LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES TRANSPORTS ET DES COMMUNICATIONS
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mercredi 25 octobre 2023
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd’hui, à 18 h 48 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier l’incidence des changements climatiques sur les infrastructures essentielles dans les secteurs des transports et des communications et les répercussions corrélatives sur leurs interdépendances.
La sénatrice Julie Miville-Dechêne (vice-présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La vice-présidente : Bonsoir à tous. Bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des transports et des communications.
Je m’appelle Julie Miville-Dechêne, sénatrice du Québec et vice-présidente du comité.
[Traduction]
À nos témoins et à ceux qui suivent notre réunion aujourd’hui, j’ai le profond regret d’annoncer que l’honorable sénateur Ian Shugart est décédé plus tôt aujourd’hui. Nous aurons l’occasion de lui rendre hommage plus tard, mais pour l’instant, au nom de tous les sénateurs et de toutes les personnes qui participent à la réunion, je présente nos plus sincères condoléances à son épouse Linda, à son fils James, à ses filles Robin et Heather, ainsi qu’à toute leur famille. Je vous demande de vous joindre à moi pour observer un moment de silence.
(Les personnes présentes observent un moment de silence.)
[Français]
Je voudrais maintenant inviter mes collègues à se présenter, en commençant par ma gauche.
[Traduction]
La sénatrice Simons : Paula Simons, de l’Alberta, territoire du Traité no 6.
Le sénateur Quinn : Jim Quinn, du Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Richards : David Richards, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Clement : Bernadette Clement, de l’Ontario.
Le sénateur Cardozo : Andrew Cardozo, de l’Ontario.
La sénatrice Dasko : Donna Dasko, sénatrice de l’Ontario.
Le sénateur Prosper : Paul Prosper, de la Nouvelle-Écosse, territoire traditionnel Mi’kma’ki.
[Français]
La vice-présidente : Honorables sénatrices et sénateurs, nous nous réunissons ce soir pour poursuivre notre étude sur l’incidence des changements climatiques sur les infrastructures essentielles dans le secteur des transports et notre étude sur les enjeux concernant l’isthme de Chignecto.
Pour notre premier groupe de témoins, nous avons le plaisir d’accueillir devant le comité des fonctionnaires du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse. Nous avons une belle table ce soir.
[Traduction]
Nous accueillons, du ministère des Transports et de l’Infrastructure du gouvernement du Nouveau-Brunswick, Rob Taylor, sous-ministre; Jim Doyle, directeur, Partenariats stratégiques et corridors commerciaux; et Melissa Cummings, directrice, Services de l’environnement. Ils sont accompagnés de Michael Pauley, chef de projet, Services publics et Approvisionnement Canada.
Nous accueillons aussi, du ministère des Travaux publics du gouvernement de la Nouvelle-Écosse, Peter Hackett, sous-ministre; et Bonnie Miles-Dunn, directrice, Programmes des infrastructures fédérales et engagement des parties prenantes. Ils sont accompagnés par Kevin Bekkers, directeur, Développement durable des ressources, ministère de l’Agriculture.
[Français]
Bienvenue et merci de vous être joints à nous. Nous commencerons avec les remarques d’ouverture de M. Taylor, suivies de celles de M. Hackett, puis nous procéderons aux questions des membres du comité.
[Traduction]
Monsieur Taylor, vous avez la parole pendant cinq minutes.
Rob Taylor, sous-ministre, ministère des Transports et de l’Infrastructure, gouvernement du Nouveau-Brunswick : Je vous remercie, madame la vice-présidente. Tout d’abord, j’aimerais offrir nos condoléances à la famille du regretté sénateur Shugart. Je sais que je parle ainsi au nom de tous les témoins.
Honorables sénateurs, madame la vice-présidente, et aux autres membres du Comité sénatorial permanent des transports et des communications, je vous souhaite le bonsoir. Au nom du gouvernement du Nouveau-Brunswick, mon équipe et moi-même sommes ici pour discuter des risques que les changements climatiques font courir aux infrastructures essentielles de l’isthme de Chignectou.
L’isthme de Chignectou est le seul pont terrestre reliant le Nouveau-Brunswick continental et la Nouvelle-Écosse. L’isthme comprend des collectivités, des terres de la Couronne et des terres privées, y compris de nombreuses fiducies foncières. Divers organisations de conservation et détenteurs de droits ont également un intérêt dans l’isthme. En outre, l’isthme de Chignectou abrite des infrastructures de transport essentielles et sert de voie de communication et de corridor commercial qui sont d’une grande importance.
Cette zone a été endiguée à l’origine dans les années 1600 pour l’agriculture, et depuis, des infrastructures importantes ont été construites dans la zone endiguée, notamment la route transcanadienne, la ligne de chemin de fer du CN, des lignes de transport d’électricité et des lignes de télécommunication, et le nombre d’habitants et de terres agricoles qui s’y trouvent a augmenté. Comme l’ont déclaré les maires de Tantramar et d’Amherst la semaine dernière, la composante humaine est aussi importante dans l’isthme.
Du point de vue des infrastructures essentielles, l’isthme de Chignectou est considéré comme un corridor commercial d’importance nationale, puisqu’il y transite environ 35 milliards de dollars d’échanges commerciaux par an sur la ligne ferroviaire du CN et la route transcanadienne.
Les effets des changements climatiques — en particulier les ondes de tempête et l’augmentation du niveau de la mer — constituent un risque pour les infrastructures situées dans l’isthme. Potentiellement, 38 kilomètres de digues, 19 kilomètres de la route transcanadienne et 19 kilomètres de la voie ferrée du CN pourraient être gravement touchés par des inondations à la suite d’un phénomène climatique dans un avenir proche.
Les changements climatiques augmentent la fréquence et l’intensité des tempêtes. Les précipitations seront plus abondantes au cours de phénomènes climatiques moins nombreux, mais plus violents. Il y aura donc moins de jours de pluie, mais des tempêtes plus violentes et plus intenses. Les vents de tempête deviendront également plus forts, ce qui augmentera les ondes de tempête le long de la côte.
En plusieurs endroits du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse, nous pouvons documenter l’élévation du niveau de la mer qui s’est produite. Les informations que je vais vous communiquer proviennent de la Section des données sur le milieu marin de Pêches et Océans Canada : à Saint John, au Nouveau-Brunswick, le niveau de la mer s’est élevé de 27 centimètres depuis 1961; à Escuminac, au Nouveau-Brunswick, il s’est élevé de 17 centimètres depuis 1971; à Yarmouth, en Nouvelle-Écosse, il s’est élevé de 21 centimètres depuis 1966; et à Halifax, en Nouvelle-Écosse, il s’est élevé de 19 centimètres depuis 1961. Le Canada atlantique s’attend à une hausse du niveau de la mer d’un mètre d’ici 2100, et de deux mètres ou plus d’ici 2150.
Dans des environnements comme l’isthme, l’élévation du niveau de la mer, les précipitations plus violentes et les ondes de tempête plus fortes interagiront pour faire monter le niveau de l’eau de manière significative dans ces scénarios.
Nous avons été relativement chanceux jusqu’à présent, mais à mesure que les effets des changements climatiques s’aggravent, les risques d’une tempête parfaite augmentent d’année en année.
Les informations précédentes sont également mentionnées dans le rapport R.J. Daigle Enviro de 2020, ainsi que dans le sixième rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, ou RE6, de 2021.
Depuis plus de cinq ans, le Nouveau-Brunswick travaille en étroite collaboration avec son partenaire, la province de la Nouvelle-Écosse, car nous comprenons tous les deux le défi et le risque que les changements climatiques et les phénomènes climatiques connexes représentent pour les infrastructures essentielles, notamment le corridor commercial de transport, les lignes de transport d’électricité et de télécommunication, ainsi que les collectivités et les propriétaires fonciers.
Notre travail de partenariat entre le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse se poursuit. Grâce au Fonds national des corridors commerciaux de Transports Canada, nous avons établi un partenariat avec le gouvernement fédéral en juin 2019 pour la réalisation d’une étude approfondie d’ingénierie et de faisabilité. L’objectif de l’étude était de déterminer jusqu’à trois options d’ingénierie privilégiées et viables pour protéger le corridor de transport contre les effets des changements climatiques. La portée de l’étude était de fournir un niveau de protection requis de 10,6 mètres. Le Système canadien de référence altimétrique verticale de 2013, ou CGVD2013, est le système de référence verticale. Le niveau de l’eau est le résultat combiné de l’élévation du niveau de la mer, de l’onde de tempête et de la marée. Au moins l’une des options devait inclure la solution des digues et des aboiteaux, pas toutes, mais au moins une. Les options comprenaient une série de solutions que nous avons entendues de la part de témoins précédents, comme le détournement de la route transcanadienne et de la voie ferrée du CN, la possibilité d’un pont et bien d’autres encore. L’Étude approfondie d’ingénierie et de faisabilité relative à l’adaptation aux changements climatiques de l’isthme de Chignectou a été publiée en mars 2022.
Sur la base des résultats de cette étude d’ingénierie et de faisabilité, le 19 juillet 2023, une proposition de projet conjointe détaillée sur la résilience de l’isthme de Chignectou a été soumise à Infrastructure Canada en vue d’obtenir du financement par la voie du Fonds d’atténuation et d’adaptation en matière de catastrophes, ou FAAC. Le coût estimé du projet est de 650 millions de dollars. Le coût est basé sur plusieurs scénarios pour la conception finale qui devrait contenir des éléments des trois options recensées dans l’étude de faisabilité.
La solution sera peaufinée davantage. La conception et la construction se dérouleront de manière à prévoir les effets anticipés des changements climatiques, de même qu’à s’y adapter et à les atténuer. L’approche prévue comprendra des solutions basées sur la nature.
Ce lien essentiel entre le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse est actuellement menacé par les changements climatiques. Nous souhaitons souligner, comme l’ont fait d’autres témoins avant nous et les experts en climatologie, que la question n’est pas de savoir si les infrastructures de l’isthme de Chignectou seront touchées par un phénomène climatique, mais quand cela se produira. Nous devons nous attaquer à ce risque dès maintenant, d’autant plus qu’il faudra jusqu’à 10 ans pour mettre en place une solution technique.
La photo de Mike Johnson que vous avez vue montrant l’eau qui frappe le remblai de la voie ferrée du CN en 2015 n’est pas un scénario catastrophe. Il s’agit de la marée haute. Cela ne tient pas compte des ondes de tempête. Cela ne tient pas compte des précipitations supplémentaires. Imaginez que cela se soit produit au moment d’une grosse tempête; la voie ferrée aurait été submergée.
Les responsables du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse continuent de se rencontrer régulièrement et de faire avancer le projet. La planification du projet et le travail préliminaire se poursuivent.
Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de m’adresser à vous aujourd’hui.
La vice-présidente : Je vous remercie. Nous passons maintenant à M. Peter Hackett, de la Nouvelle-Écosse.
Peter Hackett, sous-ministre, ministère des Travaux publics, gouvernement de la Nouvelle-Écosse : Je vous remercie, madame la présidente, et honorables sénateurs, de nous accueillir ici ce soir. C’est un honneur pour moi de vous parler de cette question cruciale qu’est l’isthme de Chignectou.
Nous comprenons l’importance de l’isthme pour la Nouvelle-Écosse, les provinces atlantiques et le Canada. Selon nos dernières estimations, des échanges commerciaux d’une valeur d’environ 100 millions de dollars par jour, soit 35 milliards de dollars par an, traversent l’isthme pour se rendre ailleurs au Canada et aux États-Unis. L’isthme abrite des lignes de transport d’électricité et de télécommunication essentielles, ainsi que la route transcanadienne et la seule liaison ferroviaire entre la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick.
L’Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve vous ont déjà fait part de l’importance de ce passage pour leurs provinces afin d’assurer la fourniture des soins de santé, des biens et les services essentiels, et bien plus encore, à leurs populations. C’est littéralement ce qui relie la Nouvelle-Écosse au reste du Canada.
Aujourd’hui, j’espère répondre à deux questions : que faut-il faire, et pourquoi maintenant?
L’isthme abrite un réseau de digues et d’aboiteaux qui protègent les collectivités, les infrastructures et les ressources naturelles contre l’élévation du niveau de la mer. Ils ont été construits selon des normes agricoles, et non selon les normes de conception technique requises pour protéger des infrastructures essentielles comme l’est ce corridor important.
La réponse à la question « que faut-il faire? » est assez évidente. Le système de digues doit être rehaussé pour le renforcer contre les répercussions des changements climatiques. C’est ce qui ressort de l’étude d’ingénierie et de faisabilité récemment réalisée par la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick.
L’étude nous a également montré que le projet aura un coût important et qu’il faudra de nombreuses années pour le mener à bien.
Il n’existe aucune défense contre l’élévation du niveau de la mer et les ondes de tempête tant que la dernière section de la digue n’est pas achevée et reliée aux hautes terres environnantes.
Cela nous amène à la question suivante: « pourquoi maintenant? », et la réponse nous vient d’une expérience récente. Comme dans de nombreux endroits au Canada et dans le monde, notre région connaît des tempêtes plus fortes et plus fréquentes. Au cours des sept dernières années, nous avons été témoins de phénomènes climatiques dévastateurs comme des inondations extrêmes, des dommages importants aux infrastructures et, tragiquement, des pertes de vies humaines. Au cours des 10 dernières années, nous avons connu plusieurs tempêtes qui ne se produisent qu’une fois tous les 100 ans. Le coût des réparations qui s’ensuit est important pour les programmes d’aide aux sinistrés. La question n’est plus de savoir si nous aurons un phénomène climatique dévastateur, mais quand. Lorsque les conditions propices à un ouragan seront réunies dans la baie de Fundy, les digues céderont et la région sera inondée par l’eau de mer. Le commerce sera perturbé, les collectivités subiront des dommages et des personnes seront blessées, voire pire.
Compte tenu de cette certitude, nous avons travaillé avec le Nouveau-Brunswick à l’élaboration d’un plan d’urgence. Nous avons étudié la viabilité d’un détournement de la circulation de la route transcanadienne vers des routes secondaires qui traversent les collectivités. Nous avons rencontré des municipalités, des représentants de la gestion des urgences et des ingénieurs pour nous assurer que nous sommes aussi bien préparés que possible.
Ce n’est toutefois pas une bonne solution; la circulation et le transport des marchandises seront perturbés, et cela ajoutera plus de 30 kilomètres dans chaque direction aux trajets dans la région. Les routes secondaires n’ont pas été conçues pour les camions, ou encore pour les volumes de circulation ou les vitesses élevés. Elles deviendront rapidement congestionnées.
Je pense que nous sommes tous d’accord pour dire qu’il vaut mieux prendre des mesures préventives plutôt que d’être contraints de réagir. C’est pourquoi, avant tout accord de financement, nous avons commencé à travailler avec nos homologues du Nouveau-Brunswick. Nous avons élaboré un plan qui comprendra une approche coordonnée pour lancer la prochaine étape du travail préliminaire sur ce projet. Il s’agit d’une question qui doit être traitée maintenant pour les Néo-Écossais, les provinces atlantiques et l’ensemble du Canada. Je vous remercie de votre attention.
[Français]
La vice-présidente : Merci pour ces présentations d’ouverture. Nous allons passer à la période des questions.
[Traduction]
La sénatrice Simons : Je remercie nos témoins de s’être déplacés pour venir nous rencontrer.
Je voudrais tout d’abord vous poser quelques questions sur les trois options proposées dans le rapport. Trois témoins différents nous ont fait part de leurs inquiétudes quant au fait que ces options ne tiennent pas suffisamment compte du rôle des marais naturels dans la régulation de l’eau. En effet, certains craignent que si l’on construit des digues trop hautes, il pourrait y avoir une sorte d’effet boomerang parce que l’on pourrait dégrader ces marais et, par conséquent, ne pas bénéficier de leur résilience naturelle.
Que répondez-vous aux critiques voulant que les plans pourraient en quelque sorte aggraver le problème?
Michael Pauley, chef de projet, gouvernement du Nouveau-Brunswick : Je vous remercie de la question. Lors de l’étude, nous avons parlé de solutions naturelles. Quand nous avons passé le tout en revue, nous nous attendions aussi à ce que l’alignement final inclue certaines solutions naturelles, mais nos experts n’ont pas constaté d’effets néfastes liés à l’intégration de ces solutions.
La sénatrice Simons : Au sujet de l’alignement, c’est l’autre option qui nous a été présentée lors de la dernière réunion. Le témoin expert a déclaré que l’isthme sera toujours vulnérable parce qu’il se trouve sous le niveau de la mer. S’appuyant sur son expérience de cartographe, il a suggéré qu’un meilleur alignement consisterait à déplacer le tout sur un terrain plus élevé de manière à ce qu’il fasse une sorte de boucle au-dessus du bord supérieur de l’isthme.
M. Pauley : D’accord.
La sénatrice Simons : Quels sont les avantages et les inconvénients de cette option? Je dois admettre que cela semble être une solution plausible.
M. Pauley : Je vous remercie de la question.
Encore une fois, nous avons examiné cette question dans le cadre de l’étude. Par ailleurs, comme vous l’avez entendu dans la déclaration préliminaire, on allonge ainsi les trajets de 30 kilomètres.
Dans l’isthme, on trouve aussi des lignes de transmission, des câbles de communications à fibres optiques et d’autres services publics et infrastructures essentiels. Ainsi, même si on déplace deux d’entre eux, les autres infrastructures essentielles demeurent exposées.
La sénatrice Simons : Nous sommes le comité des transports et des communications, alors nous examinons les deux éléments, mais c’est la première fois que quelqu’un soulève la question de la fibre optique ou des télécommunications. Pouvez-vous creuser un peu la question — pardonnez-moi l’expression — et me dire à quel point ces éléments sont vulnérables?
Tout ce que nous avons entendu jusqu’à présent concerne la circulation des marchandises et des personnes, ce qui est déjà assez grave, mais si vous coupez les gens de l’Internet, c’est un problème d’un tout autre niveau.
M. Pauley : Ce n’est pas tout. Actuellement, la fibre optique se trouve dans la plateforme ferroviaire du CN; c’est là qu’elle se trouve. C’est ce que nous avons découvert lors de l’étude.
La sénatrice Simons : C’est une surprise, n’est-ce pas?
M. Pauley : Oui, mais ce n’était pas inattendu parce qu’il est courant qu’il y ait des accords entre des entreprises pour loger l’infrastructure de l’une à l’intérieur de celle de l’autre.
La sénatrice Simons : Pouvez-vous me dire à quel point cette infrastructure est vulnérable? Est-ce qu’elle fonctionne si elle est sous l’eau?
M. Pauley : Non, elle ne fonctionne pas si nous perdons cette ligne de chemin de fer parce qu’elle se trouve à l’intérieur de cette infrastructure.
À l’heure actuelle, deux kilomètres de la voie ferrée du CN servent de système d’endiguement. Si elle est emportée par les eaux, cette ligne disparaît et le système ne fonctionnera pas, c’est certain.
Par ailleurs, les lignes de transmission se trouvent également derrière la chaussée. Nous avons également des éoliennes dans cette zone, ainsi que des lagunes et des éléments de cette nature qui sont indispensables pour les collectivités.
La vice-présidente : Sénatrice Simons, je vais ajouter votre nom pour la deuxième série de questions.
La sénatrice Simons : Oui, s’il vous plaît.
Le sénateur Quinn : Je remercie les témoins de leur présence et de leurs déclarations liminaires.
J’ai quelques questions complémentaires. En ce qui concerne les communications, vous avez parlé d’Internet, mais est-ce que cela alimente les systèmes de communications et de conduites sous-marines de l’Atlantique qui se rendent en Europe, par exemple?
M. Pauley : Au cours de l’étude, nous n’avons pas précisé cela. Le CN nous a indiqué qu’il s’agissait d’une partie cruciale de l’infrastructure qui devait être protégée.
Le sénateur Quinn : D’accord.
Parlant du CN, nous avons appris qu’il y a quelques kilomètres de digues qui font partie du système ferroviaire. Je pense que le CN doit entretenir les rails, ses remblais ferroviaires, etc. Est-ce le cas?
M. Pauley : C’est exact, sénateur.
Le sénateur Quinn : Pour ce qui est de la planification et de la gestion des urgences, un sujet qui a été abordé par l’un d’entre vous, j’ai cru comprendre à la lumière d’autres témoignages que des localités de vos deux provinces ont des interactions à cette fin. Est-ce que le gouvernement fédéral participe à cet effort de planification? Devrait-il être présent? Devrait-il être le premier responsable? Comment est-ce que tout cela fonctionne?
M. Bekkers : D’après ce que j’ai pu comprendre, sénateur, Sécurité publique Canada a commandé, de concert avec le ministère de la Défense nationale, une étude des impacts du changement climatique sur l’isthme. Une rencontre avec les parties prenantes est organisée pour discuter de ces enjeux. Nous avons mené par le passé différents exercices de simulation auxquels le gouvernement fédéral a participé, et nous comptons sur les ressources disponibles de ce côté dans le cadre de notre planification en prévision de phénomènes météorologiques violents.
Le sénateur Quinn : Vous en avez peut-être déjà glissé un mot, mais pouvez-vous nous dire s’il y a déjà eu des événements météorologiques qui ont mis en péril le réseau de digues, soit la principale infrastructure installée sur place? Dans quelle condition sont ces digues?
M. Taylor : À ce que je sache, la dernière fois que les digues ont été submergées, c’est lors de la tempête Saxby Gale dans les années 1860. À cette exception près, les digues n’ont pas été submergées au cours des 150 dernières années.
Je sais que l’on s’interroge sur la pertinence de cette solution. C’est une solution qui a très bien fonctionné jusqu’à maintenant, ce qui explique notre volonté d’apporter des améliorations au réseau déjà en place.
Le sénateur Quinn : Merci.
Le sénateur Cardozo : Je m’efforce de reconstituer ce puzzle — ou plutôt d’en isoler les éléments — et j’aimerais savoir ce que vous pensez de la solution qui consisterait simplement à surélever la route et le chemin de fer existants.
M. Taylor : Je suis accompagné aujourd’hui d’une solide équipe formée de gens très compétents qui pourront compléter ma réponse au besoin.
L’assiette des rails fait partie du réseau de digues. C’est une digue qui est maintenant utilisée pour faire passer les rails. La route n’a jamais été conçue pour être intégrée au réseau de digues. Il y avait une digue plus éloignée qui faisait partie du réseau, mais la route ne passe pas à cet endroit. Elle pourrait sans doute servir de digue à court terme, mais nous ignorons dans quelle mesure cela pourrait l’endommager. Elle n’a jamais été conçue pour servir à l’endiguement.
Le sénateur Cardozo : D’accord. Quelqu’un d’autre veut s’exprimer sur l’idée de simplement surélever la route?
M. Pauley : Nous avons aussi envisagé cette solution, mais si nous nous contentons de surélever la route, il n’y aura aucun avantage pour la voie ferrée, car celle-ci est située dans la portion intérieure. Comme la route est derrière, on laisserait ainsi la voie ferrée vulnérable aux intempéries. En outre, la configuration actuelle des différentes options fait en sorte que la solution proposée offre une valeur ajoutée, notamment pour ce qui est de la protection des collectivités. L’étude portait uniquement sur le corridor commercial national, mais les nouvelles options mises de l’avant permettent essentiellement de protéger tout ce qui doit être protégé.
Le sénateur Cardozo : Comme le soulignait la sénatrice Simons, on ne nous a guère parlé des fibres optiques et des autres câbles de transmission, des considérations pourtant extrêmement importantes.
Pour ce qui est la configuration de cette région, je présume que l’isthme doit avoir entre 20 et 30 kilomètres de large.
M. Pauley : Sa largeur est de 21 kilomètres.
Le sénateur Cardozo : L’un d’entre vous n’a-t-il pas indiqué qu’il y avait actuellement d’autres routes plus petites permettant de traverser ce secteur?
M. Taylor : Il y a des routes d’accès à partir de la Transcanadienne à différents endroits.
Le sénateur Cardozo : Ces routes permettent-elles de passer du Nouveau-Brunswick à la Nouvelle-Écosse?
Bonnie Miles-Dunn, directrice, Programmes des infrastructures fédérales et engagement des parties prenantes, ministère des Travaux publics, gouvernement de la Nouvelle-Écosse : Ce ne sont pas des voies publiques de catégorie 100. C’est un réseau de routes locales et secondaires qui n’ont pas été construites suivant les mêmes normes.
Le sénateur Cardozo : La zone urbaine faisant partie de l’isthme, en incluant Sackville, se retrouve-t-elle au milieu d’une plaine inondable ou est-elle protégée par un réseau distinct de digues?
M. Pauley : Sackville est d’ores et déjà protégée par le réseau de digues.
Le sénateur Cardozo : Est-ce qu’on songe à augmenter la hauteur de ces digues?
M. Pauley : Oui. Les options proposées prévoient de surélever la digue, mais dans le secteur des terres hautes, soit l’endroit où le niveau est le plus élevé. Si des digues étaient construites à cette hauteur, elles protégeraient Sackville et Amherst.
Le sénateur Cardozo : Pour les zones urbaines, la solution consisterait donc en partie à simplement rehausser les digues?
M. Pauley : Oui.
Le sénateur Cardozo : On s’inquiète davantage de ce qu’il adviendra de la route et de la voie ferrée qui passent d’une province à l’autre.
M. Pauley : Tout à fait. En prenant des mesures pour protéger la voie ferrée et la route, on protège du même coup les collectivités. C’est l’avantage de plus.
Le sénateur Cardozo : Je vous remercie.
Le sénateur Richards : Est-ce que le gouvernement fédéral semble aussi préoccupé que la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick? Le fédéral compte-t-il apporter une contribution concrète à un niveau ou à un autre? Lui avez-vous adressé vos requêtes? Le cas échéant, comment avez-vous été reçus?
Jim Doyle, directeur, Partenariats stratégiques et corridors commerciaux, ministère des Transports et l’Infrastructure, gouvernement du Nouveau-Brunswick : Depuis deux ans, nous travaillons en étroite collaboration avec les deux ministères fédéraux, soit Infrastructure Canada et Transports Canada. Jusqu’à ce que nous présentions notre demande dans le cadre du Fonds d’atténuation et d’adaptation en matière de catastrophes le 19 juillet dernier, nous avions des rencontres mensuelles réunissant les fonctionnaires de nos deux provinces et de ces deux ministères. Ils sont bien au fait de la situation.
En outre, comme le mentionnait M. Pauley, le financement de l’étude de faisabilité sur le corridor commercial national a été assuré par l’entremise de Transports Canada. Ce ministère a collaboré très étroitement avec nous. Les fonctionnaires de ces deux organisations fédérales connaissent très bien les incidences et les enjeux associés à ce projet.
Le sénateur Richards : Est-ce que vous avez, d’un côté ou de l’autre, une idée du coût d’un tel projet, de sa durée et de la façon dont on doit le gérer? Quelles seront les différentes parties prenantes et combien tout cela coûtera-t-il?
M. Doyle : Pour notre soumission du 19 juillet préparée avec l’aide d’un expert-conseil pour les deux provinces, nous nous sommes fondés sur l’étude de faisabilité. Pour en arriver au montant demandé de 650 millions de dollars, nous avons pris en considération un grand nombre de facteurs, donc la hausse des coûts associés aux appels d’offres ainsi que l’inflation. Nous avons examiné les estimations initiales avant de considérer les différentes options. Nous avons ainsi pu conclure avec une certaine assurance que les coûts pourraient atteindre 650 millions de dollars.
Pour ce qui est de la durée, il ne s’agit pas d’un projet à court terme. Nous avons prévu dans notre demande un échéancier de 10 ans, dont une période assez longue de trois à cinq ans au départ pour les études techniques d’avant-projet, la conception, les consultations auprès des principaux intéressés, et notamment des Autochtones, et l’évaluation des impacts environnementaux.
Le sénateur Richards : Avez-vous une idée du moment où ce projet pourra se mettre en branle?
M. Doyle : Comme les sous-ministres Taylor et Hackett l’ont indiqué, les deux provinces attendent une réponse d’Infrastructure Canada relativement à la demande soumise dans le cadre du Fonds d’atténuation et d’adaptation en matière de catastrophes. Nous sommes très actifs dans ce dossier, et avons même entrepris le travail de planification préliminaire.
Le sénateur Richards : Merci beaucoup.
La sénatrice Clement : Bonsoir et bienvenue à tous. Nous sommes heureux de pouvoir vous accueillir. J’ai l’impression que vous n’avez pas manqué de suivre les témoignages qui ont précédé les vôtres.
Pour tout vous dire, je suis une ancienne mairesse, et j’envisage donc le tout dans une perspective municipale.
Monsieur Hackett, vous avez parlé d’un plan de projet et d’une approche coordonnée. Je me demande comment se passent les communications entre les trois ordres de gouvernement, c’est-à-dire entre les municipalités, les provinces et le fédéral.
Monsieur Doyle, vous venez de traiter du gouvernement fédéral en répondant au sénateur Richards.
J’aimerais en apprendre davantage sur le déroulement des communications entre les trois ordres de gouvernement et la mesure dans laquelle les municipalités sont intégrées à la planification du projet. J’aimerais aussi savoir ce que vous comptez faire à l’avenir en matière de communications. Je m’interroge à propos non seulement de la mise en place des infrastructures nécessaires, mais aussi de la gestion de crise et du risque qu’un ordre de gouvernement soit laissé en plan.
Mme Miles-Dunn : Merci, sénatrice. Un bon exemple récent en la matière serait celui de notre plan de mesures d’urgence dont on a déjà parlé. Pour nous assurer de pouvoir traverser l’isthme en cas de catastrophe causant par exemple une inondation, nous avons examiné les autres itinéraires possibles. Il va de soi que nous avons réalisé cet exercice avec la contribution des autorités municipales, de corps policiers, d’organisations de gestion des urgences et d’autres ministères. Des réunions ont été tenues à cette fin.
Nous avons collaboré avec les municipalités tout au long de cette démarche. Nous avons collecté de l’information, et nous en avons également communiqué. Nous sommes assurément au fait d’une partie des préoccupations. Je pense que les instances municipales sont grandement soulagées du fait que les options proposées permettent de protéger les différentes localités.
Comme M. Doyle le mentionnait, nous nous apprêtons à entreprendre la prochaine étape du travail, à savoir la planification préliminaire. À cette fin, nous allons solliciter la contribution des différentes parties prenantes, ce qui inclut les municipalités.
La sénatrice Clement : Elles auront donc leur mot à dire dès le départ, à l’étape de la planification. Il arrive que les municipalités puissent seulement intervenir plus avant dans le processus, parfois lorsqu’il est déjà trop tard. Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez?
Mme Miles-Dunn : Nous savons que le travail que nous accomplissons suscite énormément d’intérêt, et nous ferons en sorte que toutes les parties prenantes puissent contribuer à la solution.
M. Pauley : Lorsque nous avons débuté l’étude, nous avons rencontré les dirigeants locaux pour leur faire comprendre qu’ils auraient un rôle à jouer. Nous avons travaillé avec les services de génie municipaux pour compiler toutes les informations nécessaires. Nous sommes demeurés en contact avec les autorités locales tout au long de l’étude pour nous assurer que leurs préoccupations étaient bel et bien prises en compte.
La sénatrice Dasko : Merci de votre présence parmi nous.
Ma question va un peu dans le sens de celles posées par le sénateur Richards concernant les coûts et la nécessité de savoir qui va payer la note, et à hauteur de quel montant. Il est bien certain que ce sont toujours là des considérations très importantes.
J’ai vu que le Conseil des premiers ministres de l’Atlantique a demandé au gouvernement fédéral de financer entièrement le projet, et j’aimerais que vous me disiez ce qu’il en est exactement.
On nous a indiqué par ailleurs que le gouvernement néo-écossais a demandé à la Cour d’appel provinciale de se prononcer quant à savoir si le gouvernement fédéral est le seul responsable du maintien en place de cette infrastructure.
Je ne sais pas s’il est possible de faire le point avec nous sur cette initiative. Je constate que, parallèlement à cela, vous avez des pourparlers — que je suppose cordiaux — avec le gouvernement fédéral concernant sa contribution au financement.
Je m’intéresse donc aux sommes qui sont en jeu ainsi qu’à la provenance des 650 millions de dollars en question.
M. Hackett : Merci pour la question, sénatrice. Comme M. Doyle l’a indiqué, nous avons demandé du financement au gouvernement fédéral dans le cadre du Fonds d’atténuation et d’adaptation en matière de catastrophes. Nos deux provinces travaillent en étroite collaboration pour bien définir la teneur de ce projet, notamment quant à sa structure de gestion et aux coûts qui devront être engagés.
Je ne peux rien vous dire de la position de la province concernant le financement fédéral pas plus qu’au sujet de ce recours aux tribunaux que vous avez mentionné, car nous sommes ici davantage pour discuter des questions d’ordre technique que des considérations liées au financement par le gouvernement fédéral.
D’autres pourront vous répondre à ce sujet, mais je tiens à vous dire que tout se passe bien jusqu’à maintenant avec l’établissement des coûts du projet, sa gestion et la collaboration entre les deux provinces, le tout de concert avec le gouvernement fédéral. Nous espérons bien pouvoir poursuivre dans le même sens et obtenir le financement nécessaire à cette fin.
La sénatrice Dasko : Vous attendez-vous à ce que le gouvernement fédéral verse une bonne part de ces 650 millions de dollars?
M. Hackett : Oui, conformément à la demande que nous avons soumise dans le cadre du Fonds d’atténuation et d’adaptation en matière de catastrophes.
M. Taylor : J’ajouterai seulement qu’avec le Fonds d’atténuation et d’adaptation en matière de catastrophes, le gouvernement fédéral assumera 50 % des coûts du projet en faisant suite à la demande que nous lui avons adressée. Ce sera donc la moitié du financement du projet, le reste devant être partagé entre les deux provinces.
La sénatrice Dasko : Quelle province paiera plus que l’autre?
M. Taylor : La Nouvelle-Écosse, bien évidemment.
La sénatrice Dasko : J’aimerais savoir pourquoi. Est-ce parce que la Nouvelle-Écosse est plus vulnérable ou en raison de sa population plus importante?
M. Taylor : Je vais essayer de vous répondre, et M. Hackett voudra sans doute me corriger si j’ai tort. C’est une situation tout à fait particulière. La Nouvelle-Écosse serait ainsi coupée du reste du pays. C’est un projet unique du fait que l’isthme est situé sur le territoire du Nouveau-Brunswick dans une proportion de 70 à 75 %. Il s’agit de trouver le juste milieu quant à la part à financer par chaque province, la situation pouvant devenir d’autant plus complexe que l’une d’elles peut ainsi avoir à payer pour des actifs qui ne lui appartiennent pas. Nous essayons à ce moment-ci de nous entendre autant que possible à l’amiable sur un financement à parts égales. Il est toutefois impossible de savoir avec certitude comment le tout se conclura.
M. Hackett : C’est une bonne façon de présenter les choses, monsieur Taylor. Les discussions à ce sujet ont actuellement cours, mais ne portent pas nécessairement sur les aspects techniques. Ce sont davantage les questions financières qui sont à l’ordre du jour, et cela concerne en partie les sous-ministres. Pour notre part, ce sont les considérations techniques qui priment. Quant à un possible financement à parts égales ou suivant d’autres modalités, il y a des aspects différents à prendre en considération pour décider de la ventilation à privilégier. Il n’en demeure pas moins que nous demandons pour l’instant au gouvernement fédéral de financer 50 % du projet pendant que les provinces se chargeraient de l’autre 50 %.
[Français]
La vice-présidente : Je n’ai pas tout à fait compris la place que prendraient les solutions naturelles dans votre projet, particulièrement l’assèchement des milieux humides. Vous avez dit que vous alliez les considérer à un moment donné, ce qui me semble plutôt flou.
La chercheuse qui est venue ici a dit que, selon ce qu’elle comprenait, elle n’avait pas été consultée, et il n’a pas non plus été question de ces fameux milieux humides qu’il faut assécher.
Je comprends — peut-être mal — que tout cela doit se faire ensemble, parce qu’il faut que les digues se trouvent à une certaine distance pour qu’il y ait suffisamment de milieux humides afin de faire le travail nécessaire. J’aimerais savoir si les solutions naturelles sont réellement incluses dans le scénario. Vous avez parlé de trois scénarios. Est-ce que vous en avez choisi un? Avez-vous choisi celui de 650 millions de dollars, ou ai-je mal compris?
[Traduction]
M. Taylor : Je peux vous fournir quelques indications à ce sujet avant de laisser M. Bekkers vous en dire davantage. Je tiens à préciser que nous n’en sommes pas encore arrivés à une solution définitive. Je présume qu’il s’agira d’une combinaison de différentes solutions se basant sans doute sur les trois options principales qui ont été mises de l’avant pendant l’étude. Nous avons retenu les services d’un expert-conseil et nous poursuivons notre collaboration interprovinciale afin de parvenir à cette solution définitive. Je vais maintenant laisser la parole à M. Bekkers qui pourra sans doute vous en dire plus long sur les mécanismes naturels qui pourront être intégrés à cette solution.
Kevin Bekkers, directeur, Développement durable des ressources, ministère de l’Agriculture, gouvernement de la Nouvelle-Écosse : Merci pour la question, sénatrice. Les solutions naturelles figurent parmi les éléments clés pour l’aménagement de ces terres endiguées. Elles font partie depuis toujours de la trousse d’outils à notre disposition pour en arriver à la meilleure solution possible. Notre travail d’analyse nous permettra de cibler les situations se prêtant à l’intégration de solutions naturelles. Nous allons repositionner les digues vers l’arrière dans les secteurs où la zone littorale s’érode. Lorsqu’une telle manœuvre n’est pas nécessaire parce que la zone littorale gagne en fait du terrain, d’excellentes solutions naturelles peuvent s’offrir à nous. Nous travaillons en étroite collaboration avec Mme van Proosdij de l’Université Saint Mary’s, une spécialiste bien au fait de ces questions et des tendances à l’échelle planétaire. Nous avons lancé des projets pilotes en Nouvelle-Écosse, y compris une initiative en cours sur l’isthme qui fait appel à une solution naturelle. Nous essayons de nous assurer non seulement que la théorie et la méthodologie sont accessibles, mais aussi qu’elles peuvent être mises à contribution dans la pratique. Comme l’a indiqué également Mme van Proosdij lors de sa comparution, c’est l’un des outils à notre disposition, et nous allons nous en servir dans le cadre de ce projet.
Pour ce qui est de la route et des coûts qui y sont associés, nous devons confirmer la taille des ouvrages de régulation des eaux et leurs emplacements. C’est un défi complexe du point de vue du génie, mais c’est également un endroit qui revêt une importance culturelle et patrimoniale. Il y a aussi une valeur archéologique à prendre en compte. Il est encore trop tôt pour prédire les coûts totaux du projet. Nous voulons nous assurer de disposer des fonds suffisants pour financer la solution optimale, et nous envisageons le scénario le plus défavorable pour chacune des trois options proposées. Nous examinons vraiment la situation sous tous ses angles.
La vice-présidente : Vous dîtes attendre que le gouvernement fédéral vous verse le financement demandé, mais quand serez-vous prêts de votre côté à mettre en œuvre une solution définitive?
[Français]
Quand déciderez-vous quel projet ira de l’avant? En ce moment, vous demandez de l’argent du gouvernement, mais de votre côté, quand serez-vous prêt à dire : « Voici le projet qui va tenir la route? »
[Traduction]
M. Bekkers : Dans le cadre du projet sur lequel nous travaillons, nous avons opté pour la solution qu’est le réseau de digues. Nous sommes en train d’effectuer les travaux préliminaires : définir la portée, déterminer le corridor et préparer les présentations à l’intention de divers intervenants en vue de préciser davantage la portée. Ce sont là, à nos yeux, les premières étapes du projet et les travaux préliminaires à réaliser. Une fois que le financement et d’autres aspects se confirmeront, nous allons passer aux prochaines étapes du projet, à savoir la conception détaillée et la construction. Nous mettons l’équipe en place, nous définissons le projet et nous élaborons le plan dès maintenant, car, comme nous l’avons mentionné, la situation en ce qui a trait aux tempêtes nous oblige à ne pas tarder à agir.
La vice-présidente : Je suis désolée pour l’interprétation.
La sénatrice Simons : Pardonnez-moi. Cette expression éveille de forts sentiments. Je vous demande de ne pas l’utiliser lorsque vous parlez de cela. C’est une expression délicate. Je ne la répéterai pas parce que je ne peux pas.
Je veux revenir à la question de la relocalisation de l’infrastructure. C’est peut-être parce que je viens de l’Alberta, mais je trouve que 30 kilomètres, ce n’est pas une très longue distance. Ce n’est pas une distance à laquelle les gens sont habitués lorsqu’ils vont de Sackville à Amherst. Il me semble qu’en raison d’une décision prise par les agriculteurs acadiens dans les années 1600, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse ont bâti toutes leurs infrastructures les plus essentielles et fragiles sur une parcelle de terre particulièrement vulnérable aux changements climatiques, qui entraînent des tempêtes et des inondations.
C’est l’exemple parfait de l’idée fausse des coûts irrécupérables. Est-ce qu’on continue de protéger des infrastructures situées au mauvais endroit, ou est-ce qu’on prend la difficile décision de les déplacer sur des terrains plus élevés, où elles pourraient tenir pendant le prochain siècle?
M. Taylor : Je vais répondre. Il y a quelques éléments à examiner. Déplacer le réseau de digues risquerait effectivement de faire disparaître certaines des collectivités situées juste...
La sénatrice Simons : Je ne parlais pas de déplacer les digues. Non, laissons les digues en place. Déplaçons la voie ferrée et la route.
M. Taylor : L’autre enjeu, c’est que l’isthme de Chignecto...
La sénatrice Simons : Je ne dis pas d’enlever la voie ferrée. Je parle de construire une nouvelle route et une nouvelle voie ferrée ainsi qu’une nouvelle liaison par fibre optique plus haut.
M. Taylor : L’isthme de Chignecto qui s’étend dans le détroit de Northumberland et la baie de Fundy constitue une zone délicate. C’est une terre basse qui est inondée au nord par les eaux douces du détroit de Northumberland, et qui peut être inondée au sud par les eaux de la baie de Fundy.
Nous avons reçu un courriel aujourd’hui de l’organisme Conservation de la nature Canada, qui a travaillé fort pour protéger les terres sur lesquelles un témoin — qui a comparu l’autre jour — a proposé de déplacer la route. La mise en œuvre de cette proposition aurait des répercussions négatives sur le travail réalisé par Conservation de la nature Canada et ses partenaires depuis plus d’une décennie en vue de protéger le passage de la faune sur l’isthme. Ces terres sont protégées actuellement par cet organisme.
La sénatrice Simons : J’imagine que les animaux connaissent le meilleur trajet à emprunter.
M. Taylor : Comme je l’ai dit, l’isthme de Chignecto n’est pas un bon endroit où faire passer une route ou une voie ferrée.
La sénatrice Simons : Mais c’est là qu’elles passent.
M. Taylor : Oui, en effet.
La sénatrice Simons : Merci. Cela clarifie les choses.
Comme je l’ai dit durant le premier tour, c’est la première fois que plusieurs d’entre nous entendent parler de cette autre infrastructure. Les lignes électriques sont-elles hors terre ou enfouies?
M. Pauley : Elles sont hors terre. Il y a des pylônes.
La sénatrice Simons : Parfois, même les plus importantes lignes électriques sont enfouies de nos jours. Il s’agit de gros pylônes? À quel point sont-ils vulnérables en cas d’inondation?
M. Pauley : Comme toute autre infrastructure, ils n’ont pas été conçus en fonction de ce type de situation. En ce qui concerne les éoliennes, les lignes de transport se trouvent au niveau du sol.
Il y a bien des choses à prendre en considération en ce qui a trait à de nombreuses infrastructures.
La sénatrice Simons : Précisément, j’aimerais savoir si une inondation risque d’occasionner des pannes de courant, ou si de forts vents risquent de faire tomber les lignes et les pylônes.
M. Pauley : Je crois que les consultants craignaient que de graves intempéries fassent tomber un pylône.
La sénatrice Simons : D’accord, c’est clair. Merci beaucoup.
Le sénateur Quinn : J’ai une question complémentaire à poser. Les témoins de ce soir et des témoins antérieurs ont expliqué que les digues se trouvent à créer de nouvelles zones, si je puis dire, qui sont importantes pour l’agriculture, entre autres. Je crois comprendre — d’après ce que vous et d’autres avez dit — qu’il y a des questions environnementales. Il s’agit non seulement d’une zone sensible, mais aussi d’une zone unique.
Pouvez-vous nous parler des questions environnementales et du caractère unique de cette zone?
Melissa Cummings, directrice, Services de l’environnement, ministère des Transports et de l’Infrastructure, gouvernement du Nouveau-Brunswick : Cette zone du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse est extrêmement importante d’un point de vue écologique. Comme le sous-ministre l’a dit tout à l’heure, il s’agit d’un corridor de migration très important pour la faune auquel le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse accordent une grande importance. De nombreux organismes voués à la conservation s’intéressent grandement aux routes qui traversent cette zone. Voilà un premier point.
Comme les témoins précédents l’ont souligné, il s’agit d’une zone où se trouvent des marais littoraux. Il y a des marais d’eau douce et de nombreuses rivières à marées. C’est une zone de migration d’oiseaux importante. On y trouve également des espèces en péril. Diverses espèces importantes pour l’environnement y vivent.
Ce n’est pas une zone propice à la construction d’infrastructures. Ce sont tous des facteurs dont nous allons tenir compte dans le cadre du projet.
Le sénateur Quinn : Vous avez parlé plus tôt de la photo du train qui traverse l’isthme; nous avons vu cette photo du train qui fend pratiquement l’eau.
Des témoins qui ont comparu antérieurement ont mentionné qu’il y a eu des inondations en 2015 ou en 2016 — dans ces années-là — et que l’eau est montée; les digues actuelles n’ont pas fonctionné.
En ce qui a trait à la voie ferrée et à la route, on nous a expliqué que la route n’est pas conçue pour servir de digue. Si les digues ne suffisaient pas à retenir l’eau, est-ce que la route et la voie ferrée suffiraient quant à elles à stopper les eaux? Est-ce qu’un tel événement aurait une incidence sur les villes, ou est-ce que la route et la voie ferrée protégeraient les villes?
M. Taylor : Je vais répondre.
D’après ce que je comprends, les digues actuelles sont plus hautes que la route. Si l’eau franchissait les digues, la route serait inondée, tout comme, je présume, une partie de la voie ferrée du CN.
Le sénateur Quinn : Merci.
M. Bekkers : J’ajouterais qu’en 2015, il s’agissait d’inondations d’eau douce. Les inondations d’eau douce représentent un défi pour les municipalités de Tantramar et d’Amherst.
À ma connaissance, les digues n’ont pas cédé depuis qu’elles ont été construites par le gouvernement fédéral, il y a 60 ans. Elles ont été entretenues par les deux provinces. Elles ont été construites selon une norme agricole, fondée sur l’éventualité d’une tempête tous les 10 ans. Elles n’ont pas été conçues en fonction de ces infrastructures essentielles qui se trouvent maintenant derrière elles. Le projet vise à améliorer ces digues en vue de protéger ces infrastructures.
La vice-présidente : J’ai une question à poser.
Vous dites que si l’eau franchit les digues, la route sera inondée.
Dans le cadre du projet dont vous parlez, les digues seront élevées, mais pourquoi n’élevez-vous pas également la route? Je n’ai pas très bien compris ce que vous avez dit à ce sujet. Pourrions-nous également élever la route, ou est-ce l’un ou l’autre?
M. Bekkers : C’est l’un ou l’autre. La digue est un remblai de terre destiné à protéger l’infrastructure qui se trouve derrière, qu’il s’agisse d’une voie ferrée, d’une route, de lignes de communication, ainsi que les collectivités. Le projet prévoit cette solution basée sur la nature qui tient compte de tous les aspects dont nous avons discuté : l’environnement, l’histoire, la culture, etc.
La vice-présidente : Il y a une dernière question.
Le sénateur Cardozo : C’est peut-être une idée farfelue, mais avez-vous déjà pensé construire un pont comme le pont de la Confédération?
M. Taylor : Je vais répondre également à cette question.
Comme je l’ai mentionné, nous avons examiné de multiples options dans le cadre de l’étude. C’est l’une des options que nous avons étudiées. Je dirais qu’un pont ne permettrait certainement pas de protéger les collectivités. Il faudrait éliminer le réseau de digues, et, en conséquence, les terres basses seraient emportées par les eaux. C’est l’un des problèmes en ce qui a trait à cette solution.
Le sénateur Cardozo : Cette solution pourrait régler la question de la route, mais je pense qu’il est difficile de faire circuler un train sur un pont à long terme.
M. Pauley : Il y a aussi les autres infrastructures dont j’ai parlé plus tôt, à savoir les lignes électriques et les éoliennes. Il y a beaucoup d’autres éléments à prendre en considération.
Le sénateur Cardozo : J’ai une autre question à poser. En fait, c’est probablement plus une suggestion. Cela fait environ un an que je siège au Sénat, et je ne me souviens d’aucun organisme qui ait comparu devant un comité et qui ait dit: « le gouvernement fédéral nous donne trop d’argent; il devrait nous en donner moins », qu’il s’agisse d’argent pour les soins de santé ou la défense.
Ce qui ne joue pas en votre faveur, c’est l’important déficit fédéral. Jusqu’à il y a environ un an, accroître le déficit ne semblait pas poser de problème. Le vent politique est en train de tourner. Le gouvernement fédéral subit beaucoup de pressions pour réduire les dépenses et le déficit.
À un moment donné, ceux qui demandent des fonds doivent dire: « Cette dépense augmentera le déficit de 325 millions de dollars, mais elle est importante pour telle et telle raison, ou parce qu’il y aura un prix à payer si nous n’allons pas de l’avant. » Nous savons qu’il y a toujours un coût de renonciation à assumer lorsqu’on néglige de faire les réparations majeures qui s’imposent.
Au bout du compte, les comités disent souvent au gouvernement fédéral de faire ceci ou cela...
La vice-présidente : Sénateur, veuillez poser votre question.
Le sénateur Cardozo : Ma question est une suggestion. Que pensez-vous de la façon de gérer le déficit, ou préférez-vous ne pas répondre?
La vice-présidente : Je ne sais pas si c’est une question appropriée, mais vous pouvez tenter d’y répondre rapidement.
M. Hackett : Je ne suis pas certain d’avoir une réponse au sujet du déficit, mais je peux dire, comme je l’ai souligné dans ma déclaration liminaire, que l’isthme de Chignecto constitue une partie importante du territoire et les infrastructures qui s’y trouvent sont essentielles. Il a une grande importance aux yeux de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick et du reste du Canada. Il faut trouver un équilibre entre nourrir un déficit qui pourrait devenir catastrophique et investir dans ce projet pour éviter de perdre cette partie du territoire et les infrastructures qui s’y trouvent. Nous devons penser à cela lorsqu’on examine les coûts réels et les budgets et que l’on doit décider des investissements à effectuer.
Si une catastrophe survient — et je dois dire que la Nouvelle-Écosse a fait face à un certain nombre de catastrophes inattendues ces dernières années — et que nous n’avons pas pris les mesures nécessaires, nous allons en payer le prix. Il faut réfléchir à cela.
Le sénateur Richards : Ma question vient d’être posée et on y a répondu.
Si une catastrophe survient, sénateur, le gouvernement fédéral se trouvera très stupide de ne pas avoir financé ce projet — je peux vous le dire — car la Nouvelle-Écosse se trouverait coupée du reste du Canada. C’est aussi simple que cela.
Comme on a répondu à ma question, je vais poser une petite question à M. Doyle au sujet d’une autre partie du Nouveau-Brunswick: Escuminac et Baie-Sainte-Anne. Est-ce que ces deux municipalités subissent des inondations tous les ans? Dans quelle mesure ces municipalités jumelles prospèrent-elles?
M. Doyle : Sénateur Richards, en ce qui a trait aux inondations, je connais bien ces deux endroits. Nous sommes tous les deux originaires de Miramichi. J’ai une affinité avec ces deux municipalités et je les connais très bien. Il y a eu des inondations dans le passé, mais, je le répète, il n’y a pas de lien avec l’isthme et la question de la baie de Fundy et les marées. Comme vous le savez, il y a de nombreuses années, Escuminac a été frappée par des tempêtes et des ondes de tempête.
En ce qui a trait aux infrastructures de transport, il n’y a pas eu de problèmes importants à cet égard dans le passé, à ma connaissance. Nous prévoyons qu’elles seront protégées le mieux possible.
Le sénateur Richards : Nous sommes entourés d’eau.
M. Doyle : Oui, c’est exact.
Le sénateur Richards : Merci.
[Français]
La vice-présidente : Je vous remercie beaucoup, messieurs et mesdames, de nous avoir parlé de la complexité de cet enjeu et d’avoir fait les nuances que vous jugiez nécessaires. Nous espérons qu’il y aura une conclusion positive à tout cela. Merci d’avoir fait le voyage. Cela met fin à notre premier groupe de témoins, que je tiens à remercier.
[Traduction]
Honorables sénateurs, nous poursuivons notre étude approfondie sur l’incidence des changements climatiques sur les infrastructures de transport de l’isthme de Chignecto.
[Français]
Ce soir, pour notre deuxième groupe de témoins, nous sommes heureux d’accueillir Martin Guimond, vice-président, Transport, Région de l’Est, CN, par visioconférence.
[Traduction]
Nous accueillons Chris McKee, directeur exécutif de l’Association du camionnage des provinces de l’Atlantique. De Mi’gmawe’l Tplu’taqnn Incorporated, nous recevons également, par vidéoconférence, Tracy Cloud, directrice, Négociations trilatérales, et Charles Labillois-Bjorndal, directeur, Connaissances autochtones.
[Français]
Bienvenue à vous et merci de vous joindre à nous.
[Traduction]
Nous allons commencer par la déclaration liminaire de M. Guimond. Ensuite, ce sera au tour de M. McKee puis de Mme Cloud. Nous allons ensuite passer aux questions des membres du comité.
[Français]
Monsieur Guimond, la parole est à vous.
Martin Guimond, vice-président, Transport, Région de l’Est, CN : Je vous remercie, madame la vice-présidente.
[Traduction]
Bonsoir, madame la présidente et mesdames et messieurs les membres du comité.
[Français]
Je voudrais d’abord vous remercier pour l’invitation.
Je m’appelle Martin Guimond et je suis vice-président, Transport, Région de l’Est, au CN.
Alors que le comité se réunit pour étudier les impacts potentiels des changements climatiques sur l’industrie du transport, je suis heureux de pouvoir m’entretenir avec vous ce soir.
L’engagement responsable est au cœur de la façon dont le CN bâtit un avenir durable. Cela signifie transporter les marchandises de nos clients de manière sécuritaire et efficace, mener nos activités de façon à réduire au minimum l’impact sur l’environnement, attirer, développer et retenir les meilleurs talents, ainsi que contribuer à bâtir des collectivités plus fortes et sécuritaires, tout en adhérant aux normes de gouvernance les plus élevées.
[Traduction]
En 2021, le CN a annoncé qu’il s’engageait à fixer un objectif en phase avec celui de limiter la hausse de la température à 1,5 degré et celui visant l’atteinte de la carboneutralité d’ici 2050. Le CN a été la première compagnie de chemin de fer en Amérique du Nord à prendre un engagement officiel en matière de carboneutralité en adhérant à la campagne Ambition des entreprises pour 1,5oC, ainsi qu’à la campagne Objectif zéro des Nations unies et au Défi carboneutre d’Environnement et Changement climatique Canada.
Nous avons également annoncé un partenariat important en vue de mettre à l’essai des carburants renouvelables et de faire l’acquisition d’une locomotive électrique.
[Français]
Nous reconnaissons que le climat est en train de changer et que les entreprises doivent non seulement s’adapter, mais également faire partie de la solution.
Nous souhaitons jouer un rôle déterminant dans la transition vers une économie à plus faibles émissions de carbone, tout en préservant les ressources, en protégeant et en restaurant les écosystèmes naturels et en faisant progresser l’économie circulaire.
L’efficacité de nos opérations est la marque de notre succès. Le transport ferroviaire est environ quatre fois plus économe en carburant que le transport effectué par camion, de sorte que la conversion du camionnage au rail pour les longues distances permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre jusqu’à 75 %.
Le CN est également un chef de file dans le secteur ferroviaire nord-américain, car la consommation de carburant des locomotives par tonne-mille brute est environ 15 % inférieure à la moyenne du secteur.
[Traduction]
Nous travaillons à réduire l’empreinte carbone de nos activités ferroviaires et non ferroviaires. Nous nous efforçons également de réduire les émissions dans l’ensemble de la chaîne de valeur. À mesure que nous réduisons nos émissions, nous aidons nos clients, par le fait même, à diminuer leurs émissions.
[Français]
En tant que moteur de l’économie, nous reconnaissons l’importance d’assurer la résilience de notre réseau ferroviaire. Le réseau du CN s’étend sur quelque 30 000 kilomètres en Amérique du Nord.
Chaque année, nous investissons pour maintenir et développer ce réseau. Au cours des cinq dernières années, nous avons investi près de 16 milliards de dollars.
Le chemin de fer est un sport de plein air, qui fonctionne 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, 365 jours par année.
L’ensemble de notre réseau est exposé quotidiennement aux conditions météorologiques, qu’il s’agisse de feux de forêts, d’inondations ou de l’élévation du niveau de la mer.
Lorsque nos infrastructures sont endommagées, nous nous efforçons de les reconstruire en mieux et d’investir dans la résilience de notre réseau.
[Traduction]
La question des changements climatiques est prise en compte dans le cadre de notre processus d’évaluation des risques, qui comprennent les risques physiques et les risques liés à la transition, notamment les températures extrêmes, les inondations, les ouragans et les tornades, ainsi que les répercussions d’ordre juridique et l’incidence sur les politiques et le marché.
En ce qui a trait à l’isthme de Chignecto, madame la présidente, le CN a exposé clairement sa position à tous les intervenants. Nous sommes résolus à effectuer les investissements directs nécessaires pour protéger nos infrastructures ferroviaires contre les effets des changements climatiques. Si l’occasion se présente, nous sommes prêts à collaborer avec tous les ordres de gouvernement afin de coordonner le travail à accomplir pour améliorer l’efficacité. En vue d’évaluer les risques et d’examiner des solutions possibles, le CN a participé en 2022 à l’Étude approfondie d’ingénierie et de faisabilité relative à l’adaptation aux changements climatiques de l’isthme de Chignecto.
[Français]
Je vous remercie encore une fois de m’avoir invité à me joindre à vous aujourd’hui.
La vice-présidente : Nous allons maintenant écouter M. Chris McKee, directeur exécutif, Association du camionnage des provinces de l’Atlantique.
[Traduction]
Chris McKee, directeur exécutif, Association du camionnage des provinces de l’Atlantique : Merci, madame la présidente. Bonsoir, honorables sénateurs. Je vous remercie beaucoup de me donner l’occasion de comparaître devant vous ce soir.
L’Association du camionnage des provinces de l’Atlantique est un organisme sans but lucratif qui représente les intérêts de l’industrie du camionnage de la région de l’Atlantique. Nous parlons d’une seule voix au nom de l’industrie du camionnage. Nous défendons les intérêts de nos membres auprès du gouvernement et nous nous efforçons de créer un environnement favorisant la croissance, la réussite et la sécurité de l’industrie. Notre organisme ne reçoit pas de fonds publics. Notre financement provient principalement des cotisations versées par nos membres.
À l’heure actuelle, nous représentons environ 350 membres dans la région de l’Atlantique, incluant des transporteurs pour le compte d’autrui de petite, moyenne et grande taille, des parcs privés et des membres associés.
Le secteur du camionnage dans la région de l’Atlantique est absolument vital pour l’économie régionale. En 2019, 64 % des revenus d’exploitation du secteur étaient attribuables aux expéditions interprovinciales ou internationales. D’après le recensement de 2021, l’industrie du camionnage emploie directement plus de 18 600 personnes et soutient indirectement des dizaines de milliers d’autres emplois au sein d’industries comme la foresterie, les pêches, l’agriculture et la construction. Les avantages sociaux et les salaires des employés de l’industrie du camionnage et des propriétaires-exploitants dans la région de l’Atlantique ont totalisé plus de 1,7 milliard de dollars en 2021.
L’industrie du camionnage génère des revenus annuels de plus de 4 milliards de dollars au Canada atlantique. Le secteur du Nouveau-Brunswick est en fait beaucoup plus important que celui des provinces voisines, avec des revenus par habitant et une part du PIB provincial supérieurs à toute autre province du pays. Il représente une part plus grande du PIB que l’ensemble du secteur des services d’hébergement et de restauration, le secteur des cultures agricoles, le raffinage du pétrole, la fabrication de papier, la fabrication de produits en bois et la production de fruits de mer.
Puisque les marges de notre secteur sont déjà très minces, les coûts sont importants. Tout retard dans les opérations de nos membres attribuable à la défaillance d’une infrastructure pourrait entraîner une hausse marquée des coûts d’exploitation, ce qui réduirait davantage ces marges, mais augmenterait également les coûts pour les consommateurs. Les entreprises de transport par camion du Canada atlantique ne sont déjà pas sur un pied d’égalité puisqu’elles paient le carburant environ 15 % plus cher que leurs homologues de l’ensemble du pays.
L’isthme de Chignecto joue un rôle important dans le transport et le commerce entre le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et le reste du continent. Si cette liaison routière devait fermer ou devenir impraticable en raison d’une catastrophe naturelle, cela aurait une incidence importante sur le camionnage et le transport, et perturberait la principale voie commerciale entre le Canada atlantique, le reste du Canada et les États-Unis.
Les quelque 20 kilomètres de la route transcanadienne — c’est-à-dire les routes 2 et 104 — qui traversent l’isthme entre Sackville, au Nouveau-Brunswick, et Amherst, en Nouvelle-Écosse, font partie intégrante de la Porte d’entrée et du Corridor de commerce de l’Atlantique, et constituent le principal système d’organisation du trafic pour tous les échanges commerciaux terrestres entre la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick et les points situés plus à l’ouest.
Selon les estimations provinciales, les échanges commerciaux empruntant le corridor de Chignecto se chiffrent à environ 35 milliards de dollars par année. Le recensement de la circulation que la province du Nouveau-Brunswick a réalisé au compteur permanent près d’Aulac, au Nouveau-Brunswick, révèle un débit journalier moyen des camions d’une année d’environ 2 500 véhicules commerciaux, pour un total d’environ 912 000 camions par an.
L’infrastructure de transport est également essentielle pour les provinces de l’Île-du-Prince-Édouard et de Terre-Neuve-et-Labrador. Dans le premier cas, cette voie est un itinéraire clé à l’année pour les camions à destination ou en provenance de l’Île‑du-Prince-Édouard, grâce au service de Northumberland Ferries qui relie Caribou, en Nouvelle-Écosse, à Wood Islands, sur l’Île‑du-Prince-Édouard.
Dans le même ordre d’idées, tout le transport terrestre de marchandises dans la province de Terre-Neuve-et-Labrador doit franchir l’isthme pour accéder au service de traversier de Marine Atlantique ou au service maritime direct d’Oceanex entre le port d’Halifax et celui de St. John’s, à Terre-Neuve. Selon les données de Marine Atlantique, environ 93 000 véhicules commerciaux utilisent leur service chaque année. Ils transportent une vaste gamme de biens de consommation — des aliments frais et surgelés, et des fournitures médicales — aux Terre-Neuviens. L’isthme est également un lien essentiel pour l’exportation des produits de Terre-Neuve, en particulier des fruits de mer, vers les marchés internationaux, y compris les États-Unis.
Là encore, toute perturbation de ce lien vital aura des répercussions sur les chaînes d’approvisionnement, entraînant des retards dans la livraison de biens et de matières premières aux entreprises et aux fabricants, ce qui, par conséquent, pourrait bien sûr entraîner des ralentissements de la production dans notre région et avoir des répercussions économiques.
Pour conclure, je voudrais dire que toute perturbation de la libre circulation routière et ferroviaire des marchandises par l’isthme aurait des répercussions importantes et profondes sur le camionnage et le transport. Il faudrait faire preuve d’adaptabilité, augmenter les coûts et éventuellement modifier à long terme nos stratégies pour atténuer les effets de cette perturbation.
Même si notre association n’estime pas devoir se prononcer sur les options officielles qui sont examinées — et sur celle qui devrait être choisie —, nous sommes convaincus qu’il faut faire quelque chose pour cette liaison essentielle, et ce, le plus tôt possible. Nous aimerions que les gouvernements — nos partenaires provinciaux — choisissent l’option qui perturbera le moins possible les voies de l’autoroute transcanadienne en direction est et ouest. Nous demeurons à votre disposition au fur et à mesure de l’avancement du projet. Nous vous remercions de votre attention.
Tracy Cloud, directrice, Négociations trilatérales, Mi’gmawe’l Tplu’taqnn Incorporated : Merci, madame la présidente. Bonsoir, mesdames et messieurs les sénateurs.
Je m’appelle Tracy Cloud et je suis directrice des négociations trilatérales pour Mi’gmawe’l Tplu’taqnn Incorporated, ou MTI. Je suis accompagnée de Charles Labillois-Bjorndal, notre directeur des connaissances autochtones.
Nous nous adressons à vous depuis le territoire non cédé des Mi’gmaq, qui porte actuellement le nom du Nouveau-Brunswick. Notre peuple occupe ces terres et ces eaux et en prend soin depuis des temps immémoriaux. Il n’a jamais cédé son titre autochtone de propriété et de gérance de ces terres et de ces eaux.
La MTI est une organisation à but non lucratif créée par les neuf Premières Nations Mi’gmaq du Nouveau-Brunswick. Nous avons notamment pour objectif de promouvoir et d’appuyer la reconnaissance, l’affirmation, l’exercice et la mise en œuvre des droits ancestraux et issus de traités et du droit à l’autodétermination. Nous travaillons au nom de nos communautés.
Nous vous remercions de nous permettre de présenter nos réflexions sur les propositions de projet à l’isthme de Chignectou. Ce soir, nous aborderons trois éléments clés qui doivent être pris en compte lors de la rédaction de votre rapport et de vos recommandations.
Premièrement, l’isthme de Chignectou est une zone culturelle importante pour les Mi’gmaq. Une étude plus approfondie est nécessaire pour en saisir l’ampleur. Deuxièmement, en raison de la signification des lieux, les gouvernements provinciaux et fédéral doivent effectuer de véritables consultations en bonne et due forme pour tous travaux dans cette zone. Troisièmement, le changement climatique et l’élévation du niveau de la mer ont eu des répercussions sur nos communautés, qui ont perdu des terres et des artéfacts, notamment dans la région de l’isthme de Chignecto.
Le nom « Chignectou » est une adaptation européenne du terme mi’gmaq désignant une région beaucoup plus vaste : Siknikt, qui signifie « lieu de drainage ». Elle s’étend des hautes terres de Cobequid à la limite orientale du bassin hydrographique de la rivière Wolastoq, et au nord jusqu’à la Baie-des-Chaleurs.
Nous savons que l’isthme de Chignectou est un corridor très important pour notre pays et que des marchandises y transitent tous les jours. C’est ainsi depuis toujours. Des études archéologiques menées dans la région montrent qu’elle a été l’une des zones les plus densément peuplées de Mi’gma’gi et qu’elle a été un lieu de commerce. L’isthme était et demeure un terrain marécageux riche en ressources, avec des chemins de portage qui relient la baie de Fundy au golfe du Saint-Laurent et, plus loin, à d’autres grandes voies fluviales. Ce secteur est encore couramment utilisé par les membres de la communauté pour exercer leurs droits ancestraux et issus de traités.
Lorsque nous avons entendu parler pour la première fois des travaux proposés, nous avons rencontré le ministère provincial des Transports et de l’Infrastructure, et lui avons dit qu’il fallait réaliser une étude sur les connaissances autochtones. Le gouvernement du Nouveau-Brunswick nous a répondu que seuls 30 000 $ y seraient consacrés. Cette somme est loin d’être suffisante pour entreprendre le travail nécessaire à une évaluation complète.
Nous supposons qu’une fois que les gouvernements fédéral et provinciaux se seront mis d’accord sur une formule de partage des coûts, ils voudront faire avancer les choses rapidement, compte tenu des répercussions économiques.
Même s’il s’agit des premières étapes, une vaste consultation en bonne et due forme est nécessaire, et elle devrait idéalement commencer maintenant. Une évaluation des répercussions sur les droits des Mi’gmaq devrait être effectuée pour le projet.
À titre informatif, on sait que l’isthme abrite 44 espèces en péril d’après les lois fédérales et provinciales. Les spécialistes de la faune estiment que l’isthme est particulièrement important pour les espèces d’oiseaux en péril qui dépendent des zones humides forestières, et pour l’orignal de Nouvelle-Écosse continentale, une espèce menacée à l’échelle provinciale. Il s’agit certainement d’une source de préoccupation.
Outre les espèces en péril, la région abrite plus de 250 espèces préoccupantes sur le plan de la conservation en Nouvelle-Écosse et plus de 170 au Nouveau-Brunswick.
En outre, vous devez savoir que sept communautés Mi’gmaq ont acheté l’ancienne propriété de la CBC, qui couvre 124 hectares le long de l’isthme.
Compte tenu de l’intérêt suscité, nous avons rencontré un consultant privé, mais il y a eu très peu de réunions de fond sur ce projet jusqu’à présent.
Les Mi’gmaq ont subi les effets du changement climatique dans la région et ont dû s’y adapter. L’élévation du niveau de la mer a entraîné la perte de terres dans nos communautés et sur nos territoires traditionnels. Les inondations et l’érosion ont emporté ou menacent actuellement des artéfacts, des lieux de sépulture et des sites sacrés. Des mesures doivent être prises pour garantir la préservation des terres et des artéfacts dans l’isthme de Chignectou.
Pour la suite des choses, les mesures suivantes doivent être prises : l’isthme de Chignecto est une région qui revêt une grande importance culturelle pour les Mi’gmaq, et une étude poussée des connaissances autochtones doit être entreprise. Les gouvernements provinciaux et fédéral doivent mener de vastes consultations en bonne et due forme sur ce projet, une tâche qui ne doit pas être confiée à un consultant privé. Les gouvernements doivent investir plus dans des mesures d’atténuation afin d’éviter de nouvelles pertes de terres et d’artefacts attribuables au changement climatique.
Nous vous remercions pour le temps que vous nous avez accordé, et nous nous réjouissons de répondre à vos questions.
[Français]
La vice-présidente : Merci beaucoup, madame Cloud. Nous allons effectivement passer aux questions.
[Traduction]
Le sénateur Quinn : Ma première question s’adresse à Mme Cloud. Pourriez-vous nous parler un peu plus de l’importance des connaissances traditionnelles alors que les gouvernements examinent cette question?
Voici où je veux en venir : je crois que les connaissances traditionnelles ont un rôle très important à jouer dans les projets qui sont entrepris parce que l’histoire et les connaissances faisant partie intégrante de la culture autochtone peuvent jouer un rôle déterminant. Pouvez-vous nous parler de l’importance que revêt ce savoir dans le cadre du projet?
Mme Cloud : Monsieur le sénateur, je vais m’en remettre à mon collègue, M. Labillois-Bjorndal, qui est certainement le spécialiste en matière de connaissances autochtones.
Charles Labillois-Bjorndal, directeur, Connaissances autochtones, Mi’gmawe’l Tplu’taqnn Incorporated : Bonjour, mesdames et messieurs les sénateurs. Les connaissances autochtones et traditionnelles — je suppose que nous pourrions les appeler ainsi — sont importantes parce qu’elles sont au cœur de notre identité en tant que peuple autochtone, et en tant que peuple mi’gmaq. Ces connaissances sont transmises de génération en génération, par la tradition orale. Elles contribuent à notre culture et à nos moyens de subsistance. C’est ce qui fait notre résilience en tant que peuple mi’gmaq. Voilà pourquoi les connaissances traditionnelles sont importantes à petite échelle.
Le sénateur Quinn : Pour poursuivre sur cette lancée, nous avons entendu parler plus tôt des diverses espèces et de la faune vulnérables qui vivent dans la région. Cela fait-il partie du savoir traditionnel, notamment l’histoire des habitudes migratoires? Serait-il utile d’en informer les promoteurs pour qu’ils fassent attention?
M. Labillois-Bjorndal : Oui, tout à fait. Cette information pourrait aider les promoteurs à prendre des mesures d’atténuation dans certaines zones. Par exemple, s’il y a un site archéologique, mais que le projet proposé traverse cette zone, nous pourrions discuter de mesures d’atténuation afin d’éviter le secteur. Il en va de même pour les espèces en péril. Si nous connaissons l’habitat d’une espèce, nous pouvons proposer une mesure d’atténuation pour l’éviter. Il vaut la peine d’avoir une bonne discussion honnête sur l’atténuation avec nos collègues et nos partenaires.
Le sénateur Quinn : Je vous remercie.
Je m’adresse maintenant à M. Guimond, du CN. Plus tôt ce soir, les provinces nous ont parlé de l’entretien continu des voies ferrées qui traversent l’isthme. Vous avez mentionné les sommes investies par le CN.
Pouvez-vous nous parler un peu de l’importance de cette question, étant donné que vous êtes la seule présence ferroviaire sur la côte Est? Pourriez-vous nous expliquer pourquoi cet investissement est si important?
Deuxièmement, pourriez-vous nous parler du système de digues existant? Nous avons appris ce soir que les digues sont en fait un peu plus hautes que la voie ferrée et la route. Pouvez-vous nous parler de l’importance de prendre des mesures préventives aujourd’hui pour éviter que votre infrastructure ne soit inondée?
M. Guimond : Je vous remercie de ces questions. En ce qui concerne l’entretien, comme je l’ai dit, nous avons 30 000 kilomètres de voies ferrées en Amérique du Nord. Nous avons un processus d’entretien rigoureux qui consiste à inspecter nos voies à différentes fréquences, en fonction de leur utilisation.
Le corridor est n’est pas différent des autres puisqu’on considère que cette zone précise fait partie de la voie principale. Ce secteur fait l’objet du plus grand nombre d’inspections possible, car il s’agit de notre ligne principale.
Nous réalisons un type d’inspection visuelle au moyen d’un véhicule rail-route, où des employés se rendent sur les lieux. Nous utilisons également la technologie. Il y a quelques années, nous avons mis sur pied un type de technologie que nous appelons un système autonome d’inspection des voies. Nous avons d’ailleurs un de ces systèmes spécialisés ici.
Il s’agit en fait d’un wagon équipé de tonnes de lasers capables de saisir des données, ce qui nous permet de traverser les rails. Nous recueillons toutes sortes de données et les renvoyons à un bureau où des personnes les analysent et nous aident à cibler immédiatement une zone où nous aurions constaté des écarts par rapport à la norme. Dans ce secteur...
Le sénateur Quinn : Je pourrais vous demander de parler de la section avant, sans quoi je vais manquer de temps.
Quelle est l’importance de la section avant et des digues qui la protègent? Vos commentaires sont utiles, même en ce qui concerne les solutions naturelles qui existent aujourd’hui. C’est la partie avant qui protège le chemin de fer. Quelle importance revêt cette zone? Quelles sont vos craintes quant à son état?
M. Guimond : Cette section est aussi importante que notre réseau. Nous avons des wagons d’inspection autonome de la voie qui font l’aller-retour entre Halifax et la partie ouest pour assurer l’inspection de cette partie.
Pour ce qui est du deuxième volet de votre question, je serai honnête : je ne suis pas un expert en ce qui a trait à la digue et à la hauteur de notre voie ferrée. Nous avons un groupe d’ingénieurs qui étudie expressément tous ces éléments, y compris l’évaluation des risques possibles. C’est là que nous avons affecté nos dépenses en capital, ou capitaux d’investissement, lorsque c’était nécessaire pour entretenir ou accroître la résilience de notre partie du réseau. Cela relève d’un groupe d’ingénierie qui étudie toutes les répercussions possibles du changement climatique, dont ce secteur fait évidemment partie.
Le sénateur Quinn : Madame la présidente, si le CN dispose d’informations à ce sujet, il pourrait peut-être nous les communiquer.
La vice-présidente : Oui, nous menons une étude sur cette région en particulier.
[Français]
C’est ce à quoi nous nous intéressons, monsieur Guimond. Nous avons besoin d’informations sur ce que vous faites ou non. Comment considérez-vous techniquement cette voie ferrée qui est très souvent inondée? Est-elle sécuritaire ou non? Nous avons vraiment besoin d’informations techniques.
La sénatrice Simons : Merci, monsieur Guimond, d’être avec nous ce soir. J’ai trois questions pour vous.
[Traduction]
Tout d’abord, j’aimerais savoir ceci. Quelle analyse des risques internes le CN a-t-il effectuée pour cette partie de la ligne? Combien le CN est-il prêt à débourser non seulement pour renforcer sa propre ligne, mais aussi pour contribuer au coût total que nécessitera la sécurisation de l’isthme?
Enfin, de nombreux représentants du gouvernement nous ont dit qu’il leur était extrêmement difficile de communiquer avec le CN ou d’obtenir une réponse lorsqu’ils s’adressaient à vous. Je me demande si vous pourriez me dire ce que le CN a fait pour essayer de travailler en collaboration avec les provinces et les municipalités visées.
M. Guimond : Je tiens à vous remercier de ces questions. Je vais essayer d’y répondre une à une.
En ce qui concerne les communications, nous avons un groupe responsable des affaires publiques. Une personne s’occupe de l’Atlantique, et nous sommes en train d’en embaucher une autre qui se consacrera dorénavant à l’Atlantique. Nous essayons de collaborer par l’intermédiaire de nos responsables des affaires publiques. Par la suite, ils transmettent l’information et communiquent avec les différentes branches du CN. Par ailleurs, pour ce qui est de la collaboration, le CN a participé à l’enquête réalisée en 2022 sur l’isthme de Chignectou.
Nous savons que nous sommes présents dans de nombreuses municipalités à l’échelle du pays. Nous avons des personnes-ressources affectées à ce volet qui nous assurent de collaborer le mieux possible dans nos différents secteurs.
En ce qui concerne les coûts et les investissements, je pense que le CN indique clairement à toutes les parties prenantes qu’il s’engage à investir directement dans l’entretien de son infrastructure ferroviaire. C’est ce que le CN est prêt à payer pour l’entretien de la voie ferrée qui traverse l’isthme de Chignectou.
La sénatrice Simons : Si je peux me permettre de vous interrompre, le problème n’est pas l’entretien de la voie ferrée; c’est plutôt le maintien du niveau de l’eau. Vous pouvez dépenser 1 milliard de dollars pour la voie ferrée, mais si l’isthme est inondé, c’est de l’argent gaspillé. Êtes-vous prêt à dépenser plus que la vérification des traverses, et à contribuer au projet plus vaste de protection de la région?
M. Guimond : Nous nous engageons notamment à rendre notre réseau résilient et à y intégrer le risque attribuable au changement climatique. Le CN est prêt à investir directement dans son infrastructure pour la rendre résiliente — non seulement pour la réparer et l’entretenir, mais aussi pour en accroître la résilience à l’avenir.
La sénatrice Simons : Mais est-ce que la résilience inclurait l’examen du problème global d’inondation de l’isthme? Le CN est-il prêt à s’asseoir avec le gouvernement fédéral, les provinces et les municipalités pour investir de l’argent non seulement dans l’emprise de son chemin de fer, mais aussi dans l’avenir du secteur que traverse l’ensemble de la voie?
M. Guimond : Nous avons déjà dit clairement que nous allions investir directement dans notre infrastructure.
La sénatrice Simons : D’accord, mais j’aimerais savoir si vous avez l’intention d’investir dans l’infrastructure qui protège votre chemin de fer. En effet, comme je l’ai dit, vous pourriez construire une ligne de chemin de fer en platine avec des traverses en diamant, mais si l’ensemble est inondé, à quoi cela sert-il? Si le CN est prêt à atténuer le risque en protégeant l’isthme, il serait bon de le savoir.
J’ai une dernière question au sujet du câble de fibre optique qui longe votre voie ferrée. À qui appartient ce câble et le CN est-il responsable de protéger ce chemin de câble?
M. Guimond : Je ne suis pas expert en ingénierie de fibre optique, mais je peux vous dire que des fibres optiques longent certainement notre emprise à certains endroits. J’en suis conscient, mais je ne suis pas en mesure de formuler des commentaires sur cette section précise. Je serais toutefois heureux de vous faire parvenir des renseignements sur les fibres optiques dans cette section.
La sénatrice Simons : Ce serait extrêmement utile.
Madame Cloud, que faudrait-il faire pour que vous estimiez que vous avez été adéquatement consultés? Vous dites qu’il s’agit de terres non cédées, mais avez-vous une revendication au sujet de ces terres? Demanderiez-vous une compensation? Que faudrait-il mettre en place pour que vous ayez l’impression que la participation des communautés mi’kmaqs à ce projet est adéquate?
Mme Cloud : Je vous remercie de votre question. Nous avons un processus appelé Mi’gmaq Rights Impact Assessment, ou cadre d’évaluation de l’impact sur les droits des Mi’kmaqs, qui s’ajoute au processus fédéral d’étude d’impact sur l’environnement.
La sénatrice Simons : Il faudrait donc mener une étude d’impact.
Mme Cloud : Oui, car cette étude tiendrait compte des questions susceptibles d’avoir un impact sur les droits, et on se pencherait expressément sur les études qui pourraient devoir être menées en plus de celles qui ont déjà eu lieu. Pour répondre à votre question, nous avons des droits établis dans la région, mais plusieurs nations ont également des revendications de titres actives dans la province.
La sénatrice Simons : Je vous remercie beaucoup.
Le sénateur Prosper : Je remercie les témoins. J’ai une question pour Mme Cloud. [mots prononcés dans une langue autochtone]
Cela fait longtemps. Je viens de dire « Bonjour et bonne journée ».
Ma question fait suite à celle de la sénatrice Simons, qui portait sur les consultations. Vous avez parlé de consultations approfondies et enrichissantes. Pourriez-vous nous donner un aperçu ou des exemples de la manière dont cela a fonctionné pour votre organisme? Je vous remercie.
Mme Cloud : Oui, certainement. Je vous remercie beaucoup, sénateur.
J’essaie de penser à un exemple pertinent. Ce que je peux vous dire, c’est que le travail effectué avec la province n’a pas été suffisant, car dans les discussions, on n’a pas suffisamment tenu compte du cadre d’évaluation de l’impact sur les droits des Mi’kmaqs. Par contre, le gouvernement fédéral en a tenu compte. Nous aimons certainement travailler avec son processus, car il est beaucoup plus complet que celui que nous avons utilisé dans la province du Nouveau-Brunswick.
Nous avons un processus. Il s’agit d’un processus en huit étapes qui est effectué par l’entremise du cadre d’évaluation de l’impact sur les droits des Mi’kmaqs. Je serais heureuse de vous l’envoyer dans un document supplémentaire à la suite de ces discussions, afin que vous puissiez le consulter. Ce document définit un processus qui permet d’évaluer l’ampleur de l’impact des droits.
L’impact potentiel dépendra des facteurs d’atténuation qui pourraient être mis en place ou des accommodations qui pourraient être envisagées à l’avenir. Le processus permet certainement d’entretenir un dialogue ouvert. Plusieurs promoteurs ont suivi ce processus, et nous avons entendu des commentaires très positifs.
Le sénateur Prosper : Je vous remercie.
Le sénateur Cardozo : J’ai trois brèves questions. Monsieur McKee, la première s’adresse à vous, au cas où vous vous sentiriez exclus. Vous avez exprimé clairement que nous n’avions pas trop de questions, mais j’en ai une pour vous.
Des témoins précédents ont laissé entendre que les autres routes secondaires, au-delà de la Transcanadienne, n’étaient pas très bonnes pour les camions.
M. McKee : C’est tout à fait exact. Il existe une série de routes secondaires, en particulier la route 97E en Nouvelle-Écosse, qui va jusqu’au Nouveau-Brunswick par la route 366. Ces routes sont reliées à des routes à deux voies — l’autoroute 15 et l’autoroute 16 — à divers endroits de l’isthme. Selon où se situeraient les dommages potentiels, il serait possible d’emprunter une autre route. Mais, comme je l’ai dit, il s’agit d’un volume de 2 500 camions par jour. Cette infrastructure n’est en aucun cas prête à supporter une telle charge ou une telle congestion, pas plus que les petites collectivités et les maisons le long de ces routes.
Le sénateur Cardozo : Y a-t-il eu des fermetures temporaires de la route? Il y a eu une fermeture temporaire.
M. McKee : Veuillez m’excuser, car je ne suis pas dans l’industrie depuis très longtemps. Je me souviens qu’il y a eu une brève fermeture et que des camions ont dû prendre l’une de ces routes secondaires, mais je suis désolé de ne pas connaître les détails.
Le sénateur Cardozo : Mais cela a tout de même causé des embouteillages importants.
M. McKee : Oui, certainement.
Le sénateur Cardozo : Monsieur Guimond, j’ai une question au sujet des coûts. Nos témoins précédents ont parlé d’un coût d’environ 650 millions de dollars. Pensez-vous que le CN investira de l’argent dans ce projet?
M. Guimond : Je vous remercie de votre question, sénateur.
Le CN s’est engagé à investir directement dans son infrastructure. Le meilleur exemple que je puisse donner est celui déjà mentionné par quelqu’un d’autre, c’est-à-dire l’affouillement qui s’est produit dans la région de Truro pendant l’été. Nous avons réussi à réparer cette perturbation, et nous avons investi de l’argent dans la remise en état de notre réseau. C’est le type d’investissement que nous faisons, car non seulement nous avons réparé les dégâts avec notre groupe, mais nous étudions aussi ce que le changement climatique pourrait nous apporter à l’avenir. Plus tôt, j’ai parlé de résilience, et nous avons non seulement réparé le réseau, mais nous l’avons aussi rendu plus résilient en installant trois ponceaux au lieu de deux. Pour déterminer le diamètre de ces ponceaux, nous avons tenu compte de l’analyse des données d’un groupe d’hydrologie sur le niveau d’écoulement de l’eau. C’est ainsi que nous investissons notre argent et que nous investissons dans notre réseau pour nous assurer qu’il est résilient, y compris face aux facteurs de changements climatiques qui pourraient survenir.
Le sénateur Cardozo : Pensez-vous qu’une solution pourrait être d’élever le niveau du chemin de fer? Seriez-vous prêts à envisager cela?
M. Guimond : Si nous devons investir dans le talus de notre chemin de fer et dans l’infrastructure connexe, tant qu’il s’agit d’une option qui est liée à l’infrastructure, le CN l’examinera.
Le sénateur Cardozo : D’accord. Partagez-vous le chemin de fer avec le CP?
M. Guimond : Non, nous ne partageons pas le chemin de fer avec le CP dans ce corridor.
Le sénateur Cardozo : L’entreprise traverse-t-elle l’isthme?
M. Guimond : Non, elle ne traverse pas l’isthme.
Le sénateur Cardozo : D’accord. Pour ce qui est de la transmission des lignes de fibre optique, elles ne sont pas reliées à votre structure ou à quoi que ce soit d’autre, n’est-ce pas?
M. Guimond : Nous avons quelques fibres optiques. Elles sont dans notre emprise. À ma connaissance, elles sont sur notre propriété, là-bas.
J’aimerais revenir sur mes réponses précédentes. Je ne connais pas très bien cette région, mais je crois savoir que dans de nombreux endroits du pays, des fibres optiques sont installées sur l’emprise du CN. Toutefois, comme je l’ai dit, je serais certainement heureux de faire parvenir ces renseignements au comité.
Le sénateur Cardozo : D’accord, je vous remercie. Est-il probable que cette fibre soit enterrée plutôt qu’installée avec les lignes électriques au-dessus du sol?
M. Guimond : Oui, très probablement.
Le sénateur Cardozo : Madame Cloud, vous avez parlé avec beaucoup d’éloquence des droits territoriaux, des espèces sauvages, ainsi que de la faune et de la flore de la région. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur la flore et la faune de cette région, et sur vos préoccupations quant aux mesures à prendre face au risque accru d’inondation dans les années à venir?
Mme Cloud : Certainement. Un certain nombre de plantes médicinales sacrées sont actuellement récoltées dans la région, notamment le foin d’odeur. Le foin d’odeur pousse généralement là où l’eau salée et l’eau douce se rencontrent, et c’est donc un endroit idéal pour cette plante, ainsi que pour de nombreux oiseaux migrateurs et d’espèces animales importantes sur le plan culturel — et sur le plan écologique —, comme la tortue des bois, qui est certainement importante pour tout le monde, mais surtout pour le peuple mi’kmaq. Je suis désolée, mais j’ai oublié la deuxième partie de votre question.
Le sénateur Cardozo : Il n’y avait qu’une seule question en ce qui concerne la flore, la faune et les espèces sauvages de cette région.
Mme Cloud : Oui, c’est le corridor de reproduction de l’orignal. Si cette région n’est plus accessible, les orignaux ne pourront pas se rendre en Nouvelle-Écosse. Bien entendu, les préoccupations ne sont pas seulement liées aux espèces, mais aussi à l’importance de la région sur le plan archéologique. En effet, cette région contient de nombreux éléments archéologiques que nous ne voulons pas voir disparaître et que nous aimerions protéger.
Le sénateur Cardozo : Je vous remercie.
La sénatrice Clement : J’aimerais remercier tous les témoins d’être ici aujourd’hui. Madame Cloud, je vous remercie de nous avoir rappelé la langue autochtone de la région, et de nous avoir précisé que « Chignecto » signifie « lieu de drainage ».
Ma question s’adresse aux trois témoins. Lorsqu’il s’agit de la crise climatique et de ses impacts sur l’infrastructure, il faut que tout le monde participe aux discussions et mette la main à la pâte. Je sens que chacun est compétent dans son domaine d’expertise, mais j’aimerais en savoir plus sur la pollinisation croisée et la communication entre tous les intervenants et toutes les parties.
Monsieur McKee et monsieur Guimond, quand vous rencontrez-vous? Qui est responsable de vous réunir tous pour discuter de la manière dont vous participerez tous à ces solutions? Assistez-vous à des réunions? Comment finissez-vous par tous travailler ensemble, le cas échéant?
Madame Cloud, je vous ai entendue dire que la province ne menait pas suffisamment de consultations. J’ai donc des doutes sur la qualité de la collaboration entre tous les ordres de gouvernement, y compris les associations et les parties intéressées. Pourriez-vous nous donner votre avis sur la question, s’il vous plaît?
M. McKee : Je pourrais peut-être répondre en premier, sénatrice. Je vous remercie de votre question. Jusqu’à présent, notre association n’a participé à aucune discussion avec les parties intéressées ou les partenaires sur cette question. C’est la première fois que nous participons à une discussion sur le sujet.
La sénatrice Clement : Je vous remercie, monsieur McKee.
M. Guimond : Je vous remercie de votre question. Je vais y répondre maintenant. En vérité, comme je l’ai expliqué plus tôt, nous avons un employé des affaires publiques qui tente de participer aux discussions lorsque les parties intéressées sont convoquées à la table des discussions. Dans le cas qui nous occupe, le CN a participé, en 2022, à l’Étude approfondie d’ingénierie et de faisabilité relative à l’adaptation aux changements climatiques de l’isthme de Chignectou.
Nous participons aux discussions qui touchent à notre réseau et à notre infrastructure dès que nous sommes invités à le faire ou lorsqu’un événement connexe est organisé. Souvent, ce sera par l’entremise de notre groupe d’affaires publiques, car notre expert interne assistera à ces réunions. Toutefois, jusqu’à présent, à ma connaissance, nous avons participé à l’Étude approfondie d’ingénierie et de faisabilité relative à l’adaptation aux changements climatiques de l’isthme de Chignectou en 2022.
La sénatrice Clement : Je vous remercie.
Mme Cloud : La dernière fois que nous avons eu une discussion avec qui que ce soit sur ce projet, c’était il y a amplement plus d’un an, même deux. Nous n’avions pourtant pas manqué d’exprimer le besoin qu’ils communiquent avec nous dès que possible. Nous avons été invités à l’annonce de l’étude il y a quelque temps, mais nous n’y avons pas participé directement.
Nous avons des conversations avec d’autres ONG du domaine de la conservation, dont Conservation de la nature Canada. Il est certain que nous avons beaucoup de discussions collaboratives avec ce groupe. Pour ce qui est des autres parties prenantes, il n’y a eu que très peu voire pas de communication avec les Mi’kmaqs jusqu’à présent.
La sénatrice Clement : Je vous remercie tous les trois.
La sénatrice Dasko : Je ne voudrais pas qu’on m’accuse de trop m’éterniser sur le sujet, mais, monsieur Guimond, j’ai une dernière question sur les coûts et les dépenses. Vous avez mentionné que le CN tenait compte des répercussions des changements climatiques, de l’élévation du niveau de la mer et des tempêtes. Avez-vous calculé les coûts que la compagnie devra engager, ou que vous prévoyez qu’elle devra engager, pour gérer ces problèmes au cours des prochaines années? Avez-vous établi un montant que vous pensez que l’entreprise devra dépenser? Quels sont les facteurs de risque et que pourriez-vous devoir dépenser pour composer avec ces facteurs? Merci.
M. Guimond : Je vous remercie de cette question.
Oui, notre entreprise tient compte de deux choses dans ses décisions : l’aspect physique et le changement du risque climatique au fil du temps, la transition vers le risque climatique. Honnêtement, je n’ai pas de chiffre à vous donner pour l’instant, mais je peux vous dire qu’on a évalué le risque et qu’on l’a probablement quantifié.
C’est ainsi que nous planifions nos investissements chaque année aussi. Lorsque nous établissons nos priorités annuelles, une partie de l’argent — qui fait partie de notre enveloppe globale — est consacrée à la résilience du réseau, mais pas nécessairement toujours à l’augmentation de la capacité. Je dirais qu’une bonne partie de l’argent est consacrée à l’entretien de base et à la résilience du réseau. Dans ce contexte, nous tenons compte des études sur le changement climatique et des éléments du réseau qui nécessitent un renforcement plutôt qu’un simple maintien, selon l’endroit et le risque potentiel qui s’y présente.
La sénatrice Dasko : Vous avez donc une estimation des coûts associés à l’entretien et aux réparations nécessaires pour gérer les risques dans l’isthme, en particulier?
M. Guimond : Je dirais que je n’ai pas de chiffre en tête pour l’instant, mais je sais que nous avons probablement toutes sortes de chiffres sur les risques et le reste.
La sénatrice Dasko : Merci.
Si vous pouviez nous les faire parvenir, ils nous aideraient à comprendre les investissements que vous pourriez avoir à faire. Si vous pouviez nous les envoyer, ce serait très utile. Je vous remercie.
La sénatrice Simons : Ma question s’adresse elle aussi à M. Guimond.
La vice-présidente : Vous pouvez vous exprimer dans l’une ou l’autre des deux langues, monsieur Guimond.
[Français]
Vous pouvez parler dans la langue dans laquelle vous êtes le plus à l’aise, parce qu’on vous pose beaucoup de questions. Nous sommes très intéressés par le rôle du CN, car il est vraiment central. Je suis désolée, car on a des questions pointues, mais on a besoin d’avoir des réponses, et on vous met donc dans une position qui n’est pas si simple. Je comprends que vous n’ayez pas toutes les réponses, mais on va continuer de vous interroger.
[Traduction]
La sénatrice Simons : Lorsque les chemins de fer du CN et du CP ont été frappés par les inondations le long de la côte de la Colombie-Britannique, il y a quelques années, nous avons été très durement touchés. Je viens de l’Alberta. Sans ces liaisons ferroviaires, l’Alberta s’est retrouvée très isolée.
Le CN et le CP ont cependant uni leurs forces et ont pu, avec une rapidité remarquable, rétablir le service ferroviaire et réparer les voies ferrées.
C’est le genre de chose que je crains lorsque je regarde l’état de l’isthme : en cas d’inondation, il ne serait peut-être pas possible de reconstruire la voie ferrée très rapidement. Nous venons d’entendre que ce serait la catastrophe s’il y avait une combinaison de marées hautes et d’un ouragan. Tout pourrait être englouti pendant des mois, voire des années.
Lorsque vous évaluez les risques, avez-vous peur de voir survenir une véritable catastrophe existentielle, si on compare cette éventualité aux petits incidents survenus en Colombie-Britannique, où l’on a pu réparer les voies relativement vite?
M. Guimond : Je vous remercie pour ces questions.
Je ne qualifierais pas ce qui s’est passé en Colombie-Britannique de petits incidents. Nous avons une main-d’œuvre dévouée, et nos ingénieurs travaillent sans relâche, jour après jour, pour réparer les voies. Je ne peux pas vraiment commenter ce que fait le CP, mais je sais que notre groupe d’ingénieurs y a travaillé avec ardeur.
En cas de catastrophe, c’est l’ampleur de la catastrophe qui compte et le type de solution que nous pouvons mettre de l’avant. Notre groupe d’ingénierie se compose d’experts; c’est leur travail. Nous avons des spécialistes des ponts et des structures au sein de ce groupe. Nous avons déjà réussi à reconstruire des ponts très rapidement. Je citerai à nouveau l’exemple de Truro, cet été, qui se situe dans ma région. Comme je le disais dans l’exposé que j’ai lu au début, beaucoup de gens pensaient que nos services seraient interrompus pendant des mois, et en quelques jours, nous avons ont pu reprendre nos activités.
Il est vraiment difficile d’essayer de planifier les catastrophes.
Je réitère que nous avons modifié nos façons de faire, de sorte que lorsque nous procédons aux allocations budgétaires et à la planification de nos travaux d’entretien, nous prenons désormais le changement climatique en compte. Nous avons pu montrer que nous savons rétablir un réseau assez rapidement.
Je ne peux pas deviner quelles formes de perturbations pourraient survenir. Nous avons perdu des ponts cet été en raison des feux de forêt qui ont ravagé le Nord du Québec. Les eaux ont emporté une partie de notre réseau à Truro. Vous vous souvenez peut-être des photos de nos voies suspendues dans les airs, qui ont circulé dans les journaux, mais en l’espace de quelques jours, nous avons repris nos activités.
La sénatrice Simons : Il m’est très difficile de juger, en ma qualité de sénatrice de l’Alberta plutôt que d’ingénieure de la Nouvelle-Écosse, à quel point cet isthme est vulnérable. D’après votre propre analyse interne des risques, pouvez-vous nous dire si vous considérez que nous sommes exposés à une série de... je ne veux pas dire « petits inconvénients », parce que ce qui s’est passé à Truro n’était pas qu’un petit inconvénient, mais disons des problèmes solubles, moins graves, de plus petite envergure, ou si nous risquons une crise beaucoup plus grande, un anéantissement de tous les couloirs de transport pendant des mois, voire des années?
M. Guimond : Je serai honnête, je ne suis pas moi-même un expert en matière de risques. Nous préférons nous en remettre aux spécialistes. Je fais partie d’un groupe responsable de l’exploitation, qui gère un réseau. Nous avons des ingénieurs bien plus chevronnés que moi pour étudier ces questions. Il y a aussi ceux qui ont participé à l’étude sur la visibilité.
Honnêtement, je ne suis pas en mesure de répondre à cette question parce que je ne suis pas un expert apte à évaluer le risque auquel nous sommes exposés ici.
[Français]
Le sénateur Quinn : Nous avons entendu clairement que le CN compte faire les investissements nécessaires pour ses lignes.
[Traduction]
Je veux y revenir, par souci de clarté. Je ne parle pas de vos digues, qui font partie des voies ferrées qui traversent l’isthme; je parle des barrières de protection appelées digues, qui sont à l’extérieur et qui protègent vos voies ferrées. La question que les gens se posent ici se répond par oui ou par non. Le CN serait-il prêt à investir directement dans les digues qui ne sont pas les siennes, mais qui protègent ses voies?
M. Guimond : Merci encore pour cette question. Encore une fois, je dois vous dire que le CN investira dans ses propres infrastructures. Nous avons nos voies, nos infrastructures et notre lit à entretenir, c’est là que le CN s’engage à investir et à mettre de l’argent.
Le sénateur Quinn : Si l’isthme était inondé et que vos voies ferrées étaient emportées, vous n’auriez plus rien sur la côte Est.
Le sénateur Cardozo : Je ne ferai qu’un bref commentaire, qui n’appelle peut-être même pas de réponse. Je suis frappé par le fait que le groupe précédent comme ce groupe-ci disent que nous avons 10 ans pour agir ici. Je me demande si nous avons même 10 ans pour le faire. J’aimerais dire ceci pour alimenter la réflexion : nous n’avons peut-être même pas 10 ans pour agir.
[Français]
La vice-présidente : Sur ce, monsieur Guimond, j’aimerais vous rappeler que nous vous avons demandé plusieurs éléments. Vous pourriez nous faire parvenir des réponses écrites, notamment sur votre analyse de risque dans la région, et nous communiquer les montants, s’ils sont publics, que vous êtes prêts à investir.
Nous aimerions aussi savoir, du côté de l’ingénierie du CN, ce qu’il en est de l’isthme de Chignecto. Nous sommes un peu restés sur notre faim. Je comprends que votre rôle se situe davantage du côté des opérations, mais si nous pouvions avoir ces informations par écrit, ce serait fort utile.
Chers collègues, veuillez vous joindre à moi pour remercier nos témoins d’avoir partagé leurs connaissances et d’avoir répondu à nos questions aujourd’hui.
[Traduction]
Je vous remercie tous de votre patience, de votre présence et de vous être soumis aux tests de matériel requis. Nous avons beaucoup appris de vous trois.
(La séance est levée.)