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TRCM - Comité permanent

Transports et communications


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES TRANSPORTS ET DES COMMUNICATIONS

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, mercredi le 8 février 2023

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd’hui, à 18 h 46 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi S-242, Loi modifiant la Loi sur la radiocommunication.

Le sénateur Leo Housakos (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour, honorables sénateurs. Je déclare ouverte cette séance du Comité sénatorial permanent des transports et des communications. Je m’appelle Leo Housakos, sénateur du Québec et président de ce comité. J’inviterais mes collègues à se présenter à tour de rôle.

La sénatrice Simons : Je suis la sénatrice Paula Simons, de l’Alberta, territoire visé par le Traité no 6.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Sénatrice Miville-Dechêne, du Québec.

Le sénateur Cormier : Sénateur René Cormier, du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

La sénatrice Omidvar : Ratna Omidvar, de l’Ontario.

[Français]

La sénatrice Clement : Bernadette Clement, de l’Ontario.

[Traduction]

Le sénateur Quinn : Jim Quinn, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Wallin : Pamela Wallin, de la Saskatchewan. Je signale que nous sommes habituellement mieux organisés.

[Français]

Le président : Honorables sénatrices et sénateurs, nous nous réunissons pour continuer notre étude du projet de loi S-242, Loi modifiant la Loi sur la radiocommunication.

Pour notre premier groupe de témoins, nous avons le plaisir d’accueillir devant le comité, par vidéoconférence, des représentants de TECHNATION, soit Michele Lajeunesse, vice‑présidente principale, Relations gouvernementales et politiques, et Michael Dugeri, analyste des politiques.

[Traduction]

Nous accueillons ce soir Jonathan Black, directeur général, et Neil Smellie, directeur, qui représentent l’Association canadienne des télécommunications sans fil, ou ACTS.

Je vous souhaite la bienvenue et vous remercie de vous joindre à nous pour notre réunion. Nous entendrons d’abord vos exposés, en commençant par TECHNATION, suivi de celui de l’ACTS. Madame Lajeunesse, vous avez la parole.

Mme Michèle Lajeunesse, vice-présidente principale, Relations gouvernementales et politiques, TECHNATION : Je vous remercie beaucoup. Au nom de TECHNATION, nous vous remercions, monsieur le président, honorables membres du Comité sénatorial permanent des transports et des communications, de nous permettre de participer à votre étude du projet de loi S-242. Nous serions aussi disposés à discuter de notre position, avec votre comité ou ses représentants, à une occasion ultérieure.

Pour ceux qui ne connaissent pas notre organisation, TECHNATION joue un rôle central dans les liens que tissent l’industrie et le gouvernement afin d’assurer la prospérité technologique au Canada. Nous veillons à unir les acteurs technologiques et le gouvernement pour que le Canada connaisse un avenir prospère. Nous nous assurons que la technologie et l’innovation servent de vecteur pour garantir un tel avenir au Canada.

Nous sommes un des principaux promoteurs de l’élargissement des capacités d’innovation au Canada, et nous encourageons l’adoption des technologies pour optimiser la productivité et le rendement dans tous les secteurs d’activité. Nos membres dirigent nos efforts, et nous sommes un organisme sans but lucratif. Depuis plus de 60 ans, TECHNATION est le principal représentant national de l’industrie des technologies de l’information et des communications, ou TIC, qui génère 230 milliards de dollars par année. Plus de 36 000 entreprises canadiennes dans le secteur des TIC créent et fournissent des biens et services rendant la société plus productive, plus concurrentielle et plus novatrice.

Le secteur des TIC emploie plus d’un million de personnes de manière directe et indirecte, et investit 8 milliards de dollars en recherche et développement, soit plus que tout autre concurrent dans le secteur privé. Nous soutenons le projet de loi S-242, qui pourrait rehausser les occasions d’innover pour les PME et les microentreprises de l’industrie des technologies, qui dépendent d’un accès à Internet à large bande pour demeurer connectées et concurrentielles.

À TECHNATION, nous connaissons de première main l’importance de l’accès à Internet à large bande dans les communautés rurales, à la lumière de nos nombreuses interactions avec les PME canadiennes sur notre plateforme Canada’s Digital Marketplace, qui offre un point d’accès consolidé simple pour les fournisseurs de solutions technologiques.

Pour les dirigeants canadiens à tous les niveaux dans les secteurs public et privé, notre plateforme constitue un guichet unique démontrant l’incroyable capacité d’innovation dont font preuve les petites et microentreprises partout au pays.

Le spectre est une ressource publique limitée et précieuse pouvant connecter les communautés éloignées, rurales et autochtones à Internet haute vitesse dans tout le Canada. Lorsque des licences de spectre sont vendues, il existe une obligation morale de garantir que le spectre sert bien à assurer cette connectivité.

Une bonne connexion en milieu rural peut grandement soutenir la prospérité de ces régions. Dans une récente étude sur la prospérité rurale, Canada 2020 souligne qu’une bonne connectivité est essentielle pour soutenir la croissance économique, le succès dans le secteur de l’éducation et les retombées sociales positives dans l’ensemble des collectivités.

Si les PME du secteur du tourisme ne bénéficient pas d’un niveau suffisant de connectivité, elles peineront à promouvoir leurs destinations rurales et ne pourront pas offrir un produit rivalisant avec la concurrence d’autres emplacements où la connexion est déjà adéquate.

De même, pensons aux entrepreneurs autochtones qui s’efforcent de fonder des entreprises sur leurs territoires traditionnels. La connectivité va leur permettre de développer leurs activités en ligne afin de commercialiser leurs produits et leurs services partout dans le monde, tout en demeurant ancrés dans leurs communautés. Par ailleurs, les réussites qui découlent de ces efforts auront des répercussions positives sur l’ensemble de la collectivité.

De plus, par ricochet, le gouvernement aura accès à une chaîne d’approvisionnement plus diversifiée pour relever les défis qui se posent à lui.

Enfin, pensons aux répercussions sur l’environnement. Pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre, notamment au sein des exploitations agricoles et des collectivités rurales, nous devrons faire en sorte que les citoyens puissent mettre en œuvre de nouvelles technologies et créer des débouchés pour l’apprentissage virtuel, la médecine virtuelle et l’emploi virtuel. En termes simples, la connectivité permettra de retirer des véhicules de la route et d’améliorer la qualité de vie des Canadiens vivant en milieu rural.

Mais pour parvenir à ce genre de résultats, nous devons utiliser les licences de spectre. Bref, si le spectre n’est pas utilisé par les personnes qui ont acheté la licence, il doit être redéployé vers des utilisateurs potentiels.

Je voudrais revenir sur les répercussions économiques. Il est important de noter qu’en mettant le spectre au service des collectivités rurales, les fournisseurs et les propriétaires des licences emploient des partenaires pour effectuer le travail, et la majorité de ces partenaires dans les collectivités rurales sont des petites et moyennes entreprises.

Au nom de TECHNATION, nous vous remercions de nous avoir donné l’occasion de nous prononcer sur le projet de loi S-242.

Le président : Merci beaucoup.

Monsieur Black, la parole est à vous.

Jonathan Black, directeur général, Association des fournisseurs de service Internet sans fil : Merci, et bonsoir. Je vous remercie de me donner l’occasion de participer à cette audience. Je suis accompagné de Neil Smellie, qui a été responsable d’un petit fournisseur rural de services Internet dans la région de Muskoka pendant 24 ans. M. Smellie est à présent directeur de CanWISP.

Les membres de notre association conçoivent, détiennent et exploitent des réseaux Internet. Ils fournissent l’accès à Internet aux ménages et aux entreprises dans les régions rurales du Canada, d’un océan à l’autre. Nos membres se servent à la fois des technologies de fibre optique et des technologies sans fil fixe, qui se distinguent de la technologie cellulaire sans fil.

On compte au total environ 200 petits fournisseurs de services Internet qui desservent des centaines de milliers de résidants et d’entreprises en milieu rural. Ces fournisseurs sont, en quelque sorte, les exploitations familiales de l’industrie canadienne de la connectivité pour les régions rurales. S’ils existent, c’est parce que les grandes entreprises n’ont pas investi dans leurs collectivités rurales. Toutefois, la plupart de ces petits exploitants ne sont pas en mesure d’accéder à des licences d’utilisation du spectre. La grande majorité des licences sont détenues par de grands fournisseurs à l’échelle régionale et nationale, et une grande partie du spectre demeure inutilisé au sein des milieux ruraux.

CanWISP est fortement en faveur d’un mécanisme obligeant les acquéreurs à utiliser le spectre sous peine de le perdre, et nous avons défendu ce principe dans le passé. De ce point de vue, nous souscrivons donc à la prémisse fondamentale du projet de loi S-242.

Nous sommes toutefois d’avis que le projet de loi, dans sa forme actuelle, ne remplit pas son objectif, soit d’encourager l’accès à la connectivité dans les régions rurales.

Le projet de loi impose une approche uniformisée en matière de déploiement. Comme l’a noté ISDE hier, la technologie du spectre ne fonctionne pas de cette manière. Des facteurs tels que la géographie, la densité de population et même la physique des fréquences radio signifient qu’adopter une approche uniformisée ne permettra pas d’atteindre les objectifs liés à la connectivité en milieu rural. Les lois et les politiques conçues pour Toronto ou Edmonton ne fonctionneront pas dans les régions rurales de l’Île-du-Prince-Édouard ou dans la région côtière de la Colombie-Britannique.

Le projet de loi exclut explicitement les zones de desserte plus petites, ou de niveau 5 comme les appelle lSDE, qui représentent 654 zones géographiques au pays. Si nous voulons soutenir la connectivité rurale, nous devons faire le contraire. En effet, nous devons appliquer les exigences de déploiement à des zones géographiques plus petites, en veillant à ce que le déploiement en milieu rural ne soit pas évité au profit des seules zones urbaines ou exurbaines.

La responsabilité civile imposée par le projet de loi, bien qu’elle puisse paraître séduisante pour les personnes qui n’ont pas accès au spectre, est susceptible de décourager l’investissement et nécessiterait, au minimum, quelques précisions supplémentaires.

ISDE dispose des outils stratégiques nécessaires au déploiement de services dans les régions rurales. Les Canadiens qui habitent dans les régions rurales sont frustrés par la lenteur de leur accès à Internet, mais ce projet de loi ne va pas améliorer la situation. Le gouvernement peut mettre en œuvre des solutions pratiques pour appuyer l’accès aux services Internet en milieu rural, notamment par des politiques plus proactives dans certains domaines. Les ventes aux enchères du spectre ne font qu’exclure les fournisseurs de services Internet, FSI, en milieu rural. La taille des terrains est si grande et les prix sont si élevés que les FSI ne peuvent pas y participer. Lors de ces ventes, le spectre est acheté par des acteurs majeurs qui ne s’intéressent pas à la connectivité en milieu rural, et qui déploient plutôt des couches supplémentaires de technologie et de spectre dans les zones urbaines déjà bien desservies.

Je suppose que les acteurs majeurs agissent ainsi parce qu’ils cherchent à obtenir un rendement optimal pour leurs actionnaires. Rien n’incite les détenteurs de spectre à accorder des sous-licences pour leurs fréquences en milieu rural et, en fait, nombre d’entre eux considèrent que la concession de sous‑licences favorise un concurrent.

Une combinaison de règles actualisées en matière de spectre et de nouvelles exigences en matière d’octroi de sous-licences est nécessaire pour permettre aux petits fournisseurs de combler les lacunes en matière de connectivité dans les régions rurales et éloignées, lacunes que les grands fournisseurs ne peuvent et ne veulent pas combler.

Les programmes de financement du gouvernement et l’accès à la Banque de l’infrastructure du Canada, la BIC, favorisent les grandes entreprises. Dans de nombreux cas, les projets financés par ces moyens entraînent des dédoublements inutiles sur des réseaux déjà en place au sein des régions rurales, au lieu de faciliter l’installation de nouveaux réseaux là où il y a des lacunes dans la prestation de services à large bande. Cette situation doit changer. Les petits fournisseurs de services doivent pouvoir bénéficier de financement sur un pied d’égalité avec les grands fournisseurs.

Les infrastructures bâties grâce à des fonds publics, et notamment les installations de transport, ne sont pas mises à la disposition des autres FSI pour aider les régions mal desservies. Il est nécessaire de mettre en place et de faire appliquer un régime d’accès proconcurrentiel lié à tout financement public des installations de transport.

Pour conclure, bien que les intentions du projet de loi soient louables, il ne permettra pas d’améliorer l’accès aux réseaux à large bande dans les collectivités rurales et éloignées. Nous devons nous concentrer sur l’utilisation du spectre dès maintenant.

La plus grande récupération de licences de spectre de l’histoire est en cours. Le spectre utilisé aujourd’hui par de nombreux FSI en milieu rural est récupéré par ISDE afin que les grands joueurs puissent faire des offres pour l’acquérir lors de la prochaine vente aux enchères de 3 800 mégahertz. Il serait tragique que ce spectre utilisé aujourd’hui pour desservir les Canadiens en milieu rural soit acheté par les grands fournisseurs et ne puisse pas être déployé au sein des régions rurales au pays.

Les FSI en milieu rural partout au Canada essaient de déterminer comment ils pourront offrir des services à leurs clients au cours des quelques prochaines années.

Établir l’accès à Internet dans les collectivités rurales présente de nombreux défis, des défis que les membres de CanWISP vivent au quotidien. Le projet de loi S-242 reconnaît l’un de ces défis, l’accès aux portions de spectre non utilisées. Néanmoins, dans sa forme actuelle, il ne résout pas ce défi. Les collectivités rurales ont besoin du soutien du gouvernement fédéral pour s’assurer que le spectre, qui est une ressource publique, est utilisé au profit de l’ensemble des Canadiens. Pour ce faire, il faudra adopter une orientation politique plus proactive afin d’être en mesure de surmonter les principaux obstacles comme ceux dont nous venons de discuter.

Nous nous réjouissons de voir que le gouvernement fait des efforts concrets pour améliorer l’utilisation du spectre au sein des régions rurales. CanWISP est toujours heureux de discuter avec vous de la façon dont, ensemble, nous pouvons aider les collectivités rurales à obtenir de meilleurs services à large bande. Je répondrai avec plaisir à vos questions.

Le président : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à la vice-présidente du comité pour poser des questions.

La sénatrice Miville-Dechêne : Je tiens à remercier tous nos témoins de leurs exposés.

Je suis perplexe, monsieur Black. Vous avez mentionné que 650 zones géographiques sont exclues par le projet de loi. Pourriez-vous nous expliquer plus en détail pourquoi? De quelle partie du projet de loi est-il question? Quel est le problème? Je n’ai pas compris.

Par ailleurs, je suis très inquiète par votre mention de la récupération de licences de spectre la plus importante de l’histoire. Mais commençons par ma première question.

M. Black : Dans le projet de loi, on fait référence aux zones de niveau 5 qui sont exclues de la mesure législative. ISDE a divisé le pays en cinq niveaux de zones autorisées. Le niveau 1 est national. Si vous achetez une licence de spectre dans une zone de niveau 1, c’est pour l’ensemble du pays, et la zone diminue à mesure que l’on passe du niveau 1 au niveau 5. Au niveau 5, il y a 654 zones ou régions géographiques.

La prochaine vente aux enchères du spectre sera organisée dans des zones de niveau 4, que l’on appelle, je crois, les 790 zones. Nous plaidons depuis longtemps en faveur de zones plus petites, ce qui permettrait de suivre de plus près la mesure de l’utilisation du spectre.

Le président : Monsieur Black, je regrette de devoir vous interrompre. Pouvez-vous nous donner un exemple précis d’une zone 5 ou d’une zone 3 sur le plan géographique pour que nous puissions comprendre?

M. Black : Oui, M. Smellie a une bonne expérience à cet égard.

Neil Smellie, directeur, Association des fournisseurs de service Internet sans fil : Si vous connaissez la ville de Kingston, le niveau 4 s’étend du lac Ontario jusqu’à plusieurs kilomètres au nord du corridor de l’autoroute 401. À l’intérieur se trouvent ce que nous appelons des zones de niveau 5. L’une de ces zones de niveau 5 est la zone urbaine de Kingston, et au‑dessus, il y a des zones plus rurales, qui se situent à l’intérieur du niveau 4.

Ce que nous voulons faire valoir, c’est que dans un niveau comme le niveau 4, le spectre est très important car Kingston est une grande agglomération. Elle est également traversée par le corridor de l’autoroute 401, de sorte que toute entreprise régionale ou tout exploitant historique qui tente de pénétrer le marché trouvera le spectre le long du corridor de l’autoroute 401 et au centre-ville très utile.

À cinq milles au nord de l’autoroute 401, c’est là où est le problème. C’est là où ils n’utilisent pas leur spectre et que nos membres n’y ont pas accès.

La sénatrice Miville-Dechêne : Vous n’avez donc aucune explication pour cette exclusion? Vous aimeriez qu’elle n’existe pas?

M. Smellie : Nous aimerions aller plus loin que cela. Nous aimerions que la mesure de la connectivité soit basée sur un niveau donné. Nous comprenons qu’elle sera mise aux enchères au niveau 4, mais nous pensons que le critère pour la connectivité devrait être basé sur le niveau 5. Ainsi, si quelqu’un achète un niveau 4, il doit satisfaire aux exigences de déploiement pour toutes les zones de niveau 5 qui sont incluses dans ce niveau 4.

M. Black : Si je peux donner un exemple, si quelqu’un achète le niveau 4 qui inclut Kingston et les villes et villages environnants — vous connaissez peut-être très bien cela —, en vertu du projet de loi proposé, il pourrait desservir 50 % de la population en ne desservant que Kingston. Et puis les autres zones comme Sydenham — j’essaie de penser aux autres petites villes de la région — n’auraient pas besoin d’être desservies et répondraient quand même à l’exigence de déploiement en vertu du projet de loi proposé.

Le président : J’ai une question complémentaire. Pouvez‑vous me donner un exemple géographique du niveau 1? Vous avez dit que le niveau 1 aurait une portée très nationale.

M. Black : Le niveau 1 correspond à l’ensemble de la nation. Je crois que le niveau 2 correspond aux provinces, puis les zones deviennent de plus en plus petites.

Le président : Pardonnez mon ignorance car je suis encore en mode algorithme. Pourquoi vendrions-nous des spectres aux niveaux 4 et 5 alors que nous pourrions vendre des spectres de niveau 1 qui couvriraient l’ensemble du pays? Je ne sais pas si cette question est logique.

M. Smellie : Cela exclurait la plupart des fournisseurs. Peu de fournisseurs auraient les moyens d’acheter le spectre d’une zone aussi grande ou de déployer un spectre de cette portée. La connectivité de TELUS est certainement plus forte dans l’Ouest, tandis que celle de Rogers et de Bell est plus forte dans l’Est.

Le président : J’imagine donc que seulement TELUS, Bell et Rogers achèteraient du spectre de niveau 1?

M. Smellie : Il est également très inhabituel pour ISDE de vendre aux enchères quoi que ce soit de niveau 1.

La sénatrice Miville-Dechêne : Si je peux juste ajouter quelque chose, nous avons entendu hier les témoignages de fonctionnaires. Ils ont dit qu’ils voulaient vendre de petites portions à l’avenir, et j’ai pensé, si vous vendez plus de petites portions, personne ne voudra acheter le niveau 5 parce qu’il n’y a pas d’argent ou pas beaucoup d’argent à faire avec ce niveau. Tout le monde achètera alors le spectre dans les villes. Cette option ne serait-elle pas préférable?

M. Black : Préférable, peut-être, selon la façon dont on le définit. Si l’option préférable maximise le rendement, c’est une solution. Le niveau 5 de Kingston serait probablement toujours acheté par un grand fournisseur qui y offrirait des services, et le niveau à Sydenham et dans d’autres petites villes à l’extérieur ne serait pas vendu au même prix parce que la densité de la population est différente, et il pourrait être offert à un prix raisonnable à un plus petit fournisseur.

La sénatrice Miville-Dechêne : Nous avons donc besoin d’une bonne réforme.

M. Black : Hier, j’ai mentionné qu’ils ont mis aux enchères le spectre dans de plus petits niveaux, pour ainsi dire. Je pense que cette prochaine vente aux enchères de 3 800 mégahertz dans le niveau 4 est un niveau plus petit ou une zone plus petite que celle dans laquelle ils ont généralement mis le spectre aux enchères. Nous disons que nous devrions même aller jusqu’au niveau 5 pour les enchères.

Cela rend la situation plus difficile sur le plan administratif. Il se peut que deux fournisseurs soient côte à côte pour essayer de définir les limites, mais si c’est le prix à payer pour que ce spectre soit utilisé dans les régions rurales du Canada, cela en vaut peut-être la peine.

Le président : Est-ce que Mme Lajeunesse ou M. Dugeri veulent donner leur point de vue sur ces questions?

Mme Lajeunesse : Je pense que l’équipe est bonne en ce qui concerne ce que nous avons entendu de la part de M. Black. Du point de vue du déploiement, nous soutenons certainement l’établissement d’une norme de base. C’est une bonne idée.

La seule chose que je voulais demander, si possible, à mon collègue, lorsque vous dites « plus difficile sur le plan administratif », pouvons-nous juste préciser pour qui? S’agit-il du gouvernement, des fournisseurs ou de tous ces intervenants?

M. Black : Il est certainement plus difficile pour ISDE de réaliser une vente aux enchères dans plusieurs centaines de territoires plutôt que dans quelques-uns, ce à quoi je réponds qu’il est peut-être temps de faire travailler vos ordinateurs plus fort ou plus vite. C’est un peu audacieux, mais nous ne sommes plus à l’époque du papier et du crayon.

Mme Lajeunesse : À cet égard, je suis tout à fait d’accord avec mon collègue pour dire que nous devons faciliter la vie de nos PME et de nos entreprises pour qu’elles puissent réellement servir nos communautés rurales. Je suis tout à fait d’accord; trouvons un moyen de faire fonctionner l’automatisation au sein du gouvernement, c’est certain.

La sénatrice Simons : J’allais poser une question distincte, mais je dois revenir à cette question de la récupération, à laquelle la sénatrice Miville-Dechêne n’a pas eu le temps de recevoir une réponse.

Expliquez-nous ceci, car des fonctionnaires du gouvernement nous ont dit hier qu’ils allaient tenir une grande vente aux enchères, mais ils n’ont rien dit à propos de prendre le spectre que les gens utilisaient déjà. Comment se fait-il que vous utilisiez ce spectre, et pourquoi on vous le retirerait?

M. Black : Il existe plusieurs façons d’utiliser le spectre. Certaines fréquences sont attribuées pour une utilisation libre et gratuite. Il est généralement utilisé notamment par votre moniteur de surveillance pour bébé, votre ouvre-porte de garage et le dispositif WiFi de votre maison.

Le spectre à l’autre extrémité est acheté aux enchères, et il y a d’autres zones du spectre qui ont été mises de côté pour ce que nous appelons le spectre sous licence restreinte. Les frais sont très minimes, et l’expression à la mode est le service à large bande sans fil, SLBSF, ou le spectre est de 3,65 gigahertz. Ce spectre a été largement utilisé dans tout le Canada pour fournir Internet aux Canadiens des zones rurales. Il n’y a pas d’interférences avec les moniteurs pour bébés et les ouvre-portes de garage.

Il s’agit également d’un spectre de choix pour la 5G, cette technologie dont nous entendons tous parler et que certains d’entre nous ont expérimentée. D’après ce que nous avons compris — et ISDE peut et va s’en occuper —, leur souhait était d’avoir un bloc de spectre contigu, de 3 500 à 3 900, que les fournisseurs pourraient utiliser pour fournir des services 5G sans interruption au milieu. C’était l’intention, de prendre ce spectre sous licence restreinte.

Avec cette licence restreinte, lorsque M. Smellie voulait déployer et utiliser le spectre, il devait présenter une demande à Industrie Canada et dire qu’il allait installer des tours ici et il exposait ce qu’il allait faire. Des frais minimes pouvaient être perçus, des centaines ou des milliers de dollars — pas des centaines de milliers — et il pouvait les utiliser pour fournir un service Internet à son quartier, sa communauté ou sa région rurale. Ils ont dit que nous, les petits fournisseurs de services Internet ruraux, devions libérer ce spectre d’ici 2025 ou 2027, selon qu’il s’agit d’une zone rurale ou d’une zone plus urbaine.

La sénatrice Simons : Recevrez-vous une rémunération? Cela ressemble à des déplacements forcés de moutons dans les Highlands en Écosse.

Je veux revenir à ma question. Le sénateur Patterson a présenté des arguments convaincants, et je pense que vous approuvez tous l’intention de sa proposition, mais il devient de plus en plus clair pour moi qu’une solution unique ne fonctionnera pas. Je déteste rejeter ce projet de loi d’emblée parce que je pense qu’il essaie de nous amener au bon endroit. J’essaie de voir s’il y a un moyen de le modifier.

Par exemple, au lieu d’avoir à la fois une limite de 50 % et une limite de cinq ans, si vous aviez un projet de loi qui disait, « Vous devez respecter l’engagement que vous avez pris dans les trois ou cinq ans », cela fonctionnerait-il, plutôt que de dire 50 %? Je peux imaginer que l’accord conclu par quelqu’un était qu’il atteindrait 30 %. Pourrions-nous simplement raccourcir le délai sans avoir les 50 %? Cela nous mènerait-il là où nous voulons être?

M. Smellie : Le délai dans certains cas et dans certains spectres est raisonnable. Nous en avons discuté autour de la table de notre conseil d’administration. Nous pensons qu’une période de trois ans serait un bon délai pour qu’ISDE vérifie ce spectre et voie comment il est déployé. Si l’entreprise est en train de le déployer d’une manière commerciale qui est logique et qui fournit le spectre aux Canadiens, alors peut-être qu’elle sera autorisée à passer à l’étape de cinq ou sept ans qui existe actuellement.

Si ISDE se rend chez un détenteur de spectre au cours de la troisième année et découvre qu’il n’a pas déployé le spectre et n’a pris aucune disposition pour le faire, il est peut-être temps pour lui de rendre le spectre. C’est l’une des idées que nous avons eues. Le spectre à mi-bande dont nous parlons, ce spectre de 3 gigahertz, est idéal pour ce genre de choses. Dans les spectres d’ondes millimétriques plus élevés, une limite de 50 % de la population dans un niveau pourrait être ambitieuse parce que cette technologie ne couvre pas autant de personnes, il faut donc beaucoup plus d’infrastructures pour pouvoir couvrir un niveau entier.

La sénatrice Miville-Dechêne : En même temps, vous venez de présenter le contre-argument selon lequel si quelqu’un acquiert le niveau 4, il mérite aussi les poches qui sont dans le niveau 5, donc cela signifierait qu’il mérite 100 % ou plus.

M. Smellie : Cela changerait les exigences en matière de déploiement. Si nous reprenons l’exemple de Kingston, s’ils achètent un niveau 4, ils pourraient installer une seule tour dans la ville de Kingston et respecter leur déploiement, ce qui, à mon avis, n’est pas l’intention du comité, du projet de loi ou d’ISDE, d’ailleurs. Ce que nous disons, c’est qu’ils peuvent toujours acheter ce niveau 4, mais quand il s’agit de l’examen de la façon dont ils utilisent ce spectre, ils doivent s’assurer qu’ils peuvent garantir que Kingston est pris en charge. Ils doivent aller dans les zones rurales périphériques et s’assurer que l’entreprise s’est déployée dans ces zones également.

La sénatrice Wallin : Si j’ai bien compris l’intention du sénateur Patterson, l’auteur du projet de loi, parce qu’il a été interrogé à ce sujet ici et ailleurs, nous devons prendre une demi‑douzaine de mesures relativement à la façon dont le gouvernement gère le spectre et assure la prestation de services dans les régions rurales. La liste est longue. Le sénateur Patterson essaie de mettre l’accent sur une zone très précise. Je pense que lui et moi sommes souvent embêtés par les différentes définitions de la ruralité.

Si vous vivez dans une région rurale à l’extérieur de Kingston, de Toronto ou de Saskatoon, ce ne sera pas considéré comme une région rurale selon sa conception à lui ou la mienne. N’oublions pas que le sénateur Patterson vit dans le Nord. Si vous essayez de procéder en tenant compte de la population ou de la géographie, il doit y avoir un autre système pour y arriver. C’est la même chose dans ma région. On y trouve de vastes zones très peu peuplées. Personne ne veut ériger une tour pour 100 habitants. Il est vrai que le niveau 5 n’utilise pas toujours ce critère et que le niveau 4 pose problème. Si vous êtes à l’extérieur de Kingston, c’est beaucoup plus facile, car vous savez que vous allez au moins récupérer l’argent que vous avez investi.

À mon avis, lorsque le sénateur Patterson a proposé son option « on s’en sert ou on le perd », il ne voulait pas que ce principe s’applique au niveau 5 et aux petits producteurs. Je pense qu’il essayait de dire au gouvernement : « Si vous êtes vraiment sérieux au sujet de l’accès à Internet et de la prestation de services dans les régions rurales, retroussez-vous les manches et joignez l’acte à la parole en adoptant la réglementation qui s’impose. » D’ailleurs, nous parlons ici de régions rurales dans le sens le plus strict du terme, et pas seulement de régions à l’extérieur de Kingston.

Je sais que, selon vous, le projet de loi n’accomplit pas tout cela, mais nous devons parler le même langage lorsque nous utilisons le terme « rural ». Je crois que c’est ce qui est à l’origine du problème que pose le niveau 5; je ne savais pas, moi non plus, que le gouvernement cherchait à mettre ce spectre aux enchères. C’est absurde. L’objectif, à mon avis, c’est de laisser intact le niveau 5 et peut-être de permettre aux gens du niveau 5 d’accéder à une partie du niveau 4.

M. Black : Nos membres devraient se conformer aux exigences de déploiement. S’ils ont un spectre, ils devraient respecter ces exigences. L’exemple que nous avons donné à propos de Kingston s’appliquerait également à d’autres régions du pays. Les zones de niveau 5 sont de grandeurs différentes. Il ne s’agit pas d’un kilomètre carré, mais plutôt d’une population. Le niveau 5 dans le Nord de la Saskatchewan couvrirait une très grande superficie. Même s’il s’agit d’un niveau 5, l’exploitant devrait quand même desservir les habitants de la région. Les titulaires de licences qui ne desservent qu’une seule collectivité ne devraient pas être réputés avoir rempli cette exigence. Le taux de 50 % est peut-être trop faible.

La sénatrice Wallin : C’est là où je veux en venir. Par ailleurs, le gouvernement ne semble pas imposer les règles en vigueur. Est-ce bien le problème que vous observez dans d’autres endroits aussi?

M. Black : ISDE dispose de nombreux outils stratégiques.

La sénatrice Wallin : Des outils que le ministère n’utilise pas, n’est-ce pas?

M. Black : Je pense que le ministère les utilise plus souvent que par le passé. Soyons francs : le processus est-il suffisamment rapide? Nous aurions aimé que le ministère effectue les essais de déploiement plus tôt, il y a 5 ou 10 ans. Ce n’est pas ce qui s’est passé. Maintenant, nous nous trouvons dans une situation où les Canadiens des régions rurales n’ont pas du tout le même accès à Internet que les Canadiens des régions urbaines.

La sénatrice Wallin : D’après vous, du point de vue de l’industrie, pourquoi est-ce le cas? En avez-vous une idée? On nous fait cette promesse presque chaque semaine.

M. Black : C’est le cas depuis peu. J’aurais aimé que nous nous réunissions il y a 5, 7 ou 10 ans pour en discuter. Il se peut que l’ensemble de l’industrie n’y ait tout simplement pas prêté attention. J’aurais voulu avoir la capacité de retourner en arrière et de refaire certaines choses. C’est peut-être un souhait que nous avons tous.

Le sénateur Quinn : Merci, chers témoins, d’être des nôtres ce soir. Il s’agit d’un autre sujet qui ne m’est pas familier dans le domaine des communications et des transports; toute cette discussion est quelque chose de nouveau pour moi. Toutefois, il est intéressant d’établir un lien entre la discussion de ce soir et celle d’hier soir, car les témoins ont parlé du spectre qui est acquis à la suite d’une mise aux enchères, mais qui n’est ensuite pas utilisé en totalité, de sorte que la partie inutilisée finit par être vendue. On a mentionné entre autres que l’entreprise qui obtient le spectre fait des profits de plusieurs centaines de millions de dollars. En tant qu’ancien fonctionnaire, j’ai du mal à comprendre cela. Quelqu’un peut faire une offre sur quelque chose, sans forcément avoir l’intention d’utiliser le spectre au complet, puis le vendre et faire de gros profits. Le nouvel acheteur peut ensuite spéculer; je crois que c’est le mot employé par mon collègue.

Quels amendements nous proposeriez-vous d’apporter au projet de loi pour nous attaquer au cœur du problème que vous décrivez ce soir? En fait, je dois admettre que j’avais compris de travers la question des niveaux 1, 2 et 3 pour ce qui est de la couverture nationale et provinciale. Maintenant, nous avons compris. Quoi qu’il en soit, je trouve vraiment embêtant l’exemple du niveau 5 que vous avez donné pour Kingston. Les exploitants gagnent beaucoup d’argent en fournissant un service aux citoyens de Kingston, et ils laissent tomber les petites collectivités à l’extérieur de la ville. Selon moi, il faut remédier à cette situation. À la lumière de tout ce que vous avez dit ce soir, je me demande ce que vos organisations recommanderaient comme amendements.

M. Smellie : Pour appliquer les exigences de déploiement concernant le niveau 5, il faudrait tout d’abord examiner les titulaires de licences vers la troisième année pour voir s’ils satisfont à leur exigence. Rendu là, on déciderait s’il y a lieu de révoquer le spectre ou de prendre une sorte de mesure punitive ou si l’entreprise fait un effort raisonnable pour déployer le spectre.

Par ailleurs, si les titulaires continuent d’acheter une part du spectre de niveau 4, et qu’ils ne s’intéressent qu’au déploiement dans une petite ville, nous devons avoir la possibilité de subordonner cette licence à un plus petit fournisseur qui dessert l’extérieur de cette zone urbaine, car en général, nos membres ne desservent pas les villes; ils desservent les régions situées à l’extérieur des villes. Ce serait utile si nous pouvions amener les titulaires à desservir la ville et le corridor routier et les inciter à subordonner le spectre à une plus petite entreprise lorsqu’ils estiment que le déploiement dans les zones de niveau 5 qui relèvent de leur couverture n’est pas rentable.

L’autre avantage possible, c’est que cela pourrait les forcer à entamer le déploiement dans les zones de niveau 5 pour satisfaire aux exigences de leur licence.

Le sénateur Quinn : Mon autre question comporte deux parties. La première est de savoir s’il faut adopter une approche punitive parce qu’il y a des gens qui achètent des fréquences et qui, intentionnellement ou non, ne les utilisent pas; ils choisissent de les vendre ou ils les gardent jusqu’à ce que le spectre soit récupéré, comme dans la vente aux enchères dont il est question ce soir. Ne devrait-il pas y avoir une approche punitive? Ils ont installé leur réseau à Kingston, ils font de l’argent à Kingston et ils font fi des autres. Ils ne remplissent pas l’engagement qu’ils ont pris.

M. Smellie : Dans le cas dont vous parlez, oui, il devrait y avoir une certaine répercussion. Voici le problème que pose le projet de loi relativement au niveau 4 : si les exploitants déploient le spectre dans la zone urbaine de niveau 4, ils ont satisfait à l’exigence de fournir des services à 50 % de la population. Il doit y avoir un autre critère qui, je le répète, les encouragerait à subordonner ce spectre à une autre entreprise, ou peut-être que le prix du spectre lui-même baissera parce qu’ils auront plus de coûts en capital pour répondre à cette exigence de licence. À l’heure actuelle, ils connaissent la taille de ce niveau et le nombre d’habitants; ils savent qu’ils peuvent déployer le spectre uniquement dans le centre urbain, et ils savent combien de capitaux ils devront investir et combien de revenus ils en tireront. Ils peuvent faire fi des zones urbaines dans leur ensemble parce qu’ils n’en ont pas besoin pour satisfaire à l’exigence.

Le sénateur Quinn : L’autre question s’adresse à ceux qui sont de petits fournisseurs dans les zones de niveau 5. C’est certainement un secteur d’activité qui exige beaucoup de capitaux; je songe notamment à la construction de tours. Comment de tels projets sont-ils financés aujourd’hui? Comment financez-vous le vôtre?

M. Smellie : J’ai commencé le déploiement sans fil en 2007. J’ai eu de la chance, car à l’époque, j’avais réalisé quelques projets de construction avec l’aide de FedNor, et nous avons pu construire plus d’une centaine de tours dans le district de Muskoka. Nous les avons déployées en l’espace de deux ans, et nous n’aurions pas pu y parvenir sans cette collaboration. Nous avons utilisé un spectre sans licence au début, ce qui signifie que nous n’avions pas de coût lié au spectre.

L’inconvénient de notre spectre sans licence, c’est que nous le partageons avec d’autres appareils, comme les moniteurs de surveillance pour bébés, et nous sommes également limités du point de vue de la quantité de puissance que nous pouvons utiliser à partir de ces antennes. En ce qui concerne la bande moyenne — le spectre de 3 gigahertz — que nous allons perdre, nous ne la partagions pas avec des appareils comme les moniteurs de surveillance pour bébés. Nous étions également autorisés à utiliser une puissance plus élevée à partir de ces radios afin de pouvoir atteindre des zones plus éloignées de notre infrastructure. Cet outil n’est plus à notre disposition. Bien franchement, certains de nos membres envisagent la perte de ce spectre et examinent les autres options qui ont toutes une puissance nettement inférieure et une fréquence plus élevée, de sorte que nous n’avons pas la même pénétration du marché. Ils craignent de devoir abandonner les Canadiens qui sont branchés à leurs réseaux. En perdant ce spectre, ils n’ont plus de moyen d’atteindre ceux qui vivent loin de leurs infrastructures.

M. Black : Puis-je ajouter une observation en réponse à une partie de votre question? Sénateur Quinn, sachez que nos membres sont également très créatifs. Quand nous pensons à une tour de communication, nous avons probablement tous en tête une tour de 200 pieds, peinte en rouge et blanc et surplombée par des lumières, le tout au-dessus d’un gros bâtiment. Nos membres utilisent des silos de fermes, en échange de quoi les agriculteurs peuvent accéder gratuitement à Internet. Nos membres construisent des tours de plus petite taille, mais en plus grande quantité. Ils trouvent des moyens incroyablement créatifs d’aller sur le terrain et de fournir les services, parce qu’ils n’ont pas accès à ces capitaux. Cela signifie-t-il que les tours ne sont pas aussi robustes que celles que vous voyez le long de l’autoroute 401, munies d’équipement de téléphonie cellulaire? Nos tours permettent de fournir des services Internet dans ces régions. Grâce à cette infrastructure, les gens des environs ont accès à Internet.

Mme Lajeunesse : Cela ne règle pas le problème, n’est-ce pas? Nous sommes d’accord là-dessus. Une fois de plus, les gens de la collectivité qui sont au service de leurs concitoyens n’obtiennent pas ce qu’il y a de meilleur.

Un des points soulevés tout à l’heure, sénateur Quinn, c’était l’observation sur la nécessité d’adopter une approche punitive. Je ne sais pas si c’est punitif, mais je sais que dans d’autres secteurs qui relèvent du gouvernement, il y a des cadres de gestion du rendement des fournisseurs. De cette façon, les récidivistes — appelons-les ainsi — savent qu’ils ne peuvent pas bénéficier de certaines choses auxquelles ils devraient avoir accès ou auxquelles ils avaient accès auparavant.

Parlant de ceux qui n’honorent pas leurs engagements, je ne sais pas si la façon dont on évalue le respect des engagements est semblable à ce que vous avez dit plus tôt : tant qu’ils tiennent compte des critères qui sont actuellement évalués, ils respectent l’engagement. Il faut peut-être revoir également cet aspect.

Or, d’après ce que nous entendons dire — comme l’a souligné un des sénateurs —, le projet de loi va loin, mais ce n’est pas nécessairement suffisant. C’est certes une mesure bien intentionnée, et nous sommes entièrement d’accord là-dessus. Je pense toutefois qu’il faut aller un peu plus loin. Ce que vous entendez aujourd’hui de la part de gens sur le terrain, comme M. Smellie et les membres de TECHNATION qui ont la capacité de contribuer, c’est qu’on doit déterminer comment améliorer cette loi pour qu’elle ait du mordant et pour qu’elle donne effectivement les résultats que le sénateur Patterson cherche à concrétiser grâce au projet de loi.

[Français]

Le sénateur Cormier : Je veux bien comprendre les enjeux en cause. Il y en a beaucoup. Certains sont d’ordre plus technique. On a donc affaire ici à des distributeurs de services Internet, des grands et des plus petits. On a accès à des milieux urbains et à des milieux ruraux, n’est-ce pas? Si je comprends bien, l’enjeu, actuellement, c’est surtout que la définition de « région rurale » varie. En fait, la manière de déterminer ce qu’est une région rurale varie.

Les grands distributeurs de services Internet doivent, conformément à ce projet de loi, offrir des services à 50 % de la population en l’espace de trois ans. Est-ce réaliste? Croyez-vous vraiment que les grandes compagnies de distribution de services Internet ont intérêt à desservir les régions rurales? Est-ce un modèle d’affaires rentable? L’augmentation du seuil de 50 % permettrait-elle d’élargir le territoire et ferait-elle en sorte qu’ils auraient l’obligation d’offrir des services dans les milieux ruraux? C’est ma première question. Je ne sais pas si elle est claire pour vous.

[Traduction]

M. Black : Il y a des définitions des termes « rural », « éloigné » et « urbain ». En fait, ISDE a précisé si tel ou tel niveau couvre des zones rurales, urbaines ou éloignées. C’est là une grande question. ISDE a recensé certaines zones. S’agit-il d’un modèle économique durable? Je peux dire que nos membres ont des entreprises rentables. Certes, il ne s’agit pas d’une rentabilité excessive. Je suis persuadé que nos membres ne touchent pas des salaires comme celui du chef des affaires financières de Bell Canada, mais ils arrivent à faire de l’argent. Ils sont au service de leur collectivité. Ils peuvent aller chez Tim Hortons ou à la patinoire de hockey et garder la tête haute en se disant : « Je vous offre de bons services Internet. C’est mon travail, et je le fais bien. »

J’ignore s’il existe un modèle d’affaires propre à Bell Canada, à Rogers ou à TELUS. Je sais que nos membres ont un modèle d’affaires. Ils font suffisamment de profits. Ils sont rentables. Ce n’est pas facile; il faut travailler fort. Il existe un modèle d’affaires pour les entreprises d’une certaine taille. Je ne suis pas sûr d’avoir répondu à toutes vos questions.

[Français]

Le sénateur Cormier : Oui. Le projet de loi, tel qu’il est articulé, défavorise-t-il vos membres, compte tenu de la taille de vos membres?

[Traduction]

M. Black : Aucun de nos membres n’a de spectre dans les zones de niveau 4. Cela ne s’appliquerait pas du tout à eux.

Mme Lajeunesse : Si nous prenons le contrepied de la question, je pense que l’essentiel ici, c’est que tout le monde devrait avoir accès à Internet, peu importe si vous vivez dans une région rurale ou une région urbaine. Nous devons atteindre cet objectif, sans avoir à toujours faire cette distinction entre les régions urbaines ou les régions rurales. Tous les Canadiens devraient avoir accès à l’Internet.

[Français]

Le sénateur Cormier : Pour ma dernière question, je vais faire directement référence au projet de loi, au paragraphe 1(8), sur la réattribution d’une licence de spectre. Ce paragraphe dit ce qui suit :

En cas d’annulation d’une licence de spectre conformément au paragraphe (4), le ministre est tenu, dans les soixante jours suivant la date d’entrée en vigueur de l’avis d’annulation, de recourir à un processus d’adjudication pour réattribuer la licence.

Si une licence est annulée et mise aux enchères pour quelqu’un d’autre, est-ce que 60 jours sont suffisants pour qu’un distributeur de services Internet puisse monter son analyse de rentabilité et dire qu’il est prêt et qu’il peut faire une proposition?

[Traduction]

M. Black : Soixante jours, c’est très rapide. Ce serait merveilleux, mais ce n’est peut-être pas assez long pour permettre à ISDE de préparer le tout ou, comme vous l’avez dit, pour monter une analyse de rentabilité, organiser le financement et faire les préparatifs nécessaires. C’est peut-être excessif. Il serait préférable de disposer de plus de temps et de rendre le processus plus efficace. Soyons réalistes...

Mme Lajeunesse : Nous estimons, pour notre part, qu’un délai de 60 jours devrait être suffisant. Pour en revenir à l’automatisation des systèmes, il n’y a vraiment aucune raison; ce n’est pas comme si on parlait de plusieurs milliers de fournisseurs. Par conséquent, un délai de 60 jours devrait suffire.

M. Smellie : Je pense que nous ne sommes pas d’accord avec les 60 jours. J’ai participé à des ventes aux enchères de spectre dans le cadre desquelles nous avons échoué parce que nous ne disposions pas du financement nécessaire. Pour obtenir ce type d’argent et expliquer à la banque que l’on veut acheter quelque chose que l’on ne possède pas vraiment est une tâche onéreuse pour une petite entreprise. Ce n’est pas facile à comprendre. Un délai de 60 jours serait donc très serré.

Tout dépend de l’infrastructure dont vous disposez. Dans le cas de mon réseau, mon infrastructure existante couvrait l’intégralité d’une zone de niveau 4. Si j’avais eu les fonds nécessaires, 60 jours auraient suffi pour que je décide de faire une offre ou non, car j’avais tous les outils en place.

S’il s’agit d’un projet dans le cadre duquel je dois bâtir des infrastructures et des tours, 60 jours ne suffiront pas.

M. Black : ISDE a récemment proposé un système appelé « licence d’accès ». Il s’agit d’une opportunité très créative et porteuse d’espoir pour permettre aux personnes d’accéder au spectre inutilisé. Nous souhaiterions qu’elle soit applicable à un éventail plus large de spectre. ISDE envisageait de la déployer dans un ensemble très restreint de spectres, et nous aurions aimé qu’elle existe depuis déjà longtemps.

Le sénateur Cormier : Oui.

M. Black : Cette option n’est donc pas exactement une vente aux enchères.

M. Smellie : Oui, la vente aux enchères n’est pas le seul outil dont ils disposent. S’ils ont une zone particulièrement difficile à gérer, ils peuvent opter pour un modèle du type « premier arrivé, premier servi ». En vertu de ce modèle, il n’y a pas vraiment de prix à payer pour se déployer dans une zone, mais après le déploiement, cette zone est considérée comme servie. Ils disposent d’un grand nombre de modèles autres que celui des enchères.

Le sénateur Cormier : Merci.

La sénatrice Omidvar : Je suis en quelque sorte une intruse au sein de ce comité. Vous me pardonnerez donc si je pose une question qui a déjà été posée et à laquelle on a déjà répondu, mais je suis curieuse.

Le Canada n’est pas le seul pays qui possède de vastes étendues de terre peu peuplées. Je nous compare à des pays similaires comme la Norvège ou l’Australie. S’en sortent-ils mieux que nous? Pouvons-nous tirer des leçons de leur expérience? Font-ils quelque chose qui permettrait de renforcer ce projet de loi?

Mme Lajeunesse : Oui, sénatrice. La difficulté à laquelle nous sommes confrontés au Canada est la géographie unique de notre pays. Notre territoire est très vaste. Nous avons beaucoup plus de régions rurales et éloignées — ou éloignées, disons — que d’autres pays.

Je vais demander aux témoins de formuler des commentaires.

La sénatrice Omidvar : Je ne suis pas sûre que les Samis de la Norvège seraient d’accord avec vous. Je cherche à obtenir des réponses. Il doit y avoir autre chose.

M. Smellie : Si nous prenons la FCC aux États-Unis, ils ont effectué une vente aux enchères pour un spectre très semblable de 3 gigahertz et ces opérateurs de niveau 1 ont déployé leurs services où ils les déploieront. Ces renseignements sont tous versés dans une base de données. Les opérateurs de plus petite taille peuvent obtenir ce qu’ils appellent des permis de possession et d’acquisition. Il existe une base de données qui indique à quel endroit il n’y a pas de service; en tant que petit fournisseur, vous pouvez donc utiliser cette base de données et effectuer votre déploiement à cet endroit. Elle couvre notamment la coordination des fréquences. Il existe de nombreux autres modèles qui encouragent les déploiements en milieu rural.

Nous avons été un peu déçus lorsque — habituellement, Industrie Canada suit les modèles des États-Unis, et nous avons été assez déçus qu’ils n’aient pas adopté un — ils l’appellent le Citizens Broadband Radio Service, ou CBRS. Nous avons été très déçus qu’ils ne suivent pas ce modèle, car nous aurions pu conserver notre spectre à bande moyenne et les opérateurs auraient pu s’y déployer également. Cette décision nous laisse perplexes, mais je suis sûr qu’ils avaient leurs raisons.

Mme Lajeunesse : Monsieur Smellie, ajouteriez-vous également le fait que — pour revenir à la question de la sénatrice sur la Norvège — nous devons également composer, sénatrice — et monsieur Smellie, pourra en dire plus sur la question des montagnes — le mot « géographie » n’était probablement pas celui à utiliser, sénatrice, mais lorsque nous parlons d’une vaste géographie, nous parlons également d’un territoire sur lequel il est très difficile de se déplacer.

Cette affirmation est-elle exacte, monsieur Smellie? Je sais que nos membres ont déjà soulevé cette question auprès de nous. S’agit-il d’un problème que nous aurions à résoudre et serait-il plus complexe que celui de la Norvège?

La sénatrice Omidvar : Ceci est une observation, et non une question. Je pense que l’accès à Internet sera bientôt officiellement considéré comme un droit de la personne, au même titre que l’accès à l’eau. On ne peut pas vivre sans eau. Je pense qu’à un moment donné, sans accès à Internet, vous n’avez pas... vos droits fondamentaux de la personne peuvent ne pas être respectés.

Il s’agit d’une simple observation et non d’une question.

La sénatrice Clement : Je travaille dur pour essayer de tout comprendre. Je pense que moi aussi, je suis coincée dans un algorithme, sénateur Housakos. Je serai toujours coincée dans divers algorithmes.

Ma première question s’adresse à M. Black. Je veux revenir sur la question des sous-licences. Pour faire suite au commentaire de la sénatrice Omidvar, vous avez dit que nous avions l’obligation morale de garantir la disponibilité du spectre.

M. Black : Je ne pense pas avoir utilisé ce terme.

La sénatrice Clement : Ah non? Oh, c’était quelqu’un d’autre.

M. Black : Je pense qu’il s’agissait d’une autre témoin.

La sénatrice Clement : Je suis désolée. Il s’agissait peut-être de Mme Lajeunesse.

M. Black : Je ne vais pas vous contredire.

La sénatrice Clement : Très bien. Vous êtes d’accord?

M. Black : Oui.

La sénatrice Clement : Mais vous avez dit que les détenteurs de spectre n’accordaient pas de sous-licences, car ils considèrent qu’elles favorisent leurs concurrents. Pouvez-vous nous parler un peu plus des sous-licences? Elles pourraient constituer une solution. Comment pouvons-nous encourager leur octroi? Je sais que nous avons parlé de sanctions, mais comment encourager l’octroi de sous-licences?

M. Black : Actuellement, il n’y a ni bâton ni carotte, pour utiliser cette analogie, pour l’octroi de sous-licences. Pour une entreprise multimilliardaire, le fait de négocier avec une petite entreprise de 10 personnes l’octroi d’une sous-licence pour une section de fréquence à l’extérieur de Kingston est... l’argent qu’ils tireraient de cette opération ne couvrirait même pas les honoraires de leurs avocats. Il existe une telle disparité dans la taille et la complexité de cette tâche. Ils n’ont pas besoin de le faire, et peut-être qu’un jour ils décideront d’essayer de fournir un service Internet en dehors de cette zone urbaine, dans une zone rurale, mais pour l’instant, ils ont renoncé à la capacité d’utiliser cette fréquence.

L’octroi de sous-licences pourrait les aider à atteindre leur objectif de couverture de 50 à 60 % de la population. Cet objectif pourrait faire partie de la carotte. Ils seraient en mesure de répondre à cette exigence.

Cette approche n’a pas fonctionné entre les grands opérateurs et les petites entreprises. Elle a fonctionné dans quelques cas, mais ils sont très rares. Nous ne savons même pas qui appeler. Il n’existe pas de base de données permettant de dire : « Si vous avez besoin de ce spectre, voici la personne avec qui vous devez communiquer chez le titulaire de la licence. »

La sénatrice Clement : Il n’y a aucune coordination?

M. Black : Pas à notre connaissance. Ils n’ont aucune raison de le faire. Ils se retrouveraient avec un autre concurrent dans une petite zone. Pourquoi le feraient-ils? Ce processus est coûteux.

Mme Lajeunesse : Vous avez des entreprises qui pourraient octroyer une sous-licence à un concurrent, mais il n’y a pas d’incitatif. Est-ce exact, chers collègues? Oui. C’est vraiment le problème. Je ne dis pas que j’ai la solution, mais nous serions probablement prêts à formuler des suggestions si on nous en donnait l’occasion.

M. Black : J’imagine que nous pourrions établir un processus simplifié dans le cadre duquel il n’y aurait pas de négociation. « Voici le formulaire. Voici la demande. Elle sera traitée rapidement par ISDE. Inutile de faire appel à des avocats. » Je peux imaginer un tel processus, mais...

M. Smellie : ISDE a en fait créé un processus pour le partage de tours. Tous ceux d’entre nous qui possèdent des tours doivent produire un rapport — je crois que c’est deux fois par an — indiquant le nombre de tours dont nous disposons au sein du réseau, si nous avons reçu une demande de location d’espace sur cette tour et quel en a été le résultat. Il s’agit d’une exigence actuelle. Ce processus pourrait facilement être appliqué au spectre et se détacher des tours.

La sénatrice Clement : Que pensez-vous du modèle de consultation publique d’ISDE? Souhaitez-vous formuler des commentaires à ce sujet?

M. Smellie : Oui. Nous participons à un certain nombre de consultations d’ISDE. Peut-être que je parle ici à titre personnel et non au nom de CanWISP, mais je constate que les consultations sont importantes pour nous. Elles dictent la façon dont nous pouvons ou non faire des affaires. La participation à ces consultations suscite un certain degré de frustration chez les petits fournisseurs. Elles absorbent une grande partie de notre budget. Nous pensons avoir fait des suggestions qui aideraient nos membres et les entreprises de cette taille. Je ne pense pas qu’ISDE comprenne les entreprises dont la taille est moins importante que celle de Shaw ou Cogeco. ISDE ne comprend pas le travail de nos membres.

Lorsque nous décidons de procéder à ces consultations, notre conseil d’administration se dit que le résultat ne nous sera probablement pas favorable. Devons-nous vraiment engager des ressources pour y participer?

Mme Lajeunesse : Oui. Nous comprenons également — et c’est là toute l’hypocrisie de la chose — que l’on ne communique pas avec les communautés autochtones parce qu’elles n’ont pas le haut débit. Les consultations ne sont pas représentatives de la diversité de la population. Le fait que l’on ne consulte même pas les communautés autochtones est un point très important. Je vous remercie.

La sénatrice Clement : Merci.

Le président : Avant de passer au deuxième tour, il s’agit évidemment d’une question complexe. Si elle n’était pas complexe, elle aurait été résolue depuis longtemps, mais je vais essayer de la simplifier au moyen d’une question.

Il semble que les grands acteurs de ce pays — les grandes sociétés de télécommunications, les fournisseurs d’accès Internet, les sociétés de télécommunications — qui ont été privilégiés par les lois et les règlements de ce pays pendant des décennies, fournissent des services dans les centres urbains et s’en mettent plein les poches. Ils ont simplement décidé qu’il ne valait pas la peine d’investir dans les régions rurales de ce pays. C’est ce que je comprends. Ils contournent la réglementation, et profitent du fait qu’ils peuvent en fait acheter du spectre et faire de la spéculation parce que les gouvernements n’ont pas eu la volonté politique de faire respecter le règlement et de les pénaliser pour ne pas fournir de service pour les fréquences qu’ils acquièrent.

Est-ce parce qu’il s’agit de groupes de pression puissants? Est‑ce l’une des raisons pour lesquelles ils peuvent commettre ce qui me semble être du vol de grand chemin en toute impunité? Soyez francs. Vous pouvez répondre à la question. Si j’ai tort, j’ai tort. Si j’ai raison, dites-le-moi.

Mme Lajeunesse : Si je peux me permettre, je pense qu’il est injuste de faire ce genre de déclaration générale parce que certains de nos membres — et je suis sûr que M. Black dirait la même chose — n’essaient pas de s’en mettre plein les poches. Ils veulent en fait agir dans l’intérêt de nos concitoyens et respecter les règles du jeu. Mais, oui, il y aura toujours de mauvais joueurs.

J’encouragerais également — et la collaboration avec le gouvernement est une grande réussite pour TECHNATION — un engagement continu. En organisant des consultations significatives et en faisant appel à l’industrie — qu’il s’agisse d’une discussion avec une entreprise de télécommunications ou d’une discussion sur le nuage —, nous faisons appel aux membres de l’industrie pour qu’ils nous conseillent sur la façon de résoudre ces problèmes.

Le seul commentaire que j’aimerais faire au sujet de la consultation est que c’est exactement ce dont il s’agit; un dialogue à sens unique. Ce n’est pas une discussion interactive sur la manière de créer conjointement une feuille de route pour fournir la large bande à ce pays.

Et je vais profiter de cette occasion pour dire que je ne pense pas qu’il soit judicieux d’investir notre argent dans la création d’une autre agence de l’innovation en ce moment. Si nous permettions à tous les Canadiens d’accéder à la large bande, nous ne serions pas confrontés au problème d’innovation que nous connaissons aujourd’hui. Nous passons à côté de grands talents et de solutions techniques canadiennes novatrices parce que ces personnes n’ont tout simplement pas accès à la large bande. Merci.

M. Black : Si vous examinez l’histoire de notre nation, les opérateurs ont construit des réseaux téléphoniques très solides. Ils fonctionnent. Ils ont assuré la sécurité de nos citoyens; le 911 fonctionne sur ce réseau, sur cette tonalité. La plupart d’entre vous se souviennent d’avoir entendu la tonalité lorsque vous décrochiez un téléphone; vous n’avez pas seulement utilisé des téléphones cellulaires. Certains d’entre vous se souviennent des lignes partagées. Elles fonctionnaient.

Nous sommes passés si rapidement du réseau téléphonique au réseau de données, qui compte plus de fournisseurs et offre plus de possibilités. Nous nous sommes écartés de ce monopole nécessaire pour servir notre population. Nous n’avons pas évolué assez rapidement vers le monde concurrentiel dans lequel nous vivons aujourd’hui.

Je ne suis pas sûr qu’il soit juste de dire que les propriétaires du spectre ont enfreint des lois. Je pense qu’ils ont respecté les lois qui étaient en vigueur au moment où ils ont acheté ce spectre. Toutes les personnes ici présentes auraient souhaité — en tant que défenseur du monde rural, j’aurais souhaité — que les exigences soient différentes à l’époque. Je ne pense pas qu’elles l’étaient. Il se peut que le spectre n’ait pas été retiré ou révoqué assez rapidement. Nous devrions avoir honte, en tant que pays, de ne pas l’avoir fait et de ne pas l’avoir redéployé dans les régions rurales du Canada où il est nécessaire. Je ne dis pas qu’ils ont délibérément évité...

Le président : Pour que les choses soient claires, je n’ai jamais dit que qui que ce soit avait enfreint une loi. Je dis que les règlements et les règles ont été conçus d’une manière si malléable qu’ils ont profité à certains acteurs plus qu’à d’autres.

Je vais poursuivre sur ce point avant la question complémentaire de la sénatrice Miville-Dechêne. Notre pays est vaste. Il fut un temps où je siégeais au conseil d’administration de VIA Rail. VIA Rail était un organisme très rentable dans certains corridors très peuplés. Le corridor Montréal-Windsor-Toronto-Ottawa-Québec était un bon corridor. Mais nous étions obligés de faire circuler des trains en Alberta et dans d’autres régions éloignées du pays, non pas que l’Alberta...

La sénatrice Simons : Comme c’est noble de votre part.

Le président : Non, mais ce que je dis, madame la sénatrice, c’est que c’était une exigence du gouvernement fédéral; c’était une exigence, une obligation qui devait être honorée. À l’instar d’autres compagnies aériennes au pays, Air Canada bénéficie d’un certain nombre de privilèges en ce qui concerne le cabotage et certains autres éléments. Elle exploite certaines liaisons qui, nous le savons, ne sont pas nécessairement très rentables. Bien entendu, avec la COVID et toutes les autres excuses qui ont pu être évoquées, nous avons aussi quelques difficultés avec nos compagnies aériennes. C’est un problème récurrent.

Ce que je veux dire, c’est qu’il est possible, pour peu qu’il y ait une volonté politique en ce sens, de dire aux fournisseurs de spectre : « Cette région est très rentable. Nous savons que celle‑ci ne l’est pas autant. Toutefois, préparez-vous à perdre un peu d’argent et à intégrer cela dans votre modèle de gestion, car notre objectif premier est de faire en sorte qu’il n’y ait pas, au Canada, ce fossé embarrassant entre les zones rurales et les zones urbaines. » Il s’agit plutôt d’une observation pour les fins du compte rendu. Cette étude, qui était censée être courte, a vraiment piqué ma curiosité.

La sénatrice Miville-Dechêne : Je veux clarifier quelque chose avec Mme Lajeunesse. Vous avez dit au début que vous représentiez des gens qui ont besoin de spectre dans les régions rurales. Est-ce que TECHNATION représente aussi des entreprises comme TELUS ou Rogers?

Mme Lajeunesse : Oui. Je peux dire que TELUS fait partie de nos membres, mais pas Rogers, ni Bell.

La sénatrice Miville-Dechêne : TELUS est un joueur assez important.

Mme Lajeunesse : Oui, TELUS est un gros joueur.

La sénatrice Simons : Cette conversation a été absolument fascinante. Comme vous pouvez le constater, nous apprenons tous beaucoup de choses.

J’ai parlé de cybersquattage et de vente incitative. Je pense que mon nouveau mot du jour est « thésaurisation », qui sert à décrire ce que les gens font avec le spectre.

Au risque de faire dérailler une conversation fascinante, j’aimerais revenir au texte du projet de loi, plus précisément à l’article 7, où il est question de la responsabilité civile. C’est une préoccupation que j’ai signalée au sénateur Patterson, hier. Elle va comme suit : le fait d’avoir cet article permettant à toute personne vivant dans une zone géographique d’intenter des poursuites si elle n’obtient pas de couverture dans les délais prévus par le projet de loi pourrait en fait décourager les petits fournisseurs de soumissionner des licences d’utilisation du spectre. En effet, ils pourraient être freinés par la crainte de ne pas être en mesure d’honorer leurs obligations et d’être subséquemment poursuivis. Il y a une différence entre une grande entreprise qui thésaurise et une petite entreprise qui prend juste un peu plus de temps pour arriver à offrir la couverture qu’elle doit offrir.

Je demanderais à chacun d’entre vous de me dire ce que vous pensez de cet article sur la responsabilité civile, de me dire si vous croyez que c’est un scénario du bâton réalisable par opposition à l’option de la carotte.

M. Black : Je pense que cela dissuaderait effectivement les petits joueurs. Le fait d’avoir à intégrer des avocats à son personnel pour s’occuper de telles plaintes les dissuaderait d’utiliser ce spectre.

Mme Lajeunesse : Pourriez-vous me donner une seconde pour consulter mes collègues? Merci.

Oui. Les personnes qui sont touchées négativement, c’est‑à‑dire celles qui perdent leur couverture, devraient avoir la possibilité de poursuivre le fournisseur.

La sénatrice Simons : Craignez-vous que certains de vos membres soient peu enclins à acquérir du spectre lors des ventes aux enchères s’ils courent le risque d’avoir à se défendre contre des centaines de poursuites?

Mme Lajeunesse : Pas s’ils délivrent leur permis. C’est ça le problème. Si je prends TELUS, par exemple, je pense qu’ils ont déployé 90 % de leurs licences de spectre dans les collectivités rurales. Ils ont fait ce qu’ils avaient à faire. Je ne peux pas parler des autres parce qu’ils ne sont pas membres de TECHNATION.

Si vous le permettez, je voulais préciser pour la sénatrice qui est intervenue avant vous que TECHNATION compte près de 200 membres; 60 % sont des grandes entreprises technologiques et 40 % sont des PME. Je ne voulais pas vous donner l’impression que nous ne représentons que de grandes entreprises technologiques. Nous travaillons très fort pour connecter les MPME du pays. Je ne voulais pas donner une fausse image de ce que nous faisons.

La sénatrice Simons : Qu’entendez-vous par « MPME »?

Mme Lajeunesse : Les micros, petites et moyennes entreprises. Au Canada, environ 97 % des entreprises comptent moins de 100 employés. Il y a les PME, les petites et moyennes entreprises, mais aussi les microentreprises, c’est-à-dire celles qui comptent moins de cinq employés. C’est le cas d’un bon nombre d’entreprises. Les microentreprises représentent un grand pourcentage des entreprises du pays.

La sénatrice Simons : Je vous remercie.

Le sénateur Quinn : Ma question est très courte. Je veux revenir sur ce point des 60 jours. Selon vous, est-ce suffisant pour faire ce qui doit être fait? Peu importe ce que vous devez faire — analyse de rentabilisation, et cetera — où cela va-t-il? Est-ce que cela retourne au gouvernement aux fins d’évaluation avant qu’il n’approuve l’adjudication?

M. Smellie : Selon le modèle actuel, non. Vous apportez un chéquier et vous payez le spectre à la fermeture.

Le sénateur Quinn : Donc, cela fonctionnerait de la même façon si ce projet de loi allait de l’avant?

M. Smellie : Il semble que oui.

Le sénateur Quinn : La raison de mon observation, c’est que je ne comprends pas comment le secteur privé pourrait faire son travail en 60 jours. Cela me semble court comme délai, sauf qu’il n’y a aucun moyen pour le gouvernement d’évaluer cela dans le cadre de 60 jours. C’est pourquoi j’aimerais avoir des précisions à ce sujet.

M. Smellie : Je pense qu’un opérateur aurait beaucoup de mal à respecter l’exigence des 60 jours. Il y aurait certains cas, comme peut-être celui où l’opérateur aurait été un soumissionnaire dans la vente aux enchères initiale et qu’il serait arrivé en deuxième position, mais en ayant déjà son analyse de rentabilité et son financement, ce qui lui permettrait de se mettre en marche promptement.

Le sénateur Quinn : Ce que je veux dire, c’est que si vous préparez une analyse de rentabilité, quelqu’un doit l’examiner et l’évaluer pour voir si les critères ont été respectés. Il ne s’agirait pas simplement de dire « voici mon analyse de rentabilité; ne la regardez pas », et voici le chèque.

M. Smellie : Il s’agirait d’un bailleur de fonds, comme une banque, avec lequel l’entreprise traiterait. Lorsqu’Innovation, Sciences et Développement économique Canada ou toute autre entité gouvernementale procède à une vente aux enchères, il n’y a pas d’examen du plan d’affaires. Vous faites une offre sur le spectre, et si vous gagnez, vous faites un chèque. Il n’y a pas de plan technique à rédiger ou de cartes de rayonnement à soumettre ou quoi que ce soit d’autre. Vous vous engagez à respecter les exigences.

La vente aux enchères est très claire en ce qui concerne les exigences. Elle vend cette zone géographique, et il y a des exigences de déploiement. Ce sont des choses que vous connaissez lorsque vous participez à la vente aux enchères. Je pense qu’Innovation, Sciences et Développement économique Canada vous dit simplement de répondre aux exigences, mais il n’y a pas de révision de votre plan.

Le sénateur Quinn : Encore une fois, je serais consterné que 60 jours soient considérés comme un délai suffisant.

Mme Lajeunesse : Puis-je ajouter ceci : y a-t-il tant de nouveaux joueurs dans le spectre? D’après ce dont j’ai compris des membres, c’est que si vous êtes un nouveau joueur, vous allez probablement travailler avec les grands fournisseurs pour faire le déploiement. Est-ce le cas?

M. Smellie : Je pense que c’est le contraire. Nous avons recensé 200 entreprises au Canada qui évoluent dans cet espace, qui ne sont pas des partenaires des grands fournisseurs, qui ont une infrastructure et qui peuvent déployer le spectre destiné aux régions rurales dans ces endroits mal servis parce qu’elles procèdent avec les outils qu’elles ont. Je pense donc que ce n’est pas du tout le cas. Je pense qu’il existe des entreprises qui y voient. Nous nous considérons comme un nouveau venu en ce qui a trait au spectre sous licence.

Mme Lajeunesse : Je n’essayais pas d’en faire une affirmation; je ne faisais que poser la question. Je vous remercie d’avoir clarifié cela pour moi.

La sénatrice Wallin : J’ai une observation et une question au sujet de la possibilité de faire cela.

Parfois, lorsqu’on propose une loi — et ce n’est certainement pas seulement dans ce domaine —, on essaie vraiment de se focaliser sur un problème et de le résoudre. On n’essaie pas de régler tout ce qui pourrait clocher, parce c’est impossible. Si vous soumettez ou si n’importe lequel d’entre nous soumet un projet de loi d’une telle ampleur au Parlement, le projet de loi s’enlisera de par son propre poids.

Existe-t-il d’autres moyens? Je vous demande de réfléchir à cette question et, si vous avez des idées brillantes, d’envoyer une note au greffier pour lui dire : scindons-le. Laissons le projet de loi du sénateur Patterson traiter de cette question particulière concernant ce type de définition de la ruralité et non de tout ce qui se passe ailleurs, comme le fonctionnement du processus de vente aux enchères, ce que le gouvernement fait et ne fait pas à propos de tout, l’imposition de pénalités aux délais de prise de décision, en passant par la consultation des personnes qui n’ont pas Internet et qui ne peuvent donc pas être consultées, etc. S’il y a d’autres choses auxquelles vous pensez qui ne sont pas des correctifs législatifs que nous pourrions également recommander, nous vous saurions gré de nous en faire part. Merci.

Le président : Distingués collègues, j’aimerais remercier notre groupe d’experts de sa patience. Nous avons dépassé le temps qui avait été prévu. Nous vous remercions de votre indulgence. Les membres ont trouvé vos témoignages très utiles et fort intéressants. Merci de votre participation et de votre présence ici ce soir.

Pour le deuxième segment de cette réunion sur le projet de loi S-242, nous avons le plaisir d’accueillir Nour Abdelaal, qui est analyste politique au Leadership Lab de l’Université métropolitaine de Toronto. Madame Abdelaal, merci de vous joindre à nous ce soir. Soyez la bienvenue.

Vous pouvez commencer par une courte présentation de cinq minutes. Étant donné que vous êtes notre seul témoin pour ce segment, si vous dépassez ces cinq minutes, nous ne serons pas trop rigides. Après votre présentation, nous laisserons place aux questions des sénateurs et sénatrices. Vous avez la parole.

Nour Abdelaal, analyste politique, Leadership Lab, Université métropolitaine de Toronto, à titre personnel : Bonsoir, sénateurs. Je vous remercie de me recevoir.

Le Leadership Lab est un groupe de réflexion de l’Université métropolitaine de Toronto, anciennement l’Université Ryerson, qui s’emploie à faire avancer des solutions en matière de politique publique pour soutenir une gouvernance responsable de la technologie et une démocratie forte.

Je voulais prendre le temps aujourd’hui de souligner comment les lacunes en matière de connectivité numérique continuent d’avoir des répercussions sur un trop grand nombre de Canadiens et comment le projet de loi S-242 et les efforts déployés pour s’assurer que le spectre est utilisé d’une manière qui profite aux Canadiens des collectivités rurales constituent une étape importante dans le rétrécissement de la fracture numérique au Canada.

Trop de Canadiens sont encore confrontés à des lacunes en matière de connectivité qui limitent leur capacité à accéder à une connexion Internet à une vitesse suffisante et à un prix abordable. Selon les dernières données de Statistique Canada, 6 % des personnes au Canada n’ont toujours pas de connexion Internet à domicile, et 8 % ont déclaré ne pas avoir utilisé Internet du tout en 2020. Parmi ceux qui sont branchés, tous ne peuvent pas accéder à Internet à une vitesse suffisante pour répondre à leurs besoins : 15 % des ménages canadiens ne disposent pas d’un service de connexion Internet correspondant à l’objectif de téléchargement de 50 mégabits par seconde fixé par le CRTC.

Comme l’ont souligné les témoins précédents, ces lacunes en matière de connectivité sont encore plus prononcées pour les collectivités rurales et autochtones, c’est-à-dire dans ces régions qui ne disposent pas de l’infrastructure nécessaire pour permettre le branchement à domicile. Bien que 99 % des ménages urbains au Canada disposent d’une vitesse de connexion correspondant à l’objectif de 50 mégabits par seconde, plus de la moitié des ménages ruraux — 54 % pour être plus précis — et près des deux tiers des réserves des Premières Nations n’ont pas accès à une connexion de vitesse égale.

Il est essentiel de veiller à ce que toutes les ressources, y compris le spectre, soient utilisées efficacement pour pallier ce déséquilibre pour les collectivités rurales et autochtones.

Cela dit, si nous pensons qu’il est important de combler ces lacunes en matière d’infrastructure, ce n’est pas suffisant. Les groupes défavorisés, quel que soit leur lieu de résidence, continuent d’être confrontés à des obstacles plus importants pour accéder à Internet à domicile. Les adultes à faible revenu, les personnes âgées, les Autochtones et les personnes handicapées ont tous des niveaux de connectivité numérique inférieurs à ceux de leurs concitoyens. Selon les dernières données du CRTC, près de la moitié des ménages canadiens ayant un revenu annuel de 30 000 $ ou moins n’avaient pas de connexion Internet à haut débit.

Le fait de comprendre comment des groupes particuliers sont touchés par ce déséquilibre devrait permettre de mieux éclairer les politiques relatives au spectre. Ces dernières devraient chercher à donner la priorité à l’amélioration de l’accès pour les groupes mal desservis qui continuent d’être touchés de façon disproportionnée par la fracture numérique.

L’attribution des bandes de fréquence peut soutenir les fournisseurs de télécommunications aux échelons local, régional et national qui travaillent de manière proactive à améliorer l’accès pour ces groupes mal desservis.

En plus de promouvoir les programmes qui s’attaquent aux obstacles auxquels se heurtent les groupes mal desservis, les politiques relatives au spectre devraient également tenir compte des différences dans la capacité des individus à se payer un service Internet à domicile et à s’y brancher. Selon l’enquête sur l’utilisation d’Internet au Canada, 26 % des résidents canadiens qui n’avaient pas de connexion Internet à domicile ont déclaré que c’était une question de coût. Pour les Autochtones, la situation est encore pire. Parmi ceux qui n’avaient pas Internet à la maison et qui se sont identifiés comme étant membres d’une Première Nation, Métis ou Inuits, 42 % ont déclaré que c’était une question de coût, alors que pour l’ensemble de la population, cette proportion était de 26 %.

Ces chiffres qui rendent compte des obstacles financiers à l’accès à Internet montrent de façon patente que de nombreux Canadiens à faible revenu continueront d’être exclus des espaces numériques si rien n’est fait pour qu’on y remédie, et ce, sans égard pour l’ampleur du spectre utilisée.

Enfin, nous pensons que les politiques en matière de spectre peuvent encourager le déploiement de la large bande communautaire appartenant aux collectivités locales, ainsi que les réseaux à accès libre, en particulier les réseaux appartenant aux Autochtones et exploités par eux. Cela peut se faire par l’intermédiaire de fréquences réservées. Cependant, des politiques supplémentaires seront nécessaires pour garantir que le spectre, qui est une ressource publique allouée à ces initiatives, sera déployé comme promis par ces organismes pour accroître l’accès public, le contrôle et la concurrence dans les zones rurales.

Le message que je veux vous laisser aujourd’hui est le suivant : lorsque nous pensons aux lacunes en matière de connectivité résultant de la non-utilisation du spectre, nous devrions également tenir compte des groupes particuliers qui sont désavantagés par le fossé numérique au Canada. Le fait de veiller à ce que le spectre soit utilisé de manière productive pour étendre la connectivité numérique à toutes les personnes mal desservies est un pas dans la bonne direction, mais ce n’est qu’un des aspects de la fracture numérique du Canada auxquels il faudrait s’attaquer.

Merci beaucoup de m’avoir donné cette occasion de m’adresser à vous.

Le président : Je vous remercie beaucoup de votre exposé, madame Abdelaal.

Nous nous sommes plongés dans ce projet de loi grâce au sénateur Patterson. Jusqu’à maintenant, il a été fascinant de voir l’écart qui existe entre le Canada urbain et le Canada rural et l’écart qui existe entre nos peuples autochtones et ceux qui choisissent de vivre dans les régions rurales du pays.

Ce que j’ai lu ces derniers jours m’a particulièrement interpellé, car nous avons vu cette fracture s’accentuer pendant la pandémie de COVID et les difficultés que nous avons rencontrées. Je trouve cela incroyable. Dans notre pays, nous passons tellement de temps à pontifier et à nous regarder le nombril à propos de la réconciliation nationale et de toutes ces absurdités, et pendant ce temps, nous avons un nombre important de nos membres des Premières Nations qui n’ont pas accès à Internet. En 2023, c’est absolument inacceptable.

Jusqu’à maintenant, cette étude soulève des questions plus nombreuses que les réponses que nous sommes en mesure de fournir. Je poserai une question pointue avant de céder la parole à ma collègue, la sénatrice Simons.

À votre avis, le projet de loi du sénateur Patterson est-il le projet de loi qui convient pour atténuer la situation? Est-ce un pas en avant, mais pas aussi exhaustif qu’il pourrait l’être, comme notre dernier groupe d’experts l’a déclaré? Je suis curieux de connaître votre point de vue concernant le projet de loi S-242.

Mme Abdelaal : Je crois absolument que le projet de loi est un pas dans la bonne direction. Il s’attaque vraiment aux fournisseurs qui n’utilisent pas du tout le spectre pour pouvoir satisfaire à ces besoins.

Cependant, je m’entends avec les intervenants précédents pour dire qu’il n’est certainement pas exhaustif. Il ne cible pas nécessairement un grand nombre des régions qui pourraient satisfaire à ces besoins, simplement en exerçant ces activités dans une ville urbaine située dans la zone de spectre qui pourrait facilement répondre à ces besoins. En ce sens, il ne s’attaque pas au problème qui existe à ces endroits.

Je pense qu’il se concentre surtout sur la géographie, qui est une partie importante de la question du spectre. Ce que nous avons essayé de faire dans le cadre de nos recherches dans le laboratoire, c’est d’intégrer dans la conversation tout ce qui a trait à la connectivité numérique, y compris les politiques du spectre, afin d’inclure aussi dans la conversation beaucoup d’autres groupes méritant l’équité qui ont été laissés de côté. En ce sens, le projet de loi n’englobe pas tous les aspects de la fracture numérique et les personnes qui sont vraiment touchées par le manque de connectivité, comme les Canadiens à faible revenu, par exemple.

La sénatrice Simons : Merci beaucoup, professeure. J’aimerais poursuivre sur la lancée de la question du sénateur Housakos et poser une question portant précisément sur le service offert aux communautés des Premières Nations. Il me semble que les politiques publiques devraient impérativement faire en sorte que les communautés des Premières Nations, surtout les plus grandes, aient accès à un service Internet fiable à une vitesse satisfaisante.

À votre connaissance, y a-t-il une politique du gouvernement fédéral qui cible les Premières Nations pour veiller à ce qu’elles aient accès à ce service? Comme l’aurait dit la sénatrice Omidvar, elles n’ont pas encore toutes accès à l’eau potable. Mais si l’on considère que l’égalité d’accès à Internet est un élément important de la réconciliation, comme l’a laissé entendre le sénateur Housakos, le gouvernement fédéral met-il en œuvre une politique qui cible précisément ces communautés?

Mme Abdelaal : C’est une bonne question. Je pense que de nombreux fonds fédéraux sont consacrés uniquement à des projets d’infrastructure qui augmentent ou étendent la connectivité numérique, et que bon nombre de ces projets prévoient des affectations particulières pour les communautés autochtones et les fournisseurs de services autochtones, mais je dirais que d’après nos conversations avec les communautés autochtones, ces demandes d’argent prennent beaucoup de temps et leur coûtent beaucoup d’argent. Un grand nombre de ces communautés ne sont pas entièrement équipées pour pouvoir tirer pleinement parti de l’argent mis à leur disposition. C’est l’un des premiers problèmes auxquels elles font face.

Le deuxième problème, c’est que l’argent ne suffit pas. Même s’ils disposent de certains de ces fonds pour apporter des améliorations d’un genre ou d’un autre à leur infrastructure Internet, je pense qu’il est prioritaire pour l’autonomisation à long terme de ces communautés que les réseaux communautaires contrôlent leurs réseaux à large bande. Le fait d’avoir de l’argent pour construire des projets d’infrastructure, qui ne les dotent pas nécessairement des compétences dont ils ont besoin pour poursuivre ces projets à long terme, ne va pas au cœur du problème.

De nombreux réseaux communautaires ont beaucoup de mal à survivre, compte tenu surtout des connexions sans fil qui sont offertes maintenant. Starlink rend également la situation très difficile. Lorsque les grands fournisseurs proposent des options sans fil à faible coût, les réseaux communautaires n’ont plus le marché nécessaire pour prospérer.

La sénatrice Simons : Merci beaucoup.

[Français]

Le sénateur Cormier : Merci d’être avec nous ce soir et de mettre en lumière des enjeux bien réels.

Je vous remercie de soulever ces enjeux qui sont bien présents, notamment dans les régions rurales, mais pas uniquement, pour les personnes qui vivent avec un handicap et les gens à faible revenu.

En ce qui a trait à l’attribution des licences qui sont attribuées aux fournisseurs de services Internet, ne serait-il pas judicieux qu’il y ait des critères ajoutés pour l’obtention de ces licences, puisque cela se fait par zone pour l’instant, pour que les fournisseurs de services aient aussi l’obligation — ou à tout le moins la responsabilité — de tenir compte des enjeux dont vous avez parlé?

[Traduction]

Mme Abdelaal : Oui, j’approuve tout à fait cette idée. Au laboratoire, nous nous employons à étudier la question de la fracture numérique depuis quelques années maintenant, et notre principale conclusion est qu’il ne s’agit plus seulement de la fracture numérique entre les villes et les régions rurales. Il s’agit d’une série de fractures qui englobent de nombreux groupes différents.

Une grande partie de notre politique gouvernementale est axée exclusivement sur cette question urbaine-rurale, ce qui est très important, mais si nous voulons vraiment que chaque Canadien ait accès à Internet, ce qui, comme la sénatrice l’a indiqué précédemment, sera presque un droit de la personne, alors nous devons commencer à examiner les groupes qui ont été exclus de la conversation, mais que nous pouvons faire participer en utilisant des outils comme la politique du spectre. Je pense que les exigences en matière d’attribution des licences sont l’un de ces outils.

[Français]

Le sénateur Cormier : Si l’on part de la prémisse que ce serait inclus dans les critères d’attribution des licences, les enjeux que vous soulevez sont pris en compte par d’autres moyens. Le gouvernement fédéral a d’autres types de programmes pour soutenir les gens à faible revenu et pour remédier aux problèmes que vous avez soulevés. Jugez-vous que c’est nécessaire? Je pose la question inverse que j’ai posée à l’origine; est-ce que c’est en adoptant d’autres mesures qu’on serait en mesure de répondre à vos préoccupations en ce qui concerne ces groupes ciblés?

[Traduction]

Mme Abdelaal : Les autres mesures et les autres solutions se rejoignent toutes pour résoudre le même problème, ce qui me semble être une bonne chose. En ce qui concerne les fonds gouvernementaux ou même les programmes ou initiatives au sein des entreprises de télécommunication elles-mêmes, comme les programmes Connectés pour l’avenir de TELUS, et le programme semblable de Rogers qui cherche à fournir des services Internet à prix réduit pour les familles à faible revenu, leurs critères d’admissibilité sont stricts. Vous devez prouver que vous recevez l’Allocation canadienne pour enfants maximale, et le programme est réservé aux familles. Cependant, le programme a récemment été étendu aux personnes âgées à faible revenu. Auparavant, il n’offrait que 10 mégabits par seconde, ce qui est loin d’être l’objectif visé. Maintenant, ils ont augmenté la vitesse afin d’offrir à leurs clients un service supérieur au coût de 20 $ au lieu de 10 $. Ils ont donc haussé le prix en même temps que le nombre de mégabits par seconde offert. Il y a encore beaucoup trop de personnes à faible revenu qui sont exclues de cette conversation. Tout le monde n’est pas visé par ces programmes. Leurs critères d’admissibilité stricts font qu’il est difficile pour tout le monde d’avoir accès à ce genre d’initiatives.

Le sénateur Cormier : Je vous remercie infiniment de vos réponses.

Le sénateur D. Patterson : Je remercie le témoin de sa participation. J’ai juste été en mesure d’entendre votre témoignage.

Professeure, en tant que personne qui étudie nos politiques relatives à Internet de manière approfondie, pourriez-vous indiquer au comité si l’approche du passé a efficacement aidé les Canadiens à avoir accès à Internet?

Mme Abdelaal : À quelle approche faites-vous allusion?

Le sénateur D. Patterson : L’approche adoptée jusqu’à maintenant, l’approche du passé, l’approche que je m’efforce de changer. Je suis l’auteur du projet de loi.

Mme Abdelaal : Les progrès s’accélèrent. Nous avons fait des progrès en matière d’infrastructures, mais je pense que pour brancher les dernières personnes qui ne le sont toujours pas, nous devons procéder différemment. Si nous limitons la conversation aux seules infrastructures, je pense que nous laisserons tomber un grand nombre de personnes qui n’ont toujours pas accès à Internet. C’est dans cette direction que nos efforts devraient également se concentrer, en parallèle.

Le sénateur D. Patterson : Nous ne réussissons pas très bien non plus à réduire les coûts.

Je crois comprendre qu’un témoin précédent a parlé de la nécessité d’adapter nos conditions de déploiement à chaque fournisseur. C’est ainsi que nous procédons, et je pense que beaucoup de gens estiment que cette approche ne fonctionne pas bien. Ne devrions-nous pas créer un point de référence rigoureux, comme le fait le projet de loi, que le gouvernement pourrait ensuite adapter pour atteindre des objectifs politiques louables, comme vous l’avez mentionné, par l’intermédiaire de ses politiques de déploiement?

Mme Abdelaal : Je pense que c’est en grande partie mon opinion sur le projet de loi. Nous savons qu’une solution universelle ne résoudra pas tous les problèmes et toutes les difficultés liées à chaque fournisseur unique qui exerce ses activités dans chaque lieu géographique unique. Mais si le projet de loi peut au moins s’attaquer aux cas extrêmes où le spectre n’est pas du tout utilisé pour satisfaire à ce besoin minimal, cela pourrait être un pas dans la bonne direction. Cela crée un précédent, je pense, qui permet à la politique gouvernementale d’exercer une influence et de créer plus de réglementation et de critères lorsqu’il s’agit d’utiliser le spectre de manière efficace.

Le sénateur D. Patterson : Je ne considère pas vraiment que le projet de loi crée une solution universelle à laquelle tout le monde doit s’adapter, mais plutôt qu’il crée un point de référence minimal. Avec un peu de chance, le travail du comité et peut-être même, si j’ose le dire, ses observations pourront fournir au gouvernement des mesures d’incitation qu’il pourra ajouter à ses conditions de déploiement. Tout est dans ces détails. Je ne crois pas qu’une mesure législative puisse anticiper toutes ces nuances. Dans ses conditions de déploiement, le gouvernement pourrait définir des objectifs stratégiques et les réviser à mesure que les conditions changent. Cela ne permettrait-il pas d’atteindre ces objectifs louables dont vous avez parlé, professeure?

Mme Abdelaal : Oui, je suis d’accord. Je pense que le projet de loi fonctionnera effectivement comme une solution aux cas extrêmes où les fournisseurs de services ne respectent pas cette exigence minimale. Il offre des possibilités d’utiliser les politiques du spectre à l’avenir, afin de viser des groupes particuliers dans les zones urbaines et rurales.

La sénatrice Clement : Professeure, c’est un plaisir de vous avoir avec nous. Je suis une avocate spécialisée dans le droit des pauvres et une ancienne mairesse, je vais donc vous poser deux ou trois questions en fonction de cela.

Grâce à l’excellent travail du personnel de mon bureau et du stagiaire, je me suis familiarisée avec votre travail et vos écrits sur les questions de pauvreté, sur les villes et sur les municipalités et leur rôle. Ma première question porte sur la série de fractures dont vous parlez. Pensez-vous que le projet de loi fait suffisamment allusion à ces fractures, ou devrait-il faire allusion à ces autres fractures, en plus des fractures rurales et urbaines?

Mme Abdelaal : Je pense qu’il ne fait pas suffisamment allusion à la série de fractures que j’ai mentionnées. Je partage votre avis à cet égard.

La sénatrice Clement : Je ne sais pas si vous avez des observations à formuler au sujet de l’endroit où vous inséreriez cela dans le projet de loi, si vous pouvez ajouter cela à votre réponse.

Ma deuxième question porte sur les municipalités et sur le rôle que les partenaires municipaux pourraient jouer dans la lutte contre la fracture numérique. Je pose la question parce que le gouvernement fédéral n’écoute pas les municipalités avec beaucoup de respect. Je l’ai dit publiquement, et je le répète maintenant. J’en ai fait l’expérience. Ils parlent de partenariats, mais les municipalités ne sont pas pleinement présentes à cette table. Si vous pouviez aussi nous dire ce que vous pensez de cet enjeu, je vous en serais reconnaissante.

Mme Abdelaal : Oui, c’est un excellent point. Nous avons travaillé avec la ville de Toronto à l’élaboration de sa stratégie ConnectTO. Je pense que les municipalités sont dans une position unique qui leur permet de fournir les largeurs de bande qui leur appartiennent et qu’elles peuvent exploiter pour se porter à la rencontre des groupes mal desservis et les servir, comme les personnes âgées à faible revenu dans des centres de soins de longue durée, dans des établissements ou même des lieux géographiques particuliers, dans des zones urbaines et rurales, pour les municipalités situées dans des zones plus rurales, afin de pouvoir identifier plus précisément les personnes qui ne sont pas encore connectées à Internet et de pouvoir cibler précisément ces groupes. Les municipalités ont un rôle énorme à jouer, car elles sont beaucoup plus intimement liées à leurs communautés et savent exactement où les communautés ont besoin d’être mieux servies.

La sénatrice Clement : En ce qui concerne les allusions à la série de fractures, pourriez-vous nous dire où vous les inséreriez si vous y faisiez allusion dans le projet de loi?

Mme Abdelaal : Je ne prétends pas avoir toutes les réponses concernant ce à quoi le projet de loi ressemblerait exactement, mais au moins en ce qui concerne les exigences en matière de licences et de déploiement, le projet de loi pourrait jouer un rôle énorme en vue de garantir que les fournisseurs cherchent à étendre leurs services aux groupes mal desservis. En ce qui concerne les largeurs de bandes mises de côté, je pense que l’on peut prendre de nombreuses mesures liées à la politique du spectre afin d’accorder la priorité à des communautés particulières, comme les communautés autochtones, et de faire en sorte que les grands acteurs n’épuisent pas les ressources et que les petits acteurs régionaux aient aussi un rôle important à jouer.

La sénatrice Clement : Merci, professeure.

Le président : Professeure, une partie du problème est-elle liée au fait que les communautés mal desservies n’ont pas bien coordonné leurs efforts en vue d’exercer sur les titulaires de charges publiques des pressions suffisantes pour faire bouger les choses dans ce domaine?

Mme Abdelaal : C’est absolument l’un des problèmes. Ils ne sont pas bien organisés. Ce sont aussi des groupes distincts qui ne sont pas nécessairement tous conscients les uns des autres et qui ont des besoins uniques. La situation des personnes âgées et leur relation avec la technologie seront très différentes de celles d’une personne à faible revenu, d’un jeune, par exemple, qui comprend la technologie et a besoin d’Internet, mais qui n’a pas les moyens d’y avoir accès.

Les problèmes de chaque groupe sont différents. Il n’y a pas eu d’unité, mais je pense qu’il devient de plus en plus clair que ces problèmes sont vraiment à l’origine d’une grande partie de la question de la fracture numérique. Il serait exact de dire que ces groupes ne se sont pas organisés extrêmement bien pour pouvoir influer sur la politique en ce sens.

Bon nombre d’entre eux sont également des groupes défavorisés. Comme la pandémie nous l’a démontré, je pense que la plupart de ces groupes se sont rendu compte de l’importance d’Internet. Il y a deux ou trois ans, les gens pouvaient peut-être s’en sortir sans Internet, au moins pour se prévaloir des services gouvernementaux et d’autres services de ce genre, mais trois ans après le début de la pandémie, je pense que tous ces groupes ont réalisé l’importance d’Internet. C’est devenu un énorme besoin. La situation est donc encore plus grave.

En ce sens, il se peut même que plus d’efforts aient été déployés. Davantage de porte-parole ont été mis à contribution et entendus pour pouvoir fournir des services Internet à ces groupes. La conversation est lancée, mais bon nombre de ces groupes sont défavorisés et ont aussi d’autres préoccupations prioritaires sur lesquelles se concentrer et se faire entendre.

Le président : Si je comprends bien votre témoignage, vous pensez que c’est un bon projet de loi. Vous estimez que c’est un pas dans la bonne direction.

Mme Abdelaal : Je pense que c’est un pas dans la bonne direction.

Le président : Chers collègues, y a-t-il d’autres questions que vous souhaiteriez poser à ce témoin? Madame Abdelaal, avez‑vous des observations finales à formuler, ou devons-nous nous arrêter là? Je vous donnerai la parole pour vous permettre de conclure.

Mme Abdelaal : Je vous remercie beaucoup de m’avoir invitée à comparaître. Je vous suis reconnaissante de m’avoir donné cette occasion. Au nom du Leadership Lab, je vous remercie du temps que vous m’avez accordé et de votre attention. Nous espérons que cette conversation a été fructueuse.

Le président : Elle l’a vraiment été. Je vous remercie d’avoir comparu devant notre comité.

(La séance est levée.)

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