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TRCM - Comité permanent

Transports et communications

 

LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES TRANSPORTS ET DES COMMUNICATIONS

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 3 mai 2023

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd’hui, à 18 h 45 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi C-18, Loi concernant les plateformes de communication en ligne rendant disponible du contenu de nouvelles aux personnes se trouvant au Canada.

Le sénateur Leo Housakos (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Bonsoir, honorables sénatrices et sénateurs.

Je suis Leo Housakos, je suis un sénateur du Québec et je suis le président de ce comité. Je voudrais inviter mes collègues à se présenter, en commençant par ma gauche.

[Traduction]

La sénatrice Simons : Paula Simons, sénatrice de l’Alberta, territoire visé par le Traité no 6.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Julie Miville-Dechêne, du Québec.

Le sénateur Cormier : René Cormier, du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

Le sénateur Quinn : Jim Quinn, du Nouveau-Brunswick

Le sénateur Klyne : Marty Klyne, sénateur de la Saskatchewan, territoire visé par le Traité no 4.

[Français]

La sénatrice Clement : Bonjour. Bernadette Clement, de l’Ontario.

Le sénateur Cardozo : Andrew Cardozo, de l’Ontario.

[Traduction]

La sénatrice Dasko : Donna Dasko, sénatrice de l’Ontario.

La sénatrice Wallin : Pamela Wallin, sénatrice de la Saskatchewan.

Le président : Honorables sénateurs et sénatrices, nous nous réunissons afin de poursuivre notre examen du projet de loi C-18, Loi concernant les plateformes de communication en ligne rendant disponible du contenu de nouvelles aux personnes se trouvant au Canada.

Pour notre premier groupe de témoins, je suis heureux d’accueillir les représentants de Google Canada. Nous recevons Richard Gingras, vice-président, Nouvelles, par vidéoconférence, et Jason J. Kee, conseiller en affaires gouvernementales et en politique publique. Merci de vous joindre à nous. Vous avez sept minutes pour présenter vos déclarations liminaires, puis nous laisserons la parole aux sénateurs pour les questions et les réponses.

Richard Gingras, vice-président, Nouvelles, Google Canada : Bonsoir, monsieur le président et honorables sénateurs. Je vous remercie de nous donner l’occasion de nous présenter et de vous faire part de notre point de vue sur le projet de loi C-18.

Nous avons entendu souvent notre position sur cette législation être mal interprétée, comme quoi nous ne voulons pas être réglementés ou soutenir l’écosystème de l’information du Canada. C’est faux.

Grâce à ses services et à son financement direct aux organismes de presse, Google est l’un des principaux soutiens financiers du journalisme dans le monde. L’an dernier, nous avons connecté nos usagers aux organismes de presse canadiens plus de 3,6 milliards de fois, gratuitement, permettant aux éditeurs de presse de gagner de l’argent grâce aux annonces et aux nouveaux abonnements. Nous payons également les éditeurs de presse pour qu’ils accordent des licences sur des contenus classés et payants par l’intermédiaire de Google Vitrine Actualités, qui soutient actuellement plus de 150 publications au Canada.

Dans le cadre de la Google News Initiative, nous fournissons des outils, des formations et du financement pour soutenir l’objectif commun de favoriser un écosystème de l’information sain, indépendant et diversifié. Nous sommes disposés à en faire plus. Nous soutenons une approche réfléchie de la réglementation qui protège les fondements du Web ouvert et qui reconnaît la valeur que nous apportons déjà aux éditeurs.

Malheureusement, le projet de loi C-18 n’encouragera pas la poursuite ou l’expansion des accords de licence des éditeurs, comme il est censé le faire. Il risque plutôt de mettre en péril les produits, les services et les investissements actuels qui profitent à l’écosystème de l’information et à tous les Canadiens.

Depuis plus d’un an, nous partageons nos préoccupations et proposons des solutions réfléchies et des modèles de rechange qui permettraient d’atteindre plus efficacement les objectifs politiques sous-jacents. Cependant, au lieu d’envisager un modèle de fonds ou de répondre aux préoccupations soulevées par nous et par d’autres, les récents amendements ont passé sous silence des problèmes graves, en ont exacerbé d’autres et ont produit toute une série de nouvelles incohérences.

Le débat sur cette législation a également créé des attentes dramatiquement irréalistes parmi les éditeurs de presse et les politiciens, considérant le projet de loi C-18 comme une subvention illimitée pour les médias canadiens. Et la classe des éditeurs s’est tellement élargie que le projet de loi n’aura pas d’impact là où c’est le plus important.

Parmi les principaux problèmes posés par le projet de loi C-18, on peut citer les dispositions qui annulent les indemnités de droits d’auteur bien établies et qui mettent un prix sur les liens. En faisant du Canada le premier pays au monde à fixer un prix sur les liens gratuits vers des pages Web, ce projet de loi fait fi de la valeur actuelle de 250 millions de dollars du trafic gratuit pour les éditeurs et crée un dangereux précédent contraire aux intérêts à long terme de l’écosystème canadien de l’information. Laisser intactes les provisions existantes en matière de droit d’auteur, comme cela a été fait avec la Directive de l’Union européenne sur le droit d’auteur, établirait une base raisonnable qui reconnaîtrait la valeur du trafic gratuit et permettrait la négociation de contenus et de services à valeur ajoutée.

Malheureusement, le projet de loi C-18 pourrait entraîner un ralentissement ou un arrêt du soutien actuellement apporté aux éditeurs de presse canadiens, alors que Google et d’autres entreprises cherchent à clarifier la situation afin de parvenir à un résultat raisonnable. La création de critères d’exemption clairs aurait pour avantage immédiat d’encourager Google et les éditeurs à s’asseoir ensemble, à conclure des accords et à verser rapidement de l’argent au journalisme. Remplacer l’arbitrage de l’offre finale par l’arbitrage commercial standard, qui est utilisé pour les litiges commerciaux les plus complexes, serait le moyen le plus juste et le plus équitable de régler les litiges. En outre, la clarification des critères d’admissibilité permettrait de s’assurer que le projet de loi soutient efficacement et équitablement le journalisme de qualité pour les communautés locales, notamment en veillant à ce que les entreprises de nouvelles admissibles produisent réellement du journalisme et financent directement la création de journalisme.

La réalité du projet de loi C-18 est que le niveau extrême d’incertitude commerciale et de responsabilité financière non plafonnée que l’on demande à Google d’accepter, simplement pour fournir des liens gratuits vers les sources d’information que les Canadiens recherchent et dont les éditeurs de presse tirent profit, est déraisonnable et menace également de créer une situation où tout le monde est perdant. Si nous devons payer les éditeurs simplement pour établir des liens vers leurs sites, ce qui nous fait perdre de l’argent à chaque clic, il serait raisonnable pour nous, ou pour toute entreprise, de reconsidérer les raisons pour lesquelles nous continuerions à le faire.

Nous restons déterminés à travailler de manière constructive avec les sénateurs, le gouvernement et l’industrie de l’information, afin de corriger cette législation et de la faire fonctionner comme prévu. Au minimum, le projet de loi C-18 devrait inclure une voie d’exemption claire et réalisable qui incite les entreprises comme Google à continuer de soutenir l’écosystème canadien de l’information.

Nous attendons vos questions.

Le président : Merci, monsieur Gingras.

Nous allons maintenant passer aux questions en commençant par la vice-présidente.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Bienvenue messieurs. Donc, l’un des problèmes du projet de loi est le flou qui entoure la valeur que les plateformes et les éditeurs de presse doivent négocier. Les éditeurs de presse mentionnent 30 % des coûts de salle de rédaction tandis que les plateformes, comme Google, font référence à la valeur commerciale du contenu de l’information par rapport à la valeur commerciale du trafic qu’elle génère vers les sites d’information.

Pouvez-vous nous expliquer comment vous avez résolu ce problème en Australie et quels amendements vous suggéreriez pour y remédier? Il me semble que c’est au cœur du désaccord qui existe entre les médias et vous.

[Traduction]

M. Gingras : Merci, sénatrice Miville-Dechêne, pour la question.

Il est important de noter que, en Australie, le code de négociation qui avait été proposé était effectivement un texte législatif que nous jugions plutôt inapplicable. Nous avons exprimé ces préoccupations. Le projet de loi a été modifié avant de finir par être adopté, mais, surtout, le gouvernement nous a clairement indiqué comment nous pouvions être exemptés de ce projet de loi. En effet, nous avons travaillé avec l’industrie pour répondre à ce qui nous était demandé, et nous n’avons jamais été désignés dans le cadre de ce projet de loi. Ce projet de loi ne s’applique donc pas à nous en Australie.

Pour répondre à votre question, comme je l’ai indiqué dans ma déclaration liminaire, je pense que l’un des problèmes regrettables du projet de loi est qu’il nous dissuade de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour mettre en contact les usagers avec des voix nouvelles et diversifiées qui expriment l’actualité au Canada.

Pour répondre à votre question également, laisser entendre que, d’une certaine façon, le projet de loi puisse entraîner une indemnisation de la part de Google et d’autres entreprises équivalente à un tiers ou à 30 % des coûts de salles de rédaction est à la fois inexact et problématique. Je sais que cela a été exprimé par une personne de l’Australie, qui a admis que ce n’était qu’une hypothèse de sa part. J’ai examiné la question attentivement, comme nous l’avons fait, et franchement, nous n’avons trouvé aucun mécanisme nous permettant même de comprendre quels sont les coûts des salles de rédaction au Canada ou en Australie, d’ailleurs.

J’ajouterais également que, même s’il est important — et je pense que nous en convenons tous — que nous et d’autres fournissions un soutien, je me demande si l’avenir d’un média indépendant serait judicieusement fondé sur un modèle économique qui dépendrait pour un tiers de son financement d’entreprises privées tierces telles que Google. Encore une fois, nous pensons qu’il s’agit d’une attente irréaliste et peu judicieuse. Nous sommes certainement heureux de faire tout ce que nous pouvons, mais nous ne pensons pas que ce soit la bonne voie constructive pour y parvenir.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Si vous n’acceptez pas ce calcul de 30 %, comment calculez-vous la valeur du contenu journalistique sur des plateformes comme Google?

[Traduction]

Donnez-nous une mesure de la valeur de ce contenu. Nous tournons en rond, parce que si vous n’êtes pas transparents au sujet de la valeur, comment pouvons-nous progresser?

M. Gingras : Merci, sénatrice Miville-Dechêne.

Je pense que nous avons été transparents. D’abord, je signalerais, comme nous l’avons mentionné, que les requêtes d’actualités dans le moteur de recherche de Google représentent moins de 2 % de l’ensemble des requêtes. Il s’agit d’un très faible pourcentage de requêtes, comme d’autres personnes et moi l’avons indiqué, tel que l’Institut Reuters. Dans toutes les sociétés du monde, le pourcentage de citoyens qui s’intéressent aux informations sérieuses est inférieur à 10 %, si regrettable que cela puisse être. Je pense que nous aimerions tous que ce pourcentage soit plus élevé. Le nombre de requêtes est inférieur à 2 %.

Les revenus que nous tirons directement des nouvelles sur nos produits sont encore inférieurs à cela, ce qui n’est pas difficile à évaluer. Si vous faites une recherche dans Google pour un sujet d’actualité, comme le présent projet de loi, vous ne verrez pas de publicité. Les annonceurs ne sont pas particulièrement intéressés par les « requêtes d’actualité » pour rejoindre leurs clients potentiels. Il s’agit donc d’un faible pourcentage.

Encore une fois, nous sommes disposés à en faire plus que ce que cela nous apporte, mais je pense qu’il est important que cela soit reconnu, et que la valeur que nous apportons, en ce qui concerne le trafic et les nombreux autres moyens que nous avons utilisés pour soutenir l’industrie de l’information au Canada, soit également reconnue.

Le président : Chers collègues, veuillez vous en tenir au paramètre des cinq minutes.

La sénatrice Miville-Dechêne : Ai-je dépassé mon temps?

Le président : Oui. Je vous prie d’essayer de vous en tenir au paramètre des cinq minutes pour les questions et les réponses. Puis, si le temps le permet, nous aurons un deuxième tour.

La sénatrice Simons : Vous avez fait aujourd’hui une déclaration plutôt conciliante, monsieur Gingras. Auparavant, Google a déclaré publiquement que si nous adoptions le projet de loi C-18, il se retirerait du marché et empêcherait les Canadiens de voir non seulement les actualités canadiennes, mais aussi les actualités internationales dans les recherches effectuées sur Google. Est-ce toujours la position de Google?

Compte tenu de l’essor de l’intelligence artificielle, qui n’était pas vraiment pris au sérieux à l’époque où le projet de loi a été rédigé, ne serait-il pas préjudiciable à votre utilisation et au perfectionnement de la technologie de l’intelligence artificielle que vous empêchiez tous les Canadiens de voir les liens vers les actualités canadiennes et internationales par l’intermédiaire de votre moteur de recherche?

M. Gingras : Merci, sénatrice Simons.

Tout d’abord, je ne me rappelle pas que nous ayons déclaré que nous nous retirerions du Canada. Ce que nous avons dit, c’est que, compte tenu du cadre juridique du projet de loi C-18, nous devrions revoir la façon dont nous utilisons les liens. Manifestement, nous préférerions ne pas...

La sénatrice Simons : Ce que vous avez dit, c’est que vous empêcheriez les Canadiens d’accéder aux nouvelles produites au Canada et aux nouvelles internationales sur votre plateforme.

M. Gingras : Dans le cadre de ces tests récents, nous avons déclaré que nous devions évaluer notre utilisation des liens et, grâce à ces tests, nous avons effectivement, pour cette période de cinq semaines, non pas bloqué, mais exclu ces sources d’information de notre répertoire. Bien sûr, les Canadiens pouvaient consulter ces sites de bien d’autres façons, mais oui, durant cette brève période, c’était le cas pour un très faible pourcentage de Canadiens.

La sénatrice Simons : Leur accès était bloqué, et ils ne pouvaient pas consulter Bing, Yahoo ou un autre moteur de recherche, mais il aurait d’abord fallu savoir que vous filtriez et excluiez toutes les nouvelles.

Ma question est la suivante : comment cela pourrait-il fonctionner pour vous dans un modèle d’intelligence artificielle qui exige le plus grand nombre de données possible? Ne seriez-vous pas en train de vous tirer dans le pied?

M. Gingras : Sénatrice Simons, nous en sommes aux toutes premières étapes de la mise au point de ces technologies. Nous reconnaissons certainement leurs énormes avantages potentiels, et nous continuerons de les mettre au point en gardant cela à l’esprit.

Encore une fois, au moment où nous nous parlons ici aujourd’hui, nous sommes impatients, voire désespérés, de trouver une voie constructive pour aller de l’avant. Nous ne voulons pas nous retrouver dans une situation où les nouvelles ne sont pas dans nos produits. Nous préférerions que ce ne soit pas du tout le cas, mais comme nous l’avons dit, même avec les tests, la principale utilisation de nos produits par les Canadiens est de trouver toute sorte de choses autres que des nouvelles. C’est, en effet, au cœur du...

La sénatrice Simons : Avant de manquer de temps, j’aimerais juste poser une autre question : dans vos documents supplémentaires, vous avez laissé entendre que l’une de vos préoccupations par rapport au projet de loi C-18 est qu’il n’en fait pas assez pour imposer des normes journalistiques aux nouvelles ou pour faire en sorte que vous puissiez être autorisés à privilégier certaines sources d’informations par rapport à d’autres. Étant moi-même une ancienne journaliste, je m’inquiète de l’idée que ce soit l’État ou ces entreprises qui décident de ce qui constitue ou non des nouvelles acceptables. Demandez-vous au gouvernement de mieux surveiller ce qui est publié avant d’accepter ce genre de loi?

M. Gingras : Non, sénatrice Simons, ce n’était pas du tout notre intention. Je comprends vos préoccupations. Je ne pense pas que le gouvernement ou qui que ce soit doive décider exactement ce qu’est le journalisme. Le point que nous essayons de faire valoir, et nous continuerons de le faire, est que le précepte sous-jacent du projet de loi était de soutenir l’épanouissement d’un journalisme de qualité pour les communautés locales d’un bout à l’autre du Canada, mais l’étendue de la définition des « entreprises de nouvelles admissibles » semble aller beaucoup plus loin, de sorte que cela ne contribuera pas proportionnellement à ce que nous venons de dire, à savoir la fourniture d’un journalisme de qualité aux communautés locales. C’est ce qui nous préoccupe.

La sénatrice Simons : En ce qui concerne vos préoccupations relatives à la préférence indue, je crois comprendre que cette disposition vise à garantir que ni Google ni Facebook ne peuvent pénaliser les entreprises qui ne sont pas engagées dans des négociations productives ou ne collaborent pas bien avec les autres, mais est-ce que vous interprétez cela comme signifiant que vous ne seriez pas en mesure de répertorier des sites de qualité et des sites acceptables par rapport à d’autres?

M. Gingras : Exactement. Ce que nous soulignons, simplement, c’est que nous avions l’impression — et mon collègue M. Kee pourrait vouloir intervenir sur ce point — que le libellé relatif à la préférence indue n’était pas clair et qu’il pouvait être interprété ou mal interprété pour donner à penser que nous ne pouvions pas faire une classification, comme nous le faisons, pour fournir aux utilisateurs les sources les plus pertinentes et faisant le plus autorité. Cela pourrait nous exposer à de nombreuses contestations, à des contestations judiciaires, concernant nos efforts de classement. C’était notre préoccupation. Si notre compréhension et notre interprétation sont incorrectes, nous en serions ravis, mais je vais laisser M. Kee ajouter quelque chose, s’il en a le temps.

Jason J. Kee, conseiller en affaires gouvernementales et en politique publique, Google Canada : Rapidement, c’est tout à fait cela. La préoccupation, c’est que la disposition relative à la préférence indue puisse nous rendre responsables de la diffusion de toutes sortes d’informations si quelqu’un estime avoir été désavantagé, et cela pourrait facilement s’appliquer aux fournisseurs de contenu ne faisant pas autorité qui ne sont pas satisfaits du fait qu’ils ne sont pas en haut du classement. Cette disposition a été améliorée à l’autre endroit, mais elle nous rend toujours potentiellement responsables, ce qui nous préoccupe beaucoup.

[Français]

Le sénateur Cormier : Bienvenue aux témoins. Ma question s’adresse à M. Gingras. Pouvez-vous nous donner quelques exemples des ententes conclues avec des médias canadiens afin que l’on comprenne bien avec quel type de médias vous faites affaire?

[Traduction]

M. Gingras : Merci.

Dans le cadre de nos efforts et de nos programmes au Canada, ils sont nombreux. Cela va des programmes de formation aux défis de l’innovation, en passant par nos relations avec Google Vitrine Actualités. Dans tous ces efforts, nous cherchons à nous adresser à un éventail d’éditeurs aussi divers que possible et à mettre nos programmes à leur disposition, sans crainte ni préférence pour l’un ou l’autre. Comme je l’ai mentionné à propos de Google Vitrine Actualités, dans le cadre de ces accords, l’organisme de presse est présent dans environ 120 collectivités du Canada. Là encore, notre objectif est d’être aussi large et diversifié que possible.

Comme je l’ai mentionné lors de l’audience précédente, j’ai passé énormément de temps à travailler avec des éditeurs au Canada, qu’il s’agisse d’éditeurs traditionnels ou d’éditeurs émergents. Il existe un nombre extraordinaire d’éditeurs de presse émergents au Canada, et nous avons travaillé en étroite collaboration avec eux pour les aider à prendre de l’expansion, et nous aimerions continuer de le faire. Je pense que leur voix devrait également être entendue dans ces débats.

[Français]

Le sénateur Cormier : Je vous remercie pour cette réponse.

J’aimerais comprendre l’enjeu concernant l’article 11, la question des exemptions, puisque vous semblez conclure des ententes avec différents types de médias. Pourquoi, dans le document que j’ai reçu à mon bureau il y a quelques jours, dites-vous que dans sa forme actuelle, le projet de loi incite fortement les intermédiaires de nouvelles numériques à attendre de conclure des ententes volontaires avec les éditeurs de nouvelles jusqu’à ce que l’organisme de réglementation clarifie la situation? Qu’est-ce qui vous empêche de conclure des ententes volontaires avec le plus grand nombre de médias diversifiés possibles, ce qui ferait en sorte que vous bénéficieriez de l’exemption?

[Traduction]

M. Gingras : Nous trouvons les critères d’exemption en ce moment plutôt vagues, de telle sorte que nous ne sommes pas certains de savoir qu’il s’agit d’une bonne voie à suivre. De plus, pour cette raison, il n’est pas clair pour nous en quoi cela crée les bons incitatifs pour que l’industrie de l’édition elle-même vienne à la table et négocie raisonnablement afin que nous puissions réellement obtenir une exemption, mais M. Kee pourrait avoir une explication plus détaillée sur la perspective technique.

M. Kee : L’objectif des critères d’exemption, tel que nous le comprenons, est d’encourager les ententes volontaires et de fournir essentiellement une porte de sortie. Comme on dit, c’est l’approche de la carotte plutôt que du bâton en ce qui concerne le processus de négociation obligatoire qui figure dans le projet de loi. Là où le libellé pose problème selon nous, c’est qu’il est si large actuellement qu’il nous oblige à avoir un accord en place avec chaque éditeur, ce qui ne serait pas nécessairement faisable, vu le vaste éventail d’éditeurs existants et le fait qu’ils ont tous des besoins différents.

Il convient aussi de souligner que, selon les critères d’exemption, tous ces accords doivent se ressembler, et il faut les payer et recevoir une indemnisation pour rendre leur contenu disponible. Nous constatons que, pour beaucoup de petits éditeurs, l’utilisation de programmes en nature, de formations et d’autres types de programmes et de soutien que nous avons, est en fait plus efficace. Les critères d’exemption en vigueur ne reflètent pas cette réalité.

Enfin, nous voulons simplement savoir clairement ce qui est suffisant, combien nous sommes censés contribuer, et nous n’avons pas ce genre de clarté.

[Français]

Le sénateur Cormier : Vous dites que le CRTC n’a aucune expérience des nouvelles — c’est ce qui apparaît dans le document que j’ai reçu. On peut raisonnablement s’attendre à ce que les procédures réglementaires soient longues.

Puisque vous avez peur que le processus soit trop long, pourquoi n’avez-vous donc pas pris davantage d’initiatives afin de conclure des ententes volontaires au-delà des critères d’exemption? Vous êtes en mesure aujourd’hui, avant la mise en place du projet de loi, de conclure des ententes avec un ensemble de médias différents. Pourquoi ne le faites-vous pas?

[Traduction]

M. Kee : Je pense que c’est exactement ce que nous avons fait. Google Vitrine Actualités est notre principal programme, dans le cadre duquel nous collaborons avec un éditeur de presse partenaire, qui nous fournira essentiellement des informations de presse classées que nous afficherons ensuite sur certains produits, en particulier nos produits Google News et Google Discover. C’est un programme qui ne convient pas nécessairement à tous les éditeurs. Il les oblige à participer et à nous fournir un certain volume de contenu que certains petits éditeurs ne seront pas nécessairement en mesure de faire, et c’est pourquoi nous offrons des programmes de rechange aux petits et moyens éditeurs, dans l’ensemble.

Donc, pour être clair, nous collaborons volontairement avec des éditeurs au Canada depuis un certain temps, bien avant l’introduction du projet de loi C-18, et encore une fois, nous souhaitons continuer de le faire. Le défi qui nous attend, c’est que sans une idée claire de la voie à suivre pour obtenir une exemption, nous ne savons pas ce que nous devrions faire d’autre, combien nous devrions dépenser et quelles sont les attentes. Tant que nous n’aurons pas cette clarté, il est difficile pour nous d’aller de l’avant.

Le sénateur Quinn : Merci d’être ici ce soir. Je suis heureux de vous revoir, monsieur Kee.

Notre dernière réunion a eu lieu le 19 avril, et nous avons un peu parlé de... Je voulais savoir quelles sont les répercussions pour vous de fournir les liens vers les organes de presse au chapitre des effets sur les revenus de Google. Nous n’en avons pas vraiment parlé durant la réunion, mais j’ai fait quelques recherches pour voir ce que je pouvais trouver en ce qui concerne les revenus pour Google, et de 2013 à 2023, les revenus sont passés de 55 milliards à 280 milliards de dollars. Je crois savoir que les revenus proviennent principalement des annonces, à hauteur de 80 %, donc cela signifie que, l’an dernier, environ 224 milliards de dollars de revenus auraient été tirés de la publicité. Ce que je trouve intéressant, c’est que, pour nos publications traditionnelles, les publicités ont diminué, et je présume que celles de Google ont augmenté à partir de cette information que l’entreprise fournit.

J’aimerais revenir à ce que M. Gingras disait, à savoir qu’une tranche de 1 % est associée aux liens. Je pense que mon collègue essayait de quantifier quelque chose. J’aimerais savoir combien de revenus Google tire de ce 1 % de liens d’actualité fournis. Si c’est 1 %, cela pourrait représenter environ 22 milliards de dollars liés à la publicité. Même en supposant qu’il s’agit de la moitié de cette somme, cela représenterait 10 milliards de dollars.

Il doit y avoir une relation entre la disparition des annonces qui paraissaient dans les publications traditionnelles et la fourniture de liens par Google et le fait que Google fournisse des liens pour que les nouvelles soient transmises par l’intermédiaire de la plateforme et en tire des bénéfices. Comme nous l’avons dit pendant la réunion, je pense que les gens devraient être rémunérés pour le travail qu’ils font.

J’aimerais entendre vos commentaires, monsieur Kee et monsieur Gingras, par rapport à ces valeurs. Je suis peut-être à côté de la plaque, mais ces données sont tirées de votre propre rapport annuel.

M. Gingras : Sénateur Quinn, si je peux me permettre, je pense que l’une des parties malheureuses de la situation est une mauvaise compréhension de ce qui est arrivé à l’environnement de la publicité avec l’introduction d’Internet. On a souvent laissé entendre, et cela était en quelque sorte intégré dans votre question, que, d’une certaine façon, les recettes publicitaires des organismes de presse étaient transférées à Google, ce qui n’est pas du tout le cas.

Vous le voyez dans vos propres comportements individuels. À leur époque, les journaux étaient l’Internet de leurs communautés. Vous les consultiez pour obtenir toutes sortes d’information. Mais Internet a changé la donne. C’est Internet qui a perturbé l’environnement publicitaire. Quatre principales catégories stimulaient les recettes des journaux. Probablement 75 à 80 % étaient les petites annonces, qui ont été transférées à Internet. Lorsque vous cherchez un appartement pour votre fils ou votre fille, vous consultez un service de petites annonces sur Internet. Les grands magasins sont maintenant l’ombre d’eux-mêmes dans un monde de commerce électronique. Les coupons-rabais alimentaires dans le journal, que ma mère utilisait toujours... Les supermarchés ne fonctionnent plus de cette façon, ils ont des programmes de fidélisation. Aucune partie de ces revenus n’a été versée à Google. Les concessionnaires automobiles... aucune partie de cet argent n’a été versée à Google. Il ne fait aucun doute qu’Internet a perturbé l’environnement publicitaire.

Un énorme avantage — et je veux terminer là-dessus — c’est que les petites entreprises dans les collectivités n’avaient pas les moyens de faire de la publicité dans les journaux. Les petites entreprises comptent pour la majorité de nos annonceurs en raison de la rentabilité et de l’efficacité de la publicité sur Internet. Il est important de garder cela à l’esprit dans le cadre de ce débat.

Comme nous l’avons souligné, nous sommes disposés à apporter notre contribution pour soutenir l’industrie de l’information, mais nous devrions le faire en ayant une bonne compréhension de ce qui s’est réellement passé dans le monde de la publicité et des valeurs que nous offrons actuellement, par exemple, en ce qui concerne le trafic de recherche. Comme je l’ai dit, c’est un faible pourcentage pour nous, mais c’est souvent un pourcentage élevé pour les éditeurs de presse. Cela a remplacé les 30 % de leurs dépenses de fonctionnement qu’ils consacraient auparavant à la distribution et aux kiosques de nouvelles, et cela revient maintenant à des services comme Google Search, sans aucun coût pour eux.

Le sénateur Quinn : Diriez-vous qu’il est juste de dire qu’il y a une certaine accumulation de revenus en faveur de Google avec le déplacement de la publicité, et pas seulement les petites annonces? Comme je l’ai dit, s’il s’agit de 20 milliards de dollars, coupez la somme en deux, et vous obtiendrez 10 milliards de dollars, puis coupez ce montant en deux, et vous obtiendrez 5 milliards de dollars. Il y a une certaine accumulation qui découle du déplacement de certaines publicités qui paraissaient dans les journaux traditionnels. Certains de ces journaux sont des journaux régionaux, dont nous avons perdu un grand nombre. Ne serait-il pas raisonnable de supposer que l’entreprise qui en bénéficie devrait dialoguer avec eux pour parvenir à un accord? C’est la première partie de ma question.

La deuxième partie, c’est que je crois comprendre que vous avez des accords avec certaines des grandes publications au Canada. Avez-vous discuté avec d’autres publications au Canada pour négocier des accords?

La dernière partie de ma question, c’est que j’ai cru comprendre qu’en Australie, c’est exactement ce qui se passait pour que vous soyez exempté. Les accords étaient conclus, et vous n’étiez plus soumis à la loi. Où en êtes-vous dans ces négociations pour éviter d’être soumis à ce projet de loi s’il était adopté?

M. Gingras : Une chose que j’aimerais souligner en ce qui concerne l’Australie, c’est que la catégorie des entreprises de nouvelles admissibles était exponentiellement plus petite que ce que nous voyons dans le projet de loi C-18. Il s’agissait d’une approche beaucoup plus ciblée.

Nous aimerions beaucoup participer à ce dialogue. Nous y avons participé, mais les attentes doivent être raisonnables et appropriées pour les deux parties. Je pense que c’est ce qui est en jeu ici : est-ce raisonnable et approprié? Nous poursuivrons assurément ce dialogue.

Je vous inviterais à faire en sorte que nous pensions à l’avenir et non pas au passé. Nous ne devrions pas examiner ce projet de loi pour recréer le passé, qui est maintenant révolu, mais plutôt mettre l’accent sur l’innovation nécessaire de la part des acteurs émergents et des acteurs traditionnels.

Le président : Monsieur Gingras, je déteste vous interrompre, mais le temps du sénateur Quinn est écoulé.

Le sénateur Cardozo : Merci à vous deux d’être ici.

Si je peux amener cette discussion plus loin, monsieur Gingras, je crois comprendre que vous avez privilégié un modèle différent, un modèle de fonds, mais je vois que vous avez conclu des accords avec un certain nombre d’organes de presse à ce stade. Vous reconnaissez être prêts à aider les médias d’information canadiens. Que préféreriez-vous voir à la place de ce projet de loi?

M. Gingras : Sénateur, nous pensons que le rôle d’un moteur de recherche est extraordinairement important dans une société ouverte. Nous faisons de notre mieux pour le faire d’une manière fondée sur de grands principes. Nous pensons et savons que les citoyens du monde entier nous font confiance parce qu’ils pensent que nous le faisons bien. Je pense que cela nuirait à cette confiance dans la mesure où l’on percevrait que nous avons contribué directement au financement des organismes de presse dans les sociétés. Maintenant, nous avons fait cela. Nous pensons que nous avons été guidés pour le faire dans des endroits du monde entier, mais je ne vois pas cela comme une approche idéale.

Nous préférerions voir une approche comme un fonds, dont la structure et les critères seraient soigneusement élaborés, qui serait régi par d’autres et non par nous et dont les sources de revenus pourraient en effet provenir en grande partie de nous, et être liées non pas nécessairement à des entreprises individuelles, mais à une catégorie d’activités plus large. Comment trouver un modèle qui donne le bon résultat, ne crée pas d’influences indues de la part de qui que ce soit et atteint un objectif à plus long terme dans l’intérêt de l’industrie de l’information?

Parmi les acteurs émergents figurent des personnes qui réussissent et qui sont rentables dans le monde des nouvelles numériques. La situation n’est pas aussi grave que certains l’ont laissé entendre. Les gens font ce travail, mais ce sont généralement de nouvelles organisations qui ont compris comment être efficaces dans notre monde numérique moderne.

Le sénateur Cardozo : En ce qui concerne le fonds, vous avez dit qu’il serait régi par quelqu’un d’autre que les gens de l’industrie. Par qui serait-il régi et qui mettrait en place une structure de gouvernance?

M. Gingras : Je pourrais vous donner un exemple, mais je soupçonne que vous êtes tous beaucoup plus experts que nous dans ce domaine. Dans le passé, j’ai fait référence au crédit d’impôt pour la main-d’œuvre journalistique canadienne. Il avait des critères très clairs. En fait, nous l’avons confirmé dans notre travail avec la Vitrine Google. Ils ont créé un comité d’experts chargé de statuer sur les appels des personnes dont la candidature aurait pu être rejetée. Je ne sais pas comment ceux-ci ont été nommés. Je soupçonne que les nominations ont été faites comme dans d’autres commissions et organismes pour essayer de représenter l’expertise de l’ensemble du secteur. Il existe de nombreuses façons de le faire, à la fois dans le cadre de votre protection contre toute influence indue de la part d’entités privées comme nous ou, comme d’autres pourraient le laisser entendre, compte tenu de préoccupations quant à l’influence du gouvernement également.

Le sénateur Cardozo : Ce n’est pas si différent, en ce sens que vous auriez un organisme nommé par le gouvernement, le CRTC — ou peut-être pas le CRTC — qui superviserait cela. N’auriez-vous toujours pas d’accords avec des entreprises de nouvelles?

M. Gingras : Eh bien, selon notre compréhension du projet de loi, oui, il nous guide vers des négociations privées, soit avec des collectifs, soit avec des particuliers. Si c’est la seule façon dont cela peut se produire, nous le ferions. Encore une fois, ce qui me préoccupe, c’est que nous avons vécu cette expérience. Nous avons essayé d’être très équitables et axés sur des critères dans notre travail avec la Vitrine Google Actualités. Mais cela tend à susciter la méfiance chez les autres. Je pense qu’il est également important de proposer des structures qui renforcent réellement la confiance, non seulement dans les médias de nouvelles, mais dans les mécanismes de soutien des médias de nouvelles.

Le sénateur Cardozo : À ce stade, combien d’ententes avez-vous en place, et couvrent-elles les médias ethniques et autochtones?

M. Gingras : Je n’ai pas le nombre exact d’ententes en tête. Nous pouvons certainement l’obtenir. Je sais que cela couvre [difficultés techniques] jusqu’à Yellowknife. Je ne connais pas les populations spécifiques qu’elles desservent. J’imagine qu’elles sont diversifiées. J’aimerais penser qu’elles incluent les populations autochtones de ces publications, mais je n’ai pas de données précises à fournir à ce sujet.

Le président : Vous n’êtes pas en mesure de fournir ces données au comité?

M. Gingras : Encore une fois, nous nouons des relations. Même en vertu de ce projet de loi, nous établirions des relations avec les éditeurs de presse qui desservent ces collectivités. Il ne nous appartiendrait pas de déterminer précisément leurs publics. En ce qui concerne la propriété de leurs entités, là aussi, je n’ai pas d’indication claire sur les structures de propriété de chaque publication.

La sénatrice Wallin : J’ai quelques petites questions sur l’admissibilité. Avez-vous une idée des entreprises ou médias qui sont admissibles aux discussions avec le gouvernement? Je suppose que vous en avez eu. Avez-vous posé ces questions? Avez-vous l’impression qu’ils savent qui, selon eux, fournit de vraies nouvelles au pays ou quelles pourrait être la définition de journalisme?

M. Gingras : Eh bien, dans nos divers échanges avec le gouvernement, le ministère du Patrimoine canadien et les députés, nous avons certainement posé ces questions. Je ne pense pas que quiconque ait actuellement des réponses très claires à ces questions. Comme je l’ai dit, nous avions toujours pensé que les critères établis, par exemple, pour le crédit d’impôt pour journalisme, étaient assez bons à cet égard. C’est délicat. Je reconnais que, dans un sens, définir ce que sont le journalisme et les journalistes est presque contraire à la notion de liberté d’expression, donc je comprends la sensibilité. Mais c’est pourquoi j’ai trouvé que le modèle proposé avec le crédit d’impôt était tout à fait raisonnable.

La sénatrice Wallin : Je prends part au débat de ce point de vue. Je crois à la liberté de parole et d’expression, donc je veux le contenu le plus accessible qui soit. Ce que je crains, c’est que, avec ce projet de loi, les autres Canadiens et moi aurons de moins en moins accès à une grande diversité de sources. Vous allez, comme l’a dit la sénatrice Simons, mettre fin à des activités ou au partage de liens d’actualité. Mais cela va certainement limiter l’accessibilité, qui dépend maintenant de ce que sont les définitions, de la responsabilité, de qui est journaliste et qui décide. Cela va vraiment restreindre ce libre-échange d’idées, qui est au cœur même d’Internet.

M. Gingras : Oui. Encore une fois, c’est pourquoi je pense qu’il faut aborder correctement ces questions si particulièrement délicates et importantes.

Je veux juste corriger un point. Nous n’avons pas laissé entendre que nous mettrions fin à nos activités au Canada. Nous avons simplement dit que nous devrions probablement adapter notre produit.

La sénatrice Wallin : Avez-vous le sentiment que le gouvernement comprend votre modèle d’entreprise et quelles sont vos préoccupations concernant la responsabilité illimitée sans définition de ce qu’est un organisme de presse ou un producteur de nouvelles admissible? Pensez-vous qu’il comprend vos inquiétudes à la perspective d’être forcé de participer à la sélection et au choix du type d’information à transmettre? Je veux dire, je n’aime pas ça. Je ne veux pas que le gouvernement s’en mêle, et je ne veux pas vraiment que vous y participiez non plus. Je veux un accès libre.

M. Gingras : Sénatrice, je ne peux pas parler du niveau de compréhension du gouvernement. Nous avons fait des efforts considérables pour expliquer nos préoccupations en détail. J’ai rencontré le ministère du Patrimoine canadien — je crois que c’était le 13 février — et je suis entré dans les détails très précis dont nous parlons ici aujourd’hui, et je vais continuer d’essayer de le faire. Dans mon travail, j’examine des situations comme celles-ci et je me demande si j’ai fait du mieux que j’ai pu pour expliquer parce que, manifestement, les gens ne comprennent pas aussi clairement que nous le jugeons nécessaire, vu l’importance de la législation que nous avons devant nous.

La sénatrice Wallin : Pensez-vous qu’ils comprennent que vous êtes prêts à financer le journalisme, pas seulement prêts à financer des modèles de longue date qui sont en perte de vitesse? Vous l’avez souligné, nous n’essayons pas de sauver le passé. Nous essayons de construire quelque chose qui est dans l’avenir.

M. Gingras : Je l’espère et j’ai une observation. Comme je l’ai mentionné, je travaille dans le monde entier. Le Canada possède un écosystème de l’information numérique extraordinairement innovateur — des entreprises comme The Discourse, The Narwhal, Indiegraf et Village Media. Village Media est rentable; l’entreprise est en activité dans plus de 100 collectivités au Canada. Je ne pense pas que Jeff Elgie ait été entendu dans le cadre de ces discussions. D’après ce que j’entends, je sais qu’ils n’ont pas l’impression que leur point de vue sur ce projet de loi est entendu. Je pense qu’il serait important d’en tenir compte également parce que, encore une fois, toute la diversité ici est importante, et le plus important est que nous pensions à l’avenir et que nous n’essayions pas de recréer le passé.

La sénatrice Wallin : À propos du paiement pour des liens, ce qui me préoccupe, c’est que si j’envoie un message à quelqu’un disant que j’ai lu un article vraiment intéressant sur telle ou telle publication, alors cela devient votre affaire.

M. Gingras : Non, je pense que la loi à cet égard n’empêche pas les particuliers de partager des liens. Elle vise précisément ces intermédiaires de nouvelles désignés.

La sénatrice Wallin : Qu’en est-il d’une tribune publique, si je fais cela sur Twitter ou ailleurs?

M. Gingras : Encore une fois, cela dépend s’il s’agit d’une plateforme de nouvelles désignée. Je pense qu’il est clair que, si vous l’avez partagé sur cette plateforme — je parle d’une recherche sur Google, qui ne concerne pas le partage. Si vous partagez dans un environnement de réseau social, ce serait effectivement le cas.

La sénatrice Dasko : Je vous remercie d’être ici.

Je veux juste demander, tout simplement, si le projet de loi est adopté tel quel, qu’allez-vous faire? Qu’allez-vous faire en tant qu’entreprise?

M. Gingras : On ne le sait pas encore parce que je pense, une fois de plus, qu’il y a toujours des degrés d’incertitude considérables. Le projet de loi n’a pas été adopté. Je pense qu’il y a encore des possibilités de changement.

La sénatrice Dasko : Disons qu’il est adopté tel quel. Que pensez-vous faire?

M. Gingras : Je ne pense pas qu’il soit approprié pour nous de formuler des hypothèses. Nous avons été clairs sur nos considérations, à savoir si nous devons évaluer la manière dont nous utilisons les liens ou s’il est logique pour nous de continuer à fournir un service comme Google Actualités, qui ne nous rapporte aucun revenu et qui génère pourtant un trafic important vers les éditeurs. Avons-nous besoin de tenir compte de la nature et de l’établissement des relations que nous entretenons avec les éditeurs, étant donné la structure et les exigences du projet de loi et la grande catégorie concernée par le projet de loi? Il s’agit évidemment d’un ensemble de circonstances très complexes. Je ne peux citer que nos préoccupations concernant l’incertitude et le fait que je n’ai aucune certitude pour l’instant quant à ce que nous pourrions faire.

M. Kee : Il convient également de noter que le projet de loi crée un cadre assez complexe qui présente les défis et les problèmes que nous avons relevés, mais nécessite tout de même un certain nombre de règlements du gouverneur en conseil et du CRTC au cours du processus qui apportera plus de clarté et de certitude concernant les questions relatives aux critères d’exemption, par exemple. Qu’est-ce qu’un intermédiaire de nouvelles désigné ou non? Quel est le processus d’inscription des entreprises de nouvelles admissibles? Comment peuvent-ils négocier collectivement? Le CRTC va devoir établir un code de conduite permettant de régir en fait les négociations qui fixeront certaines conditions minimales. Ce sont toutes des questions pour lesquelles, franchement, je ne pense pas que quiconque puisse dire exactement où elles aboutiront. Nous sommes dans un processus où nous essayons simplement de comprendre quelles pourraient être les répercussions potentielles du projet de loi sur nos produits et services existants ainsi que ses effets potentiels, en reconnaissant qu’il y aura plus d’information à venir après son adoption.

La sénatrice Dasko : Pensez-vous que vous resterez tout au long de ces processus?

M. Kee : À ce stade, comme l’a dit M. Gingras, nous ne savons tout simplement pas.

La sénatrice Dasko : J’aimerais vous interroger au sujet de la situation australienne en ce moment. Êtes-vous assez satisfait du statu quo et de la façon dont cela a fonctionné avec l’Australie? J’aimerais juste avoir votre idée de la situation actuelle — pas du passé et de ce que vous avez traversé. En ce moment, que pensez-vous de votre situation en Australie?

M. Gingras : Nous sommes satisfaits dans la mesure où nous estimons avoir répondu aux intérêts et aux désirs du gouvernement ainsi qu’à ceux de l’industrie de l’information et, évidemment, nous avons réussi à le faire d’une manière où une mesure législative qui nous préoccupait ne nous est pas imposée. Il ne serait pas intellectuellement honnête de ma part de ne pas souligner que cette structure n’est pas le type de structure de fonds que nous suggérons. Il s’agissait d’arrangements négociés individuellement avec des collectifs ou des éditeurs individuels.

Je suppose que vous constaterez, comme je l’ai dit plus tôt, un certain degré de méfiance dans l’environnement en Australie. Avons-nous profité à certains acteurs plus qu’à d’autres? Certains grands acteurs plus que certains petits acteurs? D’où, évidemment, l’envie pour nous d’essayer d’aborder cela d’une manière différente.

La sénatrice Dasko : Comme aucune situation n’est parfaite et que les entreprises vont se plaindre de ceci ou de cela, je déduis de vos propos que ça se passe assez bien, tout compte fait, avec le modèle australien, ce que nous tentons d’élaborer ici.

M. Gingras : Oui. Bien sûr, il y a des différences importantes, comme je l’ai dit plus tôt, parce que cela n’est pas identique au code de négociation en Australie, et parmi ces éléments figurait l’absence de critères d’exemption clairs. Un organisme de réglementation n’était pas prévu dans son fonctionnement. Il a été conçu pour être rapide, et je pense que le projet de loi C-18 ne pourra pas atteindre la vitesse que vous souhaiteriez.

M. Kee : Il convient de noter que le code australien a eu, à notre avis, l’effet malheureux de devenir essentiellement un précédent et un modèle vers lequel tout le monde se tourne. Comme M. Gingras l’a laissé entendre, un modèle s’apparentant à un code comporte une série d’incitatifs pervers. Cela met un prix sur les liens, ce qui nous préoccupe profondément, et récompense les anciens joueurs par rapport aux petits joueurs innovants. Nous estimons qu’une structure reposant sur un fonds permettrait d’éviter bon nombre de ces défis, mais d’atteindre les mêmes objectifs politiques.

La sénatrice Dasko : Monsieur Kee, à quoi vous attendez-vous si vous ne concluez pas d’accord avec certains de ces organismes admissibles?

M. Kee : Le projet de loi C-18 est assez clair : les entreprises de nouvelles admissibles peuvent nous contraindre à la négociation obligatoire, qui passe ensuite au règlement des différends et à l’arbitrage sur l’offre finale avec des critères qui, selon nous, sont pondérés par rapport aux plateformes et ne permettront pas à la formation arbitrale d’examiner correctement la preuve.

La sénatrice Dasko : Entendu. Merci.

Le président : Vous avez recommandé de remplacer l’arbitrage sur l’offre finale par l’arbitrage commercial standard. Quels sont les avantages de l’arbitrage commercial standard et quelles sont vos préoccupations liées à l’arbitrage sur l’offre finale?

M. Kee : L’arbitrage sur l’offre finale est une forme de « règlement arbitral comme au baseball ». Il est utilisé dans certaines circonstances où deux parties mettent leur offre finale sur la table, et l’arbitre doit choisir entre les deux. Il est principalement utilisé sur les marchés où l’évaluation est assez claire — elle est bien établie — et l’intention est d’essayer de rapprocher les parties parce que vous ne voulez pas mettre sur la table une offre qui ne sera pas acceptée. En l’occurrence, nous avons affaire à un tout nouveau marché où il n’y a pas de méthodologie d’évaluation cohérente. Le concept de paiement pour les liens est tout nouveau, et il n’y a donc pas ce modèle d’évaluation.

L’arbitrage sur l’offre finale ne permettrait pas à un arbitre d’examiner des preuves et de proposer des solutions de compromis entre les deux. L’arbitrage commercial standard le fait. Dans ce cas, vous avez deux parties qui présentent leurs positions, la formation arbitrale écoute les arguments, évalue les preuves, puis peut sélectionner l’une des deux positions ou trouver un compromis. À notre avis, c’est plus approprié dans les cas où l’évaluation n’est pas claire.

La dernière chose est qu’il a l’avantage d’être très flexible. Si vous craignez que l’une ou l’autre des parties se traîne les pieds, vous pouvez fixer des délais très fermes pour vous assurer que personne ne peut le faire, et elles prennent ainsi des décisions rapides.

Le président : Je vous remercie de votre réponse.

J’aimerais citer notre directeur parlementaire du budget qui, dans ses conclusions, a déclaré qu’une part de 75 % du financement, à son avis, avec ce projet de loi, irait aux géants — CBC, Bell Media et Rogers. Ce qui me préoccupe au sujet du projet de loi, c’est qu’il est évidemment pondéré, comme d’habitude, pour les médias et radiodiffuseurs traditionnels. Bien sûr, le gouvernement, du même souffle, dit que l’objectif du projet de loi est d’aider le journalisme et d’aider le journalisme diversifié, de diversifier l’information au pays. Au bout du compte, n’est-ce pas contradictoire? Je pense que le manque de diversité de nos sources d’information à l’heure actuelle serait encore plus touché si la grande majorité du gâteau avec ce projet de loi revenait intentionnellement aux géants — CBC, Bell Media et Rogers.

M. Gingras : Monsieur le président, je ne peux qu’être d’accord, en un sens, avec votre évaluation, malgré tout le respect que je dois à CBC et à ces autres entités. Si l’objectif est d’aborder les nouvelles locales, un journalisme de qualité pour les communautés locales, on voit mal comment cela serait réalisable compte tenu de l’allocation disproportionnée que ces analyses mettent en lumière. Franchement, je soupçonne que ces analyses sont tout à fait correctes.

Le président : Merci.

Pensez-vous que la liberté d’expression est davantage érodée par le fait que la majorité du soutien va aux plus grands acteurs médiatiques plutôt qu’aux organes de presse locaux que le gouvernement prétend essayer de protéger? Les petits éditeurs seront-ils moins bien lotis? Est-ce que l’argent est détourné pour favoriser ces grands diffuseurs avec un objectif que je ne comprends pas?

Quelle serait la meilleure approche si nous voulons parvenir à de l’information plus diversifiée et aider les entreprises en démarrage et les médias d’information locaux d’un bout à l’autre du pays qui, depuis des années, éprouvent beaucoup plus de difficultés que les géants des médias traditionnels?

M. Gingras : J’ai quelques commentaires à ce sujet. Premièrement, on pense encore une fois à une approche où les critères étaient plus précis quant aux objectifs du projet de loi et aux moyens pour les atteindre.

Mais je veux soulever un point pertinent ici. Comme je l’ai fait remarquer, nous observons une perte de confiance regrettable envers les médias de nouvelles. Nous voyons des statistiques embarrassantes sur le nombre de personnes qui s’intéressent aux nouvelles. Ma préoccupation — vu mes antécédents en journalisme et en technologie — est de savoir comment stimuler l’innovation dans le milieu des médias et des nouvelles pour rétablir ce sens de la pertinence afin que le journalisme puisse jouer son rôle essentiel dans des sociétés ouvertes. C’est pourquoi je reviens sans cesse sur la façon dont nous pensons à stimuler l’innovation qui est tournée vers l’avenir et je répète qu’il ne faut pas regarder en arrière pour tenter de recréer un passé qui ne peut pas être reproduit.

M. Kee : J’en reviens toujours à l’avantage d’un modèle semblable à un fonds, à savoir que vous pouvez le construire de façon à soutenir la catégorie de médias de nouvelles ou de journalisme que vous souhaitez afin de vous assurer que ceux-ci obtiennent un avantage disproportionné.

Dans ce cas, la principale préoccupation est la diversité des voix. Le souci est que vous ne voulez sûrement pas qu’une poignée de grands éditeurs traditionnels dominent principalement. Vous voulez encourager l’évolution et l’émergence des voix de la diversité, de petits acteurs qui servent essentiellement des collectivités diversifiées, qui ne sont pas nécessairement entendues, historiquement, lorsqu’ils ont une réelle possibilité de construire un modèle d’entreprise durable. Le maintien des subventions ne va pas forcément encourager ce comportement. Fondamentalement, on doit veiller à la mise en place d’un mécanisme de financement qui soutient l’innovation et la viabilité, en les aidant à construire des modèles durables; voilà une façon d’y parvenir. Un modèle que nous venons de lancer avec le gouvernement de Taïwan est un fonds d’innovation destiné aux petits éditeurs de Taïwan. Ce serait un niveau possible.

Le président : Merci, monsieur.

La sénatrice Clement : Merci à vous deux d’être ici.

Je regarde votre mémoire ici, et vous avez une préoccupation concernant l’article 51, qui crée une responsabilité pour avoir privilégié des renseignements faisant autorité et qui habilite les mauvais acteurs. Cependant, l’année dernière, dans l’Union européenne, Google a été condamné à une amende pour avoir utilisé sa puissante domination dans ces milieux — ou pour en avoir abusé. Je sais qu’il s’agissait d’une loi antitrust, mais une amende considérable y était rattachée. L’article 51 semble établir un mécanisme de sécurité. Êtes-vous en train de contester le fait que nous aurions besoin d’un mécanisme de sécurité?

En ce qui concerne la transparence des classements, vous parlez de vouloir favoriser le petit innovateur, mais comment les Canadiens savent-ils la façon dont vous effectuez le classement? Vous engagez-vous à faire preuve de davantage de transparence à ce sujet? Je dirais que beaucoup de Canadiens ne comprennent pas comment Google fait cela et ne peuvent pas trouver cette information.

L’année dernière, Google a décidé de bloquer, à titre d’essai, l’accès de certains Canadiens à la recherche. Qu’est-ce que ce test a donné? Pouvez-vous nous en parler par rapport aux accords que vous êtes censés examiner?

M. Gingras : Premièrement, permettez-moi de répondre à la question du classement, puis nous pourrons passer aux autres.

Comme je l’ai mentionné, la confiance de nos utilisateurs est extrêmement importante pour nous. Nous fournissons une énorme quantité d’information sur notre classement. Il existe un document en ligne, accessible au public, d’environ 170 pages, qui traite des principes de notre algorithme de recherche et de la manière dont nous l’abordons. Je pense qu’il est très complet et très utile, et j’encourage les gens à le lire.

Deuxièmement, nous essayons d’être le plus clair possible sur nos méthodes, dans les limites de la sécurité. Comme vous le savez peut-être, les gens essaient toujours de déjouer l’algorithme, et nous devons nous protéger contre cela.

Troisièmement, et c’est le point le plus important en ce qui concerne la responsabilité algorithmique, il s’agit de permettre la recherche par des tiers — ce que nous faisons. La recherche universitaire, par exemple. Si nous regardons les évaluations en fonction de ces types de méthodes universitaires, elles renforcent largement ce que je dis, à savoir que nous adhérons à nos principes. Si ces tiers laissent entendre qu’il y a des domaines où nous ne faisons pas le meilleur travail, c’est une rétroaction importante pour nous.

Encore une fois, ce qui nous anime, c’est la confiance de nos utilisateurs. Notre activité repose sur la confiance de nos utilisateurs, qui peuvent passer à un autre moteur de recherche d’un simple clic de souris.

Je parlerai des résultats des essais, puis je céderai la parole à M. Kee pour le troisième point. L’essai ne nous a rien appris de particulièrement nouveau. Il a confirmé que les requêtes de nouvelles ne représentent qu’un infime pourcentage de nos requêtes globales. Il a également révélé qu’il n’avait aucun impact sur nos utilisateurs en ce qui concerne les 98,X % de toutes les autres requêtes. Tous leurs efforts pour savoir quel pourrait être le meilleur nouveau système de chauffage, ou comment planifier des vacances à Vancouver, et ainsi de suite, sont demeurés inchangés. C’est le genre de choses que nous avons apprises de l’essai, mais j’aimerais me tourner vers M. Kee afin qu’il réponde à votre dernier point.

M. Kee : En ce qui concerne l’article 51, la préférence indue, je crois comprendre que l’intention principale est d’empêcher toute plateforme — Google ou autre — de se livrer à des mesures de représailles. Essentiellement, vous ne pouvez pas nécessairement punir un éditeur qui se présente et dit : « Je voudrais négocier avec vous maintenant que vous avez l’obligation, en vertu de ce code, de vous engager et de payer pour des liens vers mon site. » Nous ne pourrions pas forcément les déclasser pour cette raison. Nous sommes d’accord avec cela; nous en convenons.

La difficulté que nous y voyons tient au fait que le libellé est emprunté à la radiodiffusion et qu’il est si large qu’il interdit essentiellement toute préférence indue, tout désavantage indu ou toute discrimination injuste alléguée par un éditeur. Si un éditeur se plaint d’avoir l’impression de ne pas obtenir le niveau de classement qu’il aimerait voir — ce qui peut arriver, car le classement procure intrinsèquement des préférences, des avantages et des désavantages; vous devez trouver un mode de classement — ils peuvent porter plainte, et nous devrons aller devant les tribunaux.

Le projet de loi est structuré de telle sorte que, une fois que l’éditeur se plaint, il incombe à la plateforme de prouver que la préférence, l’avantage ou le désavantage en question n’était pas indu. Notre profonde préoccupation est que cela aura des effets considérables sur notre capacité de procéder à un classement, en particulier parce que nous avons déjà des systèmes en place pour tenter de privilégier des renseignements faisant autorité et de déclasser les renseignements fondamentalement de faible qualité afin de fournir un service précieux à nos utilisateurs.

La sénatrice Clement : Je comprends que vous voulez que vos utilisateurs vous fassent confiance, mais quand on parle de domination et qu’on regarde les amendes imposées dans l’Union européenne, comment réagissez-vous à cela?

M. Kee : Je pense qu’il y a des circonstances où, évidemment, certains problèmes se présentent. Je dirais que nous vivons dans un environnement où les Canadiens obtiennent leurs informations à partir d’une grande diversité de sources. Ce n’est pas seulement Search. Comme l’a dit M. Gingras, la grande majorité des recherches sur Google Search ne concernent pas les nouvelles. La grande majorité des gens s’informent auprès de différentes sources. Le marché est très concurrentiel, pour Search et pour Internet, ainsi que dans l’espace publicitaire.

Essentiellement, nous disons qu’il y a divers choix concurrentiels. Cela nous sert de discipline, car nous devons nous assurer d’innover en permanence et d’agir dans le meilleur intérêt de nos utilisateurs afin de rester concurrentiels.

Le président : J’aimerais remercier les représentants de Google Canada, M. Kee et M. Gingras. Les sénatrices et sénateurs ont été nombreux à intervenir lors de la deuxième série de questions, mais je vous remercie d’avoir pris le temps de venir comparaître devant le comité et de répondre à nos questions.

Pour notre deuxième groupe de témoins, ce soir, nous sommes ravis d’accueillir Mme Rachel Curran, responsable des politiques publiques, Meta, Canada; et M. Marc Dinsdale, responsable des partenariats avec les médias, Meta, Canada, tous deux de Meta Platforms, Inc. Soyez les bienvenus, et merci de vous joindre à nous ce soir. Vous avez sept minutes pour présenter votre déclaration préliminaire, et nous passerons tout de suite après aux questions et réponses. Madame Curran, vous avez la parole.

Rachel Curran, responsable des politiques publiques, Meta, Canada, Meta Platforms, Inc. : Merci, monsieur le président. Je suis heureuse de pouvoir m’adresser au comité ce soir.

Monsieur le président, sénatrices, sénateurs, la façon dont nous consommons l’information est en constante évolution. La radio, ensuite la télévision et maintenant Internet ont changé les habitudes des gens. La réduction des coûts de la collecte et de la distribution de l’information a réduit les obstacles à l’entrée. La multiplication des contenus a accru la concurrence pour le public. Les changements technologiques dans l’industrie de la publicité ont remis en question les modèles d’affaires traditionnels et continueront de le faire. L’industrie de l’information n’est qu’un des secteurs profondément touchés par ces changements.

Cette perturbation a permis aux petites entreprises d’atteindre un public plus large, y compris une vague de nouvelles entreprises innovatrices du numérique de tout le Canada. Cela a également conduit les éditeurs traditionnels à affirmer que des entreprises, comme Meta, ont bénéficié injustement des nouveaux liens qu’ils ont volontairement partagés sur nos plateformes pour atteindre le public en ligne. Cela a amené les décideurs du Canada à proposer un projet de loi qui exigerait que les entreprises sur Internet paient les éditeurs de presse pour le contenu et les liens qu’ils choisissent de publier.

Malheureusement, des cadres comme la Loi sur les nouvelles en ligne dont vous discutez reposent sur de fausses prémisses et méconnaissent fondamentalement la véritable relation entre les plateformes et les éditeurs. Ce sont les éditeurs qui bénéficient de leur présence sur nos plateformes, et non pas l’inverse.

On estime que le fil d’actualités de Facebook a envoyé aux éditeurs canadiens plus de 1,9 milliard de clics au cours des 12 derniers mois et leur a offert un marketing gratuit d’une valeur estimée à plus de 230 millions de dollars. Ce chiffre est la preuve que nos outils et nos applications sont bons pour l’industrie de l’information. Nos plateformes aident les éditeurs à vendre plus d’abonnements, à élargir leur portée et à diffuser leurs publicités auprès d’un public plus large, ce qu’ils n’auraient pas pu faire autrement. Comme d’autres entreprises, les organismes sans but lucratif, les partis politiques et les éditeurs choisissent d’utiliser nos applications parce qu’ils en tirent un avantage.

En outre, le contenu de nouvelles n’est pas une source de revenus importante pour Meta. Les publications renvoyant à des articles de presse représentent moins de 3 % de ce que les gens peuvent voir dans leur fil d’actualités Facebook. Un Canadien sur cinq dit qu’il préférerait voir encore moins de contenu de nouvelles sur nos applications. À l’échelle mondiale, plus de 90 % des consultations de liens vers des articles provenant d’éditeurs de presse se font sur des liens publiés par les éditeurs eux-mêmes, et non pas par les utilisateurs de Facebook.

C’est pourquoi, pendant des mois, nous avons publiquement fait part de nos préoccupations quant au projet de loi C-18, la Loi sur les nouvelles en ligne, un cadre qui exige que nous versions une indemnisation aux éditeurs pour les liens ou le contenu de nouvelles qu’ils publient volontairement sur nos plateformes. Sénatrices, sénateurs, très franchement, cela nous est impossible. Comme l’a dit le ministre du Patrimoine canadien, le choix que nous faisons de nous conformer à la Loi sur les nouvelles en ligne est une décision d’affaires que nous devons prendre. Nous avons fait notre choix.

Étant donné que le projet de loi ne tient pas compte des réalités du fonctionnement de nos plateformes, des préférences des gens qui les utilisent et de la valeur que nous offrons aux éditeurs de presse, nous n’avons pas d’autres choix que de nous y conformer en mettant fin à la disponibilité du contenu de nouvelles au Canada, si le projet de loi C-18 est adopté dans sa forme actuelle. Cette décision est cohérente avec notre réponse à un projet de loi similaire qui a été présenté aux États-Unis l’année dernière.

Le débat public sur le projet de loi C-18 est, bien sûr, étroitement lié aux préoccupations quant au rôle du journalisme dans la société civile. Que ce soit bien clair : nous sommes d’accord pour dire que les nouvelles ont une grande valeur sociale, mais ce projet de loi dénature la valeur économique des informations pour notre entreprise, et il risque de subventionner davantage les grandes organisations traditionnelles et les radiodiffuseurs rentables au détriment des entreprises de nouvelles indépendantes et novatrices.

Nous exhortons le gouvernement canadien à envisager une réponse politique qui reflète la véritable division de la valeur entre les plateformes et les éditeurs et qui réponde aux préoccupations que nous avons soulevées aujourd’hui.

Merci, sénatrices, sénateurs. Nous répondrons avec plaisir à vos questions.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Merci d’être là pour nous parler. Beaucoup de personnes ont cru que vous bluffiez lorsque vous avez menacé de ne plus diffuser les nouvelles en Australie. Vous avez d’ailleurs reculé sur cette question, magistralement.

C’est ce qui se passe maintenant au Canada, vous dites assez clairement que vous n’allez pas participer, que vous n’allez pas vous conformer à cette loi, que vous allez faire des choix d’affaires qui seront différents. Est-ce que vous bluffez encore, ici, au Canada et devant ce comité? Pourquoi devrions-nous vous croire maintenant quand vous menacez de ne plus partager de nouvelles canadiennes?

[Traduction]

Mme Curran : Merci, sénatrice, de cette question. Je m’excuse, mais je n’ai pas entendu la première partie de la question.

La sénatrice Miville-Dechêne : Essentiellement, je disais que de nombreuses personnes pensaient que vous bluffiez en Australie lorsque vous avez menacé de ne plus diffuser les nouvelles australiennes. En fait, elles avaient raison parce que vous n’avez pas mis cette menace à exécution. Vous faites maintenant la même chose au Canada, vous menacez de ne pas diffuser les nouvelles canadiennes. Donc, pourquoi devrions-nous vous croire maintenant?

Mme Curran : Merci, sénatrice, de la question.

Tout d’abord, comme nos amis de Google l’ont également dit, nous ne sommes pas désignés, dans la loi australienne. Aucune entreprise n’a encore été désignée dans le cadre de cette loi. Ce que nous avons réussi à faire, c’est parvenir à ce que nous avons appelé un compromis bancal à court terme.

J’ajouterai ceci : nous avons en effet conclu des accords commerciaux avec des éditeurs, en Australie, y compris des ententes commerciales et de subvention, mais nous ne payons pas pour le contenu que les éditeurs publient déjà. Nous payons seulement pour le contenu net nouveau, pour les produits que nous pourrions vouloir introduire à l’avenir. D’une certaine façon, ces ententes sont similaires à celles que nous avons déjà conclues au Canada avec notre programme News Innovation Test, dont mon collègue, M. Dinsdale, peut parler un peu plus en détail, c’est-à-dire des accords de partenariat commercial avec des éditeurs concernant de nouveaux comportements, et non pour les publications volontaires existantes sur Facebook.

Ce que l’on note au sujet du Canada, c’est que tout cela s’est fait sans projet de loi. Malgré tous les efforts que nous avons déployés pour trouver une façon de travailler avec l’industrie de l’information et de conclure des ententes commerciales favorisant la création de modèles d’affaires durables, nous faisons toujours face à un projet de loi irréalisable qui nous oblige à mettre totalement fin à la disponibilité des nouvelles sur nos plateformes.

Monsieur Dinsdale, voudriez-vous parler du programme News Innovation Test?

La sénatrice Miville-Dechêne : Avant cela, j’aimerais savoir combien d’ententes vous avez conclues et avec quels types de médias. Choisissez-vous des médias importants ou de petits médias communautaires? Pourriez-vous m’expliquer pourquoi vous dites que vous ne payez pas pour la valeur des nouvelles mais que vous essayez quelque chose d’autre.

Marc Dinsdale, responsable des partenariats avec les médias, Meta, Canada, Meta Platforms, Inc. : Merci de la question, sénatrice.

Examinez l’ensemble des engagements que nous avons pris dans l’industrie de l’information, le programme News Innovation Test en fait certainement partie. Ils comprennent 18 éditeurs de partout au pays, grands et petits, représentant les deux langues officielles.

De plus, nous avons mis en œuvre un certain nombre d’autres programmes d’information, à hauteur de plus de 18 millions de dollars sur trois ans, qui comprennent de nombreux autres éditeurs dont les besoins pourraient être différents. Cela se reflète dans ce que les représentants de Google ont dit également. Parmi ces programmes, nous avons mis en œuvre des programmes accélérés visant à mettre en relation les éditeurs avec des personnes du New York Times, par exemple, et d’autres formateurs pouvant les aider à se retrouver dans le monde numérique. Cela a également eu une large portée. Cela concernait les grands et les petits éditeurs, les éditeurs autochtones, noirs et de couleur. Nous avons également financé des programmes comme la Bourse en journalisme Meta-Presse canadienne et la Bourse en journalisme autochtone, qui aide à financer directement les rôles dans leurs salles de presse.

J’aimerais ajouter une chose, si je puis me permettre, à propos de l’Australie. C’est une autre époque. Si nous regardons la direction que nos utilisateurs veulent nous voir prendre, nous voyons que plus de 50 % du temps passé sur nos plateformes est consacré aux vidéos. Les Reels sont le format qui connaît le plus de croissance sur notre plateforme. Les gens veulent voir des vidéos réalisées par des créateurs. Comme l’a dit Mme Curran, on tient compte du fait que 20 % des personnes sur notre plateforme disent qu’elles veulent avoir moins de nouvelles. Quand on réfléchit à la valeur et à l’échange équitable dans l’industrie, il s’agit de facteurs qui concernent les utilisateurs de nos plateformes et les gens qui sont dans des environnement plus concurrentiels également. Les personnes qui utilisent d’autres plateformes disent la même chose. C’est là qu’il y a une contradiction dans les discussions sur la valeur.

[Français]

Le sénateur Cormier : Merci aux témoins d’être ici.

Je vais poursuivre cette réflexion sur les ententes. J’aimerais mieux comprendre. Vous avez parlé de différents types d’ententes que vous concluez. Vous êtes une entreprise. J’aimerais savoir, combien de chiffres pouvez-vous nous donner au sujet du montant d’argent que Facebook gagne grâce à ces ententes? Combien d’argent gagnez-vous? Combien d’argent les médias qui passent des ententes avec vous gagent-ils?

Avez-vous des chiffres à nous donner qui nous permettraient de comprendre cet équilibre ou non entre Facebook et ces acteurs des médias?

[Traduction]

M. Dinsdale : Je vous remercie de la question.

Quand on pense aux valeurs, je peux parler de ce que nous mettons dans les programmes et des engagements que nous avons pris. Comme je l’ai dit, il y a les 18 millions de dollars pour lesquels nous nous sommes engagés, sur trois ans, et ils ne comprennent pas les programmes News Innovation Test que nous avons mis en œuvre avec les 18 éditeurs. Ceux-là sont protégés par le secret commercial, je ne peux donc pas vous faire part des chiffres les concernant.

Par ailleurs, il y a la valeur fondamentale du marketing gratuit, comme certains l’appellent, qui est de plus de 230 millions de dollars par an, que les éditeurs gagnent en mettant volontairement sur notre plateforme des liens que nous pouvons ensuite partager avec les gens. C’est une information que vous pouvez entendre de notre bouche, mais aussi de la bouche d’une personne comme Jeff Elgie, qui a publiquement parlé dans le passé de la valeur qu’il reçoit gratuitement de Facebook. S’il devait payer pour ce qu’il reçoit gratuitement — il a fait le calcul lui-même —, il a dit que ce serait une somme astronomique pour lui. Quand on pense à toute la valeur, je dirais que c’est...

[Français]

Le sénateur Cormier : D’accord, mais pour ce qui est de Facebook, vous parlez des investissements que vous faites, c’est très bien, mais on parle de confiance, ici. Avez-vous des chiffres à nous donner pour qu’on comprenne l’impact que ces ententes ont sur vous? Si, demain matin, vous n’aviez plus d’ententes, combien d’argent perdriez-vous? On parle d’ententes commerciales.

[Traduction]

M. Dinsdale : Merci de la question et de la précision également. Si je ne me trompe pas, cela va au cœur de ce que nous considérons comme la valeur commerciale des nouvelles.

La difficulté est que, encore une fois, les gens nous ont dit qu’ils veulent voir moins de nouvelles sur notre plateforme. Notre plateforme s’éloigne de ce que l’industrie de l’information nous offre fondamentalement, c’est-à-dire des liens vers du contenu de nouvelles. Dans ce sens, nous avons déjà dit que nous ne tirons pour ainsi dire aucun revenu des nouvelles proprement dites. De plus, la réalité est que — et je crois que nous l’avons dit en Australie et ailleurs —, la substituabilité du contenu de nouvelles est élevée, sur notre plateforme, car les gens n’utilisent pas notre plateforme pour obtenir des nouvelles. Les gens les utilisent pour se mettre en relation avec les communautés qui leur tiennent à cœur, pour partager des histoires avec leurs amis et communiquer avec des personnalités publiques, et cetera. Ils n’utilisent pas notre plateforme pour obtenir des nouvelles.

[Français]

Le sénateur Cormier : Avez-vous des données qui nous permettent de conclure que ce que vous dites est vrai, que les gens ne vont pas sur Facebook pour obtenir des nouvelles? Est-ce clair sur le plan des données?

[Traduction]

M. Dinsdale : Il faudrait que j’y revienne et que je voie s’il existe des recherches spécifiques à ce sujet, mais on peut se tourner vers la sphère publique des 20 % de personnes — c’est l’institut de presse Reuters qui le dit — qui disent qu’il y a trop de nouvelles sur la plateforme.

[Français]

Le sénateur Cormier : Si vous avez des données, je voudrais qu’on puisse les recevoir. Nous serions reconnaissants si vous pouviez les envoyer au greffier pour qu’on comprenne bien ces enjeux.

[Traduction]

M. Dinsdale : Merci. Nous ferons le suivi au meilleur de nos connaissances sur cette question.

[Français]

Le sénateur Cormier : Merci. Expliquez-nous en peu de mots, puisque le temps est restreint, quels sont les trois principaux enjeux du projet de loi C-18 dont nous sommes saisis, puisqu’il y a des processus de négociations qui seront mis en place. Avant d’arriver à l’arbitrage, il y a plusieurs étapes. Dites-nous succinctement quels sont les trois principaux enjeux, pour qu’on les comprenne.

[Traduction]

Mme Curran : L’enjeu principal est le suivant : on nous demande d’indemniser les éditeurs pour le contenu qu’ils ont volontairement mis sur nos plateformes parce qu’ils en tirent un certain avantage.

Comme mon collègue, M. Dinsdale, l’a dit, le contenu de nouvelles sur nos plateformes est très substituable. Nous ne perdons aucun revenu, ou très peu de revenu, quand le contenu de nouvelles est remplacé par autre chose. Ce n’est pas une véritable source de revenus pour notre entreprise; toutefois, on nous demande d’indemniser les éditeurs de presse pour ce contenu, quand ils le publient sur nos plateformes, parce qu’ils en tirent une valeur de marketing et de distribution gratuite. C’est le principe fondamental sous-jacent et la structure de ce cadre que nous contestons.

Ensuite, nous contestons l’attribution de valeur aux liens vers les nouvelles. De précédents témoins, y compris M. Michael Geist, ont parlé du problème de l’association d’une certaine valeur monétaire aux liens, y compris les liens vers des nouvelles. Pour nous, le problème est d’essayer d’attribuer... ou nous obliger à indemniser les éditeurs pour le contenu qu’ils publient sur nos plateformes, que ce soit du contenu audiovisuel, des liens ou des extraits. Cela n’a aucune véritable valeur commerciale pour nous, il est donc très difficile pour nous d’accepter de devoir payer pour cela.

La sénatrice Simons : J’aimerais maintenant passer aux amendements très spécifiques que vous nous avez présentés avant de prendre la parole.

Monsieur Dinsdale, vous venez de dire que les gens veulent voir des vidéos. Pendant des années, Facebook a travaillé en collaboration avec les journaux et les a encouragés à publier davantage de vidéos sur Facebook. Un grand nombre de fichiers vidéo et audio sont échangés sur Facebook, et pourtant, dans votre première série d’amendements, vous demandez d’exclure du projet de loi tout le contenu audio et audiovisuel. Vous dites que c’est réglementé par la Loi sur la radiodiffusion. C’est certainement vrai, mais je ne pense pas que cela a un lien quelconque avec la question de l’indemnisation, étant donné que je n’aime pas le modèle fiscal liant l’indemnisation et la notion de bénéfices. Pourriez-vous m’expliquer ce qui peut bien justifier l’exclusion de tout le contenu audio et audiovisuel de toute considération en vertu de la loi?

Mme Curran : Je peux répondre d’abord, et mon collègue, M. Dinsdale, peut également intervenir.

Comme l’a dit précédemment le président du comité, le directeur parlementaire du budget a rédigé un rapport selon lequel les principaux bénéficiaires de ce projet de loi seront les radiodiffuseurs les plus rentables et déjà subventionnés au Canada, y compris CBC/SRC. Écoutez, notre argument est le suivant : le contenu audiovisuel publié par les radiodiffuseurs doit être exclu du projet de loi. Le contenu de nouvelles publié par les radiodiffuseurs qui n’est pas du contenu audiovisuel pose toujours problème, mais ce que nous disons, c’est que ce contenu précis doit être exclu du projet de loi.

La sénatrice Simons : Qu’en est-il des stations de radio des petites villes ou des gens qui partagent leurs balados? Ne vous méprenez pas. Nous avons déjà parlé. Vous savez que je n’accepte pas la prémisse du projet de loi, et je comprends tout à fait votre argument général. Cependant, je ne comprends absolument pas comment nous pouvons faire la distinction en disant que le contenu audio et audiovisuel — dont la plus grande partie, franchement, est publiée par ce que l’on appelait autrefois les journaux — ne pourrait pas être inclus. De nos jours, chaque site d’information publie des fichiers vidéo et audio, y compris le Toronto Star, le Globe and Mail, le National Post, Le Devoir et La Presse.

M. Dinsdale : Merci, sénatrice.

Avec respect, je réfuterais une partie de ce que vous venez de dire. Je pense que si vous consultez les pages Facebook du Toronto Star, du Globe and Mail ou de La Presse, vous verrez qu’ils ne publient presque exclusivement que des liens renvoyant à des publications. Des liens, des liens, des liens, des liens, presque exclusivement.

La sénatrice Simons : Ils renvoient à des vidéos, et à du contenu audio.

M. Dinsdale : Respectueusement, j’affirmerais que, la plupart du temps, ils renvoient à du contenu textuel. Encore une fois, c’est parce qu’ils considèrent utile que nous prenions les utilisateurs de notre plateforme et pour les leur envoyer.

La sénatrice Simons : Je comprends cet argument. Ce n’est pas ça, ma question. Vous présentez un amendement qui dit que l’on devrait supprimer toute prise en compte du contenu audiovisuel à un moment où les produits imprimés traditionnels deviennent de plus en plus multimédias. J’ai travaillé dans ces salles de presse, et je peux vous dire que, si j’entendais encore une fois les mots « tourner vers la vidéo »... j’ai tourné tellement de fois vers la vidéo que j’avais l’impression d’être prise au piège dans un manège. Je ne comprends pas. Êtes-vous en train de dire que les radios privées n’existent plus, ou dites-vous que les balados n’existent plus, des choses comme Canadaland? Qu’est-ce qui serait retenu et qu’est-ce qui serait supprimé, dans ce modèle? Je ne comprends pas l’amendement.

M. Dinsdale : Respectueusement, j’affirmerais également que la désignation de ce qui est retenu et de ce qui ne l’est pas ne dépend pas du type de contenu — si c’est un organe de presse appartenant à une entreprise de nouvelles — et que c’est un ensemble de considérations complètement différentes. Donc, pour répondre à votre question sur les radios commerciales, il faut chercher à s’inspirer du texte final du projet de loi pour comprendre qu’est-ce qu’une station de radio musicale par rapport à une station de radio diffusant des nouvelles...

La sénatrice Simons : Monsieur Dinsdale, j’aimerais que vous répondiez à ma question.

Mme Curran : Sénatrice, je pourrais peut-être dire ceci : la prémisse de cette réglementation sur les nouvelles est que la diminution des revenus de l’industrie de la presse écrite à l’ère numérique est une chose que le gouvernement doit soutenir, et nous disons que, si c’est le véritable objectif d’un projet de loi, il est donc illogique d’inclure le contenu audiovisuel et la radio dans cet objectif.

La sénatrice Simons : Je dirais que, tant que nous partons de ce principe, les revenus des radios locales sont en baisse en raison de la concurrence de la publicité numérique, les chaînes de télévision locales connaissent un déclin catastrophique et d’autres entreprises en démarrage innovantes opèrent dans un monde multimédia...

D’accord. Passons à un autre de vos amendements, qui, selon moi, gère habilement... peut-être quelqu’un d’autre voudrait poser une question sur l’amendement qui vise à exclure Facebook tout en incluant Google.

Mme Curran : Nous répondrons à cette question avec plaisir, car nous pensons que nous avons une relation très différente de celle de Google avec l’industrie de l’information.

La sénatrice Wallin : Eh bien, pourquoi ne pas nous expliquer cela, alors?

Mme Curran : Merci, sénatrice Wallin. Je l’expliquerai avec plaisir.

Écoutez, Facebook n’exploite pas Internet à la recherche de contenu de nouvelles. Nous ne regroupons pas les contenus de nouvelles dans les résultats de recherche. Nous avons une relation très différente de celle de Google avec le contenu de nouvelles et avec les éditeurs de presse. Nous pensons que les parlementaires devraient en tenir compte au moment de décider qui devrait être inclus dans ce projet de loi. Le contenu de nouvelles n’est vraiment pas une partie essentielle, importante ou fondamentale des services que nous offrons et du produit que nous fournissons aux Canadiens, donc notre réaction à ce projet de loi sera nécessairement très différente.

La sénatrice Wallin : Si vous affirmez que la visibilité gratuite et la valeur de la visibilité que les gens recherchent volontairement en publiant leur contenu sur votre plateforme sont très précieuses, je ne comprends pas vraiment pourquoi, alors, ils sont si favorables à cela. S’agit-il simplement d’argent gratuit?

M. Dinsdale : C’est une excellente question, sénatrice.

Je pense que vous constaterez qu’il y a manifestement un ensemble d’éditeurs très favorables à cela, et d’autres qui sont vraiment contre, et ce sont les caractéristiques de ces éditeurs qui sont révélatrices. Certains disent craindre que tout nouvel éditeur novateur sera désavantagé, surtout si le directeur parlementaire du budget a raison quand il dit que 75 % des revenus reviendront aux plus grands médias traditionnels du pays. Un nouvel entrant dans le marché doit se sortir d’un trou de 329 millions de dollars.

La sénatrice Wallin : Les nouveaux venus sont traités de façon injuste par rapport à CBC/SRC ou au Toronto Star, peu importe, parce que nous n’avons pas de définition appropriée? Cela fait partie du problème que j’ai, ici. Qu’est-ce que les nouvelles? Qu’est-ce que le journalisme? Qui décide de ce qu’est une nouvelle entité? Qui en décide? Si vous n’avez pas de définition pour cela, il est très difficile de même vous l’imposer, à vous. Le plus clair ici, c’est l’un de vos amendements, concernant le contenu protégé par le droit d’auteur par rapport à... que vous payez avec plaisir si le contenu est protégé par le droit d’auteur, mais, si les gens le fournissent volontairement, eh bien, c’est fini, et vous êtes simplement un intermédiaire.

Mme Curran : La directive européenne sur le droit d’auteur respecte les principes des lois sur le droit d’auteur. Si des extraits ou un lien sont publiés, cela est exempté du cadre de l’Union européenne. Si le Canada devait adopter une approche similaire à ce chapitre, cela en ferait un bien meilleur projet de loi.

La sénatrice Wallin : Cela signifie que vous n’allez pas reproduire gratuitement un roman de Margaret Atwood, mais que, si quelqu’un fait référence à Margaret Atwood, cela ne devrait rien vous coûter ou ne pas vous pénaliser financièrement?

Mme Curran : Tout à fait. Si nous reproduisons ce texte intégralement et que nous passions des annonces sur ce contenu, parlons de ce que nous devrions payer comme indemnité. Si nous publions un extrait dans un lien, ou si un éditeur publie un extrait dans un lien, ce qui est actuellement permis par la loi sur le droit d’auteur, autorisons donc cela. C’est certainement l’approche que l’Union européenne a adoptée, et nous pensons que c’est la meilleure approche.

La sénatrice Wallin : Même si les nouvelles ne constituent pas une grande partie de votre produit à la fin, vous êtes toujours prêt à le soutenir. Pourquoi?

M. Dinsdale : Merci, sénatrice.

Une partie du cœur du problème est que nous voulons être une plateforme où on exprime des idées et où on partage du contenu. Si on examine l’échange de valeur qui se fait actuellement, nous pensons que c’est équitable. Nous aimerions continuer de le faire, mais si l’échange de valeur qui était équitable devient un échange qui entraîne des coûts nouveaux et inconnus pour nous, pour des choses que, encore une fois, très franchement, malheureusement, les gens veulent voir moins sur notre plateforme, et que nous avons le choix entre nous conformer et entamer des négociations où nous ne connaissons pas la valeur du résultat, ou de supprimer le contenu de nouvelles de la plateforme ou mettre fin à sa disponibilité, nous devons choisir de mettre fin à la disponibilité du contenu de nouvelles sur la plateforme.

Mme Curran : Sénatrice, pour être clairs, nous ne voulons pas faire cela. Nous avons soutenu l’industrie de l’information, comme mon collègue, monsieur Dinsdale, l’a dit, avec 230 millions de dollars de valeur de marketing et de distribution gratuite. Nous avons soutenu l’industrie de l’information au moyen du programme News Innovation et des autres programmes que nous avons lancés.

Mais, en réalité, ce projet de loi va nous forcer à mettre fin à la disponibilité des nouvelles sur nos plateformes au Canada, et nous ne voulons pas en arriver là. Les représentants de Google ont dit la même chose. Ils ne veulent pas en arriver là. Nous voulons soutenir l’industrie de l’information dans la transition vers la nouvelle réalité numérique et nous nous efforçons de le faire au mieux de nos capacités, et ce projet de loi va nous forcer à adopter une position où nous ne pourrons pas le faire.

Le sénateur Manning : Je remercie les témoins.

Je ne fais que suivre la discussion sur ce point et j’aimerais avoir l’occasion de peut-être le répéter, mais j’aimerais revenir à quelque chose que vous avez dit deux ou trois fois déjà. J’aimerais m’assurer que j’ai bien compris. Êtes-vous en train de nous dire que Global News ou le Toronto Star publieraient leur contenu sur leur propre page Facebook afin d’attirer l’affluence sur leurs sites Web, et que ce projet de loi obligerait Facebook à les payer pour cela? Vous êtes comme un panneau d’affichage communautaire, mais vous seriez obligé de payer quelqu’un qui utilise votre panneau d’affichage pour promouvoir sa propre entreprise?

Mme Curran : C’est tout à fait cela, sénateur. Nous serons obligés d’indemniser les éditeurs de presse pour le contenu qu’ils publient pour attirer l’affluence et les clics vers leur page et leurs sites Web, où ils peuvent ensuite monétiser ces visites, soit au moyen d’un accès payant, soit en plaçant des publicités sur ce qui apparaît sur leur page Web. On nous demande de les indemniser pour une activité qui leur est bénéfique d’un point de vue pécuniaire.

Le sénateur Manning : Pourriez-vous nous expliquer quelle sera la responsabilité monétaire potentielle de votre entreprise, en conséquence?

Mme Curran : C’est une autre excellente question. Une partie du problème, dans ce projet de loi, c’est qu’il nous expose à une responsabilité totalement inconnue, et une responsabilité sur laquelle nous n’avons aucune prise. Il encourage les éditeurs à publier sur nos plateformes un volume de contenu que nous ne contrôlons pas et d’une façon ou selon un plan que nous ne contrôlons pas. Nous ne pouvons pas contrôler la quantité de contenu qu’ils publient, nous ne pouvons pas contrôler combien nous devrons payer pour ce contenu. Une partie du problème, sénateur, tient à l’incertitude entourant ce cadre, qui nous expose à une responsabilité totalement inconnue.

Le sénateur Manning : Si j’ai bien compris, si le projet de loi C-18 était adopté sous sa forme actuelle, puis que la réglementation serait élaborée par la suite... ne serait-ce pas dans l’intérêt supérieur de tout le monde que la réglementation soit élaborée avant, afin que nous sachions, à tout le moins, quelles sont les règles du jeu?

Mme Curran : Absolument. Si nous savions à quelles responsabilités nous nous exposons... cela a été une partie de la solution à court terme en Australie. Nous avons pu déterminer notre responsabilité et la plafonner à un certain montant. Si nous avions cette information en avance, nous pourrions prendre une décision commerciale éclairée et savoir si cela est acceptable, mais, dans le projet de loi C-18, nous sommes réellement exposés à une responsabilité complètement inconnue et indéterminable. Sénateur, personne n’accepterait d’exploiter une entreprise dans ces conditions. Aucune entreprise ne l’accepterait.

Le sénateur Manning : J’aimerais revenir à une question que la sénatrice Miville-Dechêne a posée. Quand votre entreprise a annoncé, en mars, que vous alliez mettre fin à la disponibilité du contenu des nouvelles sur Facebook et Instagram pour les Canadiens, le ministre a répondu :

Cette tactique n’a pas fonctionné en Australie, et elle ne fonctionnera pas ici. Les Canadiens ne seront pas intimidés... Tout ce que nous demandons à Facebook, c’est de négocier des accords équitables avec les médias lorsqu’ils profitent de leur travail.

En principe, êtes-vous d’accord pour dire que les petits acteurs — puisque le projet de loi nous dit que nous penchons en leur faveur — et les médias ont besoin que le gouvernement les soutienne et joue le rôle d’arbitre pour que des ententes équitables soient conclues avec des plateformes comme la vôtre?

Mme Curran : En principe, nous appuyons effectivement l’objectif du projet de loi, qui est de soutenir les petits acteurs et les acteurs locaux et régionaux. En pratique, ce que le directeur parlementaire du budget a dit, c’est que ce projet de loi va diriger une grande majorité des fonds, 75 %, vers des diffuseurs établis, qui sont déjà très rentables et hautement subventionnés, et que cela va profiter aux grands diffuseurs et éditeurs qui sont déjà avantagés par les programmes en place. Concrètement, cela ne va rien faire pour les petits acteurs et les acteurs locaux et régionaux que le projet de loi est censé aider.

Le sénateur Manning : Vous n’avez pas mis fin à la disponibilité du contenu en Australie, mais vous dites que vous allez le faire ici. Donnez-moi un exemple d’un élément du modèle australien, en comparaison du modèle canadien que nous prévoyons appliquer ici, qui vous pousserait davantage à mettre fin à la disponibilité du contenu de nouvelles ici au Canada.

Mme Curran : C’est une très bonne question. Un fait important est que, dans la loi australienne, nous n’étions pas désignés. Aucune entreprise n’était désignée — Google vous l’a aussi dit —, ce qui veut dire que nous avons été en mesure de trouver un compromis à court terme afin de pouvoir continuer de diffuser du contenu de nouvelles en Australie. Le projet de loi canadien est très différent. Il nous demande de nous désigner intermédiaire de nouvelles automatiquement, dès l’adoption du projet de loi. Cela ne laisse aucune place à un processus qui permettrait au gouvernement de décider s’il faut nous désigner ou non. Voilà la différence clé entre la loi canadienne et la loi australienne. Il n’y a aucune possibilité de trouver un compromis avec le gouvernement avant d’être désigné en vertu du projet de loi.

Le sénateur Manning : Merci.

Le président : J’ai un commentaire à faire avant de poser ma question. Il ne fait aucun doute que le monde numérique a changé la façon dont toutes les industries sont exploitées. Nous pouvons le voir dans le secteur de la vente au détail. Nous pouvons le voir dans l’industrie du taxi, où l’arrivée de Uber a changé la façon dont les choses fonctionnent. Nous pouvons le voir dans l’industrie du voyage, parce que les gens vont directement sur des sites de voyage pour réserver leurs vols au lieu de faire affaire avec des agences de voyage. Le gouvernement ne s’est pas précipité pour sauver l’industrie du taxi ou les agences de voyage du pays. Nous ne nous sommes pas précipités non plus pour sauver les vendeurs au détail, qui sont en difficulté. Il semble que notre gouvernement actuel aime par-dessus tout décider exactement où va l’argent des médias pour les soutenir. À mon avis, c’est une pente glissante. C’était mon commentaire personnel.

Je vais poser une question directe : est-ce que Facebook empêcherait les médias de publier des liens, si le projet de loi est adopté et que vous êtes obligé de payer pour ces liens?

Mme Curran : Oui, sénateur. C’est la décision que nous avons prise. Nous aimerions vraiment ne pas être dans cette position. Si le projet de loi C-18 est adopté essentiellement comme il est rédigé, nous allons bloquer le partage des liens de nouvelles sur Facebook et Instagram, ce que nous appelons « mettre fin à la disponibilité » du contenu de nouvelles sur nos plateformes.

Le président : Cela aurait un impact énorme, en particulier pour les journalistes et les journaux qui publient ces liens présentement. Je me dis que cela réduirait leur capacité d’utiliser ce mégaphone pour rejoindre, je pense, des millions de Canadiens et de Canadiennes.

M. Dinsdale : Merci, sénateur. Vous dites vrai. Si on regarde le nombre de fois où cela arrive et les 1,9 milliard de clics que nous fournissons aux éditeurs pour que les utilisateurs passent de notre plateforme à leurs sites pour y consommer leur contenu et s’y abonner, nous avons de la difficulté à comprendre la valeur économique de tout cela, parce que toute cette valeur se retrouve sur ces sites Web, auxquels nous n’avons pas accès. Cela poserait un problème.

L’une des choses que je voudrais aussi souligner est que, si on regarde l’industrie dans son ensemble, le fait est que nous représentons une petite partie de la façon dont les gens accèdent à ces sites. Si vous regardez le trafic qui vient de nous, il s’agit peut-être de 13 %, selon un rapport tout juste publié du cabinet National Economic Research Associates. C’est difficile, parce que nous créons énormément de valeur pour l’industrie. Nous ne sommes pas la raison pour laquelle les éditeurs existent ou n’existent pas. Donc, c’est comme s’il y avait deux aspects à tout cela, quand on dit cela.

Le président : J’ai aussi l’impression qu’il n’y a pas de consensus dans le milieu journalistique, entre les journalistes en particulier, en ce qui concerne ce projet de loi et le résultat final de cette expérience. Est-ce que j’ai vu juste?

M. Dinsdale : Je dirais que vous avez vu juste. En particulier, une fois qu’une étude — comme celle du directeur parlementaire du budget — sera publiée, les petits éditeurs vont commencer à comprendre ce que suppose le genre de modèle qui est proposé ici. Je pense que ce serait juste de dire que les petits éditeurs ont des préoccupations.

Il y a eu un article — je ne me rappelle plus de qui — selon lequel l’autre problème serait que l’innovation sera bloquée et que l’industrie de l’information ne serait plus nécessairement composée des éditeurs qui existent actuellement, mais des milliers d’éditeurs qui émergeront dans l’avenir. Un projet de loi comme celui-ci va miner la capacité de ces milliers de concurrents de se lancer et de prospérer.

La sénatrice Dasko : J’aimerais parler encore un peu de la situation en Australie. Vous avez conclu des ententes en Australie, et pourtant, vous demeurez très critique à l’égard des médias traditionnels. Avez-vous conclu des ententes avec M. Murdoch et ses entreprises gigantesques là-bas, ou avez-vous refusé de le faire, parce que vous n’aimez pas les médias traditionnels?

Mme Curran : Il y a un certain nombre de différences importantes entre la loi australienne et la loi canadienne, comme nous l’avons expliqué au sénateur Manning, qui nous ont permis de trouver un compromis à court terme. Nous avons effectivement conclu des ententes commerciales avec certains organes de presse en Australie, mais, comme je l’ai dit, cela concernait le nouveau contenu net, et non pas le contenu que les éditeurs publiaient déjà volontairement sur nos plateformes. En toute franchise, sénatrice, nous ne savons pas combien de temps ces ententes vont durer. Et c’est une autre époque, comme mon collègue M. Dinsdale l’a dit. Si nous étions désignés en vertu de ce projet de loi, je pense que les résultats seraient très différents.

La sénatrice Dasko : Mais la situation pourrait se maintenir, là-bas. Plus tôt, j’ai posé une question à Google à propos du statu quo. Vous pourriez tout simplement continuer ainsi, si les lois australiennes ne sont pas officiellement appliquées ou quelque chose du genre, et vous pourriez dans ce contexte conclure des ententes avec les entreprises. Vous pourriez faire cela, n’est-ce pas?

Mme Curran : Nous avons effectivement conclu des ententes à court terme avec certains organes de presse australiens, oui. Nous investissons là-bas bien davantage dans les grands éditeurs en place que dans les nouvelles entreprises numériques en démarrage ou les organes de presse novateurs que nous aimerions soutenir. Quant à savoir si ces ententes dureront plus que trois ans, je pense vraiment que cela reste encore à voir.

La sénatrice Dasko : Vous pourriez tout simplement vous retirer de l’Australie, est-ce bien ce que vous dites?

Mme Curran : C’est difficile de faire des conjectures présentement, sénateur, mais, si nous étions désignés en vertu de cette loi — ce qui n’est pas encore fait —, je pense que le résultat ne serait pas très différent de la situation au Canada ou aux États-Unis.

La sénatrice Dasko : Vous avez dit que vous saviez à l’avance quelle était votre responsabilité et que, ici, la responsabilité est inconnue. Vous avez aussi dit que vous n’aviez pas énormément de trafic, en ce qui concerne les nouvelles, et d’autres choses. Pourriez-vous dire : « Les nouvelles ne sont pas un de nos grands secteurs d’activité, et nous n’avons pas vraiment beaucoup d’argent à consacrer à ce programme particulier prévu dans la loi », et cetera? Ne pourriez-vous pas fonctionner ainsi?

Mme Curran : Si vous me demandez si nous obtenons un revenu important grâce au contenu de nouvelles, la réponse est non, et c’est effectivement une partie du problème. Comme mon collègue, M. Dinsdale, l’a dit, le contenu de nouvelles est ce que nous appelons du contenu très substituable sur nos plateformes. Si nous remplaçons du contenu de nouvelles par d’autres contenus, cela n’a pas d’incidence sur l’engagement de nos utilisateurs ni sur notre chiffre d’affaires... cela n’a certainement aucune conséquence défavorable, et cela donne même parfois des résultats favorables. Donc, les nouvelles n’ont aucune valeur commerciale ou économique réelle pour l’entreprise.

Voilà le problème, avec le cadre prévu dans le projet de loi C-18. Ce n’est pas que nous croyons que les nouvelles n’ont aucune valeur sociale, parce que c’est tout le contraire. Nous aimerions vraiment pouvoir continuer de soutenir l’industrie de l’information grâce à notre publicité gratuite et à nos outils de distribution, par exemple, et aussi parallèlement aux programmes mentionnés par M. Dinsdale. Mais le fait est que cela n’a aucune valeur commerciale pour nous. Par conséquent, si vous nous demandez de payer pour cela, notre décision d’affaires sera que nous ne pouvons plus diffuser ce genre de contenu.

M. Dinsdale : Si vous me le permettez, sénatrice, une partie du problème tient aussi au fait — et je pense que Google l’a déjà mentionné — que les attentes sont exagérées. Le chiffre actuel qui a été donné serait de 329 millions de dollars.

Je suis d’accord pour dire que, dans un monde idéal, nous pourrions examiner la réalité économique de la valeur des nouvelles pour nous, leur valeur commerciale, mais je n’ai pas l’impression que le cadre proposé le permettrait. Ce cadre fixe une conclusion, puis cherche quelle méthodologie permettrait de l’atteindre. Voilà le défi global, selon moi, relativement à ce que vous proposez.

La sénatrice Dasko : Mais le cadre vous permettrait de conclure des accords à faible prix, n’est-ce pas? S’il y a peu de public en ligne, si le contenu des nouvelles en ligne est faible, vous pouvez toujours dire, par conséquent : « Il s’agit d’une activité à faible volume qui n’apporte pas de valeur. » Donc, en vertu de l’équation de l’équité qui est prévue dans le projet de loi, vous pourriez dire : « Qu’est-ce qui est équitable? Il n’y a pas beaucoup de volume, alors il n’y a pas beaucoup de revenu. »

Mme Curran : Sénatrice, ce serait magnifique si c’était le cas, mais je doute que ce soit vrai. Le gouvernement a dit qu’il s’attend à obtenir un certain montant d’argent grâce à ce projet de loi. Les chiffres sont conflictuels — certaines sources disent 330 millions de dollars, et les fonctionnaires de Patrimoine canadien disent 215 millions de dollars —, mais il est clair qu’ils procèdent à l’envers, en partant du chiffre qu’ils espèrent obtenir. Clairement, on attend de nous que nous contribuions à une part importante de ce montant, parce que le projet de loi vise les entreprises de technologie américaines. Vous dites que nous pourrions faire valoir qu’il n’y a aucune valeur commerciale pour nous, mais ce n’est malheureusement pas le cas, parce qu’on essaie d’arriver à un certain montant — que ce soit 215 ou 330 millions de dollars — et que l’on procède à l’envers pour en arriver là. Comme mon collègue l’a dit, la méthodologie consiste à partir de la conclusion et de procéder à l’envers.

Le sénateur Cardozo : Vous dites que, si vous cessez d’afficher des liens vers les médias canadiens, votre entreprise ne perdra rien, d’un point de vue financier?

Mme Curran : C’est exact, oui.

Le sénateur Cardozo : Ma question porte sur le processus décisionnel et sur les pouvoirs des gouvernements et des sociétés. La situation dans laquelle nous sommes ressemble un peu à ce qui s’est passé en Australie. Madame Curran, j’aimerais vous demander conseil. Vous avez travaillé aux échelons supérieurs de notre gouvernement. Vous avez travaillé en étroite collaboration avec la Chambre des communes et avec le Sénat. Nous, les sénateurs, devons étudier ce projet de loi, mais il y a une entreprise qui dit : « Si vous osez faire cela, nous allons faire ceci. » Quelle devrait être la réaction du système politique? Devrions-nous dire : « D’accord, c’est vous le patron. Nous allons reculer. » C’est un enjeu de taille avec lequel nous devons composer dans le monde géopolitique.

Mme Curran : C’est une excellente question, sénateur Cardozo.

Non, à dire vrai, nous pensons que c’est une bonne chose que les parlementaires essaient de trouver une façon de soutenir l’industrie de l’information et le journalisme indépendant, car il s’agit d’une partie cruciale de notre système et de notre démocratie, mais nous pensons qu’il y a de meilleurs moyens de le faire que le cadre proposé dans le projet de loi C-18. Mes collègues chez Google ont mentionné un fonds central, par exemple. Le gouvernement aurait toujours l’option de consacrer une partie de l’assiette fiscale au soutien des industries qui, selon lui, ont besoin de soutien, vu leur situation. Je pense que nous pouvons dire qu’il existe d’autres modèles — du moins conceptuellement ou théoriquement — auxquels nous serions plus favorables. Nous croyons que le maintien et le soutien de l’industrie de l’information est un objectif important et auquel nous voulons contribuer.

Le sénateur Cardozo : Qui établirait le cadre pour le fonctionnement de ce fonds? Présentement, vous soutenez quelques efforts ici et là. Est-ce que ce serait les entreprises qui décideraient du genre de système de soutien pour les journaux? Est-ce que ce serait la démocratie?

Mme Curran : Je pense que les décideurs politiques et le gouvernement ont un rôle important à jouer pour ce qui est de soutenir des industries qui ne réussissent peut-être pas dans l’économie de marché. Cela ne nous préoccupe pas du tout — ou du moins, en théorie — que les décideurs et les décideurs politiques interviennent dans cet espace pour dire que l’industrie de l’information est quelque chose que nous devons soutenir. C’est le quatrième pilier de notre démocratie, et c’est quelque chose qui sera très important pour les Canadiens, et c’est pour cela que nous croyons que le gouvernement doit la soutenir également. Nous serions très heureux d’y participer. Nous ne sommes pas en train de dire : « Laissez-nous décider. Si nous croyons que cela vaut la peine de fournir du soutien, nous le ferons; sinon, nous ne ferons rien. C’est au marché de décider. » Ce n’est pas du tout notre position. Nous croyons que le gouvernement et les décideurs politiques ont un rôle important à jouer.

Le sénateur Cardozo : C’est une question difficile, savoir qui jouerait un rôle. Au sujet du gouvernement, préférez-vous le gouvernement ou les médias libres? Clairement, la situation est que les médias d’information traversent une crise. Je suis d’accord avec vous pour dire qu’ils sont un élément clé de notre démocratie, alors que pouvons-nous faire?

Mme Curran : Je suis d’accord. Nos collègues chez Google ont proposé un autre modèle qu’il nous serait plus simple de soutenir, en théorie du moins. Notre préoccupation principale, par rapport au cadre, tient au fait qu’il nous oblige à indemniser les éditeurs de nouvelles lorsqu’ils publient du contenu sur nos plateformes, mais nous ne savons pas du tout à quel prix ni à quel niveau. Nous ne pouvons pas fonctionner dans un cadre qui nous demande de payer une somme totalement inconnue et incertaine.

Le sénateur Cardozo : Pour terminer, croyez-vous que vous pourriez tirer tout cela au clair au moyen de la réglementation? Des représentants du CRTC sont venus témoigner ici, hier. Ils auront probablement un processus en deux phases. D’abord, ils demandent à tout le monde des idées, puis ils rédigent une ébauche de règlement et la communiquent afin d’obtenir une deuxième série de commentaires. Est-ce que cela vous rassurerait un peu de savoir que vous pouvez contribuer à l’élaboration de certains détails?

Mme Curran : Je peux vous dire, par rapport au modèle australien, dont nous avons parlé au cours de la réunion, que, comme il y a eu un délai entre l’adoption de la loi et notre désignation en vertu de la loi ou en vertu du code des médias d’information — c’est encore à venir —, nous avons eu assez de temps et d’espace pour creuser la question et déterminer avec plus de certitude à quelle responsabilité nous serions exposés. Comme je l’ai dit au sénateur Manning, parce que nous avons le temps et l’espace nécessaires pour déterminer ce que nous aurions à payer et si cela était acceptable, nous avons réussi à trouver un compromis, au bout du compte — même si c’est un compromis de courte durée, en vertu de la loi. Le problème, dans le projet de loi canadien, c’est qu’il nous demande de nous désigner nous-mêmes en tant qu’intermédiaire de nouvelles presque immédiatement après l’adoption du projet de loi, ce qui veut dire que nous n’aurons pas d’espace et pas de temps pour mener à bien un processus qui nous permettrait d’établir les paramètres de la responsabilité.

Le président : Merci, madame Curran.

La sénatrice Clement : Merci à vous deux d’être des nôtres.

Je veux revenir à ce que vous avez dit — plus d’une fois — quant au fait que les nouvelles n’ont aucune valeur économique pour vous. Vous recueillez bel et bien des données sur les personnes qui cliquent sur les nouvelles, ce qui reflète une préférence, n’est-ce pas? Ces données vous donnent un avantage en ce qui concerne le ciblage de vos publicités, alors je ne comprends pas pourquoi vous dites que les nouvelles n’ont pas de valeur économique. Vous conservez ces données, et les données ont une valeur extraordinaire pour vous. Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites.

M. Dinsdale : Merci, sénatrice.

Quand nous parlons de valeur économique, nous voulons dire que c’est une si petite partie de l’expérience qu’elle est très facilement substituable, et que nous croyons que si cela n’était plus sur notre plateforme, cela n’aurait pas d’incidence sur notre entreprise. Comment pouvons-nous décider d’investir dans quelque chose dont la présence sur notre plateforme, au bout du compte, n’a pas de réelle incidence? Quand nous examinons la question d’un point de vue économique, c’est-à-dire l’échange de valeur entre nous et les éditeurs, nous croyons, pour être honnêtes, que ce sont les éditeurs qui sont gagnants dans cette relation, parce que nous leur fournissons ces 230 millions de dollars en valeur, et nous ne pensons pas que nous obtenons cela en retour.

Je le répète, nos utilisateurs semblent de moins en moins intéressés par les nouvelles. Les gens veulent voir moins de nouvelles sur notre plateforme. Ils veulent voir du contenu divertissant de créateurs ou d’autres personnes. Je pense que cela explique d’une certaine façon la tension.

La sénatrice Clement : Je ne veux pas vous contredire à ce sujet; seulement, les données que vous recueillez sur les gens qui cliquent sur les nouvelles révèlent leurs préférences, et vous pouvez les utiliser. Je vous remercie quand même. Merci de votre réponse.

M. Dinsdale : Merci.

Le président : Nous sommes presque à court de temps. Je propose que les trois derniers intervenants posent leurs questions, rapidement et brièvement, puis que les témoins répondent à toutes les questions en même temps.

La sénatrice Simons : À mon avis, les nouvelles ne sont pas fongibles. Si vous dites que vous allez remplacer les nouvelles par un autre contenu, peut-être que ce contenu sera de la désinformation ou de l’information malveillante, dont le but est de déchirer les gens, et je me demande — je vais vous laisser répondre à toutes les questions en même temps — si vous pensez qu’il incombe, d’une façon ou d’une autre, à Facebook de communiquer en temps opportun de l’information importante, pertinente et exacte, surtout en temps de crise.

La sénatrice Miville-Dechêne : J’aimerais revenir à votre déclaration selon laquelle les nouvelles n’ont pas de valeur commerciale pour vous. Pourrions-nous avoir les chiffres à ce sujet? Je veux dire, pourquoi devrions-nous vous croire? Ce ne serait pas surprenant pour vous de venir ici nous dire : « Les nouvelles n’ont pas de valeur commerciale, alors nous ne voulons pas du projet de loi C-18, parce que cela ne génère pas de profit pour nous. » Mais la question est, bien évidemment, pourquoi devrions-nous vous croire?

[Français]

Le sénateur Cormier : Je comprends qu’en réaction au projet de loi, vous comptez retirer le contenu des médias d’information. Je comprends aussi que vous désirez que le contenu audio et audiovisuel soit exclu du champ d’application de la loi.

Alors, si la loi est adoptée avec votre amendement, est-ce que cela veut dire que vous bloquerez le contenu d’information écrit, mais que vous continuerez à diffuser du contenu d’information audio et visuel, comme ils ne seraient pas visés par la loi?

[Traduction]

Mme Curran : Merci de vos questions, sénateurs.

Je vais répondre à la question sur la désinformation en premier. Je vais contester un peu la prémisse de votre question. Vingt-quatre millions de Canadiens et de Canadiennes utilisent nos plateformes chaque mois pour obtenir de l’information venant du gouvernement, d’organismes non gouvernementaux, d’organismes communautaires et des services d’urgence et pour recevoir des mises à jour sur leurs amis et leur famille et sur le genre de choses qu’ils font dans la vie, alors je pense que vous seriez d’accord pour dire que ce n’est pas de l’information malveillante. Si nous sommes forcés...

La sénatrice Simons : Je pense que vous conviendrez que Facebook a essuyé d’importantes critiques pour avoir partagé de l’information très mauvaise...

Le président : Sénatrice, nous sommes à court de temps. Si nous pouvons laisser les témoins...

Mme Curran : Eh bien, sénatrice, je pense que vous avez aussi dit que vous avez une communauté sur Facebook où vous échangez de l’information sur ce qui se passe à Ottawa et sur les initiatives législatives auxquelles vous participez, et que vous avez une très bonne communauté Facebook, qui est engagée et qui veut que vous lui donniez de l’information sur ce genre d’enjeux.

Je pense que si nous étions forcés de mettre fin à la disponibilité des nouvelles sur Facebook... et ce n’est pas quelque chose que nous voulons faire, mais, si tout ce qui reste ce sont les mises à jour sur les amis, la famille, les parlementaires, les organismes du gouvernement et les organismes communautaires, nous ne pensons pas que ce serait de l’information malveillante ou de la désinformation. Je pense que nous contesterions la prémisse de votre question, c’est-à-dire que le retrait des nouvelles va seulement laisser de l’information malveillante sur nos plateformes. Je ne pense pas du tout que ce soit vrai.

Monsieur Dinsdale, voulez-vous répondre aux autres questions?

M. Dinsdale : Certainement. Merci.

Pour revenir à nouveau à la question de la valeur, c’est difficile pour nous de donner un chiffre, sauf pour dire que ce n’est pas ce que les gens cherchent sur nos plateformes. C’est du contenu remplaçable par d’autre contenu, alors, d’un point de vue commercial, c’est...

La sénatrice Miville-Dechêne : Ce n’est pas ce que j’ai demandé. Je veux savoir si vous avez un chiffre à nous donner.

Mme Curran : Je pense que nous pouvons faire suite à votre demande, sénatrice, car nous avons cherché à évaluer la valeur des nouvelles sur nos plateformes, donc oui.

Pour ce qui est de mettre fin au contenu audiovisuel — pardon, sénateur Cormier, si ce n’est pas ce que vous avez demandé —, si nous sommes forcés de mettre fin à la disponibilité des nouvelles sur nos plateformes, cela engloberait le contenu audiovisuel et le contenu textuel. Ce serait tout le contenu de nouvelles visé par le projet de loi C-18, et nous attendons encore de voir le libellé définitif du projet de loi, parce que c’est cette définition que nous allons utiliser pour définir le contenu de nouvelles sur nos plateformes également. Tout ce qui sera défini comme étant du contenu de nouvelles dans le projet de loi C-18 sera ce que nous serons ultimement forcés de retirer de nos plateformes.

Le président : J’aimerais remercier Mme Curran et M. Dinsdale d’avoir témoigné ici ce soir. Merci de votre temps. Nous avons dépassé le temps de quelques minutes, mais je vous remercie de votre indulgence.

(La séance est levée.)

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