LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES TRANSPORTS ET DES COMMUNICATIONS
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mardi 21 mai 2024
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd’hui, à 9 h 2 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi S-273, Loi déclarant le réseau de digues de l’isthme de Chignecto et ses ouvrages connexes comme étant des ouvrages à l’avantage général du Canada; et pour étudier la teneur des éléments des sections 27 et 37 de la partie 4 du projet de loi C-69, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 16 avril 2024.
Le sénateur Leo Housakos(président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Je suis Leo Housakos, sénateur du Québec et président du comité. Je demanderais à mes collègues de se présenter brièvement.
La sénatrice Simons : Je suis la sénatrice Paula Simons, et je viens de l’Alberta, du territoire visé par le Traité no 6. [Mots prononcés dans une langue autochtone].
Le sénateur Quinn : Jim Quinn, du Nouveau-Brunswick.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Julie Miville-Dechêne, du Québec.
[Traduction]
La sénatrice Dasko : Donna Dasko, sénatrice de l’Ontario.
Le président : Nous poursuivons notre étude du projet de loi S-273, le projet de loi sur le réseau de digues de l’isthme de Chignecto. Dans notre premier groupe de témoins ce matin, j’ai le plaisir d’accueillir par vidéoconférence la cheffe Rebecca Knockwood, de la Première Nation de Fort Folly, accompagnée de Derek Simon, conseiller juridique, de Mi’gmawe’l Tplu’taqnn Incorporated. Nous accueillons également Jessica Ginsburg, avocate, qui représente Kwilmu’kw Maw-Klusuaqn.
Bienvenue et merci de vous être joints à nous. Nous entendrons les remarques liminaires de chacun de nos témoins, en commençant par la cheffe Rebecca Knockwood pendant cinq minutes, suivie de Jessica Ginsburg pendant cinq autres minutes, puis nous passerons aux questions.
Cheffe Knockwood, vous avez la parole.
Rebecca Knockwood, cheffe, Première Nation de Fort Folly : Wela’lin. [Mots prononcés dans une langue autochtone], bonjour. Je suis accompagnée aujourd’hui par le conseiller juridique de Mi’gmawe’l Tplu’taqnn, ou MTI, Derek Simon.
MTI est une organisation à but non lucratif créée par les neuf Premières Nations mi’kmaqs du Nouveau-Brunswick. Nos objectifs comprennent la promotion et le soutien de la reconnaissance, de l’affirmation, de l’exercice et de la mise en œuvre des droits ancestraux et issus de traités et du droit à l’autodétermination. Mi’gmawe’l Tplu’taqnn travaille au nom des huit communautés mi’kmaqs sur les questions de consultation. Nous nous présentons tous deux devant vous depuis le territoire non cédé des Mi’kmaqs. Notre peuple occupe ces terres et ces eaux, et en prend soin, depuis des temps immémoriaux, et n’a jamais cédé de titre autochtone de propriété et de gestion de ces terres et de ces eaux.
Merci de nous avoir permis de présenter aujourd’hui nos réflexions sur le projet de loi S-273.
Ma communauté, Amlamgog, se trouve à moins de 10 minutes en voiture de l’isthme de Chignecto. L’isthme de Chignecto est une zone culturelle importante pour les Mi’kmaqs. Le nom Chignecto est une adaptation européenne du terme mi’kmaq désignant une région beaucoup plus vaste, Siknikt, qui signifie « le lieu de drainage ». Nous savons que l’isthme de Chignecto est un important corridor commercial pour notre pays, des marchandises y transitant chaque jour. Cela a toujours été le cas. Des études montrent que cette région était l’une des plus densément peuplées de Mi’kma’ki et qu’elle était un centre de voyage et de commerce. Les Mi’kmaqs, y compris les membres de ma communauté, continuent de récolter dans la région.
Tout le monde s’accorde à dire qu’il s’agit d’un corridor économique important, en particulier pour les Maritimes. Nous convenons qu’en raison du changement climatique, le système de digues doit être rehaussé et renforcé. La seule chose sur laquelle personne ne semble pouvoir s’entendre est de savoir qui doit payer pour mettre à jour ce lien vital pour les provinces maritimes. De nombreux témoins ont évoqué les conséquences économiques si le système de digues n’est pas réparé. Cependant, il y a d’importantes répercussions ou droits Mi’kma’ki à prendre en compte avant de décider d’appuyer ou non le projet de loi S-273. Nous allons vous exposer quelques-uns de ces aspects aujourd’hui.
On sait que l’isthme abrite 44 espèces fédérales et provinciales en péril, ainsi que plus de 250 espèces dont la conservation est préoccupante en Nouvelle-Écosse et plus de 170 au Nouveau-Brunswick. Nombre de ces espèces revêtent une importance particulière pour les Mi’kmaqs. Alors que le gouvernement fédéral et les gouvernements du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse continuent de se disputer pour savoir qui doit payer pour les améliorations nécessaires, la région atlantique doit se préparer à une saison des ouragans extrêmement active avec, à l’heure actuelle, cinq ouragans majeurs prévus cette année. Les tempêtes et les effets du changement climatique dans cette région vont s’aggraver. Des mesures doivent être prises pour la protéger.
Actuellement, la façon dont le gouvernement du Nouveau-Brunswick mène les consultations pose de réels problèmes. Dans le cadre du processus de consultation de la province, nous sommes souvent informés qu’un projet a été jugé comme ayant peu ou pas de répercussions sur les droits ancestraux et issus de traités ou qu’il a été approuvé sans que nos communautés aient été consultées ou presque. Jusqu’à présent, la consultation provinciale sur le projet a été inadéquate. Des travaux archéologiques ont été menés sans la pleine participation des Mi’kmaqs. De même, le processus provincial d’évaluation des répercussions environnementales exclut les Premières Nations d’aspects essentiels de la démarche, notamment le comité d’examen technique.
En raison de ces problèmes, MTI a été contraint d’élaborer son propre processus d’évaluation des répercussions, le cadre d’évaluation des impacts sur les droits des Mi’kmaqs, ou EIDM. Alors que le gouvernement fédéral et les promoteurs n’ont eu aucun problème à suivre ce processus mené par les Mi’kmaqs, la province continue de refuser de le reconnaître. La consultation des autochtones en vertu des lignes directrices fédérales et l’inclusion des autochtones en vertu de la loi fédérale sur l’évaluation d’impact sont plus complètes que le processus du Nouveau-Brunswick et s’harmonisent mieux avec le processus d’EIDM.
Ce projet doit faire l’objet d’une consultation approfondie et réelle, ainsi que d’une étude en bonne et due forme des connaissances autochtones des Mi’kmaqs. Nous estimons qu’une évaluation d’impact fédérale est nécessaire pour un projet d’une telle importance dans une région culturellement importante pour nous. Nous pensons que ce projet de loi contribuera à garantir que le gouvernement fédéral joue un rôle important dans les processus de consultation et d’évaluation d’impact et qu’il est plus probable que le processus soit conforme à l’EIDM. Compte tenu de l’importance de cette région pour les Mi’kmaqs, du fait que le processus de consultation et d’évaluation d’impact du gouvernement fédéral est plus approfondi et du fait que nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre que la bataille juridictionnelle soit réglée, les chefs mi’kmaqs du Nouveau-Brunswick vous demandent d’appuyer le projet de loi présenté par le sénateur Quinn. Les terres devraient être de responsabilité fédérale jusqu’à ce que ce projet soit achevé. Wela’lioq.
Le président : Merci beaucoup. Nous passons maintenant à Jessica Ginsburg pour cinq minutes.
Jessica Ginsburg, avocate, Kwilmu’kw Maw-Klusuaqn : Bonjour. Je vous remercie de nous avoir invités à comparaître devant vous aujourd’hui. Tel que mentionné, je suis ici au nom de Kwilmu’kw Maw-Klusuaqn, aussi connu sous le nom de KMK, qui appuie l’Assemblée des chefs mi’kmaq de la Nouvelle-Écosse dans le cadre du processus tripartite Mi’kmaq-Nouvelle-Écosse-Canada, qui vise à mettre en œuvre les droits ancestraux et les titres.
La nation mi’kmaq a un intérêt général sur toutes les terres, eaux et autres ressources de la Nouvelle-Écosse, car les Mi’kmaqs n’ont jamais abandonné, cédé ou vendu leur titre autochtone sur les terres et les eaux de la province.
Les Mi’kmaqs ont une revendication de titre sur l’ensemble de la Nouvelle-Écosse et sont copropriétaires des terres, des eaux et des ressources de cette province. Le Canada et la Nouvelle-Écosse connaissent et reconnaissent les titres et les droits ancestraux revendiqués par les Mi’kmaqs et le fait que toute répercussion potentielle sur les droits ancestraux et les titres des Mi’kmaqs est soumise à l’obligation de consultation et d’accommodement.
Mes commentaires sur le projet de loi S-273 se concentrent sur ses incidences potentielles pour l’obligation de consultation. Plus précisément, deux articles du projet de loi créent une incertitude réglementaire et introduisent la possibilité pour la Couronne de contourner ses obligations de consultation.
Pour commencer, je parlerai de l’article du projet de loi relatif aux exemptions réglementaires. Le paragraphe 7(1) confère au gouverneur en conseil des pouvoirs étendus lui permettant d’exempter des personnes des permis, licences, agréments et autres autorisations fédérales à toute condition considérée comme étant dans l’intérêt public.
Cette disposition a des incidences évidentes sur l’obligation de consultation. Comme l’a noté la Cour suprême du Canada dans l’affaire Nation haïda c. Colombie-Britannique (Ministre des Forêts) :
[…] cette obligation prend naissance lorsque la Couronne a connaissance, concrètement ou par imputation, de l’existence potentielle du droit ou titre ancestral et envisage des mesures susceptibles d’avoir un effet préjudiciable sur celui-ci […]
L’élément clé de cette discussion est la partie sur les mesures envisagées du critère Haida. À l’heure actuelle, il existe un ensemble assez prévisible, bien qu’imparfait, d’autorisations fédérales et provinciales qui déclenchent l’obligation de consultation pour les grands projets de construction tels que celui envisagé ici. Toutefois, si des exemptions sont prévues pour un certain nombre de ces autorisations, le projet de loi pourrait être utilisé pour contourner les obligations de consultation qui en découlent.
Ce type de préoccupation a été examiné par les juges de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Mikisew Cree First Nation c. Canada (Gouverneur général en conseil) dans le contexte de la question de savoir si la Couronne a une obligation de consultation lors de l’élaboration de lois. Le juge Karakatsanis a reconnu que la préoccupation suivante était valable :
[…] il pourrait survenir des situations où la loi supprimerait effectivement l’obligation future de consulter en supprimant le processus décisionnel de la Couronne qui aurait autrement déclenché l’obligation de consulter.
Et a fait référence à la décision antérieure de la Cour d’appel du Yukon dans l’affaire Ross River Dena Council c. Yukon, qui a statué que :
[…] les régimes légaux qui ne prévoient pas la tenue de consultation ou un autre moyen tout aussi efficace de reconnaître les revendications des Autochtones et de prendre des mesures d’accommodement sont viciés et ne devraient pas être maintenus
Passons maintenant à l’article 4, qui contient la déclaration selon laquelle le réseau de digues de l’isthme de Chignecto et les ouvrages connexes sont à l’avantage général du Canada. Le fait de placer l’isthme de Chignecto et les ouvrages connexes sous la compétence réglementaire fédérale risque à nouveau de créer une incertitude réglementaire et de contourner les décisions provinciales ou de créer des lacunes réglementaires dans des domaines qui déclenchent actuellement l’obligation de consulter.
La question de savoir comment maintenir l’obligation de consultation de la Couronne face aux exemptions et lacunes réglementaires potentielles doit être abordée. Le projet de loi lui-même devrait contenir une garantie que les décisions prises en vertu de celui-ci seront conformes à l’objectif de réconciliation et aux obligations de consultation de la Couronne.
Toute diminution des possibilités de consultation offertes aux Mi’kmaqs de la Nouvelle-Écosse est inacceptable. Avant que ces terres ne revêtent une importance pour le Canada en tant que corridor économique et de transport, les Mi’kmaqs les avaient utilisées et occupées depuis des temps immémoriaux. Aujourd’hui, la zone conserve une grande importance en raison de son utilisation traditionnelle de longue date, de son potentiel archéologique sur terre et sous l’eau et de sa signification spirituelle liée aux légendes des Mi’kmaqs. Elle fait l’objet de nombreuses consultations et offre aux Mi’kmaqs des possibilités économiques liées à l’aménagement d’infrastructures locales telles que les nouvelles lignes de transmission interprovinciales. Il est donc impératif que les Mi’kmaqs continuent de participer à toutes les décisions multidimensionnelles concernant cette région importante.
Bien que nous comprenions la nécessité de protéger cette importante masse terrestre des changements climatiques, nous sommes très préoccupés par tout projet de loi qui pourrait être utilisé pour supprimer la prise de décision de la Couronne qui aurait autrement déclenché l’obligation de consulter. Je vous remercie.
Le président : Je vous remercie. Pour la gouverne de notre auditoire, je signale que le sénateur Prosper et le sénateur Aucoin se sont également joints à notre comité.
Le sénateur Quinn : Merci, chers témoins, d’être ici ce matin. Je veux revenir sur l’obligation de consulter.
Lorsque les provinces de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick ont entrepris leur étude d’examiner les options possibles, l’une ou l’autre de vos organisations, ou les deux, ont-elles été consultées?
Mme Knockwood : Je crois que cela n’a pas été le cas au Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Quinn : Et en Nouvelle-Écosse?
Mme Ginsburg : C’était avant mon arrivée dans l’organisation, alors je ne peux pas fournir de réponse définitive.
Le sénateur Quinn : En ce qui concerne les consultations — et je vous remercie de vos observations sur la question de savoir si l’obligation de consulter devrait figurer dans le projet de loi —, je crois savoir que si cette question devait relever de la compétence fédérale et faire l’objet d’une décision par les tribunaux ou par le Parlement, un projet relevant de la compétence fédérale déclencherait automatiquement l’obligation de consulter. Est-ce exact? Qu’en pensez-vous tous les deux?
Derek A. Simon, conseiller juridique, Mi’gmawe’l Tplu’taqnn Incorporated, Première Nation de Fort Folly : Il faudrait qu’une décision soit prise pour déclencher l’obligation de consulter. Je ne veux pas parler pour mon ami. Le problème est peut-être la capacité d’exempter certaines décisions fédérales d’octroyer l’autorisation, ce qui signifie que certains facteurs de l’obligation de consulter pourraient ne pas exister.
Pour revenir sur la réponse de la cheffe, il y a eu un engagement limité entourant le projet de la part de la province, mais — comme elle l’a mentionné — il n’y a pas eu de participation importante des Mi’kmaqs dans les travaux archéologiques, par exemple, comme nous l’aurions espéré. Aucun financement n’a été versé pour une étude sur les connaissances autochtones, malgré l’importance de l’utilisation des terres dans la région. Il y a eu une participation minimale, mais pas la consultation approfondie et véritable à laquelle nous aurions pu nous attendre.
Le sénateur Quinn : Le projet de loi serait-il renforcé si nous apportions l’amendement qui mentionne précisément l’obligation de consulter? Cela serait-il utile?
M. Simon : Je vais laisser le soin à mon amie, Mme Ginsburg, de répondre à cela.
Mme Ginsburg : Oui, les tribunaux se sont montrés de plus en plus critiques à l’égard des mesures législatives qui suppriment les décisions qui déclenchent l’obligation de consulter. Compte tenu de l’étendue du pouvoir d’exemption de ce projet de loi, ainsi que de l’incertitude constitutionnelle ou des questions soulevées par le transfert de la compétence de la province au gouvernement fédéral, il est possible qu’il y ait moins de consultation, même si ce n’est pas forcément ainsi que les choses fonctionnent. Mais on craint qu’il puisse y avoir des lacunes ou des exemptions réglementaires qui signifieraient que l’obligation connexe n’est pas déclenchée. Puisqu’il s’agit d’un pouvoir d’exemption d’une grande portée — par exemple —, nous sommes d’avis qu’il serait bon de garantir qu’il ne sera pas utilisé ou mis en œuvre de manière à diminuer de quelque manière que ce soit l’objectif de réconciliation ou l’obligation de consulter.
Le sénateur Quinn : Merci. La semaine dernière, le gouvernement fédéral a souligné l’importance du pont de Québec qui relie la ville de Québec à la rive sud. Il investit des sommes considérables sur une période de 25 ans. Il estime que c’est un corridor de transport essentiel. En fait, je pense qu’il a déclaré que c’est à l’avantage général du Canada. Comment réagissez-vous à cela lorsque vous regardez l’isthme de Chignecto? À votre avis, l’isthme de Chignecto est-il important pour le Canada en ce qui concerne le commerce, le transport et la protection des villes et des terres agricoles? Je vous demanderais à tous les deux de répondre.
Mme Knockwood : Merci, sénateur Quinn. J’estime que c’est très important d’un point de vue environnemental et économique, car il s’agit d’un corridor commercial. Vous avez les trois provinces que l’isthme de Chignecto traversera.
C’est le Nouveau-Brunswick, l’Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve. Si cette route est coupée, on n’a essentiellement aucun moyen de se rendre sur place pour livrer des marchandises ou quoi que ce soit d’autre. Si l’isthme de Chignecto devait être inondé, je pense que ma communauté en souffrirait grandement, car nous n’aurions aucun endroit où chasser ou cueillir nos plantes médicinales.
Le sénateur Quinn : L’autre témoin veut-elle faire des observations?
Mme Ginsburg : Je suis d’accord pour dire qu’il est d’une importance capitale et l’a toujours été. Je sais que vous posez la question quant à son importance pour le Canada en tant que pays, mais il a toujours été important pour les Mi’kmaqs avant que le Canada s’en préoccupe. Je suis donc d’accord avec la cheffe Knockwood pour dire que sur de nombreux plans différents — économique, environnemental et archéologique —, c’est un endroit crucial qui a une grande valeur pour les Mi’kmaqs de la Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Simons : Madame Ginsburg, vous avez soulevé une question que j’avais abordée à notre dernière réunion à propos du paragraphe 7(1) du projet de loi qui, comme vous le dites, prévoit un pouvoir d’exemption extraordinairement large pour exempter toute personne de l’obligation d’obtenir un permis, une licence ou une autorisation à l’égard de la construction — que ce soit en lien avec les lois du travail, les lois sur l’environnement, comme vous l’avez dit, la préservation archéologique, l’obligation de consulter. Le paragraphe 7(3) est sans doute encore plus large parce qu’il prévoit une exemption a posteriori pour tout ce qui a été considéré comme étant un problème. Il s’agit de brandir une baguette magique et dire que cela ne s’est pas produit.
Je me demande, monsieur Simon et cheffe Knockwood, ce que vous pensez de ces pouvoirs d’exemption prévus à l’article 7 et si, oui ou non, ils portent atteinte à de nombreux droits autochtones et à de nombreuses protections environnementales qui pourraient être accordés à ce corridor essentiel — je ne veux pas le qualifier d’élément d’infrastructure, mais c’est un corridor écologiquement fragile.
Mme Knockwood : Je vais laisser M. Simon vous répondre.
M. Simon : Merci, sénatrice. Je ne pense évidemment pas que la Couronne puisse, par voie législative, se soustraire à ses obligations en matière de consultation. Je pense que l’honneur de la Couronne l’obligerait à s’engager avec les peuples autochtones sur ce projet, peu importe ce que le projet de loi prévoit. Cela dit, je partage les préoccupations de mon amie quant au potentiel que, si des exemptions générales sont accordées pour certaines exigences en matière de permis, l’obligation de consulter soit limitée de certaines manières. Nous pourrions ainsi ne pas être consultés sur les aspects du projet pour lesquels nous voulons être consultés. Je reviens aux observations de la cheffe. Je pense que nous estimons que, dans l’ensemble, le projet bénéficierait d’une surveillance fédérale et d’un leadership fédéral en matière d’obligation de consulter et d’évaluation d’impact, si bien que les amendements qui visent à réduire la portée de certaines des exemptions prévues à l’article 7 pourraient être les bienvenus.
La sénatrice Simons : Madame Ginsburg, l’un des témoins qui a comparu devant nous la dernière fois, M. Andrew Leach, de la faculté de droit de l’Université de l’Alberta, a déclaré qu’il pensait que si ce projet de loi entrait en vigueur, il créerait un vide législatif potentiel, car toutes les lois provinciales des gouvernements de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick seraient suspendues par ce projet. Je me demande ce que vous en pensez. Croyez-vous que, si ce projet de loi était adopté, les règlements provinciaux, les règlements en matière d’environnement et les règlements relatifs aux fouilles archéologiques seraient effectivement éliminés?
Mme Ginsburg : Bien entendu, c’est la préoccupation, ou s’ils étaient éliminés, il n’y aurait pas de points de décision fédéraux de rechange. Cela ne veut pas dire que les décisions doivent être prises au niveau provincial, mais le gouvernement fédéral ne réglementerait généralement pas les domaines couverts actuellement par les provinces. C’est ce qui nous préoccupe : qu’il y ait un vide.
Je pense que c’est une question qui s’adresse à l’avocat du gouvernement — comment il voit l’analyse constitutionnelle. Quand on examine la répartition des pouvoirs entre les articles 91 et 92 de la Loi constitutionnelle de 1867, d’autres critères s’appliquent, tels que l’intention et la substance, la doctrine du double aspect, la prépondérance fédérale. Donc, divers critères s’appliquent pour déterminer si et quand les lois provinciales et les lois fédérales peuvent toutes deux s’appliquer en même temps.
Toutefois, dans le cas de l’alinéa 92(10)c) de la Constitution, qui est la disposition invoquée ici, d’autres questions ont été soulevées quant à la manière dont l’analyse constitutionnelle fonctionnerait. Je pense que c’est une très bonne question à laquelle il faut répondre le plus tôt possible, car on ne voudrait pas voir ces lacunes réglementaires où les provinces auraient habituellement des rôles très importants et où il n’y a désormais rien.
La sénatrice Simons : Je pense que nous sommes tous d’accord pour dire que personne ne souhaite que l’isthme de Chignecto s’enfonce dans la mer. Tout le monde est d’accord pour dire que le gouvernement fédéral doit jouer un rôle de premier plan dans le financement — et je ne sais pas comment vous l’appelez — des réparations et des améliorations à cet endroit. Je crains que cette mesure législative n’ait des conséquences imprévues. Je vous remercie tous les trois de votre témoignage.
La sénatrice Dasko : Merci à nos témoins. Vos points de vue aujourd’hui sont très utiles, et je suis très heureux que vous soyez ici pour témoigner sur le projet de loi.
Mes questions s’adressent principalement à la cheffe Knockwood. Je veux m’assurer de comprendre la principale raison — et peut-être la seule — de déclarer que cette compétence fédérale doit payer pour le projet, de votre point de vue. Est-ce bien ce que vous avez dit?
Mme Knockwood : Eh bien, aussi. Pour moi, le Nouveau-Brunswick mène des consultations très étroites en ce qui concerne les évaluations d’impact, alors que le gouvernement fédéral est plus important et prendrait plus en considération les Premières Nations que ne le ferait le Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Dasko : C’est vrai. Mais pour ce qui est de payer pour le projet, c’est le but d’adopter ce projet de loi, n’est-ce pas?
Mme Knockwood : Pour moi, oui, c’est pour veiller à ce que le travail soit bien fait.
La sénatrice Dasko : Oui, et que le projet soit payé par le gouvernement fédéral.
Mme Knockwood : Peu m’importe si c’est le gouvernement fédéral ou le gouvernement provincial qui paie, pourvu que ce soit bien fait.
La sénatrice Dasko : Vous vous attendez qu’avec ce projet de loi, le gouvernement fédéral paiera. N’est-ce pas?
Mme Knockwood : Oui.
La sénatrice Dasko : Vous avez dit quelque chose de très intéressant, et c’est pour moi une idée nouvelle. Je pense que je vous cite correctement lorsque vous dites qu’il devrait y avoir une compétence fédérale jusqu’à ce que le projet soit achevé. Suggérez-vous alors qu’il y ait une compétence fédérale, mais qu’après avoir payé, elle parte? Est-ce bien ce que j’entends? Parce que je n’ai jamais entendu cette idée auparavant. Quelqu’un l’a peut-être mentionnée, mais je ne l’ai jamais entendue auparavant. Je pense à d’autres projets, comme le pont de Québec et d’autres, qui ont ce pouvoir déclaratoire, mais les autorités fédérales ne sont pas parties après avoir payé. Elles sont restées et ont toujours compétence dans ces domaines. Proposez-vous que la compétence fédérale soit temporaire? C’est ce que me suggère votre observation, à savoir qu’elle devrait être là jusqu’à ce que le projet soit terminé.
Mme Knockwood : Les autorités fédérales peuvent être là jusqu’à ce que le projet soit achevé ou pour la durée qu’elles souhaitent, oui. Ce peut être l’un ou l’autre.
La sénatrice Dasko : Vous ne dites donc pas nécessairement qu’elles devraient partir après avoir payé?
Mme Knockwood : Non.
La sénatrice Dasko : C’est très bien. Je voulais juste clarifier ce point.
Madame Ginsburg, je n’ai qu’une question pour vous. Pensez-vous qu’un amendement doit être apporté à ce projet de loi pour préciser qu’il y a une obligation de consulter? Pensez-vous que ce projet de loi devrait aller de l’avant sans une telle disposition ou pensez-vous qu’il doit être amendé?
Mme Ginsburg : Je ne suis peut-être pas aussi convaincue que mon ami que l’honneur de la Couronne l’obligerait à faire des consultations peu importe le libellé du texte de loi. L’obligation de consultation pourrait être violée avec le projet de loi tel qu’il est actuellement rédigé — espérons que ce ne serait pas le cas. Nous voulons tous présumer du meilleur dénouement qui soit. Cependant, s’il y avait des problèmes — soit des lacunes réglementaires, soit des exemptions réglementaires qui éliminent les consultations correspondantes —, nous ne voudrions pas devoir aller devant les tribunaux. Personne ne veut se tourner vers les tribunaux pour légiférer sur ces questions. Ensuite, il faudrait se demander de quel type de réparation ou de recours pourraient se prévaloir les Premières Nations qui décideraient d’aller devant les tribunaux. C’est une proposition coûteuse. Ainsi, si rien ne garantit que le projet de loi serait utilisé de manière à éliminer ou à contourner les obligations de consultation, rien ne garantit non plus qu’il ne sera pas utilisé ainsi.
À mon avis, la proposition la plus sûre est d’amender le projet de loi afin de fournir une certaine garantie et de mener une analyse interne — qui a peut-être déjà été réalisée — sur la manière d’éviter ces problèmes et d’entreprendre une analyse constitutionnelle pour s’assurer qu’il n’y a pas de lacunes où la province aurait eu un rôle à jouer auparavant.
Je ne suis pas au courant, comme vous le dites, de conséquences imprévues. Je ne sais pas dans quelle mesure ces conséquences ont été étudiées. C’est un peu comme si l’on faisait un chèque en blanc, car cette clause d’exemption est si terriblement large que le fait de la laisser telle quelle est un énorme acte de foi. Ce genre de démarche n’a pas toujours joué en faveur des Premières Nations dans le passé.
La sénatrice Dasko : Merci.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Bonjour à tous et merci pour les remarques que vous avez faites.
À ce stade, je crois que j’ai bien compris vos remarques sur le plan des principes. Que souhaitez-vous que nous modifiions dans le projet de loi? Est-ce que vous souhaitez carrément l’élimination de l’article 7? Est-ce que vous voulez que l’article 7 soit remplacé par un article moins étendu? Si oui, pourriez-vous nous envoyer une proposition d’amendement qui, à votre avis, garantirait que les Autochtones soient consultés dans le processus?
Est-ce que c’est seulement l’article 7? Vous avez également parlé de l’article 4; faut-il aussi que cet article soit modifié pour tenir compte de ce devoir de consultation?
[Traduction]
Mme Ginsburg : Je peux répondre à la question si les autres témoins n’y voient pas d’inconvénient.
Je pense que vous avez raison d’indiquer qu’il ne s’agit pas seulement de l’article 7, bien que c’est notamment sur cet article que nous nous penchons.
En ce qui concerne la question sur l’article 4, je ne sais pas s’il faudrait l’amender, car il représente l’essentiel du projet de loi. Sa formulation s’inspire de la Loi constitutionnelle de 1867. Personnellement, je ne vois pas beaucoup de façons de formuler l’article 4. Toutefois, nous pourrions certainement proposer une disposition générale qui s’appliquerait à l’ensemble du projet de loi. Je n’improviserais pas une formulation ici, mais si le comité est ouvert à cette idée, je pourrais en parler au sein de mon organisation.
Peut-être que les deux autres témoins... Je vois M. Simon hocher la tête. Nous pourrions examiner cette possibilité.
La sénatrice Miville-Dechêne : Il ne s’agit pas tant d’éliminer l’article 7 que d’ajouter un autre article concernant l’obligation de consulter les populations autochtones, n’est-ce pas?
Mme Ginsburg : Sans trop réfléchir, je dirais qu’il faudrait une disposition globale, éventuellement assortie d’une condition relative à l’article 7. Je pense qu’elle doit être plus large que le seul article 7.
La sénatrice Miville-Dechêne : Vous avez raison en ce qui concerne la consultation des populations autochtones, mais il me semble... On nous a dit que, par exemple, le gouvernement fédéral pourrait ne pas réaliser d’évaluation d’impact en vertu de l’article 7. Il pourrait tout simplement se débarrasser de toute évaluation d’impact. Cela me semble très important, et je me demande s’il s’agit d’une disposition... car d’autres juristes m’ont également dit que les projets de loi comprennent souvent ce type de disposition.
Pensez-vous qu’avec l’article 7, l’évaluation d’impact réalisée par le gouvernement fédéral — l’évaluation très approfondie — serait mise en péril?
Mme Ginsburg : Je dirais que oui. De nombreux projets de loi contiennent des dispositions d’exemption ou d’exception. Ce projet de loi s’applique à tous les autres textes de loi. Il ne s’agit pas seulement d’une exemption dans la loi elle-même. Par exemple, une loi portant sur l’archéologie pourrait comprendre une exemption relative à l’archéologie. La disposition d’exemption de ce projet de loi s’applique à toutes les décisions fédérales. Elle est extraordinairement large.
La sénatrice Miville-Dechêne : Vous disiez que nous devrions obtenir des fonctionnaires fédéraux des éclaircissements sur l’application de la loi. Nous avons déjà entendu le témoignage de fonctionnaires fédéraux. Nous n’avons pas obtenu de détails, mis à part le fait que, une fois que la disposition constitutionnelle est invoquée, les lois fédérales sont les seules à s’appliquer. C’est la seule certitude que nous avons obtenue. Nous n’avons rien appris au sujet des lois provinciales ou de toute autre situation sur le terrain.
Mme Ginsburg : Ma réaction serait de poser la question suivante : le gouvernement fédéral a-t-il l’intention d’adopter un autre projet de loi à ce sujet qui porterait sur tous les champs réglementaires qui relevaient auparavant des provinces, afin qu’il n’y ait pas de vide législatif?
D’une certaine manière, ce projet de loi exige un projet de loi connexe qui expliquerait comment il doit être mis en œuvre sur le terrain.
La sénatrice Miville-Dechêne : Je vous remercie de ce commentaire, qui est fort intéressant.
[Français]
Le sénateur Aucoin : Merci aux témoins.
Ma question s’adresse surtout à deux des témoins et concerne l’obligation de consulter. Il est certain que l’environnement vient en tête. Si le gouvernement fédéral prend le projet en main, y a‑t‑il d’autres domaines sur lesquels vous voudriez absolument être consultés comme peuples autochtones?
M. Simon : Merci, sénateur.
[Traduction]
L’une des préoccupations serait sans contredit l’archéologie. La province du Nouveau-Brunswick est notamment en avance sur les autres administrations, d’un point de vue législatif, grâce à sa Loi sur la conservation du patrimoine. Cette loi prévoit, par exemple, que tous les artefacts archéologiques trouvés en possession de la Couronne sont conservés en fiducie pour les peuples autochtones. Il s’agit d’une loi très solide, qui n’a pas d’équivalent fédéral.
L’archéologie est un domaine très important pour la consultation et la protection des droits des Autochtones. Il existe des sites archéologiques connus dans cette région. L’ancienne propriété de la CBC, située dans le marais de Tantramar, qui appartient actuellement aux Mi’kmaqs, renferme un site archéologique. Il existe de nombreux autres sites archéologiques dans la région. L’archéologie est un sujet de préoccupation majeur pour la consultation et la protection des droits des Autochtones.
Mme Ginsburg : Si je peux ajouter un point à cette liste, nous sommes d’accord pour dire que l’archéologie est essentielle dans cette région, de même que l’archéologie sous-marine, qui est un aspect souvent négligé des recherches archéologiques. Dans cette région, où les niveaux d’eau ont connu d’énormes changements au cours de l’histoire, le potentiel d’artefacts archéologiques sous-marins est particulièrement élevé. Les parcs et les zones protégées sont également présents dans cette région. Ajoutons aussi les lignes électriques, les poissons et, bien sûr, les activités de construction elles-mêmes.
La consultation, essentiellement sur n’importe quel aspect ou n’importe quel projet... On ne peut présumer que rien n’aura d’incidence sur les droits garantis par l’article 35. Nous encourageons cette conversation avant d’écarter tout type d’approbation ou de permis. Comme l’a dit la cheffe Knockwood, on a parfois tendance, sans avoir eu de conversation, à supposer ou à conclure que ces décisions n’auront pas d’effets sur les droits. Il s’agit souvent d’une supposition erronée.
[Français]
Le sénateur Aucoin : Est-ce que la cheffe Knockwood aimerait ajouter un commentaire? Sinon, j’ai une autre question.
[Traduction]
Mme Knockwood : Oui. Comme l’a dit Jessica Ginsburg, il y a des parcs fédéraux dans cette région, dont le fort Beauséjour. C’était le principal point de contact pour les Premières Nations dans cette région, ainsi que l’espace sous l’eau, comme elle l’a dit. L’eau y est différente, et on ne sait jamais ce qu’on peut y trouver. Il y a des artefacts sous l’eau, à la surface de l’eau, dans les terres et ailleurs, et en confiant cette zone au gouvernement fédéral, nous aurons de meilleures consultations et un meilleur processus d’évaluation d’impact — plus qu’avec le gouvernement provincial. Merci.
[Français]
Le sénateur Aucoin : Merci. Si j’ai bien compris vos commentaires de tout à l’heure, certains des experts ont dit qu’il y aurait quand même un délai ou un manque dans le processus de consultation si c’était le fédéral par opposition aux provinces.
Avec toute la liste des domaines que l’on devrait consulter, avez-vous des suggestions sur la façon dont ce projet de loi pourrait être formulé pour s’assurer que vous serez consultés sur ceux-ci si jamais cela devenait une entreprise fédérale?
M. Simon : Merci, sénateur.
[Traduction]
Je pense que tout amendement proposé concernant l’article 7 pourrait relever certains des domaines susceptibles de faire l’objet d’une consultation prioritaire.
[Français]
Le sénateur Aucoin : Merci beaucoup.
[Traduction]
Le sénateur Prosper : Je remercie les témoins de leurs commentaires.
Ma question porte sur l’article 7, qui traite des pouvoirs d’exemption, et plus particulièrement sur le libellé de l’expression « intérêt public, » ou sur l’expression même. Je suis curieux de savoir si certains des témoins peuvent nous éclairer sur les seuils potentiels dont il faut tenir compte dans l’intérêt public lorsqu’il s’agit de questions autochtones. Y a-t-il des mécanismes qui s’enclenchent dans l’intérêt public?
À titre secondaire, en ce qui concerne l’honneur de la Couronne et les lacunes législatives qui dépendent de la législation provinciale — l’honneur de la Couronne étant le facteur prépondérant —, je suis curieux de parler d’une disposition de non-dérogation. Il y a une présomption de constitutionnalité ici, on pourrait l’imaginer, au-delà de toute compétence de la législation fédérale. Cette présomption ne permet pas de se légiférer soi-même.
Je me demande si le projet de loi S-13, qui prévoit l’application d’une disposition générale de non-dérogation à toutes les lois fédérales, rassurerait davantage les témoins. Il garantirait l’absence de vide législatif ou la prise en compte sérieuse des préoccupations des peuples autochtones en ce qui a trait à la consultation. J’espère que c’est suffisamment clair, mais je peux formuler d’autres commentaires à ce sujet.
M. Simon : Merci, monsieur le sénateur Prosper. Je crois certainement qu’une disposition de non-dérogation serait utile.
En réponse à votre question sur l’intérêt public, il est important de revenir sur le point — dont vous êtes bien au courant, je crois, monsieur le sénateur — que les droits des Mi’kmaqs ne sont pas invoqués, mais bien prouvés. Le cadre juridique est différent lorsque les droits sont prouvés. La Couronne est tenue de demander le consentement ou d’essayer de justifier toute atteinte à ces droits ancestraux. Les obligations de la Couronne ne se limitent pas à une simple obligation de consultation dans ce contexte.
La jurisprudence nous apprend également qu’un large intérêt public ne suffit pas à justifier une atteinte aux droits des Mi’kmaqs.
Les tribunaux ont tenté de limiter les types de justifications qui peuvent être utilisés : les arguments de conservation, de sécurité publique et d’équité économique régionale qui s’immiscent dans le traitement de droits particuliers.
C’est en partie pour cette raison que j’estime que l’honneur de la Couronne — comme vous l’avez dit, la présomption de constitutionnalité — et les droits sont en jeu ici. Je pense qu’il serait déraisonnable d’invoquer l’intérêt public général, et que la Couronne ne peut pas simplement dire qu’il est dans l’intérêt public de ne pas consulter ou de ne pas délivrer un permis pour se soustraire à l’obligation de consultation ou aux autres obligations de la Couronne.
Cela dit, je suis sensible à la remarque de mon amie, Mme Ginsburg, qui a dit qu’elle ne veut pas se retrouver à devoir plaider des causes dans ce domaine. Il serait préférable que le projet de loi prévoie des protections.
Il serait utile d’utiliser un libellé précis concernant la non-dérogation aux droits des Autochtones et indiquant clairement que l’obligation de consultation est applicable et que l’intérêt public ne peut pas simplement outrepasser ces obligations légales, ces obligations légales supérieures — comme vous l’avez dit, des obligations constitutionnelles — qui incombent à la Couronne.
Mme Ginsburg : Si je peux renchérir brièvement sur la réponse, des causes de la Cour suprême portent précisément sur le libellé entourant l’intérêt public. Je pense aux causes Chippewas of the Thames First Nation, Clyde River, et même Carrier Sekani. Ces affaires incarnent le sentiment qu’une décision d’autoriser un projet ne peut être dans l’intérêt public si l’obligation de consultation de la Couronne n’a pas été respectée. Par conséquent, dans le contexte de l’article 7, il est intéressant de voir ce type de libellé apparaître, car on ne sait pas clairement quel type de condition serait dans l’intérêt public si le décret avait pour effet d’éliminer une décision qui entraînerait l’obligation dans d’autres circonstances. Je voulais répondre à cet aspect de votre question, à savoir si les tribunaux ont pris en compte l’intérêt public par rapport à l’obligation de consultation, et la réponse est oui.
Je conviens qu’une disposition de non-dérogation serait bénéfique. Encore une fois, de plus en plus de textes législatifs contiennent ce type de dispositions. Elles ne sont pas une mauvaise chose, mais puisqu’on ne sait pas exactement comment l’article 7 serait utilisé et comment les facteurs décisionnels des provinces seraient pris en considération, je crois personnellement qu’il faut en faire plus pour fournir ces réponses et ces garanties.
Le président : J’ai une question à vous poser, mais j’aimerais vous partager une opinion avant de la poser. Bien sûr, fondamentalement, j’aimerais avoir vos opinions puisque c’est ce qui compte. Pourquoi sommes-nous ici? Pourquoi avons-nous cette discussion? Pourquoi avons-nous aussi souvent de telles discussions sur les infrastructures critiques au pays? La situation dure depuis des années.
Pourquoi devons-nous aller devant les tribunaux et demander aux sénateurs et aux législateurs de faire pression lorsqu’il s’agit d’une infrastructure qui affecte plus de... Ce n’est pas un enjeu régional. Cette infrastructure affecte de nombreuses provinces et beaucoup de gens dans nombre de régions.
La semaine dernière, le gouvernement a annoncé à Québec qu’il reprenait le contrôle d’un pont qui avait été exploité pendant des années par le CN. Le gouvernement canadien n’a eu aucun mal à trouver un milliard de dollars pour réparer ce pont, et à juste titre. Il s’agit d’une infrastructure importante qui sert directement et indirectement énormément de gens au pays.
Ma question est la suivante : pourquoi avons-nous cette discussion? Le gouvernement fédéral néglige-t-il ses responsabilités? Fait-il de la politique en fonction de la région et du nombre d’électeurs et de sièges en jeu? Je sais que la sénatrice Simons trouve cela amusant.
La sénatrice Simons : Cela me semble être la question de l’heure.
Le président : Oui, en effet.
M. Simon : Merci, monsieur le président. Je ne suis pas certain d’être tout à fait en mesure de répondre à cette question, car elle comporte des dimensions politiques. Ce que je peux dire, c’est que nous nous exprimons aujourd’hui au nom d’une nation dont le territoire traverse cinq provinces et s’étend jusqu’aux États-Unis.
Nous sommes donc souvent concernés par des projets bifurqués comme celui-ci, et nous devons y faire face au-delà des frontières provinciales coloniales. Il y a des impacts des deux côtés de la frontière et les provinces n’examinent que ceux qui les concernent.
Nous faisons souvent face à ce problème. Nous préférerions que le gouvernement fédéral joue un rôle plus important pour certains projets qui traversent les frontières provinciales ou qui ont des incidences transfrontalières. Je m’en tiendrai à cela et m’en remettrai à mes amies pour tout autre commentaire.
Le président : Nous avons les réponses des avocats. En avons-nous une des parties prenantes?
Mme Knockwood : Personnellement, je trouve cette question très amusante.
C’est très difficile de faire affaire à un gouvernement comme celui du Nouveau-Brunswick. Pour moi, c’est comme si un enfant disait : « D’accord, je ne vais pas payer pour cela. Nous allons demander au fédéral de payer. C’est à lui de payer, n’est-ce pas? » Comme je l’ai dit, je me fiche de savoir qui va payer, tant que le travail est fait correctement.
Je préférerais que le fédéral s’en charge, car il a une meilleure compréhension de la consultation des Premières Nations et que ses études d’impact sont très approfondies. Le gouvernement du Nouveau-Brunswick, lui, se contente de dire : « Oui, nous avons parlé aux Indiens, c’est fait. Et voilà. » Je trouve donc votre question très amusante. Elle l’est. Je partage votre avis. Que faisons-nous ici? Passons à autre chose, poursuivons notre chemin et faisons les choses correctement. Désolée, je ne suis pas avocate.
Le président : Non, votre réponse était bonne. Elle était directe et très légitime.
Souhaitez-vous ajouter quelque chose, madame Ginsburg? Nous avons la réponse de notre avocat et l’avis de la cheffe Knockwood. Est-ce suffisant?
Mme Ginsburg : Je n’ai pas grand-chose à ajouter aux propos de mes amis. Je partage leur avis.
Je suis également d’accord avec les commentaires précédents de la cheffe, à savoir qu’il y a quelques avantages dans les domaines réglementés par le gouvernement fédéral. Il arrive que nous essayions d’obtenir une plus grande participation du gouvernement fédéral aux consultations dans des domaines relevant de sa compétence, comme la pêche, ou dans le contexte de la Loi sur l’évaluation d’impact. Une plus grande attention du gouvernement fédéral présente parfois des avantages, mais cela ne répond pas à toutes les questions que nous avons posées ici aujourd’hui.
Le sénateur Quinn : J’aimerais revenir sur le projet de loi S-13, qui a été adopté par le Sénat il y a six mois et qui est maintenant étudié par la Chambre en deuxième lecture. Il traite de l’article 35 de la Constitution, à savoir de l’obligation de consultation, des dispositions de non-dérogation, et cetera.
J’ai un commentaire à faire avant de poser ma question. L’article 35 a une raison d’être fondamentale pour notre pays, parce qu’il établit et consacre les droits des peuples autochtones qui sont bien trop souvent négligés, qu’il s’agisse de la pêche, de la chasse ou d’autres activités. Le projet de loi garantit le lien entre l’article 35 et l’obligation de consultation. Son objectif serait d’avoir des dispositions de non-dérogation qui ne sont pas nécessaires dans d’autres législations. Il les supprimerait de la législation existante, parce qu’elles deviendraient strictement ciblées.
Ma question est la suivante : avez-vous participé aux consultations sur le projet de loi S-13 lorsqu’il était en cours d’examen? Avez-vous été consultés sur ce projet de loi qui fait maintenant l’objet d’un examen à la Chambre? Ma question s’adresse à n’importe quel témoin.
M. Simon : Je n’ai pas connaissance d’une quelconque consultation, monsieur le sénateur.
Mme Ginsburg : Non.
M. Simon : Nous sommes généralement favorables à l’idée d’un libellé qui stipule clairement que toutes les lois fédérales sont destinées à faire respecter les droits ancestraux et issus de traités existants des peuples autochtones. À ma connaissance, nous n’avons pas été consultés sur cette loi.
Le sénateur Quinn : Je me pose une deuxième question. Le projet de loi que nous étudions aujourd’hui se penche sur l’utilisation du pouvoir déclaratoire de l’article 92(10)c). Le Sénat ne peut pas proposer de projets de loi de finances. Sachant qu’il ne peut en initier et que le gouvernement fédéral donne simplement le droit au Parlement de prendre une décision de renvoi au Cabinet — car c’est bien au Cabinet qu’elle serait renvoyée —, êtes-vous à l’aise avec le fait que le projet de loi n’exige pas du gouvernement qu’il fasse quoi que ce soit sur le plan financier? Cela vous convient-il?
Un accord a déjà été négocié avec les provinces pour 50 % du financement. J’ai cru comprendre que ce pourrait être le maximum versé pour un programme en vertu des pouvoirs conférés actuels. Que pensez-vous du fait que le projet de loi n’oblige pas le gouvernement à faire plus que ce qu’il a fait jusqu’à présent et que le Cabinet, dans sa sagesse, pourrait même en faire moins? Qu’en pensez-vous? J’aimerais avoir une réponse des représentants des deux provinces, si possible. Je commencerai par ceux du Nouveau-Brunswick.
Mme Knockwood : Je vais laisser M. Simon répondre à cette question.
M. Simon : Comme la cheffe l’a dit, je crois que la question de savoir qui paiera en fin de compte pour le projet nous importe peu. Maintenant, la question de savoir qui prendra la direction du projet en ce qui concerne la consultation et les droits des peuples autochtones suscite des inquiétudes, alors je ne suis pas certain que nous ayons des opinions particulièrement tranchées. De toute évidence, les provinces et le gouvernement fédéral devraient négocier la répartition des coûts entre les divers paliers de gouvernement. Nous nous attendons à ce que les gouvernements autochtones participent à ces discussions d’une certaine façon, puisque cela a un impact sur les droits ancestraux et issus de traités existants des peuples autochtones.
Mme Ginsburg : Je partage l’avis de mon ami. Je pense que cela fait partie intégrante de la discussion en cours. Le projet de loi pourrait être utilisé de façon productive pour améliorer la qualité du travail, le niveau d’examen et l’étendue des consultations concernant cette région très importante. Il pourrait également servir à établir une exemption complète. Bien sûr, je ne dis pas que ce sera le cas, mais il serait très peu coûteux pour les gouvernements et les promoteurs d’opter pour une exemption de toute surveillance ou exigence réglementaire.
C’est un sujet de préoccupation, puisqu’il s’agit d’une possibilité dans le cadre du projet de loi. Je suis d’accord pour dire que l’objectif est de s’assurer que le travail est bien fait et que les types d’impacts qui relèvent généralement de ces paliers de gouvernement ne passent pas sous le radar. Je fais ici référence aux impacts sur l’archéologie, les parcs, les poissons et leur santé, l’environnement, bref à tous les types d’impacts qui doivent être couverts et financés autant que nécessaire. Il faut mener des consultations en conséquence. Il s’agit d’une mesure positive, peu importe qui la mène et la façon choisie.
Le président : Cheffe Knockwood, madame Ginsburg et monsieur Simon, je vous remercie d’avoir été des nôtres ce matin et de nous avoir fait part de vos points de vue.
Nous allons maintenant commencer notre étude des sections 27 et 37 de la partie 4 du projet de loi C-69, Loi d’exécution du budget. Ce matin, nous avons le plaisir d’accueillir des fonctionnaires d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada, ou ISDE, pour discuter de la section 37, qui modifie la Loi sur les télécommunications. Andre Arbour, directeur général, et James Nicholson, directeur de la Direction générale des politiques et des télécommunications et d’Internet, se joignent à nous. Je vous souhaite la bienvenue et vous remercie d’être des nôtres.
Nous allons d’abord écouter vos remarques liminaires pendant cinq minutes, puis nous passerons aux questions et aux réponses.
[Français]
Monsieur Arbour, la parole est à vous.
[Traduction]
Andre Arbour, directeur général, Direction générale des politiques de télécommunications et d’Internet, Innovation, Sciences et Développement économique Canada : Je vous remercie, monsieur le président, de me donner l’occasion de m’adresser au comité aujourd’hui. Je tiens tout d’abord à souligner que je me trouve sur le territoire non cédé du peuple algonquin Anishinaabeg. Je voudrais également les remercier d’être les gardiens de la terre et des eaux de cette région depuis des temps immémoriaux.
[Français]
Le budget de 2024 a annoncé des propositions de modifications à la Loi sur les télécommunications. Ces modifications visent à soutenir les consommateurs sur le marché des télécommunications et complètent d’autres initiatives prises par le gouvernement dans le cadre de son programme en matière de télécommunication, notamment la publication de nouvelles orientations pour le CRTC et la mise en place de règles favorables à la concurrence sous la forme de fréquences réservées lors des récentes ventes aux enchères de licences de spectre.
[Traduction]
De multiples sources de données montrent que les prix ont baissé. Rien qu’au cours de la dernière année, les données de Statistique Canada montrent que le prix des forfaits de services mobiles a diminué de 26 %. Les efforts visant à améliorer la situation pour les consommateurs se poursuivent. Par exemple, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, ou CRTC, procède présentement à une révision de ses règles liées à l’accès en gros et à la concurrence sur Internet afin d’améliorer les prix pour les consommateurs tout en modernisant les réseaux. Les modifications proposées à la Loi sur les télécommunications visent à aider les consommateurs à mieux profiter de la concurrence accrue et de l’amélioration des prix observée sur le marché.
Tout d’abord, ces dispositions obligeraient les fournisseurs de services à proposer une option en libre-service aux clients qui souhaitent modifier ou annuler leur service, au lieu de parler à un conseiller de vive voix. Bien que de nombreux opérateurs disposent déjà d’un portail en ligne permettant aux clients d’apporter des modifications à leur compte, les options qui y sont proposées peuvent parfois être limitées à celles d’une valeur égale ou supérieure. L’option libre-service serait offerte pour tout changement, et pas seulement pour passer à des forfaits plus coûteux.
Ensuite, les fournisseurs de services seraient tenus d’envoyer aux clients une notification lorsque leur contrat prend fin, ainsi que des informations sur les plans présentement offerts sur le marché. Il sera ainsi plus facile pour les consommateurs de savoir quelles sont les options disponibles à l’expiration de leur contrat.
Enfin, ces dispositions interdiraient les frais qui dissuadent les consommateurs de changer de fournisseur ou de modifier leurs services. L’idée ici consisterait à supprimer les frais arbitraires qui créent des frictions dans la prise de décision des consommateurs. Cela dit, on n’interdirait pas les frais légitimes exigés pour l’équipement ou les travaux complexes qui sont parfois nécessaires pour l’installation physique d’équipements de réseau.
[Français]
Pour s’assurer que ces dispositions répondent aux besoins de la population canadienne, le CRTC, par le biais de consultations auprès des parties prenantes et de la population en général, sera chargé de déterminer les détails et les paramètres spécifiques de chacune des mesures proposées avant qu’elles n’entrent en vigueur.
J’espère que ces remarques préliminaires ont permis de replacer les amendements proposés dans leur contexte. Je serai heureux de répondre aux questions des membres du comité.
Merci.
[Traduction]
Le président : J’aimerais vous poser une brève question avant de passer la parole à ma vice-présidente. Chaque fois que nous recevons des fonctionnaires du gouvernement du Canada ou de l’industrie des télécommunications, ils nous disent toujours à quel point nous faisons des progrès. Il n’en reste pas moins que si l’on examine les analyses effectuées, les consommateurs canadiens paient toujours des tarifs sept fois supérieurs à ceux payés par les consommateurs australiens, 25 fois supérieurs à ceux payés par les consommateurs irlandais et français et 1 000 fois supérieurs à ceux payés par les consommateurs finlandais et ceux provenant de pays comparables. Nous sommes toujours parmi ceux qui paient le plus cher au monde en matière de connectivité et de gigaoctets sur nos cellulaires par rapport aux autres pays occidentaux industrialisés.
Malgré tous ces progrès, vous devez convenir, en examinant ces faits, que notre méthode est complètement mauvaise. Comment pouvons-nous justifier nos tarifs par rapport à ceux de certains de nos amis et alliés dans le monde?
M. Arbour : Je vous remercie de votre question. Il s’agit d’une question fondamentale pour la politique des télécommunications et je comprends qu’elle préoccupe beaucoup de gens.
Tout d’abord, j’aimerais souligner que bien que les prix canadiens soient souvent plus élevés que ceux de nos pairs et qu’ils se situent dans le tiers inférieur de l’OCDE, les statistiques citées qui montrent un prix plusieurs fois supérieur concernent généralement des forfaits aberrants qui ne sont pas choisis sur le marché, comme des forfaits à très forte consommation, tels qu’un forfait à 100 gigaoctets alors que la consommation moyenne se situe entre 8 et 10 gigaoctets. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de problème, mais on parle d’un prix de 30 à 50 % plus cher que la médiane de l’OCDE plutôt que plusieurs fois supérieur.
Ensuite, je dirais qu’il s’agit d’un secteur où il est difficile de promouvoir la concurrence, ce qui est inhérent au secteur. L’infrastructure est très coûteuse. Il est difficile de la construire tout en essayant d’atteindre de multiples autres objectifs, surtout compte tenu de la taille du climat du Canada.
Le gouvernement s’est fixé l’objectif de renforcer la concurrence et d’améliorer les résultats à divers égards. Cela signifie faire baisser les prix, mais aussi stimuler les investissements dans les zones rurales et investir dans la qualité et la fiabilité de nos réseaux.
Le Canada s’en tire plutôt bien à l’international en ce qui concerne la vitesse des réseaux à divers égards et leur qualité. Malgré sa taille, le Canada s’en tire également assez bien en matière de couverture réseau en valeur absolue. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de défis propres aux communautés rurales, éloignées et autochtones. Pour ces communautés, le fait que nous nous en tirions bien par rapport à d’autres pays à certains égards n’a pas d’importance. Si elles ne disposent pas des services nécessaires, il faut y remédier, et il existe toute une série de programmes et de mesures en cours pour ce faire, tout comme pour faire baisser les prix, comme je l’ai dit.
Ces objectifs sont sensiblement intentionnels. Certains pays européens, par exemple, ont fait baisser les prix à un niveau extrêmement bas, ce qui a entraîné un sous-investissement et des problèmes de rentabilité à long terme dans le secteur, ce qui constitue un avantage à court terme, mais un problème à long terme. Ces pays s’efforcent présentement d’augmenter les investissements dans le secteur.
Je sais que ma réponse est longue, mais elle traite d’une série d’enjeux politiques dans le secteur des télécommunications. Je vous remercie à nouveau de votre question.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : J’aimerais poursuivre dans la même veine, mais je serai plus directe dans ma question. Est-ce que les changements que vous proposez à la Loi sur les télécommunications permettront d’offrir des services de télécommunication plus abordables?
M. Arbour : Merci pour la question. Je dirais d’abord que les conséquences de ces modifications à la loi seraient d’améliorer la capacité des consommateurs de trouver et de modifier leurs services en ce qui concerne le plan ou le forfait approprié pour leurs besoins.
La sénatrice Miville-Dechêne : Ma question est vraiment spécifique. Selon vos calculs, est-ce que vos changements vont entraîner une baisse des tarifs demandés?
M. Arbour : C’est possible, mais seulement d’une manière indirecte, car lorsqu’il y a une meilleure capacité de changer de fournisseur de service, cela encourage les fournisseurs à proposer des forfaits plus concurrentiels en ce qui concerne le prix. Lorsqu’on est avec un fournisseur et qu’il est difficile de changer, il y a une possibilité que le fournisseur n’offre pas de forfait plus abordable pour ce consommateur.
La sénatrice Miville-Dechêne : C’est quand même incroyable que le gouvernement doive intervenir dans son budget pour obliger ces entreprises à donner un service convenable et honnête à la clientèle. Dans ce cas, on ne donne pas toutes les informations à ceux qui veulent changer de fournisseur; on leur permet seulement de hausser le tarif ou de garder le même montant. De plus, si je comprends bien, personne ne répond au téléphone, d’où le fait que vous demandez à ce qu’il y ait des plateformes plus efficaces. Est-ce que, en offrant ce service pourri, si je comprends bien ce que vous dites, les plateformes respectent les règles en vigueur au Canada?
M. Arbour : Merci pour la question. Je dirais d’abord que l’expérience des consommateurs est variable dans le contexte du marché. Il y a un certain nombre de politiques du CRTC qui visent à protéger les consommateurs pour ce qui est des questions fondamentales. Par exemple, il y a un code du consommateur pour les services mobiles avec certaines exigences, comme la transparence dans les contrats.
La sénatrice Miville-Dechêne : Vous êtes obligé de créer une loi dans le budget pour changer cela, ce qui signifie que la réglementation ne fonctionne pas et que les compagnies font ce qu’elles veulent, comme elles le veulent.
[Traduction]
Ma question fondamentale est la suivante : pourquoi cela doit-il faire partie du budget? C’est très sérieux, parce qu’il s’agit d’un enjeu lié aux consommateurs qui devrait normalement être réglé par de la réglementation ou une mesure de bonne foi. Si je vous ai bien compris, des entreprises cachent des produits moins chers et ne répondent pas au téléphone ou offrent peu de services au téléphone parce qu’elles ne veulent pas que leurs clients changent de forfaits. Je parle en connaissance de cause. C’est difficile d’obtenir ce que l’on veut.
Je me demande si les entreprises avec lesquelles nous faisons affaire sont de mauvaise foi.
M. Arbour : Je dirais, encore une fois, que les expériences peuvent varier selon les circonstances du consommateur. Je ne peux pas parler de toutes les expériences.
Je sais pertinemment qu’il y a de mauvaises expériences sur le marché. Le gouvernement a pris un ensemble de mesures pour améliorer les résultats pour les consommateurs. L’orientation stratégique émise au CRTC l’année dernière énonce un ensemble d’attentes et d’objectifs en ce sens. Les mesures annoncées dans le budget visent à compléter les mesures en cours.
Comme nous observons des améliorations au chapitre de la concurrence et des mesures sur le marché, il faut trouver des façons de mieux soutenir les consommateurs. Les gens diront : « Je vous ai entendu parler d’une réduction de 26 % des prix des forfaits. Ma facture n’a pas diminué de 26 %; de quoi parlez‑vous? » Souvent — franchement, la plupart du temps —, le plan approprié se trouve sur le site Web. C’est simplement que les gens ont des vies occupées, ce qui est compréhensible, et qu’ils n’ont pas magasiné un nouveau forfait.
Souvent, les choses fonctionnent assez bien. Il s’agit simplement d’aider le consommateur à mieux tirer parti de ce qui est disponible sur le marché. C’est ce qui sous-tend les mesures proposées dans le budget.
Le sénateur Quinn : Je vous remercie d’être ici ce matin. Je remercie ma prédécesseure de sa question. Je vais poursuivre dans la même veine. Je suis loin d’être un expert dans ce domaine.
Ces changements semblent vraiment importants. Ils touchent les consommateurs. Je ne vois pas le lien avec le budget. Mais je vois le lien avec les consommateurs et les décisions stratégiques qui seront prises grâce à ces changements.
N’aurait-il pas été préférable d’avoir une discussion plus complète pour que nous puissions entendre ce que les autres ont à dire? Est-ce que ces mesures vont assez loin? Quelle est la réaction des consommateurs et des entreprises? Il semble que nous enfouissons quelque chose dans un budget que nous allons probablement adopter. N’aurions-nous pas mieux fait de procéder à un examen plus complet et plus approfondi?
M. Arbour : Je vous remercie de la question.
Les mesures proposées dans le budget sont le fruit d’un programme continu qui a fait l’objet de consultations à de multiples étapes, notamment dans le cadre de l’élaboration de l’orientation stratégique en 2022-2023.
Les mesures proposées dans le budget de 2024 fixent des objectifs de haut niveau en réponse aux frictions courantes que nous observons sur le marché chez les consommateurs. Elles établissent un cadre que le CRTC doit mettre en œuvre.
Chacune des dispositions dont j’ai parlé fixe un objectif de haut niveau, qui a trait au type de mécanisme de notification, par exemple, à la fréquence de la notification, à son contenu et sa portée; tout cela fera l’objet de consultations par le CRTC avant que les règles ne soient définitives. De cette façon, les dispositions permettront de réagir de façon souple aux développements que nous observons sur le marché. Le marché évolue assez rapidement, d’où la possibilité d’offrir certains avantages aux consommateurs.
La portée est importante. Le CRTC tiendra des consultations sur la façon d’intégrer les objectifs à la réglementation.
Le sénateur Quinn : Est-ce que cela va aider les consommateurs, surtout les jeunes? J’entends souvent des jeunes dire qu’ils ne peuvent pas se sortir d’un contrat de deux ans qu’ils ont signé, par exemple. Ils ont acheté leur téléphone avec un programme du genre « louer pour acheter », mais s’ils trouvent une meilleure affaire ailleurs, ils ne peuvent pas résilier leur contrat sans devoir payer d’imposantes pénalités. Est-ce que ces mesures permettront de remédier à la situation?
M. Arbour : Je vous remercie pour votre question.
Ces mesures particulières ne remédieront pas à cette situation. Il y a actuellement des codes de conduite qui régissent ce type de problème. Pour les services sans fil, il y a un code qui énonce, par exemple, les restrictions relatives aux contrats qui peuvent être offerts.
Je souligne également que l’orientation stratégique annoncée l’année dernière demande au CRTC d’examiner ses codes de conduite afin qu’ils puissent mieux aider les consommateurs.
Le sénateur Quinn : On n’aide donc pas les personnes — qu’il s’agisse des aînés ou des jeunes — qui achètent un téléphone et qui ne peuvent ensuite pas se sortir d’un contrat; ces personnes sont coincées, jusqu’à ce que leur contrat prenne fin? C’est aussi simple que cela?
Monsieur Nicholson, je vois que vous faites oui de la tête. C’est aussi simple que cela? Les gens sont pris dans leur contrat. Lorsqu’il y a une meilleure affaire ailleurs, ils ne peuvent pas en profiter. Ils doivent aller au bout de leur contrat. Est-ce exact?
M. Arbour : Tout d’abord, vous avez raison de dire que ces mesures sont assez précises et ciblées et qu’elles ne visent pas à régler l’ensemble des problèmes. Je vais répondre en deuxième partie, puis je céderai la parole à mon collègue, M. Nicholson, s’il a quelque chose à ajouter.
De façon générale, le problème que nous constatons chez les consommateurs, c’est qu’ils n’ont tout simplement pas évalué les offres qui sont disponibles sur le marché. Il y a un sentiment d’inertie.
Je ne dis pas que le problème dont vous parlez — soit le fait d’être pris dans un contrat particulier — n’existe pas. Souvent, les gens ne savent même pas qu’ils ont des choix lorsqu’ils arrivent à la fin de leur entente, et de nombreuses personnes ne sont même pas liées par un contrat.
En vertu du Code sur les services sans fil, il y a des limites à ce qui peut être facturé si quelqu’un résilie son contrat plus tôt, je crois — je vais demander à M. Nicholson de me corriger si je me trompe —, lorsque le consommateur remet au fournisseur l’argent qu’il lui doit pour un appareil qui n’aurait pas été payé au départ.
Parfois, cela peut sembler être un gros paiement si vous avez acheté un appareil sans débourser d’argent au départ, et qu’il vaut 1 200 $. Si vous partez, vous devez payer le solde de cet appareil. Il s’agit simplement de payer le coût de l’appareil que vous avez acquis si vous résiliez le contrat plus tôt.
Monsieur Nicholson, ai-je bien compris?
James Nicholson, directeur, Direction générale des politiques de télécommunications et d’Internet : Oui, tout à fait.
Bon nombre de ces paiements servent à payer le solde de l’appareil lorsque les clients décident de quitter un fournisseur. C’est un accord de financement.
L’amendement vise à aborder ce qui se passe ensuite. Après les deux ans, comment pouvons-nous faire en sorte qu’il soit plus facile pour les gens, en particulier les jeunes, d’obtenir de meilleurs forfaits, qui leur conviennent mieux?
Les amendements visent à éliminer une partie des frictions que nous observons sur le marché entre ce qui existe réellement — les prix disponibles — et ce que les gens paient. Il fait déterminer si ces prix conviennent et trouver le meilleur forfait.
Le sénateur Quinn : Merci.
La sénatrice Simons : J’aimerais reprendre là où mes collègues, les sénateurs Miville-Dechêne et Quinn, se sont arrêtés. Tout comme le sénateur Quinn, et nous tous, je crois, je ne suis pas à l’aise avec une loi omnibus qui place toutes sortes de choses dans le budget alors que nous ne pouvons pas tenir un débat approprié. Tout comme la sénatrice Miville-Dechêne, je suis frustrée de voir que ces éléments doivent être intégrés au budget. Je veux prendre un pas de recul et vous poser une question philosophique.
Est-ce que le CRTC devrait avoir le pouvoir d’apporter des changements réglementaires de la sorte sans qu’une loi fédérale soit adoptée? Je n’aime pas les lois omnibus, parce qu’elles introduisent des éléments très imposants. Il me semble que ces petits détails devraient relever de l’instance réglementaire, sans que l’on doive passer par ces amendements législatifs.
M. Arbour : J’en conclus, par votre commentaire, que vous nous demandez pourquoi nous procédons ainsi.
La sénatrice Simons : Je comprends ce que vous faites.
M. Arbour : D’accord.
La sénatrice Simons : Ce que je vous demande, c’est pourquoi vous devez procéder de la sorte? Pourquoi le CRTC ne peut-il pas s’en charger? Est-ce que la réglementation doit être modifiée pour que le CRTC ait plus de pouvoir, et qu’il ne revienne pas au gouvernement de prendre de telles décisions alors qu’il est question de la protection des consommateurs, pure et simple, et que l’on pourrait régler la question par l’entremise d’un règlement?
M. Arbour : Je vous remercie de la question.
Le CRTC dispose d’un vaste ensemble de pouvoirs de réglementation dans ce domaine. Il est doté de multiples codes de conduite qui énoncent toute une série d’attentes. Il a un large éventail de pouvoirs de réglementation.
Les amendements proposés ont permis de faire des progrès sur le marché, mais il reste encore du travail à faire.
Ces amendements énoncent des attentes précises pour veiller à ce qu’elles se réalisent parce qu’elles n’ont pas encore été réalisées, ou qu’elles l’ont été de manière incomplète pour certains services, mais pas pour d’autres. En gros, ils énoncent les attentes à l’égard du CRTC, mais il revient au conseil de fournir les détails.
La sénatrice Simons : Est-ce que le CRTC vous a dit qu’il avait besoin de l’autorité législative d’agir ou est-ce que le gouvernement demande au CRTC de se mettre au travail et de régler la question?
M. Arbour : Le CRTC n’a pas demandé ces changements.
Je dirais que le CRTC a fait des progrès au sein du marché. Cela étant dit, le gouvernement a les outils nécessaires pour demander au CRTC de répondre aux changements du marché et aux besoins des consommateurs. L’orientation stratégique de l’année dernière en est l’exemple. Nous avons donné une directive au CRTC, sous la forme d’une loi, et lui avons fait part de nos attentes en vue de répondre aux besoins des Canadiens.
La sénatrice Simons : Pour être clair, c’est la façon pour le gouvernement de dire au CRTC qu’il ne fait pas bien son travail?
M. Arbour : Je vous remercie pour votre question.
La sénatrice Simons : Ce n’est pas une question légitime. Je vais céder la parole au prochain sénateur. Merci. Nous avions besoin de lire entre les lignes.
Le sénateur Cardozo : Je remercie les témoins d’être ici pour discuter de la question. Monsieur Arbour, vous étiez ici il y a quelques jours à peine, il me semble. Nous sommes heureux de vous revoir.
J’ai un peu une impression de déjà vu parce qu’au tournant du siècle — le dernier, pas le précédent —, j’étais au CRTC en tant que commissaire et il me semble que nous prenions déjà ces mesures à l’époque. Il n’était peut-être pas question de la lettre de la loi, mais des mesures semblables ont été prises pour garantir la concurrence et faire en sorte que les gens puissent obtenir un meilleur prix, entre autres.
Permettez-moi de vous poser une question légèrement différente. Vous avez expliqué cela en long et en large. J’ai tendance à être d’accord avec mes collègues pour dire que ce n’est qu’une petite partie de notre travail ici.
Pouvez-vous nous parler d’autres questions que vous avez examinées ou dont les gens ont parlé et de ce qui peut être fait pour réduire sérieusement les prix pour les consommateurs? Je pense notamment à la possibilité pour des entreprises étrangères de fournir ces services au Canada. Y a-t-il d’autres mesures importantes que les gouvernements pourraient prendre? Je pose la question en tenant compte du mandat de notre comité sénatorial, qui s’occupe des transports et des communications. De temps à autre, nous avons la capacité de voir grand et de sortir des sentiers battus. Quelles sont les grandes mesures que le Canada pourrait prendre pour changer le cadre de la concurrence et faire réellement baisser les prix?
M. Arbour : Je vous remercie de la question.
Je vais commencer par dresser un portrait général des mesures qui ont été prises ou qui sont en cours, puis je répondrai à votre question sur l’investissement étranger. C’est un domaine qui a été marqué par une activité considérable. Je peux vous dire à quel point mon équipe et bien d’autres ont été occupées. Je dirais que ce n’est qu’au cours de la dernière année que ces mesures ont eu une incidence sur le marché et ont pris racine. C’est tout un parcours. Il y a eu des progrès, surtout au cours de la dernière année. Les consommateurs ne changent pas leurs forfaits très souvent.
Nous utilisons le taux de roulement à titre de mesure du changement de fournisseurs. C’est de l’ordre de 1 % par mois; il y a donc beaucoup d’inertie dans ce domaine.
Par exemple, en vertu des pouvoirs relatifs au spectre prévus par la Loi sur la radiocommunication, une série de mesures ont été prises dans le cadre de la vente aux enchères du spectre ou de la politique relative au spectre pour appuyer la création d’un quatrième concurrent dans le domaine des services sans-fil mobiles ayant l’envergure nécessaire pour faire concurrence aux trois joueurs nationaux. La création de Vidéotron et de Freedom au début de 2024, l’adoption de mesures de retrait ou bénéfiques pour la concurrence dans les enchères du spectre et l’établissement de certaines règles d’accès au réseau ont permis de réaliser le plus de progrès. Ces progrès continuent de se répercuter sur le marché.
Les mesures actuelles sont modestes, mais elles visent à faciliter et à compléter ces mesures en facilitant l’accès des consommateurs à ces forfaits. L’orientation stratégique que le gouvernement a publiée l’an dernier constitue un autre grand ensemble de mesures. C’est un document très exhaustif. Il aborde notamment la question de l’amélioration de l’accès aux poteaux de téléphone afin que les fournisseurs concurrents puissent mieux brancher leurs câbles de fibre optique, et la façon dont nous pouvons avoir recours à nos programmes dans les régions rurales afin de faire baisser les prix en finançant certains projets.
Une question importante qui est toujours en cours et dont j’ai parlé dans ma déclaration préliminaire, c’est l’examen de ce qu’on appelle le cadre régissant les services de gros. Les services de gros, c’est lorsque le CRTC réglemente les grands joueurs qui étaient autrefois en situation de monopole afin qu’ils partagent leurs réseaux avec de petits concurrents qui utilisent ensuite ces accès pour fournir leurs propres services de détail aux consommateurs. C’est un outil qui a fait ses preuves et qui a entraîné des avantages dans le passé, mais ces règles doivent être revues pour tenir compte de technologies plus modernes. L’orientation stratégique comprenait un ensemble de considérations visant à améliorer le cadre régissant les services de gros. Le CRTC a lancé des consultations sur la question en 2023 et est en train de transposer ces éléments dans la réglementation. Nous devrions donc voir des améliorations sur le marché. Des mesures globales ont été prises et sont en cours.
En ce qui a trait à votre question au sujet des investissements étrangers, la Loi sur les télécommunications a été modifiée en 2012 afin d’éliminer la plupart des restrictions relatives aux investissements étrangers. Les fournisseurs étrangers peuvent faire leur entrée sur le marché lorsqu’ils le souhaitent, et c’est ce qu’ils ont fait. Ils peuvent acquérir jusqu’à 10 % des parts de marché d’un exploitant existant. Le seuil ne s’applique qu’à trois sociétés. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de limites, mais elles ne s’appliquent qu’à Bell, Telus et Rogers. Elles ne s’appliquent pas à d’autres.
Le sénateur Cardozo : Est-ce qu’une société étrangère pourrait s’installer au Canada par elle-même?
M. Arbour : Oui, tout à fait. Starlink est un exemple dans les zones rurales. Mais Xplore est une entreprise de téléphonie fixe sans fil qui a été rachetée par des investisseurs américains. Zayo est un autre exemple d’entreprise de fibre optique qui a été rachetée par des investisseurs américains. Il serait également possible pour quelqu’un de se lancer demain dans la création d’une entreprise sur ce marché.
Le sénateur Cardozo : Ces grands joueurs venus de l’extérieur n’ont pas d’incidence sur les prix?
M. Arbour : Le Canada n’a pas connu d’entrée étrangère à grande échelle. Parmi les entreprises que j’ai mentionnées, Starlink est certes importante, mais son offre vise une part relativement restreinte du marché.
Les satellites en orbite basse, en particulier, peuvent être une bonne option, mais ils ne sont généralement pas compétitifs lorsque l’on dispose d’une infrastructure filaire existante de bonne qualité. C’est le cas pour 85 % à 90 % de la population. En ce qui concerne le marché accessible pour Starlink, cela ne veut pas dire qu’il n’est pas possible de s’abonner à Starlink dans une zone plus urbaine, mais en général, ce n’est pas concurrentiel par rapport au prix d’une infrastructure filaire de bonne qualité.
Bien que les règles aient été modifiées en 2012 et que nous ayons assisté à l’arrivée d’étrangers, et cette arrivée d’étrangers présente des avantages pour le marché, elle n’est pas d’une ampleur telle qu’elle stimule la concurrence pour le consommateur moyen.
Le sénateur Cardozo : En ce qui concerne Starlink, il comble certaines de ces zones rurales que les autres ne couvrent pas, ce qui est très bien, mais il n’est pas compétitif en termes de prix. C’est bien ce que vous dites?
M. Arbour : La combinaison du prix, de la vitesse et de la capacité est tout simplement inhérente à l’économie de la technologie sous-jacente. Lorsque vous disposez d’un réseau filaire de bonne qualité, qu’il s’agisse d’un réseau de câbles coaxiaux ou d’un réseau de fibres optiques construit en fonction d’une géographie donnée, les caractéristiques de prix et de vitesse seront supérieures à celles du satellite. Il s’agit d’une question de lois physiques fondamentales concernant la quantité de données que l’on peut transmettre par satellite par rapport à la capacité plus ciblée et plus élevée qui est disponible sur une connexion câblée directe à un domicile.
Le sénateur Cardozo : Dans l’ensemble, l’arrivée de concurrents étrangers n’a pas modifié les prix pour les Canadiens? Est-ce parce que nous les avons limités à la restriction de 10 % dont vous parliez?
M. Arbour : La Loi sur les télécommunications n’empêche aucune entreprise de tenter de s’établir sur le marché des télécommunications.
Ce que je dirais, c’est que les grands joueurs étrangers n’ont pas choisi d’entrer sur le marché des télécommunications à grande échelle.
Le sénateur Cardozo : Et à votre avis, pourquoi est-ce le cas?
M. Arbour : Il est difficile de se prononcer avec certitude. Ce que je constate, c’est que le marché canadien des télécommunications est relativement mûr, en ce sens qu’il n’y a qu’une poignée de personnes qui ne disposent pas déjà d’une connexion internet ou d’un abonnement à un téléphone portable. Entrer dans le secteur des télécommunications est une activité à grande échelle et à forte intensité de capital. Il faut investir de manière substantielle pour s’implanter à grande échelle. Cela signifie que l’amortissement de ces investissements peut prendre un certain temps.
S’il est plus difficile d’attirer des clients parce qu’il n’y a pas de nouveaux clients et que vous essayez de prendre chaque nouveau client à quelqu’un d’autre, cela peut rendre le retour sur investissement plus incertain. Dans le contexte des télécommunications, il est plus facile de pénétrer un segment de marché qui connaît une croissance plus rapide qu’un segment mature.
Le sénateur Cardozo : Je vous remercie.
[Français]
Le sénateur Aucoin : Je vais poursuivre sur les commentaires du sénateur Cardozo.
Il semble que quand on parle de faire des modifications à la loi, il y a un secteur très restrictif, comme vous l’avez dit vous-même. Si je comprends bien, cela ne fera rien pour améliorer les services dans les régions rurales. Je veux bien croire que cette loi permettra aux gens d’avoir l’option de changer de service. Cependant, comme vous venez de le dire, pour les régions rurales et les régions éloignées, même si Starlink peut le faire, c’est plus coûteux, plus lent et plus difficile d’accès.
Qu’est-ce que vous allez faire ou qu’avez-vous fait à ce sujet pour améliorer le service, afin qu’il y ait vraiment une option pour les régions rurales au Canada?
M. Arbour : Merci pour la question, monsieur le sénateur.
Bien sûr, la qualité et l’accès au service dans les zones rurales et éloignées représentent un défi pour un bon nombre de Canadiens. Dans ce contexte, il n’est pas nécessairement question de manque de concurrence ou alors ce serait également un défi, mais le problème, c’est que ce n’est pas rentable d’avoir un seul fournisseur de service avec un réseau de qualité. C’est la raison pour laquelle il y a des investissements considérables, comme le Fonds pour la large bande universelle, qui, en investissant des milliards de dollars, participent à la construction de réseaux de qualité avec certaines exigences dans les détails du programme pour offrir des forfaits à un prix abordable au consommateur.
Il y a un niveau d’infrastructure approprié pour la plupart des Canadiens, donc il est question d’améliorer la concurrence. Cependant, pour les zones mal desservies, il est plutôt question d’investir dans une infrastructure nécessaire, avec un prix approprié dans ce contexte.
Le sénateur Aucoin : Pour faire suite à votre réponse, que fait le gouvernement pour ce qui est des directives données au CRTC par rapport à cet enjeu?
M. Arbour : Merci pour la question, monsieur le sénateur.
Il y a une section dans les instructions au CRTC sur cet enjeu particulier. Certains objectifs touchent la révision des programmes du CRTC à large bande. Le CRTC a un programme au moyen duquel les fournisseurs de service du secteur privé paient un petit pourcentage de leurs revenus pour contribuer à ces investissements.
Les instructions au CRTC indiquent qu’il devrait considérer de faire certaines modifications à ce programme, notamment en vue de soutenir les coûts d’exportation plutôt que les coûts en capital de construction. Dans certaines zones rurales et éloignées, le coût d’exploitation est considérable. Par exemple, il y a des communautés qui ne sont pas branchées au réseau d’électricité provincial, donc le coût menant à la capacité est considérable.
Le CRTC peut modifier les détails de ses programmes pour soutenir ces prêts et, par conséquent, il peut réduire les frais pour les consommateurs.
[Traduction]
La sénatrice Dasko : Merci pour votre avis fort intéressant sur le projet de loi dont il est question aujourd’hui.
Je souhaite clarifier les choses pour être certain de bien comprendre si la substance de ce projet de loi aurait pu figurer dans les règlements du CRTC. Aurait-il eu la possibilité de le faire de son propre chef? Je veux être certain de bien comprendre.
J’aurais ensuite une autre question à vous poser.
M. Arbour : Merci pour cette question. Le CRTC dispose de certains leviers, notamment celui de fixer des conditions de service. Cela signifie que si vous offrez un service au Canada, il doit répondre à certaines conditions. Plusieurs règles existantes, par exemple, incluent la participation et le respect des normes fixées par la Commission des plaintes relatives aux services de télécom-télévision, ou CPRST. Il existe également d’autres types de mécanismes. Le CRTC dispose donc d’un large champ d’action dans ce domaine.
La sénatrice Dasko : Le CRTC aurait-il été en mesure de le faire, telle est simplement ma question.
M. Arbour : Je pense que cela s’inscrit dans le cadre de l’autorité existante du CRTC, et fera l’objet de toute une série de considérations et de consultations.
La sénatrice Dasko : D’accord, je comprends.
M. Arbour : Cependant, cela permet de définir un ensemble d’attentes.
La sénatrice Dasko : D’accord, je vous remercie.
J’ai une autre question. Je me demande si les entreprises se sont opposées à ce genre de changements. Je pose cette question parce que je pense que vous avez dit que certaines de ces modifications de la substance du projet de loi ont déjà été mises en œuvre par certaines entreprises. J’aimerais que vous nous en disiez plus à ce sujet. Cela existe-t-il déjà sur le marché? Par ailleurs, pourriez-vous nous dire si les entreprises se sont opposées aux mesures introduites au sein du projet de loi?
M. Arbour : Je vous remercie de votre question. Les objectifs des modifications proposées sont déjà présents dans une certaine mesure sur le marché. Par exemple, il est très courant de disposer d’un portail libre-service. Dans certains cas, le prestataire de services propose tous ses plans sur ce portail, et si vous souhaitez passer à un plan moins cher, cette option est disponible. Certains fournisseurs peuvent choisir de ne pas proposer cette option. Ils vous proposeront ce qu’ils considèrent comme une meilleure valeur, c’est-à-dire un plan plus rapide ou un plan de données plus important, mais pas nécessairement un plan moins cher. Ils vous demandent d’appeler si vous voulez changer. Cela dépend. C’est très spécifique au contexte, et cela existe dans toutes ces dispositions.
Il est tout à fait inhabituel qu’il y ait des frais associés à un changement de plan. Le CRTC a déjà fixé certaines restrictions à ce sujet, mais elles ne s’appliquent pas nécessairement dans tous les cas ou pour tous les services. Certains fournisseurs peuvent proposer ou facturer certains frais dans certains contextes. Il s’agit de placer la barre plus haut et d’assurer un certain niveau de cohérence dans l’ensemble des domaines.
La sénatrice Dasko : Et ont-ils fait marche arrière sur ce point?
M. Arbour : Je n’ai pas connaissance de réactions négatives spécifiques. Je travaille dans le secteur des télécommunications depuis un certain temps. Aucun changement de ce type n’est accueilli avec un enthousiasme débordant. Leur argument est que le marché fonctionne bien, d’une manière générale. Les grands joueurs en particulier diront que le marché fonctionne bien et que ce type d’intervention n’est pas nécessaire. Toutefois, ces dispositions ont été établies pour soutenir le bon fonctionnement du marché et permettre aux consommateurs de s’y retrouver plus facilement.
Le CRTC dispose également d’une marge de manœuvre considérable pour les traduire en règles plus détaillées. Si un fournisseur de services a des préoccupations, celles-ci peuvent être résolues lors de la consultation du CRTC. Le CRTC peut adapter les règles. Il peut exempter certaines catégories de fournisseurs ou ce genre de choses. S’il y a des préoccupations, il existe un mécanisme pour trouver une solution adéquate dans le cadre des consultations du CRTC.
La sénatrice Dasko : Vous avez dit qu’il y avait beaucoup d’inertie de la part des consommateurs dans ce domaine. Vous attendez-vous à ce que ce projet de loi puisse renverser le statu quo, dans une certaine mesure?
M. Arbour : Je vous remercie de votre question. Je m’attends à une amélioration. Cela dépend de la définition que vous donnez à l’expression « renverser le statu quo », et certaines questions fondamentales se posent. Les gens ont des vies bien remplies, ils ont des emplois, des familles et d’autres préoccupations. Sur les marchés de l’OCDE, et ce n’est donc pas propre au Canada, le citoyen moyen a tendance à ne pas trop se préoccuper au quotidien du prix de son forfait de téléphone portable. Cependant, les paramètres de notification, par exemple, inciteront le consommateur à se pencher sur cette question. Le mécanisme de libre-service et la limitation de tout type de frais de changement de fournisseur facilitent cette démarche.
Ce mécanisme permettra de faciliter les progrès sur le marché. Les mesures favorisant la concurrence ont un impact plus important, mais elles sont complémentaires et contribueront à aider davantage les consommateurs.
La sénatrice Dasko : Je vous remercie.
Le président : Monsieur Arbour, en répondant à la question de la sénatrice Cardozo concernant la compétitivité et la manière dont nous pouvons ouvrir le marché à davantage de joueurs internationaux, vous avez mentionné que certains d’entre eux essayaient déjà d’être plus actifs dans les régions rurales du Canada où nous avons des difficultés chroniques à fournir des services parce qu’ils ne sont pas rentables. Il s’agit d’espaces où les grands joueurs ont refusé, pour toute une série de raisons, essentiellement économiques, de s’implanter.
Dans les régions les plus rentables du pays, certaines banlieues et certains centres urbains où les géants comme Rogers, Bell, Telus et Quebecor dominent, est-il juste de dire qu’ils dominent parce qu’ils possèdent les tours de téléphonie cellulaire? La grande majorité de la capacité des tours dans ces régions est détenue par un très petit nombre de grandes entreprises qui, pour diverses raisons, ont réussi à le faire. Comment pourrons-nous ouvrir le marché à d’autres acteurs à l’échelle nationale et internationale dans un contexte de mainmise sur ces tours?
M. Arbour : Je vous remercie pour cette question. Elle est également fondamentale pour la politique des télécommunications. Le problème est que, compte tenu du coût de construction des infrastructures, un marché donné ne peut accueillir qu’un nombre relativement faible d’infrastructures concurrentes. Par exemple, si vous avez une collectivité de 100 foyers et que vous voulez fournir un service à ces foyers, vous devez construire un réseau qui couvre ces 100 foyers. Si vous êtes en situation de monopole, vous avez les 100 foyers pour vous tout seul. Si vous ajoutez une deuxième infrastructure, les coûts sont les mêmes. Vous devez construire un réseau qui couvre les 100 foyers, mais vous pouvez avoir une part de marché de 50 %. Ajoutez-en une troisième, une quatrième, etc. En général, sur le marché de la téléphonie cellulaire, le maximum est de quatre réseaux. Mais cela tend également à être, dans un contexte approprié, un contexte assez favorable à la concurrence. C’est ce que nous constatons sur de nombreux marchés de l’OCDE lorsque nous effectuons ce type de comparaisons.
Dans le contexte de l’Internet destiné aux particuliers et aux entreprises, deux réseaux sont généralement mis en place. Il y a généralement un réseau câblé, puis l’opérateur téléphonique qui propose son propre réseau.
Comment améliorer ces différents types de réseaux? C’est là que nous entrons dans le domaine de l’accès complet et des conditions d’accès de ces infrastructures par rapport aux réseaux existants.
Le président : Si vous me permettez de vous interrompre, je n’ai pas demandé comment nous allions améliorer le système. J’ai plutôt demandé si j’avais raison de dire que les entreprises qui possèdent les tours de téléphonie cellulaire contrôlent le marché de la téléphonie cellulaire. Dans votre réponse, vous avez confirmé que les entreprises possédant ces fameuses tours contrôlent en fait le marché.
Si vous regardez les régions les plus rentables du pays, les centres urbains et suburbains, en particulier au cours des sept ou huit dernières années, ont connu une croissance exponentielle. Malheureusement, les mises en chantier n’ont pas augmenté au même rythme que la population, alors que Bell, Rogers et les autres grands joueurs ont continué de commercialiser des téléphones cellulaires au rythme de la croissance de la population. En général, c’est le jeu de l’offre et de la demande qui détermine les rapports de force économiques. Alors que ce marché continue de croître de manière exponentielle pour ces entreprises, les tarifs qu’elles offrent demeurent inchangés. Pourquoi est-ce le cas?
Il me semble que la solution à ce problème ne consiste pas à faire partager les tours par les entreprises, mais à mettre davantage de tours en vente sur le marché, à les mettre aux enchères et à les rendre accessibles à de nouveaux concurrents. Je sais que cela ne plaira pas à ces grands conglomérats, mais si vous voulez faire baisser les prix, construisez plus de tours de téléphonie cellulaire, organisez plus d’enchères au sein de ce marché rentable, et ouvrez ce marché à d’autres acteurs pour leur permettre de faire concurrence aux monopoles déjà en place. Vous me corrigerez si je me trompe.
M. Arbour : Merci pour cette question. Je dirais qu’il s’agit d’un défi fondamental: la construction de nouvelles tours n’est pas rentable, d’une manière générale.
Lorsque l’on arrive à trois ou quatre réseaux, la construction d’un cinquième réseau de tours séparé de l’infrastructure existante n’est pas rentable. En effet, il ne s’agit pas seulement des tours, mais aussi des câbles à fibres optiques qui relient les tours et d’une multitude d’éléments en arrière-plan. La construction d’un cinquième réseau concurrent n’est tout simplement pas rentable. Que se passe-t-il alors? Beaucoup de gens diraient qu’il n’est pas logique que le gouvernement subventionne un cinquième acteur concurrent. Ce n’est pas financièrement viable et cela n’aide pas les consommateurs en fin de compte, car l’argent des subventions doit bien venir de quelque part.
Par conséquent, on se heurte à un problème fondamental, à savoir que l’on ne peut construire qu’un nombre limité d’infrastructures concurrentes. C’est pourquoi la manière dont vous partagez l’infrastructure existante est une considération essentielle si vous voulez améliorer la concurrence. Par exemple, il existe des règles de partage des pylônes qui stipulent qu’il n’est pas nécessaire de construire un pylône séparé. Vous pouvez apporter vos radios existantes et les attacher à une tour existante. Il existe également des règles dans le domaine de la téléphonie mobile, appelées « exploitants de réseaux mobiles virtuels », qui permettent aux concurrents de louer de l’espace sur le réseau existant pour offrir des services concurrents. Il existe des règles similaires concernant l’accès à l’itinérance en gros qui permettent à un fournisseur existant d’élargir la portée de son réseau.
Des règles similaires s’appliquent à l’espace Internet. Ces infrastructures de réseau existantes sont des câbles câblés qui ont été construits au fil des décennies. En dehors des tours d’habitation du centre-ville et d’autres zones de la très haute densité, il n’est généralement pas rentable de construire un troisième câble concurrent. Une entreprise ne pourra jamais tirer profit d’un tel investissement. C’est pourquoi il existe des règles qui obligent à partager l’infrastructure existante pour offrir ce service concurrentiel à la population canadienne.
Le président : J’aurais aimé disposer de plus de temps, mais nous n’en avons plus. Je tiens à remercier nos invités d’avoir partagé leurs opinions avec nous aujourd’hui.
Sur ce, chers collègues, nous allons lever la séance et ajourner nos travaux jusqu’à la semaine prochaine.
(La séance est levée.)