LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES TRANSPORTS ET DES COMMUNICATIONS
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mardi 30 mai 2023
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd’hui, à 9 heures (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi C-18, Loi concernant les plateformes de communication en ligne rendant disponible du contenu de nouvelles aux personnes se trouvant au Canada.
Le sénateur Leo Housakos (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Je m’appelle Leo Housakos, sénateur du Québec et président du Comité sénatorial permanent des transports et des communications.
[Traduction]
J’inviterais mes collègues à se présenter.
La sénatrice Simons : Sénatrice Paula Simons, de l’Alberta, du territoire visé par le Traité no 6.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Julie Miville-Dechêne, du Québec.
Le sénateur Cormier : René Cormier, du Nouveau-Brunswick.
[Traduction]
Le sénateur Manning : Fabian Manning, Terre-Neuve-et-Labrador.
[Français]
La sénatrice Clement : Bernadette Clement, de l’Ontario.
[Traduction]
Le sénateur Harder : Peter Harder, de l’Ontario.
Le sénateur Quinn : Jim Quinn, du Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Cardozo : Andrew Cardozo, de l’Ontario.
La sénatrice Dasko : Donna Dasko, sénatrice de l’Ontario.
La sénatrice Wallin : Pamela Wallin, de la Saskatchewan.
Le président : Nous poursuivons notre examen du projet de loi C-18, Loi concernant les plateformes de communication en ligne rendant disponible du contenu de nouvelles aux personnes se trouvant au Canada. Dans notre premier groupe de témoins, nous accueillons Paul Deegan, président et chef de la direction, et Pierre-Elliott Levasseur, président de La Presse et directeur de Médias d’info Canada. Brian Myles, directeur du Devoir, comparaît par vidéoconférence. Nous accueillons Phillip Crawley, chef de la direction et éditeur du Globe and Mail. Je vous remercie d’être des nôtres ce matin.
M. Deegan aura la parole en premier; il sera suivi de MM. Myles et Crawley. Monsieur Deegan, vous avez la parole.
[Français]
Paul Deegan, président et chef de la direction, Médias d’info Canada : C’est un grand plaisir d’être ici avec vous. J’aimerais partager quelques réflexions avec vous avant de vous entendre.
[Traduction]
Essentiellement, le projet de loi C-18 permet aux éditeurs qui produisent du contenu de nouvelles original d’intérêt public de se réunir pour négocier avec les grandes plateformes technologiques. Si les négociations n’aboutissent pas à un règlement, on a recours à un arbitrage de l’offre finale qui ressemble à celui du baseball.
Il s’appuie sur l’Australian News Media and Digital Platforms Mandatory Bargaining Code. Ce code de négociation obligatoire pour les médias d’information et les plateformes numériques a permis de verser plus de 200 millions de dollars australiens à des publications et à des médias, grands et petits, de ce pays. En Australie, l’environnement d’embauche des journalistes s’est amélioré depuis l’entrée en vigueur du code de négociation.
Nous félicitons les membres du Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes, qui ont collaboré de façon non partisane pour amender le projet de loi et l’améliorer. Plus précisément, ils ont permis aux petites publications — les publications familiales indépendantes, où les membres de la famille dirigent le journal — de compter pour le minimum de deux employés. À ce sujet, je salue Kevin Waugh, de la Saskatchewan, qui a beaucoup insisté pour que cet amendement soit adopté et qui a travaillé avec nous.
Actuellement, nous avons une relation comme celle de David et Goliath avec les grandes plateformes technologiques. Il y a un déséquilibre des pouvoirs avec elles, mais il y en a aussi un parmi les éditeurs. Devant la perspective d’une loi ou d’une réglementation, les plateformes dominantes ont commencé à offrir des ententes de licence de contenu à un grand nombre de nos membres les plus importants. De fait, les plateformes choisissent les gagnants et les perdants et dictent les modalités. De notre point de vue, ce n’est pas correct, et ce n’est pas juste.
Comprenez-moi bien : nous sommes heureux pour nos membres qui ont pu obtenir des ententes de licence. Mais notre objectif est de faire en sorte que les petits éditeurs comme Sarah Holmes du Gabriola Sounder, Sophie Gaulin de La Liberté, Dave Adsett du Wellington Advertiser, Benoit Chartier du Courrier de Saint-Hyacinthe et Paul MacNeill d’Island Press obtiennent un accord équitable. Pierre-Elliott Levasseur de La Presse, qui est assis à côté de moi, n’en a pas non plus. Tous ces éditeurs devraient obtenir le même genre d’accord que celui qu’a pu obtenir le Toronto Star.
Il en va de même pour les éditeurs de nouvelles et éditeurs numériques ethniques qui font du journalisme incroyable et élargissent l’auditoire.
Le projet de loi C-18 n’est pas une panacée, et quiconque le laisse entendre se leurre. Nous devons nous assurer que notre écosystème d’information en est un où le journalisme public indépendant et factuel au pays pourra prospérer.
Aucun projet de loi n’est parfait. Nous voulons proposer d’autres amendements qui, selon nous, amélioreront un bon projet de loi.
Le rôle du CRTC devrait être clarifié davantage afin de préserver l’indépendance de la salle de nouvelles. Phillip Crawley du Globe and Mail vous en parlera. Afin d’éviter que l’on fasse du tricotage avec la rondelle, le délai de négociation et de médiation devrait être réduit à 45 jours chacun, et le projet de loi devrait entrer en vigueur rapidement.
Après votre étude du projet de loi C-18, j’espère que vous nous inviterez à revenir discuter d’autres questions qui touchent le monde de l’information. Permettez-moi de vous en décrire trois.
La première est la publicité fédérale. L’an dernier, le gouvernement fédéral a dépensé 140 millions de dollars en publicité. De cette somme, seulement 6 millions de dollars ont été consacrés aux journaux imprimés. À eux seuls, Facebook et Instagram ont reçu environ le double de ce montant. Il est temps que l’on soutienne les Canadiens; le temps est venu de soutenir les équipes nationales.
Deuxièmement, la Société Radio-Canada — ou SRC — devrait être libre de publicité. À l’heure actuelle, nous sommes en concurrence avec elle pour les maigres fonds publicitaires consacrés aux nouvelles et aux affaires courantes, et ce n’est pas normal.
Enfin, en ce qui concerne les lois antitrust, le département de la Justice des États-Unis a intenté une poursuite antitrust contre Google relativement aux technologies publicitaires. Il est grand temps que les parlementaires modifient la Loi sur la concurrence afin de donner au Bureau de la concurrence du Canada les outils dont il a besoin pour faire son travail. Nous avons besoin d’un Bureau de la concurrence qui mord plus qu’il n’aboie.
Pour revenir au projet de loi C-18, le déséquilibre injuste, inéquitable et arbitraire que nous connaissons actuellement, où les plateformes favorisent certains éditeurs et pas d’autres, exige l’adoption rapide de ce projet de loi avant la relâche parlementaire de l’été.
[Français]
Le vrai journalisme coûte de l’argent réel. Le projet de loi C-18 aidera, mais on peut en faire plus et j’espère que nous pourrons en discuter. Sur ce, j’attends avec impatience un bon échange d’idées.
Brian Myles, directeur, Le Devoir : Bonjour, distingués membres du comité. Je vous remercie de me recevoir aujourd’hui. Le Devoir est un quotidien qui fait partie du cercle des médias misant sur l’abonnement, tant pour le numérique que pour l’imprimé. Les abonnements nous procurent près des deux tiers de nos revenus; c’est très important.
Grâce à une gestion prudente, à un usage optimal des programmes québécois et canadiens de crédits d’impôt et à une stratégie de diversification des revenus, nous avons réussi à connaître sept années de rentabilité au cours des neuf dernières années. En six ans, Le Devoir a pu passer d’une centaine d’employés à 184 employés.
Malgré tout, les défis de la transformation numérique sont constants. Nous évoluons dans un environnement exigeant, marqué par la présence d’acteurs qui misent sur la gratuité des contenus. Nous devons affronter les géants du commerce numérique sur le marché de la publicité. Le Devoir n’a pas le luxe d’essuyer des pertes et n’a pas de mécènes pour le soutenir.
C’est pourquoi nous appuyons sans réserve le projet de loi C-18, mais pas sans savoir que, bien avant que le gouvernement exprime son intention d’encadrer les plateformes, nous avons signé des ententes dès 2014 avec MSN en 2014, avec Apple News+ en 2020 et avec Meta et Google en 2021.
Malgré tout, il va sans dire que nous allons nous conformer au nouveau régime législatif.
Pour nous, ces ententes sont importantes. Elles nous ont permis de rebâtir une relation avec les plateformes qui était basée sur la confiance, une confiance renouvelée et une interdépendance entre elles et nous.
Pour nous, il est très important que, dans le cadre du projet de loi C-18, les éditeurs puissent avoir le choix de négocier individuellement ou collectivement avec les plateformes. En tout respect pour nos partenaires et nos associations, nous, au Devoir, sommes d’avis que nos intérêts seront mieux servis par une négociation directe, compte tenu de ce que nous avons déjà tissé comme relations de confiance.
Il y a encore de l’incompréhension dans l’industrie des médias quant à l’impact des plateformes numériques. On entend parfois des éditeurs ou des professeurs nous dire que Google et Meta nous ont « volé » nos revenus de publicité ou nos contenus.
Il faut garder à l’esprit que les médias permettent volontairement la circulation de leurs contenus sur Google, Meta, Instagram, Twitter et les autres plateformes. Nous avons besoin de la force de ces plateformes pour amplifier nos contenus et rejoindre les utilisateurs là où ils se trouvent. Les membres du comité ne le savent peut-être pas, mais de nos jours, il est rare qu’un utilisateur se serve d’une application ou d’un site Internet et parcoure l’ensemble des sections. Les chemins qui mènent vers nos contenus sont facilités par la recherche par mots clés, sur Google essentiellement, et le partage au moyen des réseaux sociaux.
Dans ce contexte, les menaces à peine voilées de Google et de Meta de « fermer le robinet » des contenus journalistiques dans l’éventualité où le projet de loi C-18 serait adopté auraient des incidences dramatiques sur le rayonnement de nos contenus.
Nous nous trouvons dans une relation complexe, une relation de complémentarité et d’interdépendance dont il faut également tenir compte dans le débat sur le projet de loi C-18.
Malgré tout — et Médias d’info Canada l’a bien souligné —, il est vrai qu’il existe un déséquilibre entre les médias d’information et les plateformes. L’analogie de David contre Goliath n’est pas exagérée. C’est d’abord en raison du déséquilibre que j’ai déjà évoqué d’un côté, et de la concentration du revenu publicitaire numérique entre les mains d’un duopole de l’autre, que nous avons besoin du projet de loi C-18. Par contre, il pourrait être bonifié. C’est là l’une de mes déceptions à titre d’éditeur de presse, parce que le déséquilibre ne concerne pas seulement la publicité.
Il y a aussi un déséquilibre en matière d’abonnements. Les plateformes applicatives ont décidé, d’une manière unilatérale, du pourcentage des revenus qu’elles gardent pour des transactions d’abonnements conclues dans leur périmètre. Nous n’avons pas le choix de donner 15 % ou 30 % à la plateforme qui conclut l’abonnement par un partenariat intermédiaire. Ces plateformes d’abonnements devraient aussi être incluses dans le projet de loi C-18.
Le Devoir est un quotidien historiquement associé au fait français et il est préoccupé par la dualité linguistique. Les médias francophones, aussi bien au Québec qu’à l’extérieur du Québec, sont dans une situation unique, dans un environnement nord‑américain anglophone. Les barrières culturelles et linguistiques modifient notre rapport de forces avec les plateformes numériques de manière encore plus difficile et délicate. Aussi, le projet de loi C-18 devrait prévoir un mécanisme de surveillance et de reddition de comptes au CRTC, afin que des exigences de dualité linguistique soient respectées dans les négociations à venir. C’est une question de diversité pour notre écosystème de nouvelles.
Pour qu’on puisse y arriver, le CRTC devra se doter d’une expertise et d’une très fine connaissance des marchés et de la culture francophone; ce sera déterminant.
Nous avons également un souci d’équité quant aux négociations à venir. Il faut s’assurer que les grandes entreprises de presse ne récupèrent pas une proportion exorbitante des redevances futures, comme ce fut le cas dans la première partie du modèle australien. On peut se questionner sur l’inclusion de Radio-Canada dans le projet de loi C-18, mais il semble que ce soit le choix du législateur. Cela fera potentiellement de Radio‑Canada le plus grand bénéficiaire du projet de loi C-18.
Il y a un risque de déséquilibre dans les ressources humaines et financières qui seront disponibles dans les médias s’il n’y a pas de limites ou de préoccupations.
Le président : Monsieur Myles, vous avez déjà dépassé les cinq minutes qui vous étaient allouées; pouvez-vous conclure?
M. Myles : Pour conclure, je vous suggère de plafonner les salaires maximums admissibles. La meilleure façon dont le projet de loi C-18 peut nous aider, c’est de calquer les négociations sur le coût de la masse salariale dans les salles de rédaction. C’est ce que plusieurs entreprises ont fait partout dans le monde.
Le moment d’agir, c’est maintenant. On ne peut pas attendre deux ans entre l’adoption de la loi et la réglementation du CRTC, car le délai servirait ainsi aux opposants, qui auront eu le temps de s’organiser et de saper l’esprit et la lettre de la réforme. Nous espérons donc que la réglementation liée au projet de loi sera mise en œuvre rapidement. Merci.
Le président : Merci beaucoup.
[Traduction]
Nous allons maintenant entendre Phillip Crawley, chef de la direction et éditeur du Globe and Mail.
Phillip Crawley, chef de la direction et éditeur, The Globe and Mail : Merci. J’aimerais revenir sur les propos qu’a tenus Paul Deegan au sujet de l’appui aux amendements qu’il a déposés par l’intermédiaire de Médias d’info Canada. Cette association représente les points de vue que nous, au Globe and Mail, expliquons à Patrimoine canadien depuis l’an dernier, notamment nos préoccupations au sujet du libellé du projet de loi sur les pouvoirs du CRTC.
Le Globe and Mail est membre de Médias d’info Canada, mais son modèle d’affaires est différent de celui de nombreuses autres entreprises. La livraison numérique a transformé la composition du chiffre des ventes et élargi notre auditoire national. Lorsque j’ai commencé à travailler pour le Globe and Mail, en 1998, la publicité imprimée était la principale source de revenus, environ 70 % du total à l’époque, et le reste provenait de la diffusion, des abonnements et des ventes d’exemplaires à l’unité. Aujourd’hui, les deux tiers de nos revenus proviennent de lecteurs et d’utilisateurs qui paient pour du contenu, et la publicité ne représente que 30 %. Le modèle d’affaires est inversé. Nous avons environ 330 000 abonnés, dont la plupart sont numériques, et aucune autre publication canadienne n’en compte autant. Nous avons également investi dans notre propre logiciel pour créer une technologie qui aide à convertir les utilisateurs occasionnels en abonnés. Nous avons une filiale appelée Sophi, qui est dotée d’une technologie de portail payant intelligent que nous vendons maintenant à d’autres entreprises médiatiques de partout dans le monde.
Tout cela dépend de l’investissement le plus important de tous, c’est-à-dire la qualité du contenu. Les gens ne paieront pas si le contenu est faible ou générique. Nous créons un contenu exclusif que seuls les abonnés peuvent lire, et nous payons beaucoup d’argent chaque année dans le but de nous assurer que nous avons le talent et les ressources nécessaires pour assurer cette croissance.
Certaines de nos enquêtes peuvent durer plus d’un an, mais elles changent souvent la donne pour ce qui est de motiver le changement. Voilà pourquoi nous remportons plus de prix pour notre journalisme que quiconque au Canada chaque année. Par exemple, nous sommes en nomination grâce à deux enquêtes distinctes lors de la remise des prix Michener qui seront décernés le mois prochain ici-même, à Ottawa, pour le journalisme qui exerce un impact positif sur la société canadienne.
C’est pourquoi nos propriétaires ont encore le Globe and Mail parmi leurs avoirs commerciaux. Ils ont vendu tous leurs autres journaux dans le monde il y a plus de 20 ans. Alors, pourquoi s’accrocher au Globe and Mail? Notre président, David Thomson, et les membres de notre conseil d’administration croient que la marque du Globe and Mail peut être utilisée pour changer les choses au Canada grâce au journalisme indépendant… et je reviendrai sur le mot « indépendant ». Ils nous appuient également en maintenant un réseau de bureaux étrangers partout dans le monde afin que le Globe and Mail puisse fournir une perspective canadienne sur ce qui se passe dans le monde plutôt que de se fier à des organismes étrangers.
La qualité de notre journalisme incite d’autres entreprises à accéder à notre contenu et à le payer au moyen d’ententes de licence. Ces situations se produisent depuis longtemps, mais elles ont contribué à accroître nos revenus, même pendant les années de la pandémie de COVID-19, grâce à l’arrivée de géants mondiaux comme Apple et Google. Notre contenu commercial et financier est une raison particulière des ententes pluriannuelles entre ces entreprises et nous. Elles fonctionnent pour nos abonnés et pour les leurs aussi; c’est une bonne relation.
Permettez-moi de revenir sur l’importance du journalisme indépendant et de la confiance qui s’établit chez les lecteurs et les partenaires. C’est un principe fondamental du Globe and Mail et c’est une tradition de respect de la liberté éditoriale qui remonte à Roy Thomson, dans les années 1930. C’est pourquoi je demande aujourd’hui au Sénat d’examiner de près les amendements au libellé du projet de loi C-18 qui ont fait l’objet de discussions avec Patrimoine Canada et qui ont été présentés aujourd’hui par M. Deegan dans son mémoire.
Le fait de permettre au CRTC d’aller à la pêche pour obtenir de l’information confidentielle des médias, en particulier de l’information liée aux services de rédaction, serait une solution exagérée qu’il serait préférable d’éviter. Le ministre Rodriguez et les membres de son personnel nous ont assurés qu’ils n’ont pas l’intention d’utiliser les dispositions du projet de loi C-18 de cette façon, et nous nous en réjouissons, mais, afin de dissiper tout doute, je vous exhorte à adopter le libellé précis qui est proposé. Le Globe and Mail a déposé un libellé précis pour resserrer le texte du projet de loi.
Je voudrais souligner trois amendements en particulier. Premièrement, supprimer le droit du CRTC de désigner unilatéralement une organisation de nouvelles assujettie à la loi comme prévu au paragraphe 27(2). L’intention de la loi n’était pas de réglementer les organisations de nouvelles, alors leur participation devrait être volontaire.
Je vous demanderais également d’amender l’article 53, qui permet au CRTC d’exiger les renseignements qu’il juge nécessaires de la part d’une organisation de nouvelles. Les pouvoirs de collecte de renseignements du CRTC devraient se limiter à ceux qui sont nécessaires pour confirmer l’admissibilité des organisations de nouvelles ou pour enquêter sur une plainte. Nous croyons fermement que les pouvoirs illimités d’exiger des renseignements sont problématiques dans le contexte des organisations de nouvelles. Le CRTC ne devrait pas avoir le pouvoir de les obliger à fournir de l’information au-delà de ce qui est strictement nécessaire pour appliquer la loi. Contrairement aux radiodiffuseurs, les organisations de journaux ne sont pas structurées de manière à leur permettre de produire continuellement des rapports détaillés sur la réglementation. Nous ne voulons pas que les journaux dépensent des ressources précieuses pour répondre aux demandes liées à la réglementation.
Le président : Monsieur Crawley, nous avons dépassé les cinq minutes. Veuillez conclure.
M. Crawley : D’accord. J’ai une autre recommandation : modifier l’article 86, qui établit les exigences en matière de déclaration obligatoire. Nous sommes particulièrement préoccupés par la possibilité que le gouvernement exige des renseignements au sujet de notre éditorial.
Nous estimons que ces amendements sont raisonnables, et nous vous demandons de les appuyer. Merci.
Le président : Merci à nos invités.
Chers collègues, la liste des sénateurs qui veulent poser des questions est longue. Je vous demanderais de vous en tenir à quatre minutes, y compris les réponses. Je sais qu’il est difficile de demander aux parlementaires et aux journalistes d’être brefs et concis, mais, si nous le pouvons… comme vous le savez, je n’aime pas interrompre les gens, mais cela vient avec le travail, malheureusement.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Mes questions s’adressent aux deux grands journaux du Québec qui sont ici, et tout d’abord à M. Levasseur. On ne vous a pas entendu, mais j’aimerais vous entendre au sujet du journal La Presse, qui a été très discret dans toute cette saga. Où en êtes-vous? Êtes-vous d’accord avec ce que le journal Le Devoir dit sur l’idée que l’abonnement est une bonne solution et qu’on ne doit pas diaboliser ce qui se passe du côté de l’échange de valeurs entre les plateformes et les médias?
Bref, où vous situez-vous? Vous n’avez pas encore conclu d’entente avec les plateformes?
Pierre-Elliott Levasseur, président de La Presse et directeur de Médias d’info Canada : Premièrement, chaque groupe a son propre modèle d’affaires. Je ne suis pas ici pour commenter le modèle d’affaires du journal Le Devoir ou le nôtre, car chaque modèle fonctionne. M. Crawley a parlé de leur façon de faire; nous avons notre propre modèle basé sur la publicité et cela fonctionne très bien pour nous également. Je ne veux pas faire de commentaires sur les modèles d’affaires.
En ce qui a trait à la valeur des plateformes technologiques créées pour nous ou que nous créons pour eux, effectivement, il y a un échange de valeurs. Cependant, on ne perçoit pas de valeurs de la part des plateformes à la hauteur de notre contribution. En Australie, ils ont signé des ententes qui reflètent la vraie valeur du contenu qu’ils perçoivent gratuitement. On l’a vu, sans la menace du projet de loi, il n’y a pas eu d’entente au Canada. Ce que l’on souhaite, c’est de trouver une façon pour que le projet de loi C-18 soit adopté, afin que nous soyons en position d’obtenir une entente juste et équitable pour l’ensemble des médias au Canada. On a essayé pendant des années de conclure des ententes avec les plateformes.
La majorité des médias au Canada ont essayé d’avoir des ententes avec Facebook et Google, mais se faisaient claquer la porte à la figure. Avec la menace du projet de loi au pays, et maintenant qu’un projet de loi a été adopté en Australie, soudainement, certains médias ont pu conclure des ententes, mais pas tous. Ce sont les plateformes qui décidaient qui avait une entente et qui n’en avait pas. Elles décidaient des dispositions des ententes; que ce soit les dispositions de sortie ou les montants octroyés, c’est Google qui décidait. Je peux vous assurer que M. Myles n’a pas la même entente que CN2i, ni M. Crawley, ni le Toronto Star. Ce sont les plateformes qui dictent les termes et les conditions. Elles dictent qui aura une entente, qui va gagner et qui va perdre.
Dans notre cas, par exemple, on négociait une entente en attendant le projet de loi C-18. On a toujours été très favorable à celui-ci, mais on négociait de bonne foi. Un jour, ils se sont levés et ils nous ont appelés en disant que les négociations étaient terminées. Pourquoi? Cela vient de San Francisco.
La sénatrice Miville-Dechêne : Face à la situation, vous voulez vous regrouper. On parle d’environ 500 médias qui pourraient être admissibles. Les gens de Google disent qu’ils vont se retirer si cela ne fait pas leur affaire. Que pensez-vous de cette déclaration?
M. Levasseur : Je trouve que c’est très irresponsable pour les Canadiens francophones et anglophones. Cela fait des années que l’on bâtit des marques de commerce basées sur la qualité et la rigueur. Je pense qu’on a prouvé, au cours des 130 dernières années, notre capacité à produire du contenu à valeur ajoutée pour l’ensemble de la population.
La sénatrice Miville-Dechêne : Cela ne vous inquiète pas un peu? Si cela se produit, ce sera épouvantable pour les médias de ne plus avoir Google.
[Traduction]
La sénatrice Simons : J’ai deux questions que je vais poser rapidement pour obtenir deux réponses.
En Australie, qui est le fameux modèle, dans la foulée du système de négociation australien, Rupert Murdoch a réduit le personnel de ses journaux; il a mis à pied 1 250 journalistes, soit un sur 20. Quelles garanties avons-nous que, si ce genre d’arbitrage fonctionne pour vous, nous ne verrons pas de réductions semblables?
Ma deuxième question fait suite à celle de la sénatrice Miville-Dechêne. J’aime bien le mot « menace ». Il sonne beaucoup plus menaçant que le mot anglais « threat ». Alors, si Google et Facebook sont honnêtes en proférant leur menace, qu’est-ce que cela signifiera si vous ne pouvez pas partager votre contenu sur ces plateformes?
M. Levasseur : La question s’adresse-t-elle à moi?
La sénatrice Simons : Je suppose que la première question s’adresse à M. Crawley ou à M. Deegan, et la deuxième à n’importe qui. M. Myles a soulevé la question.
Si nous supposons que Facebook et Google ne bluffent pas, alors vous n’obtiendrez rien de cet accord; en plus, vous perdrez l’accès à la visibilité auprès des Canadiens.
M. Crawley : Google représente une partie importante de l’écosystème médiatique. Trente pour cent de notre trafic provient de la recherche sur cette plateforme. Ces activités pourraient être perturbées considérablement au cours des 6 à 12 prochains mois en raison de l’incident qu’ont déjà ChatGPT et l’intelligence artificielle générative depuis 6 mois seulement. Tout le secteur de la recherche pourrait connaître un grand changement. Nous sommes ici aujourd’hui pour parler de la situation actuelle, mais elle ne sera plus la même dans 12 mois.
Le fait est qu’à l’heure actuelle, nous versons beaucoup d’argent à Facebook et à Google pour qu’ils nous offrent de la visibilité. Nous dépendons de l’auditoire. Pendant la pandémie de COVID-19, notre auditoire numérique a augmenté de 25 %.
La sénatrice Simons : Vous les payez?
M. Crawley : Oui, nous les payons.
La sénatrice Simons : Comment les payez-vous?
M. Crawley : Nous payons des frais de service mensuels parce que Facebook nous permet d’atteindre un public que nous ne pourrions pas joindre autrement.
La sénatrice Simons : Mais, si Facebook et Google refusent de diffuser des nouvelles, comment cela fonctionnera-t-il? L’exemple australien n’est pas positif. Plus de 1 000 journalistes ont perdu leur emploi en conséquence de ces mesures.
M. Crawley : Je pense que, si on regarde ce qui est arrivé au journalisme au Canada au cours des 20 dernières années, beaucoup d’emplois ont déjà disparu. Ce facteur a continué de nuire à l’industrie, et les salles de rédaction sont souvent beaucoup plus petites qu’auparavant. C’était avant le projet de loi C-18.
M. Myles : Il n’y a pas de solution miracle. Il n’existe aucune mesure unique qui fera la différence pour tout le monde, alors nous devons mettre tous les programmes en place. Nous avons besoin du projet de loi C-18, des déductions fiscales et des coûts de la main-d’œuvre de la salle de rédaction. Nous avons besoin de l’IGL — l’apprentissage ancré dans l’interaction — parce qu’il y a divers modèles d’affaires, et je suis d’accord avec Pierre-Elliott Levasseur à ce sujet : aucun modèle d’affaires n’est meilleur que les autres.
La recherche va être perturbée par l’intelligence artificielle, c’est certain. L’incidence... juste pour vous donner une moyenne, 40 % du trafic du Devoir provient de la recherche sur Google et près de 30 % des médias sociaux. Donc, oui, si Google et Facebook décident de fermer le contenu des nouvelles sur leurs propres plateformes, nous en souffrirons beaucoup. Le trafic direct compte pour moins de 20 %.
L’époque où les lecteurs ouvraient le journal de la page 1 à la dernière page est révolue. Les gens découvrent du contenu au moyen de plateformes sociales et de recherches, et cette menace est réelle. Voilà pourquoi je préconise une réponse rapide entre l’adoption du projet de loi C-18 et la publication des règles et règlements. Il faudrait que ce soit rapide et efficace.
[Français]
Le sénateur Cormier : Mes questions s’adresseront à M. Crawley et à M. Myles. M. Levasseur disait que les modèles d’affaires sont différents selon les médias, et donc, que les ententes sont différentes avec Google et Facebook. J’imagine que vous n’êtes pas en mesure de nous divulguer le contenu des ententes, mais pouvez-vous nous parler du processus de négociation? Quelles sont vos craintes quant à la non‑reconduction de vos ententes si le projet de loi C-18 n’est pas adopté? J’aimerais mieux comprendre comment fonctionnent ces ententes.
M. Myles : Je vous remercie. Vous avez mis le doigt sur un enjeu : ce sont des ententes confidentielles négociées par des entreprises privées. Par contre, il y a assez d’intelligence d’affaires et d’informations qui ont circulé à travers le monde pour que je puisse dire que l’entente a fait l’objet de véritables négociations. Cela n’a pas été accepté d’emblée; on a eu le choix de faire des offres et des contre-offres. N’oubliez pas qu’on a commencé en 2014 avec MSN. À partir de 2020, avec Apple News+, on s’est projeté comme un média disposé à entretenir les conversations.
Les deux façons de le faire ont trait à la portée. Plus on est gros, plus on a une grande portée, plus on a du trafic et plus on peut négocier une entente avantageuse. Sinon, on y va comme les Australiens sur le coût de la main-d’œuvre. Il y a une règle qui dit qu’on a demandé 20 % des coûts de la main-d’œuvre à Google et 10 % des coûts de la main-d’œuvre à Facebook. Des deux modèles, celui de la main-d’œuvre est beaucoup plus attrayant pour soutenir l’industrie et assurer l’équité.
On a fixé des plafonds sur les crédits d’impôt au Québec et au Canada. Il y a un plafond pour un salaire de 55 000 $ au Canada et il est un peu plus élevé au Québec. On prend donc un salaire maximum pour établir un crédit d’impôt; on peut se servir de ce modèle également. Ce sont des ententes structurantes quand on les base sur la main-d’œuvre. En ce qui a trait à la portée, c’est structurant pour les grands groupes. En ce qui a trait à la main‑d’œuvre, cela assure une plus grande diversité de voix.
Qu’est-ce qui pourrait arriver? Je ne sais pas. Je ne suis pas dans les souliers de Google ni de Meta, mais si la menace du projet de loi C-18 disparaît, les ententes disparaîtront-elles? Tout ce que je peux vous dire me vient de ce que j’ai lu jusqu’à présent dans la littérature mondiale et de ce que j’ai vu dans d’autres pays. Les plateformes ont déjà commencé à laisser planer l’idée qu’elles n’allaient pas renouveler les premières ententes.
Le sénateur Cormier : Est-ce que la durée de vos ententes est publique?
M. Myles : Cela faisait peut-être partie des accords de confidentialité. Il ne s’agit pas d’ententes permanentes; ce sont des ententes avec des échéances et, comme tous les contrats conclus entre des parties, rien n’est éternel.
[Traduction]
M. Crawley : [Difficultés techniques] ententes, dont certaines remontent à bien avant Apple et Google. Nous avons des ententes de licence de contenu avec des entités comme Dow Jones depuis des années. Les gens apprécient le contenu commercial et financier.
C’est une relation plus compliquée que le simple fait que ces entités paient pour l’utilisation de notre contenu. Google, par exemple, offre également du financement aux fins de l’amélioration technologique de certains de nos produits; elle offre un soutien en ce qui a trait à sa connaissance de la reconstruction d’une application... investir de l’argent dans une meilleure application Android. C’est un exemple des types de parties des ententes. Il ne s’agit pas seulement du contenu.
Mais les plateformes ont des demandes précises quant au genre de contenu qu’elles veulent. Les responsables d’Apple, en particulier, aiment les finances personnelles et les affaires. Ils veulent ce contenu pour leur propre produit d’abonnement.
[Français]
Le sénateur Cardozo : Je vais poser mes deux questions tout de suite. Messieurs Myles et Levasseur, j’aimerais savoir si la situation actuelle des médias francophones est plus difficile et plus urgente que celle des médias anglophones au Canada. Ce projet de loi est-il plus nécessaire pour vous? Ma deuxième question est une question de realpolitik pour M. Crawley.
[Traduction]
Messieurs Crawley et Deegan, vous avez demandé que des modifications soient apportées au projet de loi. Vous savez que, dans ce système politique, si nous apportons des modifications et que nous renvoyons le projet de loi, celui-ci ne reviendra peut‑être pas à temps. Êtes-vous prêts à courir ce risque? Est-ce si important pour vous?
M. Levasseur : En ce qui me concerne, le projet de loi ne vise pas à trouver un équilibre, exactement. Il vise plutôt à nous donner la capacité de signer des ententes commerciales équitables en fonction de la valeur que nous croyons avoir créée pour les plateformes technologiques. Elles utilisent notre contenu et en profitent, et elles génèrent de l’argent à partir de notre contenu. La preuve que cette relation a de la valeur, c’est que, sous la menace d’une loi, elles ont signé des ententes au Canada et en Australie.
Nous ne demandons pas la charité; nous demandons la possibilité de négocier une entente équitable. Nous aurions dû bénéficier de ce genre de chose... si nous avions été en mesure de négocier une entente équitable, parce qu’elles veulent un duopole, et, si nous n’avions pas été 500 médias différents au Canada... C’est David contre Goliath, et elles pourraient se permettre de nous claquer la porte au nez. Si tout cela n’avait pas été le cas, nous aurions conclu une entente équitable.
À mes yeux, c’est le but du projet de loi C-18.
Je veux simplement rappeler aux gens que nous créons de la valeur pour les plateformes — la preuve est là — et que nous n’en retirons rien. C’est la première chose.
[Français]
En ce qui concerne le Québec, on a chacun nos modèles d’affaires. Comme l’a dit Brian, il a une opération qui est profitable. Nous partageons nos chiffres publiquement et nous avons une opération profitable et un modèle d’affaires qui fonctionne pour nous. Vous le savez, on a procédé à une transformation numérique il y a une dizaine d’années. Nous sommes passés à une deuxième transformation de notre modèle d’affaires en 2018, et les deux ont très bien fonctionné. On investit énormément en innovation chaque année; on parle de dizaines de millions de dollars en innovation dans nos produits publicitaires, parce que dans notre modèle, la publicité est importante pour l’intelligence d’affaires et pour nos outils destinés à la salle d’information. On a l’intention d’investir massivement dans la salle d’information au cours des prochaines années.
Contrairement à beaucoup de médias, notre salle d’information est de la même taille aujourd’hui qu’elle l’était en 2008-2009. Nous n’avons pas désinvesti dans notre salle de rédaction. Toutefois, il est clair que les besoins des utilisateurs et des lecteurs dans la société évoluent, et ce, très rapidement. Si nous voulons rester pertinents — pour les médias crédibles et de qualité qui veulent rester pertinents à l’avenir —, cela veut dire qu’il faudra faire des investissements importants dans les salles d’information. Au cours des dernières années, cela s’est fait sur les plans de l’intelligence d’affaires, de la publicité, des modèles d’affaires et des structures de coûts. L’avenir est dans les salles de nouvelles. On a besoin du projet de loi.
Le sénateur Cardozo : J’aimerais demander à M. Myles si la situation est différente pour les médias francophones.
M. Myles : Je vous dirais qu’elle est différente selon plusieurs variables : les titres qui dépendent exclusivement de la gratuité ou qui n’ont pas mis à contribution les lecteurs ou les donateurs, les titres qui sont encore trop ancrés dans l’imprimé au détriment du numérique et ceux qui évoluent dans des marchés dévitalisés où la démographie est en déclin ou dans de plus petits marchés. Il s’agit là de trois facteurs de risque qui vont faire en sorte que ce sera difficile, avec ou sans le projet de loi C-18. Gratuité, dépendance à l’imprimé et marché dévitalisé : pour moi, ce sont des facteurs de risque partout et ce sont des facteurs de risque dans les marchés anglophones également.
Le président : Merci, monsieur Myles. Je dois me faire le gardien du temps.
[Traduction]
Il pourra répondre plus tard, s’il le veut, mais je dois passer au prochain intervenant.
Le sénateur Manning : Ma question s’adresse à M. Deegan. Je veux poser deux questions à cause du temps.
Le gouvernement estime, grosso modo, que ce projet de loi générera environ 215 millions de dollars pour les médias d’information canadiens au pays. Le directeur parlementaire du budget dit qu’il évalue à environ 300 millions de dollars les dépenses des grandes entreprises, comme Meta, Google et d’autres.
Quel que soit le chiffre, qu’arrivera-t-il si des entreprises géantes comme Google et Meta décident de ne pas participer?
Le directeur parlementaire du budget a également dit que, selon ses estimations, les trois quarts du financement qui sera accordé seront versés à la SRC et à d’autres grands radiodiffuseurs, comme Rogers et Bell. Quel effet cette répartition aura-t-elle sur les petits joueurs?
M. Deegan : Je vous remercie infiniment de poser la question.
En ce qui concerne l’estimation, nous ne connaissons pas vraiment le chiffre exact. Nous savons que c’est plus de 200 millions de dollars en Australie. C’est ce qu’a dit Rod Sims, l’ancien président de l’Australian Competition and Consumer Commission. Compte tenu de notre population et de la différence de taille entre le Canada et l’Australie, nous pensons que c’est plus que cela.
Franchement, nous n’avions pas pu comprendre la méthodologie du directeur parlementaire du budget en ce qui a trait aux intrants qu’il a intégrés. Nous ne sommes pas certains qu’elle soit logique, mais c’est probablement dans ces eaux-là.
Quant à l’inclusion des radiodiffuseurs dans le projet de loi, ils sont inclus en Australie. Notre seul objectif est de veiller à ce que nos membres obtiennent une entente équitable. Ce que nous voulons, c’est que nos petits membres en obtiennent une du type de celle du Toronto Star.
Pour ce qui est d’entamer des négociations, ce qui semble être une approximation est fondé sur les traitements et salaires des employés des salles de nouvelles dans le cas de certaines des ententes dont nous avons entendu parler, incidemment. Pour notre part, nous rechercherions les échanges en formant un collectif. Pierre-Elliott Levasseur, de La Presse, sera un dirigeant important de notre collectif. Ce que nous cherchons à faire, c’est partager le règlement au prorata, de manière à ce que les petits joueurs bénéficient des mêmes avantages que les gros. C’est notre philosophie.
Le sénateur Manning : Du point de vue du coup que porterait une concrétisation de la menace aux petits joueurs, croyez-vous qu’il nuirait à leurs activités dans l’avenir?
M. Deegan : Pas du tout. La vérité, c’est qu’à l’heure actuelle, la plupart des gros joueurs ont conclu des accords. La Presse n’en a pas conclu, Postmedia n’a pas d’accord avec Meta, mais la plupart des autres gros joueurs en ont. Il s’agit en réalité de faire en sorte que les petits indépendants obtiennent un accord. Google et Meta en concluent. Ils vous diront qu’ils sont présents dans 120 collectivités et qu’ils ont conclu des accords avec 12 entreprises, je crois. Ce sont des chaînes avec lesquelles ces plateformes ont conclu des accords. Dans le projet de loi à l’étude, ce que nous essayons de régler... et, encore une fois, je salue Kevin Waugh, du côté de la Chambre, qui a insisté pour que les membres de la famille soient inclus dans le minimum de deux employés. En fait, ce projet de loi vise à faire en sorte que les petites entreprises familiales indépendantes, comme celle de Sarah Holmes et de son époux sur l’île Gabriola, des personnes comme eux, bénéficient de l’accord équitable qu’a obtenu le Toronto Star.
La sénatrice Dasko : Pour poursuivre sur le sujet de savoir ce qui se passera si ces plateformes disparaissent, en particulier Facebook, pas Google. Google est un peu... lorsque ses représentants sont venus comparaître, je leur ai demandé ce qu’ils feraient, et ils ont répondu qu’ils n’avaient pas encore décidé. Mais les représentants de Facebook ont été très catégoriques en nous parlant, et ils ont dit qu’ils allaient partir. Ils ont expliqué que les liens de nouvelles au Canada ne sont pas très utiles pour eux, ils ont ajouté que leurs abonnés ne s’intéressent pas aux nouvelles. De fait, certains d’entre eux méprisent même les nouvelles. Voilà ce qu’ils nous ont dit.
J’aimerais poser une question à M. Levasseur au sujet de La Presse et à M. Crawley au sujet du Globe and Mail. Quelles seraient les conséquences si Facebook partait?
M. Crawley : Si Facebook se retire hors ligne, des millions de dollars disparaîtront, du point de vue du Globe and Mail. Les gens de cette plateforme ont conclu un accord avec nous, et il vaut beaucoup d’argent. C’est pourquoi nous avons pu continuer à accroître nos revenus et obtenu des fonds supplémentaires pour l’octroi de licences au cours des dernières années, grâce à ces accords.
Nous avons un accord à long terme avec Apple, qui continue de développer son modèle d’abonnement, alors il y aura d’autres joueurs avec lesquels nous pourrons encore travailler. À l’exception de Facebook ou de Google, je n’ai entendu personne parler des conséquences. Je ne pense pas qu’Apple ait dit quoi que ce soit à ce sujet.
Je m’inquiète davantage de la menace à l’indépendance des médias que de la perte de quelques millions de dollars. Je pense que c’est une menace à beaucoup plus long terme qui guette notre industrie si nous ne rédigeons pas correctement le projet de loi. Le CRTC n’a jamais traité avec les journaux. Il a une vaste expérience de la radiodiffusion, mais pas des journaux. C’est une autre industrie.
La sénatrice Dasko : Monsieur Levasseur, quelles seraient les conséquences sur La Presse si Facebook se retirait?
M. Levasseur : Ce serait moins d’un million de dollars pour nous en termes de retombées financières. Mais, à mes yeux, il s’agit surtout des États-Unis. Les plateformes s’inquiètent de la législation dans ce pays, ils ne veulent pas que ce projet de loi ait des répercussions aux États-Unis, et le Canada est plus près que l’Australie. Je pense que c’est davantage une réaction non pas à la valeur que nous créons pour elles ou qu’elles créent pour nous... je ne pense pas qu’il soit question d’un arrangement commercial équitable. Selon moi, elles s’inquiètent de savoir si ce projet de loi s’insinuera aux États-Unis. C’est une répercussion financière beaucoup plus importante pour elles.
Je ne pense pas qu’elles affirment que ce que nous créons pour elles ou ce qu’elles peuvent créer pour nous et les ententes auxquelles nous pouvons parvenir n’ont aucune valeur; c’est de la poudre aux yeux qui vise à envoyer un message aux législateurs et aux médias américains. Si vous le faites aux États‑Unis, c’est peut-être ce que nous allons faire.
La sénatrice Dasko : Ne pourriez-vous pas encore conclure des ententes avec Facebook? Ses responsables veulent votre argent, n’est-ce pas?
M. Crawley : N’oubliez pas ce qui s’est passé en Australie. Avant l’adoption du projet de loi, les trois principaux groupes australiens avaient conclu leurs propres accords. Ceux dont il a été question plus tôt avec les petits journaux ont suivi l’adoption du projet de loi, mais les journaux qui appartiennent à Murdoch et à Fairfax avaient tous conclu leurs propres accords au préalable. Évidemment, nous avons des accords qui remontent à plusieurs années avec bon nombre de ces entreprises.
M. Levasseur : Ce qu’il faut retenir précisément, c’est qu’avant la menace d’une loi, il n’y avait pas d’accords, et, maintenant, grâce au projet de loi, les plateformes doivent en conclure. Si ce projet de loi n’est pas adopté, rien n’empêchera Google ou Facebook de se retirer de leurs accords existants, ou de ceux qui ont un échéancier, et ils ne seront pas renouvelés.
La sénatrice Wallin : Je vais commencer par M. Deegan, puis je poserai une question à M. Crawley. Vous avez dit, monsieur Deegan, que les plateformes dominantes ont été en mesure de choisir les gagnants et les perdants, mais, avec le projet de loi C-18, vous semblez être disposé à donner ce même pouvoir au CRTC en tant qu’organisme de réglementation très inexpérimenté. Pourquoi pensez-vous que c’est une meilleure situation?
Deuxièmement, vous avez parlé essentiellement de l’importance de la publicité et du rôle du gouvernement dans ce domaine. Nous avons tous vu de nombreux journaux locaux échouer parce que le gouvernement a fait cesser la publicité. La SRC est et sera l’un des plus importants bénéficiaires de ce projet de loi. Croyez-vous qu’elle devrait être privée de sa source de revenus publicitaires externe?
M. Deegan : Pour répondre d’abord à votre deuxième question, oui. La SRC ne devrait pas accepter de publicité pour les nouvelles et les affaires courantes.
Madame la sénatrice, sur notre site Web, si vous tapez « Pamela Wallin » sur le site Web de Médias d’info Canada, vous trouverez un article sur la fois que, en 2017, vous avez remis à Wadena News la médaille du 150e anniversaire du Sénat. Maintenant, cette publication a fait faillite. Dans la lettre qu’Alison Squires a rédigée… dans sa lettre à l’éditeur, que vous avez mentionnée au Sénat, elle parle de la publicité et du fait que la communauté locale n’en faisait pas, ni l’administration locale, ni le gouvernement fédéral. Vous avez visé juste. C’est un énorme problème; nous avons besoin que le gouvernement fédéral intervienne, et les fonds publicitaires fédéraux ne devraient pas être destinés à la SRC. Honnêtement, ceux du secteur privé ne devraient pas être consacrés aux nouvelles et aux affaires courantes. Nous sommes en concurrence directe avec eux.
La sénatrice Wallin : Pourquoi vaut-il mieux que le gouvernement soit votre organisme de réglementation, le CRTC — qui ne comprend manifestement pas la presse écrite — plutôt que ce soient les plateformes qui choisissent les gagnants et les perdants?
M. Deegan : Parce qu’à l’heure actuelle, avec le choix des gagnants et des perdants, le problème tient au fait qu’il y a des perdants. Il y a des gens comme ceux de Wadena News. Voilà le problème. Il s’agit d’une défaillance du marché. Il ne fonctionne pas, alors nous avons besoin d’une solution, et c’est pourquoi nous nous sommes adressés au gouvernement, même si, bien franchement, nous aimerions nous tenir le plus loin possible de celui-ci et du CRTC, mais nous avons besoin d’eux.
Pour revenir à ce que disait M. Crawley, nous voulons limiter le rôle du CRTC. Nous ne voulons pas que ses représentants se promènent dans nos salles de nouvelles, alors les amendements que nous avons proposés… pour répondre à la question du sénateur Cardozo, nous nous sommes adressés au cabinet du ministre, nous avons parlé aux fonctionnaires de Patrimoine canadien, et nous croyons que ces amendements sont réalisables et que vous pouvez les adopter. Nous voulons les deux : que le projet de loi soit adopté d’ici la fin de juin, et que ces amendements soient apportés.
La sénatrice Wallin : Monsieur Crawley, vous avez trouvé des mécanismes qui vous permettent de survivre à vos accords, de maintenir vos tarifs d’abonnement et de vendre la technologie du portail payant à d’autres. Vaut-il la peine de courir le risque que le gouvernement intervienne ou fouine dans vos salles de nouvelles aux fins de l’échange d’argent, que vous obtenez déjà grâce aux accords que vous avez signés?
M. Crawley : À un moment où des questions de confiance sont soulevées dans les médias, nous voulons nous assurer que les gens croient en la confiance dans les médias. Je ne pense pas qu’il soit utile, pour reprendre les paroles de Paul Deegan, que le CRTC espionne ce qui se passe dans nos salles de nouvelles et ait son mot à dire dans ce qui serait autrement une entente commerciale conclue entre les parties. Ces ententes auront une valeur.
La sénatrice Wallin : Des ministres nous ont déjà laissé entendre qu’ils considèrent que l’un de leurs droits est celui de porter des jugements sur le contenu. Je présume que ces propos vous préoccupent.
M. Crawley : Oui.
La sénatrice Wallin : Merci.
Le président : Ma question porte sur le fait que le projet de loi C-18 sera suivi d’un règlement. Comme nous le savons, le gouvernement et les organismes de réglementation élaborent les règlements. En outre, depuis longtemps au pays, le gouvernement et les organismes de réglementation accordent d’énormes privilèges aux trois grands, nos radiodiffuseurs traditionnels. À mon avis, ceux-ci — Bell, Rogers et la SRC — ont énormément profité de ces nouvelles plateformes numériques et ont probablement créé la plus forte concurrence avec les médias imprimés au pays.
Nous sommes en train de créer un projet de loi dans lequel, bien sûr, nous demandons à Google et à Meta, les créateurs de ces plateformes, de trouver un chiffre. Nous pouvons débattre de la question de savoir s’il s’agira de 300 ou de 400 millions de dollars, mais une chose dont personne ne débat : si Meta et Google arrêtent tout — je crois que Meta le fera —, ce chiffre diminuera encore plus. Entretemps, la SRC continuera de recevoir sa subvention de 1,2 milliard de dollars dont, à ce jour, en tant que parlementaires, nous ne savons pas quel pourcentage elle investit dans les plateformes numériques, qui, encore une fois, font directement concurrence aux médias imprimés.
Je suis tout à fait en faveur de l’objectif du projet de loi, mais je reviens à ce que les sénateurs Manning et Wallin ont dit : je ne vois pas comment il aidera les petits joueurs par rapport à ces trois géants dans ce contexte.
Avec tout le respect que je vous dois, monsieur Deegan, je comprends que certains médias écrits ont conclu des accords directement avec ces plateformes, mais je doute toujours que les trois grands obtiennent une part disproportionnée du gâteau à vos dépens.
M. Deegan : Monsieur le sénateur, je comprends ce que vous dites. En ce qui concerne nos propres membres, nous essayons actuellement de nous occuper des petits joueurs indépendants. Nous représentons de tout le monde, du Globe and Mail aux indépendants, en passant par le Toronto Star, La Presse et le Devoir. Notre objectif est de veiller à ce que ces petits joueurs, dont bon nombre sont sous respirateur artificiel, honnêtement, du point de vue de leurs finances — la publicité s’est tarie —, nous tentons simplement de faire en sorte qu’ils obtiennent un accord équitable.
Je comprends les préoccupations, surtout en ce qui concerne la SRC. Pour revenir à ce que disait la sénatrice Wallin, je pense que l’une des façons de commencer à uniformiser les règles du jeu, c’est la publicité commerciale concernant CBC News et les affaires courantes. Ils ne devraient pas être de la partie. Nous essayons de nous assurer…
Le président : Désolé, les trois grands devraient-ils être exclus du projet de loi? Bell, Rogers et la SRC?
M. Deegan : Notre véritable source de préoccupation, ce sont nos membres des médias imprimés et numériques. Il ne nous appartient pas de formuler des commentaires à leur sujet, mais je pense que nous devons nous assurer que les petits médias indépendants du pays survivent, parce qu’on ne peut pas simplement compter sur le radiodiffuseur public pour desservir les petites collectivités. C’est essentiellement ce qui se passe. Je pense que M. Levasseur a quelque chose à ajouter.
M. Levasseur : Il ne s’agit pas d’une réserve de fonds dont les plateformes vont décider de la taille, puis qu’elles vont distribuer. Ce sont des accords que nous allons négocier avec elles. Dans la mesure où nous obtenons un accord juste et raisonnable pour nos membres qui négocient avec Google et Facebook, nous pourrions obtenir 200 millions de dollars, et la SRC pourrait en obtenir 100 millions. Ce n’est pas une réserve de fonds qui est subdivisée; c’est une négociation individuelle.
Ce que nous cherchons à faire, et je pense que l’on semble actuellement présumer que les journaux qui ont des accords ne vont pas négocier collectivement. Je ne crois pas que ce soit le cas. Je pense qu’il y a beaucoup de gens qui ont des accords aujourd’hui et qui estiment qu’ils ne sont pas de l’envergure qu’ils méritent. Selon moi, ce qu’ils cherchent à faire, c’est de dire : « Très bien, quel mécanisme convient à l’accord? Quel est le bon accord? Ensuite, nous allons le répartir équitablement entre nous. »
Par exemple, si un groupe a un bien meilleur accord aujourd’hui, alors pourquoi tout le monde n’obtient-il pas le même? Pourquoi n’y a-t-il pas autant de gens au Canada qui participent ensemble pour l’obtenir? C’est ce que nous allons faire, puis les radiodiffuseurs négocieront leurs accords.
Le sénateur Harder : Merci. Ma brève question s’adresse à M. Deegan, puis j’en aurai une autre à l’intention de M. Levasseur.
Monsieur Deegan, vous avez dit plus tôt dans votre témoignage que vous vouliez que le projet de loi soit mis en œuvre d’ici l’été. Vous avez également décrit des amendements que certains de vos membres et vous aimeriez voir adoptés. Je vous pose directement la question du sénateur Cardozo. Nous avons l’obligation de faire ce qui est possible, mais si vous aviez un seul choix, lequel serait-il?
M. Deegan : Que ce soit fait d’ici la fin de juin, mais je crois que vous pouvez faire les deux et j’en suis convaincu.
Le sénateur Harder : Je vais certainement essayer, mais je veux simplement connaître l’ordre. Je pense qu’il est important que nous l’entendions tous.
Monsieur Levasseur, nous avons entendu des témoins affirmer que la presse écrite est une bande de dinosaures qui vont mourir, que nous ne faisons que ralentir une mort inévitable. Ils sont incapables d’innover. Pourriez-vous répondre? Je sais que votre organisation a été très novatrice. Que feriez-vous de plus si un accord était en place?
M. Levasseur : Je continuerais de faire ce que nous faisons maintenant, c’est-à-dire faire de la publicité. Nous sommes en concurrence avec Google, Facebook, les trois grands et bien d’autres. Nous devons continuer d’innover sur le plan de nos produits publicitaires et de notre expérience utilisateur.
Je pense surtout que les besoins des utilisateurs ont évolué. Ceux des lecteurs ont évolué. En tant que médias traditionnels, nous devons évoluer avec le lecteur. Nous devons le placer au centre, et nous devons adapter beaucoup de choses dans notre salle de rédaction et la façon dont nous couvrirons les nouvelles au cours des prochaines années afin de nous assurer que nous demeurerons pertinents pour les lecteurs, de sorte que des médias crédibles et extrêmement rigoureux continuent d’être à l’avant‑garde de la création et de la distribution des nouvelles.
Ce à quoi nous nous attendons au cours des prochaines années… c’est une attente, mais nous avons l’intention d’investir des sommes importantes dans la salle de rédaction au cours des années à venir. Il s’agit de notre intention. Nous avons fait un travail très important sur le plan de notre technologie, de notre infrastructure publicitaire et de nos produits de distribution, que ce soit sur tablette, sur appareil mobile ou sur le Web. Nous pensons qu’il y aura un gros investissement à faire dans la salle de rédaction au cours des deux ou trois prochaines années.
Le sénateur Harder : Merci.
Le président : Chers collègues, je tiens à vous rappeler que les versions anglaise et française de l’amendement proposé par Médias d’info Canada vous ont été distribuées à tous. Vous devriez donc en avoir une copie. Vous devriez avoir reçu l’amendement au cours de la présente séance.
Il nous reste trois minutes. J’aimerais donner l’occasion à nos témoins de répondre aux questions qu’ils n’ont pas eu l’occasion d’aborder en raison des contraintes de temps. Veuillez le faire dans les deux ou trois dernières minutes.
M. Deegan : Je vais conclure en citant une conversation que j’ai eue avec le sénateur Manning il y a quelques mois. Il m’a dit que, durant son enfance dans sa petite ville, son père était abonné au Time et à Newsweek, et qu’il s’agissait en quelque sorte de sa fenêtre sur le monde. Je pense que c’est vraiment de cela qu’il s’agit, de s’assurer que les gens ont accès à un contenu de nouvelles de qualité.
À l’heure actuelle, si on pense, disons, à Meta qui bloque les nouvelles, que restera-t-il sur sa plateforme? Ces gens sont la tuyauterie des médias sociaux, dans laquelle se trouve ce que je décrirais comme étant l’eau potable, c’est-à-dire les nouvelles, mais il y a aussi toutes sortes d’eaux usées, comme la mésinformation et la désinformation. De fait, ce projet de loi vise à assurer la survie des nouvelles locales. Les gros joueurs ont conclu des accords, et nous devons nous assurer que le projet de loi franchira la ligne d’arrivée d’ici la fin de juin afin que les petits joueurs, les indépendants et les joueurs de taille moyenne obtiennent le même genre d’accord que les gros joueurs. De notre point de vue, c’est de cela qu’il s’agit.
Le président : Monsieur Myles? Monsieur Crawley?
M. Crawley : J’aimerais beaucoup que le projet de loi soit approuvé et adopté, mais je ne veux pas qu’il le soit dans sa forme actuelle. Le libellé actuel serait, à mon avis, dangereux pour la liberté des médias. C’est un peu ce que je vous demande : d’examiner ces amendements et de les intégrer dans le libellé du projet de loi afin de nous protéger contre ce danger.
Le président : Monsieur Myles?
[Français]
M. Myles : Pour ma part, j’insiste sur l’importance de préserver les programmes et peut-être même d’envisager une réforme de l’initiative d’un journalisme local pour soutenir les petites publications. Le projet de loi C-18 fera du bien aux petits médias, mais il ne les sauvera pas par miracle. Si l’on calcule l’aide sur la portée ou sur la taille de la salle de nouvelles, les petits joueurs recevront, par essence même, de plus petits montants. De plus, le législateur doit avoir une préoccupation d’équilibre.
Une autre façon d’y parvenir serait de s’assurer qu’il y a une maximisation des montants, pour éviter que les grands groupes s’approprient la plus grosse part du gâteau.
[Traduction]
Le président : Messieurs les représentants de Médias d’info Canada, du Devoir et du Globe and Mail, nous vous remercions beaucoup d’être venus témoigner devant le comité. Qu’on ne vienne pas nous dire que les parlementaires et les journalistes ne peuvent pas travailler dans un délai restreint. Merci beaucoup.
Je voudrais maintenant présenter notre deuxième groupe de témoins. Jesse Brown, propriétaire de Canadaland, se joint à nous par vidéoconférence; Jen Gerson, journaliste indépendante, participe également par vidéoconférence; et, dans la salle, nous accueillons Jeff Elgie, chef de la direction de Village Media. Vous disposerez de cinq minutes chacun pour faire une déclaration préliminaire, puis je céderai la parole à mes collègues pour qu’ils vous posent des questions. Nous allons commencer par Canadaland. Monsieur Brown, vous avez la parole.
Jesse Brown, propriétaire, Canadaland : Bonjour. Merci beaucoup de m’avoir invité à prendre la parole ce matin.
Je sais que vous avez beaucoup entendu parler de la crise financière à laquelle font face les éditeurs de nouvelles traditionnels. Je suis le propriétaire d’un organisme de nouvelles numériques indépendant, Canadaland. Nous ne sommes pas en situation de crise financière. Nous employons 20 personnes à temps plein. Nous publions dans les deux langues officielles. Nous publions également des nouvelles dirigées par des Autochtones. Nous n’avons pas de contrats avec Meta ou Google.
Comme d’autres petits éditeurs de nouvelles numériques, nous avons trouvé une façon de prospérer en ligne.
Mais l’industrie de l’information connaît une crise qui a des répercussions sur nous; je pense qu’elle touche toutes les organisations de nouvelles au Canada. Nous n’en avons pas assez parlé. Je veux parler de la crise de la confiance.
Il y a de plus en plus de données probantes et de recherches : les recherches du Reuters Institute for the Study of Journalism de l’Université d’Oxford, l’indice CanTrust de Proof Strategies et la recherche sur l’opinion publique de Maru Public Opinion. Tous ces efforts visent à déterminer dans quelle mesure les Canadiens font confiance aux nouvelles traditionnelles. Ils ont tous constaté qu’elle n’a jamais été aussi peu élevée. De fait, pour la première fois, une majorité de Canadiens disent qu’ils ne font pas confiance aux nouvelles. Plus de 70 % affirment maintenant qu’ils évitent activement de consommer les nouvelles. Ce problème est particulièrement grave chez les jeunes Canadiens; ils forment le groupe le plus méfiant à l’égard des nouvelles.
Ces recherches confirment ce que je crois que les journalistes voient et vivent tous les jours : quelque chose de terrible est arrivé à notre relation avec le public, que nous essayons d’informer et de servir. Les gens ne nous font tout simplement pas confiance. En fait, ils sont de plus en plus critiques à notre égard et en colère contre nous. Ils peuvent même devenir violents et hostiles.
Notre réaction générale a été d’essayer de les corriger et de leur dire qu’ils ont tort de se méfier de nous. Nous les réprimandons et leur disons qu’ils sont mal informés. Ils sont peut-être paranoïaques ou ont été victimes de désinformation ou de théories du complot.
Si nous leur demandons pourquoi ils se méfient des nouvelles, ce que les journalistes devraient faire… nous devrions être curieux et poser des questions; ils vont répondre. Des chercheurs de l’Université d’Oxford leur ont posé la question, et 73 % des Canadiens ont répondu qu’ils ne croient pas que les nouvelles sont libres de l’influence des entreprises. C’est la principale raison pour laquelle ils ne font pas confiance aux nouvelles.
C’est tout à fait pertinent relativement à votre étude du projet de loi C-18, car, comme vous le savez, en prévision de ce projet de loi et sous la menace de celui-ci, deux grandes sociétés, qui sont elles-mêmes très problématiques en ce qui a trait à la confiance du public, ont commencé à financer certaines organisations de nouvelles, parce que ce projet de loi s’en venait. Lorsque les Canadiens ont demandé : « Combien d’argent a été donné aux nouvelles que je lis tous les jours? » et « Comment ces sociétés déterminent-elles quelles organisations en reçoivent et lesquelles n’en reçoivent pas? ». On leur dit que c’est un secret; ces réponses sont secrètes. Une fois que le projet de loi C-18 aura force de loi, chaque organisation de nouvelles admissible sera en mesure de conclure son propre accord secret avec Facebook et Google. Ce secret est un poison pour la confiance.
Canadaland s’est joint à plus de 100 autres éditeurs de nouvelles pour former une coalition d’éditeurs numériques indépendants. Nous vous avons proposé une solution à cette crise de la confiance. À quoi bon maintenir les nouvelles si tout le monde s’en méfie? Nous vous avons fait parvenir quelques propositions d’amendements au projet de loi C-18. L’un d’eux est un mécanisme de transparence qui donnerait aux Canadiens cette information secrète manquante. Si les nouvelles doivent être financées en partie par des plateformes technologiques, alors, au strict minimum, il faut donner aux Canadiens de l’information sur qui reçoit cet argent, combien chaque organisation de nouvelles en reçoit et pourquoi.
L’amendement que nous proposons normaliserait le financement pour toutes les organisations de nouvelles admissibles. Tout le monde recevrait le même montant par rapport à l’importance de ses dépenses éditoriales, pas par rapport à la masse salariale. Cela signifie que nous pourrions simplement dire au public combien chaque organisation reçoit, et nous pourrions lui assurer que nous n’avons pas à nous soucier de savoir si Facebook et Google aiment la couverture que nous faisons de leur plateforme. Si nous concluons des accords secrets avec Facebook et Google, il est raisonnable que le public se pose les questions suivantes : cet accord a-t-il une incidence sur la couverture que vous faites de ces plateformes, et allez-vous cesser de les critiquer si vous avez besoin de leur argent et que vous essayez d’obtenir le meilleur accord possible? Cet amendement nous éviterait d’avoir à nous soucier de ce qu’elles pensent, parce que tout le monde obtiendrait la même chose selon une formule universelle et équitable. Je pense que cette solution contribuerait énormément à rétablir la confiance à l’égard des médias canadiens et à préserver leur indépendance. Cela signifierait également que Google et Facebook ne seraient plus en mesure de choisir les gagnants et les perdants en faisant de bien meilleures offres à certaines organisations de nouvelles qu’à d’autres.
Un membre du comité — la sénatrice Simons — m’a dit qu’il était impensable que notre amendement soit apporté parce que le gouvernement estime que ce manque de transparence est une caractéristique du projet de loi et non un problème. Le ministre du Patrimoine canadien a fait l’éloge de ces accords secrets. Il les appelle des solutions axées sur le marché dans lesquelles le gouvernement — il est fier de le dire — n’a aucun rôle à jouer. À mon avis, il s’agit d’une fourberie. C’est une tentative de ne pas tenir compte de la responsabilité à l’égard du tort que ce projet de loi cause déjà en recourant à la manipulation et au sophisme.
Ces accords ne sont possibles que grâce au projet de loi C-18, ce qui rend le gouvernement responsable de l’incidence qu’il a sur la confiance du public envers les nouvelles. Prétendre le contraire est inférieur aux normes de tout le monde, et c’est bien moins que ce que les Canadiens méritent. Le libellé actuel de ce projet de loi consacre le secret au sujet de la façon dont les nouvelles canadiennes sont financées. Il rend permanentes les formules secrètes par lesquelles les entreprises privées déterminent la valeur de chaque éditeur de nouvelles. Il force les accords en coulisses, ce qui dissuade les entreprises de presse de critiquer Google et Facebook, d’enquêter sur ces plateformes et de les exposer. Il nous force à tenir nos propres lecteurs et auditeurs dans l’ignorance quant à savoir qui nous paie pour leur transmettre les nouvelles. Le projet de loi C-18 pourrait soutenir financièrement certains éditeurs de nouvelles, mais à quel prix?
S’il faut considérer qu’il est impensable d’adopter la solution que nous proposons pour remédier à ce manque de transparence, je vous exhorte à en trouver une autre qui donnera aux Canadiens une transparence de base, et je crois que vous avez la responsabilité de le faire.
Le président : Jen Gerson, journaliste indépendante, merci.
Jen Gerson, journaliste indépendante, à titre personnel : Bonjour, sénateurs. Je vous remercie de m’avoir invitée et je tiens également à vous remercier de la qualité du débat qui a eu lieu au cours de la séance d’aujourd’hui. Je m’appelle Jen Gerson, et je suis la cofondatrice de The Line et l’un des enfants terribles connus des médias canadiens. Je dirige avec mon cofondateur, Matt Gurney, un site Web de commentaires basé sur Substack. Nous sommes totalement indépendants. Nous n’avons conclu aucun accord avec Facebook ou Meta. Nous sommes entièrement financés par les abonnés, nous sommes satisfaits du niveau de croissance que nous avons observé jusqu’à maintenant, et nous envisageons même d’étendre la portée de nos activités. Comme Jesse Brown, nous n’avons pas besoin de financement gouvernemental supplémentaire pour nous aider à maintenir notre croissance ou à joindre les Canadiens.
Je commencerai simplement à exposer les problèmes que me pose ce projet de loi en soulignant que je suis d’accord avec tout ce que M. Brown vient de dire, sauf que je suis encore plus intransigeante que lui. Je pense que le projet de loi est fondamentalement, conceptuellement imparfait, et je suis désolée de soulever le problème devant le Sénat à ce stade tardif, mais je ne suis pas certaine que des mesures de transparence, auxquelles je souscris, ou des amendements puissent le régler. Fondamentalement, ce projet de loi n’a rien de local ou de collaboratif. De toute évidence, il est le fruit d’une série de collaboration et de discussions entre des groupes de pression qui étaient plus ou moins dominés par les joueurs traditionnels et le gouvernement.
S’il s’était vraiment agi d’un effort de collaboration locale, le projet de loi C-18 ne ressemblerait pas à cela. Il aurait prévu des mesures de transparence. Le CRTC n’aurait rien à voir là‑dedans, et les mesures ressembleraient probablement davantage à une imposition directe des médias numériques qui serait ensuite redistribuée aux médias indépendants et traditionnels selon une sorte de formule très transparente et facile à publier.
Le fait est que nous ne voyons pas cela. Au contraire, nous voyons une sorte de deuxième mouture bâclée du modèle australien, qui nous dit qui exerce des pressions en ce sens. Par exemple, nous savons que, depuis une dizaine d’années, de nombreux médias traditionnels se plaignent du fait que Google et Facebook volent leur contenu et leur valeur. Avec tout le respect que je vous dois, si ce contenu avait la moindre valeur pour ces gros joueurs traditionnels, ils n’auraient pas besoin d’un projet de loi pour en extraire la valeur.
Si ce contenu avait de la valeur pour des organisations comme Facebook et Google, elles seraient prêtes à s’engager dans des solutions véritablement axées sur le marché en s’engageant directement auprès de ces sociétés. Aucun projet de loi ne serait nécessaire. Le fait qu’il en ait fallu un pour forcer ces entreprises à conclure ces accords nous indique que la véritable valeur qu’elles voient réside dans l’évitement de la loi, pas dans le contenu en soi.
Voilà qui me donne le meilleur scénario possible avec l’accord qui est présenté. Le meilleur des scénarios que l’on puisse tirer de cet accord, c’est un système qui… franchement, je crois que les organisations traditionnelles bénéficieraient de façon disproportionnée d’accords largement secrets avec les sociétés. Elles dépendraient de plus en plus du succès de celles-ci et, comme nous l’avons vu, certaines de ces sociétés se retireront complètement de l’écosystème médiatique.
Des témoins précédents vous ont dit que, même si Meta donnait suite à sa menace de supprimer tout le contenu de sa plateforme, elle pourrait ne perdre que 1 million de dollars, ce qui ne serait pas très grave pour elle. Eh bien, évidemment que non. Ce ne serait pas grave pour les joueurs titulaires, éventuellement, de perdre Facebook comme modèle de distribution. Permettez-moi de vous dire pour qui ce serait grave : les médias indépendants, ceux en démarrage et ceux qui tentent d’édifier leur marque sur le marché. La raison en est que les petits médias indépendants dépendent de façon disproportionnée des médias sociaux pour édifier l’image de marque, se constituer un auditoire et faire passer un réseau. Afin de préserver, encore une fois, l’accès des organes de presse traditionnels à la distribution et au public, vous êtes peut-être prêt à retirer les outils les plus puissants dont disposent les petits médias comme outil qui pourrait leur permettre de développer d’autres systèmes.
La dernière chose que je voudrais signaler, c’est que je pense que le statu quo n’est pas adéquat. Le type de financement que vous espérez offrir aux médias traditionnels sera versé en grande partie à des entreprises qui ont déjà démontré qu’elles sont prêtes à réduire les coûts, à procéder à des mises à pied massives et à réduire la quantité de rapports de qualité qu’elles produisent. Je conteste fermement l’idée que les grands médias traditionnels produisent du contenu de grande qualité et que ce contenu soit mélangé avec le fond de contenu qui n’est pas de qualité. Allez voir la plupart des publications de Postmedia aujourd’hui, et dites-moi laquelle consacre des ressources importantes au type de contenu de grande qualité qu’elle doit produire, puis comparez-la à ce qu’elle produisait il y a 10 ans. Le fait de continuer à donner de l’argent à des entreprises en difficulté pour qu’elles fassent ce qu’elles continueront de faire, qui suppose une réduction des capitaux destinés à des types d’investissement de qualité dans le journalisme à laquelle elles ont déjà démontré qu’elles sont disposées à procéder, n’est pas une solution gagnante.
Si le gouvernement doit intervenir dans ce dossier, il existe tellement de mécanismes meilleurs et plus transparents dont il pourrait se servir pour ce faire. Je ne vois pas en quoi la création de cette structure incitative particulière est viable à long terme ou souhaitable pour régler les problèmes de confiance, et je ne pense pas non plus, pour parler franchement, que ces mesures fonctionneront.
Le président : Merci beaucoup. Notre prochain témoin est Jeff Elgie, chef de la direction de Village Media.
Jeff Elgie, directeur général, Village Media : Mesdames et messieurs les membres du comité, bonjour et merci de m’accueillir aujourd’hui. Permettez-moi de me présenter brièvement. Je suis chef de la direction de Village Media. Notre siège social se trouve à Sault Ste. Marie, en Ontario. Nous avons commencé par la publication d’une nouvelle locale et deux journalistes il y a à peine 10 ans. Aujourd’hui, nous possédons et exploitons 25 publications de nouvelles en Ontario et employons 145 Canadiens, dont environ 90 dans nos salles de nouvelles. Notre plus récent site, The Trillium, est l’un des plus grands bureaux de presse qui couvre l’Assemblée législative de l’Ontario.
Sur nos sites, vous trouverez un recueil riche et varié de reportages locaux qui aident les gens à s’y retrouver dans leur vie quotidienne, des écoles au conseil municipal, des hôpitaux aux patinoires de hockey, des salles d’audience aux défilés communautaires. Au-delà des nouvelles de l’heure, nos sites approfondissent également les enjeux sérieux qui touchent nos villes natales, dont la santé mentale, la toxicomanie, les changements climatiques et la pauvreté. L’accès est entièrement gratuit. L’accès à nos publications n’est pas payant, principalement grâce à l’appui solide d’annonceurs locaux.
Notre mission est de renforcer les collectivités que nous servons. En plus d’exploiter des sites de nouvelles locales, Village Media a mis au point une technologie à l’interne, une plateforme qui gère maintenant nos propres publications ainsi que celles de Glacier Media, de Dougall Media, de Great West Media et bientôt de Black Press Media. À pareille date l’an prochain, notre plateforme d’édition canadienne alimentera 150 publications canadiennes et 50 autres publications internationales.
Je comparais devant vous aujourd’hui en tant qu’éditeur de nouvelles et entrepreneur qui examine cette industrie d’un point de vue différent de celui de bon nombre de nos pairs. Notre entreprise est née du numérique et a grandi avec Google et Facebook.
L’argument que j’espère faire valoir aujourd’hui est très direct. Nous croyons fermement que le projet de loi C-18 pose des problèmes fondamentaux qui, au lieu d’aider notre industrie, pourraient lui nuire considérablement. La prémisse initiale du projet de loi était que les grandes plateformes technologiques prennent notre contenu sans notre consentement. Ce n’est pas une représentation exacte de notre relation. Chacun d’entre nous a la capacité d’empêcher Google d’accéder à nos sites en tout temps, tout comme nous avons la capacité de simplement cesser de publier notre contenu sur Facebook. Cependant, nous ne le faisons pas, parce que nous profitons grandement du trafic vers nos sites que nous sommes en mesure de monétiser et de nous constituer de nouveaux auditoires et des abonnés que nous aurions autrement du mal à joindre. Ces plateformes sont la meilleure passerelle d’accès aux nouvelles que nous ayons trouvée, et nous avons fait l’essai d’un grand nombre. Aujourd’hui, ensemble, Google et Facebook génèrent près de 50 % de notre trafic de façon continue. Ce n’est pas seulement notre cas à nous. Vous trouverez des chiffres semblables pour l’ensemble de notre industrie, qu’il s’agisse de médias traditionnels ou nouveaux.
Cela dit, nous reconnaissons que le gouvernement veut adopter ce projet de loi. Bien que le fait de recommencer à zéro soit la solution la plus attrayante à nos yeux, nous comprenons que la plus réaliste serait peut-être d’amender le projet de loi de façon appropriée. Je suis d’accord avec un certain nombre de mes collègues, y compris ceux du présent groupe de témoins, et avec la position que nous avons présentée collectivement en tant que groupe indépendant d’éditeurs de nouvelles en ligne.
À titre de précision, je conviens que Google et Facebook tirent une part importante des revenus publicitaires du marché canadien. Dans le passé, ces revenus publicitaires se retrouvaient dans les poches des entreprises médiatiques, qui s’en servaient en partie pour financer le journalisme. Afin de nous assurer qu’il existe toujours un lien entre les dollars publicitaires canadiens et le journalisme canadien, nous croyons qu’il est raisonnable que ces entreprises aident à soutenir l’industrie dans l’avenir. Je ne pense pas qu’elles soient en désaccord.
Alors, nous sommes d’avis qu’une formule de financement universelle et transparente corrélée aux dépenses journalistiques représente la solution la plus efficace. Sous sa forme actuelle, le projet de loi C-18 a le potentiel de favoriser les gros joueurs, sans égard aux dépenses journalistiques, et de susciter de l’hostilité dans l’industrie en raison de la possibilité que des accords secrets soient négociés. Il représente le contraire du message qui a toujours été envoyé dans ce dossier... créer des règles du jeu équitables. Le problème a en fait déjà été créé.
Village Media est l’une des entreprises qui ont eu la chance de signer des accords de licence de contenu avec Google et Facebook. Je comparais donc devant vous aujourd’hui, avantagé par une source de revenus dont beaucoup de mes pairs ne bénéficient pas. Pourquoi laisserions-nous le projet de loi C-18 ouvert à la possibilité que cette situation puisse persister?
Or, il y a aussi un résultat bien pire dont nous devons tenir compte. Si Facebook se retire des nouvelles au Canada, comme ses représentants l’ont laissé entendre, cela aura un effet dévastateur sur l’écosystème des nouvelles numériques du pays. Comme je l’ai mentionné plus tôt, Google et Facebook sont les meilleures rampes d’accès à nos sites de nouvelles locales. En l’absence de l’une ou de l’autre, le lancement durable de nouveaux sites ou même le maintien de sites récemment lancés pourraient ne plus être possibles. Pire encore, les Canadiens ne seront plus exposés aux nouvelles dans cet environnement. À une époque où le taux de participation aux élections n’a jamais été aussi bas et où nous pouvons nous attendre à être inondés d’infâmes informations produites par des technologies comme l’intelligence artificielle générative, le fait que les journalistes canadiens ne se feront plus entendre dans ces environnements pourrait être dommageable pour la société.
Au cours de ses 10 années d’activité, Village Media a amorcé chaque année avec l’espoir d’une croissance et d’une durabilité continues. Nous sommes rentables, et nous réinvestissons nos profits en prenant de l’expansion dans de nouvelles collectivités et en agrandissant nos salles de nouvelles. Toutefois, récemment et pour la toute première fois, notre entreprise a suspendu presque toutes les embauches et tous les plans de lancement dans de nouvelles collectivités. Le projet de loi C-18 risque de compromettre nos progrès. Je vous demande respectueusement de l’examiner très attentivement. Merci.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : C’est une question qui s’adresse à Mme Gerson. Je vous ai écoutée attentivement. Je comprends, comme tout le monde, l’angoisse de l’inconnu qui s’en vient et le fait que vous soyez inquiète. Par ailleurs, il me semble que vous êtes un peu dichotomique dans votre analyse. S’il y avait une valeur dans les médias traditionnels, pourquoi les plateformes ne la verraient-elles pas et ne négocieraient-elles pas? C’est ce que vous dites. Cela donne beaucoup de crédit à Google. En général, les entreprises ne veulent pas forcément partager les revenus. Vous semblez dire aussi que tous les médias traditionnels sont des dinosaures et qu’ils ne sortent pas de nouvelles. On peut certainement dire que, parmi les petits et les grands médias traditionnels, il y a de meilleurs médias et de moins bons médias sur le plan du journalisme. Il me semble que votre analyse est faussée, dans la mesure où il y a des médias traditionnels qui contribuent à l’intérêt public.
[Traduction]
Mme Gerson : Merci beaucoup de poser cette question. Essentiellement, je suis d’accord avec vous. Je n’ai aucune objection ni aucun problème particuliers à ce qu’une entreprise privée négocie avec une entreprise privée une entente mutuellement avantageuse. Si Google, Facebook ou n’importe laquelle de ces entreprises de technologie estime qu’elles devraient participer entre elles à des négociations sans médiation afin de partager du contenu ou quoi que ce soit d’autre, comme nous l’avons vu, ces ententes ne relèvent pas du gouvernement. Dans ce genre de situation, où les deux parties voient la valeur, il est inutile de légiférer. Voilà le problème.
Si ces entreprises négocient avec des entreprises privées dans le but de conclure des accords de licence de contenu, tant mieux; le gouvernement n’a pas besoin d’intervenir. Toutefois, si ces entreprises ne négocient qu’avec des entreprises privées parce qu’elles craignent le projet de loi C-18, elles ne négocient pas en fonction d’une valeur convenue d’un commun accord; elles le font parce qu’elles veulent éviter la loi. La valeur n’est inhérente qu’au pouvoir que le gouvernement peut utiliser pour créer un effet de levier en faveur des entreprises médiatiques. Or, le fait que vous pensiez que c’est une bonne ou une mauvaise chose dépend de votre point de vue. Personnellement, je ne pense pas que ce soit l’idéal. Selon moi, la création d’un environnement captif où les médias dépendent du gouvernement pour forcer les entreprises à générer de la valeur pour elles ne créera pas un environnement sain et riche en confiance pour les entreprises, les auditoires, les médias ou le gouvernement. Je pense que, sur le plan philosophique, c’est une situation où tout le monde est perdant.
Quant à l’autre point que vous avez soulevé et que j’ai trouvé très pertinent, le simple fait qu’il y a des perdants dans les médias ne signifie pas qu’il y a une défaillance du marché. Il y aura des gagnants et des perdants; c’est un environnement concurrentiel. Il y aura de petites entreprises qui ne pourront pas tenir le coup. Il y aura de grandes entreprises qui y arriveront. Je pense que nous avons constaté clairement que les entreprises qui investissent dans la qualité, qui ont de bonnes relations avec leur public et qui adaptent l’échelle adéquatement à ce qu’elles espèrent réaliser ont tendance à connaître beaucoup de succès dans les médias.
Il existe un modèle de réussite. N’oublions pas que bon nombre des échecs ou des effondrements que nous observons sont le résultat de mauvaises décisions d’affaires et d’une mauvaise vision découlant de nombreuses années de pratiques d’affaires épouvantables. Selon moi, le fait d’intervenir pour sauver bon nombre de ces entreprises en leur imposant des mesures législatives de ce genre est un problème de risque moral. Le projet de loi ne fera que continuer de les récompenser pour de mauvaises pratiques commerciales qui feront toujours passer le journalisme en dernier.
La sénatrice Wallin : Merci. J’ai une brève question qui s’adresse à Jesse Brown.
Lorsque vous avez parlé, au début, de susciter davantage de méfiance à l’égard des médias à cause du problème de l’influence des sociétés, votre préoccupation était-elle la même en ce qui concerne le financement direct du gouvernement au cours des dernières années? Ce financement a-t-il alimenté ce problème ou y a-t-il contribué également?
Je présume que votre position est qu’il vaut mieux ne rien inclure de tout cela de si nous le pouvons, car, que le financement provienne d’une société ou du gouvernement, il mine la réputation.
M. Brown : Oui, je crois que le financement gouvernemental a contribué à l’érosion de la confiance, et la recherche le confirme. Les niveaux diminuaient, mais ils ont commencé à diminuer beaucoup plus rapidement une fois que le financement gouvernemental est devenu disponible.
Canadaland n’accepte pas de subventions gouvernementales destinées aux médias.
En tant que propriétaire, je suis en train d’examiner le paysage. Ma position initiale était que toutes ces choses sont une menace à l’indépendance et aux niveaux de confiance, mais, comme Mme Gerson l’a souligné, l’iniquité dans les règles du jeu a déjà été établie. Il ne s’agit pas d’une hypothèse. Google et Facebook ont déjà choisi qui gagne et qui réussit. Ce sont non seulement les plus grandes entreprises médiatiques qui ont reçu la plus grande partie de l’argent, mais aussi celles qui utilisaient leurs pages éditoriales pour dénigrer les géants de la technologie. Certaines de ces critiques ont cessé maintenant que les accords sont conclus. C’est un précédent très dangereux.
Toutes ces choses contribuent à ce que le public se pose des questions très légitimes, et je crois qu’il s’agit d’une érosion légitime de la confiance.
En tant que propriétaire d’entreprise, je dois agir de façon réaliste et pragmatique. Ces subventions aux médias sont disponibles. Elles arment nos concurrents et leur permettent de nous faire concurrence. De fait, ils utilisent ces subventions pour embaucher nos employés et lancer des produits rivaux qui font directement concurrence à Canadaland sur le marché de la baladodiffusion, que notre entreprise a lancé au Canada.
Nous souffrons déjà des inégalités que ces mesures ont créées. Ce que j’essaie de faire maintenant, et c’est la raison pour laquelle je me suis joint à une coalition d’autres éditeurs indépendants de nouvelles numériques, je le fais dans un esprit de compromis; si ce projet de loi doit être adopté, que cela me — ou nous — plaise ou non, il devrait être le plus juste et le plus transparent possible.
La sénatrice Wallin : Madame Gerson, qu’il s’agisse de financement gouvernemental forcé, de financement gouvernemental existant, ou de financement privé forcé, comme le ferait ce projet de loi — je pense que je paraphrase Jesse Brown en tenant ces propos —, ce financement pourrait mener à l’autocensure. Nous le constatons déjà.
Mme Gerson : Oui, tout de ce projet de loi est un désastre. Toute forme de financement gouvernemental destiné aux médias faisant en sorte que le marché médiatique tout entier dépend, dans une certaine mesure, de mesures législatives ou du financement gouvernemental nuira intrinsèquement non seulement à la confiance à l’égard des médias, mais aussi aux médias eux-mêmes. C’est un produit corrosif et toxique. Je suis certaine que les écoles de commerce ont un mot pour désigner ce phénomène.
Mais, comme Jesse Brown l’a fait remarquer, lorsque nos concurrents sont tous en train de récolter les subventions, il faut être concurrentiel. Même les entreprises qui, sur le plan philosophique, s’opposeraient à toute forme d’aide à cet égard ont l’impression qu’elles doivent commencer à accepter l’argent provenant de ces programmes et de ces systèmes simplement pour pouvoir livrer concurrence à leurs concurrents. Encore une fois, c’est quelque chose d’absolument étouffant à faire. Cette situation rend les entreprises en démarrage presque impossibles et l’innovation très difficile.
C’est un mauvais système.
Si vous me demandiez personnellement de concevoir un système qui s’attaque aux problèmes liés à la méfiance envers les médias et au manque de couverture dans les collectivités, je ne le ferais pas au moyen du moindre mécanisme de financement; je le ferais dans le cadre d’un examen général du mandat de la SRC. J’adopterais une approche tout à fait différente à cet égard, et il ne s’agirait pas du tout de financement gouvernemental ou de législation.
La sénatrice Simons : Je tiens à remercier tous nos témoins, en particulier Mme Gerson, qui, comme moi, s’est couchée tard pour connaître les résultats des élections en Alberta hier soir.
J’aime beaucoup Canadaland et The Line — et je consomme très régulièrement ces deux produits —, mais c’est le modèle de M. Elgie qui me fascine. Il y a tant de lacunes sur le plan de la couverture de l’actualité locale dans les médias. Un site de commentaires comme The Line ne peut pas faire cela de la même façon. Je suis donc ravie d’entendre parler de vos succès.
Ma question s’adresse à vous tous. Pouvez-vous quantifier l’incidence qu’aurait sur vos entreprises la décision de Google et de Facebook de tout simplement bloquer votre contenu et d’empêcher les gens de le partager?
Je ne me suis pas encore remise des propos de M. Crawley, du Globe and Mail, qui nous a dit ici que son entreprise paie Google et Meta pour le partage de son contenu, tout en soutenant par ailleurs que Google et Meta lui volent son contenu. Quelle proportion de votre trafic provient de Google, de Facebook et d’Instagram, et qu’arriverait-il si ces entreprises bloquaient tout simplement l’accès des Canadiens à vos produits?
M. Elgie : Je pourrais peut-être répondre en premier. Je vous remercie de la question.
Comme je l’ai mentionné dans mon allocution, Google et Facebook représentent plus de 50 % de notre trafic. Google représente de 30 à 35 % environ, et Facebook, à peu près 17 % en date d’hier, selon le marché. La perte de ce trafic signifierait la fin de l’entreprise. On ne peut pas perdre 50 % de notre stock dans un secteur où la marge de profit n’est pas élevée. Notre entreprise est rentable, mais vu la marge, nous ne pouvons pas nous permettre de perdre 50 % de notre trafic.
Je ne suis pas convaincu que Google délaisserait complètement l’industrie, mais je crois que Facebook est prêt à mettre sa menace à exécution. Si c’est le cas, nous perdrons environ 17 % de notre trafic, comme je l’ai mentionné. Cela n’aura pas un effet dévastateur sur notre entreprise. Nous allons survivre à cela. Cependant, je crois que cela va anéantir d’autres entreprises, surtout les nouvelles entreprises numériques.
De plus, comme je l’ai déjà mentionné, cela empêchera le lancement fructueux de nouveaux sites communautaires. Facebook a toujours été l’un des meilleurs canaux que nous puissions utiliser pour pénétrer un nouveau marché en faisant la promotion de notre contenu et en créant une communauté d’adeptes. Et oui, nous les payons aussi; nous les payons pour être présents sur leur plateforme en raison des avantages que cela nous rapporte. Merci.
Mme Gerson : Je vais répondre en deuxième. Vous êtes bien aimable, Paula Simons. Je vous remercie de votre question.
Pour ce qui est de The Line, notre modèle est fondé sur les abonnements sur Substack. Nous avons délibérément tenté de réduire notre dépendance à l’égard des médias sociaux externes précisément pour cette raison. Nous avons cessé de publier du contenu sur Facebook parce que nous savons que Facebook peut le retirer. Ce n’est donc pas une forme de croissance fiable.
Tous ceux qui sont dans les médias depuis un certain temps, en particulier dans le numérique, savent que leur existence tient à l’algorithme. Les organisations médiatiques dépensent beaucoup d’argent, et des équipes complètes se consacrent au référencement naturel — ou optimisation pour les moteurs de recherche —, en plus de passer beaucoup de temps à essayer d’optimiser la génération de trafic à partir de diverses sources. Nous savons tous que si, quelque part en Californie, quelqu’un modifie l’algorithme, ce travail sera entièrement réduit à néant, et il faudra tout recommencer à zéro. C’est un problème constant que connaissent les médias.
Cela ne serait pas dévastateur pour nous. Mais je vais dire deux choses. Lorsque je travaillais pour la version numérique du National Post, une étonnante proportion du trafic provenait non pas de Facebook, de Reddit ou d’une autre plateforme de ce genre, mais directement de la page d’accueil. Je ne veux même pas me risquer à une approximation à ce moment-ci, mais à brûle-pourpoint, je dirais que presque tout le trafic provenait de la page d’accueil, puis les gens se dirigeaient ensuite ailleurs, ce qui signifie que la plupart d’entre eux choisissent leurs produits médiatiques par habitude. Un environnement où les médias sociaux ne diffusent pas de liens — ou pas de liens vers des nouvelles — procure un avantage extraordinaire aux acteurs établis, car les gens se dirigeront vers le Globe and Mail, le National Post, le Calgary Herald et tous les médias de ce genre qu’ils connaissent déjà…
Le président : Je déteste interrompre les gens, mais je dois malheureusement le faire. Nous avons largement dépassé les quatre minutes. Nous devons passer à quelqu’un d’autre.
Le sénateur Cormier : Mes questions s’adressent à M. Brown, de Canadaland.
[Français]
Dans un communiqué que vous avez fait paraître le 31 mai 2022, vous avez identifié la situation problématique selon laquelle plusieurs petites entreprises de médias en démarrage ne seraient pas admissibles au projet de loi. Un amendement a été adopté à l’autre endroit pour assurer l’admissibilité des entreprises de médias qui emploient deux journalistes, dont l’un peut être le propriétaire du média ou un associé. À votre avis, cet amendement assure-t-il l’admissibilité des petits médias en démarrage?
Je poursuis tout de suite avec ma deuxième question, qui fait suite à la première. Le Consortium des médias communautaires de langue officielle en situation minoritaire a mentionné au comité que plusieurs petits médias comptent presque uniquement sur des journalistes pigistes, ce qui les empêcherait d’être qualifiés de médias admissibles, conformément aux conditions actuelles du projet de loi. À votre avis, devrions-nous considérer un amendement qui prendrait davantage en compte la réalité des petits médias qui reposent sur les journalistes pigistes?
[Traduction]
M. Brown : Merci beaucoup de votre question. Elle est excellente. J’ai été heureux d’apprendre l’adoption — grâce à un compromis — de l’amendement visant à rendre admissibles les salles de nouvelles comptant deux employés et à éliminer l’exigence relative au lien de dépendance. Une bonne partie de ce que nous voyons, ce sont des innovateurs et des entrepreneurs qui risquent leur propre argent, et certains d’entre eux sont des journalistes mis à pied par des médias traditionnels. Il s’agit parfois d’équipes formées d’époux ou de gens qui ont un lien de parenté. Il est ridicule de les exclure pour cette raison.
Je suis heureux de voir que d’autres petites organisations de presse auront accès à cela, mais ce n’est toujours pas suffisant. Si vous examinez concrètement ce qui fonctionne et ce qui a du succès, à ce stade-ci, vous constaterez qu’il y a des centaines d’exemples de réussite qui ne figurent pas dans le récit de la crise et de l’échec. Le modèle qui fonctionne, c’est celui de la microsalle de nouvelles. Souvent, il s’agit d’un journaliste qui ne travaille pas nécessairement à temps plein, qui travaille à son compte et qui fait appel à des pigistes.
Par définition, les entreprises en démarrage sont exclues du projet de loi et de l’ensemble des mécanismes de financement, car une entreprise en démarrage est quelque chose qui démarre, et pour accéder à ces mécanismes de financement, il faut être en activité depuis un certain nombre d’années avant d’atteindre le stade de l’admissibilité.
Je comprends qu’il y ait des inquiétudes quant au fait de laisser entrer les mauvais acteurs, et nous revenons à la question épineuse de savoir ce qu’est une vraie nouvelle et ce qu’est une fausse nouvelle, mais le critère fondé sur la taille de l’organisation médiatique n’a rien à voir avec la qualité de l’information publiée. Oui, cela dissipe l’un des grands espoirs, à savoir que les journalistes puissent trouver des moyens d’offrir leurs services au public, mais pas nécessairement des moyens qui remplissent les critères très précis qui sont énoncés dans le projet de loi C-18. D’autres amendements seraient les bienvenus et auraient un impact énorme.
Le sénateur Cormier : Merci, monsieur.
Le sénateur Cardozo : J’aimerais que nous prenions tous un peu de recul. Cette conversation est vraiment très intéressante, et elle donne à réfléchir. Pourriez-vous nous faire part de vos réflexions en tant que représentants de gens qui sont en première ligne des médias électroniques? D’après vous, quelle sera la situation des médias canadiens, disons, dans 10 ou 20 ans, que nous adoptions ou non le projet de loi C-18? Votre type d’organisation représente-t-il le modèle d’avenir? Les anciens médias disparaîtront-ils? Vos médias ont-ils quelque chose de différent? Pourriez-vous vous retrouver avec des joueurs aussi gros et aussi forts que vous qui s’adonnent véritablement à la désinformation? Est-ce que cela fait partie de la bataille que vous allez mener dans les années à venir? Pouvez-vous me dire comment vous entrevoyez les 20 prochaines années? Nous pourrions peut-être commencer par Jen Gerson, et passer ensuite à Jesse Brown et Jeff Elgie.
Mme Gerson : Les médias dans 20 ans? Aucune pression. Je ne pense pas que le projet de loi C-18 permettra de préserver les médias dans leur état actuel ni de leur assurer un avenir marqué par l’innovation et la durabilité. Indépendamment du projet de loi C-18, le marché canadien des médias dépendra beaucoup plus de la capacité de la SRC de combler le vide laissé par l’effondrement du marché privé. Je pense que M. Brown avait raison de dire que d’importantes perspectives s’ouvriront pour les microsalles de nouvelles, c’est-à-dire celles dirigées par une ou deux personnes. Je pense que l’intelligence artificielle va jouer un rôle dans les médias. Par exemple, une ou deux personnes pourraient gérer une quantité très importante de contenu avec l’aide de la génération par intelligence artificielle, si elles l’exploitent de façon appropriée et correcte.
Disons que vous êtes dans une petite ville comme Medicine Hat, en Alberta. Sur le plan médiatique, un tel marché ne peut plus faire vivre un journal, mais une ou deux personnes qui possèdent de l’expérience en journalisme et qui utilisent l’intelligence artificielle pourraient générer du contenu en fonction de la dernière réunion du conseil municipal, des résultats de basketball de l’école secondaire ou de la météo. Avec l’aide d’outils de génération par intelligence artificielle, je pense que nous sommes très près de pouvoir produire des quantités considérables de contenu pour les petites collectivités et les communautés de lecteurs de taille relativement petite. C’est peut-être une façon optimiste de voir les choses.
Mais je crois que le fait de fonder nos espoirs sur une sorte de renouveau… oh, et ensuite, bien sûr, il y aura de grands médias nationaux. Je ne pense pas que le Globe and Mail va disparaître, mais je ne miserais pas sur l’idée que Postmedia représente l’avenir.
Le sénateur Cardozo : Merci.
M. Brown : Je suis d’accord avec presque tout ce qui a été dit. Il n’y a aucune solution crédible qui permettrait à Postmedia d’assurer sa survie. Postmedia n’a rien proposé. Je couvre les médias. Postmedia semble être dans un état d’immolation contrôlée. Je m’attends à une faillite dans les années à venir. Je ne vois pas comment Torstar s’en sortira.
Je pense qu’un modèle comme celui du Globe and Mail, qui est soutenu par des milliardaires et qui offre énormément de journalisme de grande qualité, pourrait survivre. Mais, en général, on revient aux principes de base. Les modèles d’abonnement. Pour revenir à la question de la sénatrice Simons, ce sont ceux d’entre nous qui ne dépendent pas des géants de la technologie et qui ne construisent pas une maison sur des fondations instables, sur un algorithme qu’ils ne contrôlent pas. Les bulletins et les balados permettant au public de soutenir directement le secteur de l’information et l’absence d’intermédiaire vont jouer un grand rôle, et je pense que les abonnements primeront sur la publicité, qui est très à la merci des conditions économiques.
Je pense que la SRC aura un rôle fondamental à jouer à cet égard, mais il est essentiel qu’elle cesse de concurrencer d’autres organes de presse, qu’elle tente activement de détruire. Au contraire, je sais que Jeff Elgie a proposé quelque chose qu’on propose depuis de nombreuses années, à savoir que le contenu de la SRC devienne accessible à d’autres éditeurs sous licence Creative Commons, afin que d’autres puissent utiliser ces médias financés par l’État pour contribuer à la création de nos produits d’information. Et il faudrait la retirer complètement du secteur de la publicité concurrentielle.
Le sénateur Cardozo : Jeff Elgie, avant que je ne sois interrompu, pourriez-vous faire un bref commentaire?
M. Elgie : Merci. De mon point de vue, je vois à quoi ressemblera l’avenir des nouvelles. Dans certaines de nos communautés, plus de 40 % des adultes nous visitent chaque jour ou plusieurs fois par jour. Nous constatons une renaissance ou un retour du modèle du journal quotidien que les gens consultent non seulement pour les nouvelles, mais aussi pour les petites annonces, la météo, les événements, les notices nécrologiques, etc.
Mais c’est un secteur difficile. Avec tout le respect que je dois à mes homologues et à mes collègues de l’industrie de la presse écrite, nous avons l’avantage d’être nés dans le numérique, comme je le dis toujours. Nous ne pensons qu’à cela. Nous ne faisons rien d’autre. Nous pensons à cela en ce qui concerne le public. Nous pensons à cela en ce qui concerne notre produit, notre façon de développer nos produits commerciaux, notre façon de former nos équipes de vente, etc.
C’est un travail ardu. Nous travaillons très fort depuis 10 ans, mais c’est un modèle rentable. Dans la plupart de nos communautés, nous employons plus de journalistes que nos pendants de la presse quotidienne ou hebdomadaire, et les choses s’améliorent à mesure que nous nous améliorons. Je pense que le modèle numérique a un avenir prometteur, mais il faudra du temps pour que certains éditeurs de médias imprimés se transforment et que d’autres nouveaux éditeurs prennent leur place, dans certains cas.
Le sénateur Cardozo : Merci.
Le sénateur Harder : Ma question s’adresse à Jeff Elgie. Certains de vos collègues ont soulevé des questions au sujet de l’autocensure et de la possibilité que le financement de Google puisse exercer une telle influence. Vous recevez vous-mêmes du financement de Google. Vous autocensurez-vous?
M. Elgie : Merci, sénateur. Dans notre cas, ce n’est pas vraiment pertinent. Nous ne couvrons tout simplement pas au jour le jour ce que font Google ou Facebook. Nos nouvelles sont fortement axées sur les collectivités locales, de sorte que le financement n’exercerait aucune influence sur nos rédacteurs en chef et nos journalistes.
Le sénateur Harder : J’ai une question complémentaire, monsieur Elgie. Vous adoptez souvent votre modèle d’affaires dans des collectivités où les médias locaux ont disparu, fait faillite ou fermé leurs portes. De toute évidence, ce genre de situation vous a donné l’occasion, à Guelph, par exemple, de prendre de l’expansion. Vu votre manque d’enthousiasme à l’égard de ce projet de loi, est-il juste de dire que votre modèle d’affaires dépend d’un nouvel effondrement des médias dans les petites villes, ce que garantirait justement le report du projet de loi?
M. Elgie : Je m’excuse, sénateur. Pourriez-vous répéter la question, s’il vous plaît?
Le sénateur Harder : [Difficultés techniques] fonctionne, essentiellement, surtout dans les collectivités où il n’y a plus de petits journaux locaux. Je pense au Guelph Mercury, par exemple. Vos ambitions d’expansion dépendent, dans une certaine mesure, de la disparition continue des petits journaux locaux.
Le projet de loi C-18 pourrait ralentir un tel processus. Est-ce la raison pour laquelle vous vous opposez au projet de loi C-18? Parce que, en fait, votre modèle d’affaires dépend de la disparition continue des petits journaux locaux?
M. Elgie : Merci de votre question.
Je tiens à préciser que nous ne célébrons pas la disparition des quotidiens et la perte d’emplois en journalisme, mais c’est néanmoins une réalité. Lorsqu’un quotidien ferme ses portes, l’endroit en question tend à devenir l’un de nos meilleurs marchés. Guelph est un exemple, tout comme Orillia et Barrie. C’est parce qu’il y a un vide et que l’habitude est là.
À part mes préoccupations en matière de transparence, le problème avec le projet de loi C-18 tient au fait que, si Facebook se retire du milieu, et bien, c’est l’un des meilleurs moyens que nous avons utilisés dans le passé pour nous faire connaître des communautés. C’est une méthode très efficace qui mise sur les habitudes des consommateurs de nouvelles locales. Donc, pour ce qui est de l’expansion dans de nouveaux marchés, c’est un élément important de notre stratégie opérationnelle. Tant que nous n’aurons pas vu ce qui se passe et tant que nous n’aurons pas examiné la question, la situation nous porte à réfléchir.
La sénatrice Dasko : Ma première question s’adresse à M. Brown.
En ce qui concerne votre analyse du déclin de la confiance, en tant que spécialiste des sondages depuis plus de 30 ans, j’ai constaté que la confiance à l’égard de nombreuses institutions a diminué, et pas seulement les médias. J’attribuerais cette tendance en partie au fait que la déférence à l’égard des personnes en position d’autorité a diminué, alors je pense qu’il y a là une autre analyse à effectuer. Mais c’est un sujet pour un autre jour.
Cependant, l’influence des entreprises peut être problématique, qu’elle soit liée ou non à la perte de confiance, alors je veux revenir sur vos commentaires à cet égard. J’aimerais que vous nous disiez quelles seraient, selon vous, les répercussions si Meta et Google, en particulier, quittaient ce marché. Meta semble envisager sérieusement de partir. J’aimerais connaître votre opinion. Un tel départ vous toucherait‑il? Quelle incidence cette situation aurait-elle sur votre organisation? À votre avis, est-ce une bonne chose?
M. Brown : Nous devons reconnaître que Meta a déjà presque mis fin à sa distribution des nouvelles. Google a fait l’objet de beaucoup de manchettes défavorables parce que l’organisation a éliminé les nouvelles pour un certain pourcentage de Canadiens sans en parler à qui que ce soit jusqu’à ce qu’un journaliste le découvre; c’est un journaliste qui l’a découvert. Mais Meta a fermé les vannes, de telle sorte que, parmi les milliers de personnes qui ont demandé du contenu de Canadaland... Autrefois, nous publiions du contenu et les gens l’obtenaient sur demande. La part de notre auditoire que nous pouvons joindre par l’intermédiaire de Facebook est de plus en plus limitée, et si nous voulons joindre l’ensemble de notre auditoire, nous devons payer pour obtenir un tel accès; c’est ce à quoi M. Crawley faisait allusion plus tôt.
Nous en sommes au point où le retrait complet de ces organisations du secteur des nouvelles n’aurait pratiquement aucune incidence sur Canadaland. Je dirais que la dépendance des éditeurs de nouvelles à l’égard des grandes sociétés technologiques — et je comprends que beaucoup d’entre eux comptent beaucoup sur Facebook — a été désastreuse. Il y a des choses qui pourraient être améliorées; je pense que les mesures antitrust pourraient avoir une incidence positive. Mais j’estime aussi qu’il serait malavisé de fonder un plan d’affaires sur une seule plateforme, comme TikTok ou Facebook, parce qu’on a ainsi aucun contrôle. Il faut s’adresser directement à son auditoire pour le rejoindre.
Google est un autre dossier. Il est presque impensable que le Canada soit l’un des seuls pays au monde où les résultats d’une recherche pour trouver réponse à une question ou obtenir de l’information sur un sujet n’incluent pas de nouvelles. Je ne connais aucun autre pays occidental où c’est le cas. Nous verrons si l’organisation est sérieuse.
Encore une fois, alors que Jen Gerson a choisi de constituer son auditoire au moyen d’un bulletin d’information, nous y sommes arrivés avec des balados. Il s’agit d’une plateforme ouverte, et quiconque possède une application de baladodiffusion peut accéder directement à Canadaland, de sorte que notre trafic ne dépend pas de l’une ou l’autre de ces entreprises.
Je pense que nous devons prendre au sérieux ce que les entreprises de technologie nous disent, mais le simple fait que nous nous retrouvions dans une telle position, exposés à la menace... Plutôt que de proférer des menaces, de bomber le torse et d’affirmer que nous ne serons pas menacés, je pense que nous devons nous poser la question suivante : comment se fait-il que nous nous retrouvions dans une situation où les menaces de ces sociétés privées étrangères sont si lourdes de conséquences? Et pourquoi sommes-nous si dépendants d’elles? Est-ce vraiment une dépendance que nous voulons couler dans le béton, d’autant plus qu’il s’agit d’un domaine en constante évolution au fil des nouvelles technologies?
La sénatrice Dasko : Merci. Qu’en est-il de la viabilité d’autres plateformes de recherche pour remplacer Google? Est-ce viable, ou est-ce que...
Le président : Il vous reste 30 secondes.
M. Brown : Je n’aime pas dire que ce doit être Google et rien d’autre, mais Bing n’est pas vraiment une solution. Il y a DuckDuckGo et les moteurs de recherche sans suivi. Il y a d’autres options qui sont assez bonnes. Je pense que les mesures antitrust sont la solution, parce qu’ils ont accaparé ce marché et ils ont créé un énorme fossé autour, et maintenant, nous leur sommes redevables dans le domaine de l’information. Je pense que nous devons envisager des solutions antitrust pour régler ce problème.
La sénatrice Dasko : Je suppose que mon temps est écoulé.
La sénatrice Clement : Bonjour et merci à tous d’être ici.
J’aimerais poursuivre avec M. Brown. Je prends bonne note de ce que vous avez dit au sujet des lois antitrust, mais j’aimerais vous poser une question au sujet de la menace que représentent les grandes plateformes et du risque que cette situation représente pour vous.
Peuvent-ils vraiment formuler de telles menaces sans perdre gros? Ils profitent du trafic et des consultations des différents médias d’information, parce que, lorsque les gens cliquent, ils donnent à ces grandes plateformes de l’information qu’elles peuvent ensuite monétiser. Je m’interroge donc parfois sur leurs menaces.
Ma deuxième question porte sur les amendements. Quels seraient les amendements les plus urgents que vous avez proposés? Vous avez dit que le pourcentage des dépenses de rédaction était le même pour tout le monde. Vous avez parlé d’un code d’éthique. Quel est l’amendement le plus convaincant que vous proposez?
M. Brown : Il s’agirait de la formule de financement équitable et universel, qui permet aussi d’assurer la transparence. C’est celui que vous venez de citer et celui auquel j’ai consacré mon temps de parole.
Une telle mesure éliminerait les ententes secrètes, ce qui serait avantageux pour freiner la perte de confiance. En termes simples, si un organe de presse est admissible au financement de ces plateformes, il obtient un montant établi en fonction de ses dépenses éditoriales, et c’est tout. On pourrait ainsi en parler comme bon nous semble sans avoir à craindre qu’ils aiment ou non ce que nous faisons.
Quant à savoir si les menaces sont graves, je peux vous dire ce que je pense. Je les prends au sérieux, car je pense que, quelles que soient les pertes que Google et Facebook pourraient subir financièrement en éliminant les nouvelles au Canada, elles font face à des efforts législatifs semblables partout dans le monde. J’envisage la possibilité qu’ils fassent du Canada un exemple pour montrer à d’autres pays ce qui se passe lorsqu’on s’ingère sérieusement dans leurs affaires. Je ne prétends pas savoir, au bout du compte, s’ils le feront, mais je ne crois pas que ce soit impossible.
La sénatrice Clement : Merci.
Le président : Merci, chers collègues. Il reste exactement deux minutes, alors si vous avez quelque chose à dire au comité, c’est le moment de le faire avant de lever la séance. Très brièvement, je vais vous donner à tous les trois une dernière occasion. Monsieur Brown, allez-y, puis Mme Gerson et M. Elgie.
M. Brown : Je vais essayer d’être très bref.
De toutes les menaces, celle qui nous a le plus touchés jusqu’à maintenant a été l’intervention du gouvernement. Nous nous en tirons très bien, et nous essayons maintenant de composer avec les nouvelles règles du jeu qui nous désavantagent et qui découlent de politiques, et non des réalités du marché. Ce que je vous demande, c’est : « premièrement, ne nous nuisez pas » ou réduisez le préjudice de façon à rendre le projet de loi le plus équitable possible. Nous avons proposé des amendements concrets et pratiques qui auraient un effet très bénéfique, et je vous exhorte à les examiner sérieusement. S’il vous plaît, la transparence d’abord.
Mme Gerson : Je vous demande d’abord de mettre de l’ordre chez vous. Le gouvernement fédéral joue déjà un rôle extraordinairement disproportionné sur le marché des médias par l’intermédiaire de la SRC. Si vous avez des préoccupations au sujet de l’information des gens, de la confiance — toutes ces questions —, des collectivités bien servies par le journalisme, la SRC est le bon mécanisme pour régler ce problème avant de créer un tout nouveau système. Je pense donc que la création du projet de loi C-18 et l’absence d’une volonté de procéder à un examen sérieux du mandat de la SRC est une pure folie.
Le président : Merci.
M. Elgie : Merci. Aujourd’hui, dans ce groupe, vous avez entendu M. Brown et moi, et dans le groupe précédent, vous avez entendu M. Myles et M. Deegan, qui représentaient Médias d’Info Canada. Je ne crois pas que quiconque parmi nous soit en désaccord avec l’idée que les dépenses en journalisme et une formule fondée sur de telles dépenses sont la bonne solution. Un tel cadre répond aux préoccupations de l’ensemble de l’industrie. Comme M. Brown l’a fait remarquer, cette solution permet de résoudre le problème de la confiance. Nous ne demandons pas de renseignements secrets sur les entreprises. Nous demandons simplement d’appliquer une formule de financement universelle lorsque tout est calculé. Je pense que c’est la meilleure solution pour un amendement à ce projet de loi.
Merci de m’accueillir aujourd’hui.
Le président : Je remercie tous nos invités de leurs témoignages et de leurs réponses aujourd’hui. C’est toujours spécial lorsque les parlementaires ont l’occasion de poser des questions aux journalistes plutôt que l’inverse. Merci de votre participation.
(La séance est levée.)