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TRCM - Comité permanent

Transports et communications


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES TRANSPORTS ET DES COMMUNICATIONS

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mardi 28 mai 2024

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd’hui, à 9 h 1 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier la teneur des éléments des sections 27 et 37 de la partie 4 du projet de loi C-69, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 16 avril 2024.

Le sénateur Leo Housakos (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour, honorables sénateurs. Je suis Leo Housakos, sénateur du Québec et président du comité. J’invite mes collègues à se présenter succinctement.

La sénatrice Simons : Bonjour. Je suis la sénatrice Paula Simons, de l’Alberta, et je viens du territoire visé par le Traité no 6.

Le sénateur Cuzner : Rodger Cuzner, sénateur de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Clement : Bonjour. Bernadette Clement, de l’Ontario.

Le sénateur Quinn : Jim Quinn, du Nouveau-Brunswick.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Julie Miville-Dechêne, du Québec.

[Traduction]

Le président : Merci, chers collègues.

Aujourd’hui, dans le cadre de notre étude de l’objet du projet de loi C-69, Loi d’exécution du budget, nous étudions les modifications à la Loi sur les télécommunications contenues dans la section 37 de la partie 4 du projet de loi.

À cette fin, nous accueillons M. Matt Hatfield, directeur exécutif d’OpenMedia; ainsi que deux représentants du Centre pour la défense de l’intérêt public, soit Me John Lawford, directeur général et conseiller juridique général, et Mme Myka Kollmann, stagiaire en droit. Bienvenue et merci d’être des nôtres ce matin.

Nous allons commencer par la déclaration préliminaire de cinq minutes de M. Hatfield, puis nous entendrons celle de Me Lawford et de Mme Kollmann. Nous passerons ensuite à la période de questions et réponses.

Matt Hatfield, directeur exécutif, OpenMedia : Bonjour. Je m’appelle Matt Hatfield, et je suis directeur exécutif d’OpenMedia, un organisme communautaire regroupant au Canada plus de 280 000 personnes qui œuvrent en faveur d’un Internet accessible.

Je suis heureux de m’adresser à vous aujourd’hui depuis le territoire non cédé des nations Sto:lo, Tsleil-Waututh Squamish et Musqueam.

J’ai suivi les délibérations du comité la semaine dernière, et j’ai été ravi de vous entendre poser des questions que tous les Canadiens se posent. Pourquoi le prix des télécommunications est-il aussi élevé au Canada? Cette proposition est-elle utile? Pourquoi le CRTC ne règle-t-il pas le problème?

Donc, oui, il devrait être aussi facile que possible de changer de fournisseur, et les changements proposés pourraient être utiles. Ils pourraient même avoir un effet très modérément favorable sur la concurrence. Mais cela revient encore à déplacer les chaises sur le pont d’un système qui penche fortement d’un côté : en faveur de Rogers, de Telus et de Bell, au détriment des consommateurs. Il est inutile de faciliter les changements de fournisseurs s’il n’y a aucun autre fournisseur vers qui se tourner, et les fournisseurs continueront de trouver des façons de ponctionner, de tromper et d’induire subtilement en erreur leurs clients, malgré ces changements. Certaines personnes à qui j’ai parlé ont même dit craindre que la clarification des règles rende plus légitimes certaines pratiques abusives utilisées pour les contourner. En fin de compte, il n’y a tout simplement pas de règles contraignantes que nous pouvons imposer aux fournisseurs pour protéger pleinement leurs clients contre les abus de pouvoir monopolistique. L’unique solution au pouvoir du marché est de perturber l’oligopole; rien de moins.

Pourquoi le marché canadien des télécommunications laisse-t-il constamment tomber les consommateurs? Nous croyons que c’est parce que notre principal chien de garde, le CRTC, est profondément attaché à un modèle de concurrence voué à l’échec.

Des représentants d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada, ou ISDE, vous ont dit la semaine dernière que le système de télécommunications du Canada est fortement monopolisé, et qu’il s’agit là de l’aboutissement logique du coût élevé de l’infrastructure de télécommunications. Ils ont souligné à juste titre que, vu les énormes avantages que procurent les infrastructures existantes — financées en partie par nos gouvernements, dans de nombreux cas —, il n’est pas réaliste de s’attendre à ce que des concurrents étrangers ou de nouvelles entreprises canadiennes entrent sur notre marché et construisent assez d’infrastructures pour soutenir la concurrence. Mais ce scénario très improbable — l’arrivée de nouvelles entreprises mettant en place les infrastructures permettant de soutenir la concurrence — est la stratégie de base du CRTC depuis plus d’une décennie. Lorsqu’il a favorisé à contrecœur la concurrence en achetant l’accès à l’infrastructure, ce n’était que sous réserve d’une longue liste de restrictions visant à forcer les entreprises en démarrage à commencer à construire leur propre infrastructure, souvent en quelques années.

Cela n’a jamais fonctionné : ni pour les petits fournisseurs de services Internet — qui ont brièvement prospéré au Canada, mais qui se sont vu refuser l’accès à l’Internet haute vitesse pendant si longtemps qu’ils ont pour la plupart cessé d’exister — ni même pour la société Shaw, qui était censée être le quatrième concurrent axé sur l’infrastructure au pays. Shaw a vu son histoire prendre fin lors de son acquisition par Rogers, et elle a dit très directement aux investisseurs à ce moment-là qu’elle ne pouvait pas prendre suffisamment d’expansion pour réussir. Le gouvernement a forcé Rogers à vendre Freedom Mobile à Vidéotron, en espérant apparemment que Vidéotron fasse ce que Shaw n’avait pas pu faire. J’espère que Vidéotron va réussir. Vidéotron a certains avantages que Shaw n’avait pas, mais certains désavantages importants aussi, et il n’y a aucune raison de croire que, dans cinq ou dix ans, l’un des trois grands fournisseurs de télécommunications ne tentera pas d’acheter Vidéotron, tout comme Rogers a acheté Shaw. Une concurrence de ce genre est limitée et toujours risquée.

Il existe deux solutions efficaces à long terme pour traiter équitablement les clients dans un système naturellement monopolistique. On peut reconnaître que la concurrence a besoin d’une aide permanente pour exister et forcer tous les grands propriétaires d’infrastructures à revendre l’accès à des prix équitables de façon à ce qu’il y ait toujours suffisamment d’entreprises sur le marché. C’est ainsi que l’Internet filaire était censé fonctionner, mais ce système s’est presque effondré, car le CRTC ne s’est guère soucié de veiller à ce qu’il soit viable pour les petites entreprises jusqu’à ce qu’il soit trop tard. C’est ainsi qu’un système d’exploitant de réseau mobile virtuel, ou ERMV, fonctionnerait pour les services mobiles également. Les ERMV atteignent clairement cet objectif dans de nombreux autres pays, mais au Canada, le CRTC refuse d’essayer cela.

La deuxième solution consiste à faire des télécommunications un service public national pratiquant des tarifs équitables. Il s’agit d’un investissement gouvernemental beaucoup plus important et qui n’a pas la cote actuellement, mais l’une ou l’autre de ces stratégies pourrait, en principe, rendre les prix des télécommunications canadiennes concurrentiels à l’échelle mondiale.

Ce qui ne peut pas fonctionner, c’est de demander aux petites entreprises en démarrage de réussir malgré la structure de monopole naturel en place dans le secteur des télécommunications. Même Bell et Telus ne veulent pas créer de réseaux en double. Elles partagent une grande partie de leur infrastructure mobile partout au Canada. Exiger que les petites entreprises canadiennes se dotent d’une infrastructure que Bell et Telus jugent non rentable, c’est leur demander de fonder leur modèle d’affaires sur des chimères. Pour une raison obscure, le CRTC fait une fixation sur cette stratégie, et cela doit changer.

La semaine dernière, plusieurs d’entre vous ont cherché à savoir pourquoi ces petits changements se sont retrouvés dans le budget au lieu de faire partie du travail quotidien du CRTC. Vous avez raison de vous poser la question. Je suppose que le gouvernement estime que, à certains égards, le CRTC manque à sa mission fondamentale, et qu’il impose une petite amélioration au prétexte que ce serait mieux que rien pour les Canadiens. Mais fondamentalement, ce n’est pas suffisant.

La semaine dernière, le sénateur Cardozo a dit que le comité avait l’occasion d’examiner attentivement la situation dans son ensemble et de déterminer ce qui ne va pas. Je vous encourage fortement à le faire. Sans changer le déséquilibre de pouvoir sous-jacent entre les entreprises de télécommunications et les Canadiens, des quarts de mesures comme celles dont nous discutons aujourd’hui ne peuvent qu’améliorer légèrement un statu quo intolérable.

Merci. Je serai heureux de répondre à vos questions.

Le président : Merci, monsieur Hatfield. Je cède la parole à Mme Kollmann et à Me Lawford, qui se partageront les cinq minutes qui leur sont allouées.

Me John Lawford, directeur général et conseiller juridique général, Centre pour la défense de l’intérêt public : Merci, monsieur le président.

Le Centre pour la défense de l’intérêt public, ou CDIP, est une organisation nationale à but non lucratif et un organisme de bienfaisance enregistré qui fournit des services juridiques et de recherche dans l’intérêt des consommateurs, et tout particulièrement des consommateurs vulnérables, en ce qui concerne la prestation d’importants services publics. Nous sommes actifs dans le domaine des télécommunications depuis les années 1980.

Notre message d’aujourd’hui est simple : nous appuyons dans une large mesure la section 37 de la partie 4 du projet de loi C-69, qui améliorera les marchés des télécommunications pour les Canadiens et leur permettra d’exercer un contrôle dont ils ont grandement besoin.

Myka Kollmann, stagiaire en droit, Centre pour la défense de l’intérêt public : Selon les Instructions de 2023, le CRTC doit prendre des mesures pour faire en sorte que les consommateurs puissent rapidement, facilement et à un prix abordable annuler, déclasser, transférer ou modifier d’une autre façon leurs services. Les dispositions relatives au mécanisme libre-service et à l’avis d’expiration de contrat constituent une mise en œuvre législative des Instructions, et elles peuvent aider les consommateurs à savoir quand leur forfait prend fin et quelles sont les options qui s’offrent à eux.

Les trois premiers articles des modifications relatives aux télécommunications proposées dans le projet de loi C-69 ressemblent de très près à ce qui est récemment entré en vigueur au Royaume-Uni. Là-bas, les entreprises doivent envoyer un avis de fin de contrat aux clients entre 10 et 40 jours avant la fin de la durée minimale de leur contrat. Elles doivent également envoyer chaque année des avis aux clients qui n’ont pas de contrat pour leur rappeler qu’ils sont libres de changer de fournisseur ou de forfait. Les deux avis doivent comprendre des renseignements qui aideront les clients à déterminer s’ils économiseraient en changeant de fournisseur ou en signant un nouveau contrat. L’organisme de réglementation du Royaume-Uni, l’Ofcom, a constaté que dans les deux ans suivant l’entrée en vigueur de ses nouvelles règles, le trop-payé parmi les clients de services mobiles avait diminué de 100 millions de livres après que les exploitants se sont engagés à réduire les prix à la fin des contrats initiaux.

Dans son récent rapport semestriel de 2023-2024, la Commission des plaintes relatives aux services de télécom-télévision, ou CPRST — l’ombudsman en matière de communications du Canada — mentionne que 42,9 % des plaintes reçues avaient trait aux résiliations et aux prolongations de contrat. Les modifications proposées dans le projet de loi C-69 pourraient contribuer à régler bon nombre de ces plaintes. L’accroissement de l’accès et de la sensibilisation à l’égard des options de service au moyen d’un mécanisme libre‑service et d’avis d’expiration de contrat augmentera probablement le pouvoir d’action des consommateurs et incitera les fournisseurs à agir de bonne foi sur le marché.

Me Lawford : Les derniers articles du projet de loi, soit les articles 27.04 et 27.05, visent à interdire l’imposition de certains frais relatifs à la modification ou à l’annulation d’un service.

Nous signalons que l’article 27.04 met non seulement fin à l’imposition de frais de mise en service ou de modification, mais cherche également à accorder au CRTC le droit d’interdire les frais relatifs à la modification ou à l’annulation d’un service s’ils visent « principalement » à « décourager » les consommateurs de demander un changement ou un déclassement de service. Si son objet est d’empêcher les entreprises de facturer des frais de retour pour les téléphones cellulaires, alors cet article devrait cibler plus directement les frais.

Cependant, ce qui est le plus remarquable, c’est que ces changements doivent être intégrés dans le projet de loi, compte tenu des Instructions de 2023 et du mandat du CRTC de protéger les consommateurs. La raison est simple : à ce jour, le CRTC a fait beaucoup de promesses aux consommateurs, mais il a réalisé très peu de choses. Le projet de loi montre très clairement au CRTC qu’il doit faire son travail. Nous sommes tout à fait de cet avis. Le projet de loi peut sembler déroutant, inutile ou redondant, mais il vaut la peine d’être adopté pour amener le CRTC à agir.

Le CDIP remercie le comité de lui avoir donné l’occasion de s’adresser à lui. Nous serons heureux de répondre à vos questions. Merci.

Le président : Merci.

La sénatrice Simons : Heureuse de vous revoir, monsieur Hatfield et maître Lawford. Il est agréable de vous avoir à nouveau parmi nous. Madame Kollmann, comme vous êtes stagiaire, c’est probablement votre première comparution devant un comité sénatorial, mais je soupçonne que ce ne sera pas la dernière. Monsieur Hatfield, comme vous vous trouvez sur le territoire des Musqueam, il est 6 heures chez vous, et je vous remercie donc tout particulièrement d’être des nôtres.

Passons maintenant à la question. Pourquoi devons-nous faire cela par le truchement d’un projet de loi d’exécution du budget? Je suis curieuse, maître Lawford et madame Kollmann. Pouvez-vous nous dire si l’Ofcom a eu besoin d’une loi pour faire cela au Royaume-Uni, ou s’il a pu le faire au moyen du pouvoir réglementaire à sa disposition?

Me Lawford : Je crois comprendre que c’est une procédure qui a mené à cela. Je ne crois pas que cela ait été inséré dans un texte législatif, mais je dois dire que je n’en suis pas absolument certain, madame la sénatrice.

La sénatrice Simons : D’accord.

Je vous pose la question à tous les trois. À votre avis, y a-t-il une quelconque raison d’ordre procédural qui empêche le CRTC d’adopter ces mesures par l’entremise de ses pouvoirs réglementaires existants? Monsieur Hatfield, je vais commencer par vous.

M. Hatfield : D’après ce que je crois comprendre, et c’est ce que j’ai dit aux sénateurs la semaine dernière, oui, il pourrait le faire. À ce stade-ci, du point de vue du consommateur, nous allons le prendre, peu importe la façon dont vous procédez. C’est une petite amélioration qui en vaut la peine. Je sais que vous allez discuter avec le CRTC plus tard. Année après année, il semble dire à tout le monde que, oui, il travaille sur certaines choses, qu’il dispose de systèmes et qu’il y a toutes ces procédures, mais rien ne s’améliore radicalement pour les consommateurs canadiens. Si cela nous permet d’obtenir enfin une certaine amélioration, nous allons le prendre, même si ce n’est pas vraiment la façon idéale de procéder.

Me Lawford : J’aimerais ajouter quelque chose à ce que M. Hatfield a dit. Oui, le CRTC a le pouvoir de faire cela. En fait, dans le cadre de nombreux plans triennaux, il a dit qu’il allait examiner la possibilité de combiner les codes de protection des consommateurs — le code sur les services sans fil, le code sur les services Internet, le code des fournisseurs de services de télévision, puis un autre sur les dépôts et les débranchements, qui concerne en grande partie la téléphonie résidentielle —, cela est toujours préconisé, toujours dans les plans, mais ne se produit jamais. Sans aucun doute, c’est précisément là qu’il faudrait faire ce genre de travail. Il a tous les outils dont il a besoin en ce moment.

La sénatrice Simons : Je comprends, monsieur Hatfield, que vous examinez les choses d’un point de vue global. De toute évidence, nous ne pouvons pas régler ces problèmes avec cette petite composante du budget.

Je vous inviterais à examiner les choses d’un point de vue intermédiaire. Pourquoi le CRTC manque-t-il à ses responsabilités en matière de réglementation? Y a-t-il des préoccupations? Je veux dire, c’est bien beau d’appuyer cela parce que nous pensons que c’est une bonne idée, mais je n’aime pas le précédent selon lequel un gouvernement dit à un organisme de réglementation indépendant ce qu’il doit faire en insérant dans un projet de loi omnibus d’exécution du budget des dispositions qui ne peuvent pas être remises en question. Cela soulève la possibilité qu’un futur gouvernement utilise un jour un projet de loi d’exécution du budget pour dire à un organisme de réglementation indépendant ce qu’il est censé faire, et je ne suis pas en faveur de cela. Pouvez-vous nous dire quel est le problème et pourquoi l’organisme de réglementation n’exerce pas son pouvoir de protéger les consommateurs?

Me Lawford : Je vais commencer, puis M. Hatfield aura probablement des observations à ajouter.

À notre avis, le gouvernement a déjà été très clair. Il est décourageant de le voir procéder de cette façon, car les instructions de 2023 comportent un article qui exige explicitement que ce type de recours soit entrepris par le CRTC.

Tout ce que je peux dire, c’est que le CRTC a tellement ralenti son travail au cours des quatre ou cinq dernières années que, bien honnêtement, tout le monde — l’industrie, les défenseurs des consommateurs — est dérouté par les résultats du CRTC. Nous ne savons absolument pas ce qui explique cela. Ce n’est pas lié à la COVID-19. Quoi qu’il en soit, peu importe ce qui se passe — je sais qu’on lui confie de nouvelles tâches, et c’est peut-être une source de distraction —, le gouvernement a été clair avec les instructions. Nous attendons tout simplement. Nous ne comprenons pas pourquoi il y a un blocage, mais il y en a un.

La sénatrice Simons : Ce n’est pas comme si les gens qui travaillent sur le projet de loi C-11 sont ceux qui travaillent sur les téléphones cellulaires.

Me Lawford : Ce n’est pas exactement ce que j’ai compris. Je crois savoir que de nombreux spécialistes des télécommunications ont été affectés à l’élaboration du projet de loi sur la radiodiffusion. Malgré cela, je m’attendrais à ce que la direction du CRTC demande des ressources supplémentaires, qui lui ont été accordées en partie, si je ne m’abuse. De toute façon, le ralentissement a commencé avant l’adoption du projet de loi C-11. Selon nous, il remonte à 2017-2018.

La sénatrice Simons : Monsieur Hatfield, je ne sais pas si vous avez une réponse à cette question.

M. Hatfield : Maître Lawford a bien décrit la situation. On peut voir les choses d’un point de vue plus ou moins charitable. On a demandé au CRTC de faire de plus en plus de choses, d’assumer de lourdes et énormes responsabilités, et cela pourrait ralentir les choses. De façon moins charitable, je dirais que je n’ai pas toujours l’impression que le bien-être des consommateurs est une très grande priorité.

La sénatrice Simons : Merci.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Je vais continuer dans cette ligne de questions. Je suis aussi inquiète que ma collègue la sénatrice Simons. Il me semble bien que le CRTC ait obtenu des effectifs supplémentaires pour faire face aux projets de loi C-11 et C-18 — l’un et l’autre. Vous avez parlé d’une explication charitable, mais s’il y a plus de gens et qu’il n’y a pas d’action, comment expliquez-vous cela?

[Traduction]

M. Hatfield : Je ne peux pas l’expliquer. Je me demande s’il ne faudrait pas faire une enquête pour savoir comment les choses fonctionnent là-bas. On dirait tout simplement que les choses ne tournent pas rond.

[Français]

Me Lawford : On n’a pas d’explication. L’ancien président avait une approche un peu plus relaxe que les présidents précédents. Cela a continué avec Mme Eatrides. De plus, on n’a pas de surveillance directe, soit du Parlement, soit des ministres responsables. On cherche d’autres moyens de surveiller pour savoir ce qu’ils font et s’ils respectent l’horaire prévu.

La sénatrice Miville-Dechêne : En fait, il faudrait réussir à trouver une forme de surveillance qui ne menace pas leur indépendance, ce qui est assez compliqué. Est-ce qu’il se peut que ce soit les pressions des grands joueurs sur le CRTC qui repoussent les questions qui ont trait à la protection des consommateurs très loin sur la liste? Évidemment, je ne suis pas au courant des conversations privées, mais se peut-il qu’il y ait des pressions pour ne pas agir là-dessus au CRTC?

Me Lawford : J’ai deux réponses rapides.

Premièrement, en télécommunications, c’est bien cela : les grandes entreprises sont fâchées des décisions sur la vente en gros d’Internet, qui les occupe beaucoup.

En ce qui concerne la radiodiffusion, je crois que le CRTC a paniqué en raison de la nouvelle Loi sur la radiocommunication; il a trop travaillé avant que la loi soit adoptée.

La sénatrice Miville-Dechêne : Avez-vous une réponse à mes questions, monsieur Hatfield?

[Traduction]

M. Hatfield : Je dois aller dans le même sens que Me Lawford. Il semble y avoir de la confusion, et je pense que vous avez raison de dire qu’une certaine pression de la part des entreprises joue un rôle, mais il semble qu’aucune décision ne puisse être prise rapidement, pas même des décisions simples qui paraissent ne pas exiger beaucoup de temps.

La sénatrice Miville-Dechêne : Je pourrais peut-être poser une question plus factuelle à laquelle vous pourriez répondre plus facilement. Si le CRTC a pris des mesures pour protéger les consommateurs, quelles sanctions peut-il prendre pour obliger les entreprises à respecter la réglementation? Dans ce cas-ci, ce ne serait pas une loi. A-t-il suffisamment d’outils? Vous avez dit qu’il pourrait le faire, mais a-t-il suffisamment d’outils pour appliquer la réglementation?

M. Hatfield : Je pense que je vais m’en remettre à vous pour cette question, maître Lawford.

Me Lawford : Je crois que le CRTC a maintenant pas mal d’outils à sa disposition, plus particulièrement l’article sur les sanctions administratives pécuniaires qui a été ajouté récemment à la Loi sur les télécommunications et les amendes pouvant atteindre 10 millions de dollars. Il y a recouru avec parcimonie. Il pourrait l’utiliser plus souvent comme menace. Je constate que le CRTC essaie habituellement de donner d’abord quelques chances aux entreprises et de recourir à d’autres méthodes, ce qui est approprié dans le cadre d’une application progressive de la réglementation, mais il n’a certainement pas brandi les sanctions administratives pécuniaires comme menace dans le cas d’affaires touchant les consommateurs.

La sénatrice Miville-Dechêne : Avez-vous quelque chose à ajouter, monsieur Hatfield?

M. Hatfield : Non. Je pense simplement qu’il y a des exemples où, comme dans le cas du réseau Internet à fibre optique, les choses ont traîné en longueur alors que la décision était facile à prendre. Il s’agit de donner aux petits fournisseurs canadiens un accès à Internet que les gens utilisent principalement de nos jours. Récemment, le CRTC a accéléré sa prise de décisions, car la plupart des entreprises qu’il essayait d’aider ont fait faillite en attendant ses décisions. Maintenant, si vous deviez lui signaler que vous attendez toujours la décision finale et qu’il ne s’agit pas d’une décision complexe, il devrait simplement dire qu’il va vous fournir les données de base pour votre entreprise, un point c’est tout, et même ces décisions simples peuvent être prises rapidement. Sa capacité de s’occuper de questions vraiment complexes semble constituer un risque.

La sénatrice Miville-Dechêne : Merci.

Le sénateur Quinn : Je remercie les témoins de leur présence.

Ma question porte sur ce qui s’est passé depuis un an environ. Je viens du secteur des transports, et j’en ai appris davantage sur les communications au cours de la dernière année que je n’en apprendrai probablement jamais au cours des 20 prochaines années. L’un des thèmes récurrents est le CRTC. J’ai entendu de bonnes choses à son sujet, mais aussi beaucoup de choses préoccupantes. Ce matin, ce sont les choses préoccupantes. On me dit que le CRTC a les outils nécessaires pour mettre en œuvre ce que nous sommes en train d’inclure dans la loi d’exécution du budget. Il ne l’a pas fait. Il a les outils pour le faire. Qui lui demande des comptes? Qui oblige le CRTC à rendre des comptes?

Me Lawford : Je pense que le CRTC devrait être davantage tenu de rendre des comptes. À l’heure actuelle, c’est assez minime, en partie en raison de l’indépendance dont parlait la sénatrice Miville-Dechêne. En tant qu’acteurs politiques, vous ne pouvez pas vous ingérer dans les décisions quasi judiciaires du CRTC, mais il pourrait faire rapport sur l’atteinte de ses objectifs au Parlement par l’entremise des comités ou par l’entremise de ses ministres, puis au Parlement. Il doit y avoir une certaine forme de reddition de comptes. Je pense que, par le passé, c’était la confiance.

Écoutez, le CRTC s’est vu conférer d’énormes pouvoirs en vue de la réglementation de l’ensemble de l’industrie des communications et, bien honnêtement, jusqu’à il y a 10 ou 15 ans, il s’en occupait bien. Depuis, les choses ont dérapé. Les choses ont changé dans cette ville, et il ne se rend pas compte qu’il est au cœur, comme vous le dites, d’une industrie qui semble être de plus en plus l’industrie centrale au Canada. Elle prend de plus en plus d’importance dans la vie des Canadiens. On dirait presque qu’il ne s’en rend pas compte.

Il serait fantastique qu’il rende des comptes par l’entremise de ce comité, du comité de l’industrie ou du comité du patrimoine, simplement à des fins de vérification. Je pense que même ce genre de coup de sonde lui remettrait les idées en place.

Le sénateur Quinn : L’une des recommandations que vous aimeriez voir figurer dans notre rapport à ce sujet serait peut-être d’établir un cadre de responsabilisation précis prévoyant une reddition de comptes régulière au Parlement.

Me Lawford : Oui.

Le sénateur Quinn : D’accord.

Ce que nous incluons ici dans la Loi d’exécution du budget sera inscrit dans la loi, mais cela exigera tout de même que le CRTC élabore les méthodes qui lui permettront de faire son travail. J’ai aussi entendu dire ce matin qu’au cours des quatre ou cinq dernières années, le CRTC a ralenti son travail. C’est peut‑être à cause des grandes initiatives mises en œuvre le printemps dernier et plus tôt cette année, les projets de loi C-11 et C-18. Vous avez dit que des gens des secteurs avaient été affectés au CRTC. Quelle garantie avons-nous que le fait d’inclure cela dans la Loi d’exécution du budget l’amènera à agir plus rapidement ou plus sérieusement?

Me Lawford : Je vais répondre brièvement, puis je céderai la parole à M. Hatfield.

Il y a un grand risque que cette procédure, qui sera exigée par le projet de loi... Tout d’abord, il entrera en vigueur lorsque le gouvernement le décidera, mais en supposant qu’il entre en vigueur rapidement, il faut généralement 6 mois pour établir l’horaire des audiences, puis parfois de 12 à 18 mois pour la tenue des audiences, et ensuite 6 mois pour la prise de la décision. Nous parlons ici de deux ans, et les entreprises pourraient très bien demander jusqu’à un an pour la mise en œuvre, période au cours de laquelle elles modifieront leurs systèmes afin d’intégrer ces changements à leurs systèmes de facturation. Ce qui me préoccupe, c’est qu’il s’agit d’un plan sur trois ans.

Le sénateur Quinn : J’ai une dernière question, qui est peut-être une observation. D’après ce que nous avons entendu au cours de la dernière année et ce matin, il semble qu’il y ait certaines choses que le CRTC fait bien, mais qu’à un certain nombre d’égards, et pas seulement dans le domaine qui nous occupe ici, les gens se préoccupent de la façon dont il assume ses responsabilités. Est-ce juste de dire cela? Pensez-vous qu’il y a d’autres domaines où le CRTC est à la traîne?

Me Lawford : Je vais vous donner une brève liste, puis M. Hatfield, j’en suis sûr, aura des choses à ajouter.

Premièrement, ne pas s’occuper des codes. Deuxièmement, dans le cadre des procédures relatives aux pannes de Rogers de l’an dernier sur la côte Est, deux autres audiences devaient être tenues, mais cela n’a pas été fait. Le service E911 est un désastre au pays, les procédures se poursuivent depuis six ou sept ans, et rien n’en est ressorti. Il y a aussi le problème lié au fait de ne pas avoir poussé plus loin l’enquête sur les pratiques de vente, qui a un lien avec ceci, et il s’agit de la mise en œuvre de ce résultat. Il y a aussi un élément plus égoïste, à savoir que le régime de coûts qui nous permet de nous présenter et de plaider notre cause devant le CRTC doit être révisé. Nos taux n’ont pas augmenté depuis 2012, et cela a été promis pour cet automne. Il s’agit simplement là de choses touchant les consommateurs.

Le sénateur Quinn : Merci.

M. Hatfield : On a parfois l’impression que le CRTC est bon dans tout, sauf dans la réalisation de ses objectifs. Bien sûr, il vous présentera un plan pluriannuel sur la façon dont il parviendra à ses fins, mais même dans le cas d’une mesure comme le projet de loi C-11, nous constatons qu’il faudra des années avant que tout cela n’entre en vigueur, peut-être en 2026.

Pour revenir à ce que disait Me Lawford, nous sommes passés d’un monde où la radiodiffusion et les télécommunications ne représentaient qu’une petite partie de la vie au Canada à un monde où elles définissent les principaux aspects de cette vie et où elles deviennent de plus en plus importantes chaque année. Il faut simplement qu’il y ait davantage d’échéances et d’attentes quant au moment où le CRTC produira des résultats dans bon nombre de ces dossiers.

Le sénateur Cuzner : Si le sénateur Quinn affirme qu’il en sait peu sur le secteur des communications, je dirais que j’en sais probablement encore moins, mais je respecte la profondeur de la compréhension du secteur qu’ont les membres du groupe d’experts et les sénateurs ici présents.

Monsieur Hatfield, vous avez parlé des entreprises qui ont disparu ou qui ont fermé leurs portes en raison de l’incapacité du CRTC de rendre des décisions. Pourriez-vous me donner une idée de l’ampleur et de la portée de cette situation? De quelles entreprises s’agissait-il? Ont-elles fermé à cause de l’immobilisation du CRTC, ou bien y a-t-il eu des changements technologiques? Nous savons à quelle vitesse les technologies évoluent et changent. Pourriez-vous nous en dire davantage pour me donner une idée de ce que nous avons peut-être perdu durant cette période?

M. Hatfield : Oui. Je vais essayer d’être bref.

Le CRTC était en faveur d’un régime de gros pour le service Internet filaire. Cela signifiait qu’il reconnaissait qu’il y avait un problème là où ce service était centralisé. Il permettait à de nombreuses entreprises canadiennes d’acheter, à des taux équitables, des infrastructures physiques et de les vendre à d’autres. Ce qui s’est passé, c’est qu’on ne permettait l’achat que de vieux réseaux. Ces réseaux ne cessaient de vieillir, de sorte que de moins en moins de consommateurs souhaitaient acheter ce genre de service. Il y a sept ou huit ans, on a dit « En principe, nous sommes favorables à ce que ces entreprises aient la possibilité d’acheter l’accès à Internet à fibre optique », soit le type d’Internet que la plupart d’entre nous utilisent maintenant. Huit années se sont écoulées. Si vous songez à la vitesse que vous obteniez pour le service Internet il y a huit ans, c’est probablement très différent de ce que vous obtenez aujourd’hui. Le modèle d’affaires a disparu. Il n’y avait aucune urgence d’agir. Malheureusement, un grand nombre de ces entreprises ont été forcées de quitter le marché. Nous recommençons maintenant pas tout à fait à zéro, mais très loin derrière ce qu’on avait réalisé auparavant.

Me Lawford : Je vais nommer ces entreprises pour m’amuser : Distributel, Storm Internet, oxio, EBOX et VMedia. Il y en a quelques autres dont nous parlions, mais que nous avons oubliées. Elles ont toutes été achetées par les entreprises dominantes. Telus en a acheté quelques-unes. Bell a acheté Distributel et EBOX. VMedia a été acheté par Québecor.

Le sénateur Cuzner : Merci.

Le président : Il est de plus en plus évident que les Canadiens sont complètement floués en ce qui concerne les prix des télécommunications au pays. Lors des élections successives, le gouvernement Trudeau a promis dans son programme de créer les conditions préalables nécessaires pour établir un marché plus concurrentiel et faire baisser les prix. De toute évidence, cela ne s’est pas produit. Nous avons manifestement et délibérément permis, par négligence du gouvernement fédéral et du CRTC, la création d’un incroyable oligopole d’acteurs sur le marché. J’ai entendu M. Hatfield dire plus tôt que les nouveaux venus sur le marché n’ont pas les moyens de soutenir la concurrence parce que l’infrastructure n’y est pas. L’infrastructure — ainsi que le CRTC et le gouvernement fédéral — est conçue pour permettre à cet oligopole de prospérer et de croître, à nos dépens et à ceux des Canadiens.

J’ai une question simple à poser à nos témoins d’aujourd’hui : que pouvons-nous faire concrètement, en tant que législateurs, pour briser cet oligopole de particuliers et de sociétés qui profitent des contribuables et des clients de notre pays?

Me Lawford : Pour être extrêmement audacieux, vous pouvez prendre des mesures comme la séparation structurelle, ce qui veut dire que vous dites à une entreprise comme Bell Canada que le réseau de base doit être géré comme un organisme sans but lucratif… bien, à but lucratif, mais qui vend à tous les détaillants de façon égale, y compris à sa propre division de détail.

Vous pouvez les nationaliser. Je ne pense pas que nous allions dans cette direction au Canada. Ce serait très amusant.

Vous pouvez aussi réglementer les prix. Sénateur Housakos, vous pourriez ordonner au CRTC — malgré sa décision de déréglementer le marché en vertu de l’article 34 de la Loi sur les télécommunications — de supprimer cet article sur l’abstention, ou bien lui demander de reconsidérer son abstention dans le cas de certains marchés, en particulier les services sans fil de détail et Internet résidentiel, qui sont les points sensibles dont vous parlez.

Ce sont là trois idées.

Le président : Monsieur Hatfield?

M. Hatfield : Oui. OpenMedia croit au pouvoir de l’innovation et de la concurrence, et c’est pourquoi la solution que nous conseillons le plus souvent est en réalité le service d’ERMV. Il s’agit d’amener de nombreuses entreprises différentes à se livrer concurrence sur la même infrastructure physique. Elles pourront innover en ce qui a trait au service, au prix et aux types de forfaits qu’elles offrent aux consommateurs, innovation que nous n’obtenons pas des trois grands fournisseurs.

Me Lawford a raison d’affirmer que la séparation structurelle serait une autre façon d’atteindre le même objectif consistant à s’assurer que, même si le système va rester relativement monopolistique pour les propriétaires d’infrastructures, il faudra beaucoup plus de concurrence du côté de l’expérience des consommateurs.

Le président : Est-il possible d’atteindre cet objectif uniquement par voie législative, ou est-ce qu’il faut aussi légiférer avec la volonté politique de mettre les mesures en œuvre?

Me Lawford : Il est certain que toutes les mesures législatives requièrent une volonté politique. Il faut un élément plutôt coordonné sur trois aspects : la Loi sur les télécommunications, le Bureau de la concurrence et le gouvernement, « le gouvernement » étant ISDE, la section des télécommunications de cette partie du gouvernement. Ils doivent fonctionner ensemble. L’un de ces trois pieds du tabouret n’est jamais d’aplomb. Chaque fois que nous approchons de la réalisation d’un certain progrès, une des sections cède. Les entreprises de télécommunications savent très bien qu’il faut que les trois travaillent contre elles, et elles jouent très bien cette carte, à mon avis.

M. Hatfield : Pour poursuivre dans la même veine, si on regarde les directives du gouvernement, on peut voir une véritable frustration à l’égard du CRTC. Il y a de nombreuses mentions de la nécessité d’aller plus vite. Je ne sais pas si nous avons observé une plus grande rapidité depuis la publication de ces directives. Le CRTC a peut-être l’impression d’être rapide; je pense que la plupart des Canadiens estiment que ce n’est pas le cas. C’est pourquoi Me Lawford et moi-même insistons sur la nécessité que quelqu’un examine attentivement le fonctionnement du CRTC parce qu’il ne semble pas fonctionner très efficacement pour ce qui est d’atteindre son objectif.

Le président : Ma dernière question est la suivante : est-il possible de réparer le CRTC, ou bien devons-nous trouver un autre organisme ou une autre formule pour assurer la réglementation au sein de l’industrie des télécommunications?

Me Lawford : Je pense qu’on peut le réparer. Il faudra une surveillance qui va au-delà de ce qui existe actuellement et une feuille de route pour le mener vers sa destination. Il y a de bonnes personnes au CRTC. Elles travaillent fort. Je crois qu’elles ont reçu de nombreux rapports différents et qu’on leur a attribué de nouvelles fonctions. Il règne une certaine confusion au sein de cet organisme. Ce serait quelque chose qui prendrait quelques années, parce qu’il a fallu des années au CRTC pour en arriver à sa situation actuelle.

M. Hatfield : Il faudrait se pencher sur la question. Le CRTC semble avoir été établi en tant que ministre d’Internet, ou organisme de réglementation d’Internet. C’est une responsabilité bien différente de celle qu’il avait il y a 10 ou 15 ans. Elle le fait intervenir relativement à des questions fondamentales de liberté d’expression qu’il est, à mon avis, très mal équipé pour traiter. Il est peut-être possible d’adapter le CRTC de manière à le faire fonctionner, mais, à tout le moins, il faudra l’examiner attentivement et l’étudier.

Le président : Merci.

La sénatrice Simons : Nous avons examiné la situation dans son ensemble. J’aimerais revenir à quelque chose que Me Lawford a dit pour poser une question plus précise. Vous avez mentionné, lorsque vous parliez de l’article 27.04 proposé, que vous pensiez qu’il pourrait cibler des frais plus directement. Je me demande si vous pourriez nous en dire plus à ce sujet.

Me Lawford : L’énorme problème que nous avons en ce moment — les clients s’en plaignent en grand nombre auprès du CPRST, l’ombudsman —, c’est le forfait où il faut rapporter son téléphone. On a essentiellement un contrat de deux ans, ce qui est exigé par le code sur les services sans fil — il ne peut pas être plus long —, mais le financement du téléphone s’étend sur trois ou quatre ans, ou bien il est offert par la seule banque appartenant à une entreprise de télécommunications au pays. C’est une extension du principe selon lequel on a un paiement mensuel moins élevé pour son téléphone, de sorte que davantage de gens ont les moyens de se procurer un meilleur téléphone, mais, lorsque l’on arrive à la fin de son contrat, on doit effectuer un paiement libératoire de 600 $ si on veut changer de fournisseur parce qu’on a payé en plus petits versements. Nous avons toujours supposé qu’il fallait amortir le coût du téléphone sur la période de deux ans exigée par le code sur les services sans fil. Le CRTC, malgré deux décisions selon lesquelles c’est ce qu’il faut faire, a laissé cette pratique prendre de l’ampleur. Elle est endémique dans l’industrie. Maintenant, les gens se plaignent d’avoir des paiements libératoires à la fin et de ne pas savoir pourquoi.

Ce que je crains, c’est que cette disposition ne soit pas suffisamment claire. Elle ne l’est pas assez. Nous allons participer à cette audience, et les entreprises vont dire que le principal objectif est de récupérer leur financement. « Le but principal n’est pas de décourager les gens de partir » — alors que c’est le cas —, « mais nous allons probablement perdre ce client‑là. » J’appelle cela du métayage de téléphones cellulaires, parce qu’on n’a jamais l’argent nécessaire pour partir, jamais.

La sénatrice Simons : Monsieur Hatfield, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Hatfield : Je ne l’ai pas dit dans ma déclaration préliminaire, mais les sénateurs souhaiteront peut-être savoir que le nombre de plaintes de clients de Rogers a augmenté d’environ 45 % au cours de la dernière année, depuis le rachat de Shaw. Espérons que nous pourrons faire un peu de ménage grâce à ces dispositions, pour limiter certaines des pratiques qui frustrent les gens, mais, plus les entreprises sont grandes, plus elles ont l’impression d’avoir la capacité de s’en tirer impunément.

La sénatrice Simons : Malheureusement, vous n’étiez pas là pour nous parler lorsque nous avons étudié le projet de loi C-288, un petit projet de loi qui obligeait les gens à préciser la vitesse de leur large bande, et non pas sa rapidité à son jour le plus parfait. Ce projet de loi est une affaire classée, mais y a-t-il quelque chose que vous aimeriez ajouter pour nous aider à comprendre cette question pendant que vous êtes là?

Me Lawford : C’est une autre occasion où le gouvernement, par l’entremise d’un simple député, a dû forcer le CRTC à faire quelque chose à propos d’une situation dont nous lui parlions depuis des années, c’est-à-dire le fait que la publicité concernant la vitesse de la large bande était trompeuse. Je me contenterai de dire cela.

M. Hatfield : Je signale que l’organisme de réglementation des États-Unis l’a fait de son propre chef. Il n’a pas eu besoin d’un projet de loi d’initiative parlementaire. Il est en train d’élaborer un tableau des renseignements qui doivent être fournis sur la large bande à cette fin.

La sénatrice Simons : Merci beaucoup à vous deux.

Le sénateur Quinn : La discussion de ce matin est vraiment intéressante. Je crois beaucoup au cycle budgétaire du gouvernement fédéral. Je crois aussi que le gouvernement fédéral élu, le gouvernement en soi, a le droit d’établir des budgets. Ce qui se retrouve dans un projet de loi d’exécution du budget est de plus en plus préoccupant. À quel moment disons-nous qu’assez, c’est assez?

Un peu comme les questions qu’a posées le président, devrions-nous dire que, non, ceci ne figurera pas dans le projet de loi d’exécution du budget et que le gouvernement doit adopter un projet de loi holistique qui soulève les problèmes au moyen des mesures législatives dont vous avez parlé? Ce n’est pas seulement ce qui se trouve dans ce projet de loi. Ce sont les grands problèmes dont on ne tient pas compte également. De toute évidence, le CRTC ne fait pas son travail dans certains domaines clés. Pourquoi n’enverrions-nous pas un message aux élus pour leur dire : « Non, vous devez supprimer cette disposition et vous concentrer sur la résolution de ce grand problème »? J’ai l’impression que c’est comme un pansement, et il me semble que, si nous ne prenons pas position, ce sera encore une approche symbolique pour la prochaine année. Quelle serait votre réaction à ce commentaire?

Me Lawford : Ma réaction initiale serait de dire que, oui, c’est une solution symbolique. C’est plutôt un coup de pied au derrière, mais c’est utile en ce moment parce que ces choses ont été placées en dessous de la pile.

Vous avez raison d’affirmer que la grande question est de savoir si la Loi sur les télécommunications répond à une norme moderne. La réponse est non. Il y a eu le rapport sur l’examen du cadre législatif en matière de radiodiffusion et de télécommunications, il y a quelques années. Peu de suggestions concernant les télécommunications ont été retenues… certaines, mais vraiment pas beaucoup. Je crois également que ce rapport a omis un certain nombre de choses en ce qui concerne l’obligation de servir les clients. Peut-être, si on repense à la question que le président a posée pour savoir si nous devrions réglementer les choses différemment sur le plan structurel, j’aimerais avoir une discussion à ce sujet. La grande question est : « Devrait-on réformer la Loi sur les télécommunications? » La réponse est oui.

M. Hatfield : Oui, je suis du même avis. C’est à vous de juger s’il est stratégiquement approprié de le renvoyer pour faire passer un message. En tant que défenseur des consommateurs, j’hésite à dire : « Renonçons à cette petite mesure qui serait utile. » Nous obtenons si peu, alors j’aimerais obtenir quelques petites victoires. Cela dit, il est nécessaire et justifié que l’on procède à un examen plus approfondi.

Le sénateur Quinn : Merci.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : J’aurais une précision à demander à Me Lawford. Vous avez parlé d’une banque qui appartient ou dans laquelle une grande entreprise de télécommunication a des parts. De quelle banque s’agit-il?

Me Lawford : C’est Rogers Bank. La Banque Rogers. Ils ont une charte.

La sénatrice Miville-Dechêne : J’aimerais aussi savoir quelque chose par rapport à la dimension macroéconomique.

[Traduction]

Vous avez parlé de la réglementation des prix et de la séparation de cet oligopole. Y a-t-il d’autres pays qui ont emprunté cette voie? Cela a-t-il eu une incidence sur les tarifs et le service?

Me Lawford : Le meilleur exemple que je puisse vous donner rapidement est celui du Royaume-Uni, qui a séparé structurellement le réseau de base de British Telecom, BT, et l’a appelé Openreach pour Internet. C’est finalement devenu un autre nom, Everything Everywhere, pour la partie sans fil. Le changement a été énorme sur le marché britannique parce qu’on avait de la difficulté à déloger la seule grande entreprise dominante… au lieu d’en avoir deux ou trois comme nous. Cette mesure a fait des merveilles pour le marché de détail. Le marché du sans-fil du Royaume-Uni est très concurrentiel. Le pays a un marché Internet décent malgré le fait qu’il y a beaucoup moins de câblodistribution, alors il y a une option de distribution en moins. C’est mon meilleur exemple.

La sénatrice Miville-Dechêne : Toutefois, le Royaume-Uni est un territoire beaucoup plus petit que le Canada. Peut-on faire la comparaison?

Me Lawford : Je pense que oui. J’en reviens toujours à dire que, oui, c’est un grand pays et il y a beaucoup de distance, alors les coûts de câblage sont plus élevés, mais la population dans les villes canadiennes est en fait beaucoup plus dense qu’aux États‑Unis. Au Canada, il y a plus de grandes villes, et, aux États-Unis, il y a beaucoup de petites villes. Tout dépend de la mesure que l’on utilise, mais je comprends ce que vous dites.

Le président : Merci à nos invités et à nos témoins de nous avoir fait part de leurs points de vue ce matin. C’était très utile.

Pour notre deuxième groupe de témoins de ce matin, nous accueillons des représentants du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes. Il s’agit de M. Scott Hutton, dirigeant principal, Consommation, recherche et communications, et de M. Nanao Kachi, directeur, Politique sociale et des consommateurs. Bienvenue à vous deux et merci de vous joindre à nous. Nous allons accorder cinq minutes à M. Hutton pour sa déclaration préliminaire, puis nous passerons à mes collègues pour les questions et réponses.

Scott Hutton, dirigeant principal, Consommation, recherche et communications, Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes : Bonjour, et merci de nous avoir invités à comparaître devant le comité. Avant de commencer, j’aimerais remercier le peuple algonquin anishinabe de m’accueillir sur son territoire non cédé et non abandonné. J’aimerais également remercier les Anishinabeg d’être les gardiens de la terre et des eaux de cette région depuis des temps immémoriaux. Mon collègue Nanao Kachi, directeur, Politique sociale et des consommateurs, m’accompagne aujourd’hui. Je suis ravi de vous revoir tous.

[Français]

Comme vous le savez, le CRTC est un tribunal administratif indépendant qui réglemente le secteur canadien des communications au Canada dans l’intérêt public. Nous tenons des audiences publiques sur des enjeux de télécommunications et de radiodiffusion, et nous prenons des décisions fondées sur les dossiers publics de ces audiences.

Lors de notre récente comparution devant votre comité, nous avons expliqué que notre travail dans le secteur des télécommunications se concentre principalement sur les services Internet et les services sans fil. Nous favorisons le choix et l’abordabilité pour la population canadienne, encourageons les investissements dans des réseaux fiables et de grande qualité et travaillons à améliorer l’accès aux services de télécommunication dans les communautés rurales, éloignées et autochtones.

[Traduction]

Ces objectifs ont été soulignés en février 2023 lorsque le gouvernement a publié des instructions à l’intention du CRTC pour le renouvellement de son approche en matière de télécommunications. Il nous a demandé, entre autres, d’agir rapidement pour apporter des précisions au marché et nous demander comment nos décisions favoriseraient la concurrence, l’abordabilité, les intérêts des consommateurs, l’innovation et l’investissement.

Le CRTC prend les intérêts des consommateurs très au sérieux. Les Canadiens méritent d’obtenir de l’information claire et concise lorsqu’ils choisissent des forfaits de services de télécommunication, et nous avons pris des mesures à cet égard. Nous savons également que, lorsque les Canadiens ont plus de choix et sont outillés pour les faire, cela accroît naturellement la concurrence et, par conséquent, l’abordabilité.

Permettez-moi de vous faire part des mesures que nous avons prises afin qu’il soit plus facile pour les consommateurs de changer de fournisseur de services de téléphonie cellulaire et Internet. Comme nous l’avons mentionné lors de notre dernière comparution, nous avons créé le Code sur les services sans fil en 2013 et le Code sur les services Internet en 2019. Les deux font en sorte que les consommateurs reçoivent une copie de leur contrat de leur fournisseur qui explique clairement les services inclus et les frais potentiels. Cette information doit également être fournie gratuitement dans des formats accessibles aux personnes handicapées. Les fournisseurs ne peuvent pas lier les clients pendant plus de 24 mois et doivent leur donner un préavis avant la fin du contrat. Ils doivent également indiquer clairement dans leurs contrats que les clients peuvent changer de forfait ou de fournisseur sans pénalité.

[Français]

En vertu du Code sur les services sans fil, les fournisseurs doivent également déverrouiller gratuitement un téléphone cellulaire à la demande d’un client. Il est donc plus facile de changer de fournisseur, car le même appareil fonctionnera sur le réseau du nouveau fournisseur. Nous avons également pris des mesures pour éviter qu’un client ne doive payer des frais en cas de perte ou de vol de son appareil.

De plus, si l’appareil est en cours de réparation, le fournisseur doit suspendre les frais de service.

Par ailleurs, quand les Canadiens choisissent de changer de fournisseur, nous avons mis en place des règles pour que leur nouveau fournisseur puisse transférer tous leurs services existants, y compris leur numéro de téléphone. Les Canadiens n’ont même pas à informer leur ancien fournisseur ou à communiquer avec lui.

[Traduction]

Nous aimerions également souligner que ces codes ne sont pas figés. Nous continuons d’explorer des façons de les améliorer pour protéger les consommateurs contre les frais déraisonnables et améliorer leur capacité à choisir les régimes qui répondent le mieux à leurs besoins. Les mesures que nous avons évoquées concernant le déverrouillage des téléphones cellulaires ont fait partie d’une importante mise à jour du Code sur les services sans fil en 2017.

Les mesures que nous prenons sont fondées sur les besoins exprimés par les Canadiens lors de nos consultations publiques. Nous écoutons également les Canadiens au moyen de recherches sur l’opinion publique afin de mieux comprendre les enjeux qui leur tiennent à cœur. Par exemple, nous savons, d’après la recherche effectuée l’an dernier, que de nombreux Canadiens estiment que les pratiques de marketing actuelles des entreprises de télécommunications portent à confusion et contiennent de l’information qui n’est pas claire, que le coût perçu demeure un obstacle au changement de forfait et que le site Web de certains fournisseurs présente toujours des problèmes d’accessibilité, pour ne nommer que quelques résultats. Le CRTC a également mis en place un projet de client mystère afin de comprendre l’expérience des acheteurs lorsqu’ils font affaire avec des fournisseurs et de travailler sur la conformité.

[Français]

Nous cherchons donc à savoir comment nous pouvons aider à améliorer l’expérience des Canadiens et à leur fournir plus d’information et de choix. Toute mesure prise par le CRTC s’appuiera sur les mesures de protection que j’ai décrites aujourd’hui, en accordant la priorité aux intérêts des Canadiens.

Nous travaillons à ce que les Canadiens puissent profiter des meilleurs tarifs et d’un plus grand choix, tout en favorisant les investissements des réseaux de télécommunication. Nous sommes impatients de poursuivre ce travail important.

Nous vous remercions encore une fois de nous avoir permis de comparaître devant vous aujourd’hui. Nous sommes prêts à répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Hutton.

[Traduction]

La sénatrice Simons : Monsieur Hutton, bienvenue à nouveau.

J’ai été très intriguée par le fait que votre témoignage n’avait rien à voir avec le projet de loi dont nous étudions aujourd’hui. Parlons du projet de loi soumis à notre étude. Pouvez-vous me dire s’il y a quelque chose dans ce projet de loi que le gouvernement fédéral nous a présenté que vous n’auriez pas déjà pu faire en vertu de vos pouvoirs de réglementation actuels?

M. Hutton : Dans notre déclaration préliminaire, nous avons souligné trois des éléments des codes qui sont actuellement en place et qui reflètent exactement les éléments proposés dans le projet de loi. Je suis désolé si cela a porté à confusion.

La sénatrice Simons : Non, j’ai compris ce que vous avez dit. Vous n’avez peut-être pas compris ma question. Le gouvernement estime manifestement que ce projet de loi est nécessaire. En avez-vous besoin pour faire ce que le gouvernement vous demande de faire? Sinon, pourquoi ne l’avez-vous pas déjà fait?

M. Hutton : Nous avons déjà réglé toutes ces questions dans nos codes depuis un certain nombre d’années. Comme les représentants du ministère de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique l’ont mentionné la semaine dernière, nous avons déjà les pouvoirs nécessaires pour traiter de ces questions au titre de la Loi sur les télécommunications sous sa forme actuelle, et nous l’avons fait. Je vais expliquer, si vous le voulez, les légères modifications que le projet de loi apporte.

La sénatrice Simons : Ce serait utile, car nous sommes là pour discuter du texte du projet de loi.

M. Hutton : Comme nous l’avons affirmé dans notre déclaration préliminaire, nous avons déjà réglé la question des exigences relatives aux préavis. Quatre-vingt-dix jours avant la résiliation d’un contrat, les fournisseurs doivent donner un préavis aux clients, y compris les informer de tous les frais potentiels, mais il n’y en a aucun, puisque — pour aborder la question de l’interdiction — les fournisseurs ne peuvent pas imposer de pénalités ou de frais à un client qui les quitte ou qui change de fournisseur. Ce sont déjà des éléments du code. Des offres sont faites sur le marché à ce sujet. Si nous parlons d’une offre qui convient généralement au client, le libellé de la loi n’est peut-être pas aussi clair que celui du budget, mais il y a la notion de la meilleure offre possible, qui est légèrement différente, car il s’agit d’une offre qui convient au client. Nous pouvons certainement examiner cette petite modification dans l’avenir. Une interdiction de frais est déjà prévue pour…

La sénatrice Simons : Vous allez certainement l’examiner si elle figure dans le projet de loi.

M. Hutton : Nous essayons déjà d’être prêts, lorsque le projet de loi recevra la sanction royale, à aller de l’avant et à évaluer cette modification, mais ces marchés et ces questions sont déjà abordés dans la version actuelle de nos codes.

La sénatrice Simons : Estimez-vous que le projet de loi est superflu?

M. Hutton : Comme je l’ai mentionné la semaine dernière, il nous confère une couverture stratégique supplémentaire… ou bien il y a deux ou trois semaines, quand vous m’avez posé la même question au sujet du projet de loi précédent.

J’irais même jusqu’à dire que nous sommes favorables aux mesures législatives. Nous ne remettrons pas en question les décisions du Parlement à cet égard. Comme je l’ai dit tout à l’heure, il confère une couverture stratégique, comme je l’ai déjà dit, et il fournit une orientation claire quant aux éléments qui devraient être pris en considération et abordés à l’avenir. Il m’est difficile d’affirmer qu’il est superflu. Tout ce que je peux dire, c’est que nous avons ces pouvoirs à l’heure actuelle et que nous abordons ces trois questions dans la version actuelle de nos codes.

La sénatrice Simons : Dans ce cas, la question est de savoir si les codes sont appliqués. Dans le témoignage précédent, par exemple, nous avons entendu parler de la question des paiements libératoires. Techniquement, il ne s’agit peut-être pas d’une pénalité, mais lorsque les clients quittent le système, ils doivent soudainement effectuer un paiement important pour partir, ce qu’ils n’avaient pas prévu. C’est bien beau de dire que les questions figurent dans le code, mais est-il appliqué?

M. Hutton : On applique les codes en collaboration avec le CPRST, l’ombudsman de l’industrie des télécommunications, qui est formé de représentants et d’un conseil des groupes de consommateurs, de l’industrie et d’autres parties indépendantes. Ce sont ces personnes qui appliquent les codes, et elles s’occupent de ces questions au titre des codes actuels. C’est notre mécanisme d’application, et, lorsque les fournisseurs de services de télécommunications ne respectent pas le code, il y a une intervention. Des rabais sont offerts, et des changements sont apportés aux contrats pour l’avenir.

La sénatrice Simons : Une fois adopté, le projet de loi facilitera-t-il l’application de ces règles?

M. Hutton : Comme je l’ai dit, la couverture et la précision de la politique seront probablement utiles. D’un autre côté, cela réduit la souplesse pour l’avenir. Nous abordons ici les questions qui nous occupent actuellement.

Ces dispositions seront-elles aussi valables dans l’avenir? Cela reste à voir, parce que ce que nous faisons constamment depuis des années, c’est mettre à jour nos codes, évaluer nos politiques et examiner des choses autres que les codes, comme l’instauration d’une plus grande concurrence et, précisément, l’introduction de formes de concurrence mobile qui n’existaient pas auparavant et qui semblent avoir beaucoup de succès pour ce qui est de l’évaluation. Ce projet de loi aidera les Canadiens, je pense, à changer de fournisseur, parce que c’est un aspect important que nous examinons actuellement. Il y a de meilleurs prix sur le marché en ce moment, mais les Canadiens n’en profitent pas.

Toutes ces mesures… celles sur lesquelles nous nous sommes penchés il y a quelques semaines, comme je l’ai expliqué, visent à mieux informer les Canadiens afin qu’ils puissent prendre ce risque, celui de changer de fournisseur, et se sentir libres de le faire, et profiter de ces meilleurs prix… tous ces éléments liés au changement de fournisseur seront utiles dans ce secteur.

La sénatrice Simons : J’ai d’autres questions, mais je vais prendre la parole à la deuxième série de questions, si vous le voulez bien.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Je vais vous demander d’être un peu plus concret. Je vais prendre ce que dit la loi et vous demander si vous êtes intervenu ou non dans ce secteur. Le premier aspect de la loi dit ce qui suit :

Le fournisseur de services de télécommunication met à la disposition de ses abonnés un mécanisme libre-service [...] qui leur permet [...] d’annuler ce contrat ou de modifier le forfait de services de télécommunication [...]

Est-ce que vous avez mis en œuvre une telle politique? Cela semble relativement simple. Sinon, pourquoi ne l’avez-vous pas fait? Dans sa dernière directive, le gouvernement vous a demandé d’aller plus rapidement pour protéger les consommateurs. Spécifiquement là-dessus, qu’avez-vous fait? Pourquoi n’avez-vous rien fait? En fait, j’imagine que c’est le cas, puisqu’il y a une loi là-dessus.

M. Hutton : Nous traitons ce sujet, justement. Cet article traite de la facilité de transférer son service, que ce soit le service de téléphone à la maison, Internet ou sans-fil à un nouveau joueur.

La sénatrice Miville-Dechêne : Ce n’est pas ma question. C’est libre-service.

M. Hutton : Essentiellement, la façon dont nous traitons ce dossier, c’est au moyen des codes qui sont mis en place depuis plusieurs années; on peut prendre contact avec un nouveau fournisseur et lui s’occupe, sans autre intervention de votre part, de terminer votre service avec votre ancien fournisseur, et de transférer le numéro de téléphone, si c’est un service de téléphonie, vers la nouvelle plateforme et le nouveau service. Cela se fait de cette façon depuis plusieurs années. Nous avons privilégié la facilité. On peut prendre contact avec le nouveau joueur. J’admets qu’ici, il y a une nouveauté. Si vous souhaitez changer votre service existant du côté sans-fil ou y mettre fin et si vous prenez contact avec votre joueur existant, c’est à ce moment-là que quelque chose de ce genre pourrait vous aider. Si vous voulez changer, vous avez seulement besoin de contacter votre nouveau fournisseur. Si vous voulez arrêter, exemple...

La sénatrice Miville-Dechêne : Pourquoi n’avez-vous pas appliqué cette politique particulière de libre-service pour que les clients puissent rejoindre les grands? C’est ma question. Elle est directe. Dans les années précédentes, pourquoi n’avez-vous pas cru bon d’adopter cela? On nous dit que vous avez tous les pouvoirs nécessaires pour le faire.

M. Hutton : Jusqu’à maintenant, comme je l’ai indiqué la semaine dernière et comme je le répète ici, on fait de la recherche auprès des consommateurs pour déterminer ce qui serait important pour eux. Ce n’est pas encore ressorti dans notre recherche. Notre recherche, ce sont des questions d’information. C’est comme la mesure que vous avez adoptée au Sénat; on veut donner des informations plus spécifiques pour faciliter le changement et s’assurer qu’il y a de nouveaux prix sur le marché. Qu’est-ce que cela me donne de changer de fournisseur s’il n’y a pas de nouveaux prix? C’est l’autre élément qui était très important pour les consommateurs, tout comme l’information et certaines communautés qui sont plus particulièrement désavantagées dans le monde technologique, que ce soit les nouveaux arrivants, les Canadiens vivant avec des handicaps ou les Canadiens d’un certain âge; on avance de ce côté pour essayer de faciliter leur vie.

La sénatrice Miville-Dechêne : J’ai une deuxième question spécifique. On parle du budget et de la loi qui vous concerne, pas de l’ensemble. La troisième partie de la loi dit ceci :

Il est interdit au fournisseur de services de télécommunication d’imposer à ses abonnés des frais relatifs à la modification ou à la mise en service de leur forfait de services de télécommunication ou tout autre frais qui [...] vise principalement à décourager les abonnés de modifier leur forfait ou d’annuler leur contrat de services de télécommunication.

Dans le précédent projet de loi C-11, on nous a dit essentiellement que la façon de faire des grands d’Internet était de vendre un téléphone sur trois ans, et au bout de deux ans, quand le forfait est terminé, les pauvres clients qui n’ont pas tout à fait compris se font demander 600 $. C’est ce qu’on appelle des frais cachés. Pourquoi avez-vous laissé cette pratique se poursuivre?

M. Hutton : Avec les codes, on a mis en place une pratique pour s’assurer que les contrats ne durent pas plus de 24 mois pour faciliter...

La sénatrice Miville-Dechêne : Vous n’arrêtez pas de parler des codes, mais ce n’est pas de cela que je vous parle. Je vous demande pourquoi vous n’avez rien fait pour vous...

M. Hutton : Je vous ramène aux codes, parce que ce sont tous des éléments qui figurent dans les codes et que c’est notre façon de les mettre en place.

La sénatrice Miville-Dechêne : Qu’est-ce qu’il y a dans le code qui permet d’imposer une amende aux grands des télécommunications s’ils demandent 600 $ à leurs clients pour quitter leur compagnie? Qu’est-ce qu’il y a dans le code qui permet de faire cela?

M. Hutton : Essentiellement, la Commission des plaintes relatives aux services de télécom-télévision (CPRST), soit l’ombudsman des communications dont j’ai parlé plus tôt, est beaucoup plus ferrée que nous en raison des arrangements qui ont été mis en place et de la création de cette institution qui dépend aussi de directives politiques du gouvernement. La CPRST peut s’assurer qu’il y a non seulement des remboursements, mais des montants forfaitaires ajoutés en remboursement aux clients quand il y a un bris de code.

La sénatrice Miville-Dechêne : Y a-t-il bris dans ce cas?

M. Hutton : Je vais demander à M. Kachi comment cela s’est développé pour cet élément. Je sais qu’il travaille beaucoup avec la CPRST. Peut-il m’aider là-dessus?

[Traduction]

Nanao Kachi, directeur, Politique sociale et des consommateurs, Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes : À cet égard, nous avons discuté de la question avec le personnel du CPRST. Je ne peux pas dire s’ils ont trouvé une violation. Je ne peux pas vous dire de mémoire s’ils ont pu trouver une violation en raison de la façon dont ces plans sont conçus.

Le CRTC réglemente les plans de service, et s’il y a un téléphone qui y est associé, nous réglementons également cet élément.

La sénatrice Miville-Dechêne : Êtes-vous en mesure, au CRTC, de demander des changements?

M. Kachi : Oui.

La sénatrice Miville-Dechêne : Pourquoi n’avez-vous pas demandé des changements quant à cet obstacle en particulier?

M. Kachi : Nous avons eu des conversations. Nous avons commencé par le financement des appareils lorsqu’il a été instauré en 2021, et le Conseil a rendu une décision.

La sénatrice Miville-Dechêne : Je vous parle du téléphone, du prix du téléphone.

M. Kachi : Je dis simplement que nous avons en quelque sorte mis cela en place. Le Conseil a ensuite demandé au CPRST d’administrer cette partie du cadre de réglementation du financement des appareils. En ce qui concerne les téléphones, si le téléphone n’est pas associé à un plan de service, le Conseil a moins de pouvoir sur le prix de cet appareil. Nous avons donc toujours besoin de clarté dans les contrats, et les clients sont informés dès le départ des conséquences, mais le contexte dans lequel nous avons la capacité d’influencer différents types de contrats est vraiment lié au fait qu’il y a un plan de service en place.

La sénatrice Miville-Dechêne : Donc, avec cette loi, aurez‑vous plus de pouvoir pour mettre fin à cette pratique qui ressemble beaucoup à un piège, la pratique de demander 600 $ pour le téléphone lorsque vous quittez l’entreprise?

M. Kachi : D’après ce que je comprends, nous pourrions examiner la façon dont la loi est rédigée. Comme je l’ai dit, nous en discutons avec le CPRST pour savoir comment il interprète le code sur les services sans fil et la décision sur le financement des appareils qui a été rendue.

La sénatrice Miville-Dechêne : Vous n’avez donc toujours pas de solution.

M. Kachi : Nous n’avons toujours pas de solution. La question est encore à l’étude.

M. Hutton : L’une des dispositions que nous avons, c’est la possibilité de déverrouiller le téléphone et de l’apporter ailleurs, et c’est possible dans n’importe quel scénario.

La sénatrice Miville-Dechêne : Est-ce en vigueur actuellement?

M. Hutton : Oui. À l’heure actuelle, chaque nouveau téléphone est déverrouillé pour que vous puissiez aller ailleurs.

La sénatrice Miville-Dechêne : Les téléphones qui n’ont pas encore été payés, le téléphone sur lequel vous devez de l’argent si vous voulez changer…

M. Hutton : C’est un achat qui est fait séparément du plan. C’est essentiel pour le plan, mais c’est un achat qui est fait séparément du plan, donc vous devez…

La sénatrice Miville-Dechêne : Ce qu’ils essaient de faire est assez évident. Un plan de trois ans, un plan de deux ans, il me semble que c’est… en tout cas. Je vais m’arrêter ici.

Le sénateur Quinn : Merci, monsieur Kachi et monsieur Hutton, de comparaître de nouveau.

Je vais poursuivre avec les mêmes questions que celles que mes collègues ont posées. Le groupe de témoins précédent nous a dit que vous avez maintenant les outils nécessaires pour faire ce dont il est question dans le projet de loi, et vous êtes d’accord avec cela. Vous avez votre cadre.

M. Hutton : Oui.

Le sénateur Quinn : Si vous avez le cadre, mis à part le fait qu’il offre une couverture politique supplémentaire, ce que je ne crois pas parce que vous avez les outils — vous avez dit que vous les aviez —, pourquoi ne faites-vous pas ce que vous êtes censé faire? Un précurseur à votre réponse, c’est que nous avons également entendu dans le cadre d’autres projets de loi qui ont été présentés au cours de la dernière année, des projets de loi volumineux, qu’il y a un mouvement de personnel auquel il faut prêter attention. Je suis un vieux législateur, pour ainsi dire, du gouvernement, et nous avons adopté des lois dans différents ministères où nous n’avions pas les ressources nécessaires pour appliquer les règlements. Est-ce la situation dans laquelle vous vous trouvez aujourd’hui? N’avez-vous tout simplement pas les ressources pour faire le travail pour lequel vous disposez des outils ou du cadre?

M. Hutton : Je dirai que nous avons abordé chacun de ces éléments… à la première partie de votre question, puis je vais parler des ressources, si vous le voulez bien. Nous avons abordé chacun de ces éléments de diverses façons au cours des années, comme nous l’avons déjà dit à ce sujet. Cela nous donnerait donc une orientation stratégique. Cela nous permet d’être plus précis à cet égard, mais c’est pour vous, les parlementaires. Nous sommes des preneurs de décisions législatives, alors si vous décidez que cette loi est nécessaire pour aller de l’avant, allons-y.

Pour ce qui est des ressources, le Conseil a certainement beaucoup de pain sur la planche en ce moment. Le ministère de l’Industrie nous a fourni de nouvelles Instructions en matière de politique de télécommunications, et nous avons reçu du financement pour la mettre en œuvre au cours des dernières années. Nous sommes en train de le faire. Elle a beaucoup contribué à faire en sorte que les prix continuent d’évoluer sur le marché et à accroître la concurrence. Nous sommes très impliqués et nous travaillons sur ce front avec notre régime d’ERMV, qui exige que les concurrents puissent utiliser les réseaux des entreprises établies afin qu’ils soient en mesure de rivaliser dans tout le pays, de créer cette quatrième entreprise nationale — quatrième, cinquièmement, sixièmement potentiellement —, mais nous avons un certain nombre d’acteurs sur ce front, et les prix du marché ont considérablement baissé. Les Canadiens n’en profitent pas pleinement parce qu’ils ne changent pas encore de fournisseur, pour diverses raisons, et c’est ce que nous devons faire, et c’est de cette façon que ce projet de loi, tout comme ceux dont nous avons parlé il y a quelques semaines, serait utile. Le problème concerne le changement de fournisseur. Nous avons reçu les ressources nécessaires, alors nous y travaillons.

Nous travaillons également à offrir de meilleurs prix pour l’Internet à domicile. Nous avons une procédure ouverte et nous travaillons assez rapidement en vue de pouvoir mettre en œuvre un nouveau régime permettant aux petits concurrents d’utiliser les lignes Internet à domicile des principales entreprises déjà en place afin qu’ils puissent rivaliser et offrir de meilleurs prix.

Nous avons travaillé avec diligence en coulisse sur une foule d’autres fronts. Nous nous apprêtons à entamer des procédures relatives à l’information, aux interruptions de service et à toute une série d’autres questions qui nous occuperont à l’avenir, notamment la mise en œuvre de la Loi canadienne sur l’accessibilité. Nous avons beaucoup de pain sur la planche. Nous avons des ressources pour le faire du côté des télécommunications. Elles ne sont pas transférées au secteur de la radiodiffusion, si c’est ce que les gens…

Le sénateur Quinn : Je vais passer à la question suivante, si vous me le permettez. Je vous ai entendu dire que vous étiez des preneurs de décisions politiques. Bien sûr vous l’êtes.

M. Hutton : Des preneurs de décisions législatives. Nous élaborons des politiques réglementaires.

Le sénateur Quinn : Vous êtes des preneurs de décisions législatives, tout comme d’autres secteurs du gouvernement, mais vous avez dit que vous aviez les outils nécessaires. J’en conclus que cela vous permet de mieux vous concentrer, si vous voulez, pour faire quelque chose que vous êtes en mesure de faire maintenant. Vous avez dit que vous aviez les outils pour le faire maintenant.

Je reviens aux questions de tout à l’heure. Nous traitons du budget et de la loi d’exécution du budget. Cela n’a rien à voir avec le budget. Vous m’avez confirmé, tout comme les témoins précédents, qu’il est superflu que cela figure dans un projet de loi d’exécution du budget. Le gouvernement a décidé que c’était ce qu’il fallait faire. Vous avez entendu les questions précédentes. Le Sénat est censé être la Chambre de second examen objectif. À votre avis, est-ce l’endroit où nous devrions dire aux gens qu’il faut les laisser faire leur travail, leur demander des comptes, s’assurer qu’ils font leur travail avec les outils qu’on leur a donnés et retirer la question de la loi d’exécution du budget parce qu’ils n’en ont pas besoin? Êtes-vous d’accord?

M. Hutton : En tant que tribunal quasi judiciaire indépendant du gouvernement, il m’est difficile de commenter le projet de loi. Tout ce que je peux vous dire, c’est que nous avons le pouvoir nécessaire. Nous avons abordé bon nombre de ces éléments. Il apporte plus de précision, et nous agirons en conséquence.

Le sénateur Quinn : Oui, cela vous place dans une situation difficile, et je suis désolé de l’avoir fait, mais je vais vous poser une question à répondre par oui ou par non. Si cette question était supprimée de la loi d’exécution du budget, pourriez-vous confirmer encore une fois que vous auriez toujours les outils nécessaires pour faire ce que cette loi vous demande de faire?

M. Hutton : Oui.

Le sénateur Quinn : Merci.

Le président : Messieurs, pouvez-vous nous expliquer pourquoi, sous la gouverne du CRTC, nous avons permis ou vous avez permis, à mon avis, aux grandes sociétés de télécommunications du pays de devenir un oligopole tellement puissant que les Canadiens paient des factures de téléphone cellulaire et de connectivité parmi les plus élevées au monde et avez encouragé cela? Puisque le CRTC a tous les outils à sa disposition pour réglementer et empêcher la collusion et le manque de concurrence et pour veiller à ce que le système soit efficace et efficient, pourquoi avez-vous échoué et pourquoi cette situation s’est-elle produite sous votre gouverne?

M. Hutton : Je confirme que notre pays paie des taux parmi les plus élevés au monde, comme vous l’avez dit, monsieur le président. Nous figurons également parmi les pays du monde qui investissent le plus. Nous sommes à l’avant-garde du déploiement et de la couverture de la technologie, même s’il y a beaucoup de travail à faire. Il y a beaucoup de choses différentes que nous devons équilibrer en tant qu’organisme de réglementation à l’avenir. Mais en ce qui concerne les prix, le Conseil s’est manifestement penché sur la question au cours des dernières années. Les Canadiens nous ont dit clairement qu’ils veulent de meilleurs prix, et nous convenons également qu’ils le méritent. Nous avons certainement travaillé sur ce front en vue d’offrir ces meilleurs prix.

Comme il est ressorti de certaines des réponses données au sénateur Quinn plus tôt, nous nous sommes beaucoup concentrés sur le sans-fil parce que nous faisons figure d’exceptions à cet égard. Le régime d’ERMV que nous avons mis en place il y a quelques années et que nous continuons de mettre en œuvre en prenant de multiples décisions tous les deux ou trois mois afin de nous assurer que les concurrents sont actifs sur le marché et qu’ils sont en mesure de déployer des services partout au pays et de concurrencer efficacement en offrant de meilleurs prix partout au pays a eu un effet au cours de l’année écoulée, voire des deux dernières années.

Il y a eu des baisses de prix importantes. Nous devons encore faire notre travail et déployer des efforts, mais ce n’est plus ici que c’est le plus cher. Alors que tout le reste devient plus cher, les prix des services de télécommunications ont baissé, en partie grâce à ce que nous faisons, en partie grâce à la politique gouvernementale concernant le spectre et en partie grâce à l’introduction d’un quatrième ou d’un cinquième acteur. Cela a un effet sur le marché à l’heure actuelle, mais les Canadiens ne le ressentent pas parce qu’ils n’ont pas pu changer de fournisseur ou parce qu’il y a des obstacles à ce changement, et c’est là que nous considérons que nous sommes en phase avec les objectifs du projet de loi pour pouvoir nous attaquer à ces facteurs. Les prix aux États-Unis ont augmenté au cours de la période où les nôtres ont chuté; nous faisons donc mieux que notre voisin immédiat, mais nous avons encore du travail à faire par rapport aux autres pays du G7, comme vous le savez très bien.

Le président : Monsieur Hutton, les prix ont légèrement baissé, et nous avons une très grande marge de manœuvre. Le problème est très simple. Les Canadiens se font escroquer. Les géants — nous savons tous qui ils sont — s’enrichissent de plus en plus. Il suffit de regarder leurs actions, le prix de leurs actions et les primes qu’ils versent chaque année à leurs dirigeants. Nous avons de plus petites entreprises qui essaient d’entrer sur le marché et qui sont constamment rachetées ou évincées parce qu’elles n’ont pas la capacité de faire face à la concurrence. C’est la réalité.

Encore une fois, la question est très simple : pourquoi le CRTC, après plus de dix ans de lutte contre ce problème, n’a-t-il pas fait bouger les choses? Se pourrait-il que le CRTC ne soit pas équipé et qu’il ne soit pas le bon organisme pour s’assurer que les Canadiens aient un marché équitable et une économie de libre entreprise où la concurrence est encouragée et où le consommateur passe en premier? Je sais que c’est une question difficile, mais elle est justifiée compte tenu des faits dont nous disposons. Il n’y a rien de mal à ce que, au bout du compte, le CRTC ne soit pas l’organisme le mieux placé pour obtenir des résultats sur cette question particulière.

M. Hutton : J’ose dire que le CRTC est le bon organisme à cet égard. Je ne suis pas d’accord sur certains éléments de notre marché. Nous avons commencé il y a trois ans à intervenir de façon importante pour obtenir de meilleurs prix sur le marché des téléphones cellulaires, et nous avons connu une baisse de 50 % des prix. Nous devons poursuivre notre travail sur ce front, mais alors que tous les autres fournisseurs de services en Amérique du Nord augmentent leurs prix, les prix baissent ici.

En ce qui concerne les services Internet à domicile, c’est le marché où les petites entreprises partent, sont vendues, etc., comme vous l’avez mentionné, et cela a certainement commencé à se produire au cours des 24 derniers mois. Nous avons pris des mesures, appuyés par les Instructions du gouvernement, et nous avons relancé l’examen de ce régime. Au départ, nous avons commencé par réduire les tarifs initiaux des services de gros afin que ces entreprises puissent devenir des concurrents plus efficaces, être en mesure d’innover et de rivaliser immédiatement sur les prix. Nous avons également souligné le fait qu’elles devraient également avoir accès à de nouveaux services de fibre optique et pris une décision préliminaire en ce sens, ce qui n’était pas le cas dans le régime précédent. Nous sommes sur le point de prendre des décisions à cet égard afin de mettre la dernière main aux réductions de tarifs nécessaires et de mettre en place un nouveau régime qui, nous l’espérons, permettra d’offrir des services Internet à domicile à des prix encore meilleurs.

Pour ce qui est des entreprises, du prix de leurs actions et des régimes de solde et d’indemnité, c’est à elles de décider.

Le président : Je vais poser une autre question, qui s’écarte un peu du projet de loi à l’étude, mais qui est tout de même pertinente. Le gouvernement semble faire beaucoup plus confiance au CRTC qu’à moi ou à de nombreux intervenants, comme nous l’avons vu avec les projets de loi C-11 et C-18. Le gouvernement Trudeau a essentiellement décidé de faire du CRTC la police d’Internet. De plus, avec les projets de loi C-11 et C-18, il a placé sur les épaules du CRTC la responsabilité d’examiner le contenu canadien, ce qui est un sujet de discussion permanent dans l’industrie des arts et de la culture au pays. Le gouvernement avait l’impression que le CRTC serait en mesure de gérer tous ces éléments et de choisir des gagnants et des perdants parmi les médias, une question très complexe dont le CRTC doit s’occuper en raison des projets de loi C-11 et C-18. Nous apprenons maintenant qu’au lieu d’aller au fond de ces questions dans quelques mois, comme le gouvernement l’avait prévu, vous avez suspendu les audiences, et il semble qu’il y ait un peu d’incertitude quant au moment où le CRTC ira au fond de certaines de ces questions.

M. Hutton : Je peux aborder certains de ces éléments.

Le CRTC n’est pas la police de l’Internet, et il ne le sera jamais. Ce n’est pas ce que font le projet de loi C-11 ou le projet de loi C-18, la Loi sur les nouvelles en ligne ou les modifications à la Loi sur la radiodiffusion. Ce n’est pas ce que nous avons fait depuis des dizaines d’années dans le domaine de la radiodiffusion. Nous n’allons pas commencer à le faire dans ce cas-ci.

Oui, on nous a fait confiance pour la mise en œuvre de ces deux principaux projets de loi. En ce qui concerne le projet de loi C-18, la politique est établie par le gouvernement. C’est quelque chose de différent de nos interventions dans les domaines de la télévision et de la radiodiffusion, où nous sommes uniquement chargés de la mise en œuvre du régime de négociation. Il s’agit d’une disposition étroite dont nous nous occupons et qui est loin de désigner des gagnants et des perdants. Ce ne sera pas notre rôle dans ce milieu, et ce n’est pas ce que prévoit le projet de loi C-11.

Pendant des décennies, nous avons mis en place des régimes efficaces permettant de créer du contenu canadien, de créer des nouvelles et d’être en mesure de raconter des histoires canadiennes au Canada et dans le monde entier. Ces régimes sont certainement menacés. C’est la raison pour laquelle le gouvernement a apporté des modifications, afin de permettre aux nouveaux diffuseurs en ligne de contribuer à nos régimes à l’avenir.

Pour ce qui est de la rapidité, j’ose dire que dès que le projet de loi a reçu la sanction royale, dans les deux semaines qui ont suivi, nous avons entamé de nombreuses procédures en vue d’établir les éléments fondamentaux de cette décision. Nous avons déjà rendu quatre décisions importantes dans ce domaine et sur ce front; non seulement nous avons commencé, mais nous avons terminé. Nous avons également tenu une audience importante concernant la détermination des contributions initiales à l’industrie afin d’obtenir des fonds pour l’avenir. C’est ce qui préoccupe la plupart des acteurs.

Pendant que nous faisons cela, certains disent que nous allons trop lentement et d’autres disent que nous allons trop vite. Nous allons à un rythme accéléré parce qu’il est important de veiller à ce que notre industrie culturelle et nos radiodiffuseurs demeurent actifs et que nos histoires et nos nouvelles soient transmises. Au cours des prochaines semaines, nous publierons une décision importante concernant les contributions initiales à venir.

Je me permets de dire qu’il y a probablement une certaine confusion parce que nous avons mis en place une feuille de route qui, nous l’espérons, pourra guider l’industrie quant à ce qui s’en vient. Nous sommes en train de refaire l’équivalent d’une génération de travail de cadre réglementaire réussi en l’espace d’environ deux ans. C’est un défi de taille que nous nous efforçons de relever dans le cadre de notre mandat et dans la mesure de nos capacités.

La sénatrice Simons : J’aimerais revenir au texte du projet de loi à l’étude pour illustrer ce dont il est question ici. Le paragraphe 27.01(1) proposé est une obligation juridique selon laquelle les fournisseurs de services doivent avoir un mécanisme de libre-service. Il me semble que c’est une chose étrange à inclure dans un budget, mais vous avez parlé du fait que vous avez un code et que le code est applicable dans le cas d’une plainte à un ombudsman. Avez-vous quelque chose dans votre code qui exige que les fournisseurs aient une fenêtre libre-service sur leur site Web?

M. Hutton : Sur le marché, il y a un certain nombre de fenêtres libre-service, principalement chez les nouveaux acteurs.

La sénatrice Simons : Ce n’est pas la question.

M. Hutton : J’ai déjà expliqué cela. Nous avons réglé la question du changement de fournisseur en exigeant que l’ancien fournisseur traite avec le nouveau fournisseur. Vous contactez votre nouveau fournisseur, et c’est encore mieux avec le libre‑service. Vous n’avez même pas besoin de lui parler. Mais nous n’avons pas d’approche de libre-service obligatoire. Nous allons certainement nous pencher sur la façon dont cela peut être réalisé en vertu de ce projet de loi et même étudier la question autrement.

La sénatrice Simons : Je soulève cet exemple non pas parce que je suis obsédée par la nature d’une fenêtre libre-service sur un site Web, mais parce qu’il me semble qu’en rédigeant ce projet de loi, le gouvernement envoie un message très clair au CRTC, à savoir qu’il est mécontent du rythme auquel vous agissez pour protéger les consommateurs et qu’il est mécontent de la façon dont la consigne est appliquée. Avec tout le respect que je dois au sénateur Quinn, nous n’allons pas modifier le budget. Il s’agit d’une motion de confiance. Il ne s’agit pas de faire tomber un gouvernement parce qu’on pense que c’est une loi superflue. Le fait même que le gouvernement estime nécessaire d’inclure ce genre de microgestion dans un document budgétaire me semble indiquer une rupture de confiance et de communication entre le gouvernement et l’organisme de réglementation indépendant. Je ne comprends pas pourquoi, après avoir reçu ces Instructions en février 2023, des choses comme celles-ci ne se sont pas déjà produites.

M. Hutton : Les Instructions mentionnaient un certain nombre d’éléments différents.

En ce qui concerne la question de la confiance, il faudrait en parler au gouvernement ou au personnel du ministre. Je suppose que vous leur avez posé la question la semaine dernière.

La sénatrice Simons : Oui.

M. Hutton : Vous l’avez fait. Je suppose que vous avez obtenu une réponse à ce sujet.

Comme nous, ils considèrent le changement comme un principal élément du marché à l’heure actuelle, parce que les prix semblent évoluer dans la bonne direction. Dans les Instructions, l’accent a été largement mis sur les prix et sur ces régimes. C’était le principal élément de ces Instructions. Nous avons fait énormément de travail à cet égard.

Les Instructions mentionnaient également un certain nombre d’éléments, comme la mesure dans laquelle les Canadiens obtiennent ce pour quoi ils paient et le fait de s’assurer qu’ils l’obtiennent. Nous avons donc mis en place des mesures à cet égard. Il y est également question de continuer à déployer les services à large bande. Nous avons travaillé sur ce front. Non seulement nous avons approuvé des investissements importants à l’échelle du pays pour les services à large bande, mais nous avons également lancé un examen de ces investissements afin de les rendre encore plus précis et d’être en mesure de répondre aux besoins des régions restantes… certainement les collectivités rurales, nordiques et autochtones. Il y a une longue liste de choses sur lesquelles nous travaillons dans le cadre de ce processus politique.

Maintenant, ce que nous constatons grâce à nos recherches de la dernière année — je suppose que le gouvernement fait la même chose —, c’est que le changement de fournisseur pose un problème. Nous avons cherché à y remédier en informant mieux les gens, car ces éléments sont déjà couverts par nos codes et nos méthodes en place à l’heure actuelle. Je souligne qu’un mécanisme de libre-service est quelque chose de nouveau, et d’assez intrigant, dont on n’avait pas entendu parler comme suggestion avant l’entrée en vigueur de ce projet de loi. Nous allons nous pencher là-dessus, mais ce n’est pas une question que les consommateurs ont soulevée dans le cadre de nos recherches. Nous nous penchons sur des éléments comme l’amélioration de l’information, la nécessité d’avoir de meilleurs prix et la nécessité de bien comprendre quels sont les forfaits offerts, parce que la confusion qui règne empêche aussi les gens de changer de fournisseur. C’est ce sur quoi nous nous sommes concentrés.

La sénatrice Simons : J’aimerais revenir là-dessus. Vous dites que vous allez examiner tout ça. Si le gouvernement rédige un projet de loi qui est adopté par la Chambre des communes et le Sénat et qui reçoit ensuite la sanction royale, vous semblez dire que le CRTC en prendra note et se penchera sur la question. Je présume que, si une loi du gouvernement vous oblige à faire quelque chose, vous devez le faire, n’est-ce pas?

M. Hutton : Bien sûr que oui. Il y a beaucoup de choses prévues dans la loi que nous devons interpréter. Je suis également un employé et je ne peux pas parler au nom de… Je vais formuler ces recommandations. Ce sont les gens qui siègent au Conseil qui doivent prendre les décisions. Je ne pourrai jamais dire les choses aussi catégoriquement que vous le souhaitez; j’espère que vous pouvez le comprendre, mais oui.

La sénatrice Simons : Merci beaucoup.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Je vais poursuivre dans la même veine que le président du comité sur le projet de loi C-11 en particulier. Personnellement, je trouve que le projet de loi C-11 contient d’importants éléments pour la préservation de la culture francophone notamment, mais aussi d’autres cultures minoritaires au Canada. Je me suis beaucoup inquiétée lorsque j’ai lu que vous aviez pris un an de retard sur la mise en œuvre du projet de loi C-11; ai-je mal lu? Vous allez nous le dire.

Voici ce que j’aimerais savoir : quand pouvons-nous nous attendre à avoir de la réglementation sur ce que vous avez appelé la découvrabilité des contenus sur les plateformes musicales? En effet, au Québec en ce moment, la situation ne s’améliore pas. L’inquiétude que j’ai exprimée à plusieurs reprises, c’est que la culture et la musique francophones sont au cœur de la préservation de la langue française. Alors, je ne comprends pas les retards du CRTC. Vous avez embauché des gens spécifiquement pour le projet de loi C-11 et on nous dit : « Nous ne pourrons pas respecter les échéanciers. » Nous avions parlé d’échéanciers beaucoup plus serrés lorsque le projet de loi a été adopté.

M. Hutton : Nous sommes en plein chantier; nous n’avons pas de retard. Nous avons complété plusieurs processus et nous avons pris plusieurs décisions. Nous sommes tout près de compléter un autre processus qui verra le début des contributions non seulement envers la production comme telle, mais il y aura des fonds alloués qui vont potentiellement favoriser la découvrabilité dans le marché audio et audiovisuel.

Nous avons aussi un chantier très important, la clé de tout ce qui est essentiellement en place pour évaluer la nouvelle définition du contenu canadien.

Le gouvernement nous a demandé, comme tribunal administratif, de faire des consultations exhaustives, et c’est là que nous en sommes; c’est ce que nous faisons. Nous avons complété la première étape de ces consultations et nous allons organiser des audiences pour conclure cette partie de notre travail.

La sénatrice Miville-Dechêne : Je comprends ce que vous avez dit. Je vais vous arrêter, car si je vous pose la question, c’est que le 14 mai 2024, le Globe and Mail avait ce titre : « CRTC delays implementing online streaming act until the end of 2025. » Donc, c’est faux?

M. Hutton : Notre plan de travail, qui implique de refaire une génération de travail, se fera assurément pendant une période assez courte dans l’ensemble.

La sénatrice Miville-Dechêne : Ce n’est pas ce que je vous demande. Est-ce que vous avez prolongé le délai?

M. Hutton : Nous continuons notre travail, mais le délai auquel nous faisons référence est un délai à l’intérieur du décret de politique qui a été confié au conseil, qui a élucidé certaines priorités à mettre en œuvre à l’intérieur d’une certaine période.

Toutes ces priorités seront complétées bientôt, tout comme certains éléments prioritaires. Nous continuons avec acharnement nos audiences et nos consultations. On ne peut pas faire tout cela en criant lapin; il y a beaucoup de personnes qui disent que nous allons trop vite, mais nous continuons nos efforts et travaillons avec acharnement pour livrer ce qui nous est demandé à une période très particulière.

La sénatrice Miville-Dechêne : Donc, de façon plus précise, la découvrabilité, c’est pour quand? C’est pour cette année, en 2024? En 2025? J’aimerais avoir une idée.

M. Hutton : Il y aura des éléments de découvrabilité en 2024 et 2025.

La sénatrice Miville-Dechêne : Qui seront implantés?

M. Hutton : Oui.

La sénatrice Miville-Dechêne : Je n’ai plus de question.

[Traduction]

Le président : J’aimerais revenir, monsieur Hutton, à une réponse que vous m’avez fournie plus tôt au sujet du projet de loi C-11. Vous avez mentionné que l’un des objectifs du projet de loi était de protéger le contenu canadien, qui est menacé. Si vous examinez les statistiques et les faits, les producteurs de contenu canadien n’ont jamais été aussi occupés, il n’y a jamais eu autant d’argent et le contenu canadien n’a jamais connu autant de succès, tant sur le plan de la portée que sur celui de la croissance qu’au cours de la dernière décennie. C’est sans précédent, et c’est en grande partie grâce à d’excellents investissements de la part de diffuseurs comme Netflix et d’autres qui, en termes de dollars, ont investi beaucoup plus dans le contenu canadien que ne l’avait exigé le gouvernement canadien et le CRTC. Le principal objectif du projet de loi C-11 n’est-il pas de déterminer comment nous pouvons obtenir plus d’argent des diffuseurs en continu pour l’investir dans la structure de contenu canadien qui est en place depuis les années 1970 et 1980 et qui éprouve des difficultés parce que les Canadiennes et les Canadiens ne regardent tout simplement plus ce type de contenu?

M. Hutton : Je vais revenir à ce qui a déclenché une bonne partie de ce débat, c’est-à-dire un rapport sur ce sujet qui a été produit il y a environ six ans par le Conseil et qui était intitulé Emboîter le pas au changement. Je pense que son anniversaire s’en vient dans quelques jours. À l’époque, le Conseil avait conclu que les diffuseurs en continu sur le marché avaient une incidence sur ces vieux joueurs, comme vous le dites, et qu’ils réduisaient leur capacité et celle du système en place d’atteindre les objectifs de la Loi sur la radiodiffusion. On en est venu à la conclusion qu’il fallait demander à ces parties prenantes de participer de façon juste, souple et équitable à l’environnement, et pas seulement à ces intervenants, mais à tous ceux sur le marché et qui peuvent profiter de leur présence au Canada.

Sommes-nous ici pour sauver un modèle d’affaires? Non. Cependant, nous sommes ici pour le journalisme et pour les nouvelles. Nous sommes ici pour raconter les histoires canadiennes, pour faire connaître notre point de vue au monde, pour faire des analyses critiques et pour appuyer la démocratie au moyen de débats et d’idées sur ce sujet. C’est la raison d’être du CRTC. Il ne s’agit pas de soutenir un joueur ou un autre à cet égard.

Vous parlez — vous connaissez certainement très bien le jargon et la terminologie — de la production industrielle. Nous avons un excellent régime au Canada qui ne fait pas partie du régime du contenu canadien, mais qui a fait ses preuves, au fil des ans, grâce à divers incitatifs fiscaux et grâce au fait que nous avons des techniciens très compétents, de grands écrivains et de grands acteurs ici au Canada, ce qui permet d’attirer beaucoup de gens d’Hollywood et de diffuseurs en continu dans notre pays et de favoriser la production de contenu au pays. Comme vous le savez, le débat porte sur les profits ou la propriété intellectuelle. Cette histoire n’est certainement pas considérée comme du contenu canadien sous le régime actuel. Nous nous demandons si ces contributions devraient être reconnues dans une certaine mesure ou comment certaines d’entre elles devraient être partagées avec les producteurs canadiens afin que nous puissions bâtir cette industrie de production au pays et que les gens puissent investir dans la musique et la programmation, bâtir des entreprises et raconter ces histoires canadiennes. Il s’agit de demander à ces intervenants de participer au régime de contenu canadien, pas de sauver quelqu’un en particulier.

Le président : À ce sujet, j’espère vraiment que le CRTC s’attaquera une fois pour toutes à ce que notre gouvernement n’a pas eu le courage de faire, à savoir la définition du contenu canadien. En vérité, vous pouvez avoir une histoire canadienne écrite par un auteur canadien et un film produit par un producteur canadien avec des acteurs canadiens en sol canadien, et nous ne considérons pas cela comme du contenu canadien. Je trouve une telle situation incroyable. C’est simplement parce que l’argent investi dans cette histoire canadienne et dans ces participants canadiens vient de l’étranger. Je pense que c’est quelque chose que nous devrions considérer comme entièrement canadien et qu’il faut vraiment encourager ce genre de choses. Nous devrions applaudir le fait qu’un investisseur veuille investir dans un tel contenu canadien, et non le punir.

Je dis toujours que Mario Lemieux n’est pas moins canadien parce qu’il jouait au hockey aux États-Unis, où les investisseurs qui lui ont permis de jouer au hockey professionnel utilisaient des dollars américains. Comme on le constate aujourd’hui, Mario Lemieux a gagné beaucoup d’argent en jouant au hockey aux États-Unis et il est maintenant un des propriétaires des Penguins de Pittsburgh. Pour moi, c’est une histoire et du contenu canadiens, et cela doit se refléter dans le monde d’aujourd’hui.

C’est plutôt une déclaration. Je vais laisser au CRTC le soin d’aller au fond des choses. Ce n’est pas une question.

Le sénateur Cardozo : Je m’excuse de ne pas avoir été ici plus tôt et d’avoir manqué une partie de la séance.

J’aimerais aller un peu plus loin. Pour ce qui est du contenu canadien dont le président a parlé, à mon avis — il faut peut-être changer la terminologie —, c’est une politique industrielle. Lorsque vous parlez des différents aspects de ce qui est canadien… si Bryan Adams enregistre une chanson aux États‑Unis écrite par un écrivain non canadien avec un groupe non canadien dans un studio non canadien, il n’aide pas beaucoup l’industrie canadienne. Je pense que nous parlons en fait de contenu produit au Canada par opposition à du contenu canadien. Mais c’est une bonne question pour un autre jour.

En ce qui concerne les points soulevés par le président, que pensez-vous de la façon dont les choses se passent avec Netflix en ce qui concerne les contributions? Pensez-vous que, à un moment donné, nous n’aurons plus besoin de réglementation sur le contenu canadien parce qu’il y aura suffisamment de développement du contenu canadien?

M. Hutton : J’oserais dire que c’est peut-être un objectif ambitieux, mais nous en sommes loin, si je peux m’exprimer ainsi. La raison d’être du régime que nous avons mis en place, qui vise à promouvoir la découverte et la production canadienne, à veiller à ce que nous puissions avoir des nouvelles et de l’information, à s’assurer que nous ayons du journalisme et des débats et à avoir des histoires canadiennes à raconter… De toute évidence, le régime a été créé parce que nous étions juste à côté des États-Unis et que beaucoup d’information et de programmation entraient au pays, comme vous le savez bien. Franchement, nous ne pouvions pas soutenir la libre concurrence. Le coût des histoires de qualité, de l’écriture et de l’aspect visuel… c’est un coût énorme. Ce contenu était créé pour le marché américain et ses quelque 350 millions de personnes.

Essentiellement, nous sommes passés à un monde où la programmation haut de gamme n’est plus conçue uniquement pour le marché américain. Elle est créée pour le marché mondial : le marché anglophone ou le marché occidental. On parle de milliards de personnes. Il y a beaucoup d’avantages à pouvoir raconter l’histoire du Canada sur une telle tribune, parce que si nous avons une telle grande histoire canadienne à raconter, peut-être qu’un milliard de personnes en entendront parler. C’est une occasion que nous voulons saisir grâce à ce régime, et c’est un peu ce à quoi le président faisait allusion dans sa déclaration à ce sujet.

Cette structure ne produit pas de nouvelles canadiennes ni de journalisme canadien. Par conséquent, nous devons assurément nous assurer que ce volet du régime permet de produire de l’information et des nouvelles sur quelque plateforme que ce soit — je ne pense pas que nous voulions préciser une plateforme en particulier —, et nous devons être souples dans notre approche afin de nous assurer que les histoires, les nouvelles et l’information canadiennes sont diffusées. À mesure que le monde et l’économie ont changé, il devient de plus en plus difficile, à mon avis, de raconter ces histoires.

Le sénateur Cardozo : En ce qui concerne les nouvelles et les affaires courantes, je remarque que CTV a récemment mis à pied un grand nombre de journalistes et qu’il y a eu des mises à pied à la SRC, même si aujourd’hui, on dit qu’il n’y en a pas eu tant que ça. Que faisons-nous en ce qui concerne les nouvelles et les actualités canadiennes à la SRC, à Radio-Canada et dans le secteur privé?

M. Hutton : Le CRTC examine tout ça. Nous ne cherchons pas à appuyer un participant plutôt qu’un autre. Nous examinons diverses approches. Cependant, au cours des dernières années, nous nous sommes rendu compte que les nouvelles étaient certainement menacées, alors nous avons mis en place un certain nombre d’éléments dans notre cadre, notamment des conditions de licence qui concernent la diffusion de nouvelles locales et même des renseignements précis sur les marchés locaux. Nous étions très précis. Nous avons mis en place des exigences en matière de dépenses pour la programmation canadienne, pour les nouvelles, pour un certain nombre d’acteurs différents, de sorte que lorsque les temps sont plus difficiles, comme c’est encore le cas, un minimum est fourni à cet égard.

Nous avons mis en place d’autres régimes qui tiennent compte de la nature intégrée de certaines sociétés et permettent le transfert d’une partie des fonds qui auraient permis de financer d’autres activités pour financer les nouvelles locales. Bell Canada et Rogers sont des sociétés qui peuvent transférer des millions de dollars pour continuer à soutenir le milieu des nouvelles locales ou même le milieu des nouvelles nationales.

En ce qui a trait aux intervenants indépendants, nous avons également mis en place un régime, et nous continuons d’y travailler. Il se peut que des décisions soient prises très bientôt à cet égard pour les appuyer par l’intermédiaire du Fonds pour les nouvelles locales indépendantes, qui fournit des fonds pour aider ceux qui ne sont pas affiliés aux principaux joueurs à produire des nouvelles locales. L’information n’est pas un environnement à but lucratif; le secteur des nouvelles est soutenu par le reste de la programmation. C’est pourquoi nous avons toujours été très attentifs aux parties prenantes en place, comme nous le sommes aujourd’hui. Nous devons maintenant envisager de changer la donne pour tenir compte des nouvelles réalités auxquelles nous sommes confrontées.

Le sénateur Cardozo : Au cours des 10 dernières années, la quantité des nouvelles diffusées par les radiodiffuseurs privés et publics a-t-elle diminué? CTV a mis à pied un certain nombre de personnes dans de petites villes, et la SRC a fait la même chose.

M. Hutton : Je n’ai pas le nombre d’heures devant moi. Le régime que nous avons mis en place visait à établir un nombre minimal d’heures correspondant à ce qui était offert sur le marché à ce moment-là. C’était il y a quelques années. C’est ce que nous mesurons, et c’est ce sur quoi nous pouvons demander des comptes aux radiodiffuseurs, comme vous le savez, compte tenu des conditions des licences dont ils disposent. Nous surveillons certainement la situation et nous nous pencherons de nouveau sur la question au moment du renouvellement. Nous ne réglementons pas le nombre d’employés ou de journalistes. Nos outils concernent ce qui est diffusé et ce qui est investi dans les nouvelles, et les investissements dans l’actualité continuent de refléter les conditions des licences.

Le président : Je remercie nos invités d’être ici aujourd’hui et de répondre à nos questions. Elles sont parfois pointues, mais je vous remercie quand même.

M. Hutton : Et mes réponses étaient aussi pointues, dans le respect de chacun.

Le président : Nous vous sommes très reconnaissants d’avoir fait face à la musique au nom du CRTC. Merci.

(La séance est levée.)

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