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TRCM - Comité permanent

Transports et communications


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES TRANSPORTS ET DES COMMUNICATIONS

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 17 mai 2023

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd’hui, à 18 h 46 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier la teneur des éléments de la section 2 de la partie 3, et des sections 22 et 23 de la partie 4 du projet de loi C-47, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 28 mars 2023; et à huis clos, pour étudier un projet d’ordre du jour (travaux futurs).

Le sénateur Leo Housakos (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Je m’appelle Leo Housakos, sénateur du Québec, et je suis président du Comité sénatorial permanent des transports et des communications. Je voudrais inviter mes collègues à se présenter, en commençant par ma gauche.

[Traduction]

La sénatrice Simons : Paula Simons, du territoire visé par le Traité no 6, en Alberta.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : La sénatrice Miville-Dechêne, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Manning : Fabian Manning, de Terre-Neuve-et-Labrador.

[Français]

La sénatrice Clement : Bernadette Clement, de l’Ontario.

[Traduction]

Le sénateur Harder : Peter Harder, de l’Ontario.

Le sénateur Quinn : Jim Quinn, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Cardozo : Andrew Cardozo, de l’Ontario.

La sénatrice Dasko : Donna Dasko, de Toronto.

Le président : Honorables sénateurs, nous sommes réunis pour poursuivre notre étude préliminaire de certains éléments du projet de loi C-47, la loi d’exécution du budget, et nous sommes heureux d’accueillir ce soir l’honorable Omar Alghabra, ministre des Transports. Je vous remercie d’être avec nous, monsieur le ministre. Vous êtes toujours disponible pour venir nous rencontrer et nous vous en sommes reconnaissants. Nous accueillons également Serge Bijimine, sous-ministre adjoint, Politiques; Colin Stacey, directeur général, Politique aérienne; Tamara Rudge, directrice générale, Politique des transports terrestres; et Alain Langlois, avocat général principal et directeur exécutif, Services juridiques des transports et de l'infrastructure, de Transports Canada.

Je vous souhaite la bienvenue, monsieur le ministre, et je souhaite la bienvenue à vos collaborateurs. Nous allons vous donner quelques minutes pour faire votre déclaration liminaire, et nous passerons ensuite aux questions des sénateurs.

[Français]

Vous avez la parole.

[Traduction]

L'honorable Omar Alghabra, c.p., député, ministre des Transports, Transports Canada : Bonsoir, chers amis. Je vous remercie beaucoup, monsieur le président. C’est bon d’être de retour parmi vous.

Je vous remercie de me donner l’occasion de parler de certaines mesures proposées qui portent sur notre réseau de transport dans le projet de loi C-47, la loi d’exécution du budget.

Comme vous l’avez mentionné, monsieur le président, je suis accompagné de représentants de Transports Canada : Serge Bijimine, Colin Stacey, Tamara Rudge et Alain Langlois.

Un réseau de transport solide est essentiel à la circulation des personnes et des marchandises, et à la prospérité économique globale du Canada.

[Français]

Un système de transport solide est primordial pour le Canada.

[Traduction]

Le projet de loi C-47, une fois adopté, renforcerait la protection des droits des passagers aériens et contribuerait à rendre nos chaînes d’approvisionnement plus efficaces et plus résilientes.

En 2019, nous avons été le premier gouvernement de l’histoire du Canada à mettre en place une réglementation relative aux droits des passagers aériens. Cette réglementation a donné aux Canadiens d’importantes protections contre les retards et les annulations de vols. Peu après l’entrée en vigueur de la réglementation, la pandémie de la COVID-19 a frappé de plein fouet notre secteur aérien et a montré qu’il y avait des lacunes dans le régime.

Lorsque le secteur aérien a commencé à se redresser, le nombre de passagers a augmenté en flèche. Nous avons alors constaté que le secteur éprouvait des difficultés à répondre à la hausse importante de la demande, ce qui a créé de nombreuses perturbations au Canada, de même qu’à l’étranger. Le nombre de plaintes des passagers auprès de l’Office des transports du Canada a donc augmenté.

Nous avons tiré des leçons de l’expérience des passagers, et je me suis engagé auprès des Canadiens, notamment lors de mon dernier passage au comité, à mieux protéger les droits des passagers.

Les modifications proposées dans le projet de loi C-47 à la Loi sur les transports au Canada renforceraient les droits des passagers aériens pour faire de notre régime le plus solide qui soit au monde.

Ces changements permettront de responsabiliser davantage les compagnies aériennes et de simplifier la procédure de traitement des plaintes afin d’aider à résorber l’arriéré actuel.

Par exemple, les transporteurs aériens seraient tenus de verser des indemnités obligatoires aux voyageurs, pour toutes les perturbations, quelle qu’en soit la cause, sauf dans des cas très limités, lesquels seraient définis dans la réglementation. Cela signifie qu’il n’y aura plus d’échappatoires permettant aux compagnies aériennes de prétendre qu’une perturbation est due à une cause indépendante de leur volonté ou à une raison de sécurité, alors que ce n’est pas le cas. En outre les transporteurs aériens seraient tenus de traiter les demandes d’indemnisation des passagers dans un délai de 30 jours.

Ces modifications législatives permettraient également à l’Office des transports du Canada d’établir des exigences pour les bagages en retard. De plus, ces changements simplifieraient la manière dont l’Office des transports du Canada traiterait les plaintes afin de garantir que les préoccupations des Canadiens sont prises en compte rapidement.

L’Office des transports du Canada serait également autorisé à récupérer les coûts liés aux plaintes des passagers aériens auprès des compagnies aériennes, ce qui les inciterait à traiter les plaintes directement avec les voyageurs le plus rapidement possible.

Les compagnies aériennes qui ne respectent pas la réglementation pourraient dorénavant se voir infliger une amende pouvant aller jusqu’à 250 000 $, ce qui représente une augmentation considérable par rapport au montant antérieur de 25 000 $, une question qui, soit dit en passant, a été soulevée lors de mon dernier passage au comité.

Il existe un déséquilibre important entre le pouvoir des compagnies aériennes et celui de leurs clients, ces derniers étant susceptibles de subir des conséquences considérables si un service qu’ils ont acheté n’a pas été fourni correctement. Lorsqu’un passager achète un billet, il s’agit d’une transaction financière entre la compagnie aérienne et le passager. Il incombe donc à la compagnie aérienne de respecter ses obligations à l’égard du passager en cas de retard ou d’annulation.

Cela ne signifie pas que nous ne tenons pas les autres acteurs du secteur responsables. En effet, le budget de 2023 a également souligné notre engagement à exiger l’échange des données entre tous les acteurs du secteur aérien, des compagnies aériennes aux aéroports. Un plus grand échange des données assure une plus grande transparence et donc une plus grande responsabilisation pour tout le monde.

Je crois que le gouvernement a un rôle à jouer pour remédier à ce déséquilibre des pouvoirs et je pense que les modifications législatives proposées dans le projet de loi C-47 contribueront à renforcer la protection des droits des passagers.

Notre chaîne d’approvisionnement en matière de transport joue un rôle important dans notre économie et elle a été mise à l’épreuve ces dernières années. Les Canadiens méritent une chaîne d’approvisionnement capable de livrer à temps les marchandises essentielles dont ils ont besoin. C’est pour cette raison que j’ai convoqué un groupe de travail national sur la chaîne d’approvisionnement et que j’ai accueilli favorablement son rapport final sur la manière d’améliorer l’efficacité et la résilience de notre chaîne d’approvisionnement en matière de transport.

Le projet de loi C-47 comprend des modifications visant à répondre à certaines des recommandations de ce rapport. Ces mesures obligeraient les expéditeurs à échanger leurs données lorsqu’ils ont accès à des services de transport réglementés par le gouvernement fédéral. Cela permettrait d’améliorer l’efficacité de nos infrastructures de transport existantes.

Le projet de loi prévoit également une extension temporaire des limites d’interconnexion ferroviaire dans les provinces des Prairies. Cela devrait donner plus de possibilités aux expéditeurs et permettre une plus grande concurrence dans le secteur du transport ferroviaire de marchandises au Canada. Cela nous aidera également à évaluer les répercussions de l’interconnexion dans le cadre d’un projet pilote et à orienter nos actions futures au niveau national.

S’il est adopté, le projet de loi C-47 comprend des mesures importantes visant à protéger davantage les droits des voyageurs aériens canadiens ainsi qu’à améliorer l’efficacité et à renforcer la résilience de notre chaîne d’approvisionnement en matière de transport et de nos corridors commerciaux.

Je vous remercie du temps que vous m’avez accordé. C’est avec plaisir que je répondrai aux questions des membres du comité.

Le président : Je vous remercie, monsieur le ministre. Nous passons aux questions.

Monsieur le ministre, le projet de loi C-47 est très dense, et comme vous le savez, le comité dispose de très peu de temps pour en examiner une partie importante, soit la réglementation relative aux droits des passagers aériens.

Des groupes de défense des passagers et des acteurs de l’industrie aérienne sont venus témoigner devant le comité. Comme vous le savez, il y a quelques mois, nous avons eu une enquête spéciale sur les problèmes auxquels font face l’industrie aérienne et les passagers au pays. Vous avez comparu devant le comité.

Beaucoup de gens nous disent maintenant que le gouvernement a failli à la tâche. Nous avons eu une première version de la réglementation — qui ne fonctionnait pas de toute évidence, comme vous l’avez vous-même mentionné —, et nous faisons maintenant une deuxième tentative.

On nous a dit que les services de sécurité et les douanes ne sont pas efficaces. On nous a dit également que les coûts des aéroports et de leur fonctionnement sont transférés aux clients.

Nous avons l’occasion de régler ces problèmes dans la deuxième version de la réglementation. Lors de votre dernière comparution devant le comité, j’ai posé la dernière question. Je vous ai demandé si le comité recevrait cette nouvelle réglementation assez tôt pour pouvoir en faire une étude approfondie, entendre le point de vue des intervenants, et apporter une contribution utile, en tant que parlementaires, pour pouvoir atteindre les meilleurs résultats possible.

Comme c’est souvent le cas au Parlement pour un projet de loi de cette importance, au lieu d’avoir un projet de loi distinct que nous pouvons examiner en profondeur pour les citoyens, nous nous retrouvons face à un projet de loi omnibus. La réglementation s’y trouve intégrée et nous devons entamer une course contre la montre. Tous mes collègues savent qu’il serait irresponsable de notre part de retarder ce projet de loi, car il est très attendu par la population.

Monsieur le ministre, pourquoi n’avez-vous pas été en mesure de procéder plus rapidement et de présenter cette réglementation au Parlement plus tôt afin que nous soyons en mesure de faire notre travail et de procéder à une étude plus approfondie?

M. Alghabra : Je vous remercie, monsieur le président. Il y a beaucoup d’éléments dans votre question. Si je devais répondre à tout cela, je devrais y consacrer le reste du temps. Je vais me concentrer sur la dernière partie de votre question.

Premièrement, pour ce qui est de la rapidité avec laquelle ce projet de loi a été préparé, en termes relatifs, sa préparation a été incroyablement rapide. Les gouvernements ont l’habitude de prendre le temps de consulter et d’examiner. En raison de l’urgence du dossier et des leçons apprises pendant la COVID et lors de la reprise qui a suivi, nous estimions qu’il était important d’agir rapidement. Je dirais que nous avons agi très rapidement.

Je comprends que vous auriez aimé, idéalement, qu’il s’agisse d’un projet de loi distinct. Il n’est pas inhabituel de voir les projets de loi budgétaires contenir des modifications législatives administratives, comme c’est le cas ici. Je vous suis reconnaissant de prendre le temps de procéder à une étude préliminaire.

En passant, comme je l’ai mentionné la dernière fois, je serais heureux de voir le comité procéder à une étude et un examen sur d’autres questions plus larges concernant les aéroports et les compagnies aériennes qui nécessitent un débat sur la politique publique.

Je serai heureux de répondre à des questions précises sur les dispositions qui portent sur la réglementation relative aux droits des passagers aériens. Je serai heureux également que vous me fassiez part, en tout temps, d’autres changements ou mesures qu’il serait bon d’apporter pour améliorer le secteur aérien dans son ensemble.

Le président : Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Il ne me reste qu’une minute. En tout respect, nous ne pouvons pas apporter notre contribution quand il est impossible d’amender le projet de loi, de procéder à une étude approfondie ou d’y consacrer le temps que cela mérite. En tout respect, les droits des passagers et l’état de nos aéroports — que vous avez qualifiés de très importants dans votre déclaration liminaire — ne sont pas des questions administratives qu’on se contente de glisser dans un projet de loi d’exécution du budget.

Mon temps est écoulé, mais je présume que mes collègues vous donneront amplement l’occasion de répondre à des questions semblables.

La sénatrice Simons : Comme vous avez pu le constater lors de votre dernière visite, monsieur le ministre, je suis une voyageuse grincheuse. En tant que sénatrice de l’Alberta, je veux commencer par une question sur les interconnexions dans les Prairies.

Le modèle de la distance d’interconnexion de 160 kilomètres a été en vigueur, si j’ai bien compris, de 2014 à 2017. Je n’arrive pas à comprendre ce que vous espérez gagner avec ce projet pilote de 18 mois. Quelles preuves aurez-vous que cela fonctionne? Que répondez-vous quand le CN et CPKC, comme on l’appelle maintenant, vous disent que cela n’améliorera pas la situation? Il y a un taux fixe pour expédier du grain. Il n’y a pas vraiment d’avantage concurrentiel de passer d’un transporteur canadien à un autre. Ils soutiennent que le vrai gagnant sera le géant américain BNSF, et que BNSF pourra, grâce à la distance d’interconnexion de 160 kilomètres, prendre du grain à divers endroits dans le Sud du Manitoba et le Sud de l’Alberta pour l’expédier ensuite sur des wagons de marchandises américains aux États-Unis et au Mexique en coupant l’herbe sous le pied des transporteurs canadiens.

M. Alghabra : Je vous remercie, sénatrice, de la question.

La décision est basée sur une recommandation contenue dans le rapport du Groupe de travail national sur la chaîne d’approvisionnement. J’ai promis aux auteurs du rapport d’agir. J’ai trouvé que les raisons de le faire étaient convaincantes.

Si le projet pilote commence dans les Prairies, c’est notamment parce que certaines régions n’ont pas d’options ferroviaires. Dans certaines régions de la Saskatchewan, la seule option est le CN, et dans certaines régions du Manitoba, c’est le CPKC qui est la seule option. En testant l’idée de l’interconnexion, on crée ou encourage la concurrence, et cela ne concerne pas seulement les tarifs, sénatrice, mais aussi le rendement, la flexibilité et les options. L’expéditeur peut ainsi expédier sa marchandise là où il peut y avoir une autre option, qui peut mener à une livraison plus rapide ou à un meilleur résultat.

Nous allons recueillir des données. La dernière fois, nous n’avons pas recueilli autant de données que nous aurions dû le faire. Cette fois, nous allons recueillir des données et mesurer les effets de cette interconnexion. La décision sera prise en se basant sur les données et l’information recueillies.

La sénatrice Simons : Lorsque des représentants de l’Office des transports étaient ici hier, je m’inquiétais — et je m’inquiète encore — au sujet de ce qui se passe lorsque des gens sont coincés dans un avion ou un train pendant 12, 15 ou 18 heures sans nourriture, sans eau et sans toilettes fonctionnelles. Nous en avons parlé. Il semble que selon eux, ce n’est pas un problème qui sera réglé par la réglementation relative aux droits des passagers aériens; elle ne porterait que sur les retards.

Que pouvez-vous dire aux voyageurs canadiens, qui prennent l’avion ou le train, pour leur assurer qu’ils ne seront pas pris en otage parce que le transporteur manque de personnel pour procéder au débarquement en temps opportun?

M. Alghabra : Sénatrice, permettez-moi d’être clair; la version actuelle de la réglementation contient des règles sur le temps passé par un passager à bord d’un avion...

La sénatrice Simons : Oui, trois heures.

M. Alghabra : C’est exact.

La sénatrice Simons : Ce n’est pas...

M. Alghabra : Permettez-moi tout d’abord de présenter le contexte. Les règles sont claires. Il existe des circonstances exceptionnelles, comme une grosse tempête de neige, lorsqu’il n’y a pas de porte accessible pour procéder au débarquement, et cetera.

Toutefois, dans cette version de la réglementation, nous proposons la création d’une nouvelle norme de service. La norme de service ne vise pas seulement à faire respecter les règles, mais aussi à s’assurer que les compagnies aériennes fournissent une assistance minimale à leurs clients lorsqu’ils sont retardés par une grosse tempête de neige, etc.

Je peux vous garantir que dans la nouvelle réglementation, les compagnies aériennes vont devoir respecter une nouvelle norme d’assistance lorsque leurs passagers et leurs clients sont retardés par une tempête de neige, ou tout autre...

Le président : Je vous remercie, sénatrice Simons, mais le temps est écoulé.

Le sénateur Harder : Je vous souhaite la bienvenue, monsieur le ministre. Je suis le dernier arrivé au comité, et j’assume la responsabilité des questions que je vais vous poser, car il y a environ 30 ans, j’étais un ardent défenseur du modèle de l’utilisateur-payeur pour rééquilibrer le cadre fiscal.

J’ai deux questions à vous poser au sujet du modèle de l’utilisateur-payeur. La première est la suivante : pouvez-vous donner l’assurance au comité que les sommes qui résulteront de l’augmentation des frais iront entièrement à l’Association canadienne de la sécurité du transport aérien, l’ACSTA?

C’est ma première question, et la deuxième est de nature plus philosophique. Je pense que notre enthousiasme pour le modèle de l’utilisateur-payeur est arrivé au bout de ses avantages du point de vue de la politique publique. En d’autres mots, le secteur aérien, en particulier, est trop dépendant de ce modèle; il performe moins bien que nos concurrents et tire moins bien son épingle du jeu face aux autres compagnies aériennes qui voient le marché canadien comme totalement déconnecté et non concurrentiel pour ce qui est des droits d’atterrissage, et cetera.

Êtes-vous ouvert à l’idée d’un rééquilibrage entre le modèle de l’utilisateur-payeur et les recettes générales? Je sais que ce n’est probablement pas le cas du ministère des Finances. Est-ce que vous ou votre ministère vous penchez sur la question? C’est une question vraiment fondamentale si nous voulons avoir un secteur aérien concurrentiel et florissant à long terme.

M. Alghabra : Je vous remercie de la question, sénateur Harder.

Je vais d’abord répondre à votre première question. Oui, nous nous sommes engagés à ce que les sommes provenant de l’augmentation des frais reviennent à l’ACSTA. Il n’y a pas eu d’augmentation de ces frais depuis 13 ans. Ils ont été augmentés pour la dernière fois en 2010. Encore une fois, la pandémie a mis au jour certaines faiblesses et certains problèmes de capacité et le besoin d’améliorer la technologie. C’était donc un rappel pour le gouvernement et pour le pays que nous devons moderniser l’ACSTA, et c’est l’objet de la présente proposition.

Au sujet de votre question de nature philosophique, je pense que le modèle de l’utilisateur-payeur fonctionne bien. Toutefois, il présente des faiblesses quand surviennent des situations exceptionnelles comme lorsqu’il n’y a plus d’utilisateurs, mais qu’il faut continuer à entretenir le système. Nous avons vu les points faibles du modèle de l’utilisateur-payeur pendant la pandémie.

Si le comité décide d’examiner la question, je serais ravi d’avoir son point de vue sur le sujet pour savoir s’il faut revoir ce modèle. Je pense qu’en principe, le modèle fonctionne, mais encore une fois, je suis conscient que la pandémie a mis au jour ses faiblesses.

Le sénateur Harder : Je ne pense pas que cette situation soit mise en évidence uniquement par la pandémie ou l’urgence économique, mais plutôt par le fait de vivre à côté des États-Unis, où l’attraction gravitationnelle, sur le plan économique, tire vers un modèle qui est moins fondé sur le principe de l’utilisateur-payeur et davantage sur le bassin de contribuables dans son ensemble. Notre compétitivité dans le secteur aérien, en particulier, qui est beaucoup plus continental, est donc désavantagée par la concurrence.

Êtes-vous d’accord?

M. Alghabra : Monsieur le sénateur, encore une fois, je ne rejette pas l’idée d’examiner et de comparer notre modèle à d’autres.

Je voudrais toutefois dire ceci : j’ai aussi des conversations avec nos concurrents. Tout d’abord, nous ne devrions pas toujours nous comparer à un marché qui est nettement plus vaste que le nôtre. Ils ont des avantages que nous n’avons pas.

Deuxièmement, j’ai parlé avec grand nombre de nos amis aux États-Unis, et ils ont eux aussi des difficultés importantes à surmonter. Leur système n’est pas parfait.

Je pense donc qu’il vaut la peine de prendre le temps d’approfondir cette question. Je prends note de votre évaluation de ce modèle.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Bienvenue, monsieur le ministre. Hier, nous avons entendu des témoins. Sans surprise, les porte-parole des compagnies aériennes étaient opposés à pratiquement tout ce que vous proposez. Ce qui m’a le plus étonnée, c’est l’opposition de M. Gábor Lukács, président de Droits des passagers aériens. Il a dit ce qui suit :

[Traduction]

Tout d’abord, le gouvernement propose de créer une procédure secrète, semblable à celle de la Chambre étoilée, pour trancher les litiges entre les passagers et les compagnies aériennes...

Les décisions seront prises sur la base de renseignements confidentiels et non de preuves, et le public et les médias seront exclus du processus.

[Français]

C’était l’une de ses nombreuses critiques face à votre futur système, qui n’est pas encore tout à fait au point. Qu’est-ce que vous répondez à cela?

[Traduction]

M. Alghabra : Je ne partage pas son avis. Nous proposons une nouvelle méthode pour résoudre les plaintes qui parviennent à l’Office des transports du Canada, qui sera beaucoup plus efficace et beaucoup plus axée sur le client.

Nous allons éliminer trois étapes et les regrouper en une seule étape qui comptera deux phases, la première étant une tentative de médiation et la deuxième un processus d’arbitrage. Tout litige de nature administrative peut faire l’objet d’une médiation qui est généralement régie par des normes, faute d’un meilleur terme.

Les normes exigent ici la confidentialité au cas où le plaignant ou le défendeur doive divulguer des renseignements commerciaux de nature délicate liés à l’incident en question. Ce n’est pas rare. Cela se produit dans toutes les médiations. D’ailleurs, les deux parties doivent y consentir.

Si la médiation échoue, l’agent de l’Office des transports du Canada est habilité à rendre un jugement sur la base des renseignements recueillis au cours de la procédure de médiation. L’Office des transports du Canada est tenu de publier le résultat de ce jugement, de sorte qu’il n’y a pas de secret. La procédure est la même que pour tout autre organe quasi judiciaire. Elle peut être soumise à un contrôle judiciaire si l’une des parties n’est pas satisfaite du résultat. Il n’y a rien d’inhabituel à cela, si ce n’est que nous simplifions le processus. Nous le rendons plus rapide et plus transparent.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Il y a une autre critique de la part des compagnies aériennes, cette fois. En n’inscrivant pas dans la loi ce que constitue un enjeu sécuritaire et en laissant tout cela pour la suite, on risque d’avoir toute une série de poursuites et de jugements de cour pour déterminer ultimement ce qui est couvert et ce qui ne l’est pas. Est-ce que vous avez l’impression que votre système sera très complexe si vous copiez celui des Américains, étant donné qu’en Europe il y a eu beaucoup de jugements de cour sur ces questions?

[Traduction]

M. Alghabra : Nous nous inspirons des systèmes américain et européen. Comme je l’ai dit, nous supprimons les différentes justifications que les compagnies aériennes peuvent invoquer. Nous les éliminons toutes et nous les limitons à une seule catégorie, que nous appellerons « circonstances exceptionnelles » et nous définirons avec précision ces circonstances exceptionnelles par voie de règlement, ce qui est très courant en droit administratif. Nous veillerons à supprimer les échappatoires.

Cela ne veut pas dire que nous voulons encourager les compagnies aériennes à voler dans des conditions qui ne sont pas sures. Toutefois, si elles peuvent invoquer la pénurie de main‑d’œuvre comme un problème de sécurité pour annuler des vols, elles ne devraient peut-être pas conserver des vols si elles n’ont pas assez de personnel, mais elles devront tout de même dédommager le client parce qu’elles ont programmé le vol sans prévoir suffisamment de personnel pour piloter cet avion.

Nous allons être très précis et concis dans la manière dont nous élaborerons ce règlement, en consultation avec l’industrie, les défenseurs des consommateurs et l’Office des transports du Canada.

Le sénateur Cardozo : J’aimerais revenir, monsieur le ministre, sur la question que vient de vous poser ma collègue. Comment allez-vous définir les normes de service? Les médias ont rapporté que vous aviez dit que les conditions météorologiques feraient partie des exceptions. Au Canada, les conditions météorologiques sont très variables. Les exceptions seront-elles accordées pour quelques centimètres de neige ou pour une grosse tempête? Il arrive souvent que les avions puissent voler dans certaines circonstances, mais pas dans d’autres. Comment procéderiez-vous dans le règlement?

M. Alghabra : Il y a deux choses. La norme de service s’applique à un passager qui attend un avion : Quel type de service doit-il recevoir : de la nourriture, de l’eau, un accès à des moyens de télécommunication?

En ce qui concerne les règles relatives aux conditions météorologiques extrêmes, je peux vous assurer qu’elles ne seront pas laissées à l’appréciation de la compagnie aérienne. Ce sera à NAV CANADA et à ses experts de décider, sur la base d’une évaluation et de leurs connaissances, s’il est dangereux ou non de voler dans certaines conditions météorologiques.

Nous ne définirons pas exactement ce qui constitue de mauvaises conditions météorologiques. Nous allons écrire « mauvaises conditions météorologiques » et laisser NAV CANADA et à ses experts déterminer quelles conditions sont mauvaises. Nous ne laisserons pas aux compagnies aériennes le soin de déterminer quand elles peuvent ou non voler en raison du mauvais temps.

Le sénateur Cardozo : Mon autre question porte sur la manière dont tout cela va fonctionner. Devez-vous d’une certaine manière trouver un équilibre entre les droits des passagers et les intérêts commerciaux, afin de préserver la viabilité de ces derniers? Comment allez-vous concilier ces deux éléments? Il arrive qu’ils entrent en conflit.

M. Alghabra : J’aimerais préciser qu’il est très important pour nous, en tant que pays, d’avoir un secteur aérien viable. C’est important pour les Canadiens, et c’est important pour notre économie. Je veux que le secteur aérien soit prospère, viable, concurrentiel et rentable.

Dans le régime des droits des passagers, nous ne demandons pas aux compagnies aériennes de faire plus que ce qu’elles promettent à leurs clients. Si une compagnie aérienne vend un billet d’avion à un client pour une date et une heure précise et qu’elle dit qu’il y aura un vol, nous attendons d’elle qu’elle tienne cet engagement. Nous allons autoriser des circonstances exceptionnelles pour les situations dans lesquelles elles n’ont pas pu assurer le service en raison de mauvaises conditions météorologiques ou d’autres facteurs indépendants de leur volonté. Elles ne seront pas responsables de ce qui est hors de leur contrôle.

Nous voulons faire en sorte que les compagnies aériennes soient tenues de fournir ce qu’elles ont promis aux clients, si la situation est sous leur contrôle. C’est une attente raisonnable.

Le sénateur Cardozo : Je suis d’accord. Avec les pénuries de main-d’œuvre, qui existent dans le monde entier et qui se poursuivront pendant un certain temps, nous ne pouvons pas tout faire pour tout le monde. Vous semblez dire qu’elles fixent la norme et que si elles ne la respectent pas, elles n’offrent pas le service. J’aimerais simplement que nous ne soyons pas déraisonnables dans ce que nous attendons des compagnies aériennes, mais j’en déduis que votre norme est que si elles promettent quelque chose, elles doivent le faire.

M. Alghabra : C’est exactement cela.

Le sénateur Cardozo : Cela pourrait se traduire par une diminution du nombre de vols disponibles au fil du temps.

M. Alghabra : J’espère que ce sera le contraire, monsieur le sénateur. La réalité est que certaines des ambiguïtés qui existaient dans les règles actuelles ont créé de la confusion chez les compagnies aériennes. Lorsque nous aurons précisé ce qu’elles doivent faire, je pense qu’elles augmenteront l’efficacité de leurs opérations, de leur programmation et de l’allocation de leur main-d’œuvre. Une fois encore, il y aura un effet bénéfique non seulement pour les passagers, mais aussi pour les opérations des compagnies aériennes.

Le sénateur Cardozo : Merci.

Le sénateur Quinn : Merci, monsieur le ministre, d’être présent ce soir, et merci également aux fonctionnaires. J’aimerais revenir aux commentaires précédents. L’une des choses que j’entends est que nous, sénateurs, ne sommes pas en mesure de faire notre travail en raison du contenu du projet de loi. Ce comité étudie certaines sections du projet de loi et d’autres comités en étudient d’autres.

Hier soir, par exemple, le Comité des pêches a discuté de la Loi sur la marine marchande, et on y a abordé un grand nombre de détails techniques que tous les sénateurs n’étaient pas en mesure de comprendre, et il s’agissait de changements importants que le représentant de l’une des associations a dit avoir vus à la dernière minute, pour ainsi dire.

En ce qui concerne les questions que nous examinons dans nos sections, le commentaire est le même en ce sens qu’il s’agit de domaines stratégiques complexes. Je pense qu’il est difficile pour les sénateurs de faire leur travail lorsque l’on traite de ce type de sujet. J’espère qu’à l’avenir, le contenu des lois d’exécution du budget sera un peu moins complexe.

Ma question porte sur le partage des données. Nous n’avons pas beaucoup parlé de ce sujet, mais je suis d’accord pour dire que le partage des données dans le réseau de transport est un thème très important. Ma question est la suivante : Quels types de données partage-t-on, et comment peut-on s’assurer que leur partage ne compromet pas les intérêts commerciaux des différentes entités? Dans le passé, nous avons parlé de la technologie chaîne de blocs et de l’entreposage de données. Nous savons aujourd’hui qu’il ne s’agit pas de la bonne solution. Ce qui compte, c’est leur capacité ou leur volonté de partager les données, et la manière dont le gouvernement réglementera ce qui peut être partagé.

M. Alghabra : Monsieur le sénateur, en ce qui concerne votre premier point, je crois au rôle du Sénat et je sais que les sénateurs prennent leur travail très au sérieux. Je vous remercie tous, ainsi que les autres sénateurs, car je sais que vous faites de votre mieux pour répondre à vos devoirs et obligations. Je vous comprends.

En ce qui concerne les données, qui sont extrêmement importantes, le groupe de travail sur la chaîne d’approvisionnement étudie également cette question. Soit dit en passant, c’est également très important pour le secteur de l’aviation. L’une des choses dont les compagnies aériennes ne cessent de parler est la responsabilisation des autres domaines du secteur aérien. C’est ce que permettront les données. La collecte de données sur les opérations et certaines normes au sein de différents secteurs, notamment le secteur de l’aviation, permettra aux secteurs de se tenir mutuellement responsables. Les compagnies aériennes ne seront plus les seules à rendre compte de tout ce qui se passe dans le secteur.

Pour ce qui est de la chaîne d’approvisionnement, c’est la même chose. C’est pourquoi la création d’une entité responsable de la chaîne d’approvisionnement, qui figure dans le budget, sera déterminante pour trouver les réponses à certaines des questions que vous posez. Il existe un consensus sur le fait que nous avons besoin de plus de données et que ces données doivent être partagées.

De quel type de données avons-nous besoin exactement? Quelles données doivent être partagées publiquement? Quelles données doivent rester confidentielles? Comment pouvons-nous les convertir en renseignements? Nous y travaillons encore, mais je pense que le principe qui sous-tend le partage des données est puissant. Le groupe de travail l’a mentionné. Je pense qu’il est important pour le secteur de l’aviation et c’est ce sur quoi nous allons travailler : nous assurer de disposer des bonnes données et de partager les bons renseignements dans l’ensemble du secteur.

Le sénateur Quinn : Merci pour votre réponse. Le partage des données est d’une importance vitale. Nous devons toutefois déterminer quel type de données nous allons partager et qui va décider de ce qui sera partagé. S’agira-t-il du gouvernement? Je m’attends à ce qu’il y ait une résistance lorsque les gens parleront de chaîne de bloc. Il y aura de la résistance. Comment allez-vous y répondre?

M. Alghabra : Encore une fois, en principe, tout le monde soutient le principe du partage des données. Au moment de le mettre en œuvre — tout comme les compagnies aériennes sont toujours favorables à un régime de droits des passagers jusqu’à ce que nous commencions à le mettre en œuvre —, nous devrons trouver notre chemin, et nous devrons mener des consultations et nous appuyer sur des experts pour nous assurer que nous recueillons le bon type de données.

Je vous remercie de votre contribution à ce sujet, sénateur. Je sais que vous avez beaucoup d’expérience en tant que directeur général d’un port. Je vous invite tous ici à soumettre des idées sur le type de données que vous estimez nécessaires.

Le président : Merci, monsieur le ministre. Je déteste couper la parole aux gens, mais j’ai cette chose terrible qu’on appelle une horloge à côté de moi.

La sénatrice Dasko : Merci, monsieur le ministre. Il y a quelques jours, vous avez déclaré publiquement que vous pensiez qu’après la mise en œuvre de cette mesure, notre régime des droits des passagers serait supérieur à celui des Américains et des Européens. Hier soir, M. Lukács, qui a été mentionné plus tôt, a déclaré que notre situation était pire et resterait pire que celle des Européens après la mise en œuvre de cette mesure. Il n’a pas pu répondre, faute de temps. Maintenant que je dispose de ce temps avec vous, si vous le voulez bien, expliquez-moi comment vous pensez que notre situation sera meilleure que celle de l’Europe après la mise en œuvre de cette mesure. Que faisons-nous de mieux qu’eux?

M. Alghabra : Oui. En passant, nous avons un tableau ici. Si vous n’y avez pas accès, je serais heureux de le transmettre aux membres du comité. Il compare notre système à celui des États-Unis et des pays européens.

La sénatrice Dasko : Parfait.

M. Alghabra : La semaine dernière, les États-Unis ont annoncé la mise à jour de leurs mesures de protection des passagers. J’ai rencontré récemment le secrétaire Buttigieg et il m’a dit qu’ils tiraient beaucoup d’enseignements de notre expérience et qu’ils bénéficiaient des travaux que nous effectuons.

Je sais que tout le monde dit que les Européens ont le meilleur modèle. Il est vrai qu’il s’agit du modèle le plus ancien. Ils ont certains avantages, mais leur modèle est également compliqué. N’oubliez pas que la Commission européenne fixe la norme, mais que son application relève de différentes administrations. Chaque pays applique ce système différemment. Je vais donc vous dire ce que nous avons de mieux que les Européens. Les Européens n’ont pas de norme de service pour les clients ou les passagers qui attendent un vol qui a été retardé. Nous allons introduire une norme de service. Les Européens ne prévoient pas d’indemnisation pour les bagages retardés. Nous sommes explicites sur la question des bagages retardés, pas seulement les bagages perdus, mais les bagages retardés.

Pour le reste, notre modèle est aussi bon que celui de l’Europe. Il existe une idée fausse selon laquelle le système européen exige que la compagnie aérienne dédommage automatiquement les clients. Ce n’est pas le cas. En Europe, le passager, s’il choisit de le faire, doit toujours déposer une plainte pour recevoir une indemnisation. Le système est donc le même. En fait, nous avons certaines dispositions que n’ont pas les Européens.

La sénatrice Dasko : Je vous remercie. Pouvez-vous nous parler de la façon dont sera structuré le système des amendes? Quand sera-t-il appliqué? Peut-être pourriez-vous aussi nous donner des exemples de son fonctionnement. Avant que le régime n’entre en vigueur, au cours de la dernière année, avez-vous vu des exemples de situations dans lesquelles vous pensez que si ce régime avait été en place, la compagnie aérienne aurait pu se voir infliger une amende? Êtes-vous en mesure de nous fournir ce genre de contexte ou d’exemples pour que nous puissions comprendre cette structure?

M. Alghabra : Sénateur, les amendes sont une question qui diffère des indemnisations que les compagnies aériennes sont tenues de verser à leurs clients si elles portent atteinte aux droits de protection des passagers. Les amendes sont imposées par l’OTC s’il constate une défaillance systémique ou une négligence de la part de la compagnie aérienne, qui n’a pas fait l’effort de respecter le règlement ou qui présente des défaillances systémiques qui ne sont pas conformes au règlement.

La dernière fois que je suis venu ici, je vous ai dit que l’OTC avait annoncé deux conclusions, l’une contre Sunwing et l’autre contre WestJet. Ce que nous changeons en ce moment, c’est l’amende maximale qui s’élevait à 25 000 $ par infraction et que nous porterons maintenant à 250 000 $. Il ne s’agit pas de l’amende maximale que l’OTC peut infliger, mais d’une amende par infraction. En fonction de son enquête et de ses conclusions, l’OTC peut finir par imposer des amendes pour différentes infractions et décider d’imposer plusieurs amendes. Les modifications visent à renforcer l’outil que constitue l’amende, afin de permettre à l’OTC de faire respecter les règlements.

Le président : Je vous remercie.

La sénatrice Clement : Bonsoir, monsieur le ministre. Je vous remercie, vous et vos hauts fonctionnaires, de comparaître devant nous. Je ne suis pas aussi grincheuse que la sénatrice Simons — car je ne voyage pas autant qu’elle —, mais je fais partie de ces passagers irritants qui parlent à leur voisin après s’être assis. Vous savez que vous détestez tous ces gens qui bavardent. C’est ce que je fais, en particulier depuis les deux dernières années, parce que je suis membre du comité et que ce sujet m’intéresse.

Ma question porte sur les communications avec le public canadien, dont l’humeur est maussade. Les Canadiens aiment voyager, et ils doivent voyager pour des raisons familiales ou professionnelles. Cependant, ils ont l’impression de voyager à l’intérieur d’un système qui n’est pas assez concurrentiel. Ils sont déjà mécontents de devoir payer des frais de téléphonie mobile plus élevés qu’ailleurs. Les Canadiens se sentent déstabilisés par un grand nombre de ces questions, y compris celle du transport aérien. Le moral est bas. Les gens à qui je parle ne se sont pas donné la peine de réclamer une indemnisation ou de faire quoi que ce soit parce qu’ils ne croient pas que le système soit là pour les aider.

Comment allez-vous communiquer avec le public canadien au sujet de ces changements? Comment allez-vous faire face à cette humeur maussade, ce qui fait partie de votre travail? Avez-vous un plan en place? Dans quelle mesure la transition entre la situation actuelle et ce que vous proposez se fera-t-elle en douceur?

M. Alghabra : Sénatrice, je vous remercie d’avoir posé cette question importante. Je suis tout à fait d’accord avec vous pour dire que l’humeur générale est sombre, mais elle ne concerne pas uniquement le secteur aérien.

La sénatrice Clement : Oui.

M. Alghabra : Nous avons traversé une période très traumatisante au cours des trois dernières années. Nous avons été témoins d’événements extraordinaires qui ont entraîné des perturbations et de l’inflation. Nous le constatons partout dans le monde. Les gens sont fatigués, exténués et perdent confiance dans les institutions. Je prends cet état d’esprit très au sérieux. C’est précisément la raison pour laquelle nous agissons de manière décisive — afin de restaurer un peu de cette confiance essentielle que les Canadiens doivent avoir dans leurs institutions, y compris les institutions gouvernementales.

Oui, nous prenons des mesures, et nous devons le faire savoir aux Canadiens. Cela fait partie de mon travail, comme vous l’avez dit. Il incombera également à l’Office des transports du Canada de renseigner les Canadiens sur ces nouveaux droits une fois qu’ils seront mis en œuvre et sur la manière de le faire valoir.

Nous simplifions d’ailleurs le processus de traitement des plaintes en ce moment. Cela contribuera à rétablir la confiance. Nous ne voulons pas que les clients ou les passagers aient l’impression que le processus est non seulement long, mais aussi très compliqué, qu’ils doivent s’adresser à un très grand nombre de gens et que les compagnies aériennes ne donnent pas suite à leurs plaintes.

Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour simplifier et renforcer le processus, afin de rétablir la confiance dans le système en général, mais aussi dans les institutions canadiennes, afin qu’elles soient en mesure de protéger leurs droits.

La sénatrice Clement : Vous avez vous-même rencontré des intervenants, n’est-ce pas? Qu’avez-vous retenu d’eux qui figure dans les amendements à l’étude? Quelle est l’information la plus convaincante que vous avez obtenue auprès des intervenants?

M. Alghabra : Je dirais, avant tout, que nous inversons le fardeau de la preuve. Le passager n’a plus à prouver qu’on lui doit quelque chose. Il incombe désormais aux compagnies aériennes d’expliquer pourquoi elles ne doivent pas au passager l’indemnisation qu’il a demandée. C’est là l’élément le plus important.

Deuxièmement, nous veillons à ce que les compagnies aériennes répondent désormais aux clients dans un délai de 30 jours.

Troisièmement, nous clarifions les exemptions que les compagnies aériennes peuvent utiliser pour justifier le fait de ne pas indemniser leurs clients.

Il y a d’autres commentaires que nous avons retenus, mais vous m’avez posé la question.

Le sénateur Manning : Je remercie le ministre et ses hauts fonctionnaires de s’être joints à nous.

Je voudrais revenir à la question que le sénateur Cardozo a posée au sujet du fait que NAV CANADA prend les décisions relatives aux conditions météorologiques, plutôt que les compagnies aériennes. Je viens de Terre-Neuve-et-Labrador où il y a des jours où les quatre saisons se manifestent en 24 heures.

En fin de compte, lorsque NAV CANADA dira aux employés d’Air Canada qu’ils ne peuvent pas décoller ou qu’ils devraient décoller, et qu’Air Canada décidera de ne pas suivre l’avis de NAV CANADA, qu’adviendra-t-il? Que se passera-t-il par la suite?

M. Alghabra : Dans ce cas, ils seront responsables. Si Air Canada décide de ne pas assurer une liaison alors qu’elle n’a aucune raison de ne pas le faire, elle sera tenue, en vertu du projet de loi, d’indemniser ses clients.

Le sénateur Manning : Je suis préoccupé par la sécurité. Je préfère être au sol, sain et sauf, plutôt qu’à 40 000 pieds d’altitude sans savoir exactement où nous allons atterrir.

NAV CANADA décidera si Air Canada, WestJet ou n’importe quelle autre compagnie aérienne doit voler. Si Air Canada décide de ne pas voler, elle devra indemniser ses passagers. Comment cette décision sera-t-elle communiquée? Comment un passager saura-t-il que NAV CANADA a pris cette décision?

J’ai passé des heures dans des aéroports à attendre qu’un pilote se présente pour un vol. Nous ne savons rien. Nous ne recevons aucune communication. Nous sommes assis dans l’aéroport, et personne ne nous explique ce qui se passe. Nous nous présentons au comptoir d’embarquement, et on nous dit : « Nous attendons un pilote », ou quelque chose d’autre selon la situation. Parfois, ils ne vous communiquent même pas cette information.

Comment la décision de NAV CANADA sera-t-elle communiquée aux passagers?

M. Alghabra : Sénateur, la norme de service comprendra des protocoles clairs concernant les communications entre la compagnie aérienne et ses passagers. Les compagnies aériennes seront tenues de communiquer aux passagers leurs décisions, ainsi que ce qu’elles font à tel ou tel moment.

En ce qui concerne la décision de NAV CANADA, nous avons l’un des systèmes de contrôle de la circulation aérienne les mieux qualifiés du monde et l’un des plus sûrs. Le monde entier admire notre système et nos compétences. J’ai fait confiance au processus de prise de décisions et au savoir-faire de NAV CANADA. Je suis certain que la société n’autoriserait jamais un vol à décoller par mauvais temps, si cela présentait un risque pour la sécurité de l’avion.

Si nous n’avons pas confiance en NAV CANADA, notre problème est plus important et plus général que je le pensais. Toutefois, j’espère que ce n’est pas le cas. Je fais confiance à NAV CANADA et à sa capacité de prendre ces décisions.

Le sénateur Manning : D’après ce que j’ai compris, l’explication des circonstances exceptionnelles, dont vous avez parlé, figurera dans la réglementation. Quand pensez-vous que nous aurons, noir sur blanc, le Règlement sous les yeux?

M. Alghabra : C’est une excellente question. Les représentants de l’Office des transports du Canada ont témoigné devant vous, et ils vous ont dit que nous les avons consultés tout au long de ce processus. Transports Canada et l’OTC n’attendent pas que la mesure législative ait été adoptée pour entamer leur travail de modification de la réglementation.

J’espère qu’une fois que le projet de loi aura été adopté, l’OTC pourra entreprendre officiellement le processus de modification de la réglementation. Ce processus exige la publication de projets de réglementation, la conduite de consultations, la réédition du Règlement et sa mise en œuvre.

Mon objectif est de mettre en œuvre ces modifications d’ici la fin de l’année, sinon, au début de l’année prochaine.

Le sénateur Manning : Nous vivons dans l’espoir.

M. Alghabra : Nous ne nous contentons pas de vivre et d’espérer, sénateur.

Le sénateur Manning : Vous venez de parler des consultations. Pouvez-vous nous donner une idée des consultations qui ont été menées relativement à ces dispositions législatives dont nous sommes saisis? Certains témoins sont venus nous dire qu’ils n’avaient pas été consultés, alors que d’autres l’ont été.

Pouvez-vous nous parler du processus de consultation qui a mené au projet de loi C-47?

M. Alghabra : Sénateur, je n’oublierai jamais ce qui s’est passé l’été dernier avec ces perturbations, ces annulations et ces retards qui se multipliaient. Mes collaborateurs ici présents, et d’autres fonctionnaires de mon ministère, ont alors travaillé sans relâche avec les compagnies aériennes, les aéroports, NAV CANADA, l’ACTSA et l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) pour bien cerner la problématique afin de pouvoir en comprendre les sources en vue de dégager des pistes de solution.

L’automne dernier, nous avons tenu une série de rencontres ponctuelles avec différents intervenants du secteur. J’ai aussi été l’hôte à ce moment-là d’un sommet du transport aérien qui a permis de réunir les représentants des compagnies aériennes, des aéroports, de NAV CANADA, de l’ASFC, de l’ACTSA, des syndicats et des provinces. Ce fut l’occasion de revenir sur les enseignements tirés de l’été précédent pour solliciter des réactions et des idées.

Vous vous souviendrez que nous avons ensuite dû composer avec une tempête hivernale qui a causé différents problèmes à Sunwing. Toutes sortes de consultations ont donc été menées auprès des défenseurs des droits des consommateurs, des compagnies aériennes, des aéroports, etc.

Ce long processus nous a amené à consulter de façon formelle et informelle tous ceux qui devaient être consultés selon nous.

Le président : Monsieur le ministre, la sénatrice Clement a parlé d’un moral qui est plutôt bas, et je crois qu’elle a été très polie. Les Canadiens sont en colère. Ils sont vraiment mécontents en raison du gâchis total dans nos aéroports. C’était le cas l’été dernier et on l’a observé encore pendant le congé des Fêtes. Voilà maintenant que nous retenons notre souffle en pensant aux périodes de pointe de l’été qui s’en vient.

Mes questions sont très simples. Il y a 46 000 plaintes en attente, monsieur le ministre, et la liste ne fait que s’allonger. Il s’agit là seulement des personnes qui ont effectivement porté plainte auprès du gouvernement, pour revenir à ce que vous disiez au sujet de ce phénomène. Quelles mesures concrètes prend le ministère pour dissiper ce mécontentement profond au sein de la population et en quoi ce projet de loi va-t-il permettre d’améliorer les choses?

Ma deuxième question est d’ordre plus général et ne concerne pas directement le projet de loi. Les Canadiens paient les frais les plus élevés au monde pour les aéroports, les voyages et les compagnies aériennes. Qu’allons-nous faire pour redresser la situation? Je sais qu’il s’agit d’un enjeu beaucoup plus vaste.

Ma troisième question est très brève et porte sur un sujet qui n’a pas encore été abordé. J’ai récemment voyagé à quelques reprises avec des compagnies aériennes de ce pays qui est officiellement bilingue. Je suis un anglophone du Québec, mais je peux vous dire que les services offerts par ces compagnies aériennes aux Canadiens de langue française sont vraiment pitoyables. Plus je suis témoin de choses semblables, plus je ressens de la frustration pour mes compatriotes Canadiens français. Ce sont donc mes trois questions, monsieur le ministre.

M. Alghabra : Je ne sais pas si j’aurai le temps de répondre à ces trois questions, mais je vais faire de mon mieux.

Sénateur, je voudrais profiter de l’occasion pour demander à nos dirigeants politiques de tenir un discours plus responsable. Vous avez raison de dire que les Canadiens sont mécontents et n’entendent pas à rire, mais certains dirigeants politiques tentent de tirer avantage de la situation en blâmant le gouvernement pour tout ce qui arrive, et ce, même s’ils savent pertinemment que nous n’y sommes pour rien. Le même problème se manifeste partout dans le monde au sortir de la pandémie. J’irais jusqu’à dire que l’on atteint des sommets d’inconscience lorsque des gens qui savent de quoi il en retourne induisent ainsi les Canadiens en erreur en essayant de tirer parti de leur mécontentement pour réaliser des gains politiques.

Pour ce qui est des plaintes, j’ai annoncé récemment un investissement additionnel de 76 millions de dollars pour aider l’Office des transports du Canada à déployer davantage de ressources pour le traitement de l’arriéré.

Deuxièmement, les nouvelles règles visant à simplifier les façons de faire de l’OTC s’appliqueront dès qu’elles auront été adoptées, et ce, même de façon rétroactive pour le traitement des plaintes en attente. Ce ne sera pas nécessairement le cas des nouvelles règles touchant l’indemnisation, mais les mesures de rationalisation visant une plus grande efficience du processus de traitement des plaintes seront mises en œuvre sur-le-champ, ce qui nous aidera à régler ces plaintes plus rapidement.

Troisièmement, nous procédons au renversement du fardeau de la preuve et nous autorisons l’OTC à récupérer auprès des compagnies aériennes les coûts liés au traitement des plaintes, ce qui incitera ces entreprises à faire le nécessaire pour régler elles-mêmes les plaintes déposées afin d’éviter que leurs passagers s’adressent à l’OTC.

Quant à votre question plus générale concernant le secteur aérien et tous les frais qui y sont associés, je vous répondrais que je partage vos préoccupations et que nous devrions toujours être à la recherche de moyens de stimuler la concurrence entre nos compagnies aériennes. Je vous dirais simplement que la concurrence atteint maintenant un niveau sans précédent au sein du secteur aérospatial canadien. Je sais que ce n’est pas l’impression qui s’en dégage. J’estime pour ma part que la concurrence devrait être encore plus vive, mais il n’en demeure pas moins que nous avons aujourd’hui plus de compagnies aériennes que jamais auparavant. Notre pays s’étend sur une grande superficie et n’est pas très densément peuplé, ce qui rend les voyages un peu plus coûteux qu’ailleurs dans le monde. Si toutefois le Comité souhaitait se pencher sur les autres mesures à envisager et formuler des recommandations en ce sens à notre gouvernement, je serais vraiment ravi d’en prendre connaissance.

Le président : Merci pour ces réponses, monsieur le ministre. Je sais que le gouvernement au pouvoir a tendance à accuser l’opposition de se livrer à des jeux partisans lorsqu’elle lui pose des questions difficiles. Dans notre rôle de parlementaires, nous avons toutefois l’obligation d’exprimer les préoccupations des contribuables et des Canadiens dans leur ensemble à l’égard de l’organe exécutif du gouvernement. C’est pour moi une obligation morale envers les gens que je représente.

M. Alghabra : Sénateur, si vous me permettez d’intervenir brièvement, je vous dirais que j’abonde en fait un peu dans le même sens. Mon rôle consiste justement à exprimer ces sentiments. Je m’insurge plutôt contre ceux qui induisent les Canadiens en erreur quant aux causes des différentes problématiques en blâmant le gouvernement à chaque occasion. C’est sur ce plan que nous divergeons d’opinion. Je ne suis pas en train de dire ce que c’est ce que vous faites. C’est peut-être le cas; je l’ignore, mais j’affirme simplement…

Le président : Je suis persuadé que les sénateurs nommés par le gouvernement croient que c’est ce que je fais effectivement, et que ceux qui s’opposent au gouvernement dans certains dossiers estiment que je ne suis pas assez virulent. En démocratie, tout est une affaire de point de vue.

M. Alghabra : Nous avons l’obligation de prendre conscience des préoccupations des Canadiens et de leur proposer des solutions en conséquence. Il faut simplement nous concentrer sur cette recherche de solutions en faisant toujours passer notre pays en premier. C’est là où je veux en venir, sénateur.

Le président : Je suis tout à fait d’accord avec vous, monsieur le ministre.

La sénatrice Simons : Vous venez tout juste de répondre à l’une de mes questions concernant l’arriéré de 46 000 plaintes. Je veux toutefois revenir au problème des services à offrir aux gens qui sont coincés dans un avion. On peut bien dire à ces passagers qu’ils recevront un coupon pour un repas à leur sortie de l’avion, mais qu’advient-il s’ils sont pris au piège dans l’appareil pendant 6, 7, 12 ou 15 heures, sans nourriture ni eau potable, et sans avoir accès à des toilettes qui fonctionnent? Va-t-on établir des normes de service pour les passagers ainsi pris en otage de telle sorte qu’ils puissent tout au moins sortir de l’avion, ne serait-ce que pour prendre une bouffée d’air frais ou pour utiliser les toilettes de l’aéroport? Va-t-on prévoir des dispositions d’urgence pour éviter que des gens se retrouvent dans des conditions aussi épouvantables qui ne sont d’aucune manière tolérables? On n’accepterait jamais que de telles choses puissent se produire dans toute autre circonstance.

Mon autre question concerne l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien, l’ACSTA. Nous externalisons les services de contrôle de sécurité, et je crains que nos sous‑traitants ne déploient pas un personnel suffisant. Lorsque nous avons reçu les représentants de l’ACSTA, ils nous ont indiqué que les niveaux de dotation étaient repartis à la hausse. J’ai pris l’avion à Ottawa il y a deux semaines. Un seul guichet de sécurité était ouvert pour tout l’aéroport. Laissez-moi vous dire que la file d’attente était interminable.

C’était peut-être un cas exceptionnel, mais pouvez-vous nous dire dans quelle mesure vous estimez que l’ACSTA dispose des ressources nécessaires pour assurer un transit rapide des passagers dans nos aéroports?

M. Alghabra : Merci, sénatrice. Pour ce qui est de votre première question, les règles sont claires. Les passagers ne peuvent pas passer plus de trois heures dans un avion immobilisé. S’il est impossible pour l’avion de décoller, on doit faire descendre les passagers. Lorsqu’il est établi qu’une compagnie aérienne a enfreint cette règle, elle doit verser une indemnisation à ses passagers. C’est tout ce qu’il y a de plus clair. Nous pourrions volontiers vous offrir une séance d’information sur la réglementation en la matière. Je sais bien que vous faites valoir que les règles ne sont pas toujours suivies, mais c’est un problème lié à leur application. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous renversons maintenant le fardeau de la preuve pour le faire porter aux compagnies aériennes. Ce ne sera plus désormais le passager qui sera tenu de démontrer que l’entreprise a contrevenu aux règles. Nous allons certes tout mettre en œuvre pour nous assurer que les compagnies aériennes respectent leurs obligations.

L’ACSTA est une société d’État. C’est une organisation indépendante qui doit rendre des comptes au Parlement par l’entremise du ministre des Transports. Nous avons établi une norme de service en vertu de laquelle l’ACSTA est tenue de faire en sorte que 85 % des passagers passent les contrôles de sécurité en 15 minutes au moins. Nous envisageons maintenant de rendre cette règle encore plus rigoureuse. Nous devons demander des comptes à l’ACSTA relativement à cette norme de rendement, et nous nous attendons à ce que l’association prenne toutes les mesures nécessaires pour s’y conformer. C’est la meilleure façon pour nous d’évaluer la performance de cette organisation.

Ce n’est pas à moi qu’il incombe de déterminer combien d’agents l’ACSTA doit déployer, à quel endroit et à quel moment. C’est l’association elle-même qui doit savoir comment s’y prendre, mais elle doit le faire en n’oubliant pas qu’elle a une norme à respecter. Elle doit s’assurer de déployer des ressources suffisantes pour y parvenir.

La sénatrice Simons : Chaque aéroport semble avoir son protocole qui lui est propre. Celui d’Edmonton, où je prends l’avion pour quitter ma région, offre maintenant un programme fantastique qui permet de réserver un créneau horaire pour passer les contrôles de sécurité en mode accéléré. C’est possible même pour une personne qui ne voyage pas en classe affaires ou qui ne bénéficie pas du statut de voyageur digne de confiance. N’importe qui peut prendre un peu de temps pour faire une réservation afin que les choses aillent beaucoup plus vite une fois rendu à l’aéroport. Celui d’Ottawa semble toutefois unique en son genre.

M. Alghabra : Sénatrice, si vous constatez parfois des disparités, c’est peut-être en raison des projets pilotes que nous menons dans certains aéroports. C’est le cas actuellement à Toronto et à Vancouver où les voyageurs vérifiés n’ont plus à retirer les liquides et les ordinateurs portables de leurs bagages, une mesure qui se révèle très efficace. C’est un projet pilote dont l’application devrait être étendue, mais c’est en raison de mesures semblables que vous observez peut-être certaines différences d’un aéroport à l’autre.

Le sénateur Quinn : Je me pose une question à la suite des discussions que nous avons eues ce soir concernant le principe de l’utilisateur-payeur. Je me demande si, en fin de compte, il y a suffisamment de gens dans les aéroports pour effectuer les contrôles de sécurité. Avons-nous assez de personnel pour faire fonctionner les différentes composantes du système? Est-ce qu’il y a assez de monde au ministère pour superviser notamment le travail de réglementation et de contrôle?

J’ai l’impression que bien des gens se disent que l’accumulation de toutes ces mesures va finir par faire grimper le prix des billets d’avion. S’agit-il d’une éventualité qui devrait préoccuper les voyageurs?

M. Alghabra : Je tiens à m’assurer que les voyages demeurent abordables. C’est dans cette optique que j’estime encourageant, comme je l’indiquais précédemment, de pouvoir maintenant constater une concurrence plus vive. Vous avez Porter qui prend de l’expansion, et il y a également Flair, Lynx et les autres compagnies régionales qui élargissent leur offre de services. C’est une concurrence qui va être saine pour notre secteur en nous donnant accès à des options sans précédent, notamment au chapitre des prix.

Je ne souscris pas à l’idée voulant que des mesures de protection plus claires pour les passagers vont se traduire automatiquement par des voyages aériens plus coûteux. Je répète que nous ne demandons pas de comptes aux compagnies aériennes quant au genre de nourriture qu’elles servent. Nous ne leur dictons pas non plus la couleur de leurs sièges. Nous leur demandons simplement d’offrir effectivement à leurs passagers ce qu’elles s’engagent à leur offrir lorsqu’ils achètent leur billet.

Je pense qu’il s’agit là d’attentes fort raisonnables. Lorsqu’une compagnie aérienne comprend bien les mesures de contrôle et les règles en place, elle est selon moi tout à fait à même de trouver des façons efficientes de respecter le tout en s’assurant de demeurer concurrentielle.

Le sénateur Quinn : Je ne parle pas des coûts que les compagnies aériennes doivent engager en raison de la nourriture qu’elles servent ou de la couleur de leurs sièges. Je n’ai d’autre choix que de voyager avec Air Canada pour aller à Saint John. Si je me rends à Hamilton, je peux utiliser Flair en sachant que l’on me servira des bretzels. On sait très bien à quoi s’attendre en pareil cas. Je parle plutôt des activités en coulisses et de toutes ces mesures que nous nous efforçons d’améliorer. Je sais d’expérience qu’il nous arrive souvent de mettre en place de nouvelles approches et des façons de faire différentes sans penser aux coûts additionnels qui vont en résulter, notamment en raison de l’ajout de personnel administratif ou d’agents à l’aéroport pour effectuer les inspections. Est-ce que l’on a réfléchi à l’ampleur des coûts que cela pourrait entraîner?

Vous venez de nous dire que l’OTC a reçu des fonds supplémentaires. Les représentants de l’office nous en ont glissé un mot hier soir. Tous ces investissements s’accumulent. Comment pouvons-nous dire aux voyageurs que, malgré tous ces coûts additionnels associés aux processus administratifs, et non au genre de bretzels servis par Air Canada, les prix ne vont pas grimper en flèche ou vont même demeurer stables?

M. Alghabra : C’est une question que j’ai à l’esprit jour après jour, sénateur. Je réfléchis sans cesse aux impacts des décisions gouvernementales sur le secteur. C’est exactement, selon moi, la chose à faire aujourd’hui.

Premièrement, j’estime que le gouvernement n’a d’autre choix que de réagir à la suite des événements de l’été dernier et du temps des Fêtes. Les perturbations et le chaos dont nous avons été témoins montrent bien qu’il faut mettre en place des règles plus rigoureuses et plus claires pour protéger les Canadiens et veiller à ce que leurs droits soient respectés. Il n’y a aucun doute dans mon esprit; de telles mesures s’imposaient.

Deuxièmement, la manière dont les nouvelles dispositions sont mises en œuvre a aussi son importance. Il n’y a pas de tracasseries administratives pour les compagnies aériennes. Elles n’ont pas à produire de nouveaux rapports. Nous ne leur demandons pas de rapports supplémentaires en raison de cette charte des droits des passagers aériens. Nous leur demandons simplement de faire ce qu’elles se sont engagées à faire.

Je ne m’attends pas à ce que cela se traduise par des activités administratives accrues. J’y vois seulement une rationalisation et une amélioration du rendement opérationnel des compagnies aériennes.

Le sénateur Manning : J’aimerais revenir à un commentaire que vous avez fait tout à l’heure. Je n’ai pas saisi exactement ce que vous disiez concernant les règles de l’Union européenne relativement aux bagages livrés en retard. Est-ce que ce projet de loi dont nous sommes saisis va améliorer la situation à ce chapitre? Je rappelle que les gens doivent parfois attendre trois ou quatre jours pour récupérer leurs bagages, car ceux-ci n’arrivent pas nécessairement par l’avion suivant. Quelles sont les mesures prévues ici pour ce qui est de ces bagages en retard?

M. Alghabra : Je pourrais distribuer des copies de ce graphique à tous les membres du comité. On y expose les différences entre les règles canadiennes, américaines et européennes.

Il faut bien comprendre qu’une indemnisation doit être offerte lorsque des bagages sont perdus. Mais si les bagages arrivent avec deux ou trois jours de retard, la compagnie aérienne peut toujours dire qu’elle a respecté ses engagements. Nous comptons maintenant établir des règles claires quant à savoir quel retard peut être jugé acceptable dans la livraison des bagages. Dès que des bagages n’arrivent pas au moment prévu, le passager devrait avoir droit à une forme quelconque d’indemnisation.

Supposons que vous êtes en voyage et que vous séjournez à l’hôtel. Vous n’avez pas vos vêtements. Vous les recevrez peut-être le lendemain, mais vous devez acheter une brosse à dents et une chemise. Nous devons mettre en place une norme de telle sorte que les compagnies aériennes soient tout au moins tenues de s’assurer que les passagers ne fassent pas les frais des conséquences d’une livraison tardive de leurs bagages.

Le sénateur Manning : Est-ce que je vous ai bien entendu nous offrir une séance d’information concernant les nouvelles règles lorsqu’elles seront mises en place? Si c’est le cas, je serais assurément intéressé.

M. Alghabra : Ce sera avec plaisir. Le processus réglementaire est public. Comme je l’indiquais, lorsque l’OTC présentera les nouvelles propositions de règlement — ce qui devrait se faire, nous l’espérons, au début de l’automne —, le tout sera rendu public. Si vous souhaitez alors inviter les représentants de l’Office des transports du Canada, mes fonctionnaires ou moi-même, nous serons ravis de venir en discuter avec vous.

Le sénateur Manning : J’espère bien que nous pourrons le faire. Merci, monsieur le ministre.

Le président : Au nom du comité, je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, d’avoir été des nôtres ce soir en même temps que vos collaborateurs. Comme je l’ai déjà indiqué, nous vous sommes vraiment reconnaissants de vous montrer accessible et disponible pour le comité à chaque occasion. Merci également d’avoir bien voulu rester quelques minutes de plus que le temps prévu. Nous l’avons fait avec l’autorisation de votre personnel, alors vous savez qui blâmer si vous n’étiez pas d’accord, monsieur le ministre. Merci beaucoup encore une fois.

M. Alghabra : Merci beaucoup.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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