulier aux audiences publiques et à l’appel au gouverneur en conseil. Or, ces mécanismes n’existent plus pour les ordonnances qui permettront au CRTC d’imposer des conditions d’exploitation à l’ensemble des entreprises de radiodiffusion. Comme pour le système de licence, nous demandons la réintroduction des audiences publiques et de l’appel au gouverneur en conseil pour les ordonnances.

Une fois le projet de loi adopté, sa mise en œuvre par le CRTC et les effets concrets en découlant prendront encore du temps. Nous souhaitons donc vous rappeler qu’il est urgent que ce projet de loi soit adopté. En attendant, ce sont nos artistes et producteurs qui en paient le prix.

Le président : Merci beaucoup, madame Paré.

Certains témoins que nous avons entendus nous ont dit craindre que des changements aux algorithmes utilisés par les plateformes aient non seulement des impacts négatifs sur le choix des consommateurs, mais aussi créent un effet d’entraînement et amènent d’autres pays à adopter des mesures protectionnistes. Ne craignez-vous donc pas que le contrôle des algorithmes par le gouvernement canadien amène d’autres pays à faire de même, ce qui réduira d’autant plus l’accès pour nos artistes canadiens à ces marchés? Vous n’avez pas peur que si d’autres pays font la même chose que nous avec le projet de loi C-11, cela va réduire les opportunités pour nos artistes et la culture canadienne, particulièrement francophone?

Mme Paré : Comme je le mentionnais dans mon exposé, quand les consommateurs sont exposés à la musique québécoise, ils la choisissent. On le voit, les données sont alarmantes : on est à 5 % de musique québécoise francophone consommée actuellement par les Québécois sur les plateformes audio. Si les gens n’y sont pas exposés ou qu’ils y sont peu, comme c’est le cas actuellement, ils ne peuvent pas la découvrir. On a confiance en la qualité de la production musicale au Québec; si elle est présentée, elle sera choisie.

Le président : J’ai beaucoup de confiance aussi, mais est-ce que notre objectif est seulement de protéger et de défendre quelque chose qui est faible chez nous ou notre objectif est-il de promouvoir la culture canadienne francophone dans tous les marchés francophones mondiaux? La seule façon de le faire, c’est d’utiliser des plateformes internationales et mondiales qui ouvrent tout ce marché et nous donnent l’occasion d’atteindre des millions de francophones et de gens qui veulent embrasser la culture canadienne et nos artistes.

Mme Paré : C’est important de rejoindre d’abord le public chez nous, d’en faire une industrie forte et structurée. Je n’ai pas de doute que les talents pourront s’exporter.

Le président : Merci beaucoup.

Simon Claus, analyste, Affaires réglementaires, Association québécoise de l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo : Quand on voit les artistes québécois qui s’exportent, ils ont d’abord une base de fans solide au Québec. S’ils n’ont pas une base de fans solide et un public ici pour s’appuyer et déjà gagner de l’argent et développer leur carrière, comment veut-on qu’ils s’exportent par la suite? Il faut d’abord être découvert ici pour construire sa carrière et être assez mature pour pouvoir s’exporter.

La sénatrice Miville-Dechêne : Merci pour vos présentations. Moi aussi, je m’inquiète du peu de musique québécoise écoutée sur les plateformes en continu. Vous avez dit, madame Paré : si la musique est présentée, elle sera choisie. On parle du Québec, ici, on parle d’un sondage de Québécois. Or, on vient d’entendre YouTube et TikTok qui nous parlent de leur plateforme mondiale, qui fait des recommandations à travers le monde.

J’aimerais vous entendre sur plusieurs choses, mais une en particulier : les fameux algorithmes. C’est devenu, comment dire, le centre de ce projet de loi. C’est absolument incroyable l’importance que ce mot a pris. Comme vous dites, ce sont des recettes commerciales. Si on recommande une œuvre francophone dans un marché plutôt anglophone et que cette œuvre n’est pas choisie, YouTube nous dit : cette œuvre va dégringoler et va avoir encore moins de chance d’être choisie puisqu’elle n’a pas été choisie par le premier groupe, parce qu’on a recommandé des œuvres francophones à des gens qui ne veulent peut-être rien savoir des chansons francophones. Qu’est-ce que vous répondez à cet argument commercial? Ce sont des entreprises commerciales, mais que répondez-vous à cet argument qui veut que ce soit encore pire si on modifie les algorithmes pour mettre de la musique francophone, parce que personne ne voudra d’une musique qui ne fait pas partie de leurs intérêts déjà exprimés?

Mme Paré : On a entendu plus tôt parler de la magie de l’algorithme. On pourrait supposer que l’algorithme va proposer des choix qui devraient plaire aux utilisateurs. Évidemment, si on aime le heavy métal et qu’on utilise la langue française, peut-être que l’algorithme peut proposer, à la suite d’artistes internationaux, des artistes du même genre s’exprimant en français. On a aussi entendu Mme Patell expliquer que l’algorithme apprend des choix de l’utilisateur, notamment en ce qui concerne la langue. J’aime Ariane Moffatt, on me propose de la musique qui ressemble à ce qu’elle fait et qui répond à mes goûts. Je ne vois pas pourquoi la musique francophone serait déclassée si elle est proposée aux bons utilisateurs.

La sénatrice Miville-Dechêne : Monsieur Payette, j’aimerais entendre votre réponse, car cela fait vraiment partie des arguments qui sont martelés par les plateformes, à savoir que vous vous nuisez à vous-mêmes en voulant qu’on recommande de la musique francophone à des gens qui n’ont pas forcément envie d’en écouter.

Que pensez-vous de cet argument?

M. Payette : Ce n’est pas un argument qui tient la route. Il devrait faire ses preuves devant le CRTC avec l’aide d’information et d’un processus. On devrait regarder ces choses-là. Si je peux renchérir, il est impossible d’avoir une opinion sur quelque chose qu’on ne connaît pas.

La sénatrice Miville-Dechêne : C’est exact.

M. Payette : À l’heure actuelle, on ne se fait rien recommander. Il est impossible de rechercher quelque chose qu’on ne connaît pas. Les plateformes recommandent des contenus aux Canadiens tous les jours. En ce moment, elles choisissent qui a accès au public. Elles le font strictement selon leurs intérêts, et avec l’aide de plusieurs outils. Il n’y a pas que les recommandations algorithmiques. Il y a des équipes éditoriales. Il y a aussi les recommandations algotoriales; cela veut dire un mélange d’algorithmique et éditorial. Ce sont essentiellement des listes de lecture éditoriales qui utilisent des technologies pour recommander des contenus.

Tout ce que veulent les entreprises, c’est éviter de se retrouver devant le CRTC pour avoir à partager des informations. Elles ne nous racontent que des anecdotes et utilisent des arguments de peur. Pourtant, elles nous disent qu’elles font tant de belles choses. Elles ne devraient pas avoir peur d’aller devant le CRTC afin de montrer les chiffres et de s’expliquer, si elles sont si bonnes que cela.

[Traduction]

Le sénateur Manning : Merci à nos témoins.

Ma question s’adresse à M. Cash. Divers témoins ont signalé que l’article 10 du projet de loi donne au CRTC des orientations quant à la rédaction de règlements, y compris des critères de ce qui constitue un contenu canadien.

Certains ont demandé que cette définition reste flexible, tout en suggérant que l’article soit amendé de manière à indiquer qu’aucun facteur ne devrait être déterminant. Cet amendement a été proposé à la Chambre, mais il a été rejeté par le gouvernement.

Après vous avoir entendu ce soir, je me demande si vous seriez disposé à appuyer cet amendement. Si oui, pouvez-vous nous dire quelles seraient les conséquences négatives, sur l’investissement au Canada, si le projet de loi C-11 n’était pas assoupli?

M. Cash : Il y a beaucoup de « si » dans votre question, sénateur. Je dirais que le débat concernant les exigences en matière de contenu canadien ou les mises à jour du contenu canadien bat son plein et que la CIMA a officiellement déclaré qu’il fallait mettre à jour les exigences relatives au contenu canadien. Cela ne veut pas dire que nous voulons que toutes les plateformes se plient à une forme d’exigences précises que le CRTC pourrait formuler ou non.

Sommes-nous en faveur d’une vision renouvelée de ce qui constitue un contenu canadien? Bien sûr. La politique sur le contenu canadien à la radio a été un succès. Elle a favorisé l’émergence d’une industrie canadienne de la musique. Plus important encore, elle a favorisé la création d’un marché de la musique canadienne au Canada.

Ce dont nous parlons en ce moment, c’est d’un marché qui est devenu mondial. Nous devons repenser cette vision en fonction de ce marché mondial. Je pense que c’est la raison pour laquelle nous sommes ici, et je crois que c’est de cela que nous allons parler au CRTC.

Le sénateur Manning : Il y a un certain temps, vous avez dit, à la Chambre des communes, et vous l’avez répété ici ce soir, que pour survivre et gagner votre vie — et j’ai entendu ce commentaire de la part de nombreux artistes de Terre-Neuve-et-Labrador —, vous devez attirer un public international pour vos chansons.

Grâce à la diffusion en continu et aux plateformes de médias sociaux, de plus en plus d’artistes se constituent un public international, comme nous en avons eu plusieurs exemples ce soir, alors que dans le passé, ils n’auraient pas eu de canal commercial pour y arriver. Ne craignez-vous pas que d’autres pays adoptent des lois semblables pour protéger leurs propres artistes locaux? D’autres témoins ont exprimé cette préoccupation ce soir, parce que nous sommes le premier pays à adopter une loi de cette nature. J’aimerais savoir si cela vous préoccupe.

M. Cash : Comme je l’ai dit, nous appuyons le projet de loi C-11 et nous sommes aussi conscients que de nombreux acteurs de notre secteur ont bénéficié des mécanismes de découvrabilité qui existaient à la radio, en particulier les artistes qui travaillent en français, et mes collègues l’ont souligné.

Cela dit, je crois que personne autour de cette table virtuelle ou sur place ici à Ottawa ce soir — personne, y compris les plateformes — souhaite limiter le potentiel des artistes canadiens et des entreprises canadiennes. Je pense que ce sera le principal sujet que nous aborderons avec le CRTC.

Il est difficile de répondre à cette question et il est évident que nous ne pouvons pas contrôler ce que font les autres pays. Nous pouvons toutefois bâtir une solide industrie canadienne de la musique, et elle est robuste à l’heure actuelle. Nous croyons aussi qu’en investissant davantage dans les artistes, les entreprises de musique et l’infrastructure, nous contribuerons davantage à faire découvrir des artistes canadiens sur Internet.

Le sénateur Manning : Je vous remercie.

Le sénateur Klyne : Ma question s’adresse à M. Cash de la CIMA, mais d’autres témoins peuvent intervenir s’ils le souhaitent.

On semble encore craindre que le CRTC oblige soudainement les diffuseurs en continu comme Spotify à orienter leurs auditeurs en ligne vers un contenu que ces derniers ne souhaitent peut-être pas voir ou écouter. Je pense que les Canadiens aimeraient que la musique canadienne soit mise en valeur et appréciée dans le monde entier.

Quel que soit le contenu, pour avoir du succès, il faut qu’une musique ou un artiste soit connu et en demande auprès d’un public de plus en plus nombreux. Selon vous, les services de diffusion en continu peuvent-ils contribuer à la découvrabilité ou à la popularité du contenu ou des artistes canadiens, ou peuvent-ils seulement les rendre accessibles? Est-ce aux auditeurs ou aux spectateurs d’aimer le contenu et de suivre l’artiste?

Pensez-vous que des plateformes de diffusion en continu voudront positionner certains artistes parce qu’elles savent qu’ils correspondent aux goûts de leurs auditoires, au détriment d’autres artistes canadiens?

M. Cash : L’industrie de la musique a toujours été un secteur culturel complexe au sein duquel il est difficile de prédire qui trouvera écho auprès d’un public. Je ne crois pas que la situation soit différente sur les plateformes. Je pense que les musiciens et les artistes y proposent leurs œuvres.

Je dois toutefois dire que ce n’est pas le fruit du hasard. Nous avons vraiment besoin d’avoir des maisons de disques solides, créatives et concurrentielles qui aident les artistes à diffuser leurs œuvres. Certains pensent qu’il suffit d’appuyer sur un bouton pour entendre de la musique, et que c’est facile. On oublie cependant qu’il faut traiter des tonnes de données, composer avec les algorithmes et essayer de comprendre quel est le meilleur moment pour diffuser et plein d’autres choses. Ce sont des questions complexes et c’est pourquoi il est tellement important d’investir dans notre secteur. Il ne suffit pas d’aller rencontrer le directeur musical d’une station de radio et de l’inviter à déjeuner. Ce secteur est fondamentalement différent aujourd’hui et nous devons l’aborder d’une manière tout à fait différente.

Le sénateur Klyne : Quelqu’un d’autre souhaite intervenir?

[Français]

M. Payette : Si je peux continuer, une chose est certaine : sans réglementation, les plateformes vont opérer selon leurs intérêts financiers uniquement, sans considération pour les cultures locales; cela s’applique à la culture francophone, notamment, mais aussi à d’autres groupes à la recherche d’équité ou tout simplement à des contenus en d’autres langues que l’anglais.

La recommandation de musique canadienne aux Canadiens ne viendrait pas gâcher l’expérience des utilisateurs; cela la bonifierait. Il faut aussi se rappeler que de nombreux utilisateurs de la plateforme sont des enfants et des adolescents qui ne connaissent pas la culture canadienne et ne peuvent la rechercher. Il faut qu’ils y soient exposés. On leur propose plein de choses actuellement.

Lorsque YouTube recommande de la musique aux Canadiens, nous demandons qu’il leur recommande également de la musique canadienne une fois de temps en temps. Cela donnerait plus de choix aux Canadiens. À l’heure actuelle, on ne donne pas de chance à notre musique — particulièrement la musique francophone et celle des minorités — de rejoindre son public. Si on réussit à rejoindre ce public, si on construit une industrie forte, si on a des fans, cela va nous aider à exporter cette musique à travers le monde et à conquérir les marchés.

Tout le monde veut exporter, tout le monde veut avoir une industrie forte, mais cela commence chez nous. Il est plus facile de rejoindre les fans en premier.

Mr. Claus : Il y a un argument qu’il est intéressant de citer, et Mme Paré l’a rappelé dans son allocution. Dans les années 1970, on a mis des quotas francophones à la radio qui ont contribué à l’établissement d’un star-système très fort et d’artistes qui font aujourd’hui la fierté, notamment des Québécois et Québécoises.

Si on écoute la radio depuis 50 ans, on dit que mettre de la musique en français fait perdre des auditeurs. C’est-à-dire que les auditeurs changeront de station. On retrouve cette rhétorique surtout à Montréal, notamment parce qu’il y a des chaînes de radio en français et en anglais. Pourtant, on n’a jamais pu prouver qu’il y avait un départ massif d’auditeurs des chaînes francophones vers les chaînes anglophones. Cela veut dire que lorsqu’on leur propose de la musique francophone, ils l’écoutent et l’apprécient. C’est une rhétorique ancienne, mais on l’entend encore aujourd’hui. Finalement, ce n’est que le vernis qui a changé dans cette argumentation.

Le sénateur Cormier : Ma question s’adresse aux trois témoins.

Si je comprends bien la logique des plateformes, on peut faire la comparaison suivante : si mon enfant aime la crème glacée à la fraise, je vais lui offrir que de la crème glacée à la fraise et il ne découvrira aucun autre type de couleur ou de parfum. On est dans une logique qui est d’offrir aux clients ce qu’ils demandent.

Vous êtes en contact avec des artistes, dans le cadre de votre travail. On entend beaucoup d’inquiétudes de la part des créateurs de contenu, qui œuvrent dans les plateformes comme YouTube et TikTok, à savoir que le projet de loi les désavantagerait, car il leur imposerait des obligations de contribuer au contenu canadien, il limiterait leur liberté d’expression et les rendrait moins compétitifs sur le marché international.

Pouvez-vous commenter ces inquiétudes? Les entendez-vous? Sont-elles fondées? J’aimerais vous entendre à ce sujet, madame Paré, madame Payette et monsieur Cash.

M. Payette : Ces arguments devraient être prouvés devant le CRTC. On essaie de faire peur aux gens. Les techniques de lobbying des plateformes utilisent les créateurs. On l’a vu en Europe, malheureusement, en 2019, où on a utilisé des techniques similaires dans le dossier de la directive européenne. On reprenait comme argument que cela allait nuire à la liberté d’expression, que le gouvernement allait contrôler ce que vous alliez voir, que cela allait briser Internet, et on parlait de droits d’auteurs. Là on parle d’une nouvelle loi, dans un nouveau contexte, au Canada, et on revoit les mêmes mécanismes. Ce sont les techniques de lobbying des plateformes.

Le projet de loi protège la liberté d’expression, c’est écrit noir sur blanc au paragraphe 2.3. Le CRTC doit prendre plusieurs facteurs en considération avant de réglementer, notamment l’impact sur l’industrie de la création et de la production. Il faut donner les outils au CRTC pour lui permettre d’examiner ces aspects sérieusement, en excluant les anecdotes de plateformes qui ne donnent pas de chiffres sur leurs activités au Canada, notamment sur ce qui est recommandé aux Canadiens parmi les milliers de recommandations faites aux Canadiens chaque jour. Ce n’est pas de la magie.

J’aimerais reprendre votre exemple, sénateur Cormier. Le commerçant qui a offert de la crème glacée à la fraise à votre enfant, qui en demande encore, a peut-être accès plus facilement au public que les entreprises indépendantes et les secteurs minoritaires. Les outils de recommandation comportent de nombreux biais, et cela est prouvé. Les musiques minoritaires sont désavantagées fondamentalement par ces outils de recommandation. Ils ne sont pas paramétrés pour une part de marché, notamment les francophones au Canada. Ils sont faits pour le monde. Ils réfléchissent pour le monde et n’ont malheureusement pas beaucoup d’intérêt pour notre culture.

Le sénateur Cormier : Définir le contenu canadien semble poser un défi. Je suis étonné que, comme Canadiens, on ait de la difficulté à définir ce qu’est du contenu canadien. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet? Est-ce si difficile, dans le domaine de la musique, de définir ce qu’est du contenu canadien?

M. Payette : Il existe déjà une définition du contenu canadien en matière de musique, qui est différente de celle de l’audiovisuel, et on l’oublie souvent dans les débats. Elle est assez simple et comporte quatre critères. Il n’y a aucun formulaire à remplir. Les radios traditionnelles sont en mesure d’identifier le contenu canadien. J’ai de la difficulté à comprendre pourquoi les multinationales du secteur de la technologie ne peuvent en faire autant. Si on veut revoir la définition de contenu canadien, c’est tout à fait possible. Il revient au CRTC de le faire. On trouve des indications générales dans la loi au sujet du contenu canadien, mais la définition du MAPL — quatre éléments qui servent à établir qu’une pièce musicale est canadienne, soit la musique, l’artiste interprète, la production et les paroles — du secteur de la musique est faite au CRTC. Si on veut la revoir, c’est tout à fait possible. Il suffit de s’adresser au CRTC.

Le sénateur Cormier : Merci.

[Traduction]

La sénatrice Wallin : Quand j’écoute de la musique sur YouTube et que je me crée une liste de lecture, YouTube me propose d’autres morceaux, en fonction des chansons que j’ai déjà choisies ou recherchées. Je peux les aimer ou non. Voilà comment je crée ma liste de pièces musicales que je souhaite écouter.

Si j’écoute de la musique country, et que toutes les pièces figurant à la ma liste de lecture sont des chansons country, YouTube ne va pas me recommander de l’opéra. C’est un peu comme ça que fonctionne le système. Autrement, je serais obligée de choisir mes morceaux un à un.

Je demande à M. Paré et Mme Payette de m’aider à comprendre en répondant à cette question : Souhaitez-vous que ce projet de loi porte sur d’autres sous-catégories de contenu canadien, par exemple, une catégorie pour le contenu créé au Québec par des Québécois francophones et une autre pour du contenu créé au Québec par des personnes qui s’expriment dans une autre langue? Souhaitez-vous faire la promotion uniquement la musique francophone, même si elle a été créée en Saskatchewan? J’essaie de comprendre le niveau de granularité que vous souhaitez donner au contenu canadien dans les directives qui sont envoyées aux services de distribution, aux services de diffusion en continu et aux fournisseurs.

[Français]

Mme Paré : Ces discussions se tiendront au CRTC ultérieurement. Non, il n’y a pas de granularité par province ici, dans les propositions. Il y a l’importance d’assurer une place pour la musique francophone, certes, mais le contenu canadien doit être proposé. Vous donniez l’exemple de la musique country. Parmi tous les artistes que vous aimez, qu’on puisse vous en proposer qui soient canadiens vous permettra d’en découvrir de nouveaux. Vous les aimerez ou non, mais vous aurez la chance de les découvrir.

[Traduction]

La sénatrice Wallin : Bien entendu, mais le système fonctionne déjà comme cela. Si je choisis constamment des artistes canadiens de musique country, le système me proposera d’autres morceaux du même genre, interprétés par d’autres artistes peut-être. Le système a déjà compris quel genre de musique me plaît.

Je veux seulement savoir si vous essayez de dire à la consommatrice que je suis : « Vos choix ne sont pas assez intéressants. Nous voulons que vous écoutiez des morceaux que le CRTC a décidé que vous deviez écouter. »

[Français]

Mme Paré : Vous savez, il y a un océan de contenu sur les plateformes. Aucun être humain ne peut arriver à les découvrir tous. Selon vos goûts et préférences, que l’on puisse retrouver du contenu canadien et vous le faire découvrir, c’est ce que nous cherchons ici.

[Traduction]

La sénatrice Wallin : Oui, je comprends cela. C’est simplement la définition de contenu canadien qui est difficile à saisir de manière générale, comme d’autres l’ont laissé entendre. Comment voulez-vous garantir le contenu francophone? Là encore, il y a 15 définitions différentes. Comment le contenu est généré, où il est généré, par qui et qui sont les auditeurs. Comment pouvez-vous garantir cela? Souhaitez-vous avoir l’assurance qu’il s’agira d’une sorte de sous-catégorie de contenu canadien?

[Français]

Mme Paré : M. Claus pourra préciser sa pensée. Nous faisons l’analyse à partir de bases de données semaine après semaine. À partir des critères qui existent, nous sommes en mesure de coder chacune des chansons sur les plateformes pour déterminer si elles sont en français ou en anglais, ou s’il s’agit de contenu canadien et même québécois, car on cherche à le mesurer aussi. S’il est possible pour nous de déterminer l’origine d’une pièce, c’est possible de le faire.

Le président : Malheureusement, le temps de la sénatrice Wallin est écoulé.

[Traduction]

La sénatrice Simons : En ce moment, j’ai envie d’une crème glacée à la fraise. Je tiens d’abord à remercier M. Payette pour le terme « algotorial » que je vais ajouter à mon dictionnaire.

Ma question s’adresse à M. Cash. Je suis vieille. Il y a plus de 30 ans, j’étais productrice à la radio de CBC à Edmonton. Une partie de mon travail consistait à programmer de la musique le dimanche, un choix très personnalisé. Je descendais à la vaste discothèque de CBC pour y choisir la musique pour l’émission de l’après-midi. Je devais présenter 50 % de contenu canadien, et c’était très créatif.

À Edmonton, beaucoup de stations radiophoniques très écoutées proposaient ce genre d’émissions de musique personnalisée. Durant mes études, j’avais travaillé à une station de radio privée et je faisais à peu près le même travail.

Aujourd’hui, j’ai l’impression que lorsque nous allumons la radio, nous avons de la chance si nous entendons de la musique récente. Sans vouloir offenser M. Adams, si j’entends encore une fois Everything I do I do it for you ou The Summer of ‘69, je décroche, c’est assez.

Monsieur Cash, pourriez-vous nous parler des défis que l’industrie canadienne de la musique a dû relever avec les radios conventionnelles — nous n’en avons pas parlé beaucoup —, en raison de la chute des cotes d’écoute, de l’achat de services de programmation qui offrent la même musique à toutes les stations de radio, à tel point que même si vous passez d’une station à l’autre, vous entendez toujours la même chanson?

Dans quelle mesure est-ce que cela rend la tâche plus difficile à un artiste canadien de se faire entendre à la radio traditionnelle? Selon vous, quelle est la solution, non pas pour de jeunes artistes de 19 ans qui diffusent des vidéos de chansons indie folk sur YouTube et TikTok, mais pour un artiste canadien de niveau intermédiaire qui est lié par contrat à une maison de disques, mais qui n’arrive pas à passer sur les ondes?

M. Cash : Je pensais que vous alliez me dire que vous aviez fait jouer un de mes disques en ondes il y a 30 ans.

La sénatrice Simons : On peut toujours supposer que je l’ai fait.

M. Cash : Je parle du marché anglophone au Canada et mes collègues ici présents parlent surtout du marché francophone du Québec. Ces marchés fonctionnent différemment et nous espérons que le CRTC comprendra cela.

Si nous faisons un survol de la situation depuis que la diffusion de contenu canadien est obligatoire, il y a eu des moments où la radio au Canada était très stimulante et diversifiée. Nous pouvions entendre une grande diversité de genres musicaux, mais en réalité, sénatrice, quand je parle d’une grande diversité, je dois admettre que nous entendions surtout des hommes, surtout des hommes de race blanche.

La sénatrice Simons : Pas quand je faisais de la programmation.

M. Cash : Tant mieux pour vous, mais votre émission ne durait qu’une heure. C’était surtout des rockers blancs.

Le débat sur l’accès, c’est décourageant pour les artistes. C’est décourageant de voir que le responsable — celui qui décide si les auditeurs entendront votre musique ou non — est le directeur musical d’une station de radio, et que ce directeur ne vous choisit pas, qu’il préfère quelqu’un d’autre et, surtout, qu’il veut diffuser la musique américaine recommandée par les maisons de disques. C’est absolument décourageant.

Par ailleurs, si vous passiez à la radio à cette époque, c’était fantastique et cela vous aidait vraiment. Les choses ont changé depuis. La plupart des membres de l’association disent que même quand un de leurs artistes obtient assez de temps d’antenne à la radio anglophone au Canada, cela n’a aucun effet sur sa carrière.

La sénatrice Simons : C’est incroyable.

M. Cash : C’est un changement énorme. Quand je regarde le nombre de jeunes artistes aujourd’hui — certains d’entre eux travaillent comme plongeurs actuellement —, je vois qu’il existe des possibilités vraiment intéressantes qui n’existaient pas auparavant.

Comme je l’ai dit dans mon allocution préliminaire, je pense qu’il est possible de faire les choses correctement. Si nous y arrivons, nous allons tous être gagnants. Pour cela, nous devons notamment veiller à ce que nos partenaires des plateformes participent au processus afin de trouver ensemble une solution. Incidemment, il y a déjà des discussions en cours. Nous discutons avec les plateformes pour trouver une façon d’y arriver. Et je crois que tous ces échanges vont nous faire avancer.

La sénatrice Simons : Si vos membres sont...

Le président : Sénatrice Simons, il est maintenant 20 h 45. Je remercie nos témoins d’avoir été des nôtres aujourd’hui.

[Français]

Merci à tout le monde pour ces témoignages. Nous vous en sommes reconnaissants.

[Traduction]

Chers collègues, je vous remercie pour vos questions intéressantes et je remercie les témoins pour leurs réponses encore plus intéressantes. Nous allons poursuivre notre étude.

(La séance est levée.)

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