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TRCM - Comité permanent

Transports et communications


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES TRANSPORTS ET DES COMMUNICATIONS

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 8 mars 2023

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd’hui, à 18 h 47 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi S-242, Loi modifiant la Loi sur la radiocommunication.

Le sénateur Leo Housakos (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonsoir. Je m’appelle Leo Housakos, je suis un sénateur du Québec et je suis le président du comité. J’invite mes collègues à se présenter, en commençant à ma gauche.

Le sénateur Richards : David Richards, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur D. Patterson : Dennis Patterson, du Nunavut.

[Français]

Le sénateur Cormier : René Cormier, du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

Le sénateur Klyne : Bonsoir et bienvenue. Je m’appelle Marty Klyne et je viens de la Saskatchewan, du territoire du Traité no 4.

[Français]

La sénatrice Clement : Bernadette Clement, de l’Ontario.

[Traduction]

Le sénateur Manning : Fabian Manning, de Terre-Neuve-et-Labrador.

Le sénateur Cardozo : Andrew Cardozo, de l’Ontario.

[Français]

Le président : Honorables sénateurs, nous nous réunissons pour poursuivre notre examen du projet de loi S-242, la Loi modifiant la Loi sur la radiocommunication.

Pour notre premier panel, nous avons le plaisir d’accueillir devant le comité —

[Traduction]

... Eva Clayton, la présidente du gouvernement Nisga’a Lisims, qui se joint à nous par vidéoconférence.

Je vous souhaite la bienvenue, madame Clayton. Nous étions censés recevoir un deuxième témoin ce soir, mais, malheureusement, il a eu un empêchement. Vous composez l’entièreté du groupe de témoins et vous aurez toute notre attention. Nous avons amplement de temps pour votre déclaration liminaire, après laquelle nous commencerons la série de questions. Vous avez la parole, madame Clayton.

Eva Clayton, présidente, Gouvernement Nisga’a Lisims : Je vous remercie de m’accueillir à votre comité sénatorial. Au nom du gouvernement Nisga’a Lisims, je suis très ravie de comparaître devant ce comité du Sénat afin de vous entretenir des radiocommunications, qui revêtent une grande importance pour les Nisga’as, surtout, de façon générale, dans le contexte du spectre des radiocommunications. Le changement aurait une grande importance pour le gouvernement parce que nous pourrions accumuler des fonds afin de financer davantage nos initiatives.

Dans le cas qui nous occupe, les recettes générées par le spectre serviraient en principe à affermir le statut technologique du pays comme il l’a été exprimé en première lecture. Des recettes à hauteur de 9 milliards de dollars amélioreraient grandement la connectivité pour tous les Canadiens. L’accès s’en trouverait aussi accéléré, ce qui rendrait des services cruciaux accessibles. C’est absolument primordial pour les communautés éloignées et autochtones. Cette somme aidera à pallier le manque de connectivité.

Le manque de connectivité exacerbe les iniquités socioéconomiques, y compris, pour n’en nommer que quelques-unes, les possibilités d’affaires, l’emploi, l’éducation, la santé physique et la santé mentale. De nouvelles technologies peuvent aider à améliorer le bien-être social et physique; à contribuer à produire beaucoup plus d’aliments; à favoriser l’accès et les études supérieures; à améliorer les processus d’affaires et à fournir des programmes de proximité aux communautés; et à soutenir les aînés, les personnes ayant des difficultés mentales et physiques et les communautés LGBTQ.

Quelle est l’incidence des changements proposés pour les Nisga’as? Nous sommes conscients que nous ne formons pas seulement une communauté éloignée, mais aussi une communauté autochtone. La connectivité est d’une importance vitale pour notre nation. Nos ressources limitées en santé et en éducation dépendent de cette connectivité pour garantir la santé et la sécurité de nos citoyens. Une connectivité accrue apportera des ressources à notre centre de santé afin d’aider à guérir certains des traumatismes mentaux et physiques qui accablent nos membres. Nous tirerons profit d’un volet d’éducation supérieure qui n’existe pas dans le Nord, ce qui ramènera nos membres dans les communautés en tant que médecins, personnes d’affaires qualifiées ou éducateurs, par exemple. En outre, des débouchés économiques — tels que le gaz naturel liquéfié, ou GNL, et le tourisme — dépendront grandement de l’accès à la connectivité pour nos communautés et nos compagnies, ainsi que pour les différentes entreprises qui tireront profit de nos nombreux projets dans la vallée.

Même les entreprises de plus petite taille — par exemple celles qui offrent des aliments sains ou des lieux de rassemblement comme des cafés — peuvent utiliser ces services pour des outils de vente, comme des plateformes en ligne interactives pour les réservations et les commandes, et cetera.

Les secteurs de la langue et de la culture sont d’autres domaines qui peuvent bénéficier de la connectivité. En effet, elle sert à diffuser à nos membres qui vivent à l’extérieur de nos territoires, dans les centres urbains, ce que nous faisons chez nous. La connectivité peut nous permettre de transmettre nos traditions, nos langues et nos cultures nisga’as.

De plus, la connectivité permettrait aux membres vivant à l’extérieur de notre territoire d’interagir avec leurs pairs. On constatera certainement la revitalisation des langue et culture nisga’as, et de nos enseignements.

En conclusion, la nation Nisga’a a investi des millions de dollars de ses propres fonds et a constaté d’elle-même les améliorations à la qualité de vie et aux débouchés économiques que ces investissements dans les communautés peuvent apporter aux membres. Le fait que ce projet de loi prévoit des recours juridiques et une certaine assurance que les fournisseurs de services seront tenus responsables des services offerts dans les communautés éloignées aidera non seulement les communautés à accéder à des services critiques et importants, mais réduira aussi une partie du fardeau financier nécessaire pour demeurer connecté lorsque la surveillance fait défaut.

Je vous remercie, honorables sénateurs.

Le président : Merci, madame Clayton. Nous allons passer aux questions.

Le sénateur Manning : Je remercie notre témoin d’avoir pris du temps pour se joindre à nous ce soir.

Le Canada s’est fixé pour objectif de fournir à tous les ménages canadiens une connexion à large bande de 50 mégaoctets par seconde en téléchargement et de 10 mégaoctets en téléversement d’ici 2030. Pouvez-vous décrire la qualité du service de télécommunications dans les communautés autochtones que vous représentez? Pouvez-vous nommer certains des défis majeurs auxquels votre communauté se heurte en matière de services accessibles et abordables? Vous avez fait allusion à la somme qu’il faut investir. Merci.

Mme Clayton : Merci, monsieur le sénateur. À l’heure actuelle, la connectivité laisse à désirer, surtout à cause de l’éloignement des communautés et des régions géographiques, c’est-à-dire les difficultés que nous éprouvons à obtenir la connectivité dans les régions éloignées.

Le coût représente le troisième facteur. En ce moment, nous cherchons à bâtir notre économie. Nous n’avons pas encore atteint la stabilité économique, étant donné les séquelles de la COVID et notre engagement à exercer nos responsabilités dans ce domaine en vertu de notre traité.

Ai-je répondu à votre question?

Le sénateur Manning : Oui.

À vos yeux, quel devrait être le rôle du gouvernement fédéral pour améliorer l’accès à Internet dans les communautés que vous représentez? Les communautés autochtones, où qu’elles se trouvent au Canada... Je me demande en quoi, selon vous, devrait consister le rôle du gouvernement fédéral pour fournir le service ou contribuer à le fournir.

Mme Clayton : Il est important que le gouvernement fédéral continue à offrir son appui, mais il doit intensifier son aide dans les régions éloignées où la connectivité connaît de nombreux ratés en raison de l’éloignement des communautés autochtones.

Toutefois, quand on pense au rôle du gouvernement fédéral et à la réconciliation, ce serait formidable d’obtenir ce type de soutien de sa part pour la connectivité.

Le sénateur Manning : Merci.

Vous avez nommé certaines des entreprises qui pourraient s’implanter dans votre région et dans vos communautés. Si je me souviens bien, vous avez mentionné le gaz naturel liquéfié et le tourisme. Pouvez-vous nous dire si certaines de ces entreprises ont communiqué avec votre communauté, et ce qui les préoccupe dans l’établissement de leurs activités dans votre communauté? La connectivité représente-t-elle un enjeu majeur pour elles? Ont-elles offert de jouer un rôle pour faciliter la connectivité dans votre communauté?

Mme Clayton : Je vous remercie de la question. Les petites entreprises n’ont pas encore accès à une connectivité adéquate. Ma comparution d’aujourd’hui devant le Sénat sert à faire de la planification et à préparer le terrain pour les futures entreprises, parce que nous avons appris des dirigeants des petites entreprises actuellement présentes dans les territoires nisga’as que la connectivité est faible. Pour reprendre leurs mots, la connectivité est insuffisante.

Il importe de souligner que les petites entreprises de la région du Nass n’ont aucunement les moyens de contribuer aux coûts de connectivité en raison du besoin de bâtir et de renforcer l’économie de la région.

Le sénateur Manning : Merci.

Le sénateur Cormier : Je vous remercie d’être parmi nous ce soir. Je souhaite vraiment en apprendre davantage sur votre réalité.

[Français]

Hier, les représentants de l’Association canadienne des communications affirmaient à ce comité que 99 % des Canadiens ont accès à une technologie mobile sans fil et ils nous ont informés, du même coup, qu’ils avaient appris que cette proportion était plutôt de 90 % dans les communautés autochtones.

À la lumière des réponses données au sénateur Patterson, quel pourcentage de vos communautés est connecté? Est-ce qu’effectivement — selon l’association, 90 % devraient être connectées —, c’est le cas chez vous?

[Traduction]

Mme Clayton : Merci pour la question, sénateur. En ce qui concerne le pourcentage, nous avons une connectivité de 90 %, mais ce n’est pas un taux acceptable pour notre population ni celui exigé par notre gouvernement. Il doit y avoir — je reprends les mots de nos petits entrepreneurs — une amélioration de la connectivité. Je ne sais pas ce qu’ils entendent par là, mais nous y travaillons encore. Nous faisons de notre mieux pour garantir la connectivité pour notre population.

[Français]

Le sénateur Cormier : Merci pour cette réponse. Le projet de loi du sénateur Patterson propose que les grands fournisseurs de service doivent, dans un délai de trois ans, fournir à 50 % des populations qu’ils desservent l’accès à la connectivité. On a entendu en comité les gens qui parlaient d’un défi face à une proposition qui était sous le modèle de one size fits all. D’autres nous ont parlé de différences manifestes entre les milieux urbains, les milieux ruraux et les régions éloignées.

Est-ce qu’à votre avis nous devrions, dans le cadre de l’examen de ce projet de loi, réfléchir à se fixer des objectifs de déploiement qui sont différents en fonction des régions? En d’autres mots, que l’on puisse adapter les exigences par rapport à une échéance de livraison de service qui est différente dans les régions urbaines, par rapport aux régions rurales et éloignées, compte tenu des défis géographiques et des défis liés à la population, et les défis liés à la réelle connectivité. J’aimerais vous entendre sur cette réflexion entre les deux réalités.

[Traduction]

Mme Clayton : Merci. Oui, les échéanciers devraient être pondérés pour les régions urbaines et rurales, parce que ce sont des emplacements géographiques différents. La connectivité est plus stable dans les zones urbaines, comparativement à celle en région éloignée, en raison des zones géographiques et des licences. Je suggérerais des échéanciers différents. Merci.

[Français]

Le sénateur Cormier : Vous avez parlé de petites et moyennes entreprises chez vous. Est-ce qu’il y a un besoin, dans vos communautés, de formation pour que l’utilisation d’Internet...

[Traduction]

Mme Clayton : Oui, il y a des besoins en matière de formation, particulièrement dans le domaine de la connectivité. Nous nous occuperons de fournir ce type d’outils de formation, de manière à ce qu’il y ait des spécialistes informatiques dans chacune des collectivités. Ainsi, ils pourront être sur place pour examiner les problèmes de connectivité qui surgissent en raison de la météo ou des changements climatiques qui ont lieu à l’échelle du globe. Nous avons connu des difficultés avec la connectivité et l’hydroélectricité. L’idée de la formation est juste.

Le sénateur Cormier : Merci beaucoup.

Le sénateur Klyne : Merci, madame Clayton, pour votre déclaration liminaire et pour votre participation. J’ai quelques questions; je vous en pose quelques-unes dans le temps qui m’est imparti. Peut-être que j’en aurai d’autres au second tour.

Comme vous l’avez souligné dans votre allocution, il y a de nombreux avantages à avoir un service Internet à large bande fiable et rapide dans les marchés mal desservis comme le vôtre. Ce projet de loi vise à mettre à profit le financement accordé pour la large bande et le spectre.

Entrevoyez-vous des obstacles et avez-vous des recommandations pour améliorer le projet de loi?

Mme Clayton : Merci pour les questions. À ce stade-ci, en ce qui concerne tous les enjeux relatifs au spectre et aux moyens de s’y attaquer au Canada, les points principaux sont liés aux questions suivantes : devrait-on permettre à n’importe quel fournisseur de services autorisé d’acheter des bandes de fréquences, et leur utilisation doit-elle rester à la discrétion du détenteur de licence?

Il convient également de savoir si les bandes de fréquences peuvent être revendues. Les petites sociétés et les petits fournisseurs peuvent acheter des bandes de fréquences pour moins cher, parce que ce ne sont pas de grandes entreprises de télécommunications. Ce n’est qu’un exemple lié aux enjeux que vous avez soulevés.

Le sénateur Klyne : Merci. Imaginons que la connectivité est bonne et que vous avez un service à large bande et un service cellulaire rapides, fiables, en état de marche et qui fonctionnent bien. Quel est le niveau de littératie numérique des jeunes de la nation Nisga’a?

Mme Clayton : Merci, sénateur. La connectivité actuelle ne permet pas l’usage et la vitesse que veulent les jeunes. Nous avons des programmes établis pour nos jeunes, mais quand nous aurons une connectivité totale et efficace — comme celle que vous avez décrite —, l’empreinte numérique des jeunes servira à des fins éducatives. Il nous faut tenir compte des besoins des jeunes en matière d’éducation. En ce moment, nous enseignons à nos enfants les bonnes et les mauvaises pratiques sur Internet. Nous enseignons aux jeunes à se servir d’Internet pour favoriser notre langue et notre culture. Nous l’utilisons déjà comme outil éducatif, mais avec une connectivité totale, l’expérience sera nettement meilleure pour les jeunes et les aînés. Nos aînés sont très enthousiastes devant ce qu’ils apprennent sur Internet. Ils sont passionnés et ils veulent trouver tout ce qui se trouve en ligne au sujet de la langue et de la culture. Ils en sont épatés.

Le sénateur Klyne : Alors, vos collectivités se préparent et se mobilisent. Leurs compétences et leur littératie numériques s’améliorent. J’en comprends que vous êtes prêts à adopter la connectivité et à en tirer tous les avantages?

Mme Clayton : Oui, en effet.

Le sénateur Klyne : Je déduis de vos propos que la nation Nisga’a met des programmes à la disposition des utilisateurs pour qu’ils aient un ordinateur, un ordinateur portatif, un téléphone intelligent ou un autre appareil quand la connectivité fonctionnera entièrement; est-ce exact? Les gens seront-ils en mesure de se brancher à Internet et de l’utiliser ou y aura-t-il beaucoup de foyers qui ne pourront pas se le permettre?

Mme Clayton : Oui. À l’heure actuelle, les utilisateurs n’ont accès à Internet qu’à l’école. En raison du problème d’abordabilité, tous les foyers n’y sont pas encore branchés. Mais les gens font beaucoup d’efforts pour rester au courant de la technologie et pour en apprendre le plus possible à ce sujet. Les enfants, les petits-enfants, les aînés et les parents rapportent la technologie à la maison. Les gens ont des téléphones cellulaires, mais tous n’ont pas un ordinateur ou un iPad. Il y en a à l’école, où les utilisateurs peuvent s’en servir. Quand les gens ont eu des appareils, la connectivité était trop mauvaise pour s’en servir.

Le sénateur Klyne : Vous trouverez peut-être une entreprise en croissance dans les environs de vos collectivités qui est prête à faire don d’un certain nombre d’appareils aux familles. Bonne chance. Merci.

Mme Clayton : Merci. C’est ce que nous espérons.

La sénatrice Clement : Bonjour, madame Clayton. Merci d’être parmi nous. Le gouvernement Nisga’a Lisims a participé à la consultation d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada au sujet d’un cadre stratégique et d’octroi de licences en décembre 2021. Je me réfère aux commentaires que vous avez faits pendant cette consultation.

Vous avez écrit que le gouvernement Nisga’a Lisims soutenait l’idée de plafonner la quantité de bandes de fréquences que peut acheter une seule entité, ainsi que les exigences en matière de déploiement rural. Vous avez fait remarquer par écrit que les bandes de fréquences non exploitées devraient être réattribuées à d’autres fournisseurs, qui devraient s’engager à les déployer rapidement dans les communautés rurales.

Pouvez-vous nous en dire davantage sur les exigences que vous aimeriez voir mises en application?

Mme Clayton : Merci. Oui, j’ai présenté ce mémoire en 2021. Nous voulons voir le déploiement d’un plan fondé sur les modifications à la loi qui établira la liste des enjeux que vous avez mentionnés. Ils sont tout aussi importants les uns que les autres pour notre travail sur la question de la connectivité, ce qui explique le dépôt de ce mémoire. Voilà ce que nous aimerions.

Nous aimerions aussi savoir comment le plan serait déployé, à la lumière des mémoires déposés au sujet des modifications à la loi. Merci.

La sénatrice Clement : Pourquoi le déploiement vous inquiète-t-il? Pourriez-vous l’expliquer?

Mme Clayton : Ce n’est pas une inquiétude. J’ai simplement hâte de voir le déploiement du plan et les résultats qui en ressortiront.

La sénatrice Clement : Vous voulez donc simplement que les choses se fassent?

Mme Clayton : Par l’entremise des modifications, oui.

La sénatrice Clement : Avez-vous fait des suggestions précises quant aux exigences?

Mme Clayton : Non, je n’ai rien d’autre à proposer que ce que j’ai mentionné aujourd’hui et en 2021.

La sénatrice Clement : Vous êtes une experte des traités modernes. Vous avez élaboré conjointement la Politique collaborative de mise en œuvre des traités modernes du Canada. Je m’intéresse à ce qui se passe, par exemple, en Nouvelle-Zélande, où une revendication en vertu d’un traité a mené à l’attribution gratuite de bandes de fréquences aux nations maories.

Avez-vous des commentaires? Le spectre fait-il l’objet de revendications, au Canada? Peut-il ou devrait-il en faire l’objet?

Mme Clayton : Le spectre ne fait pas partie des revendications au Canada à ce stade-ci. J’ai rencontré les Maoris. Ils ont les moyens d’agir ainsi. Ils ont les ressources financières nécessaires pour le faire. Nous avons rencontré les Maoris en 2018, je crois, et ils ont parlé de la croissance extraordinaire de leur économie. Ils sont en si bonne posture qu’ils peuvent entreprendre ce type de démarche. Mais ce n’est certainement pas le cas pour les peuples autochtones du Canada.

La sénatrice Clement : Quels seraient les obstacles?

Mme Clayton : L’absence d’économie. Nous n’avons pas une économie qui nous permet d’accumuler les fonds nécessaires pour participer au progrès de la connectivité. Voilà le plus grand obstacle.

La sénatrice Clement : Merci.

Le sénateur Richards : Merci pour votre présence parmi nous, madame Clayton. En fait, je crois que le sénateur Klyne a posé cette question. Je vais tenter de la poser un peu différemment.

Quelles sont les conséquences du manque de connectivité sur la santé et sur l’éducation des jeunes? Je pense au manque de ressources et peut-être même au manque d’accès à des infirmières et à des médecins, qui pourrait être atténué par un meilleur et un plus vaste accès à des services Internet à large bande. Je pense précisément à la santé et à l’éducation des enfants.

Mme Clayton : Il s’agit d’une excellente question à laquelle je peux répondre. En raison du manque de connectivité dans le domaine de la santé, particulièrement dans le contexte de la pénurie de médecins — surtout dans les régions éloignées —, le recrutement est devenu un problème pour notre peuple. Nous nous fions donc à la connectivité pour fournir des services de santé par l’entremise de la télémédecine. Il est donc très important d’avoir cette connectivité, vu la pénurie de médecins au Canada, pas seulement dans les régions éloignées.

C’est la même situation dans le domaine de l’éducation. Nos enfants sont nombreux à suivre des cours en ligne quand ils vont à l’école, parce qu’il y a une pénurie d’enseignants. Il y a à la fois une pénurie de médecins et d’enseignants, alors la connectivité joue un énorme rôle dans ces domaines. Merci.

Le sénateur Richards : Y a-t-il, dans votre communauté, des infirmières ou des médecins qui parlent votre langue et qui connaissent votre culture? Avez-vous des infirmières qui possèdent cette expertise?

Mme Clayton : Pas en ce moment, mais nous en avons dans le système. Il faut simplement qu’elles terminent leurs études. Nous avons des personnes dans le domaine des soins infirmiers, mais elles ne sont pas encore revenues dans la communauté.

Le sénateur Richards : Merci beaucoup.

Le sénateur Cardozo : Merci, madame Clayton, de vous joindre à nous. Ma question est assez générale. Je devrais le savoir, mais pourriez-vous nous donner une idée de la zone géographique que couvre le territoire de votre peuple?

Mme Clayton : Merci pour la question. Notre territoire couvre 2 000 milles carrés.

Nous avons quatre collectivités : Gitlaxt’aamiks, ou New Aiyansh, Gitwinksihlkw, Laxgats’ap et Gingolx, qui se trouve à l’embouchure de la rivière Nass et qui connaît le plus de problèmes de connectivité en raison de son emplacement. Et nous sommes dans une région très montagneuse. Nous sommes entourés d’eau, tout en bas.

Nous avons donc quatre collectivités, et il y a un volcan derrière celle où je réside. Il y a des champs de lave qu’il faut traverser pour pouvoir s’y rendre. Nous avons donc besoin de la connectivité en cas d’éruption.

Le sénateur Cardozo : Merci de nous en prévenir.

Alors les quatre collectivités sont assez éloignées les unes des autres?

Mme Clayton : Oui.

Le sénateur Cardozo : Et des oléoducs traversent cette région, n’est-ce pas?

Mme Clayton : Non, pas d’oléoducs.

Le sénateur Cardozo : Parlez-nous des écoles. Quels sont les niveaux enseignés dans les écoles de votre nation? Y a-t-il des écoles secondaires, ou les enfants doivent-ils sortir de la réserve pour ce niveau scolaire?

Mme Clayton : Merci pour la question. Nous avons des classes de la maternelle à la 12e année à New Aiyansh. Chaque collectivité fait l’éducation de la petite enfance jusqu’à la 3e ou 4e année. Ensuite, les enfants se rendent dans la collectivité voisine.

Le sénateur Cardozo : Alors les enfants n’ont pas à quitter la maison pour finir l’école secondaire.

Mme Clayton : Non, ils n’ont pas à le faire.

Le sénateur Cardozo : Mais pour aller au collège ou à l’université, doivent-ils aller loin?

Mme Clayton : Oui. Les cours postsecondaires se donnent ailleurs.

Le sénateur Cardozo : Y a-t-il de la formation pour les métiers spécialisés ou des possibilités d’apprentissage?

Mme Clayton : Voilà l’autre domaine que j’aurais dû mentionner. Nous nous penchons sur la formation pour métiers spécialisés. Les métiers sont un autre domaine où la connectivité serait très utile. Nous examinons la question de la formation aux métiers par l’entremise du programme de formation pour les compétences et l’emploi destiné aux Nisga’a financé par Service Canada.

Le sénateur Cardozo : Oui. Il existe une panoplie de formations aux métiers spécialisés dans de nombreux secteurs allant de la construction au domaine automobile. Tous ces cours sont offerts en ligne, ce qui serait très utile. Cela voudrait également dire que les jeunes n’auraient pas besoin de partir de la maison pour obtenir ce genre de formation.

Je veux me pencher davantage sur la télémédecine. Quelles installations avez-vous dans vos collectivités? Quelle est la distance à parcourir lorsqu’il faut traiter un problème de santé plus grave?

Mme Clayton : Nous avons la Nisga’a Valley Health Authority à New Aiyansh, qui est dotée de deux lits. Nous avions jadis deux médecins. L’un travaillait dans le secteur en amont de la rivière à New Aiyansh, et l’autre, en aval. Maintenant, nous n’avons plus de médecins en raison de la pénurie. Nous avons la télémédecine pour les problèmes de santé majeurs, puisque les infirmières du centre de santé peuvent certainement traiter les problèmes mineurs. Mais la connectivité est nécessaire dans tous les cas, et pour établir la communication entre le centre de santé et les autres communautés.

Le sénateur Cardozo : Merci beaucoup. Nous discutons des fréquences et de questions techniques, mais je pense que vous nous avez vraiment aidés à comprendre les enjeux concrets de la connectivité et les effets d’une meilleure couverture technologique sur la vie quotidienne. Je vous en remercie infiniment.

Le sénateur D. Patterson : Merci, madame Clayton. Je suis heureux de vous revoir. Le comité de l’énergie s’est rendu dans votre région il y a quelques années, et vous aviez fait un exposé à cette occasion. Je sais que vous avez également comparu devant d’autres comités sénatoriaux, alors je suis ravi de vous voir.

L’association qui représente les fournisseurs de services sans fil au Canada nous a affirmé, quand nous avons abordé la question de la connectivité, que le taux n’était que de 90 % chez les Premières Nations. Vous avez mentionné que la connectivité n’était pas très bonne dans votre région.

Prenons l’exemple des foyers des particuliers. Je sais que vous avez dit que les services étaient offerts dans les écoles. Pourriez-vous nous donner une idée de la situation et nous dire, en moyenne, combien de foyers ont une connexion Internet dans votre région, sans parler des iPads et des ordinateurs? Le taux frise-t-il les 90 %, ou 9 foyers sur 10?

Mme Clayton : Je dirais que la proportion est d’environ 9 foyers sur 10. Je vais vous donner un exemple. À New Aiyansh, il y a environ 220 maisons. Je ne fais que deviner. C’était il y a quelques années. Or, toutes les maisons sont connectées.

Le sénateur D. Patterson : Je crois que vous avez dit que la connexion n’est pas particulièrement bonne. Pouvez-vous nous dire quelles sont ses limites et nous parler des désagréments qu’elle cause aux gens à la maison?

Mme Clayton : Oui. Lorsque je dis cela, je veux dire que notre connexion est fréquemment interrompue. Cela est dû en grande partie aux conditions météorologiques. Beaucoup de ces interruptions sont causées par des pannes d’électricité, puisque les fils qui transportent le signal sont sur les lignes électriques. Par exemple, l’autre jour, Terrace était hors service. Terrace est la localité la plus proche de New Aiyansh. Lorsque leur connexion lâche, cela se répercute sur celles d’Aiyansh et de certaines collectivités de la région de la Nass.

Il y a un certain nombre de raisons, comme le temps qu’il fait, BC Hydro, les pannes d’électricité et les graves inondations qui se produisent souvent au moment de la débâcle printanière.

Le sénateur D. Patterson : Je vous remercie.

C’est mon projet de loi que nous examinons en comité ce soir. Comme vous le savez probablement, je viens d’une région rurale du nord du Canada, du Nunavut. Je suis préoccupé par le fait qu’une grande partie de la bande passante n’est pas utilisée. Elle est achetée — généralement par de grands fournisseurs — et gardée parfois pendant sept ou huit ans sans être utilisée.

Vous avez dit que vous aimeriez que les fournisseurs soient tenus à plus d’obligations à l’endroit des collectivités éloignées. Si j’ai bien compris, vous avez également dit que la bande passante inutilisée devrait être mise à la disposition des collectivités rurales. Je pense que vous avez aussi dit que vous aimeriez que la bande passante non utilisée soit revendue ou mise à la disposition de fournisseurs plus petits susceptibles de pouvoir l’acheter.

Seriez-vous en faveur de mesures pour interdire aux grandes entreprises de « s’asseoir » sur la bande passante qu’elles détiennent sans l’utiliser alors qu’une collectivité comme la vôtre a des problèmes de connexion? Vous ai-je bien compris?

Mme Clayton : Oui, sénateur. C’est exactement ce que nous pensons de cela — tout ce que vous avez dit.

Le sénateur D. Patterson : Je vous remercie.

Le président : Nous allons maintenant passer à la deuxième série de questions.

Le sénateur Cormier : Madame Clayton, j’ai beaucoup de questions à vous poser sur votre culture, car nous avons beaucoup à apprendre à ce sujet, mais je vais essayer de m’en tenir au projet de loi dont nous sommes saisis. J’aimerais revenir sur les fournisseurs de services. Dans le projet de loi, les fournisseurs de services doivent se déployer sur 50 % du territoire en trois ans. C’est une responsabilité qui leur incombe.

Étant donné qu’il y a une différence entre les régions éloignées et les régions urbaines, de combien de temps auraient-ils besoin pour brancher votre région? Actuellement, le projet de loi prévoit un délai de trois ans. Est-ce le bon délai pour les régions éloignées, compte tenu des problèmes que vous avez soulevés en ce qui a trait à la géographie de la région, aux connaissances, etc.? Auriez-vous un pourcentage à proposer?

J’ignore si je me suis bien fait comprendre.

Mme Clayton : Oui, tout à fait. En ce qui concerne le déploiement de la connectivité, quand on pense au travail qui doit être fait, trois ans, c’est bien, mais j’aimerais que cela se fasse en deux ans. Trois ans, ça pourrait aller pour les collectivités éloignées.

Le sénateur Cormier : Je vous remercie. Compte tenu de l’importance de la connectivité pour nos collectivités, notamment en ce qui a trait à la santé, à l’éducation et à tout le reste, le droit à la connectivité devrait-il faire partie des droits de la personne?

Mme Clayton : Je crois que oui. Quand on pense à la façon dont nous avons progressé sur le plan technologique, c’est devenu un droit. Je parle du manque de médecins et d’enseignants. Sans la technologie, c’est tout cela que nous perdons. Avec la technologie, c’est devenu un droit.

Le sénateur Cormier : Merci beaucoup, madame Clayton.

Le sénateur Richards : Merci beaucoup. Je viens moi aussi d’une collectivité rurale. La région rurale de Miramichi a des problèmes de connexion et d’accès depuis des années. Est-ce que le grand joueur qu’est Elon Musk avec sa technologie Starlink pourrait vous aider dans votre région en ce qui a trait à cette connexion de première importance vers les centres de santé et les écoles? Avez-vous contacté quelqu’un à ce sujet?

Mme Clayton : Je vais devoir vérifier auprès de notre prestataire de soins de santé quel système il utilise, mais j’ai fait l’expérience de la télésanté sur Internet. Or, je ne savais pas qui il était et ce qu’il était. Ce genre d’information est important pour nous.

Le sénateur Richards : Un médecin qui vit près de chez nous dans une zone rurale a obtenu Starlink parce qu’il en avait absolument besoin. Je me demandais simplement si cette fonction existait sur votre territoire et si elle pouvait y être mise en œuvre.

Mme Clayton : C’est plus que probable, mais je vais vérifier.

Le sénateur Richards : Merci beaucoup.

Le président : Distingués collègues, au nom du comité, j’aimerais remercier Mme Eva Clayton, qui est ici au nom du gouvernement Nisga’a Lisims. Nous vous remercions de votre témoignage. Il sera utile au comité.

Pour notre deuxième groupe d’experts, nous avons le plaisir d’accueillir par vidéoconférence M. Jeff Church, professeur au Département d’économie de l’Université de Calgary, et M. Len Waverman, professeur à l’Université McMaster. Bienvenue à vous deux. Chacun de vous a droit à une déclaration liminaire de cinq minutes. Vos déclarations seront suivies des questions des membres du comité. Nous commençons par M. Church. Monsieur Church, à vous la parole.

Jeff Church, professeur, Département d’économie, Université de Calgary, à titre personnel : Bonsoir et merci, monsieur le président. Permettez-moi tout d’abord de remercier le Comité sénatorial permanent des transports et des communications de me donner l’occasion d’exprimer mon point de vue sur la politique canadienne en matière de spectre.

J’aimerais commencer en vous faisant part de ma satisfaction à l’égard du projet de loi S-242. Je pense que le sénateur Patterson a cerné une conséquence de la politique de gestion du spectre au Canada, conséquence qui est manifestement problématique : des parties substantielles de la bande passante ont été mises de côté pour les nouveaux joueurs de l’industrie et, compte tenu de notre laxisme quant aux obligations en matière de déploiement, une trop grande partie de ce spectre semble ne pas avoir été mise en activité. L’analyse effectuée par TELUS laisse entendre que seulement 20 % de certaines fréquences réservées pour les zones rurales ont été déployées.

L’ampleur des fréquences réservées, allant de 40 à 60 % du total dans certaines ventes aux enchères, semble indiquer qu’une partie considérable du spectre est mal répartie, un déséquilibre qui devient notable lorsque le spectre a effectivement été attribué, mais que les régions rurales et éloignées restent malgré cela mal desservies, voire pas du tout.

Il est important de reconnaître que la répartition déficiente du spectre ne se manifeste pas seulement par le fait qu’une partie de ce dernier n’est pas utilisée dans les régions rurales et éloignées, mais aussi qu’une grande partie est largement sous-utilisée, même dans les zones urbaines.

La solution du sénateur Patterson à la mauvaise répartition associée à la non-utilisation du spectre est de renforcer les obligations de déploiement aux termes des futures licences. Les Canadiens devraient remercier le sénateur d’avoir soulevé la question du spectre mis en attente, mais je pense que ce serait une occasion ratée que de limiter les changements à faire pression sur le ministre et le ministère de l’Industrie pour qu’ils renforcent les obligations de déploiement des futurs détenteurs de licences de spectre. Au lieu de s’attaquer uniquement aux symptômes d’une politique du spectre douteuse, comme le spectre mis en attente ou sous-utilisé, il y aurait lieu de se demander comment cette situation s’est produite.

Dans ce contexte et pour le reste de mes brèves observations, j’aimerais souligner les points suivants : les fréquences réservées offrent peu d’avantages et coûtent cher. En outre, comment pouvons-nous respecter de manière efficace et efficiente les obligations de service universel, ce qui est ce dont le premier groupe a parlé dans le contexte des régions rurales et éloignées?

L’un des principaux leviers politiques que contrôle le gouvernement fédéral est l’attribution du spectre. C’est en se servant de ce levier qu’il a tenté d’encourager la concurrence en subventionnant les concurrents. Il a commencé en 2008 avec la vente aux enchères des licences SSFE-1 — pour « service sans fil évolué » — et, depuis lors, il a réservé une largeur de bande considérable à l’intention des éventuels nouveaux fournisseurs.

En 2013 et 2014, à l’École de politique publique de l’Université de Calgary, Andrew Wilkins et moi avons publié deux documents de recherche qui évaluaient la concurrence dans le secteur du sans-fil au Canada. Dans ces deux documents, nous nous sommes montrés très critiques à l’égard des initiatives stratégiques et des initiatives de politique réglementaire lancées par le gouvernement pour créer davantage de concurrence. Selon nous, les coûts étaient supérieurs aux avantages, et l’un des coûts identifiés était une mauvaise répartition du spectre.

Il me semble que rien n’a vraiment changé depuis, que les avantages de la concurrence seront limités s’il n’y a pas de pouvoir de marché important. Du reste, les trois tests informatifs dont nous disposons suggèrent tous que, dans les services sans fil, la concurrence n’est pas un problème auquel il faut s’attaquer.

En raison du temps qui m’est imparti, je vais sauter par-dessus les détails de ces tests, mais je répondrai volontiers aux questions qui s’y rapportent.

L’un des coûts associés aux fréquences réservées est la mauvaise répartition du spectre. Nous avons prédit que les fréquences réservées entraîneraient une augmentation des coûts et une baisse de la qualité des fournisseurs en place et qu’ils aggraveraient artificiellement la rareté du spectre nécessaire pour les données. Kent Fellows, un de mes collègues de l’Université de Calgary, et moi-même sommes d’ailleurs sur le point de terminer un projet de recherche qui tente de mesurer les coûts et les avantages des fréquences réservées lors de la vente aux enchères des licences SSFE-1 de 2008. Nous démontrons — de manière assez concluante, selon nous — que le facteur limitant les avantages des services sans fil pour les Canadiens n’était pas et n’est toujours pas qu’il n’y a pas assez de concurrence et que les prix sont trop élevés, mais bien que le service est de trop piètre qualité. Selon nos estimations, si les fréquences réservées avaient été mises à la disposition des trois fournisseurs en place, le nombre d’abonnés aurait été multiplié par au moins deux, les avantages pour les consommateurs canadiens de services sans fil auraient, au bas mot, été multipliés par un facteur sept — soit 700 fois — et les prix corrigés en fonction de la qualité auraient baissé d’au moins 4 à 5 % par rapport à la baisse de 1 à 2 % que nous avons constatée avec les fréquences réservées.

Il me semble que la situation actuelle en ce qui concerne les besoins en spectre pour réaliser la promesse de la 5G ressemble à certains égards à celle que nous avons vécue en 2008 lorsque l’iPhone a révolutionné la demande et l’utilisation du spectre. La priorité devrait être de mettre autant de spectres que possible à la disposition des fournisseurs qui l’utiliseront. Dans cette optique, la politique du spectre devrait trouver des mécanismes qui permettraient au spectre assigné au sans-fil d’être alloué à son utilisation ou utilisateur le plus efficace — c’est-à-dire le spectre existant — et il devrait y avoir un effort concerté pour s’assurer que si le sans-fil est la façon la plus efficace d’utiliser le spectre, ce dernier devrait être mis à la disposition des services sans fil en temps opportun.

Ce sont là deux choses pour lesquelles le ministère de l’Industrie a été critiqué par les fournisseurs et les groupes industriels associés.

Dans mes quatre dernières secondes, je dirai simplement que si nous parlons du déploiement pour essayer de convaincre les gens de fournir des services et de s’assurer que le spectre est utilisé de manière appropriée, c’est une question de rentabilité. La façon d’aborder cette question devrait être de revenir en arrière et de regarder notre histoire. Comment avons-nous procédé avec les options de tarification des services locaux? Il y a des années, comment avons-nous fait pour rendre la téléphonie accessible à toutes les collectivités? Nous avons intégré des subventions. Lorsque nous avons ouvert la porte à la concurrence, nous nous sommes débarrassés des subventions. Nous avons étudié les options de tarification des services locaux. Nous avons pris toutes sortes de mesures réglementaires intéressantes pour veiller à ce que ces obligations de service universel soient respectées.

J’applaudis l’idée de resserrer les exigences en matière de déploiement.

Je pense qu’il y a beaucoup d’autres choses que nous savons pouvoir faire, et beaucoup d’approches différentes que nous pouvons adopter et qui résoudraient la question du respect des obligations de service universel en temps opportun. Merci, monsieur le président.

Le président : Merci, professeur Church. Nous allons maintenant passer au professeur Waverman. Monsieur Waverman, vous avez la parole.

Len Waverman, professeur, Université McMaster, à titre personnel : Merci, je suis également honoré de me présenter au Sénat aujourd’hui par le truchement de la technologie moderne. Le problème d’avoir deux économistes néoclassiques en même temps, c’est qu’en écoutant le professeur Church, je suis d’accord avec une grande partie de ce qu’il a dit.

Permettez-moi cependant d’y aller d’une approche quelque peu différente. Je ne prendrai toutefois pas les cinq minutes imparties, car il s’agit d’un tout petit changement à la loi, d’un changement qui est le bienvenu.

La plupart de mes recherches ont porté sur l’effet qu’ont les télécommunications — et les communications mobiles en particulier — sur la croissance économique et la productivité. Or, lorsque nous examinons les régions rurales dont le témoin précédent et d’autres témoins ont parlé, nous avons été très lents, beaucoup trop lents. Cela a également été beaucoup trop lent aux États-Unis parce que les mécanismes utilisés n’ont jamais été efficaces. Les subventions n’ont jamais suffi. La vente aux enchères du spectre ne suffit jamais. Nous devons vraiment tourner la page et assurer le déploiement, et c’est ce dont parlait Mme Clayton.

Je ne sais pas d’où viennent les trois ans prévus dans cette loi. Une autre façon de procéder consisterait à demander aux soumissionnaires des enchères de spectre d’indiquer le nombre minimum d’années qu’ils entendent prendre pour déployer les services et de rendre cela contraignant. Pour l’instant, nous leur demandons simplement d’offrir de l’argent, mais nous pouvons leur demander d’offrir d’autres choses. Le spectre est une ressource publique. La licence est un bail d’un certain nombre d’années, généralement 20, sans aucune autre obligation. Il existe bien d’autres obligations, comme celle, entre autres, de ne pas perturber les autres signaux, mais je pense que nous pouvons faire mieux.

J’ai lu ce que certains intervenants ont dit, à savoir qu’ils pensent que trois ans, c’est trop peu pour déployer le spectre pour les services avancés. Une recommandation serait donc que ce délai soit de trois à cinq ans. En fait, il serait de trois ans, mais l’on pourrait faire appel au CRTC pour qu’il le modifie à cinq ou quatre ans.

Je pense qu’il s’agit d’un changement souhaitable. Comme l’a dit le professeur Church, de nombreux autres changements sont nécessaires, mais je voudrais simplement ajouter qu’il n’y a pas que les nouveaux venus qui se sont « assis » sur le spectre. Je pense qu’un grand nombre de fournisseurs font la même chose. Nous devons faire plus, surtout dans les régions rurales.

La construction d’infrastructures aux États-Unis contribue grandement à faire avancer les choses plus rapidement, et le gouvernement fédéral continue de manifester sa volonté de disposer d’une connectivité complète et des services modernes nécessaires aux entreprises, aux communications, à la croissance économique et à la productivité dans les régions rurales et autochtones. Cependant, les choses avancent encore trop lentement. Il n’y a aucune raison pour que cela ne soit pas plus rapide. Les choses pourraient avancer plus rapidement si l’on poussait les entreprises qui ont le spectre à être plus diligentes.

Merci.

Le président : Je vous remercie, monsieur. Je vais céder la parole au sénateur Klyne qui va lancer la période de questions.

Le sénateur Klyne : Je vous remercie, monsieur le président, et je souhaite la bienvenue à nos deux témoins. Vos déclarations m’ont beaucoup interpellé.

Ce qui m’intéresse dans les modifications proposées à la loi, c’est de pouvoir atteindre les marchés mal desservis, les zones rurales et éloignées, en particulier celles où vivent les Autochtones. Ce qui me préoccupe, c’est qu’au nord du 55e parallèle, le fossé et le vide économiques ne cesseront pas de se creuser tant que nous ne pourrons pas leur donner accès à la nouvelle économie, et je dirais que cela passe par des services cellulaires et à large bande fiables, afin de remplacer les anciens outils par les nouvelles applications. Il nous faut donc une transformation numérique.

Je trouve certains de vos commentaires et de vos recommandations très intéressants et inspirants.

Pour qu’on s’assure que le spectre sert à combler le fossé dans la littératie numérique et à effectuer la transformation pour permettre à chacun de participer à la nouvelle économie, auriez-vous des recommandations claires, autres que celles que vous avez déjà mentionnées, pour accélérer le processus? Chaque année, un nouveau fossé se creuse au nord du 55e parallèle. Avec une connectivité à large bande, un service fiable et les bonnes vitesses, je pense que nous arriverons à éclipser la norme du CRTC de 50-10 pour le téléchargement et le téléversement dans un avenir proche, à mesure que la 5G et d’autres avancées se concrétiseront. Pouvez-vous nous formuler des recommandations ou des observations claires sur la manière d’améliorer ce projet de loi?

M. Waverman : On pourrait ajouter d’autres obligations pour ceux qui obtiennent le spectre, par exemple, quels services ils vont déployer et comment ils vont s’assurer que les clients potentiels peuvent utiliser ces services. Quels programmes éducatifs utiliseront-ils? Un téléphone intelligent moderne est un appareil très sophistiqué et qui le devient de plus en plus.

On peut imaginer l’utilisation de la 5G dans le Nord, car l’Internet des objets pourrait être très utile pour faire un suivi des animaux ou surveiller la fonte des glaces. Diverses activités peuvent être améliorées grâce aux télécommunications modernes. Je suggérerais un ensemble de mesures que les preneurs mettraient en place pour faire progresser la culture autochtone, la culture dans le Nord et les occasions d’affaires, en plus de ce qu’ils paient pour le spectre.

M. Church : Je pense que c’est une excellente question, sénateur Klyne. J’essaierais de faire une distinction entre ce que nous savons sur la prestation de services pour d’autres types de produits dans le Nord et dans le Sud. Nous faisons la distinction entre les situations où nous pensons que le marché et le secteur privé fonctionneront bien, et nous faisons la distinction entre les situations et les produits dans des endroits où nous pensons que le marché ne fonctionnera pas très bien parce qu’il n’est pas rentable.

Si l’objectif de la politique est de fournir un service universel à des prix équitables aux citoyens, peu importe où ils habitent au Canada, et s’il s’agit d’un objectif de la politique, je pense qu’au lieu d’organiser des soumissions pour le spectre, nous devrions organiser des enchères pour les fournisseurs de services. Nous fournirons à ces fournisseurs de services le spectre, l’argent ou peu importe. Et, comme l’a dit M. Waverman, il pourrait y avoir une large demande de services, que ce soit pour une nation, comme l’a dit la témoin précédente, où nous avons quatre communautés que nous voulons voir desservies, ou nous allons décider qu’il s’agit de telles régions géographiques, mais il devrait s’agir de régions où nous encourageons une certaine forme de concurrence pour décider qui va fournir le service. Il s’agit d’une soumission pour la connectivité, la prestation du service qui est présentée, et il pourrait s’agir de soumissions négatives. On pourrait dire qu’ils vont se livrer concurrence sur le montant des subventions à fournir par le gouvernement fédéral ou le gouvernement provincial, ou sur la manière dont cela sera financé par le reste de la population pour s’assurer que tel niveau de connectivité est disponible pour tout le monde.

Je pense que nous devrions penser à beaucoup d’éléments, à sortir des sentiers battus pour aller au-delà de la vente aux enchères de spectre en espérant que ce sera rentable pour quelqu’un d’offrir le service. Je crois qu’il faut passer à un modèle où l’on se dit que nous aurons un fournisseur de service avec un monopole dans certaines régions géographiques. La question est de savoir comment obtenir la qualité de service que nous recherchons au prix le plus bas possible pour les contribuables.

Le président : Messieurs, que répondez-vous aux critiques qui affirment qu’il est impossible de combler le fossé entre les régions urbaines et rurales dans les communications au pays, que ce n’est pas économiquement viable dans certaines régions? Soit le gouvernement fédéral va puiser beaucoup dans les poches des contribuables pour relever ce défi, soit ce ne sera pas économiquement faisable.

M. Waverman : Je vais commencer encore une fois. Nous avons fait face à ce problème à de nombreuses reprises au pays dans le cas du chemin de fer, des autoroutes, de CBC/Radio-Canada et des télécommunications. Nous nous heurtons toujours à l’obstacle suivant : nous avons un vaste territoire géographique dont une partie de la population est dispersée le long de la frontière américaine, et le reste se trouve ailleurs, mais ce sont tous des Canadiens. Il faut les inclure dans les possibilités offertes par les télécommunications modernes.

Comme l’a dit M. Church, il peut être nécessaire de procéder à une enchère négative. Quel est le minimum que vous accepteriez pour desservir cette zone avec un ensemble de services de connectivité? Cela fait plusieurs années que nous échouons dans le Nord. Nous ne pouvons pas continuer à essayer la même chose encore et encore. Nous devons essayer de nouvelles choses. C’est certainement faisable.

Combien cela coûtera-t-il? Nous ne le saurons pas tant que nous n’aurons pas essayé.

M. Church : Pour faire suite à ce qui vient d’être dit, je pense que nous n’avons pas utilisé les marchés pour trouver des solutions à faible coût, de sorte que nous ne savons pas vraiment si cela a du sens sur le plan économique. Lorsque nous envisageons de fournir des services à une région éloignée, nous devrions essayer d’être technologiquement neutres. Il se pourrait bien que, dans une soumission négative pour fournir des services de connectivité haute vitesse à large bande dans une région éloignée du Canada, le gouvernement passe un contrat avec Elon Musk et Starlink. C’est ce que nous faisons parce que c’est le moyen le moins coûteux et le plus fiable de fournir des services de connectivité haute vitesse à cette région. L’objectif devrait être de les fournir à un prix raisonnable pour les citoyens, où qu’ils soient. Si tel est l’objectif, il nous incombe à nous de trouver le moyen le moins coûteux de fournir ces services. Nous devrions être technologiquement neutres. Nous ne devrions pas penser qu’il doit s’agir d’un service cellulaire haute vitesse. Il y a peut-être d’autres moyens de le faire. Il faut espérer que cela réduise le nombre de situations dans lesquelles nous nous retrouvons à dire que cela va nous coûter énormément d’argent pour fournir ces services à une petite poignée de personnes. Nous pourrons peut-être alors négocier avec eux un autre accord qui compensera l’absence de service.

Le président : Tout à l’heure, M. Waverman a mentionné que nous devons faire un meilleur travail, ou en fait commencer à intégrer des critères et des échéanciers aux ventes aux enchères du spectre, une idée sensée. Je suis estomaqué que personne n’y ait pensé avant ce soir et que le gouvernement n’ait pas mis cela en œuvre.

L’autre question que je me pose — et peut-être que j’essaie simplement de comprendre tout cela — est la suivante : devrions-nous mieux regrouper le spectre que nous vendons dans les centres urbains avec le spectre dans les régions rurales du Canada? Encore une fois, comme l’a dit M. Waverman, si on regarde l’histoire du Canada, on a protégé notre industrie aérienne et on lui a accordé certains privilèges dans certaines régions, tout en les assortissant de conditions et en veillant à ce qu’elle fournisse des services dans les régions économiquement moins viables. Jusqu’à il y a quelques mois, cela fonctionnait bien. Nous cherchons maintenant à comprendre pourquoi nous rencontrons à nouveau des difficultés. C’est la même chose dans le secteur ferroviaire. VIA Rail reçoit des subventions. Elle reçoit un mandat et nous l’obligeons à offrir des services à l’extérieur du corridor Toronto, Ottawa, Montréal, Québec.

Pourquoi n’avons-nous pas trouvé un juste équilibre pour le spectre? Je peux me tromper complètement — et vous pouvez me le dire —, mais ne devrions-nous pas mieux regrouper les centres urbains les plus lucratifs avec les régions rurales du pays?

M. Church : Ce n’est qu’une autre façon de financer la subvention. Vous vous dites que la zone géographique visée sera vaste, et vous vous demandez combien vais-je payer pour cette zone de licence, pour ce spectre? Dans certaines régions, je vais faire de l’argent; dans d’autres, je vais en perdre. Si vous m’imposez des objectifs de déploiement dans des régions où ce n’est pas rentable, le montant global que je suis prêt à payer pour la licence va diminuer. Cet argent sort indirectement de la poche des contribuables. Cela signifie que nous obtenons moins lorsque nous vendons aux enchères les licences d’utilisation du spectre. C’est une forme de subvention. La question est toutefois de savoir si c’est nécessairement la meilleure façon d’encourager la fourniture de services.

Lorsque je pense aux ventes aux enchères de services par opposition aux ventes aux enchères de spectre, si nous revenons en arrière et que nous regardons, par exemple, le câble dans les années 1970, les municipalités et les gouvernements signaient des contrats avec le fournisseur où l’on précisait le prix et les objectifs de déploiement. À telle date, vous devez avoir câblé tant de foyers, quel que soit le pourcentage. Telle était la nature des contrats. Je pense que c’est la direction que nous devrions prendre. Au lieu de mettre le spectre aux enchères, nous devrions mettre aux enchères les droits et les conditions de fourniture d’un service particulier à des régions géographiques particulières. Je vous remercie.

M. Waverman : Je suis d’accord avec M. Church, mais il s’agit d’un marché différent et d’un type de service différent. Il se peut que Bell et Rogers ne soient pas les meilleurs au monde pour opérer dans ces régions, où ils ne connaissent pas les clients et où ils ne savent pas comment fournir le service dans ces communautés très éloignées. Je préférerais avoir un esprit ouvert et voir qui soumissionnerait pour ce genre de services.

Le sénateur D. Patterson : J’aimerais remercier nos deux témoins. Monsieur Church, je vais commencer par vous, si vous le voulez bien.

Vous avez dit que les spectres réservés sont du gaspillage. Malheureusement, mon projet de loi — c’est mon projet de loi dont nous discutons ce soir, et je suis honoré que le comité l’examine — se penche sur une question d’une portée très étroite, ce que j’appellerais le spectre qui reste en plan. Nous pourrions présenter une observation au sujet des spectres réservés, mais un amendement à ce sujet outrepasserait sans doute la portée du projet de loi.

Vous avez dit avoir publié un document de recherche critiquant les initiatives de réglementation du gouvernement dans ce domaine. Avez-vous examiné la question de ce que j’appelle le spectre resté en plan dans votre document, ou dans d’autres de vos écrits ou ceux de vos collègues?

M. Church : Je vous remercie, sénateur Patterson. Le document auquel j’ai fait allusion, que nous avons publié en 2013-2014, traitait des premières discussions que nous avions eues en 2008 au sujet des spectres réservés. Nous pouvions commencer à voir les effets de ces spectres réservés, et il nous semblait qu’on pouvait constater le fait qu’en restreignant l’accès au spectre aux trois titulaires, cela leur causait des difficultés. Je pense que dans un de nos documents nous avons parlé du fait que l’on aurait pu aboutir à une coentreprise entre Bell et TELUS de toute façon, mais en raison des spectres réservés dans ces enchères, elles n’avaient pas vraiment d’autre choix que de conclure une entente de coentreprise. Au lieu d’avoir potentiellement deux réseaux, nous n’en avons eu qu’un. Nous aurions pu n’avoir qu’un seul réseau de toute façon, exploité conjointement par Bell et TELUS, alors c’est difficile de savoir, mais c’était l’issue la plus susceptible de se produire dans ce cas.

On le voit depuis, sénateur Patterson. Quand on regarde le ratio de la part de marché par rapport au spectre au pays, les nouveaux venus ont un ratio significativement plus élevé que les titulaires.

Implicitement, dans tout cela, du moins en ce qui concerne les spectres réservés, ce spectre n’est pas utilisé du tout ou est sous-utilisé. Mes recherches récentes portent sur le spectre de 2008 et indiquent qu’au lieu d’être alloué aux nouveaux venus, où il n’est pas utilisé efficacement, il a été utilisé pour améliorer la qualité des réseaux du titulaire, en particulier lors de l’explosion des données associée à l’arrivée de l’iPhone. Les effets sur le bien-être des Canadiens sont considérables.

Cela nous renseigne indirectement sur le coût de la non-utilisation de ce spectre. Si nous prenons en compte les ramifications de ce que signifie la 5G et les exigences en matière de spectre qui seront nécessaires pour que nos réseaux soient en mesure de fournir des services 5G, nous devons nous pencher sur cette question.

Je comprends que votre projet de loi est pour l’avenir, alors il s’appliquerait à la prochaine vente aux enchères du spectre — le 3800 — qui pourrait avoir lieu à la fin de cette année, puis vous aurez le déploiement de trois ans après cela, mais nous devons faire quelque chose au sujet des spectres réservés et le spectre qui n’est pas utilisé maintenant afin de pouvoir nous préparer à fournir des réseaux qui sont capables de prendre en charge la 5G.

Certains acteurs du secteur diraient qu’il s’agit d’un problème très urgent et que nous avons eu du succès avec nos réseaux 4G et LTE, mais que maintenant, nous dormons au gaz en quelque sorte.

M. Waverman : Sénateur Patterson, puis-je ajouter quelque chose?

Le sénateur D. Patterson : Oui, allez-y, s’il vous plaît.

M. Waverman : Je vous remercie d’avoir présenté ce projet de loi.

Je ne parlerai pas de la question de savoir qui possède le spectre excédentaire et ce à quoi il ne sert pas. Je ne parlerai pas non plus de Shaw et de Rogers.

Ce projet de loi est un ajout très bienvenu à la politique du spectre pour l’avenir. De plus, je pense que lorsque les baux sont en cours de renégociation, je ne vois pas comment nous pourrions retirer le spectre à quelqu’un qui l’a utilisé pendant 15 ou 20 ans, et on ajoute de nouveaux critères dans ces baux. Je pense que c’est une bonne chose.

Je me demande simplement pourquoi la durée est de trois ans. On peut peut-être ajuster cela un peu. C’est tout.

Le sénateur D. Patterson : Je vous remercie beaucoup.

Monsieur Church, vous avez dit qu’il fallait que le spectre soit accessible rapidement. Croyez-vous que ce qu’on appelle la politique « à utiliser ou à perdre » qui, à mon avis, est le principe de base de ce projet de loi, pourrait être une bonne façon de répondre aux besoins en télécommunications dans les régions rurales et éloignées du Canada?

M. Church : Sénateur Patterson, je pense certainement qu’il s’agit d’une amélioration par rapport à ce que nous avons; je pense donc que c’est un bon début. Nous devons être assez insistants sur l’approche « à utiliser ou à perdre ». Il faudrait peut-être dire « à utiliser ou à partager ». Il faut le rendre disponible.

Mais encore une fois, je m’interroge sur le spectre qui reste en plan ou qui n’est pas utilisé. Je comprends l’argument en ce qui concerne le spectre réservé. M. Waverman semble être un peu en désaccord avec moi sur ce point. Nous avons la politique relative aux ERMV, aux exploitants de réseaux mobiles virtuels, la politique sur l’itinérance et toutes sortes de mesures, et les exigences de population que nous avons pour le déploiement, ce qui signifie que les nouveaux venus déploient leur spectre dans les villes et qu’il devient alors vraiment non rentable pour eux de le déployer dans les zones rurales.

Mais fondamentalement, s’il y a un problème avec le manque de déploiement, il doit s’agir d’un problème lié à la rentabilité; les entreprises ne pensent pas que c’est rentable. Comment résoudre ce problème? C’est la question qui se pose ici.

La question du déploiement dont j’ai parlé laisse entendre une subdivision croisée interne allant entre les régions de la licence. Est-ce nécessairement la meilleure façon d’utiliser le spectre, ou pourrions-nous créer un marché secondaire qui permettrait à tous d’accéder au spectre non utilisé? Dans l’affirmative, nous devrions nous y atteler. Si vous utilisez le spectre, vous devez en fournir la preuve au ministère de l’Innovation, des Sciences et du Développement Canada. Dans le cas contraire, un processus devrait permettre à quiconque sur le marché de reprendre ce spectre, que ce soient les trois fournisseurs secondaires dont nous avons parlé ou les trois fournisseurs principaux.

Le sénateur D. Patterson : Pourriez-vous nous partager vos écrits sur la question? Dans l’affirmative, veuillez les remettre au greffier, s’il vous plaît.

M. Church : Bien sûr, sénateur Patterson. Je serai ravi de vous transmettre les documents que nous avons produits.

Le sénateur D. Patterson : Monsieur Waverman, vous avez aussi dit que nous étions trop lents dans le développement du spectre dans le Nord canadien et les régions éloignées, d’où je viens.

En ce qui concerne les recommandations, accepteriez-vous que ce projet de loi mette de côté le critère de base du déploiement? Il s’agit d’un changement législatif qui permettrait néanmoins au ministère de modifier la structure de la vente aux enchères pendant les enchères. En d’autres termes, j’essaye d’établir un point de référence. Il reviendrait alors au ministère d’organiser la vente aux enchères pour régler certains des problèmes que vous avez soulevés.

Monsieur Waverman, cette analyse vous semble-t-elle logique?

M. Waverman : Effectivement, sénateur Patterson. Cela me paraît logique.

Par le passé, nous avions des obligations relatives à certaines questions et aux télécommunications. Voilà ce qui se produit après la date magique des trois ans; l’entreprise qui détient une licence dit que c’est très difficile. « Regardez les taux d’intérêt. Donnez-nous simplement quelques années encore. »

Nous devons rendre les obligations obligatoires pour qu’elles soient prises au sérieux. Devons-nous retirer la licence? Doit-on la revendre à un autre acteur? Que se produit-il après trois ans, ou plutôt entre trois et cinq ans? Il faut énoncer clairement ce qui arrive à ce moment-là. On ne peut pas simplement gémir, geindre et espérer des jours meilleurs.

Le sénateur D. Patterson : Mon projet de loi donne la possibilité de conclure d’autres arrangements avant l’annulation de la licence par le ministre. Est-ce le genre de flexibilité dont vous parlez?

M. Waverman : Oui, il doit y avoir de la flexibilité, mais la flexibilité sans limites est impossible, car elle enlève toute contrainte.

Le sénateur D. Patterson : Je vous remercie.

[Français]

Le sénateur Cormier : Merci aux témoins pour vos présentations et pour votre éclairage. J’essaie de déterminer quelle est la meilleure question à poser.

Monsieur Church, vous avez vraiment une approche qui change le paradigme de la réflexion qu’on peut avoir sur ce projet de loi. J’essaie de comprendre, à la lumière du projet de loi que nous avons devant nous — et peut-être que vous avez déjà répondu à ces questions —, mais si je comprends bien, vous dites que ce projet de loi est un premier pas, alors que beaucoup de choses pourraient être faites pour favoriser une accessibilité à une connectivité de qualité dans les régions rurales et éloignées.

À la lumière de cette réflexion, quelles seraient vos suggestions de modifications — si vous jugez que des modifications sont nécessaires —, au projet de loi S-242 que nous avons devant nous, pour aller dans la direction que vous proposez?

[Traduction]

M. Church : Merci, honorable sénateur. C’est une question très complexe, mais je ferai de mon mieux pour y répondre.

Je suis d’accord avec vous pour dire qu’il s’agit dans une certaine mesure d’un changement de paradigme. Le projet de loi du sénateur Patterson tient compte des limites imposées par la vente aux enchères du spectre et le processus prévu.

Les propos de M. Waverman peuvent se résumer essentiellement à ce qui suit : « J’ai conclu un contrat avec une entreprise et je lui donne trois années pour déployer un réseau. Ensuite, l’entreprise veut renégocier le contrat parce qu’il y a toujours des imprévus. » Or, nous sommes nombreux à avoir fait faire des rénovations dans nos maisons. Nous connaissons tous ce cas de figure. Le déploiement d’un réseau n’y déroge pas.

Cela me dit que nous devons prendre du recul et indiquer que c’est un problème, et voir s’il s’agit d’un problème urgent ou non. Si nous estimons que le problème est urgent, il faudrait peut-être songer à un changement de paradigme. Cela nécessitera peut-être un financement du gouvernement fédéral, mais la demande de fonds et la surveillance de ce type de projet sont de compétence municipale. Ce sont les municipalités qui encadrent ce qui se fait. Elles surveillent le déploiement et s’assurent que tout est fait correctement. Je sais que je n’ai pas tout à fait répondu à votre question.

[Français]

Le sénateur Cormier : En étudiant le projet de loi, j’ai l’impression qu’il nous manque des chiffres, des données claires pour comprendre les situations. Est-ce que vous jugez que dans l’état actuel de la situation, il y a effectivement un manque?

Est-ce qu’on a une vision claire des défis sur le terrain, des chiffres et des données nécessaires pour permettre de toujours livrer des services de qualité? Est-ce qu’il y a quelque chose à faire de ce côté pour qu’on soit mieux outillé pour traiter le projet de loi S-242, et dans un deuxième temps peut-être changer de paradigme, comme vous le proposez?

[Traduction]

M. Church : C’est une excellente question. Lorsqu’on m’a convoqué, j’ai fait un peu de recherche et je me suis rendu compte qu’il était très difficile pour moi d’établir la proportion du spectre qui était inutilisée. J’ignore si c’était la consultation sur la bande de 3 800 mégahertz ou le document d’information publié par Telus à la fin de l’année dernière à l’issue de son étude qui nous a donné le chiffre de 20 % qu’utilisons le sénateur Patterson et moi-même.

On espère que le gouvernement, ISDE ou un régulateur indépendant comme le CRTC aurait la capacité de recueillir de l’information, d’effectuer une analyse et de conseiller le gouvernement sur les mesures à prendre.

C’est effectivement un problème. On a signalé dans d’autres tribunes que la politique visant le spectre est inhabituelle, vu qu’elle relève en partie du gouvernement fédéral et qu’elle est plus susceptible aux influences politiques que les autres domaines pour lesquels nous prenons des décisions dans le secteur des télécommunications. Comme ces décisions sont confiées à un régulateur indépendant avec un mandat libre de toute influence politique, on ne se retrouve pas à se demander si une décision a été prise pour des raisons politiques ou pour le bien des Canadiens.

La sénatrice Clement : Les questions foisonnent dans ma tête et j’ai des employés talentueux dans la salle qui pianotent sur leur ordinateur portable. Quelles questions devrais-je vous poser? Je vais les poser et vous écouter.

Monsieur Church, vous avez fait référence dans votre déclaration à votre article publié en 2013, Wireless Competition in Canada: An Assessment, dans lequel vous affirmez qu’il n’existe aucune preuve d’un problème de concurrence dans le secteur des services sans fil du Canada. Vous avez aussi indiqué dans votre déclaration que rien n’a changé depuis 2013. C’est tout de même décourageant. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi?

Nous sommes tous d’accord qu’il faut absolument une couverture universelle. Personne n’est contre. Comment se fait-il que nous n’ayons fait aucun progrès depuis la publication de votre article il y a 10 ans?

Plus précisément, vous avez mentionné les municipalités et les autorités locales, ce qui est toujours intéressant. Pourrait-on recourir de façon facultative ou obligatoire aux sous-licences du spectre, afin que les exploitants utilisent le spectre, le partagent ou encore soient obligés de le céder? Selon vous, quel rôle devraient jouer les municipalités? Pensez-vous que les municipalités devraient devenir les partenaires du gouvernement fédéral? J’ai bien hâte d’entendre votre réponse.

Monsieur Waverman, vous avez créé un tableau de la connectivité dans lequel vous comparez le Canada à d’autres pays. Où se situe le Canada dans le tableau?

Vous avez indiqué que vous prolongeriez de quelques années le processus de vente aux enchères. Comment voyez-vous le processus? Que font les autres pays?

M. Church : Merci pour votre question. Je voulais dire — et j’espère m’être bien exprimé — que le problème résidait dans l’emprise sur le marché. L’évaluation de cette emprise a-t-elle changé depuis 2013-2014? Non, parce qu’ils ne la possédaient pas à l’époque et ne la possèdent pas maintenant. Pourtant, nous persistons à enchaîner des initiatives stratégiques et fédérales favorables à la concurrence, même malgré l’inexistence d’un problème de concurrence.

La confrontation des résultats du test que nous avons réalisé en 2013-2014, des données que je peux reproduire aujourd’hui — nous les voyons dans l’examen du sans-fil — et des preuves présentées que j’ai sous les yeux continue de me faire douter de l’existence d’un problème d’emprise sur le marché dans le sans-fil qui exigerait la prise de mesures stratégiques supplémentaires. Par exemple, ça suppose que nous pouvons nous débarrasser assez facilement des réserves de fréquence sans éprouver de problèmes de concurrence.

Pour répondre à votre autre question, il s’agit, dans de nombreuses communautés rurales et éloignées, d’introduire des services locaux. Nous devons trouver un mécanisme qui permettra de les introduire, ce qui exigera forcément une présence sur le terrain dans ces communautés. Ce pourra être celle des municipalités ou d’organismes sans but lucratif. Il faut que ce soit quelque chose qui permette leur participation, peut-être avec le financement fédéral. Nous devons avoir la capacité de fournir ce service.

On le voit dans certaines communautés. La petite ville d’Olds, au nord de chez moi, a créé un réseau local à bande large qui lui appartient. Des communautés trouvent différentes façons de l’expérimenter.

Je crois que nous subventionnerons implicitement de gros joueurs quand ils achèteront leurs licences de spectre, en les autorisant à offrir un prix plus pas pour une vaste région, dans une partie de laquelle il sera localement moins rentable de fournir le service, ce que nous subventionnerons implicitement en acceptant une enchère moins élevée, puis, peut-être devrions-nous nous assurer que, peu importe le mode de financement, il profitera à d’autres que les participants à ces enchères.

M. Waverman : Sénatrice, je suis sensible à ce rappel du Connectivity Scorecard, qui n’a pas eu de suite. J’allais essayer d’en produire un à l’échelle des provinces.

Par exemple, le Canada est l’un des chefs de file mondiaux pour le déploiement de la 4G. Il l’a rapidement déployé à très grande échelle. Il en a vraiment été un chef de file mondial.

Dans la 5G, nous avons du retard. Ce pourrait être en partie attribuable au prix du spectre. Au Canada, les enchères du spectre ont rapporté, par mégahertz, des montants supérieurs à ceux qu’on voit dans des pays comparables au nôtre, de même taille ou plus gros, tels les États-Unis. Le problème est que ça limite les éventuelles mises de fonds des détenteurs des licences dans la fourniture de services.

Nous discutons du projet de loi du sénateur Patterson, qui vise le Nord. Il s’est accompli beaucoup de travail dans l’administration fédérale et dans des provinces, au Québec et en Ontario. Un certain nombre d’expériences sont en cours, des expériences très bien faites, qui éprouvent différentes méthodes de financement par l’État. La manne fédérale et celle des provinces attendent. Les opérations ne sont pas aussi bien intégrées qu’aux États-Unis et sont en retard par rapport à ce qui s’y fait sous le régime de la loi de ce pays sur les infrastructures, particulièrement en ce qui concerne la vitesse. Les États-Unis nous devancent sur le plan de la connexion des régions en question à Internet. Notre retard, je pense que nous pourrons le déclarer comblé dans huit ans.

Nous devons et nous pouvons accélérer la cadence, en priorité. Le projet de loi du sénateur Patterson y sera utile, parce qu’il prescrit essentiellement de fournir le service sous peine d’annulation de la licence. Si, dans les trois années prévues, le titulaire de la licence ne le fait pas, quelqu’un d’autre le fera.

La sénatrice Clement : Intégrer dans les enchères le nombre d’années qu’on s’engage à prendre pour fournir le service?

M. Waverman : Oui. Aux États-Unis, on a organisé des enchères inversées, avec adjudication au moins-disant pour, par exemple, obligation de service universel, lequel coûte cher à l’État. De combien peu le futur acquéreur a-t-il besoin? Mais il se trouve que ce peu est toujours trop peu et que l’adjudicataire revient dire qu’il ne reste rien du magot.

Mais ce serait possible. Je ne sais trop où ç’a été fait. Je suis sûr que ça l’a été. Il n’y a pas de raison pour ne pas ajouter d’autres conditions à celle de l’argent, pour les enchères.

La sénatrice Clement : Merci.

Le sénateur Richards : Merci d’être ici.

Dans ma villégiature d’été, à un certain moment de la journée, je ne peux accéder à Internet pour mon travail, à cause de l’affluence. Je marche donc jusque chez mon ami, dont j’ai parlé plus tôt, dont le fournisseur d’accès est Starlink, je crois. Il est toujours en ligne. Si le gouvernement s’en mêle, je me demande si les fournisseurs pourront fournir un service aussi bon que celui de Starlink? Parce que, pour le moment, le mien semble faire le minimum pour me faciliter l’accès à Internet.

Si le gouvernement met son service aux enchères, pourra-t-il en fournir un comparable à celui de Starlink? Monsieur Church, peut-être?

M. Church : C’est ce dont nous essayons de discuter, c’est-à-dire d’une situation qui, en raison des facteurs économiques, nous obligerait, dans une communauté éloignée, à n’avoir qu’un seul fournisseur, un seul réseau.

Nous ne voulons pas subventionner deux réseaux en concurrence, mais nous nous contenterons vraiment d’un seul bon réseau. Et la concurrence que nous envisagerons sera votre fournisseur contre Elon Musk et Starlink. Nous leur dirons : « Nous voulons que vous fournissiez un service à large bande à cette communauté. Combien demandez-vous ou combien nous offrez-vous? Combien de temps faudra-t-il? Quelles seront les caractéristiques du service que vous fournirez? »

Nous laisserons la concurrence pour le marché essayer de discipliner votre fournisseur local qui ne semble pas vouloir trouver de solution à cet engorgement. Voyez-les donc se battre contre de véritables Elon Musk et Starlink pour fournir un service à ces communautés éloignées.

Le sénateur Richards : Merci beaucoup. Je suis persuadé que c’est ce que nous espérons. Je me demande seulement si, à cause de la participation de l’État, nous pourrons y parvenir.

M. Church : Tel que je l’envisage, c’est peut-être les autorités locales qui, avec de l’aide financière et des conseils du gouvernement fédéral, organiseront les enchères. Nous espérons qu’elles auront davantage les intérêts de leurs administrés et des citoyens à cœur que, peut-être, le gouvernement fédéral.

Ces autorités locales ne fourniront pas le service. Elles ne participeront qu’à la sélection du fournisseur de services et à sa surveillance.

Le sénateur Richards : Je me fais l’avocat du diable. Il y a deux ans, quand j’ai dû faire réparer mon installation d’accès à Internet, le technicien a dû parcourir près de 200 milles pour venir chez moi. Il lui a fallu deux heures pour trouver l’endroit. Ensuite, il m’a dit que j’avais besoin d’installer le récepteur sur le toit, mais que lui n’y grimperait pas pour le faire. Je le comprends.

J’espère que, là-bas, le service s’améliorera d’ici quelques années, parce que je suis convaincu qu’il n’est pas la moitié aussi mauvais qu’au nord du 55e parallèle. Merci beaucoup.

[Français]

Le sénateur Cormier : J’ai une question complémentaire à la réponse que vous avez donnée au sénateur Richards.

Je ne suis pas très fort en économie, mais si j’étais un entrepreneur et qu’on me demandait de faire une soumission dans une région pas rentable, j’aimerais savoir quels sont les soutiens auxquels j’aurais droit pour offrir un service de qualité.

Ma crainte, c’est que personne ne va se présenter pour faire des soumissions dans ces régions si elles ne sont pas rentables. Peut-être avez-vous déjà offert des options, mais j’aimerais les connaître.

[Traduction]

M. Church : Oui, merci. C’est exactement ce dont nous discutons ici. Nous essayons de faire comprendre qu’il est dans l’intérêt du fournisseur de services de le rendre à la communauté, service dont la prestation, comme vous l’avez fait remarquer, doit être rentable. Les enchères dont il s’agit concernent la période visée par la subvention. Je peux imaginer qu’une entreprise promette de fournir le service, mais à condition que chaque abonné soit subventionné à raison de 5 $ par mois, et qu’il faille verser l’argent à cette entreprise et qu’une autre promette de le faire pour 3,50 $ et une troisième pour 2 $.

L’enchère est intéressante dans le sens que les offres correspondent au montant que nous versons au fournisseur du service pour nous assurer que ce service sera rentable. Le processus révèle le montant de la subvention qui permet de rentrer dans ses fonds. Voilà le genre de mécanisme auquel je songe.

[Français]

Le sénateur Cormier : D’accord. Merci beaucoup.

[Traduction]

Le président : Il convient que le sénateur Patterson, parrain du projet de loi, soit le dernier à prendre la parole. Nous vous écoutons.

Le sénateur D. Patterson : C’est à vous deux que je m’adresse. Ce soir, nous avons passé quelque temps à discuter du délai de trois ans et de la possibilité d’y introduire de la flexibilité, ce que le projet de loi autorise dans une certaine mesure.

Je voudrais vous questionner sur le seuil de 50 % prévu dans le projet de loi. Nous avons entendu que ce taux exigé de déploiement risquait de ne pas convenir dans différentes régions de notre pays. Certains ont qualifié d’excessivement grossière la formule d’une même solution pour toutes les situations. Sur ce point, on pourrait peaufiner le projet de loi. Le devons-nous, peut-être compte tenu de ces critiques, en établissant différentes conditions de déploiement que nous pourrions assortir de pourcentages et fonder sur, par exemple, l’éloignement, la démographie, la géographie ou d’autres facteurs. Je vous demande, à chacun de vous de bien vouloir me dire ce que vous en pensez.

M. Waverman : D’accord. Je répondrai le premier. Ça me paraît sage, mais je crois que le plus facile est de donner un peu de latitude au CRTC, au ministère, parce que la rédaction d’une disposition en ce sens dans le projet de loi exigerait beaucoup de travail pour déterminer les bons facteurs et les bons pourcentages.

Il serait préférable d’autoriser un peu de souplesse dans le choix du nombre d’années et du pourcentage, 50 ou 35 %, de fourniture de services pendant les trois années, mais sous réserve d’une négociation avec quelqu’un, parce que, en amont, on risque de beaucoup alourdir le projet de loi et, peut-être même, de lui faire faire fausse route. Nous devons trouver un mécanisme pour déterminer qui serait la personne ou l’organisme de confiance, le ministre, le CRTC ou quelqu’un d’autre, pour modifier le projet de loi.

M. Church : J’abonde dans le sens de M. Waverman. Mais nous ne savons pas notamment — l’un de vos collègues l’a souligné dans une question — de quel mécanisme institutionnel nous disposons. Celui d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada ne semble pas en mesure de répondre à nos besoins, c’est-à-dire coût minimal, qualité maximale et service rapide. Pour cette simple unité de grandeur de la population desservie, le témoin du ministère est venu dire que le taux était passé à 90 %, 97 % et que la consultation sur la bande de 3 800 MHz avait abouti à des mécanismes plus détaillés de mesure.

Là peut-être est le problème. Peut-être que ce mécanisme n’est pas celui que nous devons chercher, et nous devons déléguer la détermination des bonnes exigences pour la prestation du service à quelqu’un de mieux informé et plus près du terrain.

Une partie de la réponse à ce problème est que si les enchères portaient non sur le spectre mais sur le service, les entreprises pourraient nous dire ce dont elles se croient capables sans précision préalable de notre part, sans connaissance de la rentabilité ou des coûts pour nous.

Je me rangerais donc à l’avis, que, plutôt que de préciser ces éléments dans la loi, nous confiions la question du spectre au CRTC ou à l’éventuel organisme de réglementation de notre secteur.

Le sénateur D. Patterson : Merci. Si vous permettez, monsieur le président, j’ai une dernière question.

Monsieur Waverman, grâce à la sénatrice Clement, nous savons que vous avez rempli une sorte de feuille de pointage sur la réussite du déploiement. Les deux professeurs ont fait observer que le Nord et les régions autochtones éloignées sont mal desservis.

Hier, le représentant des abonnés du sans-fil, l’Association canadienne des télécommunications sans fil, nous a cité un chiffre en réponse à une question sur le taux de pénétration dans les communautés rurales et éloignées. Son directeur Robert Ghiz a répondu que, d’après les chiffres du CRTC, il englobait les lieux de travail et de vie de 99 % des Canadiens. Il a admis que, en milieu urbain, le taux était plus élevé que dans les centres ruraux et éloignés et que, dans les régions rurales, il était d’environ 98 %, tandis que chez les Premières Nations, il descendait à 90 %.

Or, vous avez tous les deux dit que ces régions étaient mal desservies et qu’elles exigeraient de notre part plus de travail. Ces taux de connectabilité de 98 % dans les régions rurales et de 90 % chez les Premières Nations vous semblent-ils véridiques?

M. Waverman : Non, pas à moi. Un sénateur nous a dit que, pour obtenir le service en milieu rural, il devait aller chez son voisin. Je ne peux concevoir que le taux soit de 90 % dans le Nord. Des témoins, aujourd’hui, ont dit ne pas bénéficier de cette connectabilité. Qu’entendent-ils par connectabilité? Est-ce que c’est un téléphone dans la ville? Comment la définir? Et quelle est la vitesse de transmission? Est-ce les bons vieux 100 kilobits, lesquels ne sont pas des unités de vitesse.

Quel que soit l’endroit où l’on vit, la connectabilité doit être moderne, pour permettre à chaque Canadien de vivre, de travailler et de prospérer.

M. Church : En réponse au sénateur Patterson, voilà l’un des problèmes que finit par poser une mesure de la pénétration fondée sur la population. Comme M. Waverman l’a fait remarquer, le gros de la population se concentre dans une bande de 200 milles contiguë aux États-Unis, ce qui permet de dire, quand on lance le taux de 90 %, que les 10 % qui manquent semblent un problème minime, mais ils peuvent rassembler une population importante dans une vaste région. La statistique est trompeuse parce qu’elle se fonde sur la population, dont la répartition n’est pas uniforme.

Le sénateur D. Patterson : Merci.

Le président : Messieurs Church et Waverman, au nom de mes collègues, je vous remercie de votre inestimable apport à notre étude. Nous espérons vous revoir bientôt comme témoins. Vous avez vraiment contribué à étoffer la discussion.

(La séance est levée.)

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