Aller au contenu
TRCM - Comité permanent

Transports et communications


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES TRANSPORTS ET DES COMMUNICATIONS

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mardi 21 mars 2023

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd’hui, à 9 heures (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi S-242, Loi modifiant la Loi sur la radiocommunication; et à huis clos, pour procéder à l’étude d’un projet d’ordre du jour (travaux futurs).

La sénatrice Miville-Dechêne (vice-présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La vice-présidente : Honorables sénateurs, je m’appelle Julie Miville-Dechêne, sénatrice du Québec et vice-présidente du comité. J’inviterais mes collègues à se présenter.

La sénatrice Simons : Bonjour. Je suis la sénatrice Paula Simons, du territoire visé par le Traité no 6, en Alberta.

Le sénateur D. Patterson : Dennis Patterson, du Nunavut.

[Français]

Le sénateur Cormier : René Cormier, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Cardozo : Andrew Cardozo, de l’Ontario.

La sénatrice Clement : Bernadette Clement, de l’Ontario.

[Traduction]

Le sénateur Manning : Fabian Manning, de Terre-Neuve-et-Labrador.

Le sénateur Quinn : Jim Quinn, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Bernard : Wanda Thomas Bernard, de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Dasko : Donna Dasko, sénatrice de l’Ontario.

La sénatrice Wallin : Pamela Wallin, de la Saskatchewan.

[Français]

La vice-présidente : Merci. Nous nous réunissons pour poursuivre notre examen du projet de loi S-242, Loi modifiant la Loi sur la radiocommunication. Nous avons le plaisir d’accueillir devant le comité les témoins suivants :

[Traduction]

M. Birket Foster, président et directeur général, et M. Andreas Tornow, vice-président, Infrastructure de réseau, de Storm Internet Services; Mme Madeleine Redfern, présidente de CanArctic Inuit Networks Inc., qui témoigne par vidéoconférence; et M. Gregory Taylor, professeur associé de l’Université de Calgary, qui témoigne à titre personnel. Bienvenue et merci de vous joindre à nous. Nous commencerons par l’allocution d’ouverture de Birket Foster, puis nous entendrons Madeleine Redfern et Gregory Taylor. Monsieur Foster, vous avez la parole.

Birket Foster, président et directeur général, Storm Internet Services : Je vous remercie beaucoup, madame la présidente et honorables sénateurs, de nous avoir invités à traiter d’un sujet très important.

Storm Internet sert la vallée de l’Outaouais depuis plus de 25 ans. Nous comptons trois bureaux sur le territoire. Nous servons plus de 10 000 clients avec nos propres projets de fibre optique jusqu’au domicile et notre propre réseau sans fil. Nous offrons également un service local à la clientèle. Ce service est offert exclusivement dans la vallée. Nous proposons des solutions résidentielles et commerciales, et employons plus de 50 personnes, particulièrement pendant l’été, au cours de la saison de la construction, de mai à octobre.

Notre service sans fil couvre la vallée de l’Outaouais, environ de Sharbot Lake à la frontière avec le Québec. Nous fournissons l’accès à Internet, mais également des services à la communauté, comme lors du Championnat international de labour et de diverses foires agricoles dans la région. En outre, nous travaillons beaucoup pour aider les terrains de camping et les marinas à pouvoir se connecter sans fil dans la campagne.

Nous travaillons beaucoup avec le service sans fil. En fait, c’est le segment de notre entreprise qui connaît la plus forte croissance depuis trois ans. Nous avons ajouté plus de 600 connexions sans fil par année au cours des trois dernières années, dépensant 3,1 millions de dollars en immobilisations pour apporter plus de 200 améliorations pendant la pandémie afin que les gens puissent travailler et étudier à domicile, et ce, à nos frais. Nous n’avons reçu aucun fonds public pour réaliser ces travaux.

Du point de vue commercial, nous utilisons une formule pour être capables d’y arriver. Nous pouvons en parler si vous le voulez, mais souvent, il faut installer trois ou quatre pylônes pour couvrir une région. Nous devons contourner des arbres et des collines, et c’est le genre de choses dont il faut parler. Même à Clayton, où nous avons un important projet de fibre optique jusqu’au domicile, nous augmentons encore notre service en offrant le service sans fil dans la campagne, dans les régions qui ne sont pas assez proches pour qu’il soit économiquement viable d’installer la fibre optique. Ottawa elle-même est composée à 80 % de zones rurales. Réfléchissons-y pendant une seconde. Il y a 1 100 fermes à l’intérieur de la frontière d’Ottawa. Moins de 10 % de la population y vit.

Nous voulons également faire une distinction ici entre l’accès sans fil fixe et l’accès cellulaire. Le service cellulaire est le cheval de bataille des grandes entreprises de télécommunications, et nous sommes un des 200 petits fournisseurs de services Internet, ou FSI, qui offrent le service sans fil à la campagne. Je pense que c’est important, même si la fréquence est la même, d’envisager la construction à la pièce pour pouvoir connecter des résidences et des entreprises au lieu de simplement recourir à un point d’accès sans fil par téléphone cellulaire. C’est beaucoup mieux quand cinq personnes ont besoin d’être connectées en même temps pour travailler ou étudier à la maison.

Nous utilisons le spectre, avec et sans licence, pour les liaisons de raccordement et la distribution, et avons un cahier de charge que nous utilisons quand nous devons procéder à une construction.

En ce qui concerne le projet de loi, nous avons quelques observations à formuler. Le paraphe 5(3) proposé traite de l’annulation. Je veux que les sénateurs soient conscients des conséquences d’une annulation. À l’heure actuelle, nous risquons de perdre le spectre pour la fréquence de 365 GHz. Nous devons donc prendre une décision d’affaire concernant 180 clients. Les soutenons-nous? Construisons-nous de toutes nouvelles infrastructures sans argent? Que faisons-nous à cet égard? C’est un problème qui se pose. Si vous annulez des licences de spectre, vous devez penser au sort de ces personnes.

Pour ce qui est du paragraphe (7) proposé, lequel porte sur la responsabilité civile, nous avons mené un petit exercice pour voir ce qui pourrait aller mal. Nous savons que des retards peuvent survenir pendant la construction. Je pense que si vous envisagez les choses sur un horizon d’un an et demi et effectuez une inspection pour voir si les gens ont des cartes d’expansion et des plans de construction, cela ira, mais je ne voudrais pas me retrouver dans une situation où les travaux sont à l’arrêt en raison de problèmes dans la chaîne d’approvisionnement.

Qui plus est, les plans d’affaires peuvent être chamboulés, auquel cas nous voudrions avoir le droit de rendre le spectre. Mais si vous nous donnez du spectre, nous l’utiliserons.

Si vous examinez la carte des environs d’Ottawa, vous verrez qu’une zone de niveau 4 couvre la région. Cette zone contient en fait 11 zones de niveau 5. Il suffit de desservir une zone pour joindre 82 % de la population. Par conséquent, nous recommandons de modifier légèrement le projet de loi pour imposer une desserte de 50 % dans les zones de niveau 5. Cela obligerait les entreprises à installer des infrastructures dans les régions rurales et ce serait peut-être bénéfique pour les petits FSI, car les gros joueurs pourraient collaborer avec nous. Après tout, nous leur remettons une redevance de 13 % pour le réacheminement qui transite par le 151, rue Front, à Toronto. Les gros joueurs feront de l’argent de toute façon, même si nous obtenons la région.

Ce sont nos observations sommaires. Nous vous remercions de nous avoir offert l’occasion de nous adresser à vous.

[Français]

La vice-présidente : Merci, monsieur Foster, de vous en être tenu au temps.

[Traduction]

Madame Redfern, la parole est à vous.

Madeleine Redfern, présidente, CanArctic Inuit Networks Inc. : Bonjour et merci. Je suis cheffe de l’exploitation chez CanArctic Inuit Networks Inc., qui compte installer approximativement 5 000 kilomètres de fibre optique sous-marine au Nunavut et dans l’Arctique canadien. Nous voulons également travailler avec des FSI pour offrir efficacement des services aux communautés de l’Inuit Nunangat et assurer une redondance qui est des plus nécessaires. Je suis également membre de Connect Humanity, qui s’emploie à favoriser la participation des Autochtones, à renforcer la capacité et à aider les communautés et les entreprises autochtones à participer au secteur des télécommunications et au monde numérique.

Il est extrêmement important que le gouvernement du Canada soutienne et facilite la participation autochtone dans ce secteur d’une valeur de plus de 70 milliards de dollars aux fins de réconciliation avec les Autochtones. Je crois comprendre qu’il existe des licences de radiodiffusion autochtones, mais aucun spectre n’est réservé pour favoriser une augmentation de la participation des Autochtones dans ce secteur.

Il faudrait également prévoir du financement supplémentaire afin de fournir aux communautés les renseignements dont elles ont besoin pour accéder au spectre afin de construire les infrastructures nécessaires pour fournir des services aux communautés. Les obstacles et les défis sont nombreux et sont très systémiques et structurels.

Pendant que j’écoutais M. Foster, je me disais qu’il y a des services importants que les petites entreprises peuvent et devraient pouvoir offrir. Je conviens avec M. Foster que même en région urbaine, il existe de nombreuses populations rurales qui ont besoin d’accéder aux services à un prix abordable et concurrentiel, et avec un système qui le permet, particulièrement dans les régions autochtones éloignées du Nord canadien.

Je vous remercie.

La vice-présidente : Nous entendrons maintenant M. Taylor. La parole est à vous.

Gregory Taylor, professeur associé, Université de Calgary, à titre personnel : Je suis professeur à l’Université de Calgary, où je me spécialise dans les domaines de la politique de la radiodiffusion et des télécommunications.

Je vous remercie de m’avoir demandé de prendre la parole aujourd’hui. Cela arrive à point nommé, car je dois justement publier le mois prochain un article intitulé Use It or What? Spectrum Policy’s Empty Threat, dans lequel je traite de toute la question de la politique voulant que le spectre inutilisé soit perdu. Si je peux me citer moi-même, je décris cette politique comme suit :

[…] une politique mémorable qui a eu peu de substance dans son application dans le contexte canadien, même si elle figure dans des documents stratégiques depuis plus d’une décennie. Cette menace réglementaire s’est révélée extrêmement vaine.

J’entends par là que cette politique circule dans le domaine de la politique du spectre non seulement au Canada, mais dans le monde entier, mais est rarement utilisée de manière concrète. Au Canada, elle est devenue politiquement à la mode depuis quelques années. Lors des dernières élections, les plateformes libérale et conservatrice y ont fait référence dans le domaine du spectre. Le gouvernement conservateur et le NPD y ont également fait allusion en Alberta, même si les gouvernements provinciaux n’ont pas de compétences dans ce domaine. C’est un concept qui semble retenir beaucoup l’attention. Cette politique semble intéresser bien des gens, mais comme je l’indique dans mon article, elle est rarement appliquée. C’est un des points qui me préoccupent dans le projet de loi que le comité étudie.

Je voudrais féliciter le sénateur Patterson d’avoir soulevé la question essentielle, mais un peu oubliée, des conditions de déploiement du spectre. Pour les utilisateurs canadiens, particulièrement dans les régions rurales, les conditions de déploiement encadrent la mise en œuvre du spectre sur le terrain, mais elles reçoivent rarement l’attention publique nécessaire. Le problème, c’est que les gens n’y portent souvent pas attention, jusqu’à ce qu’ils se rendent compte que la couverture est déficiente dans leur région. Pourtant, les titulaires de licence peuvent affirmer que les conditions sont respectées.

Innovation, Sciences et Développement économique Canada impose des conditions de déploiement inadéquates depuis des années dans ses licences. Je lui ai écrit à maintes reprises à ce sujet dans le passé. Lors de certaines importantes enchères du spectre menées au cours des dernières années, les conditions de déploiement étaient extrêmement faibles. Voilà qui explique en partie pourquoi le déploiement est inadéquat en région rurale. Je dirais que ce projet de loi attire au moins l’attention sur ce problème comme jamais auparavant.

Cela étant dit, je pense qu’Innovation, Sciences et Développement économique Canada a apporté un changement important au cours de la dernière année environ. Ce changement, qui doit être porté à l’attention de votre comité, a fait l’objet d’une consultation réalisée l’an dernier sur un cadre de délivrance de licences non concurrentielles locales. Les mesures que ce cadre prévoirait pourraient rendre le projet de loi superflu, mais il est important que la consultation n’ait pas encore débouché sur une décision officielle. Le conseil que je veux vous donner aujourd’hui à propos du projet de loi est le suivant : attendez. C’est ce que je vous conseille, car le cadre de délivrance de licence et d’accès élaboré par Innovation, Sciences et Développement économique Canada pourrait en fait être plus efficace que les mesures proposées dans le projet de loi.

Je conviens entièrement qu’il est essentiel d’accorder du spectre aux petits fournisseurs de services. Il faut toutefois se demander quelle est la meilleure manière de le faire. Je crains que le projet de loi que le comité étudie ne crée de multiples entraves juridiques. L’organisme de réglementation hésitera à déployer le nouvel outil de récupération du spectre ou d’annulation de la licence mis à sa disposition. Je pense que le cadre en matière d’accès est en fait plus efficace, puisqu’il permet aux petits acteurs d’accéder au spectre inutilisé. C’est plus une approche de partage du spectre inutilisé. Dans mon article, je fais remarquer que les organismes de réglementation du monde hésitent à utiliser la politique voulant que le spectre inutilisé soit perdu. Le bâton est trop gros. Dans bien des cas, ils ne veulent tout simplement pas s’astreindre aux démarches juridiques nécessaires pour récupérer le spectre d’un titulaire.

Je pense que si Innovation, Sciences et Développement économique Canada donne suite à sa proposition sur les licences et l’accès, une bonne partie de ce qui est écrit ici ne sera pas nécessaire. Par exemple, le projet de loi indique que la licence devra être remise aux enchères dans les 60 jours suivant l’avis d’annulation. Je pense que de nombreux petits acteurs du Canada n’ont tout simplement pas les capitaux nécessaires pour participer aux enchères du spectre, et l’organisme de réglementation hésitera à procéder à une mise aux enchères dans un délai de 60 jours. C’est une procédure très complexe.

Ce que je veux dire à propos de ce projet de loi, c’est qu’il soulève une question clé qu’il faut résoudre au chapitre du déploiement du spectre. J’ai des réserves à ce sujet. En outre, je pense qu’Innovation, Sciences et Développement économique Canada pourrait résoudre certaines questions dans les jours et les mois à venir. J’espère donc. En fait, je ferais valoir que les principaux points abordés dans le projet de loi devraient être intégrés au cadre de la politique du spectre, qui n’a pas été mis à jour depuis 2007. Je pense que ces points sont si importants qu’ils doivent figurer dans le cadre, mais je ne suis pas convaincu que le projet de loi constitue l’outil pour le faire.

Je vous remercie.

La vice-présidente : Je vous remercie, monsieur Taylor. Pensez-vous que vous pourriez nous envoyer votre article? Cela nous serait utile. Nous l’avons peut-être déjà, mais je ne le pense pas.

M. Taylor : Je ne pense pas que vous l’ayez, mais je vous l’enverrai avec plaisir.

[Français]

La vice-présidente : D’accord. Merci beaucoup pour vos présentations.

[Traduction]

Le sénateur Manning : Je remercie nos témoins.

Monsieur Foster, pendant votre allocution, vous avez abordé la question de la desserte de 50 % au niveau 5. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet pour nous donner une indication de ce que cela signifie exactement?

M. Foster : Bien, sûr. Le Canada est divisé en 500 zones environ, de niveau 5, auxquelles s’ajoute un certain nombre de zones de niveau 4. Ottawa est une zone de niveau 4, avec 11 zones de niveau 5 à l’intérieur. Si vous examinez les exigences, vous verrez qu’il faut offrir seulement une desserte de 50 % dans la zone de niveau 4. Comme la population d’Ottawa-Gatineau compte pour 82 %, cela signifie que le titulaire n’aurait rien à faire en-dehors de cette zone pour en arriver à 50 %.

Nous proposons d’autoriser les petits acteurs à intervenir et à desservir les régions rurales. Le titulaire du spectre, s’il a une licence de niveau 4, serait tenu de disposer du spectre nécessaire pour servir 50 % de la population dans la zone de niveau 5. Ainsi, toutes ces régions seraient desservies plutôt que le centre-ville seulement.

Le sénateur Manning : L’exigence est de 50 % pour les licences de niveau 4 actuellement. Vous dites que dans la zone de niveau 4, il y a des zones de niveau 5. Vous réclamez 50 % dans chaque zone de niveau 5. Est-ce exact?

M. Foster : Oui.

Le sénateur Manning : L’objectif du projet de loi consiste à offrir des services à au moins 50 % de la population dans une région géographique visée par une licence donnée dans un délai de trois ans suivant sa délivrance. Comment le projet de loi S-242 tente-t-il de régler cette question? À votre avis, quelles sont les forces et les faiblesses du projet de loi S-242?

M. Foster : C’est M. Tornow qui construit les réseaux. Je lui demanderai donc de répondre.

Andreas Tornow, vice-président, Infrastructure de réseau, Storm Internet Services : Voulez-vous savoir quels sont les avantages du niveau 5?

Le sénateur Manning : Quelles sont les forces et les faiblesses du projet de loi S-242?

M. Tornow : Il est rédigé de manière à exclure le niveau 5. Les avantages de la desserte de 50 % dans une licence de niveau 4 sont négligeables. Un seul titulaire de licence de niveau 5 servirait 82 % de la population à Ottawa. Le marché rural n’en profiterait donc pas. Le titulaire n’a qu’à servir le marché urbain pour respecter les obligations de sa licence.

M. Foster : Sénateur Manning, je pense qu’il serait utile de dire que les centres-villes d’Ottawa et de Gatineau sont déjà desservis par la fibre optique, le câble et la ligne d’accès numérique. On ajoute essentiellement le service sans fil dans la région, c’est tout. Le service Internet est déjà bon en région urbaine. Ce serait beaucoup mieux si nous pouvions accroître l’accès à Internet dans les régions rurales.

Le sénateur Manning : Le but est d’essayer d’offrir le service dans les régions rurales. Je viens de Terre-Neuve-et-Labrador, où je vis dans une petite collectivité rurale. Essentiellement, la même règle s’appliquerait là : l’objectif de 50 % serait atteint pour le niveau 5, ce qui signifie que les zones de service de niveau 4 pourraient se retrouver sans le moindre service, n’est-ce pas?

M. Foster : Non. On va s’occuper du niveau 4, car il y a de l’argent à faire.

Le sénateur Manning : Merci.

Avez-vous des recommandations pour le projet de loi? Vous avez dit à la fin de vos observations que vous aimeriez en voir une concernant les niveaux 4 et 5. Y a-t-il des recommandations que vous envisageriez pour le projet de loi, ou est-il correct dans sa forme actuelle?

M. Tornow : En ce qui concerne les 60 jours pour réattribuer les licences, ce n’est pas la seule façon possible de procéder. On pourrait adopter la méthode du « premier arrivé, premier servi », selon laquelle le premier qui présente une demande obtiendrait la licence. Il y a de nombreuses façons de procéder. La période de 60 jours donne peu de temps pour tout préparer en vue d’une vente aux enchères. Je pense que c’est une chose sur laquelle il faut se pencher.

Le sénateur Manning : Merci.

Le sénateur D. Patterson : Monsieur Foster, certains d’entre nous ont eu le privilège de visiter vos installations, et merci beaucoup pour cette occasion instructive.

Je pense que vous savez que j’ai travaillé avec l’Association des fournisseurs de service internet sans fil, ou CanWISP — vous en êtes membre — ainsi qu’avec d’autres témoins et mes collègues ici présents afin d’essayer de rédiger le meilleur projet de loi possible pour nous attaquer à un problème parmi beaucoup d’autres qui empêchent d’offrir aux Canadiens un accès équitable à l’Internet. Parmi les changements auxquels je réfléchis, il y a justement la question de la réattribution. J’envisage de présenter des amendements pour autoriser d’autres moyens de réattribuer les licences révoquées au-delà du processus d’appel d’offres, par exemple l’approche du « premier arrivé, premier servi ». Lorsque je rédigeais cet amendement, on m’a proposé de considérer la création de critères que le ministre pourrait éventuellement utiliser pour évaluer les offres et choisir le promoteur le plus efficace. Nous avons envisagé des choses comme favoriser les titulaires des licences de spectre adjacentes ou les personnes qui ont déjà des infrastructures à proximité. Seriez-vous d’accord pour ajouter ces critères?

M. Foster : Je vais commencer puis céder la parole à M. Tornow. Habituellement, les licences pour les zones adjacentes appartiennent à un des gros joueurs, pas à un petit joueur. C’est l’occasion de permettre à de petits joueurs de faire ce qu’ils font de mieux : servir les collectivités rurales. Les gros joueurs ne s’intéressent pas vraiment aux zones qui comptent moins de 5 000 personnes.

M. Tornow : Je pense que ce critère de réattribution aux titulaires de la fréquence adjacente ou du niveau adjacent donnerait un avantage injuste aux grands fournisseurs.

Le sénateur D. Patterson : C’est très utile. Merci.

Monsieur Taylor, vous nous avez recommandé d’attendre jusqu’à ce qu’Innovation, Sciences et Développement économique Canada, lSDE, termine ses consultations, qui sont prometteuses selon vous, sur un meilleur cadre d’accès. Vous dites également qu’ISDE est resté les bras croisés ou a négligé les conditions de déploiement pendant des années. Ses conditions de déploiement se sont révélées très inadéquates. Le ministère n’a pas vraiment mis à jour son cadre stratégique depuis des dizaines d’années. Pourquoi alors dites-vous que nous devrions faire confiance à ISDE et attendre les résultats de ses prochaines consultations?

M. Taylor : Merci, monsieur le sénateur.

Je crois que c’est une critique légitime qu’ISDE mérite en grande partie. Tout ce que je peux dire, c’est que, depuis une ou deux années, plus particulièrement, dans le cadre des consultations dont j’ai parlé, l’attitude du ministère par rapport au déploiement semble changer un peu. Par exemple, j’ai dit que les conditions d’accès représentent un changement fondamental, et qu’il faut aussi se pencher sur la durée des licences de spectre. Nous les avons données — « données » n’est pas le bon mot. Nous les avons louées pendant 20 ans, jusqu’à tout récemment. Nous envisageons maintenant des périodes beaucoup plus courtes. Je crois que la dernière était de cinq ans. Je ne suis pas certain que ce soit une bonne idée. Il faudrait que je vérifie. Je pense que des changements sont apportés à l’approche qu’ISDE adopte pour certaines de ces choses, mais vous avez entièrement raison de dire que, dans le passé, les conditions de déploiement étaient extrêmement insuffisantes et inefficaces pour les régions rurales.

Je suppose que ce que je veux dire, c’est tout simplement que le cadre d’octroi des licences d’accès, s’il est adopté, représente un changement fondamental et rendrait moins applicables certains des points que vous tentez de faire valoir dans ce projet de loi. Vos critiques sont toutefois valables.

Le sénateur D. Patterson : Merci.

[Français]

Le sénateur Cormier : Merci aux témoins pour vos présentations. Je vais poser ma question en français. Ma première question s’adresse à Mme Redfern. Merci beaucoup de votre travail, madame Redfern. Lors de sa comparution, Mme Clayton, présidente du gouvernement Nisga’a Lisims a affirmé que dans les communautés qu’elle représente, neuf maisons sur dix bénéficient d’une connexion Internet. De son point de vue, le problème n’avait pas trait au déploiement, mais surtout à la qualité de la connectivité, en raison du fait que les collectivités sont éloignées à cause des conditions géographiques et météorologiques.

Selon vous, l’exemple du gouvernement Nisga’a Lisims est-il représentatif de la réalité des communautés autochtones? Pouvez-vous nous en parler ou nous donner plus de détails relativement à vos connaissances à ce sujet? Avez-vous des chiffres sur le déploiement du spectre dans les régions éloignées et dans les communautés autochtones? Nous vous serions reconnaissants de nous les transmettre.

[Traduction]

Mme Redfern : Merci beaucoup.

C’est une très grande région rurale et éloignée du Nord du Canada où la couverture est très partagée. Dans ma région du pays, nous comptons uniquement sur la couverture satellite. Il y a du service. Avec l’arrivée de Starlink de SpaceX, nous profitons maintenant de satellites en orbite basse. Je me sers des deux systèmes, c’est-à-dire Northwestel et Starlink, puisque j’essaie de déterminer quel réseau offre un service à des moments précis pour me permettre d’utiliser l’application Zoom, par exemple pendant cette conférence, ainsi que d’envoyer et de recevoir des courriels.

Il y a aussi le problème des petites entreprises autochtones ou des entreprises du Nord qui arrivent dans le secteur. Le spectre en fait partie. La concurrence est excellente pour pouvoir offrir un choix aux consommateurs. En général, elle améliore aussi les services offerts — pas toujours, dans notre cas, mais Starlink coûte moins cher. Il n’y a pas de coûts excédentaires ridiculement élevés. Je ne m’attends effectivement pas à payer 100 $ supplémentaires par jour lorsque je participe à une réunion sur Zoom, comme en ce moment.

Je serais heureuse de communiquer les renseignements que j’ai examinés avec le Conseil des académies canadiennes, ou CAC, qui a produit un rapport qui s’intitule En attente de connexion. Il y a également de nouvelles consultations et évaluations du service dans les régions rurales et éloignées du Canada, qui sont toutes faites de concert avec le CRTC. Nous examinons aussi, comme M. Taylor l’a dit, les consultations d’ISDE.

Il se passe beaucoup de choses, mais j’ai l’impression qu’elles ne sont pas toutes intégrées pour vraiment comprendre la situation actuelle et la façon pour nous d’apporter les grandes solutions nécessaires. L’attribution du spectre en recourant à l’approche selon laquelle il faut utiliser la licence pour ne pas la perdre n’est qu’un des éléments à prendre en considération. J’aimerais qu’un examen de toutes les autres démarches entreprises soit en cours. De cette façon, nous pourrions commencer à réparer le système de façon utile pour les habitants des régions rurales, des régions éloignées et du Nord canadien.

[Français]

Le sénateur Cormier : Merci beaucoup pour cette réponse et ces informations. À la lumière de votre réponse, comment, à votre avis, le projet de loi S-242 répond-il à vos préoccupations? S’il n’y répond pas, de quelle manière devrions-nous nous assurer de modifier le projet de loi pour qu’il réponde davantage aux préoccupations que vous avez énumérées?

[Traduction]

Mme Redfern : Merci de poser la question.

J’ai regardé l’amendement proposé et je suis d’accord avec M. Taylor lorsqu’il dit qu’il y a tellement d’autres démarches en cours qu’un examen isolé de l’amendement sans tenir compte du reste pourrait involontairement causer des conflits et des problèmes.

Cela ne règle pas le problème des fréquences du spectre pour les Autochtones, qui font actuellement l’objet d’une consultation avec le CRTC. C’est une chose que je suis ravie d’entendre. Ces fréquences ne représentent toutefois qu’une petite partie de ce qui est nécessaire pour faciliter la création de nouvelles entreprises, plus particulièrement des entreprises autochtones.

Lorsque les titulaires des licences doivent s’en servir pour ne pas les perdre, nous avons tendance à voir les grandes entreprises occuper l’espace. Elles ont les moyens nécessaires pour les acheter et aussi pour les garder. Cette règle pourrait donc nuire aux entreprises ou aux collectivités autochtones sans le soutien financier et les ressources nécessaires en vue de construire des infrastructures et de développer les services pour leurs concitoyens.

J’aimerais que l’évaluation et l’examen soient plus intégrés, plutôt que de se contenter de la modification d’un tout petit aspect de la loi sur le CRTC.

[Français]

Le sénateur Cormier : Merci beaucoup.

[Traduction]

La sénatrice Simons : Ma question est pour Mme Redfern et M. Foster. Craignez-vous que, en créant une règle aussi stricte et à aussi court délai que celle qui prévoit 50 % de couverture en l’espace de trois ans, on puisse dissuader les petits exploitants de tenter de relever le défi parce qu’ils auraient peur de perdre leur licence?

Mme Redfern : Puisque le spectre est comme une ressource, il peut aider les entreprises à obtenir le financement ou les partenariats nécessaires pour prendre de l’expansion. Une échéance trop serrée pourrait compliquer les choses sur le plan financier, car le prêteur ou les investisseurs n’auraient alors pas la certitude de pouvoir obtenir un rendement.

M. Tornow : La période de trois ans pour un déploiement au niveau 4 pourrait être difficile, car il faudrait fournir des services à au moins 50 % de la population et se tourner vers le marché urbain, ce qui nécessiterait plus d’infrastructures, par exemple des tours et de l’équipement. Cela pourrait représenter un défi pour un petit fournisseur comme nous.

M. Foster : C’est au niveau 4, mais que faudrait-il au niveau 5, monsieur Tornow?

M. Tornow : Au niveau 4, selon la taille et la topologie de la zone de niveau 5, il faudrait environ de 20 à 30 tours, et en l’espace de trois ans, nous serions sans aucun doute capables d’assurer un déploiement à 50 % dans une zone de niveau 5.

La sénatrice Simons : Et qu’en est-il pour une zone de niveau 4?

M. Tornow : Pour une zone de niveau 4, ce serait beaucoup plus difficile.

La sénatrice Simons : Je vois.

Monsieur Taylor, les membres du comité se familiarisent encore avec la réglementation. L’une des choses qui me préoccupent dans la première version du projet de loi, c’est qu’il donne au consommateur le pouvoir d’intenter des poursuites civiles lorsque les entreprises n’arrivent pas à respecter leurs obligations. Je sais que ce n’est pas aussi rare que je le pensais à ma première lecture, mais pourriez-vous nous dire, sur le plan juridique, s’il est habituel que ce soit le consommateur qui doive poursuivre l’exploitant lorsque ce dernier n’offre pas le service? Quel genre de contestations judiciaires pourrions-nous voir?

M. Taylor : Merci, madame la sénatrice.

Je ne peux pas parler des règles plus générales dans le domaine, mais je peux toutefois parler de la politique relative au spectre, et ce n’est pas une chose que je vois régulièrement. Je soupçonne que c’est un des aspects de cette mesure législative dans lequel nous pourrions nous enliser un peu si le projet de loi est adopté. C’était relativement nouveau pour moi aussi. Je répète que je ne suis pas juriste ni professeur de droit. J’étudie la politique concernant les enchères de spectre, et cette façon de procéder est inhabituelle.

La sénatrice Simons : Je vois. Dans la pratique, je me demande si c’est une bonne idée qu’il revienne au consommateur d’intenter les poursuites et de faire pression. Quels problèmes cette situation pourrait-elle créer selon vous?

M. Taylor : Dans la plupart des cas, les citoyens ne le feront pas. C’est aussi un peu de cette façon que notre système de radiodiffusion fonctionne. En effet, il revient au téléspectateur de communiquer avec le Conseil canadien des normes de la radiotélévision, ou CCNR, pour se plaindre d’une émission de télévision. C’est en partie pour éviter que l’organisme de réglementation croule constamment sous ce genre de plaintes. Cela revient un peu à refiler la responsabilité au citoyen. Je pense qu’il vaut beaucoup mieux que la réglementation et la politique soient fermes dans ce domaine. Comme je l’ai dit, cela se fait en radiodiffusion, mais pas autant en télécommunication.

La sénatrice Simons : Merci.

[Français]

La vice-présidente : J’ai une question de précision pour M. Foster.

Depuis le début, on hésite. Certains disent qu’il faut faire confiance au gouvernement et attendre les réformes qui sont en cours, car des réformes sont en cours pour changer la façon de faire, et nous avons par ailleurs le projet de loi du sénateur Patterson. Vous qui êtes directement touchés, puisque vous êtes de petits fournisseurs d’Internet — enfin pas de gros géants —, quelle option préférez-vous? Est-ce que vous jugez essentiel ce projet de loi, à ce stade-ci? Est-ce que vous pensez que le ministère va dans la bonne direction et qu’il faut plutôt attendre ces réformes?

[Traduction]

M. Foster : Merci de poser la question.

À l’heure actuelle, ce que les gens doivent savoir, c’est qu’il y a 200 petits joueurs qui fournissent environ 14 % de l’accès à Internet au Canada. Ils ont besoin d’un accès au spectre pour être en mesure de poursuivre le développement dans les régions rurales. Lorsque les gens parlent de l’accès sans fil, ils parlent vraiment de l’accès cellulaire, ce qui n’est pas la même chose. Je pense que le projet de loi est nécessaire pour donner accès au spectre dans ces régions, et espérons que le cadre en place sera suffisant pour encourager les gros joueurs à collaborer avec les petits joueurs dans les régions rurales, car ils ne veulent pas vraiment y être présents, à notre connaissance, sauf peut-être pour les 400 corridors.

La sénatrice Wallin : J’ai une question brève pour M. Foster dans le but d’obtenir des précisions. Si jamais le gouvernement adopte une directive pour que la durée des baux passe de 20 à 5 ans, y aura-t-il un effet dissuasif de quelque manière que ce soit?

M. Foster : C’est une période de remboursement plus courte. Merci d’avoir posé la question.

M. Tornow : Il est question de la sécurité du déploiement. On investit une grande somme d’argent, et ce ne sera pas rentable en l’espace de cinq ans. Les licences de 10 ou de 20 ans sont nécessaires.

La sénatrice Wallin : Je vois.

J’aimerais revenir à M. Taylor à propos de la question que notre présidente vient tout juste de poser. Il nous arrive souvent de voir à Ottawa, au gouvernement, une mesure législative qui est déposée pour combler une lacune dans une loi. Elle n’est pas conçue pour changer le monde, mais plutôt pour mettre un pansement et régler quelque chose. Cela permet aussi parfois d’attirer l’attention du public et, par conséquent, de forcer le gouvernement à agir un peu plus rapidement. Je reviens à la même question : quel mal ce projet de loi ferait-il s’il incite le gouvernement, ou ISDE, à agir plus rapidement pour régler les problèmes dans ce dossier?

M. Taylor : Merci, sénatrice Wallin.

On m’a demandé de parler de ce projet de loi, et je vois qu’il présente certains problèmes. Je pense que vous avez raison de dire que c’est peut-être quelque chose qui incitera ISDE à s’attaquer au principal problème, c’est-à-dire l’accès au spectre pour les petits fournisseurs. Ce qui me pose problème, ce sont les modalités du projet de loi, des choses comme le délai de 60 jours pour réattribuer la licence. L’idée de base et les points soulevés à maintes reprises ici aujourd’hui selon lesquels les grands fournisseurs ne se rendent tout simplement pas dans les régions rurales et que rien ne les incite à le faire sont bien réels. C’est ainsi depuis 20 ans. Nous savons que cela ne se fera pas de sitôt sans incitatifs convaincants du gouvernement.

Pour ce qui est de presser ISDE à agir, je pense que c’est une excellente idée. À propos des modalités du projet de loi, c’est au sujet du projet de loi proprement dit que j’ai certaines réserves. Si votre plan est de faire bouger ISDE dans ce dossier, je le soutiens alors totalement.

La sénatrice Wallin : Oui. Je pense que c’est souvent ce qui se produit. Si ISDE décide d’agir et de faire la bonne chose plus rapidement, le ministère ne ferait tout simplement que devancer le projet de loi, sans causer de dommage.

M. Taylor : Oui.

Comme je l’ai dit dans mes observations, j’irais plus loin. J’aimerais voir quelque chose de semblable dans le cadre de la politique du spectre. C’est une chose que le comité pourrait examiner. Le cadre de la politique du spectre n’a pas été mis à jour depuis 2007. En 2007, lorsqu’il a été rédigé, c’était en grande partie sous la gouverne de Maxime Bernier, qui était alors ministre de l’Industrie. Il a eu une réelle incidence la dernière fois que le cadre a été revu. Je pense qu’il faut le réviser encore une fois. Je pense que le libellé doit être clair et dire explicitement comment nous allons offrir une partie du spectre aux petits fournisseurs qui finiront le travail pour connecter le Canada.

La sénatrice Wallin : Excellent. Merci.

La sénatrice Dasko : Ma question est une sorte de transition après celle que la sénatrice Wallin a posée à M. Taylor. Vous avez répondu en partie dans votre réponse à la sénatrice, mais pensez-vous qu’il y a un moyen d’amender le projet de loi pour régler les problèmes dont vous avez parlé dans vos observations? D’après ce que j’ai compris de vos propos, il n’y a pas de moyen de l’amender, mais je veux être certaine de comprendre ce que vous avez dit. Si je ne m’abuse, vous envisagez la mise au point d’un cadre pour offrir des solutions aux problèmes que vous avez cernés. Je déteste insister sur un point, mais c’est ainsi que je formulerais ma question. Merci.

M. Taylor : Quant aux détails du projet de loi, j’ai un peu de mal, en effet, avec certains des éléments fondamentaux, notamment la politique-cadre sur la mise aux enchères du spectre. Comme l’ont soulevé les représentants de Storm Internet, il existe peut-être d’autres options.

Il faut par contre noter — selon un point soulevé plus tôt — que le ministre examinerait les options possibles, comme il le fait depuis des décennies au Canada. Dans ce système connu sous le nom de cadre administratif, ou sous le terme sexiste « concours de beauté », les fournisseurs tentaient de prouver au gouvernement qu’ils étaient les fournisseurs qui pouvaient le mieux s’arrimer au spectre en question. Cette façon de faire comportait également plusieurs incongruités. On ne savait pas comment les fournisseurs étaient sélectionnés. Il y avait des problèmes de transparence. En adoptant une voie plus administrative, nous risquerions d’ouvrir une autre boîte de Pandore.

J’ai certaines réserves au sujet du projet de loi en tant que tel. Comme je l’ai dit auparavant, je pense que le cadre d’octroi de licences d’accès, qui permettrait un partage du spectre, serait probablement une méthode plus appropriée. Comme je l’ai souligné dans un article — que je vais vous fournir —, un cadre semblable est déjà en place au Royaume-Uni, et dans une certaine mesure, aux États-Unis. Nous ne réinventons pas la roue.

La sénatrice Dasko : Merci.

[Français]

La vice-présidente : La parole est maintenant à la sénatrice Bernadette Clement. Je tiens d’ailleurs à vous remercier d’avoir soumis une liste très pertinente de témoins. Je vous donne la parole.

La sénatrice Clement : Merci beaucoup, madame la présidente.

[Traduction]

Les témoins sont formidables en effet.

Je suis perplexe, toutefois, car je trouve le projet de loi vraiment intéressant. Je voudrais revenir sur la déclaration liminaire de M. Taylor et à une question qui, je pense, a été occultée. Les conditions de déploiement du spectre n’attirent pas l’attention du public. Lorsque vous dites, monsieur Taylor, que le cadre d’octroi des licences d’accès serait plus efficace que le système proposé, mais que ce cadre n’a pas été actualisé depuis 2007, ce n’est pas vraiment encourageant. Lorsque nous parlons du projet de loi à l’extérieur des séances du comité, nos interlocuteurs semblent vraiment souhaiter qu’une solution fonctionnelle soit mise en place le plus tôt possible.

Ma première question s’adresse à Mme Redfern. Je vous ai vue hocher la tête lorsque M. Taylor parlait. Si nous voulons que le système fonctionne, quels changements devrions-nous apporter au projet de loi? Vous avez parlé du spectre réservé aux Autochtones. Y a-t-il d’autres éléments qui devraient être ajoutés au projet de loi d’ici à ce que le cadre d’octroi de licences d’accès soit mis en place à une date indéterminée?

Ensuite, monsieur Foster, vous avez dit que des modifications pourraient être apportées. Quelles modifications apporteriez-vous en priorité au projet de loi en réponse aux commentaires, fort pertinents, formulés par M. Taylor sur le ressac ou les conséquences imprévues qu’il pourrait engendrer?

Mme Redfern : C’est très difficile de déterminer la valeur d’une proposition législative qui s’applique à un nombre limité de dispositions faisant partie d’une loi beaucoup plus vaste, qui s’imbrique dans un ensemble de lois et de règlements et dans un cadre systémique. Je respecte les efforts consentis pour trouver une solution provisoire. Je comprends ce qui sous-tend cette démarche. Le hic, c’est que le système est brisé. De petites solutions à la pièce ne vont pas le réparer. Voilà pourquoi je suis réticente à faire le gros du travail. Comment cette proposition législative peut-elle à elle seule réparer le système?

J’ai examiné le projet de loi. Le délai de trois ans est trop court. Le spectre réservé aux Autochtones ne s’y trouve pas ni le financement additionnel pour les petits fournisseurs de services Internet. Les entreprises dans les régions éloignées et nordiques auront besoin de ressources supplémentaires pour compenser efficacement le manque de fonds qui permettraient de garantir aux investisseurs un rendement sur le capital investi. Un délai de cinq ans ne serait pas suffisant non plus. Si elle n’est pas intégrée aux autres lois, aux politiques et aux mécanismes de financement, cette petite modification législative ne va pas régler le problème. Bien honnêtement, je ne peux pas proposer d’amendements à ce minuscule projet de loi qui pourraient rafistoler les choses à long terme ni même à court terme. Je suis désolée.

La sénatrice Clement : Ne vous en faites pas. C’est bon. Merci. Monsieur Foster, la parole est à vous.

M. Foster : Merci de la question.

À notre avis, le plus tôt serait le mieux. Les choses évoluent très lentement. Comme l’a souligné M. Taylor, le cadre n’a pas changé depuis 2007. En attendant que les gens tirent les choses au clair, nous recommandons d’adopter le projet de loi pour que le spectre soit déployé dans les zones rurales jusqu’à ce qu’une amélioration solide soit proposée pour aider les 200 petits fournisseurs de services Internet à continuer à fournir 14 % de l’accès Internet au pays — à une vitesse respectable — dans les régions rurales.

La sénatrice Clement : Souhaitez-vous réagir à ce que vient de dire Mme Redfern?

M. Foster : Je pense que le délai de trois ans n’est pas trop court. Selon moi, un bilan qui serait effectué après un an et demi, ou à mi-parcours — M. Tornow pourrait parler de la marche à suivre — permettrait de voir un certain taux de propagation pendant la première moitié de la période de trois ans.

M. Tornow : Tout dépendra de la méthode employée pour mesurer la couverture de 50 %. La couverture sera-t-elle mesurée en calculant le taux de propagation ou en faisant d’autres calculs du même type? J’ai vraiment du mal à imaginer comment la couverture de 50 % pourrait être vérifiée.

Le sénateur Cardozo : Ma première question s’adresse à Mme Redfern. Vous avez parlé du spectre réservé aux Autochtones. Pourriez-vous nous expliquer plus en détail ce vous entendez par là? Ce spectre serait-il attribué séparément?

Vous fournissez des services dans l’Arctique et au Nunavut. Pourriez-vous nous parler des conditions propres à cette région, notamment l’éloignement, le faible taux de population et le climat?

Mme Redfern : Merci de la question.

Aux États-Unis, il y a un spectre réservé aux Autochtones. Les Premières Nations peuvent faire une demande dès l’ouverture de la mise aux enchères. Elles n’ont rien à payer. Un bureau national des Autochtones les encadre, les sensibilise et les aide à mettre en place les capacités nécessaires pour accéder au spectre. Les États-Unis comptent également un programme de financement pour les télécommunications destinées aux Autochtones, qui aide les Premières Nations à mettre sur pied les infrastructures, les capacités et le savoir-faire qui leur permettront de fournir les services en question aux membres de leur communauté. Il existe un spectre réservé aux Autochtones également en Nouvelle-Zélande et même au Mexique.

Les nations autochtones commencent à saisir que le spectre peut être à la fois une ressource et une opportunité. Le spectre réservé aux nations autochtones nous permettrait de participer pleinement à l’industrie là où nous n’avions tout simplement pas les ressources pour acheter le spectre. Nous ne pouvons pas concurrencer les grandes sociétés de télécommunications qui ont accès au spectre, et nous nous retrouvons avec les services de communication les plus coûteux et les moins performants. Cela vous donne un peu une idée de ce à quoi ressemblerait le spectre réservé aux Autochtones si le Canada adoptait l’approche de la Nouvelle-Zélande et des États-Unis.

J’essaie de me souvenir de l’autre question.

Le sénateur Cardozo : Quelles sont les conditions propres à votre région?

Mme Redfern : Nous dépendons entièrement du satellite pour l’instant. Nos communautés ont Internet, mais le service est intermittent et instable. Il peut flancher n’importe quand. Par exemple, lorsque vous faites le plein à la station-service avec votre carte de débit ou de crédit, Internet peut tomber en panne, tout comme au restaurant et à l’épicerie. Vous ne pouvez pas vous précipiter au guichet pour retirer de l’argent, car les guichets sont en panne eux aussi. Il y a quelques mois, la GRC a même diffusé des avis demandant aux personnes qui avaient besoin de services policiers de se rendre physiquement au détachement, car les télécommunications ne fonctionnaient plus. Le réseau est très instable, très peu fiable et très coûteux.

Pour vous donner une idée, tandis que vous avez, au sud, des forfaits comprenant Internet haute vitesse, le câble et la ligne résidentielle, chez nous, les familles de deux à cinq personnes peuvent facilement dépenser des centaines de dollars pour ces services. Elles doivent aussi s’acquitter de frais supplémentaires horrifiants en raison des limites d’utilisation des données. D’une part, les abonnés qui dépassent leur limite d’utilisation des données dans les premiers jours de la période de facturation doivent diminuer leur utilisation ou renoncer aux services de communication pendant le reste de cette période. D’autre part, les personnes comme moi qui ne peuvent se passer de connexion sont bombardées quotidiennement d’avis de leur fournisseur de services Internet indiquant que leurs frais s’élèveront à 100 $ pour la journée. Leur facture peut très bien s’élever à plus de 1 000 $ par mois seulement pour ces services.

Voilà pourquoi nous avons besoin de la fibre optique et du déploiement stratégique dans la région, surtout à Iqaluit. Les résidants d’Iqaluit, une des 13 capitales au pays, n’ont pas la fibre optique. En donnant accès à Internet, cette technologie changerait grandement la donne non seulement pour les consommateurs et les clients, mais aussi pour les entreprises, qui ne peuvent pas à l’heure actuelle utiliser les applications dont se servent leurs concurrents au sud.

Certaines de nos entreprises envoient leur contenu à l’extérieur. Pour construire un site Web ou produire une vidéo pour un client, elles doivent aller à Montréal, à Toronto ou à Ottawa pour la téléverser sur un serveur du Sud. Les internautes du reste du monde ont plus facilement accès que notre propre population au riche contenu culturel inuit.

Récemment, le gouvernement du Nunavut a été la cible d’un rançongiciel. Tout le système du gouvernement a été paralysé pendant des mois. Cette attaque n’a pas seulement affecté la capacité du gouvernement à mener ses opérations. Elle a aussi empêché les résidants d’accéder aux services gouvernementaux essentiels. Nous sommes très vulnérables. Je trouve choquant que les populations de la majeure partie du monde, y compris les pays en développement, aient un meilleur accès aux communications à des taux plus abordables que nous, qui sommes au Canada.

La vice-présidente : Merci beaucoup, madame Redfern. Je dois dire que j’ai appris énormément grâce votre témoignage. Merci de nous faire part de votre réalité.

La sénatrice Bernard : Merci à tous les témoins.

Ma question s’adresse à vous, madame Redfern, mais vous y avez peut-être répondu lors de votre échange avec le sénateur Cardozo. Vous avez dit plus tôt que le système était brisé. Dans la réponse que vous venez de fournir, vous avez donné des exemples qui illustrent les failles du système, qui existent bel et bien. Auriez-vous des recommandations précises pour réparer ce système qui est à ce point brisé et dont vous avez bien décrit les déficiences?

Mme Redfern : J’avais souligné un peu plus tôt que tout se fait en vase clos. Le CRTC joue un rôle de réglementation vraiment important. Il fournit également du financement pour les investissements. De son côté, Innovation, Sciences et Développement économique Canada, ou ISDE, est la principale source de financement d’Infrastructure Canada. Les différentes mesures législatives et les politiques sont malheureusement mal intégrées et mal écrites. Tout cela est teinté par des préjugés. Je pense que les représentants de Storm l’ont dit aujourd’hui : le système est axé sur les centres urbains et les grandes sociétés, que ce soit le spectre, les investissements faits par ISDE ou le refus d’appuyer la redondance. La cible actuelle de 50/10 mégawatts seulement pour Internet ne tient pas la route. La Politique de radiodiffusion autochtone et son budget de 8 millions de dollars ne sont pas révisés depuis plus de 30 ans.

De nombreux experts recommandent depuis longtemps — le rapport En attente de connexion l’illustre très bien — de profiter des circonstances actuelles pour mettre les choses sur pause afin de déterminer comment déployer le spectre et les ressources au moyen de politiques et de financement dans les régions rurales, éloignées, nordiques et autochtones du Canada. Je ne m’inquiète pas outre mesure des centres urbains. Les zones urbaines du Canada sont bien desservies. Il y a une saine concurrence. Toutefois, les gros joueurs font encore beaucoup de lobbying et de démarches pour défendre leurs intérêts. Ils continuent de déjouer le système en leur faveur. Dans ce contexte, les petits fournisseurs ont beaucoup de difficulté à accéder aux ressources du spectre ou au financement dont ils ont besoin, et les nouvelles entreprises ont du mal à s’implanter, surtout dans les régions rurales, éloignées et autochtones du Canada.

La vice-présidente : Merci. Madame Redfern, puisque vous devez nous quitter à 10 heures, je vais vous laisser partir. Merci beaucoup de votre témoignage.

Le sénateur D. Patterson : Monsieur Foster, lorsqu’un groupe de sénateurs sont allés dans vos bureaux, vous avez parlé des pratiques abusives des géants des télécommunications qui nuisaient sciemment à vos efforts de déploiement en milieu rural. Sans nommer personne, pourriez-vous décrire les pressions que vous avez subies de la part des gros fournisseurs qui ont miné vos efforts?

M. Foster : Certainement. Ces pressions se sont manifestées dans nos installations sans fil et filaires, notamment par un chevauchement sur une de nos structures de fibre optique. Dans le sans-fil, un secteur en particulier a eu tout à coup accès aux tours cellulaires pour résoudre des problèmes d’accès au sans-fil, ce qui n’était pas possible dans le cadre du service d’accès Internet aux tierces parties accordé aux fournisseurs comme nous. Les gros fournisseurs offrent des prix imbattables comparativement aux nôtres, par exemple un rabais de 50 $ par mois.

Le sénateur D. Patterson : Vous n’avez pas accès aux poteaux?

M. Foster : Oui. Il y a un problème de poteaux de manière générale. Nous n’avons pas accès aux poteaux, mais je sais que le CRTC est en train de faire adopter une politique.

Monsieur Tornow, pourriez-vous en parler un peu?

M. Tornow : Depuis février — je ne me souviens plus de la date exacte — le CRTC a ordonné aux sociétés de télécommunications et d’hydroélectricité de faciliter l’accès aux poteaux. À la suite de la suppression de la notion de « travaux préparatoires », les propriétaires des poteaux sont tenus de payer pour le remplacement de ces infrastructures. Auparavant, nous étions très réticents à utiliser les poteaux, puisque nous devions remplacer ceux qui étaient endommagés ou non conformes au code, ce qui pouvait nous coûter chaque fois de 5 000 $ à 30 000 $. Désormais, ces coûts incombent aux propriétaires des poteaux.

M. Foster : J’ajouterais, au sujet des poteaux, que quand nous avons voulu apporter la fibre d’Union Hall au village de Clayton, on nous a dit que nous devions remplacer huit poteaux. Nous avons répondu : « D’accord, à 8 000 $ le poteau, cela donne un total de 64 000 $. » Puis, on nous a dit : « En fait, nous allons devoir remplacer les isolateurs sur chacun des poteaux. Vous allez donc devoir payer un quart de million de dollars. Nous allons remplacer tous les poteaux et installer les isolateurs. Cela va retarder votre projet d’un an. » Nous avons décidé de faire du forage. Nous avons appris beaucoup de choses sur le Bouclier canadien, par exemple que le marbre est beaucoup plus dur sur les mèches que le granit.

[Français]

Le sénateur Cormier : Monsieur Taylor, si j’ai bien compris, vous favorisez une révision du Cadre de la politique canadienne du spectre et la prise en compte des consultations actuelles, plutôt que le projet de loi S-242, mais c’est celui que nous avons sous les yeux.

Je voudrais vous entendre davantage sur le spectre non déployé en région rurale et sur le rôle possible du ministre. À votre avis et à la lumière de vos préoccupations, si le projet de loi était amendé afin que le ministre puisse réallouer le spectre autrement qu’au moyen d’enchères — c’est-à-dire selon la méthode du premier arrivé, premier servi —, cela répondrait-il à certaines de vos préoccupations? Sinon, quelles méthodes permettraient-elles d’améliorer cette question?

[Traduction]

M. Taylor : Merci beaucoup pour la question.

Je trouve certainement que les enchères, telles qu’elles sont présentées, posent problème. Si j’ai bien compris, vous voulez savoir s’il y a une autre méthode que je préfère ou que je recommanderais. D’après moi, en effet, la méthode du premier arrivé, premier servi fonctionnerait mieux. Dans la plupart des cas, la proposition viendrait de quelqu’un qui connaît la région. C’est une première possibilité.

Une autre possibilité se rapporte au cadre de délivrance des licences d’accès. Je tiens à mettre les choses au clair, car il y a eu de la confusion à ce sujet tout à l’heure. Le cadre de délivrance des licences d’accès était le sujet de consultations menées par ISDE l’automne dernier. Il se distingue du cadre du spectre, qui est la politique stratégique globale adoptée en 2007.

L’approche prônée durant les consultations récentes sur le cadre de délivrance des licences d’accès va plutôt dans le sens de « soit vous l’utilisez, soit vous le partagez ». C’est pour cette raison qu’elle me plaît. Les services en place ne perdent pas leurs licences, mais ils sont obligés de partager le spectre avec d’autres fournisseurs, normalement pour une période garantie. À mon avis, cette approche accélérerait le processus. Peut-être qu’après un certain temps, ils perdraient leur accès au spectre.

Les délais prévus dans le projet de loi sont trop serrés. Le projet de loi créera un imbroglio juridique qui nous empêchera d’avancer aussi vite que nous le voulons. C’est ce que je trouve problématique dans le projet de loi.

Le sénateur Cormier : Merci, monsieur Taylor.

Le sénateur Cardozo : Monsieur Taylor, vous avez parlé du besoin de moderniser la politique du spectre. Vous avez souligné que le ministre qui était en poste à l’époque était Maxime Bernier. Je me demande où vous voulez en venir. Je ne veux pas politiser la discussion, mais M. Bernier se définit comme très libertaire. Êtes-vous d’avis que la politique devrait être moins libertaire ou différente, ou est-ce simplement qu’il faut la moderniser puisqu’elle a été mise en place il y a 15 ans? Sur quels enjeux devrions-nous nous pencher?

M. Taylor : À mes yeux, l’enjeu principal du cadre de 2007, c’est qu’il donne tout le contrôle aux forces du marché. Depuis, les forces du marché ont eu amplement le temps de fournir ce qu’elles voulaient dans les circonstances. Le temps est venu d’examiner d’autres possibilités.

Le cadre de 2007 stipule très clairement que le recours à la réglementation devrait être aussi limité que possible. Cela faisait partie des instructions que M. Bernier a données au CRTC en 2007. Le cadre reflète ces instructions.

Assez de temps s’est écoulé depuis pour fournir des services aux régions rurales, mais ce n’est pas encore fait. Voilà pourquoi je maintiens qu’il faut de réelles initiatives stratégiques et que j’applaudis l’esprit du projet de loi. L’idée maîtresse du projet de loi est bonne; ce sont les moyens proposés pour atteindre les objectifs qui me posent problème.

La sénatrice Clement : J’ai une autre question pour M. Taylor. Vous avez exprimé des préoccupations. Vous avez parlé d’effets contre-productifs potentiels. Comment pouvons-nous améliorer le projet de loi? Vous avez parlé des délais. En modifiant les délais, est-ce qu’on réglerait les problèmes que vous avez soulevés? Avez-vous d’autres solutions à proposer?

M. Taylor : Oui, les délais sont un des enjeux. Ils poseront problème. Par exemple, j’ai parlé de la proposition de procéder à une vente aux enchères 60 jours après l’annulation d’une licence. D’après moi, ce n’est tout simplement pas possible. La majorité des représentants de Storm s’entendent là-dessus.

En ce qui concerne les autres aspects problématiques du projet de loi, l’idée même de retirer l’accès au spectre... J’appuie le principe, mais j’ai des réserves par rapport aux enjeux juridiques d’une telle approche. Que fera-t-on dans les cas où une entreprise a payé pour obtenir l’accès au spectre dans le cadre d’une vente aux enchères?

Mon autre préoccupation, c’est que l’organisme de réglementation sera réticent à passer à l’action lorsqu’il s’agira de retirer l’accès au spectre suivant le concept de « soit vous l’utilisez, soit vous le perdez ». Je pense que l’organisme de réglementation hésitera et que ce n’est pas la bonne façon de procéder.

À mes yeux, les délais ne sont pas le seul problème fondamental du projet de loi.

La sénatrice Clement : Il s’agit donc des délais et de l’annulation? D’accord, je vous remercie.

[Français]

La vice-présidente : Je tiens à remercier chaleureusement les témoins MM. Taylor, Foster et Tornow d’avoir répondu à toutes nos questions avec beaucoup de générosité. Même quand on vous posait les mêmes questions, nous vous remercions d’avoir donné les détails nécessaires pour que nous puissions bien comprendre ce dossier technologique complexe.

Nous allons maintenant suspendre brièvement la séance pour passer à huis clos.

Merci encore, messieurs.

(La séance se poursuit à huis clos.)

Haut de page