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TRCM - Comité permanent

Transports et communications


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES TRANSPORTS ET DES COMMUNICATIONS

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mardi 16 mai 2023

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd’hui, à 9 heures (HE), avec vidéoconférence, pour étudier la teneur des éléments de la section 2 de la partie 3, et des sections 22 et 23 de la partie 4 du projet de loi C-47, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 28 mars 2023.

Le sénateur Leo Housakos (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Honorables sénatrices et sénateurs, je m’appelle Leo Housakos, je suis un sénateur du Québec, et je suis président du Comité sénatorial permanent des transports et des communications. Je voudrais inviter mes collègues à se présenter, en commençant par ma gauche.

[Traduction]

La sénatrice Simons : Paula Simons, du territoire visé par le Traité no 6, en Alberta.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Julie Miville-Dechêne, du Québec.

Le sénateur Cormier : René Cormier, du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

Le sénateur Manning : Fabian Manning, de Terre-Neuve-et-Labrador.

[Français]

La sénatrice Clement : Bernadette Clement, de l’Ontario.

[Traduction]

Le sénateur Harder : Peter Harder, de l’Ontario.

Le sénateur Cardozo : Andrew Cardozo, de l’Ontario.

Le sénateur Quinn : Jim Quinn, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Dasko : Donna Dasko, de l’Ontario.

La sénatrice Wallin : Pamela Wallin, de la Saskatchewan.

Le président : Honorables sénateurs, le 27 avril, le Sénat a autorisé le Comité sénatorial permanent du transport et des communications à examiner les éléments de la section 2 de la partie 3 et des sections 22 et 23 de la partie 4 du projet de loi C-47, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 28 mars 2023, et de soumettre son rapport final au Sénat au plus tard le 2 juin 2023.

Ce matin, le premier groupe de témoins se compose de Mme France Pégeot, présidente et première dirigeante, et de M. Tom Oommen, directeur général, Direction générale de l’analyse et de la liaison, tous deux de l’Office des transports du Canada. De l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien, nous accueillons M. Neil Parry, vice-président principal, Opérations, et Mme Nancy Fitchett, vice-présidente, Affaires organisationnelles, et cheffe des services financiers.

Nous allons commencer avec les déclarations liminaires de l’Office des transports du Canada et de l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien. Chaque organisme aura cinq minutes pour sa déclaration. Nous passerons ensuite aux séries de questions. L’Office des transports du Canada peut commencer.

[Français]

France Pégeot, présidente et première dirigeante, Office des transports du Canada : Bonjour, sénateurs et sénatrices. J’aimerais vous remercier de l’invitation à comparaître devant vous ce matin. Dans un premier temps, je vous présenterai brièvement le mandat et ensuite, je parlerai davantage de la question qui est contenue dans le projet de loi budgétaire.

Le mandat de l’office est basé sur la Loi sur les transports au Canada et contribue à la Politique nationale des transports, qui vise l’instauration d’un système national de transport

[...] compétitif, rentable, efficace et accessible auquel peuvent faire confiance les gens, et qui répond aux besoins des participants et des collectivités.

Nous veillons à ce que le réseau national de transport fonctionne efficacement et harmonieusement, dans l’intérêt de tous les Canadiens et Canadiennes, particulièrement pour les transports ferroviaires et maritimes. Nous offrons aux passagers aériens un régime de protection du consommateur. Nous protégeons le droit fondamental des personnes handicapées à un réseau de transport accessible.

L’Office a un double rôle. Premièrement, nous sommes l’organisme de réglementation économique de l’industrie des transports. Nous prenons et mettons en œuvre des règlements. Nous rendons des déterminations, par exemple concernant la propriété canadienne des compagnies aériennes. De plus, nous surveillons et nous mettons en application les lois et les règlements.

Deuxièmement, nous sommes un tribunal administratif; nous donnons accès à la justice en réglant divers différends, de manière informelle ou à l’aide d’un processus de décision formel, entre l’industrie réglementée et ses usagers.

Au moyen de la réglementation, du règlement des différends et d’autres outils, nous exécutons le cadre législatif établi par le Parlement.

Le projet de loi no 1 d’exécution du budget de 2023 déposé par le gouvernement renferme de nombreuses propositions qui auront une incidence sur le mandat et les activités de l’Office des transports du Canada, de même que sur la réglementation dont l’Office a la responsabilité. Voici trois de ces propositions.

[Traduction]

Premièrement, la loi d’exécution du budget modifierait le cadre stratégique de protection des passagers aériens. Au titre du cadre actuel, les droits des passagers sont établis en fonction de la catégorie de perturbation de vol. Les trois catégories sont « sous le contrôle du transporteur », « sous le contrôle du transporteur, mais nécessaire pour la sécurité » et « hors du contrôle du transporteur ». Ce système rend difficile pour les passagers et les transporteurs de savoir ce à quoi les passagers ont droit. Il complique également l’application des règlements. Je précise que j’ai formulé les mêmes commentaires à vos collègues de la Chambre des communes.

La loi d’exécution du budget éliminerait les trois catégories de perturbations de vol. Selon le nouveau cadre simplifié, les transporteurs dédommageraient les passagers, sauf dans des situations exceptionnelles qui seraient définies dans un nouveau règlement sur la protection des passagers pris par l’office. Surtout, dès l’entrée en vigueur des dispositions pertinentes de la loi, le fardeau de la preuve serait transféré au transporteur, à qui il reviendrait de prouver que le passager n’a pas droit à une indemnisation.

Deuxièmement, la loi d’exécution du budget, si elle est adoptée, transformerait le processus de règlement des plaintes des passagers aériens — actuellement similaire à un tribunal — pour le remplacer par un processus de règlement des réclamations simplifié, qui permettrait à l’office de traiter les plaintes plus rapidement. Cette proposition a déjà été présentée par l’office dans ses rapports annuels.

Le processus actuel d’examen des différends des passagers aériens comporte trois étapes qui culminent avec un arbitrage de type tribunal par des membres de l’office nommés par le gouverneur en conseil, qui évaluent la preuve et rendent une décision. Les deux premières étapes ne comportent pas d’échéancier fixe. Un processus de règlement informel des différends est entrepris, mais l’office n’est pas habilité à trancher. Ce n’est qu’au stade de l’arbitrage que les membres de l’office peuvent prendre la décision finale.

Le nouveau processus se composerait d’étapes simplifiées. La première consisterait à déterminer l’admissibilité de la plainte en fonction des critères énoncés dans la loi d’exécution du budget. Si la plainte n’est pas admissible parce qu’il est clair, par exemple, que le passager a déjà reçu ce à quoi il avait droit ou qu’elle n’est pas liée aux questions que l’office peut examiner au titre de la loi, le traitement de la plainte n’irait pas plus loin.

Si la plainte est admissible, un agent de règlement des plaintes de l’office, un fonctionnaire ou un membre du personnel de l’office amorcerait un processus de médiation entre le passager et le transporteur. La médiation commencerait au plus tard le 30e jour suivant la date de dépôt de la plainte. À défaut d’un accord issu de la médiation, le même agent de règlement des plaintes rendrait une décision à l’égard de la plainte déposée par le passager au plus tard le 60e jour suivant la date de début de la médiation.

Comme je l’ai mentionné, les personnes qui prendraient les décisions dans le cadre du nouveau processus seraient les fonctionnaires de l’organisation — en l’occurrence l’office —, comme c’est le cas dans les autres tribunaux tels que la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada. Ces fonctionnaires, qui sont en fait les agents de règlement des plaintes actuels, s’occuperaient du processus en entier. Ce nouveau processus de style guichet unique entrerait en vigueur le 30 septembre 2023 conformément à la date proposée dans la loi d’exécution du budget.

Troisièmement, pour le chemin de fer, la loi d’exécution du budget établirait un projet pilote de 18 mois pendant lequel les limites d’interconnexion passeraient de 30 kilomètres à 160 kilomètres dans les trois provinces des Prairies. L’office aurait 90 jours pour publier les prix qui s’appliqueraient aux limites d’interconnexion élargies. Je fournirai avec plaisir davantage d’informations sur le sujet, si vous le souhaitez.

Merci beaucoup. Je répondrai avec plaisir à vos questions.

Le président : Je cède la parole à l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien.

Nancy Fitchett, vice-présidente, Affaires organisationnelles, et cheffe des services financiers, Administration canadienne de la sûreté du transport aérien : Bonjour, monsieur le président, bonjour, honorables sénateurs. Je m’appelle Nancy Fitchett, et je suis vice-présidente des affaires organisationnelles et cheffe des services financiers à l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien, ou ACSTA. Je suis accompagnée de mon collègue, M. Neil Parry, vice-président principal des opérations.

L’ACSTA a été établie en réaction aux événements du 11 septembre 2001. Cette société d’État financée par des crédits parlementaires remplit un mandat de contrôle de la sûreté dans 89 aéroports désignés partout au pays selon un modèle de tiers fournisseur de services de contrôle. Le rôle clé qu’elle joue dans le système de transport aérien au Canada se traduit par la prise en charge du contrôle préembarquement des passagers, du contrôle des bagages enregistrés, du contrôle des non-passagers et du programme de carte d’identité pour les zones réglementées. La priorité de l’ACSTA est d’offrir aux voyageurs le plus haut niveau de sûreté aérienne qui soit.

[Français]

Nous vous remercions de nous avoir invités à comparaître devant le comité aujourd’hui dans le cadre de votre étude préalable de certains éléments du projet de loi C-47.

[Traduction]

Je voudrais saluer les modifications proposées à la Loi sur les transports au Canada dans le projet de loi C-47, qui visent à renforcer les droits des passagers aériens et à simplifier le processus de règlement des plaintes.

L’ACSTA mène ses activités dans un environnement hautement intégré et réglementé en collaboration avec son organisme de réglementation, c’est-à-dire Transports Canada. Les modifications proposées à la Loi sur les transports au Canada n’ont pas d’incidence directe sur les exigences réglementaires de reddition de comptes établies par Transports Canada, auxquelles doit satisfaire l’ACSTA. Nous affirmons que l’échange d’informations et de données avec le public et avec nos partenaires, qui constitue une bonne part de nos efforts de collaboration, restera une priorité.

J’aimerais également parler de l’augmentation proposée du montant du Droit pour la sécurité des passagers du transport aérien. Les droits en question ne sont pas établis et perçus par l’ACSTA et ne lui sont pas remis non plus. Ce sont les transporteurs aériens qui perçoivent ces droits auprès des passagers. Ils les remettent ensuite à l’Agence du revenu du Canada.

[Français]

Depuis 2015, l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien (ACSTA) compte sur un financement supplémentaire annuel du gouvernement du Canada pour mener à bien ses activités obligatoires tout en faisant progresser l’efficacité et l’efficience des opérations et de la prestation des services.

[Traduction]

Le budget de 2023 octroierait environ 1,8 milliard de dollars de fonds supplémentaires à l’ACSTA sur trois ans, ce qui représente un élément important de stabilité pour l’organisation, car l’octroi continu de fonds permet à l’ACSTA de continuer à remplir son mandat. Le financement proposé du gouvernement du Canada soutiendrait considérablement le développement et la mise en œuvre de plusieurs initiatives visant à améliorer la prestation de services.

Le mandat de l’ACSTA est d’assurer la sûreté des passagers aériens. De concert avec nos partenaires, nous continuerons à dégager des gains d’efficacité afin d’offrir une expérience sans accrocs aux passagers tout en maintenant un niveau de sûreté le plus élevé qui soit.

Nous nous efforçons d’améliorer nos pratiques, nos politiques et nos procédures pour relever les défis actuels, tout an anticipant les besoins de demain. Nous ne pourrons continuer dans cette voie sans le financement octroyé dans le budget de 2023.

Merci encore de m’avoir invitée à témoigner aujourd’hui. Nous répondrons avec plaisir à vos questions.

Le président : Merci beaucoup.

La sénatrice Simons : Comme je prends l’avion chaque semaine, j’ai compilé au cours des deux dernières années bon nombre d’anecdotes sur les malheurs de ceux qui transitent par les aéroports au pays. Je me réjouis par contre des changements qui seront apportés aux droits des passagers. Je voudrais me pencher sur la création d’une norme minimale pour le traitement des passagers.

Souvent, au Canada, les vols sont retardés à cause des conditions météorologiques, pour lesquelles les transporteurs ne prennent aucune responsabilité. Il est arrivé à de nombreux Canadiens de ne recevoir aucun soutien de la part des transporteurs aériens — pas de nourriture, d’eau et d’hébergement — dans des situations où ils devaient attendre toute la nuit le prochain vol. Dans les pires cas, des passagers ont été coincés dans l’avion pendant 7, 8, 12 ou 18 heures sans nourriture, sans eau et sans toilettes fonctionnelles.

Pouvez-vous nous dire quels seront les droits des passagers qui ont été privés d’un accès humanitaire à de la nourriture, à de l’eau et à des toilettes fonctionnelles pendant une période allant jusqu’à 15, voire 18 heures?

Mme Pégeot : Au titre du cadre réglementaire actuel, lorsque la situation est hors du contrôle du transporteur — vous avez donné l’exemple d’un événement météorologique —, ce dernier n’a pas l’obligation de fournir de l’aide aux passagers, que ce soit de la nourriture ou de l’hébergement. Le projet de loi qui a été déposé au Parlement ne règle pas cette question. Cela dit, nous en prenons bonne note, et nous pourrons certainement nous y pencher à l’étape de la réglementation, en présumant que le projet de loi sera adopté.

La sénatrice Simons : Voici le problème. Tout le monde comprend qu’il y a parfois des imprévus. Ce qui frustre les passagers, c’est quand personne ne répond au téléphone lorsqu’on tente de joindre le service à la clientèle ou quand il est impossible de réserver un autre vol parce qu’il n’y a pas d’agents au comptoir. Ces facteurs sont tout à fait sous le contrôle de la compagnie. Il ne suffit pas de tout blâmer sur la météo dans un pays où nous sommes à la merci des intempéries.

Cela dit, en tant que sénatrice originaire des Prairies et vice‑présidente du Comité de l’agriculture, je voudrais parler de l’interconnexion, qui, je le sais, n’est pas une question passionnante, mais elle est importante. Lorsque je m’entretiens avec des intervenants du réseau ferroviaire, ils me disent que l’élargissement des limites d’interconnexion sera inefficace et entraînera des retards dans la chaîne d’approvisionnement. En revanche, les agriculteurs me disent que c’est absolument nécessaire; les silos-élévateurs ayant été supprimés dans leur région, ils ont besoin de cette mesure pour que leur grain puisse être expédié efficacement et à un meilleur prix.

Je me demande si vous pouvez m’expliquer un peu la situation. Les intervenants dans le domaine du transport ferroviaire affirment que la distance prévue est beaucoup trop longue pour permettre une interconnexion efficace. Pouvez-vous expliquer pourquoi le gouvernement a choisi cette distance?

Tom Oommen, directeur général, Direction générale de l’analyse et de la liaison, Office des transports du Canada : Monsieur le président, je rappelle rapidement à tout le monde que le but de l’interconnexion, dans l’état actuel des choses, c’est de fournir une solution de rechange à un expéditeur captif, c’est-à-dire un expéditeur qui ne peut choisir qu’une seule compagnie de chemin de fer. S’il existe une autre compagnie de chemin de fer dans le réseau actuel, à l’intérieur d’un rayon de 30 kilomètres, l’expéditeur peut y recourir parce que la compagnie de chemin de fer à laquelle il a accès est obligée de parcourir ces 30 kilomètres à un prix réduit pour acheminer la marchandise jusqu’à l’autre compagnie.

Ce qui est proposé dans la loi sur l’exécution du budget, c’est que la limite de 30 kilomètres soit portée à 160 kilomètres. Tant qu’il y a une autre compagnie de chemin de fer dans un rayon de 160 kilomètres, les expéditeurs y auraient accès à un prix réduit.

Évidemment, je ne suis pas surpris par les réactions que la sénatrice vient de mentionner. Les compagnies de chemin de fer sont naturellement réticentes à donner accès à un concurrent qui se trouve à une certaine distance. Bien entendu, les expéditeurs recherchent cet accès supplémentaire, et certains affirment que la distance devrait être encore plus longue. Ce que je peux dire, bien sûr, c’est que l’office mettra en œuvre la loi que le Parlement décidera d’approuver, quelle qu’elle soit.

La sénatrice Simons : Pourquoi ce chiffre? Pourquoi 160 plutôt que 50 ou 100 ou 200?

M. Oommen : Monsieur le président, je dirais que la raison de ce chiffre tient à l’expérience que nous avons vécue. Certains autour de la table se souviennent peut-être de la crise du secteur céréalier qui a sévi de 2014 à 2017, crise durant laquelle de graves difficultés ont empêché l’acheminement du grain vers les marchés. À l’époque, un régime similaire a été mis en œuvre pour faire passer la distance d’interconnexion à 160 kilomètres pendant cette période, et c’est la raison pour laquelle cette mesure refait surface sous cette forme.

[Français]

Le sénateur Cormier : Bonjour et merci aux témoins.

Mes questions s’adressent à Mme Pégeot. Elles touchent des questions de transparence dans tout le processus des plaintes, notamment concernant la question de la confidentialité du processus, la question des lignes directrices et la question des ordonnances fondées sur les renseignements. En ce qui concerne le traitement des plaintes, comment l’Office des transports du Canada s’assurera-t-il de la confidentialité du processus? Y a-t-il des accords de confidentialité qui vont être signés entre les plaignants et les compagnies aériennes? Si le plaignant dévoile le contenu de ces ententes, quelles sont les conséquences?

Je vous pose tout de suite ma deuxième question sur les lignes directrices. Je comprends que c’est un processus interne. Y a-t-il des consultations liées à ces lignes directrices? Sont-elles rendues publiques pour que les plaignants puissent comprendre quelles sont les lignes directrices qui sont données aux agents?

En ce qui concerne l’ordonnance fondée sur les renseignements, ces derniers ne sont pas des preuves. Comment l’agent peut-il s’appuyer sur de simples renseignements? Y a-t-il une analyse plus approfondie pour s’assurer de la véracité de ces renseignements?

Voilà les trois points qui m’intéressent en matière de transparence.

Mme Pégeot : D’accord, je vous remercie.

Les processus informels comme la médiation ou une entente entre une compagnie et un passager, soit essentiellement l’ensemble de ces processus informels, concernent des organisations qui utilisent ces processus pour régler les différends. Ils sont de nature confidentielle pour permettre aux personnes d’avoir des discussions franches et permettre d’en arriver justement à une entente.

Je veux préciser que lorsqu’on parle de confidentialité, cela vise aussi à éviter que les renseignements que certains passagers ne voudraient pas partager soient divulgués.

On sait actuellement que certains passagers n’iront pas plus loin dans le processus, car ils ne veulent pas que leur nom ou les détails de leur voyage soient connus. Ils ne veulent pas non plus que certaines interactions avec le personnel des aéroports ou des compagnies aériennes soient connues. Dans certains cas, cela fait en sorte que le passager ne veut pas aller plus loin.

Je voudrais préciser ce que nous allons faire dans un tel cas : nous allons prendre le numéro du vol pour lequel il y a une plainte et une résolution, et nous allons indiquer quelle a été la nature du problème et s’il y a eu une compensation ou pas. Cette information sera disponible sur notre site Web.

Le sénateur Cormier : Je m’excuse de vous interrompre, mais la question de la confidentialité ne favorise-t-elle pas les compagnies aériennes plus que les plaignants?

Mme Pégeot : Pas nécessairement; ce qui est confidentiel concerne deux aspects, je tiens à le préciser. Il y a l’aspect informel; c’est informel. Dans certains cas, nous ne savons pas nous-mêmes quelle a été la résolution de la plainte et c’est correct. C’est comme cela que cela doit se passer, c’est la nature même de l’aspect informel.

Dans le contexte où il y aurait une décision de l’office par l’entremise de nos agents de plainte, la conclusion de cette plainte sera rendue publique. Les seules choses qui ne seront pas rendues publiques sont les détails de nature confidentielle, soit le nom du passager et les différentes étapes de son voyage. Nous allons par contre connaître le numéro de vol et l’enjeu dont il a été question, et nous saurons s’il y a eu une compensation ou non; ces renseignements seront publics.

Le sénateur Cormier : Quant aux lignes directrices, qu’en est-il?

Mme Pégeot : Les lignes directrices, c’est un pouvoir que toutes les agences de réglementation ont, essentiellement. C’est la capacité d’apporter de la clarté à ceux qui doivent mettre en œuvre les règlements. Cela fait partie de l’autorité que la plupart des agences de réglementation ont et que nous n’avions pas jusqu’à présent. C’est à l’intérieur du cadre réglementaire et législatif que cette autorité va s’exercer.

Le sénateur Cormier : D’accord, merci.

[Traduction]

La sénatrice Wallin : Comme la sénatrice Simons l’a dit, il y a tellement de problèmes dans ce secteur, outre les graves cas qu’elle a soulignés, notamment lorsque des gens restent coincés dans des avions sans nourriture, sans eau et sans accès à des toilettes. Nous subissons au quotidien le coût d’un régime caractérisé par des compagnies aériennes dysfonctionnelles et l’absence de conséquences. Les retards de vols sont monnaie courante. On rate des correspondances, des journées de travail, des réunions, des funérailles, des mariages. Il n’y a parfois pas de WiFi. Les passagers n’ont habituellement pas accès au WiFi pour entrer en contact avec des gens et leur expliquer la situation. Des gens les attendent à l’aéroport. Ils doivent payer ces factures. La liste est longue, et nous devons trouver un moyen de rendre les compagnies aériennes fonctionnelles. Il faut faire pression sur les compagnies aériennes pour qu’elles fonctionnent efficacement.

En ce qui concerne les questions relatives aux droits des passagers, un nouveau système est censé être mis en place, mais nous retirons le droit d’appel devant une instance supérieure, un tribunal fédéral, ce qui, à mon avis, affaiblira encore plus le système. Pour ce qui est de l’ACSTA, il existe un manque total d’uniformité dans la façon dont le contrôle de la sécurité est appliqué à l’échelle du pays. À certains endroits, il faut quasiment se déshabiller et, une fois rendu à l’aéroport suivant, on ne peut pas... C’est impossible. Ceux d’entre nous qui prennent souvent l’avion sont plus conscients de cet aspect. En tout cas, on fait la file avec des gens qui ne savent pas qu’ils sont encore tenus de se dévêtir, 23 ans après le 11 septembre.

En ce qui a trait à la question de l’interconnexion, les compagnies de chemin de fer affirment que cela coûtera très cher et que ce coût sera refilé aux agriculteurs, qui le refileront, à leur tour, aux consommateurs, ce qui est évidemment le cas — nous faisons déjà face à une inflation du prix des aliments.

Je serais heureuse d’entendre vos observations sur l’un ou l’autre de ces enjeux et la question de savoir si les mesures prévues vont y remédier. Par ailleurs, êtes-vous satisfaits que ces mesures se retrouvent dans un projet de loi d’exécution du budget puisque cela nous empêche d’examiner en bonne et due forme ces modifications absolument fondamentales pour la sécurité des passagers au Canada et le fonctionnement des compagnies aériennes au Canada? Je vous remercie.

Mme Pégeot : Je me ferai un plaisir de parler de la teneur du projet de loi à l’étude, mais je n’ai malheureusement pas d’opinion sur la question de savoir s’il convient ou non d’aborder ces questions dans le cadre du projet de loi d’exécution du budget.

La sénatrice Wallin : Dans ce cas, pourrions-nous parler de la raison pour laquelle il n’y a pas de projet de loi approprié pour traiter de ces questions? Nous semblons adopter une approche fragmentaire au lieu de procéder, dans le monde de l’après-11 septembre et de l’après-COVID, à une refonte complète, notamment en assurant une concurrence accrue dans ce secteur, ce qui constitue l’une des questions les plus fondamentales, et je crois que tout le monde est d’accord là‑dessus. Si les compagnies aériennes s’en tirent impunément, c’est justement parce qu’elles n’ont pas de concurrents.

Mme Pégeot : Encore une fois, je suis désolée de ne pas pouvoir répondre à vos questions, mais il s’agit essentiellement d’un projet de loi qui a été présenté par le gouvernement...

La sénatrice Wallin : Pouvez-vous alors parler de l’élimination du droit d’appel devant la Cour fédérale?

Mme Pégeot : Eh bien, les gens disposent actuellement de deux mécanismes pour interjeter appel de nos décisions. Ce qui est proposé, c’est l’accès à une révision judiciaire, à l’instar d’autres organismes de réglementation. Il est donc toujours possible d’interjeter appel, et cela simplifie le processus.

La sénatrice Wallin : Envisage-t-on d’ajouter certains de ces autres facteurs à la liste de préjudices indemnisables, comme le fait de manquer des journées de travail, des correspondances ou des réunions cruciales parce que les vols sont constamment en retard? Il faudrait donc élargir la portée des éléments pouvant être contestés et indemnisés.

Mme Pégeot : Au fond, le régime est là pour indemniser les passagers lorsque surviennent des incidents et des perturbations de vol. Les indemnités sont calculées, et continueront d’être calculées, en fonction du nombre d’heures de retard du vol. Il y a des différences entre les petites et les grandes compagnies aériennes, mais cela dépend du nombre d’heures de retard à l’arrivée, et c’est ce qu’établira le projet de loi à l’étude. Si des circonstances exceptionnelles sont définies par voie réglementaire, les compagnies aériennes devront indemniser les passagers en conséquence. Cela n’a donc rien à voir avec...

La sénatrice Wallin : Si l’avion en partance de Saskatoon a une heure de retard et que je rate ma correspondance pour Ottawa, d’où mon impossibilité de participer à une séance du Comité des transports, ce qui fait partie de mon travail, est-ce là une situation qui devrait être prise en compte?

Mme Pégeot : Une heure de retard ne suffirait pas. Cela dépend. Il y a différents niveaux d’indemnisation.

La sénatrice Wallin : Supposons qu’il n’y ait qu’une seule correspondance. Comme vous le savez, le nombre de vols est réduit. Si le vol en partance de Saskatoon...

[Français]

Le sénateur Quinn : Merci aux témoins d’être ici aujourd’hui avec nous.

[Traduction]

Le sénateur Quinn : J’éprouve de la sympathie ou de l’empathie pour Mme Pégeot; elle ne peut pas vraiment répondre aux questions parce qu’elle fait partie du système. Moi, je ne suis plus dans le système. Je trouve que cette loi d’exécution du budget et les dispositions à l’étude sont un peu difficiles à comprendre parce que nous examinons tellement de sujets : passagers aériens, modifications à la loi sur la sécurité, échange de données, interconnexion, plaintes relatives au transport aérien, sanctions administratives et pécuniaires. Je peux comprendre la position difficile dans laquelle vous vous trouvez. Vous ne pouvez pas répondre à des questions directes parce que le gouvernement a mis ces dispositions dans le projet de loi d’exécution du budget, peu importe si elles émanent ou non de l’office.

Voici une petite question pour l’ACSTA. L’augmentation de 30 % des coûts est-elle assumée par les passagers, ou est-elle partagée entre le gouvernement et les passagers? Au bout du compte, les passagers paieront davantage pour les services de sécurité. Est-ce exact?

Mme Fitchett : Parlez-vous de l’augmentation de 30 % du droit pour la sécurité des passagers du transport aérien?

Le sénateur Quinn : Oui.

Mme Fitchett : Je crains de ne pas pouvoir faire de commentaires à ce sujet. C’est le gouvernement du Canada qui établit cela, et l’ACSTA ne joue aucun rôle là-dedans. Je peux parler des coûts de l’ACSTA. En gros, l’ACSTA est financée par des crédits parlementaires. En réalité, bien entendu, il est très clair dans le budget que c’est l’ATSC qui finance les crédits au titre du droit pour la sécurité des passagers du transport aérien. Les coûts de l’ACSTA n’augmentent certainement pas de 30 %.

Le sénateur Quinn : De combien augmentent-ils?

Mme Fitchett : L’année dernière, nous avons demandé un financement supplémentaire de 330 millions de dollars. Pour l’année prochaine, le montant s’établit à 468 millions de dollars.

Le sénateur Quinn : Au bout du compte, je le répète, le coût du transport aérien au Canada sera plus élevé.

Mme Fitchett : C’est exact.

Le sénateur Quinn : Monsieur Oommen, je voudrais obtenir un éclaircissement. Vous avez parlé de la question de l’interconnexion, qui permet de parcourir jusqu’à 160 kilomètres à un coût réduit — ou vous avez mentionné quelque chose à propos du coût. S’agit-il d’un coût réduit par rapport à ce qui aurait été facturé par le Canadien National ou le Canadien Pacifique?

Tom Oommen, directeur général, Direction générale de l’analyse et de la liaison, Office des transports du Canada : Je vous remercie de poser la question. Voici comment fonctionne actuellement l’interconnexion, sans les modifications prévues. Chaque année, l’office fixe le prix de l’interconnexion. Il établit un chiffre, un coût, pour le transfert. Cela continuerait de s’appliquer si c’était...

Le sénateur Quinn : Le tarif est-il établi au taux du marché ou à un taux inférieur à celui du marché?

M. Oommen : Il s’agit d’un tarif fondé sur les coûts. L’office détermine les coûts des transports ferroviaires et, compte tenu de ces coûts, il établit les tarifs d’interconnexion.

Le sénateur Quinn : Les sociétés ferroviaires approuvent-elles votre estimation de leurs coûts?

M. Oommen : Nous consultons les sociétés ferroviaires au sujet de notre processus et de notre méthodologie, mais nous ne les consultons pas au sujet des tarifs.

Le sénateur Quinn : J’ai deux autres observations à formuler au sujet de l’interconnexion. Premièrement, pourquoi la limitons‑nous aux Prairies? Vous voulez que les expéditeurs aient un meilleur accès à d’autres services ferroviaires. Il pourrait s’agir de services ferroviaires américains. Je viens du Canada atlantique. Nous avons eu un débat concernant le projet de loi C-49, je crois, qui autorisait l’accès aux services ferroviaires offerts sur d’autres lignes de chemin de fer. Cela a été autorisé dans certaines régions du Canada, mais pas dans l’Est du pays. Pourquoi ce projet est-il limité aux Prairies?

M. Oommen : Le projet de loi a été présenté au Parlement par le gouvernement. Je peux supposer que le modèle que j’ai mentionné de 2014 à 2017 a été reproduit dans le cadre du projet pilote de 18 mois. Il s’agissait d’une mesure axée sur l’Ouest canadien.

Le sénateur Quinn : Dernière question. Pourquoi recommençons-nous ce processus? N’avons-nous pas mené un projet pilote sur l’interconnexion il y a quelques années? Cette approche a été éliminée, et maintenant nous reprenons le processus. Quelle est la raison pour laquelle nous l’entamons de nouveau?

M. Oommen : Dans le rapport du Groupe de travail national sur la chaîne d’approvisionnement qui a été remis au ministre, les expéditeurs ont demandé qu’un certain nombre de mesures soient prises pour atténuer leurs inquiétudes, et l’une d’entre elles était l’interconnexion prolongée.

Le sénateur Quinn : Je vous remercie de votre réponse.

[Français]

Le président : Ma question sera très courte, parce que j’ai une longue liste de sénateurs qui veulent aussi en poser. Cependant, il y a une question que j’aimerais poser.

J’étais en voyage au début du mois d’avril, un voyage parlementaire avec mon collègue le sénateur Cormier et quelques députés. Je suis parti de Montréal vers Paris et de Paris vers Montréal. C’était incroyable : toutes les notifications que j’ai reçues d’Air Canada par message texte, par courriel, étaient uniquement en anglais. J’ai essayé de trouver une façon d’obtenir cette information en français, mais c’était impossible. Une de mes collègues, une députée qui est uniquement francophone a eu le même problème.

Je sais que la réponse que vous allez me donner est que vous n’êtes pas le commissaire aux langues officielles. Cependant, j’imagine que vous avez la capacité de suivre cela. Je ne peux pas croire que le commissaire aux langues officielles n’a pas le pouvoir de véritablement obliger la compagnie aérienne à faire quelque chose. J’aimerais connaître votre perspective, parce que j’ai trouvé que cela était inacceptable en 2023.

Mme Pégeot : Je suis désolée, vous avez répondu à la question, à savoir que malheureusement, ou heureusement, nous n’avons pas cette responsabilité en matière de langues officielles. Cela dépend du commissaire aux langues officielles, comme vous l’avez dit, monsieur le président.

Le président : Je vais être obligé de convoquer le commissaire aux langues officielles.

Mme Pégeot : Je suis vraiment désolée.

Le président : Je vous remercie.

[Traduction]

Le sénateur Manning : Je remercie nos témoins de leur présence. Je me demandais simplement ce que vous entendez lorsque vous parlez de circonstances exceptionnelles, car à certains égards, il me semble qu’à titre de voyageur, il y a de nombreuses circonstances exceptionnelles qui ne donnent pas lieu à une indemnisation. Comment le travail que nous accomplissons aujourd’hui relativement à la mesure législative pourrait-il corriger certains des problèmes que les gens rencontrent lorsque les compagnies aériennes n’assument pas la responsabilité de certains problèmes qui surviennent?

Je fais des allers-retours en provenance et à destination de Terre-Neuve-et-Labrador. Dans des circonstances exceptionnelles, il peut arriver que l’on puisse voir à travers le brouillard à 500 pieds d’altitude. Mais nous avons vu des vols annulés pour bien moins que cela. Comment pouvons-nous gérer les circonstances exceptionnelles de manière à ce que les gens fassent confiance au processus et au système?

Mme Pégeot : Je vous remercie de votre question. Le système actuel est donc fondé sur trois catégories d’événements. La première concerne des événements qui échappent au contrôle des compagnies aériennes, comme les problèmes météorologiques. La deuxième catégorie est sous le contrôle des compagnies aériennes, c’est donc essentiellement leur faute, si vous voulez. Enfin, la troisième catégorie est sous le contrôle des compagnies aériennes, mais ces événements sont nécessaires pour la sécurité. Cette troisième catégorie donne lieu à de nombreuses zones d’ombre, je dirais, et c’est le problème que le projet de loi présenté au Parlement tente de résoudre. Il s’agit d’apporter des éclaircissements supplémentaires. J’aime à dire que nous essayons de rapprocher les zones grises des zones noires et blanches.

À l’heure actuelle, le fardeau de la preuve repose sur les épaules des consommateurs. Le projet de loi dont vous êtes saisis imposerait à l’industrie le fardeau de prouver pourquoi elle ne devrait pas verser une indemnisation en raison de circonstances exceptionnelles. Par exemple, les circonstances exceptionnelles incluraient des conditions météorologiques, une urgence médicale — nous pouvons penser à la COVID, et cela pourrait inclure la fermeture d’un aéroport. Il s’agit essentiellement d’événements qui échappent au contrôle des compagnies aériennes, des événements qu’elles n’auraient pas pu prévoir et qui les obligent à modifier leurs opérations pour s’y adapter.

Le sénateur Manning : Je vous remercie de votre réponse. Il y a une chose qui, selon moi, est sous le contrôle des compagnies aériennes lorsqu’elles prévoient des vols, à savoir la présence de pilotes.

Mme Pégeot : Pardon?

Le sénateur Manning : À mon avis, il y a une chose qui est du ressort des compagnies aériennes, c’est-à-dire la présence d’un pilote lorsqu’elles prévoient un vol.

Mme Pégeot : Oui, pardon. Oui, un pilote est nécessaire.

Le sénateur Manning : Il m’est arrivé d’attendre un pilote pendant trois heures à l’aéroport alors que l’avion était à la porte d’embarquement. Puis, lorsque le pilote est arrivé — cela s’est passé à Halifax, il n’y a pas longtemps —, ils nous ont informés que l’horaire du personnel était écoulé. Ils ont donc été forcés de remplacer le personnel, et nous avons dû attendre son arrivée une heure et demie de plus.

Quelqu’un aurait dû savoir que, si le pilote allait arriver dans deux heures, il serait nécessaire de remplacer le personnel, et que nous allions devoir attendre son remplacement encore deux heures de plus. Voilà les situations qui exaspèrent vraiment les gens. Cette mesure législative contribuera-t-elle à atténuer ces problèmes pour les passagers?

Mme Pégeot : Oui, elle devrait le faire. Je dois souligner que l’office a déjà rendu des décisions concernant ce que nous appelons les « pénuries de membres d’équipage ». Il y a eu de nombreux problèmes de ce genre. Pour l’essentiel, l’office a déjà statué que, à moins que l’entreprise ne puisse réellement prouver qu’il s’agit d’une situation exceptionnelle qu’elle était dans l’impossibilité d’éviter, elle doit verser une indemnité. Par exemple, s’il s’agit d’un manque de planification ou d’une offre de vols pour lesquels ses effectifs en matière de pilotes sont insuffisants, alors ces problèmes sont sous leur contrôle et ils doivent indemniser les consommateurs. Ces cas seraient certainement prévus par le projet de loi.

Le sénateur Manning : Je vous remercie de votre réponse.

J’ai une question à poser à Mme Fitchett. Votre organisation a‑t-elle un problème de recrutement ou de maintien en poste?

Mme Fitchett : Je suppose que votre question ne concerne pas le personnel de l’ACSTA, mais plutôt les agents de contrôle dans les aéroports. Je laisserai donc M. Parry répondre à la question.

Neil Parry, vice-président principal, Opérations, Administration canadienne de la sûreté du transport aérien : Je suis heureux de répondre à cette question, et je vous remercie de l’avoir posée. En avril et mai 2022, comme nos partenaires du transport aérien, nous avons certainement eu du mal à attirer, recruter et conserver une capacité adéquate pour répondre à l’augmentation soudaine et brutale du trafic qui s’est produite l’année dernière. Je ne crois pas que nous soyons les seuls à avoir éprouvé des difficultés. Le phénomène semble s’être généralisé dans le secteur, à l’échelle mondiale. À la fin du mois de juin, nos effectifs étaient complets. Depuis juin 2022, nous avons maintenu et même dépassé notre capacité de dotation par rapport aux effectifs requis. Nous avons également continué de respecter les normes de service en matière de temps d’attente que le gouvernement nous avait imposées. Le taux d’érosion des effectifs est certes un peu plus élevé qu’auparavant, mais il a commencé à diminuer au cours des deux derniers mois, ce qui est très positif à l’approche de l’été.

Nous avons dépassé nos objectifs en matière de dotation du personnel pour les opérations de cet été. Nous avons eu un problème, et nos sous-traitants ont eu un problème, mais il a été de courte durée. Entre le 1er avril de l’année dernière et le 31 mars, c’est-à-dire notre exercice financier, 97,8 % de tous les passagers des 17 plus grands aéroports, qui accueillent près de 95 % du trafic, ont attendu moins de 30 minutes avant de faire l’objet d’un contrôle de sécurité. Il ne s’agit pas d’une moyenne, mais d’un chiffre précis.

Nous avons certainement connu des difficultés en avril et en mai, au moment de l’augmentation abrupte du trafic. Dans l’ensemble, le secteur a souffert et traversé des difficultés, mais nous nous sommes rétablis assez rapidement. Cela est dû en grande partie au travail acharné que nos sous-traitants ont réalisé pour attirer les gens, les recruter et les former. Cela fait maintenant 12 mois que nous nous consacrons pleinement au recrutement et à la formation des employés.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : J’ai une question pour Mme Pégeot.

Bien sûr, je suis tout à fait d’accord avec l’idée de resserrer les critères pour dédommager les consommateurs qui ont beaucoup souffert. Toutefois, est-ce qu’il pourrait y avoir des conséquences inattendues de ce resserrement de la réglementation sur la fréquence des vols à travers le Canada? Parce qu’on sait tous que lorsque les coûts d’une compagnie privée augmentent, généralement, on essaie de refiler la facture aux consommateurs. Or, ces consommateurs sont des voyageurs, et une façon de faire, c’est aussi de réduire le nombre de vols, surtout si on dit que la pénurie de personnel n’est plus un problème. On réduit le nombre de vols, particulièrement pour les destinations où ce n’est pas payant; je pense aux destinations lointaines de ce beau grand pays. Cela peut arriver. N’avez-vous pas de contrôle sur la réduction des services?

Mme Pégeot : Non, en effet, nous n’avons pas de contrôle.

Dans mon message d’introduction, j’ai parlé de la Politique nationale des transports qui vise essentiellement à ce que nous contribuions à rendre le système des transports équitable, rentable et accessible. C’est sûr que lorsqu’on élabore une réglementation, on cherche à obtenir un certain équilibre, où le passager est protégé; il faut qu’il y ait un équilibre entre les différentes forces du marché. C’est certainement quelque chose qui fait partie de notre cadre d’analyse.

C’est vraiment difficile pour nous de pouvoir prédire de quelle façon un règlement va contribuer à changer le comportement des compagnies aériennes. Malheureusement, c’est quelque chose qui est en dehors de notre contrôle. On ne peut pas s’assurer de cela. C’est pourquoi on essaie d’avoir des règlements qui protègent, tout en étant le moins coûteux possible, parce qu’une partie de la protection du consommateur consiste à offrir des choix de vols à un prix raisonnable.

La sénatrice Miville-Dechêne : Je comprends toutefois que notre nouvelle réglementation est un peu plus sévère que celle des États-Unis, même plus sévère que celle de l’Europe. Quand vous dites que vous essayez de vous comparer aux autres pays pour qu’il n’y ait pas un effet dévastateur sur notre système, il me semble qu’au contraire, connaissant les règles de la concurrence — est-ce que le mieux est l’ennemi du mal? En ayant des règlements plus sévères que nos voisins, cela va-t-il avoir un effet négatif sur les services offerts ici, sur le nombre de vols, la fréquence des vols?

Mme Pégeot : Si on se compare aux États-Unis, c’est sûr que le système américain offre beaucoup moins de protection aux passagers aériens que le Canada; il n’y a aucun doute là-dessus. Très récemment, le président a annoncé qu’il souhaitait améliorer la protection offerte aux passagers américains. Reste à voir quelle forme cela prendra. C’est certainement quelque chose que nous suivons de très près.

Le système final dépendra de la réglementation que l’office devra élaborer pour déterminer, entre autres, les circonstances exceptionnelles dont nous avons parlé un peu plus tôt. On va s’inspirer de ce qui est fait en Europe, où le système n’est pas parfait. Nous revenons d’Europe, nous avons rencontré des collègues français, européens, responsables de ce système, alors on ne peut pas dire que c’est le paradis des passagers non plus.

Essentiellement, cela fait partie des systèmes que nous allons observer pour inspirer la réglementation qui sera proposée, toujours dans le plus grand respect du Parlement, selon la loi qui sera adoptée. Notre processus réglementaire, évidemment, offre des possibilités de consultation des compagnies, avec les consommateurs. Ce sera une occasion de pouvoir mieux apprécier, je vous dirais, l’impact d’une réglementation comme celle-là.

La sénatrice Miville-Dechêne : Merci, madame Pégeot.

[Traduction]

Le sénateur Harder : Vos deux organismes sont des exécuteurs de politiques et non des concepteurs de politiques. À ce titre, j’aimerais demander aux représentants de l’OTC s’ils ont été consultés par le gouvernement au cours de l’élaboration des politiques dont nous discutons.

Deuxièmement, étant donné que vos données sont considérées comme crédibles par le public, les consommateurs et d’autres intervenants du secteur, comment enrichissez-vous vos rapports portant sur le changement apporté à l’interconnexion, sur le projet pilote et sur les questions relatives aux droits des passagers, des sujets sur lesquels nous aimons obtenir des données qui vont plus loin que celles qui figurent simplement dans le rapport annuel? Améliorez-vous non seulement votre capacité à mesurer les progrès, mais aussi votre capacité à rendre des comptes au public de manière plus transparente?

Mme Pégeot : Je vous remercie de votre question, sénateur. Oui, nous avons été consultés. Tout d’abord, dans le rapport annuel, nous devons chaque année fournir des conseils sur la manière dont la loi devrait être modifiée. Une grande partie de l’information que vous avez sous les yeux est en fait issue de nos différents rapports annuels.

Lorsque j’ai comparu devant le Comité des transports de la Chambre des communes, on m’a interrogée au sujet de la mesure législative. J’ai alors répondu qu’il serait certainement utile d’y apporter des précisions supplémentaires. Bien entendu, nous avons également été consultés au sujet du projet de loi, et nous avons donné notre avis à cet égard.

Au cours des deux dernières années, nous avons beaucoup investi dans nos systèmes d’établissement de rapports. Nous disposons de bien meilleures données relatives aux plaintes des consommateurs, au moment où elles ont été reçues, etc. Nous avons commencé à être plus transparents. Par exemple, nous affichons désormais sur notre site Web le nombre de plaintes que nous recevons par compagnie aérienne. Ce sont des renseignements qui sont mis à la disposition des consommateurs à mesure que les données deviennent plus faciles à obtenir. Un article du projet de loi que vous étudiez permettrait à Transports Canada de demander de meilleures données, et c’est certainement ce que nous espérons que le ministère fera. Nous travaillons, par exemple, avec le Conseil national de recherches afin d’utiliser l’intelligence artificielle pour traiter les plaintes. À mesure que nous améliorons nos systèmes, nous serons en mesure d’obtenir de meilleures données. Comme je l’ai déjà dit à votre collègue, nous avons l’intention de publier des données concernant les plaintes.

Le sénateur Cardozo : Pouvez-vous revenir un peu en arrière et expliquer à nouveau vos responsabilités, en quoi elles diffèrent de celles de Transports Canada, et en quoi elles sont liées aux responsabilités du ministère? Quelles sont leurs responsabilités, et quelles sont les vôtres?

M. Parry : Je vous remercie de votre question. Nos responsabilités diffèrent de la manière suivante. Transports Canada est le chef de file du gouvernement en matière de politiques liées à la sûreté du transport aérien. Il est également notre organisme de réglementation. En tant que société d’État, l’ACSTA est responsable de l’exploitation. Cela dit, nous collaborons très étroitement avec Transports Canada. Ils nous consultent au sujet de leur processus réglementaire et des exigences. Ils nous consultent également au sujet de certaines décisions stratégiques qu’ils prennent; nous contribuons à la prise de ces décisions. À partir de là, je m’en remets aux commentaires de Transports Canada. Voilà la distinction vraiment cruciale qui existe entre l’exploitant et l’organisme de réglementation, donc entre nous et Transports Canada.

Mme Pégeot : La nôtre est différente. L’OTC est un organisme indépendant qui joue deux rôles. Nous disposons d’un tribunal qui permet de résoudre les différends, et nous jouissons du pouvoir d’une cour supérieure dans ce contexte. Nous sommes totalement indépendants de ce point de vue là. L’OTC est toujours indépendant en tant qu’organisme de réglementation, mais, bien sûr, nous prenons des règlements fondés sur la loi adoptée par le Parlement.

Lorsqu’il s’agit d’élaborer un règlement, nous le faisons en consultation avec le ministre des Transports. Notre réglementation doit suivre le même processus que toute autre réglementation qui serait approuvée par le Conseil du Trésor, par exemple.

Le sénateur Cardozo : Élaborez-vous vos propres règlements ou cette tâche revient-elle au ministre?

Mme Pégeot : Nous élaborons nos règlements, mais en consultation avec le ministre. Encore une fois, le gouvernement doit les approuver.

Le sénateur Cardozo : Ma deuxième question est d’ordre général. Lorsque vous prenez des décisions liées aux politiques et que vous essayez d’évaluer les choses, établissez-vous un équilibre entre les droits des passagers et la viabilité des entreprises? Parfois, on a l’impression qu’on ne peut pas aller plus loin, car on risque de contrarier les entreprises. Je pense précisément à la question de l’interconnexion. Les sociétés ferroviaires vont-elles éliminer des services ou les réduire, par exemple, si elles jugent que les coûts sont trop élevés pour elles? D’une manière générale, pour ce qui est des droits des passagers, tenez-vous compte de la rentabilité?

Mme Pégeot : Lorsque nous élaborons un règlement, nous devons examiner les problèmes que nous essayons de résoudre et les types de comportements que nous essayons de modifier. Ce projet de loi demande à l’office d’élaborer des règlements qui renforcent réellement la protection des consommateurs.

Bien sûr, dans le contexte des règlements économiques — comme l’a dit votre collègue, la sénatrice Miville-Dechêne —, nous devons veiller à préserver l’efficacité et l’équilibre du marché. Cela fait partie des objectifs de l’office national des transports. Ceci dit, nous souhaitons évidemment renforcer la protection des consommateurs, et il sera important de veiller à ce que cette protection soit assurée à la fin du processus.

Le sénateur Cardozo : En ce qui concerne l’interconnexion, craint-on que les chemins de fer réduisent leurs services s’ils n’aiment pas ce qu’ils doivent désormais faire?

M. Oommen : Je vais répéter ce que j’ai dit tout à l’heure. Quelle que soit la législation adoptée par le Parlement, nous la mettrons évidemment en œuvre.

Le sénateur Cardozo : On dirait que...

Mme Pégeot : Je peux peut-être ajouter quelque chose. Nous ne pouvons pas vraiment savoir comment ils réagiront. L’interconnexion permet d’augmenter le nombre d’options pour les expéditeurs et de leur donner accès à plus de moyens d’expédier leurs produits. Il est difficile de dire à ce stade s’ils réduiront leurs services. Toutefois, il s’agit pour l’instant d’un projet pilote d’une durée de 18 mois. Nous pourrons déterminer et évaluer les effets qu’aura ce projet pilote, et nous verrons ce qui se passera à son issue.

La sénatrice Dasko : Je remercie les témoins de leur présence. Tout d’abord, je suppose qu’il y a une pile de plaintes non traitées sur votre bureau. Je me demande combien il y en a. J’ai souvent entendu parler de l’arriéré. Comment seront-elles traitées en vertu du nouveau régime? Passeront-elles de cette catégorie à une autre ou devront-elles être traitées selon l’ancienne procédure?

Mme Pégeot : Merci. Oui, nous avons malheureusement un arriéré assez important. Il y a 46 000 plaintes en attente.

La sénatrice Dasko : Il y en a 46 000 sur votre bureau en ce moment même?

Mme Pégeot : Oui, 46 000.

La sénatrice Dasko : D’accord.

Mme Pégeot : Rien que l’année dernière, nous avons reçu 40 000 plaintes. À titre de comparaison, il y a cinq ans, nous en avons reçu 5 000, et peu de temps auparavant, nous en recevions 1 000 par an. C’est pourquoi une partie de la loi d’exécution du budget prévoit un changement de notre modèle d’entreprise. Désormais, nous appliquerons un modèle beaucoup plus simple grâce auquel les décisions pourront être prises par des agents de traitement des plaintes désignés.

Lorsque l’office a été créé, le but était de régler des différends relatifs au transport ferroviaire. Il s’agissait de deux parties commerciales sophistiquées et d’affaires assez complexes ayant des répercussions économiques importantes. L’office n’a pas été créé pour traiter un grand nombre de cas relativement peu complexes.

Ce qui est soumis au Parlement aujourd’hui changerait la façon dont nous menons nos activités. Nous pourrions ainsi résorber l’arriéré et nous serions mieux équipés pour traiter les plaintes de nature générale et peu complexes, dont le volume est élevé.

La sénatrice Dasko : Les personnes dont les plaintes font partie de l’arriéré retourneraient à la case départ avec votre nouvelle procédure? Est-ce bien ce qui se passerait?

Mme Pégeot : La nouvelle procédure s’appliquerait effectivement à l’arriéré, mais nous nous assurerions qu’il n’y ait pas de retour à la case départ. Elles sont là, leur plainte est là, et nous les aiderons à soumettre à nouveau les renseignements qui doivent l’être. Nous essayons de le faire autant que possible par des moyens électroniques et de réduire au minimum les interactions avec ces personnes.

Je dois cependant souligner que la nouvelle législation relative à la protection des passagers aériens dont nous parlons, qui est différente de notre modèle d’entreprise, ne s’appliquerait pas à l’arriéré. Le nouveau régime de protection des passagers aériens ne s’appliquera qu’aux plaintes que nous recevrons une fois qu’il sera en place.

La sénatrice Dasko : D’accord, merci.

Cette question a été soulevée plus tôt et je souhaite l’approfondir parce que nous n’avons pas eu le temps de le faire. En ce qui concerne l’indemnisation à laquelle les passagers peuvent prétendre, peuvent-ils réclamer des dépenses supplémentaires, comme une perte de revenus ou autre? Ou s’agit-il uniquement du prix d’un billet ou d’un hôtel? Quelle est la portée de cette indemnisation? Existe-t-il un règlement pour ces éléments? Cela fait-il partie des règlements que vous devez créer, les dépenses pour lesquelles les passagers peuvent être indemnisés?

Mme Pégeot : Non, nous n’allons pas créer de règlement, et aucune indemnisation n’est offerte aux personnes qui perdent des revenus parce que, par exemple, elles ont manqué une occasion d’affaires ou de travail à cause du retard d’un vol.

Le régime actuel — et, bien que quelques modifications aient été apportées, le nouveau régime — prévoit d’indemniser les passagers en cas de perturbation de leur vol. L’indemnisation à laquelle ils ont droit est fonction de l’importance du retard de leur vol et, dans certains cas, ils ont droit à ce que nous appelons des « normes de traitement » ou à une aide pour la restauration et l’hébergement et, parfois, à des moyens de communication s’ils doivent communiquer avec des personnes.

La sénatrice Dasko : Et aussi à un billet s’ils ont perdu le prix du billet?

Mme Pégeot : Là encore, dans certains cas, oui, ils peuvent avoir droit à un remboursement.

La sénatrice Dasko : Parlez-moi du retard nécessaire. Quand le retard est-il assez important? Quel est le délai au-delà duquel les personnes peuvent être indemnisées?

Mme Pégeot : Lorsque le retard est de trois à six heures, pour les grands transporteurs, les passagers ont droit à 400 $. Je m’en tiendrai aux grands transporteurs. Le montant est moins élevé pour les petits transporteurs. Pour les retards de six à neuf heures, le montant est de 700 $, et pour les retards de plus de neuf heures, il est de 1 000 $.

La sénatrice Dasko : Et ces renseignements figurent dans votre règlement?

Mme Pégeot : Oui.

La sénatrice Dasko : Pensez-vous que ces conditions seront maintenues?

Mme Pégeot : Nous devons revoir le règlement sur la base de la législation, mais je pense que l’on peut affirmer que ce sera la base, oui.

La sénatrice Dasko : Merci.

[Français]

Le président : Merci beaucoup à nos témoins pour leur présence aujourd’hui.

[Traduction]

Honorables sénateurs, nous allons maintenant poursuivre notre étude du projet de loi C-18, non, du projet de loi C-47. Le projet de loi C-18 est tellement présent dans l’esprit du greffier et du président que nous n’arrivons pas à arrêter d’en parler. Nous savons à quel point il est urgent de le mettre en œuvre à temps.

Pour notre deuxième groupe de témoins, nous avons le plaisir d’accueillir, par vidéoconférence, Gábor Lukács, président de Droits des voyageurs, Jeff Morrison, président et chef de la direction du Conseil national des lignes aériennes du Canada, et Duncan Dee, ancien directeur des opérations d’Air Canada. Chacun d’entre vous disposera de cinq minutes pour faire une déclaration liminaire, puis nous passerons aux questions et réponses. Nous allons commencer par Droits des voyageurs. Monsieur Lukács, vous avez la parole.

Gábor Lukács, président, Droits des voyageurs : Monsieur le président, honorables sénateurs, Droits des voyageurs est l’organisation à but non lucratif indépendante composée de bénévoles qui se consacrent à l’autonomisation des voyageurs du Canada. Nous avons l’habitude de bien prédire les lacunes et les failles de la législation relative aux droits des passagers aériens.

Il y a cinq ans, nous avons témoigné devant les comités respectifs de la Chambre des communes et du Sénat et mis en garde contre le caractère inadéquat de la Loi sur la modernisation des transports. En 2019, nous avons publié un rapport de 52 pages contenant des prévisions sur la manière dont les compagnies aériennes exploiteraient probablement les lacunes et les failles du Règlement sur la protection des passagers aériens.

En décembre 2022, nous avons averti que le régime canadien de protection des passagers aériens était défaillant et nous avons proposé des amendements législatifs précis en guise de solution. Quelques jours plus tard, pendant la période des Fêtes, les Canadiens ont assisté au deuxième effondrement du transport aérien de cette année, qui s’est aggravé en raison du mépris flagrant des compagnies aériennes pour les droits des passagers prévus par le Règlement sur la protection des passagers aériens.

Nos prévisions sont basées sur l’expérience des passagers que nous aidons quotidiennement dans leur lutte pour faire valoir leurs droits, et ont été validées par les quatre années qui se sont écoulées depuis l’entrée en vigueur du Règlement.

Aujourd’hui, même le gouvernement reconnaît que notre régime de protection des passagers aériens doit être considérablement renforcé. Malheureusement, les amendements législatifs proposés dans le projet de loi C-47 ont l’effet inverse de celui escompté.

Tout d’abord, le gouvernement propose de créer une procédure secrète, semblable à celle de la Chambre étoilée, pour trancher les litiges entre les passagers et les compagnies aériennes, sans possibilité d’appel. Les décisions seront prises sur la base de renseignements confidentiels et non de preuves, et le public et les médias seront exclus du processus.

Le projet de loi C-47 viole donc la liberté d’expression des Canadiens et le principe de la publicité des débats garanti par l’alinéa 2(b) de la Charte, ainsi que le droit à une audition équitable conformément aux principes de justice fondamentale protégés par l’alinéa 2(e) de la Déclaration canadienne des droits.

Deuxièmement, l’article 85.12 proposé est en fait une clause « Henry VIII » qui permet à l’Office des transports du Canada de modifier la loi tout en contournant le système de freins et contrepoids prévu par la Loi sur les textes réglementaires.

L’office pourra élaborer et modifier des lignes directrices relatives aux droits des passagers du jour au lendemain, sans examen par le greffier du Conseil privé et le sous-ministre de la Justice, sans publication dans la Gazette du Canada et sans examen des comités parlementaires.

Troisièmement, le projet de loi C-47 perpétue les lacunes existantes et en crée une nouvelle. Bien que le gouvernement ait promis le contraire, le projet de loi maintient l’excuse selon laquelle certaines mesures sont « nécessaires pour des raisons de sécurité », qui permet aux compagnies aériennes d’éviter d’indemniser les passagers. Cette échappatoire propre au Canada a compliqué inutilement et de manière disproportionnée le règlement des litiges entre les passagers et les compagnies aériennes. Étant donné que les compagnies aériennes ont le contrôle exclusif des preuves concernant les raisons de la perturbation des vols, les passagers sont très désavantagés lorsqu’ils tentent de faire valoir leurs droits à une indemnisation.

Le projet de loi C-47 ne transfère toutefois la charge de la preuve aux compagnies aériennes dans de tels litiges que si le passager renonce à son droit à une audition équitable et publique devant un juge impartial et accepte de se soumettre à une procédure semblable à celle de la Chambre étoilée. Le projet de loi C-47 crée également une nouvelle faille. Les articles 467 à 470 permettraient aux compagnies aériennes qui signent un accord dit de conformité d’éviter de payer des pénalités pour avoir violé les droits des passagers.

En résumé, bon nombre des amendements proposés par le gouvernement à la Loi sur les transports au Canada manquent leur cible, vont à l’encontre de leur objectif déclaré et affaibliront non seulement la protection des passagers aériens, mais aussi les droits fondamentaux au Canada. Je vous demande de bien réfléchir et de ne pas laisser cette situation se concrétiser. Je vous prie de modifier l’article 23. Le projet de loi C-327, un projet de loi d’initiative parlementaire visant à harmoniser le régime canadien de protection des passagers aériens avec la norme par excellence de l’Union européenne, pourrait servir de modèle pour la modification de l’article 23. Le projet de loi C-327 a été approuvé par les principales organisations de protection des consommateurs du Canada. Elle offre aux Canadiens ce dont ils ont besoin. Merci.

Le président : Merci beaucoup. La parole est maintenant au Conseil national des lignes aériennes du Canada.

Jeff Morrison, président et chef de la direction, Conseil national des lignes aériennes du Canada : Merci et bonjour.

[Français]

Merci pour l’invitation à comparaître devant vous.

[Traduction]

Comme certains d’entre vous le savent, le Conseil national des lignes aériennes du Canada est l’association nationale qui représente les plus grandes compagnies de transport de passagers du Canada. Malheureusement, je ne peux pas me joindre à vous en personne aujourd’hui, car je suis actuellement à Edmonton, mais pas plus tard qu’hier, j’étais à Detroit pour une réunion avec le ministre Alghabra, le secrétaire américain Buttigieg et le secrétaire aux transports du Royaume-Uni, Mark Harper, pour discuter du carburant d’aviation durable, une discussion que je serais ravi d’avoir avec ce comité à une autre occasion. Mais dans le peu de temps qui m’est imparti, permettez-moi de faire quelques remarques essentielles sur les dispositions du Règlement sur la protection des passagers aériens qui figurent dans le projet de loi C-47 que vous étudiez.

Comme je l’ai dit publiquement à plusieurs reprises, rien dans ces amendements au Règlement sur la protection des passagers aériens n’engendrera une amélioration ou un renforcement du transport aérien au Canada, ce qui est la priorité absolue pour les passagers, et dont beaucoup d’entre vous ont parlé avec le groupe précédent. Ces changements n’améliorent pas les infrastructures aéroportuaires; ils n’obligent pas les autres entités de transport aérien à respecter une quelconque norme de responsabilisation; et ils ne réduisent pas le coût du transport aérien. En fait, le projet de loi C-47 engendrera une augmentation du coût des voyages. Ils n’améliorent pas la connectivité régionale. En bref, à une époque où la demande en transport aérien est très forte, comme je l’ai constaté dans les aéroports ces deux derniers jours, le gouvernement devrait se concentrer sur le renforcement du transport aérien, et non sur sa pénalisation.

Compte tenu de la législation qui vous est présentée, j’aimerais recommander deux amendements. Premièrement, si la législation est adoptée, comme nous l’avons dit, on établira une procédure réglementaire qui définira les exemptions que les compagnies aériennes peuvent invoquer pour ne pas payer d’indemnités. Il est impératif que, tout au long de cette procédure réglementaire, le respect de la sécurité soit la principale considération. Comme vous le savez, la sécurité est et doit rester la priorité absolue des compagnies aériennes, et inclut de nombreux facteurs, dont beaucoup sont régis par des règlements; par exemple, les facteurs météorologiques, les problèmes ou défauts mécaniques imprévus, les conflits de travail avec les fournisseurs de services essentiels, les collisions avec des oiseaux, les risques liés à la sécurité, etc. L’idée que les compagnies aériennes devraient être pénalisées pour avoir fait le nécessaire et, dans de nombreux cas, pour avoir respecté leur obligation légale en préservant la sécurité des passagers, va à l’encontre d’une approche équilibrée, juste et équitable, ce qui était l’objectif initial du Règlement sur la protection des passagers aériens.

Nous communiquerons bientôt à ce comité une liste d’exemptions liées à la sécurité qui ont été proposées en Europe et qui visent à clarifier l’exemption pour circonstances exceptionnelles prévue dans le règlement européen, appelé règlement no 261. Nous voulons nous assurer que le Règlement sur la protection des passagers aériens est guidé par une compréhension claire, large et précise de ce qui constitue la sécurité. Nous ne voulons pas d’une situation comme celle du règlement no 261 pour lequel ces paramètres on dû être établis par plus de 50 — et je pense que ce chiffre est maintenant plus proche de 60 — décisions de justice.

Afin de bien saisir l’importance de la sécurité et d’orienter le processus réglementaire subséquent, le Conseil national des lignes aériennes du Canada recommande d’ajouter la disposition suivante au préambule :

La réglementation doit toujours accorder la priorité à la sécurité du système de transport et ne doit pas la compromettre en imposant des conséquences financières aux transporteurs pour des décisions liées à la sécurité dans un mode de transport.

La deuxième recommandation consiste à ajouter un article au projet de loi selon lequel les lignes aériennes devraient offrir des remboursements dans le cas où le gouvernement du Canada émet des avis aux voyageurs. Les transporteurs proposent de plus en plus des prix et des produits distincts pour se différencier, en plus d’offrir une plus grande flexibilité aux passagers au moment de leur achat et d’accroître la transparence. Ce phénomène s’appelle le tarif de marque. À l’hôtel où je séjourne actuellement, je bénéficie d’un tarif de marque. Si le projet de loi exigeait d’offrir des remboursements complets quand le gouvernement émet des avis aux voyageurs, qui sont évidemment totalement hors du contrôle des lignes aériennes, il remettrait en question toute cette structure tarifaire flexible. Par conséquent, notre conseil recommande d’éliminer ce renvoi aux avis aux voyageurs émis par le gouvernement. Sinon, il faut à tout le moins amender cet article pour qu’il ne s’applique qu’aux avis aux voyageurs que le gouvernement émet après l’achat d’un billet, afin que le système de tarif de marque ne soit pas compromis.

Comme je l’ai dit au début, il n’y a rien dans ce projet de loi qui améliorera le système aérien dans son ensemble. Comme nous l’avons appris l’été dernier, les voyages sont perturbés dès qu’une entité n’offre pas un rendement adéquat dans le système aérien, mais bien sûr, le Règlement sur la protection des passagers aériens ne demande des comptes qu’aux lignes aériennes. C’est pourquoi la semaine dernière, notre conseil a produit un rapport assorti de recommandations pour mettre en œuvre un système que nous appelons « l’imputabilité partagée », dans lequel toutes les entités faisant partie de l’écosystème de voyage aérien devraient rendre des comptes à l’aide de normes de service, d’un système de signalement public, d’un protocole de communication et d’un moyen pour les lignes aériennes de récupérer les pertes financières si d’autres entités causent des perturbations. Ce système d’imputabilité partagée ne servirait pas à désigner des coupables, mais plutôt à reconnaître que toutes les entités doivent fondamentalement travailler ensemble efficacement dans le système et que toute amélioration pour les passagers est impossible sans une reddition de comptes de la part de toutes les entités. Bien sûr, nous allons nous assurer que tous les membres de votre comité reçoivent une copie de ce rapport.

Je vous remercie à nouveau de l’occasion qui nous est offerte de témoigner, et je participerai à la discussion avec plaisir.

Le président : Je vous remercie.

Duncan Dee, ancien chef des opérations, Air Canada, à titre personnel : Je vous remercie de m’offrir l’occasion de vous faire part de mon point de vue. Je précise tout d’abord que je vous parle à titre personnel et que je ne représente pas une ligne aérienne.

Compte tenu des expériences horribles que vivent les passagers aériens canadiens depuis 18 mois, surtout durant la haute saison, c’est sans surprise que le ministre des Transports a présenté ces changements qui se veulent des améliorations au régime canadien de protection des passagers aériens. Bien qu’ils puissent sûrement venir simplifier le processus de plaintes, soit permettre aux voyageurs de déposer des plaintes plus facilement et peut-être de recevoir des remboursements et des indemnités des lignes aériennes, ils ne règlent aucunement les problèmes sous-jacents qui causent les plaintes en premier lieu.

Vous ne serez pas surpris d’entendre que depuis 18 mois, les voyages aériens au Canada posent bien des défis. Les chiffres le prouvent. Les aéroports canadiens affichent systématiquement un moins bon rendement que les aéroports américains comparables, parfois même de beaucoup. Les données mensuelles publiques sur la ponctualité provenant de l’Official Airline Guide montrent que l’aéroport Pearson de Toronto, l’aéroport Trudeau de Montréal et l’aéroport international de Vancouver font constamment moins bonne figure que les aéroports américains comparables de Seattle, Detroit, l’aéroport O’Hare de Chicago et bien d’autres. De 1,5 à 2 vols sur 10 sont retardés dans les aéroports américains comparables, tandis qu’on s’approche de 3,5 à 4 vols sur 10 dans les trois principaux aéroports au Canada.

Alors que le ministre et Transports Canada tentent de redéfinir le retard, de manière à ce qu’un vol soit jugé retardé au Canada s’il part plus d’une heure après l’heure de départ prévue, les normes mondiales définissent plutôt un retard comme un vol décollant 15 minutes ou plus après l’heure de départ prévue. Avec un tel retard, les connexions deviennent problématiques pour les voyageurs et les bagages, ce qui risque de perturber beaucoup les plans d’un voyageur.

Ainsi, il y a lieu de se demander à quoi est attribuable le si mauvais rendement du système de transport aérien du Canada. Même si vous n’examinez pas directement ces facteurs aujourd’hui, vous devez comprendre que ces causes sont parfois hors du contrôle de la ligne aérienne. Comme les Canadiens l’ont vu l’été dernier, les principaux facteurs de perturbation étaient liés à une mauvaise planification et aux procédures désuètes de plusieurs organismes fédéraux, en fait. Les longues files aux contrôles de sécurité des aéroports, qui relèvent de l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien, ainsi qu’aux douanes et à l’immigration, qui relèvent de l’Agence de services frontaliers du Canada, ont causé des perturbations majeures dans les horaires des lignes aériennes. Les pénuries de personnel de NAV CANADA ont également joué beaucoup, et le problème persiste. Pourtant, les changements proposés par le ministre ne règlent pas du tout ces problèmes, et ces entités ne sont pas tenues responsables. Il n’y a pas de normes de service applicables. Les voyageurs et les lignes aériennes n’ont carrément pas de recours lorsque ces entités causent des retards, qui peuvent parfois bouleverser les activités des lignes aériennes pendant des jours.

Les compagnies aériennes du Canada se classent constamment parmi les meilleures dans le monde pour la sécurité et le service. Les chiffres le montrent aussi, mais il est clair que notre rendement aérien est bien loin d’être aussi satisfaisant depuis le début de 2022. Les Canadiens peuvent s’attendre à voyager relativement sans perturbations durant la saison intermédiaire, lorsque peu de gens voyagent et que les pressions sur le système sont moindres, mais on ne peut plus en dire autant en haute saison, où les règles en place n’offrent plus de solutions aux problèmes systémiques qui causent ces perturbations en premier lieu.

J’exhorte les sénateurs à chercher des solutions qui pourront véritablement régler les problèmes systémiques sous-jacents, en particulier dans le contexte du projet de loi que vous avez sous les yeux. Il faut s’assurer de tenir responsables tous les acteurs, toutes les entités, et non seulement les lignes aériennes, en fonction de leurs rôles dans la prestation d’une expérience de voyage sans anicroche aux Canadiens.

Sur ce, je répondrai aux questions avec plaisir. Je vous remercie.

Le président : Je vous remercie de votre exposé. Je vais lancer la partie de questions et réponses de notre programme. Ma question s’adresse à M. Morrison.

Je comprends l’importance de bien répartir la responsabilité du fiasco dans notre secteur aérien depuis quelques mois, surtout depuis la COVID, mais je dirais qu’ultimement la responsabilité revient aux compagnies aériennes, car ce sont elles qui engrangent la majorité des revenus. C’est le moteur du transport aérien. Tout le reste est périphérique : la sécurité, les autorités aéroportuaires et même les gouvernements.

Depuis des dizaines d’années, les gouvernements font des pieds et des mains pour protéger et promouvoir notre secteur aérien, en grande partie pour répondre aux exigences et aux souhaits des lignes aériennes. Les politiciens du pays ont été bien conciliants. Il n’y a pas de régime Ciel ouvert au Canada. Il n’y a pas énormément de concurrence, parce qu’on nous convainc depuis des dizaines d’années que nous serons plus concurrentiels en ayant des lignes aériennes plus ciblées et un, deux ou trois transporteurs aériens nationaux.

Il faut dire les choses comme elles sont. Je suis dans les affaires depuis 20 ans. Il fut une époque où l’on disait dans ce milieu que les besoins du client doivent passer en premier. Pour avoir pris l’avion plus souvent qu’à mon tour, je peux vous dire d’expérience — et bon nombre de mes collègues ici présents pourront vous le confirmer — que les besoins du client passent maintenant en dernier. Les actionnaires ont préséance. Les cadres des compagnies aériennes également. Les syndicats et les employés viennent par la suite, mais le client est le dernier en file.

Je vais vous faire grâce des détails des expériences que j’ai vécues, et ce, seulement au cours des trois derniers mois, avec des entreprises comme WestJet et Air Canada, car je ne veux pas m’abaisser à ce niveau. Je peux toutefois vous assurer que ce n’est pas pour rien que l’Office des transports du Canada est saisi de dizaines de milliers de plaintes.

Voici maintenant ma question. Est-ce que les compagnies aériennes vont faire le nécessaire pour rectifier le tir ou est-ce que nous devrons dans notre rôle de législateurs prendre des mesures draconiennes pour commencer à protéger les consommateurs?

M. Morrison : Merci pour la question. D’abord et avant tout, nous reconnaissons tous que l’année 2022 a été difficile en raison de différentes circonstances tout à fait particulières. Nous avons vu la demande grimper de 300 % en quelques mois à peine. Nous avons dû composer avec des conditions météorologiques vraiment exceptionnelles pendant la période de l’année la plus occupée pour les voyages. C’est tout le continent qui a ainsi été touché pendant plusieurs jours. J’en ai moi-même subi les conséquences.

Dans un premier temps, je ne pense pas que nous puissions prétendre que ces circonstances particulières vécues en 2022 vont devenir la nouvelle norme en matière de voyages. Nous constatons plutôt que les choses s’améliorent depuis le début de 2023. Différents paramètres nous l’indiquent. Est-ce que tout est parfait? Non. Mais est-ce que les choses se passent mieux qu’en 2022? Je dirais que oui.

Nous souscrivons par ailleurs tout à fait à votre commentaire concernant la capacité concurrentielle. Nous croyons en fait — et nous en avons discuté avec le ministre — pouvoir rendre l’ensemble de notre système de transport aérien plus compétitif en réduisant nos coûts, et ce, au bénéfice des passagers. Il y a différentes façons dont nous pourrions nous y prendre, et je serais ravi d’en traiter plus en détail avec vous.

Monsieur le président, vous avez fait valoir qu’il fallait vraiment en définitive faire passer les besoins des voyageurs en premier. Je suis tout à fait d’accord avec vous à ce sujet. C’est pour cette raison que nous indiquions que les dispositions du Règlement sur la protection des passagers aériens que vous avez mentionnées ne vont pas régler tous les problèmes de notre système de transport aérien. La meilleure façon de protéger les passagers consiste d’abord et avant tout à minimiser les perturbations. Les sondages effectués, surtout en Europe, nous indiquent que c’est ce qui est le plus important pour les voyageurs. C’est par conséquent là-dessus que nous concentrons nos efforts en vue d’améliorer l’ensemble de notre système. Les compagnies aériennes ne pourront toutefois pas y parvenir sans aide. Je sais que vous avez indiqué que ces compagnies sont les premières responsables, mais elles évoluent en réalité au sein d’un écosystème. Il faut absolument en tenir compte, car les compagnies aériennes pourraient fort bien agir correctement sur tous les plans, mais devoir tout de même composer avec des perturbations si nous n’appliquons pas une telle approche systémique.

Le président : Les représentants d’Air Canada nous ont servi le même discours il y a quelques mois. Ils nous ont parlé de ces conditions météo épouvantables de décembre 2022 qui expliqueraient le service atroce auquel nous avons eu droit. Les choses ne s’améliorent pas en 2023. Les problèmes que j’ai connus à titre de client datent de mars et d’avril de cette année.

Il faut alors essayer de communiquer avec une de nos compagnies aériennes canadiennes. Certaines sont meilleures; d’autres sont un peu plus mauvaises que les autres. Essayer de les joindre pour régler un problème de service à la clientèle, c’est aussi pénible que de subir un traitement de canal sans anesthésie.

En fin de compte, et ceci dit très respectueusement, on peut bien continuer à blâmer la météo, l’écosystème et tous les autres intervenants de l’industrie, mais, en toute franchise, je ne crois pas que les Canadiens vont tolérer tout cela encore bien longtemps. Mon temps est écoulé, si bien que je vais passer la parole à la sénatrice Wallin puis à la sénatrice Simons, qui seront, j’en suis persuadé, plus gentilles que leur président.

La sénatrice Simons : Ou peut-être pas.

La sénatrice Wallin : C’est ce qu’on verra. Merci à tous. Je veux traiter de la question de la productivité au Canada. C’est un de nos sujets d’étude au sein d’autres comités. Je me retrouve jour après jour dans ces avions aux côtés de 200 ou 300 passagers qui peuvent manquer des journées entières de travail. Si vous devez partir de la Saskatchewan en fin de journée pour vous rendre à Toronto pour une correspondance ou pour rentrer à la maison, vous n’arriverez pas dans la Ville Reine — si vous avez la chance d’éviter les retards, ce qui n’arrive jamais — avant 1 h 45 du matin. C’est ainsi votre journée de travail du lendemain qui s’en trouve hypothéquée.

Nous avons déjà discuté abondamment sur cette tribune de ces correspondances manquées, de ces réunions ratées et de ces fameux reports de 15 minutes. Toutes les compagnies aériennes font la même chose. Elles reportent leurs vols de 15 minutes à la fois. À 10 heures, le vol est reporté à 10 h 15, pour être ensuite reporté à 10 h 30. Nous sommes les témoins captifs de ce manège dans les aéroports.

C’est à vous que je vais poser ma question, monsieur Dee, parce que vous avez travaillé pour la plus grande compagnie aérienne de notre pays. Comment pourrions-nous régler ce problème? Ce n’est pas une simple question d’inconvénients pour les passagers. C’est une perte de productivité pour l’économie canadienne qui est déjà en mauvaise posture à cet égard.

Est-ce que la solution doit passer par la concurrence? Y a-t-il moyen pour nous de rendre cela possible, ou a-t-on mis en place des mécanismes qui l’interdisent?

M. Dee : Merci, sénatrice, pour cette question. Comme vous, je vis à l’extérieur des grands centres. Je suis au Nouveau-Brunswick, et je vous comprends très bien lorsque vous parlez de ce dernier vol à partir de Saskatoon, ou de Moncton dans mon cas, qui vous fait atterrir après minuit à Toronto où vous vous retrouvez coincé parce qu’il n’y a plus d’autres vols en correspondance.

Quelle est la situation de l’industrie? Nous avons pu constater, surtout au cours de la dernière année, que les Canadiens font beaucoup moins bien que leurs homologues dans une position comparable. Si on compare Toronto et Detroit, deux villes très rapprochées, ou encore Vancouver et Seattle, ou bien Montréal et Boston, il faut avouer que le nombre de retards est nettement plus élevé du côté canadien de la frontière. Les problèmes que vous connaissez en Saskatchewan sont tout à fait compréhensibles, étant donné le nombre de vols qui relient votre province à ces grands aéroports.

Que se passe-t-il au Canada pour que nous offrions une si piètre performance? C’est une question que les sénateurs et les parlementaires sont tout à fait justifiés de se poser.

Je peux peut-être vous suggérer quelques causes possibles. À titre d’exemple, les États-Unis viennent tout juste d’adopter un projet de loi bipartisan sur les infrastructures qui prévoit 50 milliards de dollars américains pour les améliorations aéroportuaires. Pendant ce temps-là, le gouvernement du Canada enlève chaque année un demi-milliard de dollars aux aéroports du pays, autant de fonds qui pourraient aller à des mesures comme l’amélioration des chemins de roulement, des pistes et du déglaçage. Nous étions auparavant les experts mondiaux en matière de déglaçage, et voilà maintenant que des aéroports comme celui de Vancouver éprouvent toutes sortes de difficultés à ce chapitre. On a même dû fermer complètement cet aéroport à la suite d’une chute de neige de 3 cm à peine.

La situation actuelle au Canada n’est pas acceptable pour les voyageurs, car tous ces retards ont un effet cumulatif, même lorsque la météo est la seule responsable. Je sais que votre président a indiqué que les conditions météo ne devaient pas servir d’excuse. Malheureusement, au Canada, il suffit qu’un phénomène météorologique touche un seul de nos grands aéroports une journée donnée pour que les répercussions se fassent ressentir pendant plusieurs jours par la suite. Cela s’explique du fait que le délai de reprise du service est maintenant beaucoup plus long qu’il l’était auparavant au Canada. Cette situation est en grande partie attribuable au fait que nous n’avons pas investi dans les mesures nécessaires pour faire en sorte que le système soit suffisamment résilient pour pouvoir composer avec ce genre de problématiques, lesquelles risquent seulement de s’aggraver si l’on en croit les mises en garde des scientifiques au sujet du changement climatique. Merci.

La sénatrice Wallin : Merci. Je vais faire cadeau de mon temps à mes collègues afin de maximiser le nombre de questions posées.

La sénatrice Simons : Monsieur Morrison, je vous trouve chanceux d’être à Edmonton en cette journée où la température est magnifique là-bas, contrairement à ce que nous avons ici.

Vous pourriez difficilement tomber sur des interlocuteurs plus avertis que nous le sommes à ce sujet. Nous sommes nombreux à prendre l’avion deux fois par semaine, trois ou quatre semaines par mois. Vous nous dites que les choses s’améliorent, mais nous constatons que ce n’est pas le cas. Nous avons pu l’observer et nous en avons fait directement l’expérience. Ce ne sont pas les files d’attente à l’immigration qui posent problème. Comme je voyage d’Edmonton à Ottawa, ce n’est pas ça qui est problématique.

Ma question est pour M. Lukács. Je plaçais de grands espoirs dans ce nouveau système qui laissait entrevoir un règlement plus rapide des plaintes de telle sorte que l’on ne se retrouve plus avec 46 000 personnes en attente d’une décision. Vous semblez tout à fait convaincu. Vous avez essentiellement comparé le tout à un tribunal secret. Cela ne s’apparente pas vraiment à une procédure judiciaire. C’est davantage un mécanisme organisationnel de médiation pour une industrie sous réglementation fédérale.

Pourquoi estimez-vous si problématique ce processus de médiation qui, selon le gouvernement, devrait permettre d’accélérer les choses? Ne pourra-t-on pas ainsi régler plus rapidement les dossiers?

M. Lukács : Merci pour la question.

Il y a deux éléments à considérer. Premièrement, il ne s’agit pas d’une médiation. Le processus aboutit en définitive à une ordonnance exécutoire, tout aussi contraignante que n’importe quelle ordonnance judiciaire. Un processus de médiation n’a bien sûr pas ce caractère contraignant, et le niveau de confidentialité est totalement laissé à la discrétion des parties en cause.

Cependant, lorsqu’une décision judiciaire est rendue relativement aux droits revendiqués, un principe juridique bien établi veut que l’on rende publics aussi bien le processus en question que la preuve produite. C’est l’une des valeurs fondamentales de notre démocratie, qu’il s’agisse d’un conflit entre locataire et propriétaire ou d’un différend en matière d’immigration, autre que ceux touchant les réfugiés. En l’absence de la nécessité impérieuse de protéger une victime ou un innocent en gardant le tout confidentiel, c’est la transparence qui est de mise.

J’ai d’emblée beaucoup de difficulté à faire confiance à l’Office des transports du Canada, étant donné sa mauvaise gestion de la pandémie de COVID-19. L’office a alors affiché des informations erronées sur son site Web en plus d’induire en erreur les passagers en leur faisant croire qu’ils étaient tenus d’accepter des bons d’échange, alors qu’ils avaient droit à des remboursements en bonne et due forme.

Je ne pense pas que l’on va améliorer la situation en rendant les choses encore plus opaques. Il y a un vieux dicton qui dit que la lumière du jour est le meilleur des désinfectants.

La sénatrice Simons : Il semble y avoir des éléments qui ont effectivement été améliorés. Je pense notamment aux indemnisations pour les bagages livrés en retard et à la volonté de reconnaître que les gens ont droit à de la nourriture et à de l’eau, ce qui m’apparaît être le strict minimum.

Il ne fait aucun doute que le système actuel est déficient alors que 46 000 personnes sont en attente d’une décision. Le processus des tribunaux administratifs peut être extrêmement long. Si vous deviez restructurer le système en place, quelle serait selon vous la meilleure manière d’en arriver à une médiation efficiente des différends, sans avoir à s’en remettre à un processus quasi judiciaire pouvant s’étendre sur plusieurs années?

M. Lukács : Précisons d’abord et avant tout qu’il existe depuis des décennies des dispositions législatives concernant les bagages. La Convention de Montréal, une composante de la Loi sur le transport aérien, exige des compagnies aériennes qu’elles indemnisent les passagers au titre des bagages livrés en retard, perdus ou endommagés, tout au moins dans le cas des voyages internationaux.

Depuis plus d’une décennie, l’Office des transports du Canada établit une jurisprudence concernant les bagages livrés en retard et les dommages-intérêts afférents, ce qui a obligé les compagnies aériennes à en faire autant.

Ce projet de loi vise donc à corriger certaines erreurs dans le libellé du projet de loi C-49, des anomalies que nous avions, soit dit en passant, signalées dès 2017. Le gouvernement ne nous avait pas écoutés à ce moment-là, et il ne semble pas vouloir le faire davantage aujourd’hui.

Vous m’avez demandé quelle pourrait être la solution. Il s’agit en fait d’établir des règles extrêmement claires. S’il y a beaucoup moins de plaintes des passagers concernant les bagages que relativement aux vols retardés ou annulés, c’est parce que les règles touchant les bagages sont nettement plus claires.

Les problèmes que nous connaissons relativement aux indemnisations pour les vols retardés ou annulés, ou pour les refus d’embarquement sont principalement attribuables au fait que le Canada n’a pas suivi le modèle d’excellence établi par l’Union européenne en la matière.

La Chambre des communes est actuellement saisie d’un projet de loi, le projet de loi C-327, qui permettrait au Canada de se conformer à cette norme d’excellence établie par l’Union européenne. On pourrait en outre aussi intégrer une partie de la jurisprudence constituée en Europe pour déterminer quelles circonstances peuvent être jugées exceptionnelles. Ce serait vraiment la solution à privilégier.

Il suffit que les compagnies aériennes s’exposent à de lourdes conséquences financières lorsqu’elles enfreignent la loi, et que cette dernière soit assez claire pour que chacun comprenne bien ses obligations, pour que les choses deviennent tout à coup très simples.

Si vous voulez rendre le système plus efficient, vous pourriez obliger les compagnies aériennes à assumer les frais extrajudiciaires lorsqu’elles contestent les plaintes dûment fondées. On pourrait leur imposer des dommages-intérêts triples. Nous disposons de différents outils pour inciter les compagnies aériennes à se montrer raisonnables, mais nous devons pouvoir nous appuyer pour ce faire sur des règles claires et simples. Ce n’est pas ce que permettent les dispositions dont vous êtes saisis.

Comme vous avez pu l’entendre, on voudrait maintenant pour ainsi dire transférer de la Loi elle-même au Règlement l’échappatoire « nécessaire par souci de sécurité ». C’est comme si on prenait le même avion pour le peindre d’une couleur différente en affirmant que l’on repart à neuf.

La sénatrice Simons : Merci.

Le sénateur Cardozo : J’ai une question d’ordre général que je voudrais poser à tous nos témoins.

Lorsqu’une décision doit être prise, est-ce que vous devez, de concert avec le gouvernement, prendre en compte, d’une part, les droits des passagers et, d’autre part, la viabilité des entreprises en cause, soit les compagnies aériennes? J’aimerais que vous me parliez de cet équilibre à rechercher.

Monsieur Dee, vous avez indiqué que nous n’avions pas investi dans les mesures nécessaires pour nous assurer une résilience suffisante. J’aimerais que vous me donniez de plus amples détails sur les dispositions que nous devrions prendre à cette fin.

Monsieur Lukács, vous préconisez l’adoption de « règles extrêmement claires ». Pourriez-vous nous donner quelques autres exemples des règles auxquelles vous pensez?

Voyons d’abord pour les commentaires d’ordre général. Je vais commencer par M. Morrison.

M. Morrison : Certainement. Vous avez demandé s’il fallait tenir compte de la viabilité des compagnies aériennes dans l’application du Règlement sur la protection des passagers aériens, et je vous dirais que c’est assurément le cas.

Nous avons déjà beaucoup parlé de la capacité concurrentielle des compagnies aériennes. Si l’on ajoute de nouveaux fardeaux financiers à ces entreprises pour toutes sortes de raisons, ceux-ci viendront s’ajouter aux coûts additionnels que nous avons dû assumer au cours des derniers mois, comme l’augmentation de 30 % des frais de NAV CANADA, la hausse de 30 % également dont on vient de parler pour ce qui est de la sécurité, et la majoration généralisée des frais d’améliorations aéroportuaires.

Si l’on ajoute ainsi sans cesse de nouveaux coûts, il y a nécessairement des répercussions sur les liaisons que nous pouvons offrir, sur notre capacité concurrentielle et sur les tarifs que nous devons exiger des voyageurs. Il y a certes un lien direct.

Le sénateur Cardozo : Nous vous écoutons, monsieur Dee.

M. Dee : Merci, sénateur. Pour ce qui est des exemples de résilience, je pourrais vous parler simplement de la disponibilité des équipements de déglaçage durant une tempête. Nous avons vu que l’aéroport de Vancouver n’a pas pu répondre à la demande de déglaçage alors que l’on avait reçu à peine 3 cm de neige en décembre. Il a fallu fermer complètement l’aéroport pendant tout un avant-midi. Des choses semblables ne devraient pas se produire. Le problème ne s’est pas posé à Seattle alors que les conditions météo étaient identiques à celles que nous connaissions au Canada.

Je vous rappelle que l’Union européenne a établi la norme d’excellence en la matière. Cela ne fait aucun doute. Il faut cependant aussi préciser que l’on bénéficie là-bas d’un soutien beaucoup plus senti au titre des infrastructures nécessaires pour assurer l’efficacité et l’efficience d’un système de transport aérien. Ce n’est pas possible avec le modèle d’utilisateur-payeur en vigueur au Canada.

Il suffit de constater, comme le soulignait M. Morrison, que les frais d’améliorations aéroportuaires ont augmenté de 45 $ par passager qui embarque dans certains aéroports canadiens. Aux États-Unis, ils sont plafonnés à moins de 3 $ par voyageur.

Sénateur, vous vouliez savoir au départ si l’on devrait tenir compte dans l’application de ces règles de la viabilité de l’industrie visée. Je vous répondrais qu’il faut également prendre en considération la capacité de payer des voyageurs.

Les Canadiens paient des taxes et des frais parmi les plus dispendieux de la planète. On demande sans cesse aux voyageurs de délier davantage les cordons de leur bourse pour payer des sommes toujours plus élevées au titre de la sécurité, de NAV CANADA et des améliorations aéroportuaires.

J’ai une dernière remarque, qui concerne particulièrement la question des communautés éloignées. Le Canada est l’un des rares pays du monde qui comptent des aéroports éloignés ayant encore des pistes de gravier. Si vous voulez parler de la résilience et la capacité de servir les petites communautés du Canada, sachez que le nombre de modèles d’aéronefs qui peuvent encore servir les pistes de gravier est en diminution. Par exemple, Canadian North vient de retirer...

Le sénateur Cardozo : Cela vous dérange-t-il si je vous arrête là et demande à M. Lukács de formuler une brève observation, parce que mon temps de parole est presque écoulé?

M. Dee : Je suis désolé, sénateur.

Le sénateur Cardozo : Merci beaucoup.

M. Lukács : L’objectif de la bonne réglementation est la modification du comportement. Dans le cas des compagnies aériennes, cela signifie qu’au lieu d’investir de l’argent dans le versement d’indemnisations, elles investiront davantage dans les aéronefs et les équipes de remplacement, comme cela se fait dans l’Union européenne.

Les compagnies aériennes aiment se plaindre des écosystèmes, mais elles ont la possibilité de poursuivre leurs fournisseurs et les tiers. Il s’agit des litiges commerciaux.

Pour ce qui est des règles très claires, il suffit d’examiner les critères de l’Union européenne. Dans la grande majorité des cas, on peut décider en quelques minutes si un passager a droit ou non à une indemnisation. On vérifie quand le vol était censé arriver et quand il est arrivé, et on examine les informations publiques pour voir s’il y avait une situation vraiment extraordinaire comme une éruption volcanique, une importante tempête de neige ou un incident terroriste — Dieu nous en préserve — et c’est tout. Il n’est pas nécessaire d’avoir une énorme quantité de données probantes. Il peut s’agir d’un processus strict s’apparentant presque à celui d’un tribunal, car les exceptions sont si rares qu’il ne faut pas beaucoup de temps pour déterminer si le passager a droit ou non à une indemnisation.

Le président : Merci beaucoup.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Monsieur Morrison, vous avez bien l’interprétation dans vos écouteurs?

M. Morrison : Oui, je vous remercie.

La sénatrice Miville-Dechêne : Je suis un peu sonnée par votre argumentaire qui repose essentiellement sur le fait que vous n’avez pas vraiment de responsabilité dans tout ce système, et que ce sont les autres, surtout, qui ont la responsabilité. Je dois vous dire que cela, d’un point de vue personnel, m’énerve toujours : ce sont les autres, ce n’est pas nous.

Vous avez tout de même plusieurs responsabilités là-dedans. J’ai même le sentiment que votre discours est légèrement menaçant. Si cette loi, si la réglementation entre en vigueur, ce que vous dites c’est que non seulement les consommateurs vont payer plus, mais qu’ils auront moins de vols, puisque vous n’aurez plus les moyens de financer ces vols. Est-ce que je comprends bien la teneur de votre discours?

M. Morrison : Merci pour la question.

[Traduction]

Avec tout le respect que je vous dois, je dirais que non, ce n’est pas ce que nous voulions dire. Tout d’abord, en ce qui a trait à la responsabilité, pour être tout à fait clair, les compagnies aériennes prennent avec le plus grand sérieux leurs responsabilités en ce qui concerne les droits à la protection des passagers et d’autres aspects, comme la sécurité.

Si un vol est retardé ou perturbé, la première étape du processus, dont le groupe de témoins précédent n’a pas parlé, veut que le passager fasse une réclamation directement auprès de la compagnie aérienne, bien entendu. Cette dernière dispose de 30 jours pour y répondre, et la grande majorité des réclamations sont réglées dans le cadre d’un processus très informel.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Pourquoi y a-t-il 46 000 plaintes qui n’ont pas reçu de réponse? Cela n’a pas de sens, ce que vous dites.

[Traduction]

M. Morrison : Non, la grande majorité des réclamations se règlent directement entre les compagnies aériennes et les passagers, encore une fois dans le délai de 30 jours. Nous avons constaté, ici encore en raison de certaines circonstances particulières vécues en 2022 avec les retards pendant l’été et la période des Fêtes, qu’un grand nombre de plaintes avaient été déposées à l’Office des transports du Canada.

Je crois qu’en ce qui concerne les différences d’interprétation entre le passager qui décide de s’adresser à l’Office des transports du Canada et la compagnie aérienne, il y a un manque de clarté en ce qui concerne les circonstances exceptionnelles et les exemptions que Mme Pégeot a mentionnées lors de la comparution du premier groupe. Voilà pourquoi nous avons besoin d’un processus réglementaire clair pour définir ces exemptions. Nous recommandons au comité de faire passer la sécurité avant tout. En ce qui concerne...

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Pour nous montrer votre bonne foi, pourriez-vous, ici, nous promettre que l’adoption de la loi et de la réglementation n’entraînera pas en une augmentation des tarifs aériens, qui sont déjà passablement élevés, et une réduction de service quant à la fréquence des vols?

[Traduction]

M. Morrison : Non, je ne peux pas faire cette promesse. Tout d’abord, en ce qui concerne le droit pour la sécurité des passagers, dont il est question dans le projet de loi C-47, c’est un frais qui est refilé directement aux consommateurs, aux passagers. C’est énoncé dans le projet de loi.

Pour ce qui est des autres coûts que ce projet de loi pourrait entraîner, y compris, soit dit en passant, un dont nous n’avons pas parlé, soit la somme potentielle que les compagnies aériennes devraient payer si un passager décide de s’adresser à l’Office des transports du Canada, une décision qui échappe au contrôle du transport aérien... Ici encore, quand on continue d’ajouter les différents frais, la situation devient intenable à un moment donné.

Maintenant, puis-je affirmer que ces coûts seront refilés aux passagers? Non. Puis-je dire qu’ils ne le seront pas? Non. Les compagnies aériennes devront faire ce choix de manière indépendante. Ce que je peux dire, c’est que si vous continuez d’ajouter continuellement des coûts pour les entreprises, que ce soit dans le domaine du transport ou un autre, il y aura des répercussions à un moment donné.

Sachez enfin que pas plus tard que la semaine dernière, nos homologues américains...

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Ne faites-vous pas de profits, monsieur Morrison? Les compagnies aériennes ne font-elles pas de profits en ce moment?

[Traduction]

M. Morrison : Bien sûr, il importe de se rappeler que nous avons affronté trois ans de pandémie, au cours desquelles les compagnies aériennes se sont considérablement endettées.

Je traiterai enfin de la question de la compétitivité, pour dire que nos homologues américains étaient à Ottawa la semaine dernière et ont fait remarquer à divers fonctionnaires que puisque le coût du transport aérien est beaucoup plus élevé au Canada qu’aux États-Unis, les transporteurs aériens américains ont réduit de 30 % leurs vols vers des aéroports secondaires, comme ceux de Regina et de Saskatoon, comme nous l’avons d’ailleurs souligné. Ces villes sont en train de perdre leur accès au réseau de transport américain en raison du manque de compétitivité au Canada. Ici encore, c’est le genre de situation à laquelle nous voulons nous attaquer. Nous voulons bénéficier d’un système solide, plus compétitif. Les compagnies aériennes ne peuvent pas y arriver seules. Je sais que les gens n’aiment pas l’entendre, mais cela fait partie d’un système.

Le président : Je vous remercie, monsieur Morrison.

Le sénateur Manning : Je remercie nos témoins.

J’ai écouté toutes vos allocutions d’ouverture, et chacun d’entre vous est ici pour traiter du projet de loi C-47. Je me trompe peut-être, mais je pense que chacun d’entre vous a déclaré que ce projet de loi ne fera absolument rien pour améliorer la circulation aérienne au pays. Voilà qui me préoccupe beaucoup, car le projet de loi C-47 est censé faire exactement le contraire de ce que vous êtes en train de nous dire.

Si chacun d’entre vous pouvait prendre un instant pour nous dire une chose que nous devons faire avec ce projet de loi pour améliorer la circulation aérienne au Canada, quelle serait cette chose?

M. Lukács : Je me ferai un plaisir de répondre en premier, sénateur. Vous avez probablement notre mémoire. Nous y présentons des recommandations concernant les articles 5, 6 et 7 afin d’éliminer les échappatoires existantes. Il s’agirait essentiellement de mettre en œuvre des dispositions du projet de loi C-327, un projet de loi d’initiative parlementaire de M. Bachrach qui harmoniserait le régime de protection des passagers du Canada avec celui de l’Union européenne. Ce régime a fait ses preuves et est mis à l’épreuve depuis près de deux décennies. Il a permis aux compagnies aériennes de demeurer rentables, même les transporteurs à faible coût en activité en Europe.

Le sénateur Manning : Monsieur Morrison?

M. Morrison : J’ai formulé une recommandation pour que le développement du processus réglementaire soit guidé par la nécessité d’assurer la sécurité. C’est absolument essentiel pour les compagnies aériennes.

J’aimerais également ajouter le concept de partage de la responsabilité, dont j’ai parlé plus tôt dans mes interventions et au sujet de laquelle nous avons publié un rapport la semaine dernière. Nous avons supposé que ce ne serait probablement pas inclus dans ce projet de loi. Cependant, compte tenu des commentaires du ministre et de Transports Canada, nous comprenons qu’il est probable ou possible que soit déposé dès l’automne un projet de loi qui comprendrait les éléments de ce régime de responsabilité partagée. Ce régime prévoirait notamment l’échange de données et un protocole de communication afin que les compagnies aériennes soient mieux informées quand il y a des retards ou des perturbations chez les autres entités.

Avec tout le respect que je dois à la sénatrice Simons, qui prétendait que les douanes ne sont jamais vraiment la cause du problème, j’ai vu ce qu’il en était en personne, de mes propres yeux hier à l’aéroport Pearson quand je suis passé par l’aire de l’ASFC. Il y avait eu un seul employé pour faire face à une foule de passagers, et un homme a dit qu’il manquerait son vol en raison de ce retard aux douanes. Nous devons améliorer le système global avec un processus de responsabilité partagée. Le but n’est pas de trouver des coupables, mais d’améliorer le transport aérien pour tous les passagers.

Le sénateur Manning : Monsieur Dee?

M. Dee : Je vous remercie, sénateur Manning. Si nous étions confinés à ce projet de loi, je ferais écho aux propos de M. Morrison sur la nécessité de partager la responsabilité.

Je vous donnerai juste un petit exemple, pour revenir à un point que la sénatrice Wallin a soulevé plus tôt sur l’incohérence des contrôles de sécurité dans les aéroports, pour faire remarquer que c’est une étape à laquelle tant les voyageurs que les membres d’équipage sont, de fait, retardés. Nous avons constaté l’an dernier que des membres d’équipage étaient retardés et que des vols devaient attendre qu’ils aient fait l’objet d’une vérification adéquate.

Dans la mesure où les différents acteurs du secteur peuvent être tenus responsables au moyen de données et de normes de service adéquates, cela contribuera à améliorer l’expérience des voyageurs et à réduire les délais et les annulations, particulièrement pendant les périodes de pointe. Le gouvernement ne devrait pas rejeter l’idée de la responsabilité partagée, car dans bien des cas, il admet que c’est quelque chose d’absolument nécessaire, comme lorsqu’il a ajouté du personnel quand il était évident qu’il n’y avait pas suffisamment d’agents aux douanes et à la sécurité.

Le sénateur Manning : Monsieur Morrison, lorsqu’un vol est retardé ou annulé et que je me retrouve au comptoir de service pour parler aux préposés, ils ont devant eux une file de centaines de personnes, et je suis désolé pour eux avec tout ce qu’ils doivent accomplir à ce bureau. Il semble que le processus soit très lent lorsqu’il y a un problème et qu’il y a une file de 200 ou 300 personnes, dont certaines ont un vol à prendre dans une heure et demie et des correspondances à faire. Fait-on un effort en vue d’améliorer ce processus? Pour notre part, nous nous présentons au comptoir Super Élite ou à un autre service, mais pour de nombreuses personnes qui attendent en ligne, ce n’est pas une option.

Le président : Le temps est écoulé. Je vous remercie de votre question.

M. Morrison : J’y reviendrai.

La sénatrice Dasko : Je poserai ma première question à M. Dee. Vous avez souligné le fait que les déplacements sont problématiques, parlant des facteurs systémiques, des facteurs qui ne relèvent pas de la compétence des transporteurs aériens : les files aux contrôles de sécurité, les problèmes de système, de dégivrage et ainsi de suite. Me faisant l’avocate du diable pour un instant, j’admettrai que ces genres de facteurs peuvent certainement être problématiques, mais cela étant dit, même si nous ne pouvons pas résoudre tous les problèmes avec les mesures que le projet de loi contient afin de modifier le processus d’interaction des passagers, de réclamation et de traitement des plaintes, ne croyez-vous que si nous pouvons en régler quelques-uns, ce serait une amélioration? Ce projet de loi n’aidera pas notre système? Ne devrions-nous pas l’adopter et dire que nous allons de l’avant, sachant que nous devrons nous attaquer à d’autres problèmes? Peut-être les résoudrons-nous avec le temps. C’est ainsi que je voudrais vous poser la question.

M. Dee : Oui, sénatrice. Absolument. Le système actuel de traitement des plaintes de passagers est bureaucratique et lourd, particulièrement à l’Office des transports du Canada, et pourquoi y a-t-il un arriéré de 46 000 plaintes qui prendra plus d’un an à traiter? De toute évidence, il y a un problème de processus et de procédure qui doit être réglé. Est-ce que ce projet de loi contribuera à le résoudre? Bien sûr, il le fera certainement.

Pour ce qui est de tenir les compagnies aériennes responsables, le projet de loi apporte certainement de l’aide dans certains cas qui exigent des éclaircissements, surtout au chapitre de la responsabilité de la compagnie aérienne.

De façon générale, le système est dans un état déplorable à l’heure actuelle, et j’établirai ici des comparaisons entre le Canada et les États-Unis, car ce sont les plus simples à faire. Il est difficile de contester que Vancouver et Seattle, par exemple, ou Toronto et Detroit ne devraient pas être comparées, parce qu’elles sont trop proches. Comment se fait-il alors que lorsqu’elles font face aux mêmes problèmes et aux mêmes conditions météorologiques, les délais sont beaucoup plus longs à Toronto, à Vancouver ou à Montréal que dans des aéroports américains comparables?

Oui, les compagnies aériennes peuvent être tenues responsables et peuvent faire l’objet de réclamations. C’est parfaitement juste, car le contrat de transport lie le voyageur et le transporteur aérien, mais il existe sûrement un autre moyen de tenir tous les autres acteurs responsables. C’est tout ce que je voudrais souligner.

Vous avez tout à fait raison, sénatrice. Le projet de loi est-il une amélioration par rapport à certaines mesures que nous avons déjà eues? Oui.

La sénatrice Dasko : Je vous remercie.

Ma deuxième question s’adresse à M. Lukács. Le ministre a affirmé que dans le cadre du nouveau régime qu’il propose ici, nous serons mieux protégés qu’en Europe après la mise en œuvre des changements, et aussi mieux protégés qu’aux États-Unis. Or, vous avez indiqué que nous serons en fait pire qu’en Europe, nous exhortant à adopter un projet de loi d’initiative parlementaire qui est censé aider à améliorer les choses.

Aidez-moi à y comprendre quelque chose. Comment pouvez‑vous nous dire quelque chose à propos de la comparaison avec l’Europe alors que le ministre affirme exactement le contraire? Pourriez-vous expliquer votre point de vue?

M. Lukács : Je vous remercie de la question, sénatrice. Malheureusement, le gouvernement nous a déjà affirmé en 2017, 2018 et 2019 que nous avons le meilleur régime de protection des passagers, et voilà où nous en sommes, avec 46 000 plaintes devant l’office.

Le problème vient en partie du fait que le ministre a beaucoup de responsabilités et qu’il n’est pas précisément un expert des droits des passagers aériens. Il s’occupe d’autres choses. Lorsqu’il a annoncé ces mesures, il ne semblait même pas savoir quand elles entreraient en vigueur. En fait, il a eu du mal de répondre à des questions de base à ce sujet. Il semble que le ministre soit mal informé à propos de ce qui se trouve réellement dans le projet de loi ou qu’il ait reçu de mauvais conseils.

Le président : Merci beaucoup. Le temps est écoulé.

Le sénateur Quinn : Je serai bref pour que le sénateur Harder ait un peu de temps.

Je demanderais une précision à M. Morrison. Vous avez indiqué que la grande majorité des plaintes se règlent entre les compagnies aériennes et les passagers. Nous avons entendu dire qu’il y a 46 000 ou 47 000 plaintes devant l’Office des transports du Canada. Votre réponse laisse entendre qu’il y aurait des centaines de milliers de plaintes. Ai-je raison de croire que c’est le cas, si la vaste majorité des plaintes se règlent sans passer devant l’office?

M. Morrison : Je vous remercie de votre question. Ici encore, en raison de ce qui s’est passé en 2022 avec les perturbations importantes vécues au cours de l’été et de la période des Fêtes — deux situations uniques, je le répète —, les compagnies aériennes ont reçu un nombre considérable de réclamations. Je ne connais pas ce nombre. Bien sûr, quand un passager décide de s’adresser à l’Office des transports du Canada, c’est son choix. Les passagers et les compagnies aériennes ont mal interprété ce qui peut donner droit à une indemnisation, raison pour laquelle nous supposons qu’il y a...

Le sénateur Quinn : Vous pouvez arrêter là, parce que j’ai une deuxième question. Pour moi, c’est un indicateur de rendement. D’après ce que j’ai entendu, il y a beaucoup de plaintes, je crois.

J’ai une question au sujet de l’échange de renseignements et du partage de données. Nous avons entendu parler des chaînes de blocs et d’autres systèmes dans d’autres secteurs, que ce soit celui du transport maritime ou du camionnage. Qu’est-ce qui vous préoccuperait au chapitre du partage des données? Quel type de données ne voudriez-vous pas vous partager?

M. Morrison : Pour les compagnies aériennes, tout ce qui est de nature confidentielle au sujet des passagers serait évidemment préoccupant. En ce qui concerne la question plus vaste du partage des données, nous sommes tout à fait d’accord. Cela faisait partie de l’annonce du budget. Comme je l’ai indiqué, nous nous attendons à ce qu’un projet de loi soit déposé à un moment donné...

Le sénateur Quinn : Merci. C’est excellent.

Le sénateur Harder : Merci beaucoup, sénateur Quinn.

Ma question s’adresse à M. Dee. Il y a près de 30 ans, le gouvernement du Canada de l’époque et les gouvernements subséquents ont adopté ce qu’ils ont appelé le modèle utilisateur‑payeur dans ce secteur en particulier. Ce modèle tenait compte de la propriété des aéroports et, dans la foulée des attentats du 11 septembre, de la répartition des responsabilités en matière de sécurité des passagers. Dans un certain sens, nous avons atteint, selon moi, les limites de ce cadre stratégique.

Ce type de modernisation et de redistribution des responsabilités pour gérer les infrastructures qui n’a pas été maintenu signifie manifestement que la solution réside dans le rajustement de ce que le consommateur devrait payer et de ce que les contribuables devraient payer.

Est-ce que je m’exprime trop directement? À votre avis, n’est‑il pas temps d’effectuer une vaste étude sur le cadre stratégique dans ce secteur afin que nous puissions rééquilibrer la répartition appropriée des fonds publics aux consommateurs et au public en général?

M. Dee : Je vous remercie de votre question, sénateur Harder. La réponse brève est : absolument. J’ai pris part à la dernière étude, qui a été présidée par l’honorable David Emerson. Ce dernier a fait un examen de la Loi sur les transports au Canada, qui a lieu tous les 10 ans. Un nouvel examen doit avoir lieu dans un an; espérons que le gouvernement rééquilibrera les choses. Ce qui est encore plus important, toutefois, c’est qu’une fois l’examen achevé, le ministre, quel qu’il soit, mette en œuvre bon nombre des recommandations. Malheureusement, un grand nombre des recommandations que nous avons formulées dans le cadre de l’étude Emerson n’ont pas été retenues.

En ce qui concerne plus précisément le modèle utilisateur-payeur, le Canada est la seule grande économie du monde ayant une politique d’utilisateur-payeur à 100 %. On le constate sur son billet d’avion. Quand on examine les frais d’amélioration aéroportuaire au Canada, ces frais sont maintenant de 40 à 45 $ par voyageur, alors qu’aux États-Unis, ils sont plafonnés à moins de 3 $ par voyageur.

Quand on regarde l’élasticité et la capacité des voyageurs à payer pour l’ensemble du système de transport aérien, je crois que nous avons atteint un point de saturation. Quand on parle d’une augmentation de 30 % des droits pour la sécurité des passagers du transport aérien sans que l’expérience ne s’améliore en conséquence — la sénatrice Wallin a parlé de son expérience personnelle plus tôt —, je pense que les Canadiens devraient s’interroger à ce sujet.

En ce qui concerne le modèle utilisateur-payeur lui-même, je pense que le temps est venu pour notre pays d’examiner ce modèle dans le contexte du transport aérien, car ce n’est pas seulement un problème pour les compagnies aériennes et les passagers aériens; c’est devenu un enjeu économique ayant de vastes répercussions sur l’ensemble de l’économie.

Le président : Au nom du comité, je tiens à remercier tous les témoins d’avoir fait la lumière sur toutes ces questions. Je peux vous assurer, après avoir écouté très attentivement vos témoignages et vos réponses aujourd’hui, que le ministre aura beaucoup de comptes à rendre demain quand il comparaîtra devant le comité.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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