Aller au contenu
TRCM - Comité permanent

Transports et communications

 

LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES TRANSPORTS ET DES COMMUNICATIONS

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 22 juin 2022

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit par vidéoconférence aujourd’hui à 18 h 30 [HE] pour poursuivre son étude sur la teneur du projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois.

Le sénateur Leo Housakos (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour. Je m’appelle Leo Housakos. Je suis un sénateur du Québec et le président du comité.

Le sénateur Jim Quinn, du Nouveau-Brunswick et la sénatrice Bev Busson, de la belle province de la Colombie-Britannique, participent à la réunion de façon virtuelle. Mme Busson représente la Colombie-Britannique, mais je ne sais pas si elle s’y trouve présentement ou non. Bienvenue, sénatrice.

Je demanderais maintenant à mes collègues qui se trouvent dans la salle de comité à Ottawa de se présenter, à partir de la gauche.

[Français]

Le sénateur Dawson : Le sénateur Dennis Dawson, du Québec.

La sénatrice Miville-Dechêne : La sénatrice Julie Miville-Dechêne, du Québec.

Le sénateur Cormier : Le sénateur René Cormier, du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

Le sénateur Klyne : Bonjour. Marty Klyne, de la Saskatchewan.

La sénatrice Sorensen : Bonjour. Karen Sorensen, de l’Alberta.

Le sénateur Manning : Bonjour. Fabian Manning, de Terre-Neuve-et-Labrador.

La sénatrice Wallin : Pamela Wallin, de la Saskatchewan.

La sénatrice Dasko : Donna Dasko, sénatrice de l’Ontario.

La sénatrice Simons : Bonjour. Je suis Paula Simons, de l’Alberta.

Le président : Merci, chers collègues.

La réunion d’aujourd’hui vise à poursuivre notre examen sur la teneur du projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois.

Pour la première partie de la réunion, nous recevons les représentants de Patrimoine canadien : Thomas Owen Ripley, sous-ministre adjoint délégué, Affaires culturelles; Michel Sabbagh, directeur général, Direction générale de la radiodiffusion, du droit d’auteur et du marché créatif; et Amy Awad, directrice principale, Direction générale de la radiodiffusion, du droit d’auteur et du marché créatif, Affaires culturelles. Je vous souhaite à tous la bienvenue.

Je rappelle à nos invités qu’ils disposent de sept à huit minutes pour faire leur déclaration préliminaire; viendront ensuite les questions de mes collègues sénateurs. Monsieur Ripley, vous avez la parole.

Thomas Owen Ripley, sous-ministre adjoint délégué, Affaires culturelles, Patrimoine canadien : Bonjour à tous.

Pour commencer, je tiens à souligner que je me joins à vous aujourd’hui à partir du territoire non cédé de la nation algonquine Anishinaabe, où se situe la région de la capitale nationale.

[Français]

Merci beaucoup, monsieur le président et honorables sénateurs, de nous avoir invités ici aujourd’hui pour vous appuyer dans votre étude du projet de loi C-11, Loi sur la diffusion continue en ligne, telle que modifiée par la Chambre des communes.

La modernisation du cadre législatif et réglementaire de la radiodiffusion est à la fois une nécessité et une priorité. Notre système de radiodiffusion est désuet et doit être modernisé. L’initiative de modernisation permettrait de revitaliser l’industrie canadienne de la radiodiffusion, ainsi que nos industries créatives. La réforme permettrait également de continuer à soutenir les 120 000 emplois et plus que ces industries génèrent tout en servant les intérêts de tous les Canadiens.

[Traduction]

La Loi sur la diffusion continue en ligne miserait sur les avantages économiques et sociaux déjà offerts par l’entremise de la Loi sur la radiodiffusion. On s’attend à ce qu’elle donne lieu à des possibilités continues pour les producteurs, réalisateurs, auteurs, acteurs et musiciens canadiens, afin qu’ils puissent créer de la musique et du contenu audiovisuel qui atteindront le public canadien. Elle obligera tous les diffuseurs, y compris les diffuseurs en ligne, à contribuer à l’atteinte d’importants objectifs en matière de politique culturelle. Ainsi, l’appui à l’égard des voix autochtones, des émissions francophones et des communautés de langue officielle en situation minoritaire sera accru.

De façon importante, la Loi favorise une meilleure représentation des Canadiens issus de communautés racisées, des Canadiens de diverses origines ethnoculturelles et de divers statuts socio-économiques, des Canadiens ayant des capacités diverses ou des incapacités, des Canadiens de diverses orientations sexuelles ou identités et expressions de genre, et des Canadiens de tous âges. Elle établira un cadre réglementaire juste et souple où les services de diffusion comparables seront assujettis à des exigences réglementaires similaires, et elle donnera au CRTC les lignes directrices et les outils dont il a besoin pour agir efficacement à titre d’expert indépendant en matière de réglementation dans cet environnement numérique.

[Français]

La modernisation du système de radiodiffusion permettrait aux acteurs en ligne, ainsi qu’aux radiodiffuseurs traditionnels de soutenir la musique et les histoires canadiennes en apportant des contributions financières pour appuyer notamment la conception, le financement, la production ou la promotion d’émissions canadiennes audio ou audiovisuelles; la promotion et la formation de créateurs canadiens d’émissions audio ou audiovisuelles; la participation des personnes, des groupes ou des organisations qui représentent l’intérêt public dans le cadre d’instances du CRTC.

[Traduction]

Le projet de loi vise un traitement équitable de toutes les grandes plateformes en ligne qui offrent des émissions commerciales. Ainsi, des services comme YouTube seraient visés, puisque l’entreprise diffuse des émissions commerciales.

Toutefois, le projet de loi C-11 ne réglemente et ne censure pas les utilisateurs. Les particuliers qui utilisent les médias sociaux ne sont pas considérés à titre de diffuseurs, ce qui signifie que les conditions de services et les règlements ne s’appliqueraient pas à eux.

[Français]

Pourquoi cette réforme est-elle nécessaire maintenant? Parce que le monde de la radiodiffusion a changé. Nous le savons tous. Les Canadiens ont changé la façon dont ils accèdent à leur musique et à leurs émissions, passant des radiodiffuseurs traditionnels aux radiodiffuseurs en ligne. Le résultat est que le système d’appui aux histoires et à la musique canadienne est en péril.

Les radiodiffuseurs en ligne ne sont pas tenus de soutenir la musique et les récits canadiens ou tout autre objectif important de la radiodiffusion. Ainsi, à mesure que les revenus des radiodiffuseurs et des télédiffuseurs traditionnels stagnent et diminuent, le niveau de soutien à la musique et aux histoires canadiennes, ainsi que l’appui aux professionnels de la création, diminue également. Le statu quo n’est plus tenable. Plus particulièrement, le déséquilibre réglementaire maintient les radiodiffuseurs canadiens traditionnels dans une situation de désavantage concurrentiel par rapport aux radiodiffuseurs en ligne.

[Traduction]

Le projet de loi C-11 renouvelle la Loi sur la radiodiffusion afin qu’elle soit adaptée à l’ère numérique; il s’agit de la première d’une série de mesures législatives visant à moderniser notre cadre de communications, qui comprend le projet de loi C-18, la Loi sur les nouvelles en ligne, permettant de veiller à ce que les services de nouvelles soient rémunérés convenablement pour l’utilisation de leur matériel par les services en ligne. D’autres mesures législatives seront adoptées pour promouvoir la sécurité en ligne et favoriser un environnement plus sécuritaire et plus inclusif.

[Français]

Ensemble, ces initiatives visent à établir des règles qui feront du monde en ligne un endroit plus équitable, plus inclusif et plus sûr, tout en veillant à ce qu’il reste un terrain fertile pour l’innovation et la libre expression.

[Traduction]

Mesdames et messieurs les sénateurs, merci. Meegwetch. Je serai heureux de répondre à vos questions.

Le président : Merci, monsieur Ripley.

Honorables collègues, vous disposerez chacun de quatre minutes pour les questions et réponses; veuillez donc s’il vous plaît être brefs. Je demanderais à nos invités de fournir de courtes réponses également. Je vais tenter d’être le plus juste possible et de nous permettre d’entendre le plus de questions possible. Si vous souhaitez que nous tenions une deuxième série de questions, veuillez le faire savoir au greffier.

Le sénateur Dawson : On a posé beaucoup de questions au sujet du processus réglementaire. Si le projet de loi est adopté, des règlements suivront. Je me demande comment ils seront rédigés et à quoi ressemblera le processus. Pouvez-vous nous parler de la façon dont le CRTC établira les conditions de service associées aux diffuseurs en ligne? Je poserai la même question aux représentants du CRTC plus tard également, j’en suis certain.

M. Ripley : Je vous remercie pour votre question, sénateur.

Lorsque le projet de loi aura reçu la sanction royale, le CRTC entreprendra ses processus réglementaires et ses audiences en vue de mettre en place les instruments réglementaires nécessaires pour intégrer les plateformes de diffusion continue au système. Pour ce qui est de la pratique, le CRTC est habitué à tenir ce genre d’audiences. Il publiera un avis et demandera des propositions sur les formes que devraient prendre les règlements. Toutes les parties intéressées pourront participer à ces processus, notamment les plateformes de diffusion en continu, la communauté artistique du Canada et les groupes qui représentent les intérêts publics. Par la suite, le CRTC prendra une décision, qu’il rendra publique.

Pour mettre en place les changements que nous envisageons, il faudra que le CRTC prenne plusieurs décisions différentes. Le travail consistera à intégrer les plateformes de diffusion en continu au système et à s’éloigner du système de licences actuellement en place et qui régit les diffuseurs traditionnels. Les contributions qui sont actuellement désignées dans ces licences doivent être intégrées à ces instruments de réglementation, qu’il s’agisse d’ordonnances ou de règlements en vertu de la nouvelle approche du projet de loi C-11.

[Français]

Le sénateur Cormier : Ma question concerne l’employabilité des ressources humaines canadiennes. Conformément aux alinéas 3(1)f) et 3(1)f.1), les entreprises canadiennes sont tenues d’employer des ressources humaines canadiennes et de faire appel à celles-ci au maximum. Cependant, les entreprises en ligne étrangères sont tenues de faire appel, dans toute la mesure du possible, aux ressources humaines canadiennes. Pourquoi faire cette distinction? Ne serait-il pas adéquat, comme l’ont revendiqué plusieurs parties prenantes, d’intégrer le même critère d’emploi sur le plan des ressources humaines pour ne pas créer un régime à deux vitesses?

M. Ripley : Merci pour la question, sénateur. Vous avez tout à fait raison. Présentement, dans le projet de loi, il y a deux normes. Le niveau d’utilisation maximale est la norme qui existe actuellement dans la Loi sur la radiodiffusion. Il faut souligner que la loi ne s’applique actuellement qu’aux entreprises canadiennes. On parle des entreprises présentes au Canada, tenues et contrôlées par des Canadiens. Leur modèle d’affaires n’est basé qu’au Canada.

Avec le projet de loi C-11, on va amener dans le système les grandes entreprises de diffusion en continu, comme Netflix et Disney+. Ces entreprises ont un modèle d’affaires global. Elles offrent des services aux Canadiens en plus de créer des productions pour les autres marchés dans le monde.

Ce n’est donc pas la position du gouvernement et il n’est pas raisonnable d’appliquer exactement la même norme aux entreprises qui ne sont pas basées au Canada de la même façon que les entreprises canadiennes...

Le sénateur Cormier : Je m’excuse de vous interrompre. Est-ce que cela signifie que les entreprises canadiennes seront défavorisées par rapport aux entreprises étrangères dans ce cas-ci?

M. Ripley : Je dirais que les attentes liées à l’alinéa 3(1)f) demeurent plus élevées pour les entreprises canadiennes. Pour celles-ci, il faudra utiliser les ressources au maximum. Les attentes sont très élevées. Encore une fois, c’est en raison du fait que, en pratique, ces entreprises sont basées ici. Il n’en va pas de même pour tous les autres services de diffusion en continu. Par exemple, Netflix fait beaucoup d’activités de production au Canada. Une autre entreprise comme DAZN, qui offre des services de diffusion en continu de sport, n’a pas la même présence. C’est pourquoi le travail du CRTC sera de déterminer, en considérant le modèle d’affaires de tous ces services, la contribution appropriée qu’ils peuvent apporter au système de radiodiffusion canadien.

Le sénateur Cormier : Merci.

[Traduction]

La sénatrice Simons : Monsieur Ripley, la question qui cause le plus de frictions est celle portant sur ce qui est pris en compte ou non en ce qui a trait au contenu généré par les utilisateurs. On retrouve, au début du projet de loi, des déclarations fermes voulant qu’une personne qui utilise les médias sociaux pour téléverser des émissions à des fins de transmission ne soit pas considérée à titre de diffuseur. Or, au paragraphe 4.2(2), il y a possibilité d’exemption si une émission génère un certain montant de revenus directs ou indirects. J’aimerais bien comprendre cette disposition, parce que de nombreuses personnes semblent confuses par cette contradiction apparente. À quel point le contenu généré par les utilisateurs est-il visé par la définition d’entreprise en ligne? Quel est le seuil de revenus qui y est associé?

M. Ripley : Je vous remercie pour votre question, sénatrice Simons.

Premièrement, je réitérerais le point que vous avez soulevé au sujet de l’article 2.1, qui explique quels sont les utilisateurs de médias sociaux qui ne sont pas considérés à titre de diffuseurs. À la Chambre des communes, on a posé des questions aux témoins au sujet d’une contribution de 30 % des particuliers à un fonds, par exemple. Cela ne peut pas arriver en vertu du projet de loi, étant donné cet article 2.1. Les personnes qui utilisent les médias sociaux — sans égard à leurs revenus à titre de vedettes de YouTube ou de TikTok — ne peuvent être assujetties à ces exigences par le CRTC. Je passe donc à la deuxième partie de votre question, au sujet du contenu qui est ensuite publié sur un service de média social. Il est vrai qu’un service — comme YouTube — peut être appelé à contribuer au système en fonction du contenu qui y est placé.

Le défi est d’ordre très technique. Je vais faire attention aux mots que je vais utiliser. L’article 4.1 proposé fait référence aux utilisateurs qui téléversent le contenu vers un service de médias social. Je parle de contenu téléversé par les utilisateurs. Le défi associé à un service comme YouTube, c’est qu’une maison de disque qui téléverse des chansons vers YouTube est considérée à titre d’utilisateur. Un artiste qui y téléverse des chansons est aussi considéré à titre d’utilisateur. Un créateur de contenu numérique — dont nous avons beaucoup entendu parler — qui téléverse du contenu vers YouTube est considéré à titre d’utilisateur. Vous et moi, lorsque nous téléversons du contenu sur YouTube, sommes considérés à titre d’utilisateurs.

Le problème, c’est que le modèle d’affaires de YouTube est très puissant, mais il est utilisé de diverses façons. Il est notamment utilisé par les Canadiens à titre de service de diffusion continue de ce que le gouvernement appelle du contenu commercial. Dans le cadre de nos discussions avec eux, les représentants de YouTube nous ont dit qu’environ 50 % du contenu qui se trouvait sur la plateforme était ce qu’ils appellent du contenu organique, c’est-à-dire du contenu créé par les youtubeurs. Le 50 % restant est du contenu commercial, qui est divisé en deux : 25 % de musique et 25 % de contenu créé par d’autres sociétés de médias, comme les diffuseurs. CBC/Radio-Canada a des chaînes YouTube, par exemple.

L’objectif du gouvernement est de veiller à ce que YouTube — à titre de plateforme de choix pour les Canadiens qui souhaitent regarder du contenu commercial en continu — contribue au système au même titre que Spotify ou Apple Music, par exemple. Les trois facteurs énoncés dans le projet de loi visent cet objectif.

Le défi technique auquel nous faisons face, c’est que la majorité du contenu qui se retrouve sur YouTube — à moins qu’il n’y soit placé par la plateforme elle-même — est téléversé par les utilisateurs, d’une façon ou d’une autre. Le défi a trait aux indicateurs associés au contenu commercial, pour que le CRTC ait des lignes directrices claires au sujet du type de contenu qui, de l’avis du gouvernement, devrait être visé. C’est à cela que servent ces trois facteurs.

J’essaie de respecter la directive du président et d’être bref, mais je dirais qu’il n’est pas question de chaque élément de contenu de façon individuelle. Dans la pratique, pour que l’article 4.2 s’applique, le CRTC doit prendre un règlement. C’est par l’entremise de ce règlement que le CRTC énoncera clairement le corpus de contenu. Ces facteurs ne s’appliquent donc pas à chaque élément de contenu de manière individuelle, mais bien à un ensemble pour lequel une contribution est attendue par le CRTC.

La sénatrice Simons : Puisque je ne dispose que de quatre minutes, je me permets d’intervenir...

Le président : Sénatrice Simmons, vous avez largement dépassé les quatre minutes...

La sénatrice Simons : J’y reviendrai au deuxième tour, s’il y en a un.

Le sénateur Manning : Je souhaite la bienvenue aux témoins.

J’ai quelques questions à poser. Tout d’abord, comment les plateformes sauront-elles et vérifieront-elles si le contenu est canadien? Par exemple, plus de 500 heures de contenu sont téléversées sur YouTube chaque minute. Comment ce système pourra-t-il cerner le contenu qui est canadien et qui est soumis aux exigences de promotion imposées par le CRTC?

M. Ripley : Je vous remercie de la question, sénateur Manning.

Cela rejoint la réponse précédente : lorsqu’il s’agit d’un service comme YouTube, l’objectif du gouvernement est de viser uniquement le contenu commercial. Cela ne concerne pas les créateurs en ligne qui s’expriment — le gouvernement respecte le fait qu’ils ne souhaitent pas être contraints à un système de points où leur contenu est évalué. Il ne s’agit pas de ce type de contenu.

On vise plutôt ici le contenu commercial, dans la mesure où YouTube sert de substitut à un autre service de diffusion en continu comme, je le répète, Apple Music ou Spotify. Ce type de contenu est déjà évalué pour qu’on puisse établir s’il est canadien ou non. Dans le domaine de la musique, par exemple, nous avons le système MAPL, qui tient compte de l’auteur-compositeur et des paroles. Dans le domaine de l’audiovisuel, nous avons le système à 10 points. Pour revenir à la question du contenu commercial, il existe déjà un point de référence à cet égard. Il ne s’agit pas d’étendre ce système de points à 50 % du contenu qui se trouve sur YouTube, comme je l’ai mentionné à la sénatrice Simons, et qui est généré de façon naturelle par des créateurs en ligne.

Le sénateur Manning : Les créateurs devront-ils téléverser une preuve de résidence ou de citoyenneté, et le CRTC vérifiera-t-il leur admissibilité pour les plateformes, ou est-ce que les plateformes devront elles-mêmes communiquer leurs renseignements au CRTC afin d’établir l’admissibilité? Comment déterminez-vous les critères d’admissibilité?

M. Ripley : Comment cela fonctionne-t-il dans la pratique? Un service comme YouTube possède déjà un système d’identification du contenu très perfectionné, qui lui permet d’évaluer si chaque téléversement sur la plateforme comporte un élément de contenu protégé par le droit d’auteur. On peut, en fait, remonter jusqu’au titulaire du droit d’auteur. Dans le cas d’un contenu commercial, un service comme YouTube, par exemple, peut déterminer s’il s’agit d’un enregistrement canadien ou d’une émission canadienne, car le système peut identifier le titulaire original du droit d’auteur pour le contenu téléversé.

Encore une fois, je tiens à souligner et à répéter qu’il ne s’agit pas de faire entrer les créateurs en ligne — les youtubeurs qui créent du contenu expressément pour la plateforme — dans une catégorie précise. L’objectif du gouvernement n’est pas d’assujettir ce type de contenu au cadre réglementaire.

Le sénateur Manning : Un Américain qui téléverse du contenu au Canada serait-il admissible à la promotion visant les émissions canadiennes?

M. Ripley : Si l’Américain, en tant qu’utilisateur, téléverse un enregistrement d’un artiste canadien — choisissez celui ou celle que vous voudrez — disons The Weeknd, voici ce qui se passe : dès que le téléversement a lieu, YouTube établit que vous ou moi essayons de téléverser une chanson qui appartient en fait à The Weeknd. YouTube donne au titulaire du droit d’auteur le choix de demander que l’enregistrement soit retiré de la plateforme ou de le laisser là, auquel cas le titulaire du droit d’auteur bénéficiera de la monétisation de ce contenu.

La question ne concerne pas l’utilisateur, mais bien le contenu qui est téléversé. S’il s’agit d’un contenu commercial qui répond à la définition de contenu canadien, alors oui, YouTube aurait probablement certaines obligations à cet égard.

Le sénateur Manning : Merci.

Le président : La question que je voudrais poser à M. Ripley et à ses collègues porte sur le cadre réglementaire, qui est tout à fait important dans un projet de loi comme celui-ci. J’ai entendu la réponse à la question posée par le sénateur Dawson au début de la séance. N’aurait-il pas été prudent d’élaborer le cadre réglementaire avant que le projet de loi ne soit présenté au Parlement, afin de nous permettre de mieux comprendre certaines des préoccupations soulevées par tant d’intervenants partout au pays? Pourquoi le gouvernement n’a-t-il pas consulté le CRTC, les fonctionnaires et toutes les personnes nécessaires pour rendre le cadre réglementaire public et le soumettre à l’examen de notre comité et d’autres comités parlementaires?

M. Ripley : Merci, monsieur le président, de la question.

Comme vous le savez peut-être, au cours de la législature précédente, nous avons présenté au Comité permanent du patrimoine canadien une version des instructions en matière de politique. Nous avons reçu beaucoup de commentaires de la part d’intervenants et de parlementaires à ce sujet.

Le projet de loi modifie le processus par lequel le gouvernement donne ses instructions au CRTC, en plus d’instaurer un processus réglementaire uniforme et plus transparent. Si le projet de loi obtient la sanction royale, ces instructions seront données au moyen du mécanisme qui est habituellement utilisé pour d’autres cadres réglementaires, à savoir que le gouvernement publierait le tout au préalable dans la Gazette du Canada. Tout le monde aurait ainsi l’occasion de faire part au gouvernement de ses commentaires sur le règlement proposé avant que celui-ci ne devienne une instruction définitive à l’intention du CRTC grâce à une dernière publication dans la partie II de la Gazette du Canada.

Le gouvernement estime qu’il y a un processus ouvert auquel tout le monde aura l’occasion de participer. C’est la bonne tribune à utiliser, car le gouvernement peut ainsi prendre en considération les observations reçues d’une manière très claire et très transparente, au lieu de se limiter au processus parlementaire entourant le projet de loi. Il faut donc mettre l’accent sur les objectifs stratégiques du projet de loi, ce qui donne lieu, au bout du compte, à un cadre réglementaire.

Le président : Monsieur Ripley, c’est précisément l’un des problèmes. Ce n’est guère rassurant. N’aurions-nous pas eu une approche beaucoup plus transparente et ouverte si le cadre réglementaire avait été rendu public dès maintenant afin qu’il puisse être scruté par les législateurs, tant à la Chambre des communes qu’au Sénat, et soumis à un examen et à un débat publics? Nous pourrions ainsi obtenir un cadre plus robuste, qui viendrait probablement renforcer la loi et qui permettrait de dissiper certaines des grandes préoccupations. Ne croyez-vous pas qu’il y aurait beaucoup plus de transparence si, au lieu de mettre la charrue devant les bœufs, nous avions l’occasion, en tant que législateurs, d’en faire un examen minutieux? Après coup, une fois que le projet de loi aura reçu la sanction royale, l’affaire sera close, car le train aura déjà quitté la gare. Bonne chance pour essayer de faire reculer la bureaucratie du CRTC et du gouvernement, qui, bien sûr, avouent rarement faire fausse route.

M. Ripley : Je me réjouis du vif intérêt que manifestent tous les partis pour les instructions en matière de politique.

Le hic, c’est que le projet de loi reste encore une cible mouvante. La Chambre y a apporté des modifications, et la version définitive du projet de loi déterminera à quoi ressembleront ces instructions. Par exemple, certaines des modifications apportées dans l’autre endroit visent davantage à appuyer les communautés racisées et la radiodiffusion par les communautés raciales et ethnoculturelles. C’est un changement important, n’est-ce pas?

Conformément à la structure de la loi — et c’est toujours le cas aux termes du projet de loi C-11 —, le Parlement établit les grands objectifs stratégiques, et il incombe ensuite au CRTC de les mettre en œuvre. Quant aux instructions en matière de politique, le mécanisme prévoit toujours leur dépôt dans les deux chambres, ce qui donne aux parlementaires l’occasion de participer à ce processus, s’ils le souhaitent, car nous convenons qu’il est important que les parlementaires sachent quand le gouvernement utilise ce pouvoir d’instruction.

Le président : Merci, monsieur Ripley.

La sénatrice Wallin : Sachez que je partage les préoccupations du sénateur Housakos. Nous demander de prendre part au jeu sans en connaître les règles est un peu inquiétant, car cela risque de toucher tous les Canadiens qui utilisent Internet.

J’aimerais revenir sur la question du contenu canadien. Votre système de points est déjà mêlant et un peu désordonné. En fait, il permet de considérer un contenu normalement jugé étranger comme un contenu canadien et vice versa. On nous demande de donner à un organisme nommé par le gouvernement le pouvoir de décider quoi promouvoir en ligne et quoi placer au bas de la liste selon qu’il s’agisse d’un contenu canadien, québécois, saskatchewanais, ou je ne sais trop quoi. Quand et comment ces règles seront-elles définies plus clairement? Cela se fera-t-il, là encore, après coup?

M. Ripley : Merci, sénatrice Wallin, de la question.

Il existe actuellement une définition de ce qu’est une émission canadienne, tant du côté audiovisuel que du côté musical. Le ministre reconnaît très clairement certaines des lacunes que vous avez évoquées dans votre question concernant la nécessité de... il est temps de revoir cette définition au regard des services de diffusion en continu qui feront désormais partie de l’écosystème canadien. Il faut que ce soit fonctionnel et pratique dans ce contexte.

En ce qui a trait au déroulement du processus, le CRTC tiendrait une audience réglementaire sur cette définition et sur les modifications qui devraient y être apportées, ce qui donnerait l’occasion aux gens de venir témoigner. Les modifications demandées sont bien connues, car certains membres du milieu artistique veulent que les contributions des auteurs-producteurs soient reconnues dans ce système de points, par exemple, du côté audiovisuel. Nous savons que certains demandent aussi une reconnaissance lorsque des créateurs s’inspirent d’une œuvre canadienne, que ce soit un livre...

La sénatrice Wallin : Disons, par exemple, un livre de Margaret Atwood.

M. Ripley : Exactement, cela devrait compter. C’est donc l’occasion de prendre les mesures qui s’imposent, et le CRTC le ferait au moyen d’un processus ouvert où tout le monde pourrait proposer...

La sénatrice Wallin : Mais c’est encore après coup. Vous dites en quelque sorte : « Adoptez la loi, et nous déterminerons ensuite les règles qui toucheront tous les internautes. »

M. Ripley : C’est vrai, mais je vous ferai remarquer qu’à l’heure actuelle, il n’y a aucune nuance dans la définition de ce qui constitue une émission canadienne aux termes de la loi. Le projet de loi — et c’est une modification que les parlementaires ont apportée lors de la législature précédente — prévoit plus de nuances quant aux attentes. Pardon, j’essaie de trouver la disposition pertinente. Si vous regardez...

La sénatrice Wallin : J’ai une autre question à poser, et je sais que le temps presse.

M. Ripley : ... le paragraphe 10(1.1) proposé, vous verrez qu’il y a une liste de choses, notamment l’expression culturelle canadienne.

La sénatrice Wallin : D’accord, mais tout cela est très subjectif. Même le système de points est extrêmement subjectif.

J’en viens à mon autre question. Nous avons également examiné de façon très précipitée la loi sur le droit d’auteur et, en fait, on nous dit que notre système d’inscription est très faible. Il n’y a pas de participation obligatoire à ce système. Pourtant, vous l’utilisez comme l’un des moyens de protection et l’un des facteurs de décision pour déterminer ce qui constitue un contenu canadien ou un contenu qui sera mis en valeur par le CRTC.

Le président : Vous avez trente secondes pour votre réponse.

M. Ripley : Merci, monsieur le président.

Ce qui constitue une « émission canadienne » ne dépend pas du système d’enregistrement du droit d’auteur. Ce sont deux choses distinctes.

La sénatrice Wallin : Je comprends, mais vous disiez que cela était l’une des protections. Si quelqu’un essaie de télécharger une chanson de The Weeknd, vous vous rabattrez sur le droit d’auteur, qui est passablement faible.

M. Ripley : Je faisais référence au système d’identification du contenu de YouTube, comme on l’appelle. Cela fonctionne comme une grande base de données. Si vous êtes une maison de disques et que vous possédez les droits d’auteur, vous pouvez dire à YouTube que vous possédez les droits d’auteur pour l’enregistrement de The Weeknd et téléverser un enregistrement de ce dernier. Ensuite, quand quelqu’un essaie de téléverser cela, YouTube établit une correspondance dans sa base de données.

Le sénateur Klyne : Monsieur Ripley, soyez le bienvenu. Je pense que la plupart des gens sont d’accord pour dire que la promotion et le soutien du contenu canadien sont des objectifs louables. Il semble toutefois que ce projet de loi n’atteigne pas cet objectif, et j’ai besoin que vous m’aidiez à calmer mes préoccupations à ce sujet. Veuillez expliquer à ce comité comment ce projet de loi fera en sorte que les programmes seront présentés aux Canadiens sur d’autres marchés, y compris aux États-Unis, et plus précisément, comment le contenu canadien sera plus facile à découvrir qu’il ne l’est déjà.

M. Ripley : Merci de la question, sénateur.

On formule beaucoup d’hypothèses ou on se concentre beaucoup sur la question des résultats de recherche et des recommandations algorithmiques. Lorsqu’il s’agit de la découvrabilité, je rappelle toujours aux gens qu’il existe une variété d’outils différents que le CRTC peut utiliser à cet égard. Nous avons tous fait l’expérience de nous brancher à Netflix, par exemple, et d’y voir afficher des films canadiens. Il y a des choses qui...

Le sénateur Klyne : Pouvez-vous expliquer au comité comment ce projet de loi rendra le contenu canadien plus facile à découvrir qu’il ne l’est aujourd’hui?

M. Ripley : En bref, nous nous attendons à ce que le CRTC, en dialoguant avec ces grands services, leur lance ce défi. Nous nous attendons à ce que les chansons de langue française du Québec ou des communautés de langue officielle en situation minoritaire puissent être trouvées sur des services comme Spotify, Apple Music ou YouTube.

Le sénateur Klyne : Votre ministère rapporte que vous mettez nos lois à jour afin que les webdiffuseurs soient tenus de payer leur juste part en matière de contenu. La question que je vais poser porte donc en quelque sorte sur cette question d’argent. Que faites-vous avec ce projet de loi qui met à jour les lois sur la diffusion continue en ligne afin que les webdiffuseurs soient tenus de contribuer d’une manière similaire et équitable? Qu’est-ce que cela signifie? Comment vont-ils faire cela? Ce ne sera pas par le truchement de sanctions, mais y aura-t-il une certaine forme de tableau leur indiquant comment ils doivent s’acquitter de leur dû à cet égard?

M. Ripley : La façon dont cela fonctionnera, c’est que l’établissement de ce qui est équitable partira du principe qu’un diffuseur canadien qui est dans l’activité de commander du contenu et un webdiffuseur qui est dans l’activité de commander du contenu devraient être tenus de faire des contributions semblables au système s’ils ont des modèles d’affaires similaires. Autrement dit, nous cherchons à faire en sorte que les diffuseurs canadiens n’aient plus à faire face au désavantage concurrentiel qu’ils subissent actuellement.

Dans le cas des entreprises qui, de façon générale, commandent du contenu, leur contribution au système prend actuellement la forme de ce que l’on appelle une « exigence en matière de dépenses », ce qui signifie qu’elles doivent consacrer chaque année un certain pourcentage de leurs recettes à des émissions canadiennes.

Le sénateur Klyne : J’en conviens, et où ces fonds vont-ils aller?

M. Ripley : S’il s’agit d’une exigence en matière de dépenses, ces fonds restent sous le contrôle de l’entreprise. C’est elle qui décide du type de contenu dans lequel elle investit, tant que ledit contenu répond aux exigences réglementaires. Donc, le CRTC...

Le sénateur Klyne : Où vont les revenus que vous collectez? Retournent-ils aux services créatifs pour la production d’autre contenu?

M. Ripley : Une deuxième forme de contribution, différente de l’exigence en matière de dépenses, pourrait être une contribution à un fonds de production, et à l’heure actuelle, c’est ce type de contribution que les câblodistributeurs et les entreprises de distribution par satellite font au Canada. Ces sommes vont à des fonds comme le Fonds des médias du Canada ou à des fonds de production indépendants certifiés qui les réinvestissent ensuite dans du contenu canadien.

Le sénateur Klyne : Je vous remercie.

La sénatrice Dasko : Merci, monsieur Ripley.

Ma question porte sur les mentions de la diversité ou les exigences, les déclarations, les objectifs, etc. Je suis heureuse que vous ayez mentionné les amendements relatifs à la diversité provenant de l’autre endroit, et j’y reviendrai dans une minute.

Certains se sont prononcés avec véhémence sur la nécessité de répondre aux besoins et aux intérêts de tous les Canadiens, y compris ceux des communautés racisées et des Canadiens d’origines, de conditions, d’états et d’orientations divers — on pense entre autres aux origines ethnoculturelles, aux statuts socio-économiques, aux capacités, aux handicaps et aux orientations sexuelles. Comment cela sera-t-il mis en œuvre? Quelle forme cela prend-il? J’ai également remarqué que cet enjeu occupait une place importante dans votre déclaration liminaire. Vous avez parlé de diversité à plusieurs reprises. Je comprends que c’est un message important que le gouvernement du Canada essaie de transmettre aux Canadiens et que c’est une partie importante de ce que vous faites ici. Comment cela sera-t-il mis en œuvre sur le terrain? Quel genre d’exigences y aura-t-il à l’égard des enjeux de diversité?

Je suis heureux que vous ayez soulevé le sujet des amendements qui ont été déposés à l’autre endroit, mais que nous n’avons pas, bien sûr, puisque, malheureusement, ce comité s’occupe de l’étude préalable. Je sais qu’un certain nombre d’entre eux portent sur la diversité, alors pouvez-vous nous dire quels changements la Chambre compte apporter au projet de loi, changements que nous n’avons pas devant nous? Que va-t-elle faire? Vous avez dit que les changements vont renforcer la diversité, alors pourriez-vous nous donner une idée de ce que ce sera? Je vous en serais très reconnaissante. Merci.

M. Ripley : Merci de la question, sénatrice.

En ce qui concerne votre première question, d’un point de vue pratique, il y a plusieurs façons de procéder. Tantôt, j’ai décrit la différence entre une exigence en matière de dépenses et une contribution à un fonds de production.

Du côté des dépenses, par exemple, il pourrait y avoir des services qui se mobilisent d’emblée en faveur de tel ou tel aspect de la diversité ou des services qui, selon le CRTC, sont bien adaptés pour travailler avec certains types de communautés. Il pourrait par exemple y avoir des services qui disent : « En fait, nous souhaitons ardemment travailler avec les communautés autochtones afin de les aider à raconter leurs histoires ». Ce serait une façon de procéder, et cela pourrait faire partie des exigences en matière de dépenses de ce service.

Quant aux contributions, une partie de l’argent destiné aux fonds de production pourrait aller, par exemple, à un organisme appelé Indigenous Screen Office. Ce dernier — pour peu qu’il soit certifié — pourrait recevoir une partie de ces contributions, puis investir dans les communautés autochtones qui en font partie et travailler en étroite collaboration avec elles pour raconter des histoires autochtones. L’exigence de diversité pourrait donc se traduire de diverses façons dans la pratique.

Pour ce qui est de votre deuxième question — encore une fois, je suis conscient du temps qui m’est imparti, monsieur le président —, le grand changement apporté à la Chambre des communes quant à la question de la race et de l’appartenance ethnoculturelle a été de modifier les objectifs de la politique qui exigent un soutien aux services de radiodiffusion contrôlés par ces communautés. Dans la version précédente du projet de loi, il n’était question que de programmation, et le gouvernement et les parlementaires ont bien compris de la part de ces communautés qu’il ne s’agit pas seulement de cela. Il s’agit en fait d’avoir des services qui sont soutenus par le système de radiodiffusion, qu’il s’agisse de services en langues tierces ou de services spécialisés dans le contenu ethnoculturel. C’est le grand changement que je tiens à vous signaler.

La sénatrice Dasko : Cela permet de passer à un autre niveau.

Le sénateur Quinn : Merci aux témoins d’être venus ce soir et de prendre part à cette étude préalable. C’est formidable de vous avoir ici.

Je suis certain que le ministère et le ministre reçoivent autant de lettres que nous au Sénat. De dire que nous sommes submergés serait sous-estimer le nombre de lettres que nous avons reçues. La majorité d’entre elles, bien sûr, expriment des réserves quant au fait que ce projet de loi porte atteinte à leur droit à la liberté d’expression ou à la liberté de choix, des choses de cette nature. D’autres personnes nous ont également fait part de leurs préoccupations quant au fait que le CRTC dispose peut-être d’un trop grand pouvoir et que la liberté d’expression est entravée, etc.

Ma question est la suivante : à part ce que vous avez dit en ce qui a trait à la Partie II de la Gazette du Canada — au sujet de quoi l’un de mes collègues a, je crois, dit quelque chose comme « le cheval est déjà sorti de l’écurie », et nous savons qu’il est plus difficile de participer et de provoquer des changements —, comment suggérez-vous que nous, parlementaires, répondions aux personnes qui ont exprimé des inquiétudes quant à la violation de leurs droits? Je suis curieux de savoir comment vous répondriez à cela.

M. Ripley : Merci, sénateur.

La Loi sur la radiodiffusion vise fondamentalement à promouvoir l’expression culturelle. Il s’agit de promouvoir l’expression culturelle canadienne. Au début de la loi, il y a tous ces objectifs stratégiques que l’on met à jour afin de rendre compte de la société et des valeurs canadiennes d’aujourd’hui. La Loi sur la radiodiffusion vise fondamentalement à promouvoir ces voix et à s’assurer qu’elles font partie du système. Il ne s’agit pas de limiter la parole. Ce serait ma réponse à votre question. Il existe dans la loi actuelle une disposition de longue date qui explique comment la loi doit être appliquée de manière à respecter l’indépendance créative et journalistique ainsi que la liberté d’expression.

La Chambre des communes a en fait apporté un changement à l’article 4 proposé, et je comprends qu’il s’agit d’une étude préalable et pas encore de l’étude réelle, mais elle a apporté un changement à l’article 4.2 afin qu’il soit tout à fait clair que les règlements évoqués par cet article soient faits d’une manière qui respecte la liberté d’expression. Le CRTC est lié par la Charte. La liberté d’expression est une chose qui est garantie par la Charte, et il y a eu beaucoup de balises dans le projet de loi pour veiller à ce que cette dernière soit appliquée de façon cohérente.

Le sénateur Quinn : Merci.

Lors de votre intervention précédente, vous avez dit qu’il s’agissait d’avoir le type de contenu que le gouvernement jugeait nécessaire. Quand j’ai entendu cela, j’ai pensé : « Mais voyons, où cela s’en va-t-il? Cela ressemble presque à l’émergence d’un rôle de censure par le gouvernement fédéral et, par la suite, par le CRTC. » Encore une fois, je vais revenir pour dire qu’en considérant votre réponse, je ne doute pas qu’il s’agisse de promouvoir le contenu canadien, mais cela rend le choix plus difficile pour les gens. Cela pourrait être interprété comme une atteinte à leurs droits.

M. Ripley : Merci, sénateur.

Ce que j’essayais de communiquer, c’est qu’en ce qui concerne YouTube, nous devons reconnaître qu’il y a de nombreux types de contenus différents sur la plateforme. Le débat a porté sur la question de savoir où se situe la limite en ce qui concerne un service comme YouTube. Donc, ce que je voulais dire, c’est que le gouvernement ne s’intéresse pas à l’ensemble du contenu de YouTube pour ce qui est de le considérer comme un contenu commercial aux fins de la Loi sur la radiodiffusion. Cependant, le gouvernement reconnaît en même temps que YouTube est un service de diffusion en continu que, selon certains rapports, plus des deux tiers des Canadiens utilisent pour écouter de la musique en continu, tout comme ils utiliseraient Spotify ou Apple Music. Par conséquent, il y a une question d’équité fondamentale quant à savoir pourquoi YouTube, par exemple, devrait obtenir un passe-droit lorsqu’il est utilisé de la même façon qu’un service comme Apple Music, Spotify ou QUB musique à l’extérieur du Québec.

Le sénateur Quinn : Merci.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : De mon côté, j’aimerais vous entendre répondre aux critiques de l’ancien président du CRTC, Konrad von Finckenstein. Parmi les recommandations qu’il a faites, il a mentionné notamment que le gouvernement embrasse trop large. Le CRTC ne pourra pas tout faire en même temps, et il a recommandé qu’on exclue les radiodiffuseurs en ligne et les producteurs de contenu qui ont des revenus de moins de 100 millions de dollars. Pourquoi ne pas commencer par les plus gros joueurs plutôt que d’essayer de tous les réglementer et de ne pas y arriver, parce que ce sera un défi énorme?

M. Ripley : Merci de la question, sénatrice. En effet, c’est une question qui m’a été posée à la Chambre des communes. Il est attendu qu’il faudra établir un seuil pour déterminer quelles sont les grandes plateformes qui sont assujetties à la loi.

Ma réponse aux députés a été qu’il est possible d’avoir aussi des services moins importants qui sont en mesure de faire une contribution très importante au système. Je pense aux radiodiffuseurs publics comme GEM et ICI.TOU.TV, qui gagnent 100 millions de dollars par année, mais CBC/Radio-Canada est bien placée pour contribuer au système. GEM et ICI.TOU.TV sont des entreprises en ligne comme Disney+ ou Netflix.

Il faut garder une certaine marge de manœuvre pour que le CRTC puisse déterminer quels sont les services qui sont bien placés pour contribuer.

La sénatrice Miville-Dechêne : Le président actuel du CRTC se plaint, parce qu’il demande comment on peut réglementer si on n’a pas le droit de fixer les modalités, comme on a le droit de le faire en ce moment pour les radiodiffuseurs. Vous vous attendez à ce qu’il y ait de la promotion de contenu canadien. On sait que vous ne voulez pas que l’on se serve d’algorithmes, mais le CRTC n’a pas le droit d’établir des modalités.

Je reprends un peu les critiques de mes collègues. Ne sommes-nous pas complètement dans le noir sur la façon dont tout cela va se faire, si on n’a aucune idée des modalités possibles et si le CRTC n’a pas le droit d’en établir?

M. Ripley : Il est certain que le gouvernement a pris certaines décisions sur les pouvoirs économiques que le CRTC devrait avoir dans ce nouveau monde numérique. On accorde certains pouvoirs, comme le pouvoir d’avoir une contribution financière; il y a des pouvoirs de découvrabilité, dont on vient de discuter; on accorde des pouvoirs pour obliger certains services en ligne à distribuer des chaînes canadiennes, comme Amazon Channels.

Comme vous l’avez souligné, on n’accorde pas au CRTC le pouvoir de réglementer la relation économique entre certains radiodiffuseurs en ligne et d’autres radiodiffuseurs, et ce, parce qu’il ne s’agit pas du même marché qu’on a au Canada présentement avec les entreprises — je ne connais pas le terme en français, mais on parle en anglais de vertically integrated, des entreprises à intégration verticale. Donc, en raison du fait qu’on a beaucoup plus d’entreprises qui vont participer au système de radiodiffusion canadien, vous avez raison de dire qu’on n’a pas donné ces mêmes pouvoirs à tous au CRTC.

La sénatrice Miville-Dechêne : Merci.

[Traduction]

Le président : Je vais amorcer la deuxième série de questions en posant une question très brève.

Un certain nombre d’intervenants ont mis en doute la véracité des 900 millions de dollars de revenus qui seront ajoutés sur le marché grâce à cette mesure législative; un certain nombre de personnes, y compris l’ancien président du CRTC et d’autres intervenants, ont remis en question les calculs qui ont été effectués. Il semble qu’à la Chambre, personne n’ait expliqué clairement la façon dont ce chiffre a été calculé.

M. Ripley : Merci, sénateur.

Ce chiffre est censé illustrer l’incidence potentielle du projet de loi sur le système. Pour établir cette méthodologie, nous avons utilisé le système actuel comme point de référence. Nous avons examiné les revenus des services de diffusion en continu en ligne qui sont offerts sur le marché canadien et leur croissance prévue au cours des prochaines années, et nous avons déterminé s’ils ressemblaient davantage à ce que nous considérons actuellement comme un radiodiffuseur qui est assujetti à une exigence de dépenses, ou s’ils ressemblaient davantage à un distributeur qui est assujetti à une contribution au fonds de production, par exemple. Cette méthodologie, dans le cas des radiodiffuseurs, suppose une exigence de dépenses de 30 %, ce qui correspond à ce à quoi nos groupes de grands propriétaires, comme Bell, Rogers ou Quebecor, sont assujettis dans certains cas, et une contribution de 5 % dans les autres cas. C’est ainsi que nous arrivons à ce chiffre. Le chiffre n’est pas gravé dans la pierre parce qu’il utilise le modèle actuel comme point de départ.

Nous reconnaissons que même les grands services de diffusion en continu diffèrent des radiodiffuseurs traditionnels qui diffusent des nouvelles, des sports et d’autres choses de ce genre. Le travail du CRTC consistera donc, dans le cas de Netflix, à déterminer ce qui est logique pour Netflix, à savoir s’il doit être soumis à une exigence de dépenses ou à une contribution au système.

[Français]

Le sénateur Cormier : J’aimerais revenir sur la question de la découvrabilité, qui fait l’objet de nombreuses critiques. En fait, ma question est assez simple. Pourquoi cela n’a-t-il pas été défini dans la loi? Si votre argument est que ce concept sera défini dans un règlement, pourquoi ne pas avoir établi certains paramètres dans la loi, comme le législateur l’a fait pour les émissions canadiennes? Cela permettrait de clarifier cette question.

M. Ripley : Je vous remercie de la question.

C’est parce que l’on s’attend à ce que la découvrabilité continue d’évoluer au fil des ans. Il est possible qu’il y ait des choses auxquelles nous ne nous attendons pas qui seront possibles à l’avenir.

Comme je l’ai déjà mentionné, il est possible que les contributions que les services peuvent faire en matière de découvrabilité ne soient pas nécessairement la même chose.

Il est possible, par exemple, que vous ayez un service vraiment bien placé pour faire des investissements dans la promotion et le marketing. Il est possible que vous ayez un autre service qui soit mieux placé pour avoir des publicités sur leur service, parce qu’ils sont aussi en train de gérer une entreprise de publicité. Il est aussi possible d’avoir certains changements aux services sur l’interface avec l’usager pour promouvoir certains titres canadiens. On l’a déjà vu avec les films canadiens, par exemple. L’idée était de garder tout cela sur la table pour donner la chance au CRTC de tenir ce dialogue avec les services et les intervenants sur la meilleure façon de promouvoir les histoires et la musique canadiennes sur ces services.

Le sénateur Cormier : Merci.

[Traduction]

La sénatrice Simons : Je ne veux pas insister sur ce point, monsieur Ripley, mais je tiens à revenir sur le paragraphe 4.2(2). Je crois que tout le monde comprend que s’il s’agit d’une grande maison de disques commerciale ou d’un film diffusé en continu sur YouTube, ils seront inclus dans la portée du projet de loi. Ce que je veux savoir, c’est ce qui advient des grands créateurs numériques. Comment pouvez-vous séparer les moutons des chèvres? Qu’est-ce qui est inclus dans la portée du projet de loi, et qu’est-ce qui ne l’est pas?

M. Ripley : Les trois facteurs sont conçus pour être...

La sénatrice Simons : Je comprends les trois facteurs, mais il n’y a pas de seuil. Il est simplement question de « revenus ». Le gouvernement a-t-il des directives en tête qu’il songe à communiquer au CRTC afin qu’il y ait un certain seuil de revenus? Je pense que c’est ce qui engendre une grande partie des malentendus et de l’appréhension à l’égard de ce projet de loi. Malgré tous les endroits dans le libellé où il est indiqué que le contenu généré par les utilisateurs n’est pas inclus, cette question des revenus semble être une manière détournée d’inclure des gens qui sont très inquiets de ce que cela signifiera en ce qui concerne leur modèle de production.

M. Ripley : La question est de savoir si le contenu est monétisé. Nous avons passé en revue ces trois facteurs. Il ne s’agit donc pas d’appliquer un facteur et d’exclure les deux autres. Selon notre point de vue, ce sont trois facteurs qui ont été conçus pour pointer vers les indicateurs de cet ensemble de contenu dont je vous ai parlé dans ma réponse précédente.

La question de la monétisation du contenu est l’un des éléments qui indiquent qu’il s’agit d’un contenu commercial, mais il faut aussi déterminer s’il s’agit d’un enregistrement sonore auquel est associé un code des enregistrements sonores reconnu à l’échelle internationale. En outre, s’agit-il d’un substitut? En d’autres termes, s’agit-il d’un enregistrement sonore ou d’un élément de contenu que vous trouverez sur un autre service? Ces trois facteurs avaient pour but de permettre au CRTC d’établir clairement le concept de contenu commercial.

Je vais demander à ma collègue, Mme Awad, si elle veut ajouter quelque chose à ce sujet, car c’est elle l’experte en la matière.

Amy Awad, directrice principale, Direction générale de la radiodiffusion, du droit d’auteur et du marché créatif, Affaires culturelles, Patrimoine canadien : Je dirais la même chose, mais j’ajouterais que le fait que le contenu rapporte des revenus peut être un moyen pour le CRTC d’intégrer dans sa réglementation des façons d’exclure les petits radiodiffuseurs — les petits radiodiffuseurs traditionnels — dont le contenu ne rapporte essentiellement pas beaucoup de revenus, même s’il est possible qu’il remplisse les autres critères. Il faut examiner ces trois facteurs ensemble et se rendre compte que le CRTC va les intégrer dans la réglementation. Voilà ce que j’allais dire. Vous ne pouvez pas ignorer ce deuxième critère; il est vraiment important.

La sénatrice Simons : J’ai l’impression que ce projet de loi suscite beaucoup d’anxiété. Comme l’a indiqué le sénateur Quinn, nos boîtes de réception sont remplies de milliers et de milliers de courriels envoyés par des personnes qui croient honnêtement qu’il s’agit d’une forme de censure. Je ne crois pas que ce soit le cas, mais le libellé du paragraphe 4.2(2) n’est toujours pas assez clair pour rassurer les Canadiens qui craignent que les petits producteurs de contenu qui le monétisent, parfois avec beaucoup de succès, sur YouTube soient assujettis à la loi.

M. Ripley : Merci, sénatrice.

La rédaction de cette disposition a été un défi. Je reviens au défi que j’ai décrit au début. Avec un service comme YouTube, le problème auquel nous faisons face, c’est que tout ce qui se trouve sur YouTube est téléversé par des utilisateurs, à l’exception de ce que YouTube y met lui-même. Nous nous réjouissons certainement que le Sénat réfléchisse à cette question. Comment peut-on exprimer clairement ce qui intéresse le gouvernement, à savoir la question de la substituabilité lorsque YouTube est utilisé de manière à remplacer un autre service commercial de diffusion en continu qui sera assujetti à la loi?

La sénatrice Wallin : Pour faire suite à l’argument que la sénatrice Simons a fait valoir à propos des préoccupations des gens, et au sujet desquelles vous ne nous rassurez pas beaucoup en ce moment, quel est le résultat? Vous pourriez faire un balado parrainé par votre groupe confessionnel local, comparativement à un balado qui vous est offert par Rogers ou Telus. Voilà pourquoi nous avons besoin de connaître les règlements avant de statuer sur la mesure législative. Ce n’est pas seulement pour éclairer les parlementaires; c’est pour tous ceux qui utilisent Internet, ce qui englobe pratiquement tous les Canadiens d’une manière ou d’une autre. Ils ont besoin de savoir ce qui est ou n’est pas sur le point de leur arriver. Existe-t-il un moyen d’obtenir une clarification de ces règlements, au lieu de se faire dire que le CRTC tiendra des audiences, établira des règlements et décidera ensuite de manière subjective si quelqu’un appartenant à cette catégorie est englobé, cerné, encerclé, entre autres choses, par la portée de la loi?

M. Ripley : Merci, sénatrice.

On parle souvent de cette disposition comme si elle régissait chaque contenu. Lorsque quelqu’un crée une vidéo et la téléverse sur YouTube, la question est alors de savoir si ce contenu est soumis à la réglementation. Jusqu’à ce que le CRTC crée cette réglementation, aucun contenu offert sur un service comme YouTube n’est inclus dans la portée de la loi. Il faut bien comprendre que l’article 4.2 ne s’applique que si le CRTC adopte effectivement la réglementation. Sinon, tout le contenu téléversé par des utilisateurs est exclu.

Nous demandons au CRTC de faire son travail d’expert en réglementation et de travailler avec l’industrie pour énoncer cela d’une manière constructive qui est sensée pour l’industrie. C’est dans cette réglementation que vous verrez une plus grande spécificité, que vous constaterez, par exemple, que nous visons ici des enregistrements sonores commerciaux ayant des caractéristiques de ce genre. Il appartiendra ensuite à un service comme YouTube d’appliquer la réglementation.

Le CRTC ne participe pas à l’évaluation de chaque contenu. Ce n’est pas ce qui se passe en ce moment. Le travail du CRTC consiste à dire concrètement aux services qui exploitent des médias sociaux quelles sont leurs obligations. Il incombe ensuite à un service comme YouTube de mettre cela en pratique et d’évaluer le contenu commercial offert sur sa plateforme qui est soumis à cette réglementation.

Le président : Il y a encore trois sénateurs sur la liste des intervenants pour la deuxième série de questions, et nous avons légèrement dépassé notre période d’une heure. De plus, un autre groupe d’experts important attend de témoigner. Cela dit, toutes les questions ont été très pertinentes. Je vais accorder une minute à chacun des sénateurs Klyne, Quinn et Dasko pour qu’ils puissent poser leurs questions. Monsieur Ripley, vous pourriez peut-être prendre trois ou quatre minutes à la fin de la période pour répondre aux questions de chacun des sénateurs qui restent, afin que nous puissions faire participer tout le monde.

Le sénateur Klyne : Le ministère se prépare à mettre la loi à jour ou à la moderniser pour que les diffuseurs en ligne contribuent de manière similaire et équitable par rapport aux radiodiffuseurs canadiens. À cet égard, les diffuseurs en ligne sont-ils ou seront-ils tenus de soutenir la culture canadienne dans la même mesure que les radiodiffuseurs canadiens, ni plus ni moins?

Le sénateur Quinn : On nous a dit plus tôt qu’apparemment, aucun autre pays ne tente de réglementer le contenu. Sommes-nous en fait des pionniers à cet égard? Ensuite, si nous essayons de réglementer le contenu, comment pouvons-nous nous assurer qu’il y a un équilibre au Canada? Je suis originaire des Maritimes. Comment puis-je m’assurer que le contenu régional est protégé tout comme le contenu de la scène internationale?

La sénatrice Dasko : Au tout début, vous avez mentionné quelque chose au sujet de la sécurité en ligne. Je voulais seulement obtenir une précision. Y a-t-il quelque chose dans le projet de loi qui m’a échappé qui concerne la sécurité en ligne, ou parliez-vous des mesures qu’entend prendre le gouvernement dans ce dossier? Je vous remercie.

M. Ripley : En ce qui concerne la question du sénateur Klyne, oui, dans l’alinéa f.1), en ce qui concerne les différentes normes, l’utilisation au maximum par rapport à ce qui s’appliquerait aux services non canadiens, le caractère équitable correspond précisément au point que vous avez soulevé sur le fait de s’assurer que, en fin de compte, la contribution de ces joueurs étrangers est équitable par rapport à celle des joueurs canadiens. Cela peut devoir prendre une forme différente, selon l’empreinte de ces joueurs sur le marché canadien, mais l’objectif est, effectivement, qu’ils soient tenus de contribuer de façon similaire au système.

Pour ce qui est de la deuxième question, concernant la modernisation du cadre de radiodiffusion, l’Union européenne dispose de la directive sur les services de médias audiovisuels, qui exige que les services de diffusion continue en ligne comme Netflix, par exemple, ou Disney+, contribuent aux objectifs en matière de politique culturelle. Au Canada, la question qui a été soulevée concerne les services de médias sociaux. À ma connaissance, ce que le Canada cherche à faire dans ce cadre est nouveau. Je tiens à souligner que cette démarche est principalement motivée par l’équité. Nous ne devons pas oublier qu’un service comme YouTube a différentes caractéristiques, et je reviens sur le fait que l’on considère que la moitié du contenu du service est du contenu commercial. Cela garantit qu’ils sont traités de manière équitable.

Quant à la question de savoir comment s’assurer que le contenu est traité équitablement dans le contexte canadien, c’est plus complexe. Étant donné que la définition de contenu canadien ou d’émission canadienne sera renouvelée et que des questions relatives à l’expression culturelle devront être examinées, il y a là une occasion de s’assurer que toute la diversité des populations régionales du Canada est prise en compte.

En ce qui concerne la dernière question sur les observations que j’ai faites dans ma déclaration préliminaire, rien dans ce projet de loi ne porte sur la sécurité en ligne. J’ai dit que ce projet de loi faisait partie d’un programme législatif plus vaste et qu’un projet de loi sur la sécurité en ligne était prévu.

Le président : Je remercie M. Ripley et les fonctionnaires de Patrimoine canadien. Je m’excuse de vous avoir fait travailler plus longtemps ce soir, mais mes collègues ont posé de nombreuses questions intéressantes. Nous vous remercions d’être venus témoigner et d’avoir répondu à nos questions et de l’avoir fait à un si court préavis.

[Français]

Honorables sénateurs, nous reprenons maintenant notre étude préalable du projet de loi C-11.

Pour notre deuxième groupe de témoins, nous avons le plaisir d’accueillir des représentants du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC). Nous accueillons, par vidéoconférence, Ian Scott, président et dirigeant principal, Scott Hutton, dirigeant principal de la consommation, de la recherche et des communications, Sheehan Carter, directeur général, Politique stratégique, et Rachelle Frenette, avocate générale et sous-directrice exécutive.

[Traduction]

Bienvenue. Merci de vous joindre à nous ce soir. Six à sept minutes sont prévues pour la déclaration préliminaire des témoins, puis nous passerons aux questions de mes collègues. Monsieur Scott, la parole est à vous. Merci de comparaître devant nous ce soir.

Ian Scott, président et dirigeant principal, Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes : Bonsoir, sénateurs. Merci, monsieur le président.

Je dirai simplement pour commencer que, même si nous ne sommes pas toujours d’accord avec les ministères, je pense que je devrais trouver un emploi à M. Ripley au sein du CRTC. Il a si bien répondu aux questions sur ce que le conseil pourrait faire ou ce à quoi il pourrait faire face dans certains dossiers.

[Français]

Je vous remercie, monsieur le président, de nous avoir invités à nous présenter devant votre comité ce soir. Nous sommes heureux de pouvoir discuter avec vous de la nécessité du projet de loi C-11.

Honorables sénateurs, la modernisation de la Loi sur la radiodiffusion au Canada se fait attendre depuis longtemps. Créée au début des années 1990, cette loi est un produit de son temps. Elle a rempli son objectif pendant de nombreuses années, mais on n’avait pas prévu les changements technologiques et sociétaux qui sont survenus depuis sa création. La nouvelle législation doit tenir compte du fait que les contenus audio et audiovisuels sont de plus en plus distribués et consommés sur Internet. Il faut créer un cadre qui permettra aux acteurs du secteur de réussir dans ce nouveau contexte et aux Canadiens d’exploiter ses possibilités.

Le projet de loi C-11 propose de nouveaux outils qui pourraient faire en sorte que les histoires et la musique canadiennes puissent être appréciées par les auditoires du Canada et du monde entier. De plus, il permettrait au CRTC de réagir plus rapidement que jamais aux conditions changeantes du marché.

À notre avis, le projet de loi C-11 a trois effets importants.

Premièrement, il s’appuie sur la Loi sur la radiodiffusion existante pour clarifier la compétence du CRTC en ce qui concerne les diffuseurs en ligne. Il donne au CRTC de nouveaux pouvoirs réglementaires en vue de traiter les services de diffusion en ligne, y compris les services non canadiens. Ces pouvoirs comprennent la capacité d’obtenir des données auprès des diffuseurs en ligne.

Deuxièmement, il favorise une approche souple à la réglementation. L’actuelle Loi sur la radiodiffusion ne précise pas comment les acteurs traditionnels du système canadien de radiodiffusion doivent contribuer aux objectifs stratégiques de la loi. Le CRTC détient le pouvoir discrétionnaire à cet égard. Le projet de loi C-11 nous permettrait de prendre des décisions semblables en ce qui concerne les radiodiffuseurs en ligne et de mettre en place des cadres réglementaires en vue de soutenir ces objectifs.

Enfin, il propose de moderniser les pouvoirs d’exécution du CRTC.

Bien que la Loi sur les télécommunications nous permette d’imposer des sanctions administratives pécuniaires en cas de non-conformité, aucune disposition de ce type n’existe dans la Loi sur la radiodiffusion.

[Traduction]

Honorables sénateurs, j’ajouterais que le projet de loi C-11 ne fait pas l’unanimité. Toutefois, ce qui échappe à nombre de ceux qui s’y opposent, c’est qu’il s’attaque aux pressions inhérentes dans notre système de radiodiffusion aujourd’hui. Le projet de loi permettra la création d’un nouveau cadre réglementaire pour l’industrie de radiodiffusion qui tiendra compte de ces pressions et qui, surtout, permettra au système de mieux atteindre les objectifs de politique publique. Plus d’histoires canadiennes pourront donc être racontées. Cela signifie plus de succès à l’étranger pour les productions et les artistes canadiens et plus de choix pour les consommateurs.

Il y a une idée fausse sur ce projet de loi dont j’aimerais parler. Certains ont laissé entendre — et vous venez d’en parler — que le projet de loi C-11 donnerait au CRTC le pouvoir de réglementer le contenu généré par les utilisateurs en ligne. Nous avons un point de vue différent. Le projet de loi établit une distinction claire entre les utilisateurs des médias sociaux et les plateformes elles-mêmes. Les pouvoirs accordés au CRTC dans le cadre de la loi proposée nous obligeraient, par exemple, à garantir que les plateformes de médias sociaux soutiennent la création d’émissions canadiennes et qu’elles rendent le contenu découvrable et accessible aux personnes en situation de handicap. Ces pouvoirs ne s’étendent toutefois pas à la réglementation des utilisateurs individuels.

Ceci dit, le projet de loi n’est pas parfait. Je ne sais pas si j’ai déjà vu, ou si les membres du Sénat ont déjà vu, une telle chose. Sauf tout le respect que je dois aux rédacteurs du projet de loi, nous avons quelques préoccupations en tant que représentants d’un tribunal administratif qui sera responsable de mettre en œuvre le projet de loi. En effet, il pourrait y avoir des conséquences inattendues. Si vous me le permettez, j’aimerais attirer votre attention sur trois questions en particulier.

La première concerne les communautés minoritaires de langue française et de langue anglaise. Le projet de loi exigerait du CRTC, quand il prend des décisions qui pourraient nuire à ces groupes, de leur accorder des droits procéduraux particuliers qui ne sont pas offerts à d’autres parties. Au CRTC, nous avons toujours travaillé très fort et très étroitement avec ces communautés. Cependant, nous avons toujours été d’avis qu’aucune partie n’est plus importante qu’une autre quand nous menons nos activités. Le CRTC est un tribunal quasi judiciaire. Les étapes supplémentaires décrites dans cet article en question du projet de loi C-11 vont à l’encontre de 50 ans de précédents et de principes juridiques bien établis, et nous recommandons donc au comité de supprimer cette disposition.

Notre deuxième préoccupation est que nous avons noté des écarts entre nos pouvoirs de prise en charge de certaines situations dans le système traditionnel et ceux de prise en charge de situations semblables dans l’environnement numérique. Par exemple, le CRTC contribue actuellement à la résolution d’une variété de différends par ses services de médiation ou d’arbitrage. En vertu du projet de loi C-11, nous n’aurions pas la même capacité d’appuyer le secteur dans ses négociations et de remédier aux déséquilibres du pouvoir de négociation. Il serait beaucoup plus difficile de résoudre les plaintes rapidement et efficacement.

De plus, le projet de loi C-11 donnerait au CRTC la capacité d’exiger que les services de radiodiffusion en ligne offrent des services de programmation canadiens, mais contrairement à nos pouvoirs actuels, nous ne pourrions pas fixer les modalités. Cette disposition de la Loi sur la radiodiffusion nous a bien servi et a bien servi le système dans son ensemble, comme en témoignent notamment les chaînes APTN et AMI-tv. À notre avis, les services de programmation qui sont en mesure d’avoir accès à des plateformes de diffusion en continu en ligne devraient être assurés de pouvoir le faire dans des conditions justes et équitables.

La bonne nouvelle, c’est que les solutions consistent à apporter des amendements simples. Nous serions ravis de fournir d’autres renseignements au comité s’il le souhaite.

La dernière préoccupation que j’aimerais soulever concerne, encore une fois, le risque qu’il y ait des conséquences inattendues. Afin d’essayer de favoriser la transparence, la loi exigerait de la part du conseil qu’il consulte les Canadiens et révise ses règlements et ses ordonnances tous les sept ans. L’idée, comme je l’ai dit, c’est de rendre notre organisation plus responsable. Nous sommes tout à fait favorables à la notion de responsabilité, mais j’aimerais souligner que tout notre travail se fait au vu et au su du public et en tenant compte avant tout de l’intérêt public et de l’intérêt collectif. Des mécanismes sont en place pour garantir des examens réguliers de nos cadres réglementaires pour veiller à ce qu’ils demeurent pertinents. Si nous étions tenus de faire un examen tous les sept ans, cela nous obligerait à consulter les Canadiens... Eh bien, je vais vous donner un exemple. Au cours des sept dernières années, nous avons publié 1 400 décisions et renouvelé près de 1 000 licences. Tous ces éléments seraient soumis à un examen en vertu de cette disposition particulière. Revoir chacune de ces décisions serait une mauvaise utilisation de l’énergie, du temps et des ressources, et je ne pense pas que ce soit nécessaire sous cette forme. Si une telle orientation stratégique était nécessaire, le projet de loi C-11 pourrait être modifié pour donner au gouvernement le pouvoir d’obliger le CRTC à revoir à sa guise des politiques réglementaires précises. Toutefois, dans sa forme actuelle, je pense que la disposition est problématique, voire impossible à mettre en œuvre.

[Français]

Honorables sénateurs, je vous remercie encore une fois de m’avoir donné l’occasion de m’adresser à vous aujourd’hui. Permettez-moi de conclure en réitérant que nous sommes largement favorables à l’adoption du projet de loi C-11 et aux changements qu’il propose pour moderniser le système de radiodiffusion du Canada. Mes collègues et moi serons heureux de répondre à vos questions.

[Traduction]

Le sénateur Dawson : Monsieur Scott, je voudrais vous demander des précisions concernant des observations que vous avez faites il y a quelques semaines au sujet de l’article 4.2 proposé, qui donnerait au CRTC le pouvoir de réglementer le contenu généré par les utilisateurs. Qu’entendiez-vous par « réglementer » à ce moment-là? Le CRTC a-t-il déjà réglementé le service de radiodiffusion proprement dit, c’est-à-dire ce qui est vu ou dit, plutôt que la simple distribution? Le CRTC contrôlerait-il ce que les Canadiens voient et entendent en ligne ou censurerait-il les opinions inacceptables? Pourriez-vous nous en parler?

M. Scott : Je vous remercie beaucoup de la question, sénateur.

La réponse simple est, bien sûr, non, et c’est un non catégorique. Nous ne disons pas, et nous n’avons pas essayé et n’essaierons pas de dire — je ne sais pas combien de formules je pourrais mettre à la forme négative — aux Canadiens ce qu’ils doivent regarder. L’idée et le cadre réglementaire que le conseil a mis en place, ainsi que tout nouveau cadre qui sera élaboré, visent à atteindre les objectifs de la loi. Pour le dire de façon très claire et simple, nous voulons nous assurer que les histoires canadiennes continuent d’être racontées, publiées, produites, distribuées et trouvées par les Canadiens. Il ne s’agit en aucun cas d’essayer de dicter ce qui est vu.

Le sénateur Dawson : Je voulais juste le préciser, car il en a été question à quelques reprises, et j’estimais que des précisions étaient nécessaires.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Je m’intéresse, comme plusieurs personnes ici, à la découvrabilité, ce que l’on appelle aussi la mise en valeur. J’aimerais que vous m’aidiez concrètement à comprendre cette question. Si vous n’utilisez pas les algorithmes, comment allez-vous faire pour convaincre les YouTube de ce monde de faire découvrir, par exemple, le contenu francophone?

Je vais être encore plus claire. Sur les plateformes comme Spotify, on a entendu une spécialiste québécoise nous dire qu’il n’y a pas de problème et qu’il y a des chansons francophones. Le problème n’est pas là; c’est plutôt qu’elles ne sont pas recommandées. Vous entrez là dans des détails extrêmement complexes de plateformes qui, effectivement, ne recommandent assurément pas beaucoup de contenu francophone. Comment allez-vous faire? Je veux une réponse concrète. Je ne veux pas que vous me disiez qu’on verra plus tard.

M. Scott : Merci pour la question. C’est un grand défi et la question est tout aussi complexe.

[Traduction]

Vous voulez des renseignements précis. Il est toujours dangereux ou difficile pour un organisme de réglementation de dire ce qu’il fera à l’avenir, et je dois donc commencer ma réponse par cette mise en garde.

Nous tiendrons des audiences; nous allons émettre des avis; nous allons recueillir des données. Tous les Canadiens, les intervenants de toutes sortes, auront l’occasion de nous faire part de leurs meilleurs conseils, et nous rendrons ensuite des décisions qui sont dans l’intérêt public.

La sénatrice Miville-Dechêne : Mais vous devez avoir une idée de la façon dont cela peut se faire, n’est-ce pas?

M. Scott : Je comprends la question. Je n’essaie pas de l’éviter. Je voulais juste préciser que nous ne voulons pas nous limiter en affirmant ce que nous allons faire, car nous devons étoffer le dossier et nous appuyer sur les renseignements recueillis. Je comprends toutefois bien votre question, qui est très importante.

Vous savez peut-être que le gouvernement nous a demandé de produire un rapport il y a presque quatre ans. Nous avons présenté un rapport intitulé Emboîter le pas au changement. Nous y avons énuméré certains des problèmes auxquels s’attaque maintenant le projet de loi. Nous avons notamment parlé du recours à des mesures incitatives et de la nécessité de tenir compte des différents secteurs d’activités et des changements rapides qui s’opèrent.

Nous pouvons décrire une bonne partie de cela en disant que nous mettons l’accent sur les résultats. Vous avez mentionné à juste titre que le résultat escompté est de permettre aux Canadiens de trouver de la musique ou des histoires du Canada. L’industrie aura plusieurs façons de s’y prendre. Je vais vous donner des exemples simples. Plutôt que de dire — et la loi empêche de le faire — que nous allons changer les algorithmes, comme de nombreux pays européens l’envisagent, nous allons préciser ce que nous voulons : que les Canadiens puissent trouver de la musique canadienne. Quelle est la meilleure façon d’y parvenir? Comment va-t-on procéder? Je ne veux pas manipuler les algorithmes. Je veux plutôt que les fournisseurs le fassent pour obtenir un résultat donné. Nous pourrons alors tenir des audiences pour cerner les meilleures façons de procéder, et nous allons les examiner.

[Français]

J’espère que c’est assez concret.

La sénatrice Miville-Dechêne : Pas vraiment, mais je pense que je vais m’en contenter.

Est-ce que l’idée de recommander des contenus et non juste de les rendre disponibles est intéressante, à votre avis?

M. Scott : Oui, et cela existe aujourd’hui.

[Traduction]

Soyons clairs : YouTube met en lumière du contenu canadien, tout comme Spotify et Netflix. Ils ont des outils qui permettent aux gens de demander de la musique canadienne ou un artiste canadien. Ils peuvent faire mieux. La question est simple : quelles autres mesures peuvent être prises? Il ne suffit pas de rendre ce contenu visible ou de le promouvoir, comme vous venez tout juste de le dire.

La sénatrice Miville-Dechêne : En effet.

M. Scott : Il existe toutes sortes de mécanismes pour assurer ce que nous appelons la découvrabilité. Pour moi, il s’agit de permettre aux Canadiens de trouver des histoires et de la musique du Canada. Il ne suffit pas d’en dresser la liste. Vous avez raison. On peut aussi recourir à un certain nombre de mécanismes, comme la publicité et la sensibilisation, et nous allons les examiner.

Le président : Merci, monsieur Scott.

M. Scott : Je tenterai d’être plus bref, monsieur le président.

Le sénateur Manning : Compte tenu du nombre de créateurs et du volume de contenu créé sur ces plateformes, comment le CRTC traitera-t-il les exigences de certification du contenu? De quelle quantité de ressources auriez-vous besoin pour certifier des éléments de contenu téléversés par, vraisemblablement, des centaines de milliers de créateurs canadiens?

M. Scott : Comme l’a expliqué plus tôt M. Ripley, nous n’allons pas le faire. Nous n’allons examiner aucun élément de contenu. Nous allons collaborer avec les plateformes, et nous allons établir un cadre réglementaire qui comprendra des lignes directrices et des objectifs pour les plateformes, et c’est ce qu’elles feront. M. Ripley a décrit comment YouTube, par exemple, identifie le titulaire du droit d’auteur et s’assure qu’il est au courant du contenu téléversé. Nous aurions un ensemble de règles, et les plateformes devront les respecter, qu’il s’agisse de YouTube, Spotify ou CBC.

Le sénateur Manning : Ce que je retiens de la discussion, c’est essentiellement que nous cherchons à obliger les plateformes de diffusion continue en ligne au Canada à promouvoir la musique et les histoires canadiennes d’une manière juste et équitable. Comment le CRTC envisage-t-il de mesurer cela? Avec quels critères allez-vous le mesurer? Y a-t-il des changements au projet de loi C-11 qui pourraient vous donner d’autres possibilités à cette fin? Comment pouvez-vous déterminer si les plateformes de diffusion continue respectent ce que vous leur demandez de faire?

M. Scott : Cela dépend des mesures dont nous parlons. À l’avenir, et c’est assujetti à une audience publique exhaustive, il pourrait y avoir des exigences de contribution. De toute évidence, c’est mesurable, vérifiable et traçable.

Si j’ai bien compris votre question plus générale, vous voulez savoir quelle est la meilleure façon ou une meilleure façon d’atteindre les objectifs de la loi pour qu’un grand nombre d’histoires canadiennes soient proposées. La réponse: il faut appuyer les différents mécanismes. La musique canadienne est couronnée de succès grâce à un certain nombre d’éléments du cadre réglementaire qui rendent possibles les investissements dans les artistes canadiens. Ces investissements vont se poursuivre, et je m’attends à ce que les artistes et la musique du Canada prolifèrent à l’avenir, comme cela a été le cas dans le passé. De plus, le Conseil, le cadre et les intervenants de l’industrie doivent apporter une meilleure contribution et faire mieux.

[Français]

Le sénateur Cormier : Bienvenue, monsieur Scott. Je dois vous faire part, avec tout le respect que je vous dois, de ma profonde inquiétude face à la recommandation que vous faites de supprimer l’article 5.2 du projet de loi C-11, qui parle des consultations avec les communautés minoritaires de langue française et anglaise, étant donné que l’on sait que, depuis des années, les défis liés à la consultation entre ces communautés et le CRTC sont bien présents. Je ne vais pas faire référence à la Loi sur les langues officielles, parce que c’est un autre débat. Vous parlez de 50 ans de précédents et de principes juridiques bien établis qui font en sorte que vous croyez qu’on n’a pas besoin de cette disposition. Pouvez-vous nous donner des exemples concrets de précédents et de principes juridiques qui vous amènent à faire cette recommandation?

M. Scott : Oui, merci beaucoup. Je vais demander à mes collègues de répondre, soit Mme Frenette sur le dernier point, puis M. Hutton.

Rachelle Frenette, avocate générale et sous-directrice exécutive, Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes : Merci pour la question. En ce qui concerne la consultation qui est prévue à l’article 5.2 du projet de loi, l’obligation soulève deux enjeux juridiques importants. Premièrement, elle mine l’équité procédurale pour les autres participants de nos processus. Ce sont des groupes tout aussi importants dans la prise de décision du CRTC, comme les groupes autochtones, les groupes militants pour une meilleure diversité et pour l’inclusion dans le système de radiodiffusion. Il ne faut pas non plus oublier les personnes sur lesquelles une décision du conseil a un impact direct, c’est-à-dire ceux et celles qui se verront imposer des obligations réglementaires précises.

En autorisant une troisième série de consultations auprès des CLOSM, et ce, après que le dossier public d’une instance est fermé, on accorde des droits procéduraux à ces groupes qui ne sont nullement accordés ailleurs.

Cela figure dans le libellé de l’article 5.2. En permettant à ces groupes d’avoir accès à des décisions qui ne sont pas encore finalisées, la disposition permet aux CLOSM d’avoir un droit de regard sur des projets de décision, ce qui viole le secret du délibéré. C’est un principe fondamental à la prise de décision d’un tribunal administratif.

Le sénateur Cormier : Cela va nous permettre d’approfondir la question. Nous savons qu’actuellement le CRTC mène des processus d’audiences publiques, notamment lors de l’attribution de licences. Or, l’article 9.1 du projet de loi indique que les ordonnances imposant des conditions pour l’exploitation des entreprises de radiodiffusion ne seront pas soumises à un processus d’audiences publiques avant leur émission, mais feront plutôt l’objet d’une publication sur le site Web du conseil, et que les intéressés pourront présenter leurs observations.

Or, nous savons aussi qu’avec le projet de loi C-11, on a l’intention de remplacer le pouvoir du conseil d’imposer des dispositions attachées à une licence par celui de rendre des ordonnances imposant des conditions d’exploitation aux entreprises de radiodiffusion.

Parlez-nous de ces audiences. Quels sont les avantages et les inconvénients de cette procédure? L’approche visant à publier les ordonnances sur votre site Web et à recevoir des observations est-elle complète, à votre avis? Ne serait-il pas souhaitable de mener un processus d’audiences? Sinon, pourquoi?

Scott Hutton, dirigeant principal de la consommation, de la recherche et des communications, Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes : Bien qu’il y ait diverses dispositions liées aux questions de licences et de procédures sur le plan des audiences publiques, nous avons bien l’intention d’utiliser les mêmes fondements procéduraux que nous avons toujours utilisés, et ce, selon la portée du règlement, la portée de la condition attachée à licence ou la portée des conditions qu’on peut imposer par ordonnance. Il faut naturellement tenir des audiences là où il le faut.

Le sénateur Cormier : D’accord. Merci beaucoup.

[Traduction]

Le sénateur Klyne : J’ai trois brèves questions pour l’un ou l’autre des témoins. Je suis certain que M. Scott pourra les aiguiller.

On a mentionné plus tôt la contribution de 900 millions de dollars au marché. Si cette somme est obtenue progressivement de la part des diffuseurs en ligne, est-ce que ce sera sur le dos des gens qui regardent ou des abonnés qui devront payer plus? À quoi serviront les revenus ou les contributions? Ce sont deux de mes questions, et j’espère que je pourrai en poser une troisième.

M. Scott : Comme l’a expliqué M. Ripley, il y avait un moyen de cerner certaines des contributions potentielles. Tout d’abord, nous devons être en mesure de recueillir des données et de déterminer qui sont les intervenants ainsi que leurs types de revenus et leurs secteurs d’activités. Ensuite, dans le contexte d’une audience publique ouverte et transparente, nous devons discuter des cadres de contributions. Dans quelle mesure doivent-ils contribuer et à quoi? Qu’est-ce qui permettrait d’atteindre les objectifs de la loi? À quoi ressemblerait une entente équitable entre les détenteurs de licence actuels et les nouveaux membres du club, si je puis dire? On peut ne pas vouloir en faire partie, mais tant pis. Le volume et l’objectif de ces contributions feront l’objet d’une audience publique. Nous devons tenir compte des différents secteurs d’activités et des différents moyens pour les intervenants de contribuer au système.

Le sénateur Klyne : Ce que je crains, c’est que les actionnaires ne remettent pas l’argent, ce qui signifie que les personnes qui regardent ou les abonnés devront payer.

Dans votre déclaration liminaire, vous avez parlé des chaînes APTM et AMI-tv, et je vais ajouter MétéoMédia. Je crois qu’aucun de ces réseaux de radiodiffusion n’est visé. Maintenant que vous vous apprêtez à modifier la loi, feriez-vous quelque chose pour que de l’argent ou une contribution soit versé à ces réseaux? Sans revenu, ils sont perdants au fil des ans.

M. Scott : Soyons clairs : ces réseaux sont visés. Ils sont assujettis à une disposition de la loi actuelle, l’alinéa 9(1)h), en vertu duquel le Conseil peut exiger la fourniture de services et également établir les tarifs de ces services. Plutôt que nous en remettre à des négociations commerciales, dans ces circonstances spéciales, nous déterminons ce qu’ils payent pour assurer leur viabilité économique. Une fois de plus, c’est fait dans le cadre d’une audience publique et transparente. C’est encore ainsi. La question est plutôt de savoir comment nous allons gérer cela à l’avenir pour ce qui est des plateformes en ligne, car nous pouvons leur demander de s’exécuter, mais ne pouvons pas établir les conditions.

Le sénateur Klyne : Je suppose que ce serait le moment de le faire alors que vous modifiez la loi. Merci.

La sénatrice Wallin : Je pense que nous devrons revoir une autre fois la question du contenu généré par les utilisateurs. Je sais que le ministre, d’autres responsables et vous-même insistez pour dire que vous ne réglementez pas ce contenu, mais je pense qu’il faut décortiquer un peu les mots. Vous allez réglementer les plateformes, qui imposeront ensuite vos décisions et vos directives, comme vous l’avez dit. Vous n’allez pas manipuler les algorithmes; vous obligerez plutôt les plateformes à le faire. C’est une réglementation sous un autre nom. Que ce soit fait directement et explicitement ou indirectement, vous allez réglementer le contenu.

M. Scott : Merci, madame la sénatrice. Je suis ravi de vous voir. Nous avons siégé ensemble à un conseil il y a longtemps.

La sénatrice Wallin : En effet.

M. Scott : Je ne suis pas certain de vous avoir revue depuis.

Par où commencer? Je pourrais demander à mon conseiller juridique, mais je pense que vous avez déjà entendu parler des contraintes rigoureuses auxquelles le Conseil doit se plier. Je prends acte de votre remarque, et le sens du verbe « réglementer », comme vous l’employez, est très vaste. Nous sommes tous les jours assujettis à toutes sortes de règles.

Ce que j’essaie de dire — et ce que vous avez dit à propos de l’algorithme procure un bon exemple —, c’est que nous n’avons pas à fouiller, si je puis dire, dans l’algorithme d’une entreprise pour le manipuler, comme on le fait dans un certain nombre de pays. En fait, la loi nous empêche de le faire. Ce à quoi je faisais allusion, c’est que le règlement dans ce cas-ci repose sur ce que nous essayons d’accomplir. Quel est le résultat escompté? Nous établissons ensuite un cadre pour encourager ces fournisseurs à obtenir ce résultat. Nous ne disons pas au réseau CTV ce qu’il doit produire, mais nous lui disons d’investir une certaine somme d’argent dans une programmation canadienne, ou nous disons aux câblodistributeurs de fournir une somme d’argent donnée au Fonds des médias du Canada. C’est le genre de réglementation dont il est question, une réglementation plus générale qui ne touche pas du tout les utilisateurs ni le téléversement de contenu général par eux. J’espère que c’est plus clair.

La sénatrice Wallin : Il est difficile de concevoir que vous pouvez réglementer une plateforme sans réglementer ce qui s’y trouve, car c’est un peu du pareil au même.

Permettez-moi de poser une question sur les délais imposés aux plateformes qui ne connaissent pas les règles. Vous êtes censé trancher la question depuis, encore une fois, je ne sais pas combien de temps. Entre autres choses, je pense qu’on a peur que ces plateformes se disent que cela ne vaut peut-être pas la peine. Elles devront investir des sommes considérables, et elles n’auront peut-être pas la certitude, au bout du compte, de pouvoir faire ce qu’elles font maintenant. Elles vont donc peut-être tout simplement quitter le Canada. Par ailleurs, elles continueront peut-être de pécher par excès de prudence pour ce qui est de la mise en œuvre de vos propositions, ce qui a tendance à punir les petits joueurs, pas les grands.

M. Scott : J’ai peut-être plus confiance dans la capacité du marché canadien et des consommateurs canadiens que ne le laisse entendre cette déclaration. Je ne pense pas que quiconque quittera le Canada, et je ne pense pas qu’il y aura quoi que ce soit dans un futur cadre réglementaire qui les fera partir. Netflix, pour citer l’entreprise en exemple, ou Amazon Prime — je pourrais citer d’autres entreprises, tant canadiennes que non canadiennes — génère des revenus importants. Ces entreprises apportent également d’importantes contributions au Canada en matière d’émissions, d’investissements dans la production et la postproduction, etc. Elles font des investissements. Elles contribuent déjà. Il s’agit maintenant de déterminer ce que serait une contribution équitable pour Netflix par rapport à Québecor ou à Bell, par exemple. Comment ces entreprises peuvent-elles contribuer de manière équitable pour mieux atteindre les objectifs de la loi? Je crois que nous pouvons déterminer cela. Encore une fois, ce sera dans le contexte d’un processus ouvert, transparent et public.

Le président : Monsieur Scott, je regarde ce projet de loi et la Loi sur la radiodiffusion, qui n’a pas été modifiée depuis de nombreuses années, et j’ai l’impression — corrigez-moi si je me trompe — que nous essayons de mettre les plateformes médiatiques traditionnelles dans une situation où elles sont en concurrence avec les plateformes modernes. On se retrouve donc dans une situation où on doit tenir compte de quelques anciens dinosaures lorsqu’il s’agit du public canadien. Je fais aussi confiance au marché canadien, mais il s’éloigne des plateformes médiatiques traditionnelles pour adopter les nouvelles technologies et les nouvelles plateformes. On assiste actuellement à une course entre les anciens dinosaures plus lents et les chevaux de course modernes et rapides. J’ai l’impression — et de nombreux intervenants ont la même impression — que nous tentons de réglementer un concurrent qui a déjà quitté l’écurie, et que nous serons entraînés sans vraiment tenter d’obtenir un résultat que nous pourrions souhaiter ou que le gouvernement ou les parlementaires pourraient souhaiter. Êtes-vous d’accord avec l’affirmation selon laquelle nous devons nous adapter aux plateformes modernes et ne pas forcer ces plateformes à s’adapter à une façon archaïque d’essayer de protéger la culture canadienne?

M. Scott : Vous avez dit plusieurs choses, et j’ai donc de la difficulté à dire si je suis d’accord ou non. Permettez-moi de m’expliquer un peu plus en détail.

Je ne suis pas d’accord avec la caractérisation de l’industrie canadienne comme étant composée d’anciens dinosaures. Je pense que ces entreprises remplissent leurs conditions de licence. Elles contribuent de manière très importante à la réalisation des objectifs de la loi.

Vous avez tout à fait raison, cependant, lorsque vous dîtes que le monde a changé. C’était d’ailleurs le thème principal de notre rapport intitulé Emboîter le pas au changement. Les consommateurs sont à l’origine de ce changement, ainsi que la technologie, et nous avons donc besoin d’une loi qui nous donne la souplesse nécessaire pour tenir compte de tous ces intervenants et les traiter de manière équitable. À l’heure actuelle, une partie de l’industrie est assujettie à ce que vous avez appelé des règles archaïques, et l’autre partie n’est pratiquement pas touchée par ces règles. C’est cela qui doit changer. Nous avons besoin d’un changement. La loi offre la souplesse nécessaire, et je pense qu’on devrait faire davantage confiance au CRTC à titre d’organisme d’expérience en matière de réglementation qui pourrait, comme vous l’avez dit, trouver une façon d’organiser la course pour éviter que des dinosaures doivent se mesurer à de jeunes chevaux de course.

Le président : Je vous remercie.

La sénatrice Dasko : Je vous remercie, monsieur Scott, d’être ici avec vos collègues.

Je sais que nous avons déjà abordé la question du contenu canadien, mais j’aimerais l’approfondir. Je me penche sur la notion des conditions équitables pour tous, ainsi que sur les exigences actuelles en matière de contenu canadien pour les radiodiffuseurs canadiens dans le système et sur la façon dont tout cela fonctionnera, et aussi sur la façon de mesurer le contenu canadien. Est-il juste de dire qu’il est probable que les règlements actuels visant les radiodiffuseurs canadiens seront modifiés pour tenir compte de votre principe qui préconise des conditions équitables pour tous? Est-il probable que ces exigences changent et que la façon de mesurer le contenu canadien change aussi?

M. Scott : Permettez-moi de légèrement reformuler cela. Devrons-nous redéfinir et réexaminer la définition du contenu canadien, tant pour les émissions audio que pour les émissions audiovisuelles? La réponse est oui.

La sénatrice Dasko : D’accord, et ces règlements visant les radiodiffuseurs actuels seront probablement moins coûteux, par exemple. Ils ne vont pas augmenter; ils vont probablement même diminuer. Mais vous le savez manifestement, puisque vous êtes président du CRTC.

M. Scott : J’espère ne pas avoir mal compris, mais je pense que nous confondons deux questions légèrement différentes. L’une concerne la définition du mot « contenu », et cela sert à plusieurs fins. On pourrait dire qu’il faut produire un nombre donné d’heures de contenu canadien ou qu’il faut dépenser un certain montant d’argent, auquel cas la définition de « contenu canadien » est très importante pour déterminer s’il est admissible ou non.

L’autre chose que j’ai comprise de la question, c’est qu’il faut savoir si une partie va contribuer davantage et si les intervenants existants contribueront moins. La réponse, c’est qu’il faudra déterminer cela. Cependant, l’équité est importante, car à l’heure actuelle, les obligations sont asymétriques, et nous devons trouver un équilibre juste et équitable.

La sénatrice Dasko : Pour revenir à ce que vous avez dit au début et à ce que j’ai demandé, il est probable que les exigences relatives au contenu canadien pour les organismes de réglementation existants seront modifiées et qu’elles seront probablement plus souples ou moins strictes ou autre chose.

M. Scott : Je ne vais pas tenter de prédire le résultat. Comme je l’ai mentionné au début, à titre de tribunal quasi judiciaire, ce ne serait pas approprié. Toutefois, vous avez raison de dire que ce sera l’une des premières questions à être examinées, et je veux qu’il soit clair que nous parlons des définitions du contenu canadien, par exemple le système à 10 points pour le contenu audiovisuel ou le système MAPL pour le contenu audio.

La sénatrice Dasko : Oui, mais ma question portait à la fois sur la mesure et les exigences relatives à un certain pourcentage des revenus et sur les exigences en matière de diffusion, etc. C’est ce qui sera modifié.

M. Scott : Oui, je crois que c’est cela.

La sénatrice Dasko : Puis-je demander…

Le président : Malheureusement, sénatrice Dasko, votre temps est écoulé. Je dois maintenant donner la parole à la sénatrice Simons. Je suis désolé.

La sénatrice Simons : Je vais tenter de poser rapidement deux petites questions.

La première porte sur les types d’ententes que les services de diffusion en continu par contournement vont pouvoir conclure. Selon ce que nous avons compris du ministre et du ministère, chaque grande entreprise — Disney, Netflix, Spotify, Apple, Prime Video — pourra conclure sa propre entente avec le CRTC sur la manière dont elle remplira ses obligations. J’aimerais d’abord savoir combien de temps cela prendra. De plus, quel type de ressources devrez-vous utiliser pour que chaque service par contournement individuel obtienne sa propre entente qui correspond à son modèle de diffusion?

Deuxièmement, avec l’arrivée d’un si grand nombre de petites entreprises dans ce domaine, fera-t-on quelque chose pour améliorer le financement du Fonds de participation à la radiodiffusion, afin que les gens qui ont des préoccupations et des questions puissent présenter leur cas devant le CRTC?

M. Scott : Je vous remercie, sénatrice. Permettez-moi d’abord de répondre rapidement à la deuxième question, et je vais tenter de fournir des réponses plus concises.

Le projet de loi C-11 prévoit une disposition qui permet l’attribution des dépens — qui n’existe pas actuellement. Nous l’avons en vertu de la Loi sur les télécommunications, mais pas en vertu de la Loi sur la radiodiffusion. Cela nous aidera à appliquer l’attribution des dépens pour les intervenants qui défendent l’intérêt public.

En ce qui concerne la première question — je suis désolé, j’ai perdu le fil de mes pensées. Pourriez-vous…

La sénatrice Simons : Si chaque…

M. Scott : Combien de temps pour chacun?

La sénatrice Simons : Netflix est différente de Disney, et Disney est différente de Spotify. Il pourrait falloir des mois, voire des années, je présume, pour régler ces questions.

M. Scott : Le point qu’a fait valoir le ministre dans ses commentaires — et nous l’avons certainement soulevé dans notre rapport Emboîter le pas au changement, c’est qu’il pourrait y avoir des éléments qui sont uniques à certains intervenants. Cela ne signifie pas qu’il y aura une entente unique et globale avec chacun d’entre eux, et cela devra être déterminé au cours des procédures publiques. Il pourrait y avoir un élément commun, par exemple, auquel tout le monde contribue et, ensuite, des façons de personnaliser l’entente, mais ce sont tous des détails qui devront être précisés par les parties et les Canadiens qui représentent un large éventail d’intérêts — les intérêts des consommateurs — qui doivent tous être pris en compte. Je pense qu’il serait possible de déclarer — et je pourrais le regretter plus tard — que toutes ces choses pourront être envisagées.

La sénatrice Simons : Si vous me le permettez, j’aimerais revenir sur la question de l’attribution des dépens. Est-ce que cela concernerait uniquement les personnes — je veux dire, habituellement, lorsqu’une personne se voit accorder des dépens, cela signifie qu’elle a gagné d’une certaine manière, mais…

M. Scott : Pas pour nous. Pour nous, cela signifie que ces personnes ont apporté une contribution aux enjeux pendant l’audience. C’est ainsi que nous évaluons l’attribution des dépens, c’est-à-dire qu’on a effectivement abordé les questions relatives à la procédure et qu’on a apporté des éclaircissements qui ont aidé à mieux comprendre les enjeux.

La sénatrice Simons : Cela remplacera-t-il le Fonds de participation à la radiodiffusion ou cela l’appuiera-t-il?

M. Scott : Le Fonds de participation à la radiodiffusion a été créé parce qu’il n’y avait pas de système d’attribution des dépens. Je ne peux pas dire ce que le conseil en fera à l’avenir, mais autrefois, il a été financé principalement par les profits générés lors des fusions. Le nombre de fusions a diminué et, par conséquent, les montants qui ont été versés au fonds. Il est important que les intervenants qui défendent les consommateurs et l’intérêt public soient soutenus et il y a plusieurs façons d’y arriver, y compris, potentiellement, par l’entremise d’un soutien direct du gouvernement ou du ministère de la Justice. Il y a beaucoup de place à l’amélioration dans ce domaine.

La sénatrice Simons : Merci.

Le président : Chers collègues, on me dit qu’un vote est prévu à 20 h 36, si je ne m’abuse. Nous allons donc poursuivre nos échanges jusqu’à 20 h 30. Bien entendu, vous pouvez partir plus tôt, mais, malheureusement, je devrai conclure la séance au plus tard à 20 h 29 pour laisser aux collègues assez de temps pour aller voter.

Le sénateur Quinn : Très rapidement, je vais simplifier mes propos. Je suppose que l’augmentation du contenu canadien ou une exposition accrue à du contenu canadien fera diminuer les autres types de contenu. Je pense aux jeunes d’aujourd’hui : s’ils veulent mettre la main sur le dernier grand succès en provenance des États-Unis ou du Royaume-Uni, ils y parviennent. Dans quelle mesure est-ce plus difficile pour eux, ou est-ce même difficile?

M. Scott : Demandez-vous s’il est difficile de trouver du contenu canadien?

Le sénateur Quinn : Non. Si le contenu canadien modère les autres types de contenu, est-ce plus facile ou plus difficile pour les jeunes de trouver le plus récent tube qu’ils veulent écouter?

M. Scott : Je ne pense pas que le contenu canadien modérera quoi que ce soit. Il est question de le rendre trouvable, découvrable. À mon avis, il ne réfrènera pas les autres options.

Le sénateur Quinn : Merci.

La sénatrice Busson : Merci, monsieur Scott, d’être parmi nous.

M. Scott : Je vous en prie.

La sénatrice Busson : Vous représentez un organisme de réglementation, bien entendu, et vous, d’autres témoins et des intervenants dans d’autres contextes ont abondamment contribué à la discussion et à l’étude. Selon votre expertise, combien de temps s’écoulera après la sanction royale du projet de loi C-11 pour que la réglementation élaborée par votre organisation, le CRTC, soit mise en œuvre? De plus, sera-t-il possible d’examiner cette réglementation avant — ou après — sa mise en œuvre? J’aimerais entendre vos commentaires.

M. Scott : Il n’est pas aisé de donner des échéanciers précis et, je le répète, je ne veux pas lier les décisions futures du conseil. Toutefois, il est raisonnable de croire que, si le projet de loi reçoit la sanction royale, le gouvernement devra émettre ses instructions en matière de politique, s’il décide d’en émettre. Ce processus prendra un certain temps. Comme M. Ripley l’a expliqué, des mécanismes de consultation doivent avoir lieu dans les deux chambres du Parlement, et les questions doivent être soumises au débat et à l’examen publics.

Permettez-moi de remonter aux discussions pendant l’étude du projet de loi C-10 et à des instructions en matière de politique qui avaient été proposées. À l’époque, on a estimé qu’il faudrait au conseil de 9 à 12 mois pour planifier certains des éléments majeurs, et deux ans pour mettre en œuvre le régime de réglementation général, y compris certains éléments transitoires.

La sénatrice Busson : Merci beaucoup.

Le président : Chers collègues, il est maintenant presque 20 h 30. Tout d’abord, au nom du comité, je vous remercie, monsieur Scott, ainsi que votre équipe du CRTC ici présente, d’avoir comparu devant notre comité à court préavis. Comme vous pouvez le constater à la lumière du nombre de questions et de la qualité des questions, nous prenons l’étude de ce projet de loi au sérieux. Je peux vous dire que des sénateurs avaient d’autres questions à poser pendant la deuxième série. Nous allons étudier ce texte de loi jusqu’à assez tard cet automne, alors j’espère que mes collègues auront d’autres occasions de vous poser ces questions, tant formellement qu’informellement.

M. Scott : Si vous me le permettez, monsieur le président, j’allais dire que c’est pour nous un plaisir et un privilège d’aider le Sénat et ce comité. Nous serions heureux de continuer à nous rendre utiles et, si vous souhaitez nous réinviter, nous reviendrons le sourire aux lèvres.

Le président : À la demande générale, nous vous réinviterons. Encore une, merci beaucoup.

Chers collègues, la séance est levée.

(La séance est levée.)

Haut de page