LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES TRANSPORTS ET DES COMMUNICATIONS
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mercredi 30 novembre 2022
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd’hui, à 18 h 45 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois.
Le sénateur Leo Housakos (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Je suis Leo Housakos, sénateur du Québec et président de ce comité. J’aimerais vous présenter les membres du comité qui participent à cette réunion, en commençant par ma gauche.
[Traduction]
La sénatrice Simons : Sénatrice Paula Simons, Alberta, territoire du Traité no 6.
[Français]
Le sénateur Cormier : René Cormier, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Miville-Dechêne : Julie Miville-Dechêne, du Québec.
[Traduction]
La sénatrice Dasko : Donna Dasko, sénatrice de l’Ontario.
Le sénateur Klyne : Marty Klyne, sénateur de la Saskatchewan, territoire du Traité no 4.
[Français]
Le sénateur Dawson : Dennis Dawson, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Gold : Marc Gold, représentant du gouvernement au Sénat, du Québec.
La sénatrice Sorensen : Karen Sorensen, de l’Alberta.
Le sénateur Quinn : Jim Quinn, du Nouveau-Brunswick.
[Français]
La sénatrice Clement : Bernadette Clement, de l’Ontario.
[Traduction]
Le sénateur Manning : Fabian Manning, Terre-Neuve-et-Labrador.
Le sénateur Plett : Don Plett, Landmark, au Manitoba.
La sénatrice Wallin : Pamela Wallin, Wadena, en Saskatchewan.
Le président : Honorables sénatrices et sénateurs, nous nous réunissons aujourd’hui pour poursuivre notre étude article par article du projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois.
Nous sommes accompagnés une fois de plus par des fonctionnaires de Patrimoine canadien, soit Thomas Owen Ripley, sous-ministre adjoint délégué; Amy Awad, directrice principale, Politique législative et du marché; et Charles Kouri, analyste des politiques et de la recherche, Politique législative et du marché. Je les remercie tous les trois de leur patience avec nous et de leur présence parmi nous. C’est très apprécié.
Chers collègues, j’aimerais également annoncer que le greffier m’a informé que les sénateurs Manning et Plett ont, au nom des conservateurs, retiré jusqu’à sept amendements à l’article 3, si j’ai bien compris, afin de réduire la charge de travail sur cet article. J’espère que c’est le signe de bonnes choses à venir.
Chers collègues, nous avons ajourné notre dernière réunion en réservant un amendement à l’article 2, proposé par la sénatrice Dasko. Je crois que l’amendement est prêt à être distribué aux membres. L’avez-vous tous reçu? Puis-je demander qu’il soit distribué? Des copies en sont distribuées aux membres en ce moment même, pour prendre un peu d’avance.
Le président ne travaille que sur la base de ce qui lui est fourni. J’ai des limites. Ce sont les membres qui déterminent ce que la présidence leur dicte.
Je crois que vous avez tous l’amendement proposé par la sénatrice Dasko. Sénatrice Dasko, si vous êtes prête, la parole est à vous.
La sénatrice Dasko : Merci, chers collègues. Mon amendement d’aujourd’hui est très court. J’espère ajouter le mot « innovation » au projet de loi. J’espère modifier les sous-alinéas 3(1)d)(iii) et (iv); c’est l’amendement principal. L’amendement consiste à ajouter deux mots, essentiellement, devant les mots qu’on trouve déjà dans la disposition. L’amendement se lirait comme suit : « favoriser l’innovation et demeurer aisément adaptable aux progrès scientifiques et techniques ». J’ajoute les mots « favoriser l’innovation » devant les mots « demeurer aisément adaptable aux progrès scientifiques et techniques ».
Chers collègues, le mot « innovation » n’apparaît nulle part dans l’actuelle Loi sur la radiodiffusion. Je pense qu’il s’agit d’une omission très grave pour un pays qui se targue d’être un pays novateur, d’embrasser l’innovation et d’exporter du contenu canadien original dans le reste du monde.
En omettant d’inclure le mot « innovation » à la version modernisée de la Loi sur la radiodiffusion, le projet de loi C-11 rate l’occasion d’encourager le type d’innovation qui a donné aux musiciens, aux maisons de disques, aux éditeurs et aux créateurs canadiens une plateforme pour présenter leur contenu au monde entier.
En ajoutant les mots « favoriser l’innovation » au projet de loi, nous ne pensons pas seulement à l’innovation technologique; nous pensons au talent créatif. Nous pensons à tous les créateurs de ce pays et à leur esprit d’innovation.
Il s’agit d’un amendement très bref, comme je viens de vous le lire. Je veux juste dire quelques mots de plus à ce sujet.
Beaucoup de témoins ont utilisé le mot « innovation » lorsqu’ils sont venus ici pour parler du milieu culturel canadien. De plus, ce gouvernement semble avoir pour nette priorité de favoriser l’innovation. On trouve notamment le mot « innovation » dans le discours du Trône de 2021 :
En mettant l’accent sur l’innovation, les bons emplois verts, et la collaboration avec les pays aux vues similaires, nous bâtirons une économie plus résiliente, plus durable et plus concurrentielle.
Voilà un exemple de l’utilisation du mot « innovation » par le gouvernement lui-même.
Le Canada a un ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, et le mot « innovation » est utilisé dans de nombreux autres documents gouvernementaux.
Sur cette note, j’espère que vous envisagerez de voter en faveur de l’ajout des mots « favoriser l’innovation » devant les mots « demeurer aisément adaptable aux progrès scientifiques et techniques ».
Je propose donc :
Que le projet de loi C-11 soit modifié à l’article 3 :
a) à la page 5, par substitution, aux lignes 3 et 4, de ce qui suit :
« (3) Les sous-alinéas 3(1)d)(iii) et (iv) de la même loi sont remplacés par ce qui suit : »;
b) à la page 6, par adjonction, après la ligne 17, de ce qui suit :
« (iv) favoriser l’innovation et demeurer aisément adaptable aux progrès scientifiques et techniques; ».
Le président : Y a-t-il des commentaires à ce sujet, ou sommes-nous prêts à passer au vote?
Des voix : Passons au vote.
La sénatrice Wallin : ... « leur étant destinées, » virgule, puis cette nouvelle idée... très bien.
La sénatrice Dasko : Oui, c’est un nouveau début à la disposition qui est déjà là.
Le président : Les membres sont-ils prêts à passer au vote?
Le sénateur Manning : J’appuie l’amendement proposé par la sénatrice Dasko. En fait, c’était l’un des amendements que nous envisagions nous-mêmes. C’est un pas dans la bonne direction, alors nous appuyons entièrement l’amendement et nous nous en tiendrons à cela.
Le président : Il est proposé par l’honorable sénatrice Dasko que le projet de loi C-11 soit modifié à l’article 3, à la page 5, aux lignes 3 et 4. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion d’amendement?
Des voix : Adopté.
Le président : L’amendement est adopté à l’unanimité.
Sénateur Manning, vous retirez votre prochain amendement, est-ce exact?
Le sénateur Manning : Oui, monsieur le président. Nous retirons l’amendement, qui était absolument identique à celui de la sénatrice Dasko.
Le président : Vous aviez reçu la liste des derniers amendements, donc l’amendement suivant était celui du sénateur Manning, il le retire. C’était un amendement similaire.
Le sénateur Cormier : Je me demande si nous avons la même liste.
Le président : Nous vous distribuerons une nouvelle liste. Il y a un certain nombre d’amendements qui ont été retirés juste avant la réunion, dont celui qui vient d’être retiré.
Le sénateur Cormier : Sur la liste que nous avons ici, vous dites que certains amendements ont été retirés.
Le président : Elle a été mise à jour.
Le sénateur Cormier : Elle a été mise à jour?
Le président : Ceux qui viennent d’être retirés n’y figurent plus.
Le sénateur Cormier : Pouvez-vous nous dire lesquels ont été retirés?
Le président : Je vais demander au greffier de passer en revue ceux qui ont été retirés. Il peut le faire.
Vincent Labrosse, greffier du comité : Pour être précis, dans la feuille de route que vous avez pour l’article 3, il a récemment été porté à notre attention que ce qui suit devait être retiré. Il y a le DNP-C11-3-5-1. Le troisième est celui que nous venons d’adopter. Le quatrième a été retiré, ainsi que les numéros 9, 10, 11, 14 et 20. Cela résume la liste mise à jour. Merci, sénateurs.
Le président : Le prochain amendement sur cette liste, si je comprends bien, pour l’article 3, est celui de la sénatrice Clement, qui porte le numéro BC-C11-3-5-6.
La sénatrice Clement : Bonsoir, chers collègues. Est-ce que tout le monde a la motion ou est-ce qu’on est en train de la distribuer?
Le président : La motion a-t-elle été distribuée? On est en train de la distribuer. Nous allons donner à tout le monde la chance de la lire.
La sénatrice Clement : Je vais la lire pour le compte rendu. Je propose :
Que le projet de loi C-11 soit modifié à l’article 3 :
a) à la page 5, par substitution, à la ligne 9, de ce qui suit :
« sont issus des communautés noires ou d’autres communautés racisées ou qui repré- »;
b) à la page 6 :
(i) par substitution, à la ligne 6, de ce qui suit :
« flètent les communautés noires et les autres communautés racisées et la diversité de »,
(ii) par substitution, à la ligne 10, de ce qui suit :
« diens qui sont issus des communautés noires ou d’autres communautés racisées ou »,
(iii) par substitution, à la ligne 14, de ce qui suit :
« des communautés noires ou d’autres communautés racisées ou aux antécédants eth- »;
c) à la page 7, par substitution, à la ligne 23, de ce qui suit :
« tones et des Canadiens issus des communautés noires ou d’autres communautés ra- ».
Le 1er juin 2022, le Bureau de l’écran des Noirs a proposé un amendement à la Chambre pour braquer les projecteurs sur les communautés noires, et le terme « communautés racisées » a été utilisé. Cet amendement a été adopté, il y a donc eu des changements suite au témoignage des gens du Bureau de l’écran des Noirs. Cependant, ils ont seulement été apportés à 4 endroits sur 10. Cette motion vise à l’inclure aux cinq autres occurrences dans le projet de loi.
Elle vise à garantir que les besoins des communautés noires soient adéquatement représentés et intégrés au projet de loi en corrigeant les multiples incohérences qu’il y a entre les endroits où le terme « communautés noires » est mentionné dans le projet de loi et ceux où il ne l’est pas. Cet amendement est né de la nécessité de nommer précisément les besoins des communautés noires. Les communautés noires ont toujours fait l’objet d’une plus grande discrimination que d’autres groupes. Entre 2001 et 2016, les taux de chômage au sein de la population noire étaient constamment plus élevés que dans le reste de la population. C’était le cas même chez les gens ayant un niveau d’éducation élevé. Par exemple, chez les personnes titulaires d’un diplôme d’études postsecondaires, en 2016, le taux de chômage était de 9,2 % au sein de la population noire, contre 5,3 % dans le reste de la population.
J’aimerais citer Joan Jenkinson, qui a témoigné devant ce comité et qui est directrice générale du Bureau de l’écran des Noirs ։
Nous nous réjouissons de ces mentions dans le projet de loi C-11 pour répondre aux besoins et aux intérêts des Canadiens racisés. Chaque fois que l’expression « communautés racisées » est utilisée, nous demandons toutefois de la remplacer par l’expression « membres des communautés noires ou d’autres communautés racisées ». Nous demandons cet amendement puisque l’oppression subie et les obstacles à l’inclusion ont toujours été plus importants pour les Canadiens noirs que pour les autres Canadiens racisés.
À titre d’exemple, dans une enquête menée par Statistique Canada en 2019, 45 % des Canadiens noirs ont affirmé avoir vécu de la discrimination au cours des cinq dernières années comparativement à 27 % pour les autres minorités visibles. Cette discrimination peut survenir dans le milieu de l’éducation, dans le système de santé, sur le marché de l’emploi, dans le secteur du logement et, en effet, dans les industries canadiennes du cinéma et de la télévision.
En outre, les dispositions qui n’ont pas été mises à jour sont importantes. Il y a des incohérences. Certaines modifications ont été acceptées, d’autres ont été laissées de côté, et elles portent principalement sur la réponse aux besoins des communautés racisées au moyen d’occasions d’emploi et d’affaires. Je fais référence au sous-alinéa 3(3)(iii).
Non seulement cette incohérence ne permet pas de bien tenir compte des besoins des artistes et des producteurs noirs et des communautés dans leur ensemble, mais elle risque d’avoir un effet négatif sur les communautés noires. Compte tenu des méthodes d’interprétation des lois, il y a tout lieu de craindre de la discrimination, parce qu’il y a un danger que certaines dispositions soient interprétées comme ne s’appliquant pas du tout aux communautés noires.
Je tiens à dire que j’ai rencontré des gens du Bureau de l’écran des Noirs à quelques reprises. Nous avons eu toutes ces discussions et nous avons également examiné tout cela avec le légiste.
Vous remarquerez peut-être la différence que je fais entre « et » et « ou ». Je veux juste en parler un peu, après quoi je répondrai aux questions.
L’amendement se lirait comme suit : « les communautés noires et les autres communautés racisées » dans certaines dispositions et « des communautés noires ou d’autres communautés racisées » dans d’autres. Cette divergence vise à ce que les dispositions soient le plus inclusives possible.
Lorsqu’on parle des Canadiens, que le référent est « les Canadiens », on utilise « ou ». Lorsqu’il n’y a pas de « Canadiens » et qu’il est simplement question des personnes « noires et racisées », il faut faire attention, parce que si l’on dit « noires et racisées », cela pourrait signifier qu’il faut être membre de la communauté noire et d’une communauté racisée pour faire une demande. C’est une subtilité grammaticale. Lorsque l’on fait référence aux « Canadiens », c’est « ou », et lorsque ce n’est pas le cas, c’est « et ». C’est là que réside la différence.
C’est tout, monsieur le président.
Le président : La seule question que j’ai est la suivante — et peut-être qu’il y a quelque chose qui m’échappe : les membres de la communauté noire ne forment-ils pas déjà une communauté racisée? Quelle est la distinction entre les personnes racisées et les membres de la communauté noire?
La sénatrice Clement : C’est en raison des statistiques que je viens de citer, à savoir qu’il y a de plus grands obstacles à l’emploi pour les membres des communautés noires, même pour ceux ayant un niveau d’éducation élevé. Lorsqu’on compare les statistiques des membres de ces communautés avec celles des membres des autres communautés racisées et des communautés blanches, les chiffres témoignent d’obstacles plus importants.
Lorsque le Bureau de l’écran des Noirs nous a présenté cette recommandation, il s’appuyait sur ces statistiques, sur le fait que les membres des populations noires ont toujours été confrontés à de plus grands obstacles.
Le président : Je me souviens très bien de ce témoin. Je me souviens de son exposé. Encore une fois, je suis tout à fait d’accord pour m’assurer que le projet de loi soit sensible à toutes les minorités, quelles qu’elles soient.
Pour moi, nous sommes déjà tous des Canadiens de telle ou telle origine, nous avons de nombreuses étiquettes, comme je le dis. Pour moi, le terme « racisé » caractérise toute personne ne faisant pas partie du groupe majoritaire anglophone, francophone — et, encore une fois, je fais très attention aux mots que je choisis, parce que de nos jours, les définitions peuvent être très étroites ou très larges, selon la position que l’on adopte.
Je vous remercie de votre explication.
Le sénateur Plett : Vous avez posé ma première question, mais je vous remercie de la réponse.
Ma question s’adresse à M. Ripley : y a-t-il d’autres communautés marginalisées qui ont fait part à votre ministère de leurs préoccupations concernant une non-reconnaissance?
Thomas Owen Ripley, sous-ministre adjoint délégué, Patrimoine canadien : Merci pour cette question, sénateur Plett. Bonsoir.
Par l’entremise de la présidence, pendant l’élaboration du projet de loi et tout au long du processus, nous avons consulté diverses communautés marginalisées, racisées et ethnoculturelles et leurs organisations, pour nous assurer que le libellé du projet de loi les représente bien, parce que le projet de loi vise justement à ce que les objectifs stratégiques soient plus inclusifs pour toutes les communautés canadiennes.
Nous avons entendu des organisations représentant les communautés autochtones. Nous avons entendu des organisations représentant les communautés multiculturelles. Nous avons entendu des organisations représentant la communauté noire. En effet, comme l’a souligné la sénatrice Clement, l’une des demandes de la communauté noire était de ne pas utiliser uniquement le terme « racisé » isolément, mais de nommer la communauté noire parce qu’elle fait face à des obstacles particuliers et uniques par rapport aux autres communautés racisées.
Le sénateur Plett : Merci.
Je respecte ce que la communauté noire demande ici, mais vous avez mentionné, au moins, les Autochtones, et il y a d’autres communautés racisées ou marginalisées. Ma question est toujours la même : ont-elles exprimé des préoccupations similaires?
La sénatrice Clement défend les intérêts d’une communauté en particulier, et je l’en remercie. Mais est-ce que d’autres communautés marginalisées ont fait valoir qu’elles aimeraient elles aussi avoir droit à — je déteste l’expression, mais c’est peut-être le bon terme — « une reconnaissance spéciale ». Ont-elles également réclamé une reconnaissance spéciale? Si oui, combien l’ont demandé et lesquelles?
Pourquoi cela n’a-t-il pas été inclus dès le départ? Parce que, encore une fois, selon la sénatrice Clement, c’est mentionné ailleurs dans le projet de loi, alors pourquoi cela n’a-t-il pas été mentionné ici?
Je sais que cela fait beaucoup de questions. Je ne suis pas contre l’amendement, mais j’aimerais avoir des précisions.
M. Ripley : Je dirais que le gouvernement, dans l’ensemble, a été sensible aux demandes des communautés marginalisées tout au long du processus d’élaboration du projet de loi, alors il y a quelques autres changements que je vous signale.
Par exemple, les organisations et communautés autochtones voulaient s’assurer qu’une approche fondée sur les distinctions soit adoptée dans le projet de loi.
Le sénateur Plett : Pour la communauté autochtone?
M. Ripley : Oui. Il y a eu une modification...
Le sénateur Plett : Exactement comme celle que demande la sénatrice Clement?
M. Ripley : Prenons l’exemple du terme « peuples autochtones » : dans le projet de loi, on renvoie maintenant à la définition de la Loi constitutionnelle, qui inclut les membres des Premières Nations, les Inuits et les Métis.
Nous avons aussi reçu une demande de la part de ce que j’appellerais les communautés multiculturelles et ethnoculturelles, non seulement pour qu’on inclue aux objectifs stratégiques d’offrir des programmes spéciaux à ces communautés, mais pour que le système favorise les entreprises de radiodiffusion exploitées par des membres de ces communautés. C’est un autre changement qui a été apporté pendant le processus d’élaboration du projet de loi.
La sénatrice Clement a raison de dire que la Chambre a ajouté la nouvelle formulation « communautés noires ou autres communautés racisées » à certains endroits dans le projet de loi, mais pas partout, donc je crois que son...
Le sénateur Plett : Par inadvertance?
M. Ripley : Je ne saurais qualifier l’intention des auteurs de l’amendement dans l’autre chambre, mais la position du gouvernement serait qu’il serait avantageux d’assurer la cohérence dans le choix des mots, et c’est là la motivation même de la sénatrice Clement, si je comprends bien.
Le sénateur Plett : Selon vous — et ce n’est pas que je veux défendre le gouvernement, juste au cas où quelqu’un pourrait le croire. Je tiens à le préciser.
Le gouvernement appuie-t-il cet amendement? Je devrais peut-être poser la question au sénateur Gold.
Le sénateur Gold : Merci, sénateur Plett.
Le gouvernement appuie cet amendement.
Le sénateur Plett : Merci.
La sénatrice Sorensen : Pour moi, la motivation à appuyer cet amendement, c’est le souci de la cohérence.
Le président : C’est le moment de mettre la question aux voix, chers collègues. Il est proposé par l’honorable sénatrice Clement que le projet de loi C-11 soit modifié à l’article 3, à la page 5, à la ligne 9.
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion d’amendement?
Des voix : D’accord.
Le président : La motion est adoptée à l’unanimité.
Sénatrice Clement, je crois que l’amendement suivant est aussi le vôtre. Le personnel est en train de le distribuer à tous les collègues.
Vos collègues ont tous reçu l’amendement.
[Français]
Sénatrice Clement, vous avez la parole.
La sénatrice Clement : Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Je vais lire ma motion. Je propose :
Que le projet de loi C-11 soit modifié à l’article 3, à la page 5, par substitution, à la ligne 18, de ce qui suit :
« lière qu’y occupent les peuples et les langues autochtones, ».
Cet amendement vise à ajouter à ce sous-alinéa qui traite déjà des peuples autochtones une référence aux « langues » autochtones.
Comme il y a une distinction à faire entre peuples autochtones et langues autochtones, il convient de désigner ici ces deux réalités. Il est nécessaire d’assurer une meilleure prise en compte des langues autochtones en vue de leur revitalisation dans le cadre du processus de réconciliation et de guérison. Nous avons maintenant un commissaire aux langues autochtones.
Je dois vous dire que j’ai consulté à ce propos Jesse Wente du Bureau de l’écran autochtone. J’ai pu lui expliquer ce changement qu’il n’a pas manqué d’approuver. Comme il est question dans ce sous-alinéa de différents aspects de la vie au Canada, et notamment des gens et des langues qu’ils utilisent, il est tout à fait justifié qu’on y fasse référence aussi bien aux peuples autochtones qu’à leurs langues.
J’aimerais vous citer à ce sujet le témoignage de Bert Crowfoot, chef de direction de l’Aboriginal Multi-Media Society of Alberta :
Il y a une chose avec laquelle nous avons de la difficulté, et c’est que, quand il est question de langue, le continuum des gens qui parlent une langue va de « aucune » à « maîtrise parfaite ». Dans un grand nombre de lois du gouvernement, lorsqu’il est question de langue, il est tenu pour acquis qu’il s’agit de l’anglais ou du français et que tout le monde comprend la langue. Voilà la différence. On devrait déployer des efforts pour en savoir davantage sur la situation des langues autochtones au Canada aujourd’hui.
Pour sa part, Shannon Avison, professeure adjointe au département des arts de la communication indigène à l’Université des Premières Nations, nous a dit ce qui suit :
Il est important de valoriser les personnes qui ont la langue. Je me concentre sur la langue. Ce n’est pas la seule chose que permet la radiodiffusion autochtone. Elle permet aussi de créer une communauté. Avec la COVID, cela a été extrêmement important. Mais, pour moi, ma priorité aujourd’hui, dans le cadre de ma présentation, c’est la langue, alors il faut donc faire en sorte que les personnes qui veulent parler les langues et les partager, que ce soit dans le cadre d’une conversation, d’un anniversaire, pour parler de météo, pour appeler des orignaux ou faire appel aux aînés, puissent bénéficier du soutien dont elles ont besoin.
L’inclusion d’une référence aux « langues » vise donc à s’assurer de mettre en lumière non seulement les peuples autochtones, mais aussi leurs langues et la nécessité de les revitaliser en pouvant compter sur des appuis suffisants.
Le sénateur Plett : J’ai une question pour la sénatrice. Je ne vois pas vraiment en quoi le libellé actuel exclurait quelque langue que ce soit. Je ne m’oppose pas nécessairement à ce que vous proposez, mais je n’en vois tout simplement pas l’utilité étant donné que tout élément n’étant pas expressément exclu doit être considéré comme étant inclus.
La sénatrice Clement : Merci pour cette question, sénateur Plett. Je comprends ce que vous voulez dire. Mon amendement a en fait pour but de mettre vraiment en lumière la question des langues. Selon moi, il est tout à fait justifié de vouloir mettre en exergue les langues autochtones dans cet article de la loi. Nous avons maintenant un commissaire aux langues autochtones et la question des langues a été abordée par la Commission de vérité et de réconciliation ainsi que dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. J’estime donc essentiel de ne pas uniquement souligner la place qu’occupent les peuples autochtones, mais aussi de faire ressortir l’importance de leurs langues. Il ne s’agit pas d’exclure quoi que ce soit, mais plutôt de mettre ces éléments en lumière.
Le sénateur Plett : Merci pour cette réponse. Je ne vais pas voter contre la motion, même si je n’en vois pas vraiment l’utilité. Je vais laisser le débat suivre son cours, mais si la motion est éventuellement mise aux voix, je souhaiterais tout au moins qu’elle soit adoptée avec dissidence.
Le président : Je vois où vous voulez en venir, sénateur Plett. Je comprends ce que la sénatrice cherche à faire avec cette motion, car elle l’a énoncé très clairement. Je me demande toutefois quel rôle revient en fin de compte à notre Loi sur les langues officielles au vu de toutes ces lois que nous adoptons en indiquant qu’elles s’appliquent à toutes les autres langues. Comme le disait le sénateur Plett, dans le cas qui nous intéresse, la Loi sur la radiodiffusion n’exclut aucune langue. Nous sommes une société multiculturelle. Nous accordons par exemple des licences à des services de radio multiculturelle. Mais si l’objectif est uniquement de mettre en valeur l’importance des langues des Premières Nations, en quoi, selon vous, la Loi sur les langues officielles a-t-elle un rôle à jouer?
La sénatrice Clement : Il ne s’agit pas de mettre en valeur ces langues, mais plutôt de réparer les torts causés. Il faut simplement que notre société puisse composer avec cette réalité. Vous avez fait ressortir un malaise quant à l’application de la Loi sur les langues officielles. Je suis moi-même francophone, et je peux vous dire qu’en tant que francophone dans un contexte minoritaire, il y a un aspect de survie qui se rattache à la langue. J’estime cependant que nous ne devons pas nous arrêter à la simple dualité linguistique, car c’est un tout autre débat. Je pense toutefois que c’est un peu vers cela que vous vouliez nous amener.
Nos langues officielles — le français et l’anglais — sont protégées par la Constitution. Nous devons maintenant nous pencher sur les moyens à prendre pour tourner les projecteurs vers les langues autochtones et l’importance d’en assurer la revitalisation en offrant le soutien nécessaire dans le contexte de la Commission de vérité et de réconciliation, de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et du processus de guérison et de réparation que notre société doit mener à terme.
Le président : Je répète que mon interrogation ne signifie pas que je m’oppose à votre amendement. C’est cependant une question que de nombreux Canadiens se posent. Bien souvent, comme nous sommes des gens très polis, nous la posons à voix basse. Il y a une chose que je trouve amusante. Dans ma province, au Québec, je n’ai jamais eu à décider si j’étais francophone ou anglophone. On m’a attribué une autre étiquette, celle d’allophone, toujours dans cette volonté d’accoler un qualificatif à la nationalité de Canadien.
Il n’en demeure pas moins que je crois en l’importance des lois. Nous avons une Loi sur les langues officielles, et nous nous efforçons de faire concorder tous les éléments de cette mosaïque bien réelle que constitue le Canada.
[Français]
Le sénateur Cormier : J’aurais un commentaire et une question.
Sénateur, je vais revenir sur la question que vous avez posée au sujet des langues officielles, parce qu’à l’intérieur du projet de loi C-11, il est très clair que les communautés de langue officielle en situation minoritaire sont reconnues et que le concept de dualité linguistique est intégré. Cette compréhension que le Canada a deux langues officielles est bien instituée.
Dans le cas des langues autochtones, je trouve que vous faites un pas vers l’avant en voulant les intégrer, mais comme on se trouve dans le contexte de la radiodiffusion, donc avec des producteurs et des diffuseurs, il y a des citoyens autochtones — qu’ils soient des membres des Premières Nations ou des Métis — qui travaillent en langue anglaise et qui travaillent aussi possiblement en langue française. À votre avis, est-ce que l’ajout de langues autochtones permettrait de mettre en valeur les artistes ou producteurs qui produisent également dans des langues autochtones? Est-ce que cela fait partie de l’esprit de votre amendement?
La sénatrice Clement : Ce n’est pas que cela. C’est pour vraiment indiquer que les langues autochtones... Dans ce paragraphe, on parle des langues : les langues officielles, les langues autochtones et les langues en général. Donc, ce n’est pas la même chose que si l’on parle d’un peuple autochtone. Le peuple autochtone a besoin du langage pour communiquer.
L’objectif est vraiment de souligner qu’on doit justement reconnaître qu’il y a des peuples autochtones qui vont produire du contenu en français, en anglais et dans les 70 langues autochtones et plus qui existent au pays.
Donc, pour répondre à votre question, oui, cela fait partie de l’esprit de mon amendement. Cependant, je voulais surtout souligner, dans ce paragraphe où l’on parle de langues, que c’est quelque chose qu’il faut souligner, indépendamment de l’expression « population autochtone ».
Le sénateur Cormier : Je vais appuyer votre amendement, particulièrement parce que nous avons au Canada des créateurs qui travaillent en langues autochtones. De plus, je crois que c’est déterminant pour l’avenir de notre pays et de la création au Canada de favoriser la production et de s’assurer de mettre en lumière les langues autochtones comme des langues créatives qui permettent de représenter et d’exprimer ce qu’est le Canada.
La sénatrice Clement : Merci de ce commentaire.
[Traduction]
Le sénateur Klyne : Je pourrais peut-être confirmer ce que vient de dire le sénateur Cormier, mais je veux surtout répondre à la question du sénateur Plett. Je vois où vous voulez en venir et j’aimerais essayer de vous donner une réponse plus étoffée. Je comprends ce qu’on cherche à faire avec cette référence, et je souscris à l’amendement proposé qui nous a été inspiré en grande partie par les témoins autochtones qui ont comparu devant nous. Cela ne faisait aucun doute dans leur esprit. Je veux rappeler à mes collègues que la Loi concernant les langues autochtones est en cours de mise en œuvre depuis l’adoption du projet de loi C-91 par le Sénat et par l’autre Chambre. C’est donc tout à fait justifié dans ce contexte.
Le sénateur Quinn : Je veux remercier la sénatrice Clément d’avoir soulevé la question, car cela ne concerne pas uniquement les protections garanties par la Constitution aux peuples autochtones du Canada. C’est aussi une reconnaissance du travail entrepris dans ce pays aux fins de la vérité et de la réconciliation, l’un des enjeux fondamentaux étant l’éradication des langues autochtones au fil de plusieurs décennies. Il s’agit de reconnaître que ces langues sont des éléments importants de la culture autochtone au Canada. C’est donc selon moi un bon amendement que je compte bien appuyer, car il va tout à fait dans le sens des efforts que nous déployons pour assurer une réconciliation pleine et entière.
Le sénateur Plett : Je crois que je vais m’abstenir d’en dire davantage.
Le président : Nous allons mettre l’amendement aux voix. L’honorable sénatrice Clément propose une modification à l’article 3 du projet de loi C-11, soit à la ligne 18 de la page 5. Plaît-il aux honorables sénateurs d’adopter cet amendement?
Des voix : D’accord.
Le président : C’est adopté à l’unanimité.
Nous passons maintenant à l’amendement C11-3-6-8a qui est proposé, si je ne m’abuse, par la sénatrice Dasko.
La sénatrice Dasko : Puis-je vous demander de faire circuler des copies de l’amendement?
Le président : C’est ce qu’on est en train de faire. Chacun en recevra une copie. Sénatrice Dasko, vous pouvez nous lire votre amendement avant que nous en débattions.
La sénatrice Dasko : Je propose :
Que le projet de loi C-11 soit modifié à l’article 3, à la page 6, par adjonction, après la ligne 17, de ce qui suit :
« (3.1) La même loi est modifiée par adjonction, après le sous-alinéa 3(1)d)(iv), de ce qui suit :
(v) refléter les préférences et intérêts de publics variés et y être réceptif; ».
Nous avons amorcé ce dialogue hier en traitant de l’importance des publics dans le contexte de la Loi sur la radiodiffusion. Ce fut une excellente discussion préliminaire, et je veux maintenant proposer un amendement à cet endroit bien précis du projet de loi.
C’est l’article qui traite des objectifs de notre système de radiodiffusion. Dans cette description des objectifs, il est fait grand état de ceux et celles qui produisent du contenu culturel. Il est fait mention des diffuseurs de contenu en ligne et des radiodiffuseurs canadiens. On parle des diverses communautés linguistiques et culturelles, des producteurs indépendants et des talents créatifs, y compris les créateurs de contenu en ligne. Dans les différentes dispositions de ce projet de loi, on tient compte des intérêts de tous ces groupes produisant du contenu.
Je suis tout à fait favorable à ce que ce projet de loi mette ainsi l’accent sur les producteurs de contenu. Je regrette cependant qu’il n’y soit aucunement fait mention des publics, c’est-à-dire des gens qui regardent, écoutent et consomment tous les produits de notre système de radiodiffusion. Il ne fait aucun doute que ce système doit être déployé en tenant aussi compte des publics. Comment pourrions-nous exploiter un système de radiodiffusion sans prendre en considération ce que les gens souhaitent regarder et entendre et sans tenir compte de leur degré d’engagement envers ce système? Je dis simplement que le système de radiodiffusion ne pourrait pas exister sans public.
J’ai pris conscience de cela en entendant le témoignage des créateurs de contenu numérique qui parlent sans cesse de leurs publics, des personnes qui les suivent, les écoutent et les regardent, en insistant sur l’importance que revêtent ces publics à leurs yeux et sur leur crainte que ces publics puissent se retrouver dans une position vulnérable. Je me suis dit que cet amendement pourrait contribuer à les rassurer en leur garantissant que le système de radiodiffusion tient compte des publics qu’il cherche à atteindre.
Mon amendement vise à inscrire la prise en considération des publics parmi les objectifs du système. À mon sens, un système de radiodiffusion sans public, c’est comme un système de transport en commun sans passager. Comment un tel système pourrait-il être viable? C’est la même chose pour la radiodiffusion. J’estime que cet amendement permet d’assurer un juste équilibre à l’intérieur d’un projet de loi se concentrant en grande partie sur les producteurs de contenu. Comme je le disais, je suis favorable à cet accent mis sur les producteurs, mais j’estime que nous devons aussi reconnaître l’importance des publics.
Cet amendement a été proposé par l’ancien président du CRTC, Konrad von Finckenstein. Voici d’ailleurs ce qu’il nous disait le 21 juin dernier :
[...] bien que la loi vise à protéger, promouvoir et favoriser la production de radiodiffusion canadienne [...]
— ces producteurs de contenu dont je parlais —
[...] le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, ou CRTC, ne doit pas oublier que ce sont les consommateurs canadiens qui choisissent ce qu’ils veulent regarder [...] Ce principe devrait être inclus dans l’article 3 de la loi, qui énonce la politique de radiodiffusion du Canada.
Voilà donc les arguments que je souhaitais mettre de l’avant. Il faut noter que cet article utilise la formulation « devrait ». On ne précise aucunement dans quelle mesure les publics doivent être pris en considération, s’il convient de le faire comme ceci comme cela, ou s’il y a lieu de ne pas en tenir compte pour certaines productions. Je sais qu’il est fort possible que l’on soit exposé à certains radiodiffuseurs, sans égard à la place qu’ils occupent au sein du système, qui ne tiennent pas compte des publics. Il ne faut pas en conclure que les considérations relatives aux différents publics doivent être prises en compte dans tous les aspects de la radiodiffusion. Ce n’est pas du tout ce qu’on dit. On dit simplement que les publics font bel et bien partie du système. C’est la façon dont je le perçois, et je pense qu’il est important que nous le reconnaissions tous.
Comme nous le disions l’autre jour, les publics sont mentionnés de façon plutôt ciblée dans certaines parties du projet de loi. Il y a une référence à la mesure de l’audience, une considération sans doute importante aux yeux de certains qui ont cru bon en faire mention dans le projet de loi. On parle des publics visés par la radiodiffusion communautaire en plus d’y faire allusion à quelques autres endroits. Cependant, cette considération primordiale pour notre système n’est pas mentionnée dans l’énoncé de ses objectifs.
C’est donc le but de mon amendement. J’ose espérer que mes collègues verront les choses du même œil et voteront en faveur de l’inclusion de cet aspect dans le projet de loi.
Le président : Merci, sénatrice Dasko. Je pense qu’il s’agit d’un bon amendement, mais j’estime qu’il ne règle le problème qu’à moitié. Nous avons eu l’autre jour un long débat sur la différence entre publics et consommateurs, et vous avez raison. Ce projet de loi ne fait au passage qu’une douzaine d’allusions au concept de « public » sans s’y attarder autant qu’il le devrait. Il n’est question nulle part des consommateurs, des choix des consommateurs ou des publics de consommateurs canadiens. Je pense qu’il y a là une distinction importante à faire. Vous avez tout à fait raison de dire que la Loi sur la radiodiffusion concerne d’abord et avant tout les publics et les consommateurs. Sans consommateur, il n’y a pas de radiodiffusion possible.
Bien évidemment, CBC/Radio-Canada est le seul radiodiffuseur qui se soucie de son public, et pas toujours autant qu’il le devrait. Il faut malheureusement constater que le consommateur qui paie la note n’est absolument pas pris en compte, ce qui me déçoit encore profondément, car je pense que l’on fait ainsi totalement fausse route.
Le terme « public » désigne généralement l’ensemble des spectateurs ou des auditeurs qui assistent à un événement public. C’est la définition que je viens tout juste de trouver dans un moteur de recherche. Pour sa part, le consommateur est la personne qui paye pour recevoir un service.
Je ne sais pas si vous seriez disposée à accepter une modification à votre amendement afin d’atteindre les deux objectifs et de satisfaire aux deux besoins à la fois. On pourrait ainsi remplacer la mention « refléter les préférences et les intérêts des différents publics et en tenir compte » par « refléter les préférences et les intérêts des différents consommateurs et publics et en tenir compte ».
Je crois en effet qu’il y a une distinction primordiale à faire ici et je trouve offensant que les publics de consommateurs qui doivent payer des abonnements pour syntoniser nos chaînes — dans un contexte où le CRTC nous oblige dans bien des cas à nous abonner à certaines chaînes et à payer pour certains services — soient totalement négligés dans ce projet de loi.
Je trouve très difficile dans mon rôle parlementaire censé travailler pour les consommateurs et les contribuables de voir que nous ne cessons pas d’exiger de ces mêmes contribuables, notamment par l’entremise du CRTC et du secteur de la radiodiffusion, qu’ils paient pour certains services. On ne leur demande même pas si ces services leur conviennent. Voilà maintenant que nous nous apprêtons à étendre ces dispositions à une plateforme numérique et personne ne semble vouloir s’en offusquer, si ce n’est de moi-même — catégoriquement, pourrait-on dire — et de quelques-uns de mes collègues, j’ose l’espérer.
Je ne sais pas si vous souhaitez réagir, sénatrice Dasko, ou si vous seriez disposée à ajouter encore un peu de souplesse à votre amendement afin qu’il englobe tout cela.
La sénatrice Dasko : Je ne suis pas vraiment favorable à l’ajout du terme « consommateurs », car je pense qu’il est déjà ici englobé dans le terme « publics ». Les publics sont formés des consommateurs, les clients du système de radiodiffusion. C’est la façon dont je le vois.
Les consommateurs forment une catégorie plus vaste. Je considère que les publics sont le fruit du regroupement des consommateurs dans le contexte précis de la radiodiffusion. Je ne pense pas que l’ajout de ce terme apporterait vraiment quelque chose de plus. Je crois qu’il est important de noter que le terme « consommateurs » n’est pas du tout utilisé dans le projet de loi. C’est par contre le cas du terme « publics » que vous avez recensé à une douzaine d’endroits. J’en ai pour ma part compté moins, mais le fait demeure que c’est un concept qui est déjà utilisé. C’est différent pour la notion de consommateur, et j’estime que nous devrions nous en tenir à la terminologie décrivant les consommateurs dans le contexte particulier de ce système. Pour la radiodiffusion, on parle de « publics ».
Le président : Selon votre propre définition, les publics sont des regroupements de consommateurs, alors pourquoi êtes-vous réticente à l’indiquer expressément dans le projet de loi?
La sénatrice Dasko : C’est simplement que je ne crois pas que ce soit nécessaire.
J’ai pu discuter des répercussions possibles d’une telle mesure avec M. von Finckenstein. J’aimerais que l’on s’en tienne au libellé que j’ai proposé. Je pense qu’il est très bien comme il est. J’estime que la portée de l’amendement convient parfaitement au résultat visé, et je ne vois pas la nécessité d’y ajouter d’autres termes.
Le sénateur Plett : Encore une fois, ma première question sera pour M. Ripley.
A-t-il été question de la prise en compte des préférences et des intérêts des publics lors de la rédaction du projet de loi, et pourquoi ce principe n’a-t-il pas été intégré au projet de loi?
M. Ripley : Merci, sénateur Plett.
Par l’entremise de la présidence, je veux signaler que je suis le débat sur les publics et les publics de consommateurs et, en effet, ces notions ont été prises en compte dans l’élaboration du projet de loi et tout au long du processus.
Le gouvernement est d’avis que, bien que l’utilisation du terme précis « public » soit limitée dans le projet de loi, les intérêts des Canadiens sont bien reflétés dans les objectifs stratégiques de la loi. La terminologie utilisée traite souvent des Canadiens. L’un des exemples que je vous signale est le sous-alinéa 3(1)d)(ii) qui énonce ceci : « une très large programmation qui traduise les attitudes, les opinions, les idées, les valeurs et la créativité artistique canadiennes ».
Il parle également d’« un point de vue canadien ».
L’alinéa suivant fait état des « intérêts de l’ensemble des Canadiens ». Plus loin dans les objectifs stratégiques, au sous-alinéa (i) qui traite de la programmation du système, nous pouvons lire, « être variée et aussi large [...] en offrant « à l’intention de personnes de tous âges, intérêts et goûts une programmation équilibrée [...] ». Ce devrait être « [...] aux sources locales, régionales, nationales et internationales [...] ».
Le gouvernement estime qu’il y a une réflexion sur le fait que le système est là pour nous servir tous et une reconnaissance du fait que nous avons tous une identité et une perspective différentes. Je crois que ce concept est pris en considération dans la loi.
Le sénateur Plett : Nous avons voté contre un amendement semblable il y a quelques jours à peine, et maintenant, l’une des personnes qui a voté contre l’amendement veut qu’il soit placé à un autre endroit.
Néanmoins, à votre avis, que feraient les termes « consommateur » et « public »? Ajouteraient-ils ou enlèveraient-ils quelque chose au projet de loi ou à l’amendement, ou seraient-ils plutôt neutres quant à leur effet dans la version finale du projet de loi?
M. Ripley : Merci, sénateur Plett.
Les objectifs stratégiques de la loi sont les éléments qui guident le CRTC dans sa prise de décision en matière de réglementation. En pratique, lorsque le CRTC prend une décision, elle est prise en fonction de ces objectifs stratégiques. Lorsque les intervenants et les parties intéressées se manifestent, ils avancent des arguments selon lesquels la décision devrait être telle ou telle autre décision, en fonction des objectifs stratégiques de la loi.
Pour répondre à votre question, sénateur Plett, je vous répondrais qu’en insérant le concept de « consommateur » ou de « public », la notion de consommateur a, selon moi, une connotation particulière concernant le coût des services ou les répercussions financières pour le public. Je crois que sans la notion de « consommateur », le concept de « publics variés » est plus vaste.
Le coût des services en est certainement un élément, mais je crois que c’est plus vaste. L’insertion du concept de « consommateur », à mon avis, permet de mettre l’accent sur les répercussions financières pour le public.
Le sénateur Plett : Aux fins du compte rendu, monsieur le président, et pour que nous puissions procéder à un vote, j’aimerais proposer un sous-amendement qui inclurait le terme « consommateur ». Ce serait donc « consommateurs et publics ».
Le président : Ce serait donc « consommateurs et publics variés ».
Le sénateur Plett : Oui.
Le président : Il ne devrait pas être très difficile de préparer rapidement ce sous-amendement. Nous allons poursuivre le débat sur le sous-amendement pendant qu’on le prépare.
La sénatrice Simons : J’ai travaillé dans des radios privées et publiques. J’ai passé à la télévision privée et à la télévision publique, et je pense que c’est une fausse dichotomie de penser que seule la télévision publique a un public et que le secteur privé a des consommateurs.
Tout d’abord, lorsque nous écoutons la radio ou regardons la télévision, nous ne payons pas pour ce service. Il est payé par la publicité. Je pense qu’il est encore plus inquiétant d’insérer ce terme à un moment où nous nous éloignons des modèles fondés sur l’abonnement.
Personne sur TikTok ou YouTube ne paie pour voir ce qu’il voit, à l’exception de quelques-uns — sur YouTube, je pense qu’il y a des services d’abonnement très particuliers. Mais de façon générale, le modèle de consommation avec lequel nous avons tous grandi s’évapore sous nos yeux. Je pense que l’expression — sans vouloir insulter tous ceux qui sont dans cette salle — est dépassée et n’est plus courante. Je pense aussi, et c’est peut-être plus un point de vue philosophique, que nous consommons quelque chose et nous sommes reconnaissants en tant que public de ce que nous voyons, entendons et lisons. Pour moi, le terme « consommateur » est un peu dévalorisant pour l’expérience du public, que vous écoutiez de la musique ou regardiez un film, une vidéo sur TikTok ou sur Instagram. Vous ne consommez pas. C’est une métaphore tellement animale. Je pense que le terme « public » reflète à la fois mieux la façon dont les gens regardent et absorbent le divertissement et les informations de nos jours. Il ne va pas non plus se démoder et sembler être un terme archaïque dans cinq ans.
Je vais voter contre le sous-amendement.
La sénatrice Wallin : J’aimerais revenir sur quelques-unes des observations que M. Ripley a formulées. Vous avez décrit cet amendement, avant le sous-amendement, comme un guide pour le CRTC sur le plan de la réglementation, afin que les décisions soient prises pour tenir compte des intervenants, notamment, et que, d’une certaine manière, le terme « consommateur » ait une connotation financière. Mais en fait, les changements qui sont apportés ici dans ce projet de loi visent à englober un secteur tout à fait nouveau et différent. Il s’agit d’extraire de l’argent de ce secteur pour compenser ou subventionner d’autres parties du secteur.
Je ne sais pas pourquoi la question financière est acceptable lorsqu’il en est question ici, mais pour une raison ou une autre, elle devient une infraction lorsque nous parlons de public ou de consommateur.
M. Ripley : Merci, sénatrice Wallin. Je ne crois pas avoir porté de jugement sur le sujet. Je faisais simplement une observation sur le changement de connotation que l’insertion de ce mot entraînerait, ce qui était la question du sénateur Plett. Toutefois, j’ai essayé de ne pas porter de jugement dans un sens ou dans l’autre.
La sénatrice Wallin : Mais quelle est la « connotation » de mentionner l’argent ou le consommateur? Quel est l’aspect négatif?
M. Ripley : L’argument que j’essayais de faire valoir, c’est que, du moins pour moi — et nous pouvons chercher une définition du terme « consommateur », mais je pense que la sénatrice Simons a fourni une bonne explication —, la notion de « consommateur » a l’idée d’une transaction ou d’une personne qui consomme quelque chose. Souvent, nous payons pour quelque chose, mais il y a d’autres options. C’est ce que j’essayais de faire valoir. En insérant ce terme, à mon avis, on restreint la notion de publics en mettant l’accent sur ce point particulier.
Encore une fois, pour revenir à mon premier point, j’essayais simplement de le porter à l’attention de la sénatrice. Je ne portais pas de jugement, dans un sens comme dans l’autre.
La sénatrice Wallin : Mais ce n’est pas « consommateur » au lieu de « public ». Nous adoptons de nouvelles technologies et plateformes pour lesquelles le terme « consommateur » est en fait très pertinent à leur fonctionnement. C’est pourquoi j’ai du mal à comprendre pourquoi il y a une résistance à ce concept ou peut-être même une décision délibérée de le laisser de côté alors qu’en fait, il décrit exactement la relation avec les nouveaux participants qui sont maintenant inclus dans le cadre.
M. Ripley : Merci, sénatrice Wallin. Pour résumer, j’essaie de faire comprendre que je crois qu’il y a de nombreux endroits dans les objectifs stratégiques actuels de la loi qui traitent des intérêts des Canadiens. Je crois que les Canadiens sont reflétés dans les objectifs stratégiques de la loi. Je crois que l’amendement proposé vise à introduire de façon explicite un objectif stratégique concernant les préférences et les intérêts de divers publics. Cela aurait pour effet, à mesure que le CRTC s’engage dans les processus réglementaires, de donner l’occasion aux parties intéressées de présenter des arguments sur la façon dont cela devrait être pris en compte dans les diverses décisions en matière de réglementation.
Je crois savoir que le débat actuel porte sur la possibilité d’y insérer la notion de « consommateur ». Tout ce que j’essayais de dire, c’est que, à mon sens, ce terme ajoute une connotation particulière. Je ne veux certainement pas parler de la motivation du sénateur Plett, mais je crois que l’objectif de l’amendement qu’il propose est d’obliger le CRTC à tenir compte des intérêts des consommateurs dans le cadre de son processus décisionnel.
Le président : J’aimerais souligner quelques idées importantes. Je vais lire un passage tiré du site Web des instructions et des objectifs clés de Patrimoine canadien :
Dans l’exercice des pouvoirs et fonctions que lui confère la Loi sur les télécommunications, le Conseil met en œuvre la politique canadienne de télécommunication énoncée à l’article 7 de cette loi selon les principes suivants :
a) il devrait examiner comment ses décisions peuvent promouvoir la concurrence, l’abordabilité, les intérêts des consommateurs et l’innovation, en particulier la mesure dans laquelle elles :
(i) encouragent toutes formes de concurrence et d’investissement,
(ii) favorisent l’abordabilité et des prix plus bas, notamment lorsque les fournisseurs de services de télécommunications exercent un pouvoir de marché [...]
On continue à parler des intérêts des consommateurs sur ce site particulier.
D’après ce que j’ai compris à plusieurs reprises, le gouvernement a dit qu’il avait une nouvelle approche. Il l’a dit publiquement, mais pas dans le projet de loi. Encore une fois, cela semble être le réflexe de dire de nous faire confiance pour faire demain ce que nous ne sommes pas prêts à faire aujourd’hui, et je m’en tiens à cette position. Dans la politique des télécommunications, le gouvernement a expressément fait référence aux intérêts des consommateurs.
Je ne vois pas pourquoi on hésite à élargir le terme. Avec tout le respect que je vous dois, sénatrice Simons, le terme « consommateur » n’est pas archaïque et dépassé. Vous avez raison, vous ne payez pas encore pour le service de TikTok ou de YouTube, mais vous payez certainement lorsque vous faites de la diffusion en continu sur Netflix ou que vous commandez sur Disney+ ou sur Crave. Je pourrais continuer ainsi longtemps. Il y a une grande crainte que tous les consommateurs canadiens paieront beaucoup plus une fois que le CRTC aura exigé que ces diffuseurs et plateformes particuliers commencent à payer leur juste part, et nous sommes tous d’accord pour que cela se concrétise. Ce que cela signifie — à savoir qu’ils paient leur juste part —, c’est que le consommateur sera celui qui assumera ce fardeau. C’est ainsi que cela fonctionne. Je ne pense pas que ce soit étranger à ceux d’entre nous qui comprennent comment fonctionne le marché de la consommation. En 2022, ce n’est pas moins archaïque. Non seulement ce n’est pas archaïque, mais si ce n’était pas les consommateurs, par exemple, le gouvernement ne percevrait pas les taxes qu’il perçoit depuis quelques semaines alors que nous subissons l’inflation à la pompe et à la caisse chaque fois que nous achetons des biens et des services.
Ce n’est pas un débat philosophique. C’est un débat pratique. Je crois que nous avons affaire aux consommateurs, et pas seulement à un public qui n’est pas un consommateur. Je crois que l’amendement que le sénateur Plett propose ne fait que renforcer ce fait.
D’abord et avant tout, je tiens à répéter que ce sous-amendement n’enlève rien aux objectifs que la sénatrice Dasko vise avec cette disposition particulière. Si nous n’acceptons pas le sous-amendement, il ne fera que la restreindre et l’affaiblir et, encore une fois, il n’y aura aucune mention des consommateurs dans ce projet de loi visant à réformer la loi sur la radiodiffusion.
Le sénateur Klyne : Je ne veux pas que ce débat s’éternise. Je veux simplement poursuivre dans la même voie que la sénatrice Simons nous a entraînés. Le contenu, peu importe sa forme, qu’il soit attrayant, instructif et divertissant sur n’importe quelle plateforme, qu’il soit gratuit ou payant, crée des publics. Ces publics sont monétisés et loués à des annonceurs qui contribuent à payer pour tout ce contenu. Le contenu est la marchandise.
Les publics écoutent, regardent ou lisent du contenu, mais ce sont des auditoires. Ils s’abonnent à ces plateformes. Le contenu peut être gratuit ou payant, mais ce sont ces publics qui sont monétisés, loués aux annonceurs. C’est le modèle simple de tout cela.
Qu’il s’agisse d’arts de la scène, de journalisme, d’un livre relié ou d’une lecture numérique, il s’agit d’un contenu, et les annonceurs paient pour l’obtenir ou l’ont gratuitement. Cela n’a pas d’importance. C’est le modèle simple de tout cela.
La sénatrice Clement : J’ai une question à propos du sous-amendement et de l’amendement. Je vais l’adresser à M. Ripley, et la sénatrice Dasko voudra sans doute formuler des observations.
J’ai dit à cette table du comité que je m’inquiète de voir le public créer ses propres expériences d’écoute confortables, et je suis quelqu’un qui croit à la perturbation. Je veux savoir, monsieur Ripley, si vous avez dit que l’ajout du terme « consommateur » rendrait la définition moins vaste et si cela vous préoccupe. J’aimerais que vous précisiez ce point et que vous répondiez peut-être ensuite à la question de savoir si cet amendement, de façon générale, empêcherait la perturbation positive des expériences d’écoute confortables.
M. Ripley : Merci de la question. J’ai eu l’occasion d’examiner la définition du terme « consommateur », qui désigne une personne qui achète des biens et des services pour son usage personnel. C’est une définition.
Le point que j’essayais de faire valoir, c’est que l’amendement, tel qu’il est présenté à l’heure actuelle, se lit comme suit: « refléter les préférences et les intérêts des différents publics et en tenir compte ». Le libellé « les préférences et les intérêts des différents publics » inclurait les préoccupations ou les intérêts des consommateurs, mais dans mon esprit, j’ai compris qu’il était plus vaste et qu’il pourrait inclure d’autres intérêts et préférences de publics qui ne sont pas liés aux préoccupations des consommateurs.
Je crois que l’amendement du sénateur Plett vise en fait à inclure « les consommateurs et les publics », mais mon observation portait sur la notion de publics de consommateurs. En qualifiant la notion de « publics », je pense simplement que, du point de vue de l’interprétation, cela met l’accent sur l’idée de la façon dont le terme « public » devrait être compris.
Pour répondre à votre deuxième question, je dirais que cet amendement est proposé dans la section des objectifs stratégiques qui traite de ce que le système de radiodiffusion canadien devrait faire. En incluant ce genre d’amendement, au final, les intervenants — et je soupçonne que ce seront surtout les services de radiodiffusion qui se manifesteront — auront l’occasion de parler de la nécessité d’un cadre qui leur permette de lancer de nouveaux services qui répondent aux attentes et aux intérêts du public. C’est donc le genre d’argument que vous pourriez entendre durant les audiences sur la réglementation du CRTC.
La sénatrice Clement : Cela n’empêcherait donc pas le travail que le projet de loi C-11 tente de faire ailleurs dans la loi?
M. Ripley : Non. Il y a de nombreux objectifs stratégiques différents, comme le comité du Sénat le sait. Cette mesure en insérerait un nouveau qui, de mon point de vue, revêt une importance particulière.
Encore une fois, j’ai essayé de vous donner une idée de la façon dont les intervenants — à mon avis, il s’agirait probablement de services de radiodiffusion qui plaideraient pour un type particulier de contexte réglementaire pour s’assurer que leurs services peuvent continuer de répondre aux besoins et aux intérêts du public.
La sénatrice Wallin : Je ne sais pas comment poser cette question autrement; j’ai essayé trois ou quatre fois. Quel est le problème de faire référence aux consommateurs dans ce projet de loi, monsieur Ripley?
M. Ripley : Merci, sénatrice Wallin. Je n’ai pas dit qu’il y avait un projet. Je crois avoir dit que cela a une incidence, notamment...
La sénatrice Wallin : Arrêtons-nous là. Quelle est cette incidence qui serait problématique?
M. Ripley : L’incidence serait qu’on mentionnerait précisément dans les objectifs stratégiques que le CRTC serait censé examiner cela dans le cadre de son processus décisionnel. Les intérêts des consommateurs sont déjà des éléments que le CRTC prend en considération dans ses décisions en matière de réglementation.
La sénatrice Wallin : Et quel est le problème avec cette mention alors?
M. Ripley : Encore une fois, je crois que c’est au comité de décider s’il faut le mentionner ou non. Si le comité décidait d’adopter ce sous-amendement et d’y faire référence, cela renforcerait ou soulignerait l’importance pour le CRTC de tenir compte des intérêts des consommateurs dans son processus décisionnel.
Le sénateur Plett : Plus tôt en soirée, nous avons adopté deux amendements pour lesquels on a soulevé un argument très similaire : le changement n’est peut-être pas nécessaire, mais il ne pourrait pas faire de mal. J’avancerais le même argument dans ce cas.
Personne n’a avancé d’arguments voulant que cet amendement soit néfaste. Certains ont dit qu’il n’est pas nécessaire, certes, mais pas qu’il est néfaste. La sénatrice Wallin tente de déterminer ce qui pose problème précisément, et on ne trouve pas réponse à la question.
Je n’ai rien à ajouter, monsieur le président, je ne pourrais être plus heureux et je suis prêt à passer au vote.
Le président : Votre bonheur m’importe beaucoup, mais deux autres sénateurs veulent intervenir.
Le sénateur Plett : Et je serai heureux de les écouter.
La sénatrice Dasko : J’aimerais revenir aux commentaires de la sénatrice Clement sur les publics restreints. Je pense qu’on trouve toutes sortes de publics au Canada. Certains rassemblent de nombreuses personnes. Les amateurs qui regardent une partie des Maple Leafs ou qui suivent les Jeux olympiques peuvent être nombreux. Ils forment de vastes publics. D’autres publics sont plus petits et appartiennent à un créneau. Un public peut être temporaire ou permanent. Il existe différentes façons de décrire les publics.
Je ne comprends pas tout à fait l’enjeu. Il peut y avoir des publics restreints, par exemple un petit groupe qui regarde immanquablement les épisodes d’émissions comme Highway Thru Hell. Un grand nombre de gars regardent ce type d’émissions. Je crois qu’on pourrait les qualifier de publics appartenant à un créneau. Ces publics s’avèrent peut-être très restreints. Deux membres de ce public se trouvent ici même. Il s’agit d’un public restreint formé de gars — je suis persuadée que ce sont tous des hommes — qui regardent des émissions où des camions dégringolent la falaise de la rivière Coquihalla. Il s’agit probablement d’un public restreint.
J’essaie de communiquer qu’on peut qualifier les publics de toutes sortes de façons, et on ne pourrait jamais caractériser chaque public de petit groupe fermé, si c’est ce que vous sous-entendiez.
La sénatrice Wallin : Des vases clos. Des vases clos restreints.
La sénatrice Dasko : Certains publics seraient en vase clos alors que d’autres seraient tout le contraire, comme les téléspectateurs qui regardent les Jeux olympiques. Un groupe de personnes regardent les différentes compétitions de façon intermittente, et le public varie constamment.
Le sénateur Manning : J’écoute notre débat et nos échanges, que je trouve fascinants. En ce qui concerne les termes « consommateur » et « public », ou « consommateur » par opposition à « public », je trouve que — à tout le moins dans le monde où je vis — nous sommes tous des consommateurs. Je ne connais personne au Canada qui regarde la télévision sans payer le service d’une façon ou d’une autre, qu’il s’agisse de Rogers, Netflix, Disney+, Crave ou une autre plateforme. Il y a toujours un coût à payer.
Dans le monde où je vis, si on paie un service, même s’il s’agit de Rogers ou Bell, on l’obtient instantanément. Pas plus tard que la semaine dernière, je me renseignais sur un service pour mon domicile, et j’ai vu qu’il existe des forfaits pour le téléphone, pour Internet, etc. Quoi qu’il en soit, une transaction a lieu entre le consommateur — moi — et la personne qui me fournit le service. On ne peut donc pas prétendre qu’il n’y a pas de transactions. Pour prendre part à ce système, il faut ouvrir son portefeuille.
Si j’ai bien compris M. Ripley, l’ajout du mot « consommateur » renforcerait le rôle du CRTC pour les décisions liées aux intérêts des consommateurs. Le CRTC tiendrait compte des intérêts des consommateurs dans ses discussions, ses débats et ses décisions. On pourrait croire que c’est la bonne chose à faire. Si le CRTC prend une décision concernant les publics composés de consommateurs, ce texte de loi ne minera pas la prise de décision, bien au contraire : il la renforcera. On est porté à croire que ce serait bénéfique pour le consommateur.
Bien que l’amendement de la sénatrice Dasko me convienne tout à fait dans sa forme actuelle, je crois que l’ajout du mot « consommateur », comme le propose le sénateur Plett, l’étofferait en quelque sorte. Si je me fie à la réponse de M. Ripley à la question de la sénatrice Wallin, je conclus que cet ajout n’édulcorerait pas le texte de loi ou n’irait pas à l’encontre de son intention. À long terme, je crois que l’ajout pourrait avantager les consommateurs qui paient un service, peu importe où ils se trouvent au pays et peu importe le service choisi. Je le répète : à l’heure actuelle, on paie déjà les services, quels qu’ils soient. Personne ne regarde la télévision dans son salon sans avoir payé une facture à un moment ou un autre. Il faut payer. Si on omet de payer ses factures de Rogers, on ne peut regarder la télévision, ou on se limite à un seul poste. Voilà mon avis, monsieur le président.
[Français]
Le sénateur Cormier : Je ne commenterai pas le sous-amendement, car je suis d’accord avec les commentaires de la sénatrice Simons sur la dimension de consommation des œuvres.
J’ai une question pour M. Ripley sur l’amendement. Est-ce que je peux poser une question sur l’amendement, même s’il y a un sous-amendement?
Le président : Pour l’instant, on en est seulement au sous-amendement; on reviendra sur l’amendement après.
Le sénateur Cormier : Je vais attendre.
La sénatrice Miville-Dechêne : J’aimerais également faire un bref commentaire sur l’amendement de la sénatrice Dasko.
Le président : Nous discutons actuellement du sous-amendement. Nous reviendrons à l’amendement après.
La sénatrice Miville-Dechêne : Donc, je ne suis pas d’accord avec l’amendement, mais cela a peu d’importance.
Le président : On va vous inscrire sur la liste pour le débat sur l’amendement.
[Traduction]
J’ai un commentaire très bref sur le sous-amendement, encore une fois, chers collègues. Ce que j’ai lu tout à l’heure portait très précisément sur les droits des consommateurs, qui figurent dans la Loi sur les télécommunications. Dans cette loi, on n’hésite manifestement pas à nommer les intérêts des consommateurs. Nous savons que le CRTC, parmi ses nombreux objectifs, est censé prendre en considération les intérêts des consommateurs. Selon moi, le mot « publics » dénote une grande passivité. Le mot « consommateur » est un mot très actif.
Je suis d’accord avec la sénatrice Dasko qui nous rappelle qu’il existe toutes sortes de publics. Je suis d’accord avec vous. Il existe des publics racisés, francophones, anglophones, et des publics qui consomment du contenu sans frais et de toutes sortes. On peut trouver des services gratuits et d’autres payants. Il n’en demeure pas moins que des consommateurs sont des consommateurs, soit des personnes qui paient un service. Au bout du compte, nous ne devrions pas résister à les inclure.
Je ne comprends pas la forte propension à résister à... Nous sommes prêts à inclure tous les groupes imaginables dans la loi afin de n’oublier personne, mais nous ne sommes pas prêts à inclure les consommateurs qui englobent tout le monde. Je ne comprends pas la farouche hésitation à ajouter un groupe qui, à mon humble avis, devrait représenter notre priorité.
Sénateur Klyne, vous semblez être celui qui aura le mot de la fin pour ce sous-amendement.
Le sénateur Klyne : Des millions de publics visionnent gratuitement du contenu généré par les utilisateurs et sont donc exclus de votre définition de « consommateur ». Ils forment un public.
La sénatrice Wallin : [Difficultés techniques]
Le sénateur Klyne : Un téléphone vous suffit pour télécharger une appli et regarder ce que bon vous semble.
Le président : Mais il faut payer ce service. Il n’est pas gratuit.
Le sénateur Klyne : Aux yeux de mon petit-fils de 14 ans, il l’est. Les millions de publics qui visionnent du contenu généré par les utilisateurs gratuitement sont bel et bien des publics. Ils se font monétiser par des annonceurs qui déboursent des sommes pour ces publics. Merci. Je n’ai rien à ajouter.
Le président : Au sujet du sous-amendement, l’honorable sénateur Plett propose :
Que la motion d’amendement soit modifiée par adjonction, après les mots « intérêts de », de ce qui suit : « consommateurs et de ».
Le sénateur Plett propose que l’amendement proposé par la sénatrice Dasko à l’article 3, à la page 6, soit modifié par adjonction, après le mot « de », de ce qui suit : « consommateurs et de ». Puisque « consommateurs/publics » n’est pas un terme juridique, le libellé définitif se lirait « de consommateurs et de publics ».
Le sous-amendement est-il adopté?
Des voix : Oui.
Des voix : Non.
Le président : À mon avis, les non l’emportent.
Le sénateur Plett : Je crois que nous allons demander un vote par appel nominal.
Le président : Le sénateur Plett demande un vote par appel nominal.
[Français]
M. Labrosse : L’honorable sénateur Housakos?
Le sénateur Housakos : Oui.
M. Labrosse : L’honorable sénatrice Clement?
La sénatrice Clement : Non.
M. Labrosse : L’honorable sénateur Cormier?
Le sénateur Cormier : Non.
M. Labrosse : L’honorable sénatrice Dasko?
La sénatrice Dasko : Non.
M. Labrosse : L’honorable sénateur Dawson?
Le sénateur Dawson : Non.
M. Labrosse : L’honorable sénateur Gold, c.p.?
Le sénateur Gold : Non.
M. Labrosse : L’honorable sénateur Klyne?
Le sénateur Klyne : Non.
M. Labrosse : L’honorable sénateur Manning?
Le sénateur Manning : Oui.
M. Labrosse : L’honorable sénatrice Miville-Dechêne?
La sénatrice Miville-Dechêne : Non.
M. Labrosse : L’honorable sénateur Plett?
Le sénateur Plett : Oui.
M. Labrosse : L’honorable sénateur Quinn?
Le sénateur Quinn : Oui.
M. Labrosse : L’honorable sénatrice Simons?
La sénatrice Simons : Non.
M. Labrosse : L’honorable sénatrice Sorensen?
La sénatrice Sorensen : Abstention.
M. Labrosse : L’honorable sénatrice Wallin?
La sénatrice Wallin : Oui.
M. Labrosse : Pour : 5; contre : 8; abstention : 1.
[Traduction]
Le président : Le sous-amendement est donc rejeté.
Nous revenons donc à l’amendement principal.
[Français]
Le sénateur Cormier : J’aurais une question pour M. Ripley au sujet du contenu de l’amendement de la sénatrice Dasko.
Comment cet amendement s’harmonisera-t-il avec le concept de découvrabilité inscrit dans le projet de loi?
M. Ripley : Merci de la question, sénateur.
Cela donnera une occasion aux intervenants de soulever des arguments dans le contexte des décisions réglementaires sur la découvrabilité, comme dire par exemple que c’est dans l’intérêt du public d’avoir accès à certains systèmes de recommandation qui répondent à leurs intérêts.
Cela crée assurément un objectif de politique qui pourrait tenir compte du contexte d’une décision réglementaire sur la découvrabilité. Ce sera ouvert aux intervenants, aux services de radiodiffusion et aux médias sociaux, mais aussi aux intervenants culturels, qui pourront soulever des arguments selon lesquels telle décision reflétera mieux les intérêts et préférences d’un public varié. Ce sera difficile de prévoir les arguments qui pourraient être soulevés dans ce contexte, mais vous avez raison : selon moi, il y a un lien entre cet objectif de politique et cette question.
Le sénateur Cormier : Merci.
La sénatrice Miville-Dechêne : J’ai des réserves face à l’amendement de ma chère collègue Donna Dasko, parce que quand on regarde les plateformes et les nouvelles façons de consommer de la culture, les plateformes ne font justement que refléter les préférences du public, des auditoires; je ne vois pas en quoi le fait de refléter cela dans une loi qui tente de faire la promotion du contenu canadien, québécois et autochtone... Je ne vois pas en quoi cette phrase ajoute quoi que ce soit, puisque tout le système de plateforme où les gens peuvent choisir ce qu’ils veulent entendre existe déjà. Bien sûr, il y aura la recommandation et la découvrabilité, mais je comprends que le client sera toujours libre de décider s’il écoute ou non ce qu’on lui propose et qu’on lui recommande.
Je ne pense donc pas voter pour cet amendement.
[Traduction]
Le président : Je vous remercie de vos interventions, chers collègues. Je vais mettre l’amendement initial aux voix. L’honorable sénatrice Dasko propose :
Que le projet de loi C-11 soit modifié à l’article 3, à la page 6, par adjonction, après la ligne 17, de ce qui suit :
« (3.1) La même loi est modifiée par adjonction, après le sous-alinéa 3(1)d)(iv), de ce qui suit :
(v) refléter les préférences et intérêts de publics variés et y être réceptif; ».
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter cette motion d’amendement?
Des voix : Oui.
Des voix : Non.
Le sénateur Plett : J’aimerais un vote par appel nominal, monsieur le président. Je veux savoir si vous l’appuyez.
[Français]
M. Labrosse : L’honorable sénateur Housakos?
Le sénateur Housakos : Non.
M. Labrosse : L’honorable sénatrice Clement?
La sénatrice Clement : Non.
M. Labrosse : L’honorable sénateur Cormier?
Le sénateur Cormier : Non.
M. Labrosse : L’honorable sénatrice Dasko?
La sénatrice Dasko : Oui.
M. Labrosse : L’honorable sénateur Dawson?
Le sénateur Dawson : Oui.
M. Labrosse : L’honorable sénateur Gold, c.p.?
Le sénateur Gold : Oui.
M. Labrosse : L’honorable sénateur Klyne?
Le sénateur Klyne : Oui.
M. Labrosse : L’honorable sénateur Manning?
Le sénateur Manning : Non.
M. Labrosse : L’honorable sénatrice Miville-Dechêne?
La sénatrice Miville-Dechêne : Non.
M. Labrosse : L’honorable sénateur Plett?
Le sénateur Plett : Non.
M. Labrosse : L’honorable sénateur Quinn?
Le sénateur Quinn : Oui.
M. Labrosse : L’honorable sénatrice Simons?
La sénatrice Simons : Oui.
M. Labrosse : L’honorable sénatrice Sorensen?
La sénatrice Sorensen : Oui.
M. Labrosse : L’honorable sénatrice Wallin?
La sénatrice Wallin : Oui.
M. Labrosse : Pour : 8; contre : 6; abstention : aucune.
[Traduction]
Le président : Par conséquent, l’amendement est adopté. Merci, chers collègues.
Nous poursuivons l’étude article par article du projet de loi C-11. Nous sommes rendus à l’article 3. J’aimerais qu’on me trouve le prochain amendement. Je crois que c’est celui de la sénatrice Wallin. Est-ce l’ordre que vous avez?
La sénatrice Wallin : Je pense que c’est exact.
Le président : Je vais d’abord vous laisser lire votre amendement et le déposer, puis nous entamerons le processus.
La sénatrice Wallin : Honorables sénateurs, je propose :
Que le projet de loi C-11 soit modifié à l’article 3, à la page 6, par adjonction, après la ligne 17, de ce qui suit :
« (3.1) L’alinéa 3(1)d) de la même loi est modifié par adjonction, après le sous-alinéa (iv), de ce qui suit :
(v) veiller à la liberté d’expression et à l’indépendance en matière de journalisme. ».
Est-ce que tout le monde me suit? Il y a peut-être eu des changements en raison d’un autre amendement au même endroit, alors j’imagine que mon amendement serait inséré après l’autre. Je ne sais pas s’il s’agit toujours du sous-alinéa (v) ou s’il faut l’appeler autrement.
Je vais quelque peu expliquer cet amendement. Il ajouterait à la fin de l’alinéa 3(1)a) une disposition énonçant essentiellement que le système de radiodiffusion fédéral au Canada devrait veiller à la liberté d’expression et à l’indépendance en matière de journalisme. L’amendement est conforme au libellé qu’on retrouve dans tout le projet de loi et au début de l’article 3, à l’article 4.2 et à l’article 10.1. À mon avis, l’amendement fournira la garantie supplémentaire nécessaire pour veiller à ce les créateurs de contenu actuels et futurs ne seront d’aucune façon censurés par la Loi sur la radiodiffusion.
La question qu’on peut se poser est la suivante : pourquoi ai-je décidé de proposer l’amendement à cet endroit alors qu’on aborde le thème plus tôt dans l’article? En jetant un coup d’œil à l’article 3 de la loi, on remarque qu’il s’applique à l’intégralité de la loi, mais pas à notre système fédéral de radiodiffusion. On fait une distinction entre la Loi sur la radiodiffusion et le système de radiodiffusion en particulier. La distinction importe grandement, et je crois qu’il faut la souligner en incluant l’amendement aux deux endroits.
Des voix : Question.
La sénatrice Wallin : Il n’y croit pas, voilà tout.
Le président : Je veux simplement permettre au leader du gouvernement d’interrompre la discussion s’il le désire. Il a affiché un air inquiet. Voulez-vous intervenir, monsieur le leader du gouvernement, ou devrions-nous poursuivre la discussion?
Le sénateur Gold : Je vous suis reconnaissant de votre indulgence, mais je tentais simplement d’obtenir une précision.
Le président : Devrais-je mettre l’amendement aux voix? Allez-y, sénatrice Dasko.
La sénatrice Dasko : Le sous-alinéa (v), je crois l’avoir déjà...
La sénatrice Wallin : Oui, il faut le renommer.
La sénatrice Dasko : D’accord. Excusez-moi. Merci.
Le président : L’honorable sénatrice Wallin a proposé que le projet de loi C-11 soit modifié à l’article 3, à la page 6, à la ligne 17... Puis-je me dispenser de lire la suite?
Des voix : Oui.
Le président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion d’amendement?
Des voix : Oui.
Le président : L’amendement est adopté à l’unanimité. Félicitations.
La sénatrice Wallin : Merci.
Le président : Merci, chers collègues. Nous allons poursuivre, mais avant, je vais donner au greffier quelques secondes pour enregistrer l’amendement.
J’ai ici un amendement du sénateur Manning, je crois, ou du sénateur Plett? Désolé, je n’ai pas la bonne information.
[Français]
Sénateur Cormier, vous avez la parole. L’amendement est en train d’être distribué.
Le sénateur Cormier : Je vais faire ma présentation en français; je remercie les interprètes de leur précieuse collaboration.
Je propose l’amendement suivant :
Que le projet de loi C-11 soit modifié à l’article 3, à la page 6, par substitution, aux lignes 20 à 39, de ce qui suit :
« f) les entreprises de radiodiffusion sont tenues de faire appel au maximum, et dans tous les cas au moins de manière prédominante, aux ressources — créatrices et autres — canadiennes pour la création, la production et la présentation de leur programmation canadienne à moins qu’une telle pratique ne s’avère difficilement réalisable en raison de la nature des entreprises, auquel cas elles devront faire appel le plus possible aux ressources en question dans la mesure où il est réalisable et convenable de le faire;
f.1) les entreprises de radiodiffusion sont tenues de contribuer fortement, de façon équitable, à la création, à la production et à la présentation de programmation canadienne; ».
Mes justifications pour présenter cet amendement sont les suivantes.
Le projet de loi vise à inclure les entreprises en ligne étrangères à notre système canadien de radiodiffusion et à assurer une forme d’équité entre ces entreprises et les entreprises canadiennes.
Or, à mon point de vue, les alinéas 3(1)f) et 3(1)f.1) lancent un signe contraire.
Le traitement différencié entre les entreprises en ligne étrangères et les entreprises canadiennes, tel qu’il apparaît actuellement dans le projet de loi aux alinéas 3(1)f) et 3(1)f.1), pourrait entraîner une réduction des exigences pour les entreprises en ligne étrangères en ce qui concerne les dépenses en émissions canadiennes et l’utilisation de la main-d’œuvre canadienne, par exemple. Par ailleurs, les alinéas 3(1)f) et 3(1)f.1) sont les seuls endroits dans le projet de loi où une différence de traitement est prévue entre les entreprises en ligne, les entreprises canadiennes et les entreprises en ligne étrangères.
Il y a un autre élément très important : l’alinéa 3(1)f.1) tel qu’il figure dans le projet de loi ne précise pas que l’utilisation des ressources humaines canadiennes des entreprises en ligne étrangères fait référence à la programmation canadienne, ce qui laisse croire que l’utilisation des ressources humaines fait référence à toute la programmation des entreprises en ligne étrangères.
L’amendement que je propose aujourd’hui vient rétablir la situation, car il indique clairement que les critères d’utilisation des ressources humaines canadiennes et de contribution à la création, à la production et à la présentation visent la programmation canadienne, et non l’ensemble de la programmation. Il rend uniformes les critères d’utilisation des ressources canadiennes et de contribution à la création, à la production et à la présentation entre les entreprises canadiennes et en ligne étrangères. L’amendement que je propose à l’alinéa 3(1)f) offre de la flexibilité dans les options d’utilisation des ressources canadiennes en fonction de la nature de l’entreprise.
L’alinéa 3(1)f) précise bien que les entreprises de radiodiffusion sont tenues de faire appel aux ressources canadiennes au maximum et dans tous les cas de manière prédominante, à moins qu’une telle pratique ne s’avère difficilement réalisable en raison de la nature de l’entreprise. Dans ce cas-ci, quand on parle de la nature de l’entreprise, on parle des entreprises en ligne, des entreprises traditionnelles de radio et de télévision. Dans ce cas, les entreprises devront faire appel aux ressources canadiennes le plus possible dans la mesure où il est réalisable et convenable de le faire. L’amendement propose donc d’assurer une flexibilité dans les options d’utilisation.
L’alinéa 3(1)f.1) traite de la contribution à la création, à la production et à la présentation de programmation canadienne selon le critère qui dit que les entreprises doivent « contribuer fortement, de façon équitable », puisque c’est l’un des objectifs du projet de loi.
Les critères utilisés dans ces deux alinéas offrent une latitude d’interprétation au CRTC, ce qui est cohérent avec l’esprit de la loi.
Je dirais que cet amendement est soutenu par 49 organisations de professionnels francophones et anglophones du secteur culturel partout au Canada, comme des membres de la Coalition pour la diversité des expressions culturelles et plusieurs autres, comme le Fonds canadien pour l’écran indépendant (FCEI) destiné aux créateurs et créatrices afrodescendant(es) et racisé(es), la Saskatchewan Media Production Industry Association, le Bureau de l’écran autochtone, l’Alberta Media Production Industries Association, la Film Producers Association of Newfoundland.
Je conclurai en disant que je suis convaincu que cet amendement, qui cherche à atteindre un équilibre, est raisonnable et aura des effets bénéfiques sur l’emploi des artistes et des travailleurs du secteur culturel au Canada. De plus, la présence de travailleurs canadiens dans cet écosystème aide à assurer la diversité des expressions culturelles et offre une vision canadienne au sein même de la programmation de contenu canadien faite par les entreprises en ligne étrangères.
[Traduction]
Le sénateur Gold : Le gouvernement ne peut pas appuyer cet amendement, et j’expliquerai brièvement mon raisonnement. Comme vous le voyez dans l’article du projet de loi lui-même, les dispositions régissant l’utilisation des ressources canadiennes sont divisées en deux catégories, soit les radiodiffuseurs canadiens et les radiodiffuseurs étrangers. Dans le contexte de ce projet de loi, nous avons affaire à de grandes sociétés multinationales, et nous devons reconnaître la réalité, à savoir que les acteurs étrangers qui ont des activités au Canada ont des modèles d’affaires mondiaux. De l’avis du gouvernement, il n’est tout simplement pas réaliste de s’attendre à ce que les radiodiffuseurs étrangers qui évoluent dans le marché mondial soient assujettis aux mêmes dispositions que les radiodiffuseurs canadiens, malgré la souplesse offerte par le sénateur Cormier dans le libellé de son amendement.
On m’a également informé que le ministre a fait remarquer publiquement — ou du moins je le dis publiquement ici — que les modifications proposées poseraient gravement problème à nos partenaires commerciaux si elles étaient adoptées. À cet égard, je pourrais demander aux fonctionnaires de donner des précisions sur le risque que certaines entreprises étrangères contestent ces dispositions aux termes de nos accords commerciaux, notamment l’ACEUM. Pourriez-vous commenter, monsieur Ripley?
M. Ripley : Je vous remercie beaucoup de cette question, sénateur Gold. Par votre intermédiaire, monsieur le président, je dirais que le gouvernement a gardé à l’esprit ses obligations commerciales tout au long du processus d’élaboration du projet de loi. Nous en avons parlé, et nous avons souligné en particulier l’importance de veiller au caractère non discriminatoire de toute obligation des services canadiens et des services non canadiens. Cela a certainement fait partie de l’équation.
Je dirais que le deuxième aspect que nous avons gardé à l’esprit est la reconnaissance que certaines actions pourraient être perçues comme des irritants commerciaux, par exemple la mise en place d’un cadre qui ne serait pas suffisamment souple pour tenir compte des modèles d’affaires mondiaux auxquels vous avez fait référence, sénateur. L’actuel alinéa f) a effectivement été élaboré et interprété dans un contexte où les radiodiffuseurs canadiens étaient les seuls participants au système.
Ces deux dispositions ont fait l’objet de longs débats au cours de l’examen de l’ancien projet de loi C-10 et de l’actuel projet de loi C-11. Le libellé actuel du projet de loi est l’ultime équilibre établi relativement à cette question par les parlementaires qui ont examiné le projet de loi C-10. On reconnaît à la fois que de nombreux intervenants considèrent la norme de recours maximum comme étant très importante, et que les services mondiaux de diffusion en continu ont effectivement exprimé des préoccupations quant aux répercussions possibles sur les modèles d’affaires.
Le président : Je vous remercie.
C’est pour moi l’occasion parfaite de poser une question à M. Ripley. La question a été soulevée plusieurs fois, et elle fait suite à la question du leader du gouvernement. Évidemment, nous l’abordons probablement d’un contexte différent, mais de nombreux témoins ont parlé de la crainte de représailles, en particulier de la part de notre plus important partenaire commercial, et d’autres partenaires commerciaux, sous l’angle des répercussions que pourrait avoir le projet de loi C-11 sur nos relations.
Mme Katherine Tai et notre ministre canadienne, Mary Ng, se sont rencontrées aujourd’hui. J’ai ici une transcription qui a attiré mon attention :
Aujourd’hui, la représentante au Commerce des États-Unis, Mme Katherine Tai, a rencontré virtuellement la ministre canadienne du Commerce international, de la Promotion des exportations, de la Petite entreprise et du Développement économique, Mary Ng.
L’ambassadrice Tai et la ministre Ng ont reconnu les relations étroites entre les deux pays et ont souligné l’importance de la coopération américano-canadienne pour renforcer l’intégration économique de l’Amérique du Nord. Elles ont également discuté de la coopération au sein de tribunes multilatérales, ainsi que des consultations en cours dans le cadre de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique.
L’ambassadrice Tai s’est dite préoccupée par la taxe unilatérale sur les services numériques que propose le Canada et par le projet de loi à l’étude au Parlement canadien, qui pourrait avoir des répercussions sur les services de diffusion en continu numériques et les services de nouvelles en ligne et être discriminatoire à l’égard des entreprises américaines.
Les deux parties ont convenu de continuer à collaborer pour régler ces questions et d’autres questions.
Monsieur Ripley, il y a environ un an, un de nos ministres a rencontré les représentants de l’ambassade des États-Unis pour discuter précisément des problèmes liés au projet de loi C-11, ou plutôt, à l’époque, au projet de loi C-10. Notre plus important partenaire commercial a exprimé ses préoccupations aujourd’hui même, le 30 novembre, lors de la rencontre entre les deux ministres du Commerce.
Quel impact cela aura-t-il? On nous a dit que des discussions sont en cours, et d’aucuns — témoins, fonctionnaires et autres — ont minimisé l’importance de ces discussions. Devrions-nous être préoccupés, puisque la question refait surface?
M. Ripley : Je vous remercie de la question, monsieur le président. J’ai besoin d’une précision quant aux répercussions auxquelles vous faites référence. Parlez-vous de l’amendement proposé ou de la discussion à laquelle vous avez fait allusion?
Le président : Les deux.
M. Ripley : Concernant la relation avec les États-Unis, le gouvernement a travaillé avec acharnement tout au long de l’élaboration du projet de loi pour s’assurer que les fonctionnaires américains, ainsi que les services basés aux États-Unis qui pourraient être touchés par ces modifications législatives, comprennent les objectifs du gouvernement à cet égard. Je dirais que, de manière générale, ils comprennent ce que le gouvernement cherche à faire dans le cadre de la modernisation de la Loi sur la radiodiffusion et ils respectent les objectifs du gouvernement. Ils ont continuellement insisté sur l’importance d’aboutir à un cadre suffisamment souple leur permettant, de leur point de vue, de poursuivre leurs activités sur le marché canadien. J’ai souligné, dans ma réponse au sénateur Gold, que nous avons toujours gardé cela à l’esprit. Évidemment, je n’étais pas au courant de la discussion d’aujourd’hui que vous avez mentionnée, mais nous avons certainement travaillé fort pour veiller à tenir nos homologues américains au courant de l’évolution du projet de loi et des modifications qui y ont été apportées.
Quant au changement proposé par le sénateur Cormier, je crois qu’il l’a bien expliqué, en ce sens qu’il existe actuellement deux normes, pour ainsi dire, pour ce qui est du recours à des ressources créatives canadiennes et à d’autres ressources humaines, à savoir une norme propre aux services de radiodiffusion canadiens — la norme actuelle existante qui se trouve dans la Loi sur la radiodiffusion —, et une deuxième norme applicable aux services de radiodiffusion non canadiens comportant deux éléments. Le premier élément est que ces entreprises sont tenues de faire appel dans toute la mesure possible aux ressources humaines canadiennes, dans la mesure où elles ont une empreinte et une présence sur le marché canadien. Quoi qu’il en soit, le deuxième élément de cette disposition est que tous les services non canadiens doivent contribuer, de façon équitable, à la création, à la production et à la présentation de programmation canadienne. Cela reflète l’un des principaux objectifs du gouvernement, qui est de s’assurer que tous les services de radiodiffusion, canadiens ou non, contribuent de manière juste et équitable.
Le président : Premièrement, le gouvernement nous a répondu, précédemment, que des discussions sont en cours, qu’il est conscient de la situation avec les États-Unis et qu’il continuera de travailler en collaboration afin de trouver des solutions. Nous entendons ce discours depuis un an et demi à deux ans, mais voilà que leur représentante au Commerce se dit manifestement préoccupée par notre mesure législative visant les services de diffusion en continu. Elle fait référence au projet de loi C-11 et au projet de loi C-18, et un an et demi plus tard, les États-Unis ne semblent pas plus rassurés qu’avant. Cela semble toujours litigieux. Cela me préoccupe, étant donné qu’il s’agit de notre plus important partenaire commercial.
Ma deuxième question porte plus particulièrement sur l’amendement du sénateur Cormier. Je crois comprendre que le projet de loi accorde déjà au CRTC une marge de manœuvre suffisante pour veiller à ce que les diffuseurs et toutes les plateformes soient tenus de payer leur juste part. Voilà tout l’intérêt de cette mesure législative. À votre avis, de votre point de vue, cet amendement renforce-t-il cela, apporte-t-il une contribution, ou n’est-il tout simplement pas nécessaire?
M. Ripley : Je vous remercie de cette question, monsieur le président. L’amendement aurait pour effet d’assujettir l’ensemble des services de radiodiffusion aux mêmes normes, partant du principe selon lequel ils doivent faire appel au maximum, et dans tous les cas au moins de manière prédominante, aux ressources — créatrices et autres — canadiennes. Dans le régime réglementaire existant, ces notions sont interprétées de manière particulière. Par exemple, « au moins de manière prédominante » s’entend généralement d’une production qui obtient 6 points sur un total de 10 pour être certifiée canadienne, par exemple.
L’amendement proposé par le sénateur Cormier est plus souple que l’actuel alinéa f) de la Loi sur la radiodiffusion, en ce sens qu’il reconnaît qu’il peut y avoir des services dont la nature ne permet pas de satisfaire à l’exigence de l’utilisation maximale ou prédominante. La norme qu’il propose, je crois, est que les entreprises devront faire appel à ces ressources le plus possible. On y reconnaît qu’il existe des situations où il ne sera tout simplement pas réalisable ou convenable de le faire. Le libellé actuel de la loi fait référence à la nature des services fournis, notamment le format ou contenu spécialisé ou l’utilisation de langues autres que le français ou l’anglais. L’amendement du sénateur Cormier ne reprend pas cette formulation, mais offre plutôt une approche plus flexible, à mon avis.
Le sénateur Manning : Si l’alinéa 3(1)f) était modifié afin d’exiger que les entreprises mondiales fassent appel au maximum ou de manière prédominante aux ressources humaines — créatrices et autres — canadiennes pour la création, la production et la présentation de la programmation, cela aurait pour effet d’imposer la norme rigide élaborée il y a plusieurs décennies pour les radiodiffuseurs canadiens, dont le modèle d’affaires comprend la production de bulletins de nouvelles locales, d’émissions de sport et de contenu destiné à un auditoire local, à des entreprises multinationales de diffusion en continu ayant un modèle d’affaires complètement différent. Ce ne serait pas équitable, étant donné que ces mêmes radiodiffuseurs canadiens bénéficient d’avantages exclusifs accordés par le CRTC. Pour reprendre l’analogie utilisée par le sénateur Housakos il y a quelques semaines, cela revient à essayer de transformer une calèche en Lamborghini.
L’expression « les entreprises de radiodiffusion » englobe tous les types d’entreprises, y compris les entreprises de distribution et les entreprises en ligne qui ne commandent pas de contenu ou n’ont aucun contrôle sur la programmation du contenu qu’ils produisent. L’amendement proposé par le sénateur Cormier soulève de sérieuses questions, notamment la question de savoir si la modification proposée est susceptible de soulever des préoccupations commerciales liées à l’ACEUM. Nous venons d’entendre parler de la discussion que vous avez eue avec nos principaux partenaires commerciaux et des préoccupations soulevées par les représentants américains auprès du gouvernement au sujet de cette obligation. Comme nous l’avons entendu, la représentante au Commerce a soulevé des préoccupations à cet égard aujourd’hui même.
Comment définir ce qui est prédominant? Selon le marché réglementaire actuel, les entreprises de radiodiffusion canadiennes qui font appel aux ressources canadiennes de manière prédominante ont droit à des protections exclusives sur le marché du marché qui leur sont accordées par le CRTC. Si nous n’offrons pas ces mêmes protections aux entreprises en ligne étrangères, comment pourrait-on maintenant les assujettir à cette même norme avec cette mesure législative?
Le concept de l’utilisation prédominante découle de la définition actuelle de la programmation canadienne, qui exige l’obtention d’au moins 6 points sur un total de 10 pour le personnel occupant des postes clés de création. Le gouvernement a déclaré que la définition de programmation canadienne doit être revue afin de tenir compte de l’intégration, avec ce projet de loi, des entreprises en ligne étrangères dans le système canadien. Il est illogique d’appliquer la même norme d’utilisation prédominante aux entreprises en ligne étrangères alors qu’on envisage l’adoption d’une nouvelle définition de programmation canadienne. Comment une entreprise qui ne commande pas de contenu directement, mais qui ne fait qu’héberger du contenu fourni par d’autres, pourrait-elle se conformer à l’obligation d’utiliser de manière prédominante les ressources canadiennes, créatives et autres? Devrait-elle transmettre cette obligation à ceux qui téléversent du contenu? Cela fausserait-il l’offre de contenu des entreprises en ligne?
Lors de son témoignage devant le comité sénatorial, le 22 novembre, le sous-ministre adjoint délégué des Affaires culturelles de Patrimoine canadien, M. Ripley, a déclaré que nous essayons de trouver un équilibre. Nous voulons être ambitieux et inciter les diffuseurs en continu à contribuer le plus possible. Il est possible que nous ayons des services de diffusion en continu qui fonctionnent selon un modèle d’affaires international et qui ne sont pas en mesure de faire un investissement prédominant.
L’alinéa 3(1)f.1) a donc été rédigé de manière à reconnaître, dans la mesure du possible, que nous voulons être ambitieux et que nos attentes à l’égard de ces plateformes sont qu’elles contribuent le plus possible, et ce, de façon équitable.
J’aimerais également rappeler à mes collègues qu’à la Chambre des communes, tant les conservateurs que les libéraux ont voté contre l’élimination de l’alinéa 3(1)f.1), imposant plutôt une norme unique, régressive et inflexible à l’alinéa 3(1)f). Le ministre Rodriguez et M. Ripley ont tous deux témoigné devant ce comité, et il a semblé que cela découlait de l’objectif de la « Loi sur la radiodiffusion continue en ligne », qui est que les plateformes mondiales de diffusion en continu contribuent équitablement au système de radiodiffusion, et non une contribution égale ou identique à celle des radiodiffuseurs canadiens.
Chers collègues, nous sommes d’avis, comme nous l’avons entendu, qu’il y a tout lieu de craindre que des amendements comme celui-ci puissent avoir l’effet contraire à l’effet recherché et fassent en sorte que les diffuseurs en continu évitent de maintenir leurs niveaux d’investissements au Canada. Mme Wendy Noss, de la Motion Picture Association of Canada, a indiqué à notre comité que les studios mondiaux ont dépensé plus de 5 milliards de dollars au Canada en 2021, ce qui représente maintenant plus de la moitié de toute la production au Canada et 90 % de la croissance des investissements au cours de la dernière décennie. Ils ont embauché et formé des gens et ont offert des occasions à 200 000 travailleurs créatifs parmi les plus talentueux au Canada. En 2021 seulement, ils ont aidé à financer de nouvelles infrastructures et à soutenir plus de 47 000 entreprises canadiennes. Je suppose que nous devons nous demander si, en tant que comité, nous sommes prêts à risquer de mettre cela en péril.
Une meilleure approche consisterait à maintenir l’approche actuelle proposée aux alinéas 3(1)f) et 3(1)f.1), qui vise à inciter les services de diffusion en continu à faire appel aux ressources humaines canadiennes — créatrices et autres — pour la création, la production et la présentation de la programmation destinée à un auditoire mondial, en plus d’accroître leur recours aux ressources humaines canadiennes, créatrices et autres, pour la création, la production et la présentation de la programmation destinée aux auditoires canadiens, comme cela existe ailleurs dans d’autres dispositions de la mesure législative.
M. John Lewis, de l’AIEST, qui représente la grande majorité des personnes qui travaillent dans l’industrie du film et de la télévision au Canada, a déclaré ce qui suit :
Il est essentiel de conserver le libellé de l’alinéa 3(1)f.1) pour que l’on intègre dans le projet de loi C-11 les entreprises en ligne étrangères dans le cadre de la radiodiffusion canadien en tenant compte des différences entre les services de diffusion continue, dont les modèles d’affaires et les stratégies de contenu uniques sont en concurrence dans le monde entier, et les radiodiffuseurs canadiens, qui n’opèrent que dans un marché national fermé, produisent du contenu pour les auditoires locaux et bénéficient de diverses mesures de protection et de divers avantages exclusifs prévus par la loi et la réglementation.
Il poursuit en disant ceci :
En cherchant à traiter les deux segments de cette industrie de manière identique, non seulement on ne tient pas compte de la réalité opérationnelle des secteurs de services nationaux et étrangers, mais on met en péril le bien-être de l’industrie de façon concrète et considérable.
L’amendement proposé visant à établir une seule norme pour les radiodiffuseurs canadiens et tous les services en ligne mondiaux a été rejeté à la Chambre des communes et devrait également être rejeté au Sénat. L’amendement irait à l’encontre de l’objectif principal du projet de loi tel qu’il est énoncé dans le préambule et dans les grands objectifs établis à l’article 5. De plus, il irait à l’encontre des déclarations du gouvernement et du ministre Rodriguez, car le projet de loi C-11 créerait des exigences équitables, mais non égales compte tenu de la nature différente des services en ligne mondiaux, de leurs modèles d’affaires différents et de leurs stratégies de contenu différentes. En outre, il dissuaderait les studios mondiaux de continuer à mener des projets de production d’envergure au Canada. Si le projet de loi C-11 devait inclure une disposition exigeant que les entreprises étrangères soient soumises à la même norme que les radiodiffuseurs canadiens — faire appel au maximum, et dans tous les cas au moins de manière prédominante, aux ressources, créatrices et autres, canadiennes —, cela dissuaderait les entreprises de mener ici les types de projets qui emploient la grande majorité des membres de l’Alliance internationale des employés de la scène et des projectionnistes des États-Unis et du Canada et la majorité des travailleurs de la télévision et du cinéma canadiens et qui rapportent plus de 5 milliards de dollars au Canada chaque année.
Chers collègues, je pense que, manifestement, cet amendement mettrait gravement en danger les investissements au Canada et notre industrie cinématographique et télévisuelle, et c’est pourquoi je ne l’appuierai pas.
La sénatrice Dasko : J’ai une question à poser au sénateur Cormier. Je suis désolée si je n’ai pas compris, mais on dit ici « à moins qu’une telle pratique ne s’avère difficilement réalisable en raison de la nature des entreprises ». Quelles entreprises feraient partie de cette catégorie?
[Français]
Le sénateur Cormier : En fait, sur le plan de la notion autour de la nature de l’entreprise, dans le contexte où c’est le CRTC qui doit établir, en fonction des différents critères, comment devront être traitées les entreprises, qu’elles soient des entreprises en ligne ou des entreprises traditionnelles, l’évaluation qu’en fera le CRTC déterminera le type d’entreprise visée en fonction de la nature de l’entreprise.
Ce que l’amendement cherche à faire, en fait, c’est d’offrir de la flexibilité au CRTC, dans le contexte où nous savons que le CRTC aura à réglementer, afin qu’il puisse tenir compte des types d’entreprises, que ce soit des entreprises en ligne ou des entreprises traditionnelles.
L’autre élément, c’est que je crois que l’amendement — il ne faut pas l’oublier et c’est d’ailleurs à l’avantage de la proposition du projet de loi, dans un sens — cible uniquement la programmation canadienne. À cause de la manière dont le texte actuel du projet de loi C-11 est articulé, l’utilisation des ressources humaines n’est pas claire.
Ce qui est écrit dans le projet de loi C-11, à l’alinéa 3(1)f.1), c’est que les entreprises en ligne étrangères sont tenues de faire appel, dans la mesure du possible, aux ressources humaines canadiennes, créatrices et autres.
En ce qui a trait à cette partie, rien ne précise que cela s’adresse à la programmation canadienne. L’amendement vient donc abaisser les exigences pour les entreprises étrangères, parce qu’on peut interpréter cette première partie de l’alinéa 3(1)f.1) comme si elle s’appliquait à l’ensemble de la programmation que les entreprises en ligne étrangères viendront faire sur le territoire canadien.
Je pense que cet argument est extrêmement important; la flexibilité offerte par l’amendement fait en sorte qu’il y a là matière raisonnable. Il n’y a pas là de contrainte si forte, puisque, au fond, on décrit bien dans l’amendement de quelle manière on offre de la flexibilité dans les options d’application pour ce qui est de la nécessité d’embaucher des ressources canadiennes.
Il y a donc de la flexibilité; le CRTC, qui aura la responsabilité de réglementer, aura cette flexibilité au moyen de ce vocabulaire pour déterminer à quel type d’entreprise cela s’applique.
[Traduction]
La sénatrice Sorensen : J’essaie de penser à ce que voulait dire le sénateur Cormier. Je pense que ma question s’adresse à M. Ripley, en fait. Dans le libellé actuel du projet de loi, cette disposition fait-elle référence aux entreprises étrangères que l’on veut certifier comme ayant un contenu canadien, ou bien à tout contenu qu’elles produisent au Canada? Je suppose que c’est le premier, mais encore une fois, j’ai besoin qu’on me l’explique.
M. Ripley : Merci, sénatrice Sorensen. L’alinéa f.1) du projet de loi, dans sa forme actuelle, porte sur la création, la production et la présentation de programmation canadienne. Il est donc question, en effet, d’une programmation certifiée canadienne essentiellement. On tient compte du fait que ces services peuvent néanmoins faire d’autres formes de production et de tournage à l’étranger ici au Canada, mais cela ne s’appliquerait pas à eux.
Je crois que le sénateur Cormier soulignait qu’il y a une différence, c’est-à-dire qu’à l’alinéa f), on ne fait pas référence à la programmation canadienne. On utilise le libellé actuel du projet de loi dans lequel, encore une fois, il était entendu que nous parlions nécessairement des services de radiodiffusion canadiens qui font de la programmation dans le contexte canadien.
La sénatrice Sorensen : Merci.
[Français]
Le sénateur Cormier : En guise d’introduction à ce que j’ai déjà dit, la prise en compte et la reconnaissance des contributions des entreprises en ligne étrangères sont des faits. J’estime très importante, dans notre système de radiodiffusion, la contribution qu’amènent les entreprises en ligne étrangères.
Ce projet de loi vise à assurer une certaine équité et un équilibre entre la création, la production et la programmation qui se fait sur le territoire canadien par nos artistes et travailleurs culturels, et la nécessité comme pays de favoriser le plus possible l’embauche de ces ressources. Je crois que cet amendement vient, de façon raisonnable, proposer un équilibre qui ne devrait pas faire peur aux entreprises en ligne étrangères. Je ne sais pas si le ministre a vu cette dernière mouture de l’amendement, car je crois qu’il a beaucoup évolué. L’amendement que nous avons sous les yeux offre beaucoup de flexibilité.
Je pense à l’ensemble du système de radiodiffusion canadien et à l’importance des ressources canadiennes. Si on a une Loi sur la radiodiffusion, c’est bien parce qu’on a des créateurs et des ressources humaines sur notre territoire. Je crois que cet équilibre qu’assure l’amendement permet de tenir compte de cela en accueillant les entreprises en ligne étrangères.
[Traduction]
Le président : Chers collègues, puisque je ne vois pas d’autres intervenants, je suppose que vous êtes prêts à passer à la question.
Il est proposé par l’honorable sénateur Cormier que le projet de loi C-11 soit modifié à l’article 3, à la page 6, aux lignes 20... Puis-je me dispenser d’en faire la lecture?
Des voix : Oui.
Le président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion d’amendement?
Des voix : Oui.
Des voix : Non.
Le président : Je pense que la majorité a dit « non ».
[Français]
On souhaite que nous tenions un vote officiel.
M. Labrosse : L’honorable sénateur Housakos?
Le sénateur Housakos : Non.
M. Labrosse : L’honorable sénatrice Clement?
La sénatrice Clement : Oui.
M. Labrosse : L’honorable sénateur Cormier?
Le sénateur Cormier : Oui.
M. Labrosse : L’honorable sénatrice Dasko?
La sénatrice Dasko : Non.
M. Labrosse : L’honorable sénateur Dawson?
Le sénateur Dawson : Non.
M. Labrosse : L’honorable sénateur Gold, c.p.?
Le sénateur Gold : Non.
M. Labrosse : L’honorable sénateur Klyne?
Le sénateur Klyne : Non.
M. Labrosse : L’honorable sénateur Manning?
Le sénateur Manning : Non.
M. Labrosse : L’honorable sénatrice Miville-Dechêne?
La sénatrice Miville-Dechêne : Non.
M. Labrosse : L’honorable sénateur Plett?
Le sénateur Plett : Non.
M. Labrosse : L’honorable sénateur Quinn?
Le sénateur Quinn : Non.
M. Labrosse : L’honorable sénatrice Simons?
La sénatrice Simons : Non.
M. Labrosse : L’honorable sénatrice Sorensen?
La sénatrice Sorensen : Non.
M. Labrosse : L’honorable sénatrice Wallin?
La sénatrice Wallin : Oui.
M. Labrosse : Pour : 3; contre : 11; abstention : aucune.
[Traduction]
Le président : Par conséquent, l’amendement est rejeté, chers collègues. Le prochain est un amendement de la sénatrice Clement.
La sénatrice Clement : Une motion sera distribuée. Je vais la lire une fois que tout le monde l’aura reçue.
Le président : On est en train de la distribuer.
La sénatrice Clement : Je vais la lire. Je propose :
Que le projet de loi C-11 soit modifié à l’article 3, à la page 7, par adjonction, après la ligne 24, de ce qui suit :
« (ii.2) refléter l’importance de la revitalisation des langues autochtones en soutenant la production et la radiodiffusion d’émissions dans ces langues, en conformité avec les articles 13 et 16 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et en réponse aux appels à l’action numéros 14, 84 et 85 de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, ».
Je parle encore une fois ici de la revitalisation des langues. Je tiens à dire que j’ai rencontré M. Jesse Wente, du Bureau de l’écran autochtone, et que cet amendement a été proposé par ce bureau. C’est cet organisme qui a demandé que cet amendement soit apporté au projet de loi. Je vais poursuivre sur la question de la revitalisation des langues autochtones et je vais vous rappeler que nous avons entendu les témoignages de M. Bert Crowfoot, que j’ai cité plus tôt, et de Mme Shannon Avison, de l’Université des Premières Nations du Canada, qui nous ont parlé avec éloquence des langues autochtones et de leur importance non seulement pour les communautés, mais aussi pour les efforts de réconciliation.
Je vais lire une citation différente de Shannon Avison :
La Commission de vérité et réconciliation a permis de documenter les moyens brutaux que les pensionnats ont employés pour empêcher les enfants d’apprendre et de parler leurs langues. Les technologies de communication ont aussi eu un effet néfaste sur les langues et les cultures autochtones.
Je veux donc rappeler à tout le monde que nous nous sommes engagés à respecter la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation. De plus, notre engagement à l’égard des langues autochtones en ce qui a trait à ces deux documents doit se refléter dans le projet de loi C-11 pour qu’il y ait des instructions précises, pour que ce soit mesurable et pour assurer la reddition de comptes.
Je ne cite pas de passages spécifiques des deux documents. Je ne fais qu’y faire référence de manière générale. Toutefois, je veux lire la première partie de l’article 13 de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones :
Les peuples autochtones ont le droit de revivifier, d’utiliser, de développer et de transmettre aux générations futures leur histoire, leur langue, leurs traditions orales, leur philosophie, leur système d’écriture et leur littérature, ainsi que de choisir et de conserver leurs propres noms pour les communautés, les lieux et les personnes.
Voici ce que stipule l’article 16 de cette même déclaration :
Les peuples autochtones ont le droit d’établir leurs propres médias dans leur propre langue et d’accéder à toutes les formes de médias non autochtones sans discrimination aucune.
Je fais également référence à la Commission de vérité et réconciliation. Je n’y parle pas spécifiquement de l’appel à l’action no 14, mais je vais le lire :
Nous demandons au gouvernement fédéral d’adopter une loi sur les langues autochtones qui incorpore les principes suivants :
i. les langues autochtones représentent une composante fondamentale et valorisée de la culture et de la société canadiennes, et il y a urgence de les préserver;
ii. les droits linguistiques autochtones sont renforcés par les traités;
iii. le gouvernement fédéral a la responsabilité de fournir des fonds suffisants pour la revitalisation et la préservation des langues autochtones;
iv. ce sont les peuples et les communautés autochtones qui sont les mieux à même de gérer la préservation, la revitalisation et le renforcement des langues et des cultures autochtones.
Il est très encourageant de voir qu’il y a un commissaire aux langues autochtones dans ce pays. Je l’ai rencontré et je lui ai parlé, en tout cas au début de mon mandat de sénatrice, et j’estime que cet ajout est conforme aux engagements qu’a pris le gouvernement, notamment en ce qui concerne les langues autochtones.
J’ai quelque peu modifié la proposition du Bureau de l’écran autochtone pour m’assurer que le libellé est conforme à d’autres articles du projet de loi C-11 et de la Loi sur la radiodiffusion relativement à la production et à la radiodiffusion. Il s’agit essentiellement de ce qu’avait proposé cet organisme, mais lorsque mon bureau et moi-même avons rencontré le légiste — je remercie le personnel talentueux de mon bureau, soit dit en passant —, nous avons constaté qu’il fallait s’assurer que le libellé était conforme au reste du texte législatif.
Le sénateur Plett : J’ai juste une question très élémentaire à poser à M. Ripley. Pourquoi cela ne figure-t-il pas déjà dans le projet de loi?
M. Ripley : Merci beaucoup de la question, sénateur Plett.
Au fur et à mesure que nous avançons dans le processus, le gouvernement n’a certainement pas oublié que le Canada a officiellement adopté une mesure législative pour mettre en œuvre la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Le gouvernement s’est également engagé à mettre en œuvre les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation. Bien que ces éléments ne soient pas explicitement énoncés dans le projet de loi, comme la sénatrice Clement propose de le faire, je dirais que le gouvernement les a certainement pris en considération et a travaillé à s’assurer que les modifications à la loi qui sont proposées sont conformes à la déclaration des Nations unies et visent à apporter les changements qu’elle requiert.
Le sénateur Plett : Ce n’était donc pas un oubli. On l’a intentionnellement omis.
Je dois peut-être poser la question au sénateur Gold, mais le gouvernement s’oppose-t-il à cet amendement? Compte tenu de toute l’attention qui a été portée ces dernières années à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, à la vérité et à la réconciliation et à toutes ces questions, je pense que c’est quelque chose dont le gouvernement aurait dû être conscient. Cela ne devrait pas faire l’objet d’un amendement à ce moment-ci. Je me trompe peut-être sur ce point. Je ne veux pas blâmer qui que ce soit, mais j’aimerais au moins avoir des explications.
Le sénateur Gold : Merci, sénateur Plett. Le gouvernement appuie cet amendement. Je sais que vous êtes d’avis que le gouvernement peut penser à tout... En fait...
Le sénateur Plett : Le bon gouvernement le pourrait.
Le sénateur Gold : En fait, le gouvernement a écouté les délibérations, tant à la Chambre qu’au Sénat. Comme le parrain du projet de loi, le ministre, et moi-même l’avons dit, il reste ouvert à des amendements qui améliorent la loi. Je pense que celui-ci en est un, et le gouvernement est donc heureux de l’appuyer.
La sénatrice Wallin : J’ai besoin d’une précision, sénatrice Clement.
Votre amendement dit ceci : « [...] refléter l’importance de la revitalisation des langues autochtones en soutenant la production et la radiodiffusion d’émissions dans ces langues [...] ». La Commission de vérité et réconciliation demande donc au gouvernement fédéral de soutenir ces activités, mais qu’en est-il des autres acteurs du secteur privé? Pensez-vous que cela englobe tout le monde, ou est-ce que cela n’oblige que le gouvernement fédéral à le faire?
La sénatrice Clement : Je pense que des acteurs de partout au pays, dans le secteur privé comme dans le secteur public, veulent le faire. C’est la formulation qu’a proposée le Bureau de l’écran autochtone. Je crois que nous voulons une interprétation large de ce texte. J’estime qu’il est logique de l’ajouter à cet article et qu’il convient de faire référence à la déclaration des Nations unies et aux appels à l’action de la commission dans le projet de loi C-11.
La sénatrice Wallin : Je vais peut-être demander à M. Ripley de répondre à ma question.
La Commission de vérité et réconciliation fait appel au gouvernement fédéral. C’est différent par rapport à un texte de loi qui va inclure un grand nombre d’acteurs du secteur privé. Quelle est votre interprétation à cet égard, monsieur Ripley? Sont-ils obligés de le faire? S’ils choisissent de le faire, c’est autre chose, mais y sont-ils obligés?
M. Ripley : Je vous remercie de la question, sénatrice Wallin.
Je m’attends à ce que le CRTC détermine quels services ou quels organismes sont bien placés pour soutenir la production qui vise à revitaliser les langues autochtones. Il y a des radiodiffuseurs autochtones au sein du système. Il y a, entre autres, le Bureau de l’écran autochtone.
J’imagine que le CRTC chercherait à atteindre ce genre d’objectifs en s’appuyant sur ces organismes.
En ce qui concerne la Commission de vérité et réconciliation, deux recommandations sont vraiment pertinentes dans le cas qui nous occupe. Elles concernent l’importance des médias et la revitalisation des langues. C’est le rôle de CBC/Radio-Canada, ainsi que d’APTN. Ce sont les deux radiodiffuseurs qui sont mis en évidence dans les appels à l’action de la commission, qui ont un rôle important dans ce cadre.
La sénatrice Wallin : Mais est-ce que cela donne au CRTC le pouvoir ou le droit d’obliger les autres à le faire?
M. Ripley : Oui, le CRTC pourrait, au moyen de conditions de service, exiger qu’ils investissent dans la production de contenu en langues autochtones.
Encore une fois, je m’attends cependant à ce que le CRTC détermine quels services sont les mieux placés pour le faire. Encore une fois, il se tournerait vraisemblablement vers les services qui veulent desservir les auditoires autochtones ou qui ont le mandat de servir l’intérêt public, soit de proposer au reste des Canadiens une programmation autochtone.
Le sénateur Manning : J’appuie l’amendement, mais je suis quelque peu préoccupé. En 2022 — presque 2023 —, nous connaissons tous bien les articles de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et les recommandations de la Commission de vérité et réconciliation. Comme la sénatrice Clement l’a évoqué, il y a maintenant un commissaire aux langues autochtones. Toutefois, en 2019, le Parlement a adopté la Loi sur les langues autochtones pour soutenir les langues autochtones.
On aurait pu penser qu’une partie de cette autre loi aurait été intégrée au projet de loi à un moment donné pendant son élaboration, de sorte que nous ne serions pas nécessairement saisis de cet amendement maintenant... Or, ce n’est pas le cas.
J’ai deux ou trois questions à poser à M. Ripley. Qu’est-ce que cet amendement ajouterait aux mesures que le gouvernement prend déjà? L’amendement est-il nécessaire pour que le gouvernement fasse quelque chose qu’il ne fait pas encore, si vous voyez où je veux en venir?
Quelles mesures le gouvernement a-t-il prises pour mettre en œuvre la Loi sur les langues autochtones depuis 2019, qui, selon moi, devrait faire partie du projet de loi C-11?
J’ai d’autres questions, mais je vais d’abord m’en tenir à celles-là.
M. Ripley : Merci de la question, sénateur Manning.
Comme vous le soulignez, le Parlement a adopté la Loi sur les langues autochtones, qui fait partie de la réponse du gouvernement à l’appel à l’action no 14 de la Commission de vérité et réconciliation. Ce texte de loi est en cours de mise en œuvre, ce qui inclut l’établissement du bureau du commissaire, par exemple. Sa mise en œuvre est en cours.
Elle est axée sur la préservation et la revitalisation des langues autochtones.
Je dirais que la Loi sur la radiodiffusion vise à promouvoir l’expression culturelle des peuples autochtones. Elle vise vraiment à favoriser cette expression et à reconnaître que les communautés autochtones peuvent choisir de produire du contenu en anglais ou en français, mais aussi en langues autochtones.
Donc, dans la mesure où le projet de loi fait référence aux langues autochtones, il tient compte du fait qu’il s’agit d’une forme d’expression culturelle dans les communautés autochtones. Le système de radiodiffusion doit rendre des ressources disponibles pour soutenir la radiodiffusion et la production d’émissions en langues autochtones et pas seulement en anglais et en français.
Le sénateur Manning : Vous venez de parler du sujet de ma prochaine question, soit les ressources qui seront rendues disponibles. En ce qui concerne la Loi sur les langues autochtones et sa mise en œuvre, avez-vous une idée du montant que le gouvernement a alloué pour répondre à cette préoccupation et des sommes qui sont dépensées pour faire en sorte que la Loi sur les langues autochtones soit mise en œuvre comme nous l’espérons?
M. Ripley : Je vous remercie, sénateur Manning. Ce n’est pas mon domaine de responsabilité. Je sais cependant que le gouvernement travaille avec des partenaires autochtones à la mise en œuvre de la Loi sur les langues autochtones. S’il y a un intérêt, je peux certainement vous revenir plus tard sur cette question. Nous pouvons faire un suivi avec vous, sénateur Manning, et vous donner des détails sur l’état d’avancement de ce processus et sur les fonds qui ont été accordés. Je serais heureux de transmettre cette question à mes collègues du ministère qui sont responsables de la question des langues autochtones et de vous revenir avec des renseignements à cet égard.
Le sénateur Manning : Je vous remercie. Je vous serais reconnaissant de nous transmettre ces renseignements.
Le président : Sénatrice Clement, je vous remercie de votre amendement. Je l’appuie. Comme beaucoup d’entre vous le savent, je crois que les comités sénatoriaux font un travail important et essentiel. C’est un bon exemple de ce travail, car tous les témoins des collectivités autochtones qui ont comparu devant le comité ont demandé cela, c’est-à-dire M. Wente et tous les autres, si je me souviens bien. J’espère que nous prenons tous note de ce que les témoins nous demandent de faire, en particulier lorsqu’il y a une énorme demande pour une certaine chose.
Je suis particulièrement fier d’avoir été nommé par un premier ministre qui a fait preuve du leadership nécessaire pour mettre sur pied la Commission de vérité et réconciliation. Je pense qu’il est important qu’une loi pour la culture et la radiodiffusion aussi importante que celle-ci tienne compte de toutes les réalités canadiennes.
La semaine dernière, quelques amendements semblables proposés par la sénatrice Batters ont été proposés par les mêmes intervenants, avec les mêmes mots et pratiquement sur demande. Malheureusement, une majorité de sénateurs n’a pas été favorable à ces amendements. J’espère que celui-ci sera adopté, car je pense qu’il reflète les témoignages que nous avons entendus et ce que ce projet de loi devrait refléter.
Je ne vois pas d’autres interventions et je constate qu’il y a un consensus sur la question. L’honorable sénatrice Clement propose que le projet de loi C-11 soit modifié, à l’article 3, à la page 7, à la ligne 24... Puis-je me dispenser de lire la suite?
Des voix : Oui.
Le président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion d’amendement?
Des voix : Oui.
Le président : La motion est adoptée à l’unanimité.
Les choses avancent bien. Ensuite, dans les documents, nous avons, derrière la porte 23… ou plutôt la porte 15. Je suis en train de suivre une liste numérotée différente. Ne vous inquiétez pas, nous allons revenir à la bonne place. Dieu merci, sénateur Plett, vous avez retiré un grand nombre d’amendements.
Le sénateur Plett : C’est exact.
Le président : Le prochain amendement a été proposé, je crois, par le sénateur Cormier.
[Français]
Le sénateur Cormier : Je propose donc :
Que le projet de loi C-11 soit modifié à l’article 3, à la page 7, par suppression des lignes 32 à 36.
Cela signifie, chers collègues, que nous reviendrions à la Loi sur la radiodiffusion actuelle et au libellé qui est dans la Loi sur la radiodiffusion actuelle.
Pour être clair, mon amendement revient à ce qui figure dans la Loi sur la radiodiffusion actuelle et qui dit qu’il faut faire appel de façon notable aux producteurs indépendants.
Voici ma logique. Cet amendement vise à revenir à la version actuelle du sous-alinéa 3(1)i)(v) de la Loi sur la radiodiffusion, qui mentionne que le programme offert par le système de radiodiffusion doit « faire appel de façon notable aux producteurs canadiens indépendants ».
Je vous rappelle, chers collègues, le témoignage de Mme Hélène Messier, de l’Association québécoise de la production médiatique, qui nous a indiqué que grâce à de telles mesures, depuis des dizaines d’années, des dizaines d’entreprises de production indépendante ont été créées au Canada et procurent l’équivalent de plus de 82 000 emplois annuellement. Le sous-alinéa 3(1)i)(v) de la Loi sur la radiodiffusion actuelle a servi de socle aux obligations imposées aux diffuseurs à l’égard de la production indépendante depuis plus de 30 ans. Le CRTC a ainsi imposé à tous les diffuseurs le critère suivant : qu’un minimum de 75 % de leurs dépenses en émissions d’intérêt national soit effectué auprès des sociétés de production indépendantes.
Il y a un élément essentiel que l’on doit comprendre et mentionner, et c’est que les entreprises de production indépendantes sont installées partout au Canada et sont garantes de plusieurs objectifs fondamentaux de la politique canadienne de radiodiffusion, à savoir que la production et la programmation doivent puiser dans les sources locales et régionales, tenir compte de la dualité linguistique et du caractère multiculturel de la société canadienne et refléter les cultures autochtones. Donc, les producteurs indépendants au Canada jouent un rôle crucial dans la représentation de la diversité canadienne à l’écran.
Les parties prenantes qui appuient l’amendement sont notamment l’Association des documentaristes du Canada, la Canadian Media Producers Association, le Quebec English Language Production Council, l’Association québécoise de la production médiatique et l’Alliance des producteurs francophones du Canada.
Nous avons aussi reçu des lettres des gouvernements de la Nouvelle-Écosse et de la Colombie-Britannique, qui ont rappelé l’importance de revenir au sous-alinéa 3(1)i)(v) tel qu’il apparaît dans la Loi sur la radiodiffusion, car ceci est déterminant pour l’avenir de l’industrie de la production indépendante dans leurs provinces et, devrais-je ajouter, partout au Canada.
Enfin, je dirais que les maisons de production indépendantes, dans le contexte actuel de la radiodiffusion et de notre écosystème de radiodiffusion, sont toujours défavorisées par les entreprises détenues par des diffuseurs ou affiliées à ces derniers. Donc, le contexte actuel montre que les producteurs indépendants et les maisons de production indépendantes ont contribué à notre système depuis des années; elles ont réussi et veulent continuer de refléter la diversité de notre pays dans les productions.
Avant de répondre à des questions, monsieur le président, je rappelle que les maisons de production indépendantes se retrouvent partout au Canada dans nos régions.
[Traduction]
Le président : On ne se bouscule pas pour poser des questions. Monsieur le représentant du gouvernement, avez-vous une opinion sur la question?
Le sénateur Gold : Non. Pour les raisons que le sénateur Cormier a invoquées, le gouvernement serait favorable à cet amendement.
Le président : Je vais lire les amendements. On me dit qu’un certain nombre de personnes dans l’audience qui suivent nos délibérations souhaitent entendre les amendements avant le vote. Il est proposé par l’honorable sénateur Cormier que le projet de loi C-11 soit modifié à l’article 3, à la page 7, par suppression des lignes 32 à 36.
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion d’amendement?
Des voix : Oui.
Le président : La motion est adoptée.
Une voix : Avec dissidence.
Le président : Avec dissidence.
Honorables sénateurs, l’amendement suivant est proposé par la sénatrice Clement.
La sénatrice Clement : C’est le dernier amendement que je proposerai ce soir, sénateurs. Je tenais seulement à vous le faire savoir. Je propose :
Que le projet de loi C-11 soit modifié à l’article 3, à la page 8, par substitution, à la ligne 18, de ce qui suit :
« tème canadien de radiodiffusion afin de desservir les peuples autochtones là où ils résident; ».
Celui-ci est également le résultat d’une réunion et d’une discussion avec Jesse Wente, du Bureau de l’écran autochtone. Son point de vue était intéressant. Les intervenants aiment cet article, car il concerne une programmation qui reflète les cultures autochtones au sein des éléments communautaires qui sont positionnés pour servir les collectivités plus petites et éloignées.
Selon lui, plus de 50 % de la population autochtone vit probablement dans les grands centres. Donc, en ajoutant cela et les mots « afin de desservir les peuples autochtones là où ils résident », nous englobons les petites collectivités éloignées, mais aussi les grands centres urbains où un grand nombre, sinon la plupart, des Autochtones résident.
Ce pourcentage pourrait être plus élevé, peut-être même 70 %. On corrige mes statistiques et j’en suis reconnaissante.
Voilà donc l’amendement, monsieur le président.
Le président : J’ai l’impression qu’il pourrait y avoir un consensus. Il est proposé par l’honorable sénatrice Clement que le projet de loi C-11 soit modifié à l’article 3, à la page 8.
Honorables sénateurs, êtes-vous prêts à adopter la motion d’amendement?
Des voix : Oui.
Le président : La motion est adoptée.
L’amendement suivant est proposé par la sénatrice Wallin. Vous avez la parole.
La sénatrice Wallin : Je vous remercie. Je propose ce qui suit :
Que le projet de loi C-11 soit modifié à l’article 3 :
a) à la page 8 :
(i) par suppression des lignes 32 à 36,
(ii) par substitution, à la ligne 47, de ce qui suit :
« langues autochtones; »;
b) à la page 9, par suppression des lignes 1 et 2.
Cela éliminerait également la partie du libellé qui dit « […] et veiller à ce que tout moyen de contrôle de la programmation génère des résultats permettant sa découverte […] ».
La première partie me pose plusieurs problèmes. En effet, je trouve que le libellé est problématique lorsque le projet de loi vise à :
[…] assurer la découvrabilité des services de programmation canadienne ainsi que des émissions canadiennes originales, notamment les émissions de langue originale française, dans une proportion équitable […]
Tout d’abord, il s’agit d’entreprises en ligne qui fournissent des services de programmation d’autres entreprises de radiodiffusion qui seront ensuite tenues d’assurer la découvrabilité des services de programmation canadienne dans les deux langues dans une proportion équitable. L’utilisation du mot « équitable » crée également une énorme confusion. En effet, le mot « équitable » n’a pas la même définition que le mot « égale », et il laisse entendre que chaque personne, entreprise ou entité ferait cela de son mieux. Il est donc étrange d’utiliser les mots « proportion équitable » dans ce cas-ci.
Je n’ai pas réussi à trouver une formulation moins floue ou plus précise, et j’ai donc pensé que la meilleure chose à faire était de supprimer ce passage.
Les mots qu’il faut ensuite supprimer, c’est-à-dire les mots « […] veiller à ce que tout moyen de contrôle de la programmation génère des résultats permettant sa découverte […] », me font penser que l’on va ordonner à quelqu’un de prendre le contrôle d’algorithmes pour y arriver. Encore une fois, je ne vois pas comment on pourrait accomplir cela autrement. Je pense que cela revient à la discussion que nous avons eue avec l’actuel commissaire du CRTC à maintes reprises. Je vous remercie.
La sénatrice Simons : Je suis d’accord avec la deuxième moitié de l’amendement de la sénatrice Wallin. En fait, c’est exactement la même chose que mon amendement qui se trouve quelques cases plus loin dans le tableau. Toutefois, j’aimerais que les fonctionnaires m’aident à mieux comprendre la première moitié de l’amendement, car maintenant que je lis ce paragraphe, je suis également un peu perplexe.
Ce libellé signifie-t-il que les services seraient tenus d’assurer à un anglophone la découvrabilité d’une quantité égale de contenu en français? Cela signifie-t-il qu’ils seraient tenus de fournir aux francophones une quantité égale de contenu en anglais?
Je veux m’assurer que je comprends bien ce que dit l’article, mais je suis d’accord avec la sénatrice Wallin pour dire que la suppression des mots « [...] et veiller à ce que tout moyen de contrôle de la programmation génère des résultats permettant sa découverte […] » soulage une grande partie de mes préoccupations liées à la manipulation des algorithmes.
M. Ripley : Je vous remercie, sénatrice Simons. Je pense que cela tire son origine d’un amendement apporté par le comité de la Chambre des communes. Comme ce n’était pas un amendement du gouvernement, je ne peux parler de l’intention du motionnaire. Je peux cependant dire qu’à la manière dont l’alinéa q) est formulé, il fait référence aux revendeurs quand il parle « [...] d’entreprises en ligne qui fournissent les services de programmation provenant d’autres entreprises de radiodiffusion [...] ». Par exemple, il pourrait s’agir des canaux d’Amazon ou de toute autre entreprise de distribution de radiodiffusion virtuelle.
Le premier sous-alinéa parle d’assurer la découvrabilité des services de programmation canadienne, autrement dit, des services de télévision canadiens offerts par des revendeurs. Il y est ensuite question « des émissions canadiennes originales, notamment les émissions de langue originale française, dans une proportion équitable ». Équitable ne signifie pas égal. Selon ce que je comprends de la motivation derrière cet amendement, le gouvernement veut s’assurer qu’un effort soit déployé pour garantir la découvrabilité des émissions de langue originale française, vu les défis que rencontre ce marché, ainsi que les services de programmation canadienne.
La sénatrice Simons : Au risque de voir une crevasse s’ouvrir et m’engloutir, je voudrais proposer un sous-amendement pour qu’au lieu d’éliminer les lignes 31 à 34, nous amendions l’alinéa pour indiquer « assurer la découvrabilité des services de programmation canadienne ainsi que des émissions canadiennes originales en langues anglaise et française ».
Cela assurerait la découvrabilité passive, à laquelle la sénatrice Wallin ne s’oppose pas, il me semble. Même les plus féroces critiques du projet de loi souhaitent que les gens puissent découvrir du contenu canadien en regardant Netflix.
Le président : Sénatrice Simons, avant de poursuivre votre argumentaire, pourriez-vous répéter clairement le sous-amendement à l’intention du greffier?
La sénatrice Simons : Certainement, puisque je viens juste de le formuler.
Le président : Oui. Prenez votre temps. Il faut juste que le sous-amendement soit plus clair pour lui.
La sénatrice Simons : C’est pour amender l’alinéa afin qu’il indique « assurer la découvrabilité des services de programmation canadienne ainsi que des émissions canadiennes originales en langues anglaise et française ».
Le président : Pouvez-vous le répéter lentement à l’intention du greffier?
La sénatrice Simons : C’est pour amender le sous-alinéa (i) pour qu’il indique « assurer la découvrabilité des services de programmation canadienne ainsi que des émissions canadiennes originales en langues anglaise et française ». Il y aurait une virgule à la fin, puis on continuerait avec le libellé proposé par la sénatrice Wallin.
Le président : Vous pouvez poursuivre votre intervention, sénatrice.
La sénatrice Simons : Je peux l’écrire.
La sénatrice Wallin : Vous dites que vous termineriez le passage par « langues anglaise et française » ou « langues française ou anglaise »?
La sénatrice Simons : Oui.
La sénatrice Wallin : Il ne se terminerait pas par « [...] dans une proportion équitable [...] », puisque nous éliminons ce passage.
La sénatrice Simons : En effet.
La sénatrice Wallin : Nous l’enlevons. Voilà qui me pose un problème. J’essayais de trouver une définition.
La sénatrice Simons : Je vais écrire mon sous-amendement.
La sénatrice Wallin : J’ai autre question.
Le président : Posez votre question, sénatrice Wallin.
La sénatrice Simons remettra son sous-amendement par écrit au greffier, et nous lui reviendrons.
La sénatrice Wallin : Je veux interroger M. Ripley de nouveau, puisque le libellé porte à interprétation.
Les entreprises en ligne dont il est question à l’alinéa q) qui fournissent les services d’autres entreprises de radiodiffusion devraient assurer la découvrabilité. Je me demande comment elles s’y prendront pour assurer cette découvrabilité. Vise-t-on les entreprises ou l’utilisateur final, le consommateur ou l’auditoire?
M. Ripley : Je vous remercie, sénatrice Wallin.
À mon avis, le sous-alinéa parle d’assurer la découvrabilité des services de programmation canadienne ainsi que des émissions canadiennes originales pour les utilisateurs de l’entreprise en ligne ou du revendeur.
Ici encore, si on utilise l’exemple de Télé Élan de Rogers ou de Prime Video d’Amazon, ces entreprises doivent s’assurer que quand les clients utilisent ces services, ils peuvent y trouver des canaux de télévision canadiens ou des services de programmation canadiens.
La sénatrice Wallin : Le sous-alinéa est formulé d’une manière qui donne l’impression que les entreprises en ligne qui utiliseront les autres services... Je ne vois pas comment on pourrait procéder autrement qu’en ne fournissant pas le service.
M. Ripley : Elles doivent s’assurer que les services canadiens ne sont pas noyés dans la masse et que les utilisateurs peuvent les trouver quand ils se connectent aux services des revendeurs. Il faut en faire la promotion.
La sénatrice Wallin : La promotion est une question distincte dont il est question plus loin.
J’essaie seulement d’y voir clair dans ce libellé. On pourrait l’interpréter comme s’il exigeait des entreprises qu’elles garantissent les actions de l’utilisateur final. Je ne vois pas comment cela pourrait être seulement possible. Si les entreprises assurent la découvrabilité, cela laisse entendre que l’utilisateur doit découvrir les émissions.
Le président : Honorables sénateurs et sénatrices, il est maintenant 21 h 45. La séance doit maintenant prendre fin.
Le sous-amendement sera prêt. C’est le premier point que nous examinerons mardi, lors de notre prochaine séance. Je reviendrai à ma liste, qui comprend actuellement la sénatrice Simons, qui parlera de son sous-amendement, suivie de la sénatrice Wallin et du sénateur Manning.
Honorables collègues, nous avons examiné de nombreux amendements aujourd’hui. Nous vous remercions tous de votre collaboration. Nous sommes impatients de poursuivre notre étude article par article mardi.
(La séance est levée.)