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Sous-comité des anciens combattants


LE SOUS-COMITÉ DES ANCIENS COMBATTANTS

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 27 avril 2022

Le Sous-comité des anciens combattants se réunit aujourd’hui, avec vidéoconférence, à 12 h 2 (HE) pour examiner, en vue d’en faire rapport, les questions relatives aux anciens combattants, y compris les prestations et les services dispensés, les activités commémoratives et la poursuite de la mise en œuvre de la Loi sur le bien-être des vétérans.

Le sénateur David Richards (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, bienvenue à cette réunion du Sous-comité des anciens combattants.

Je m’appelle David Richards, sénateur du Nouveau-Brunswick, et je suis président du sous-comité. Je vais maintenant vous présenter mes collègues : le sénateur Boisvenu du Québec, vice-président; la sénatrice Anderson des Territoires du Nord-Ouest, qui se joindra à nous un peu plus tard; la sénatrice Boniface de l’Ontario; et le sénateur Youssouf de l’Ontario.

Les participants en mode virtuel sont priés de garder leur microphone en sourdine en tout temps, sauf lorsque la présidence leur donne la parole. Ils doivent eux-mêmes ouvrir et fermer leur micro pendant la séance. Avant de parler, veuillez attendre que l’on vous nomme. En cas de problème technique, notamment en lien avec l’interprétation, veuillez aviser immédiatement le président ou la greffière, et nous ferons le nécessaire pour rectifier la situation. Je veux enfin rappeler à tous les participants que les écrans Zoom ne peuvent pas être copiés, enregistrés ou photographiés. Vous pouvez plutôt utiliser à cette fin la diffusion de nos délibérations sur le site Web SenVu.

Nous entreprenons aujourd’hui notre étude des questions relatives aux anciens combattants, y compris les prestations et les services dispensés, les activités commémoratives et la poursuite de la mise en œuvre de la Loi sur le bien-être des vétérans. Cette première séance sera consacrée à l’examen des nouveaux traitements pour les vétérans des Forces armées canadiennes et de la Gendarmerie royale du Canada qui souffrent de traumatismes liés au stress opérationnel.

Nous accueillons à cette fin la Dre Alexandra Heber, psychiatre en chef, Anciens Combattants Canada, qui est accompagnée de sa collègue, Mme Crystal Garrett-Baird, directrice générale, Direction générale de la recherche et des politiques. Nous recevons également Mme Barbara O. Rothbaum, directrice générale, Emory Healthcare Veterans Program, et vice-présidente associée de la recherche clinique, Département de psychiatrie, Emory School of Medicine.

Merci d’être des nôtres aujourd’hui par vidéoconférence. Nous allons d’abord vous inviter à nous présenter vos observations préliminaires, après quoi les membres du comité vous poseront leurs questions. Nous allons commencer par la Dre Alexandra Heber.

À vous la parole, docteure Heber.

Dre Alexandra Heber, psychiatre en chef, Anciens Combattants Canada : Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité. Je suis la Dre Alexandra Heber. Je suis une vétérane des Forces armées canadiennes et la psychiatre en chef à Anciens Combattants Canada, ACC. Je suis accompagnée de ma collègue, Crystal Garrett-Baird, qui est à la tête de la Direction générale de la recherche et des politiques.

Nous sommes ravies de pouvoir vous parler aujourd’hui des psychédéliques et de la psychothérapie assistée par les psychédéliques pour le traitement des troubles mentaux, y compris les troubles de stress post-traumatique ou TSPT, et plus particulièrement de l’utilisation des psychédéliques pour le traitement de la population cliente d’ACC.

Je suis également professeure agrégée au Département de psychiatrie et de neurosciences comportementales de l’Université McMaster. Je suis aussi coprésidente de la Communauté de pratique canadienne sur les traumatismes sexuels liés au service militaire, un regroupement qui permet à des chercheurs, des cliniciens, des décideurs gouvernementaux et des personnes ayant vécu un traumatisme sexuel en milieu militaire de se réunir régulièrement pour discuter et travailler ensemble afin de favoriser une meilleure compréhension mutuelle, une mobilisation des connaissances et un soutien plus senti aux victimes tout en contribuant à un changement de culture au sein des Forces armées canadiennes. Je vous en parle parce que vos biographies nous apprennent que vous êtes plusieurs à vous intéresser à cet enjeu, et je tenais à vous exprimer ma gratitude à cet égard.

Je tiens à souligner que je suis présentement à Ottawa, ville construite sur le territoire non cédé des Algonquins anishinabes. Les gens de cette nation vivent sur ce territoire depuis des millénaires. Leur culture et leur présence contribuent encore aujourd’hui à enrichir ce territoire. Nous qui vivons ici avons le devoir de continuer de rendre hommage aux membres de la nation des Algonquins anishinabes et à leur territoire.

Anciens combattants Canada s’est donné pour mission de fournir des prestations et des services axés sur le client qui sont exemplaires et adaptés aux besoins des anciens combattants et de leurs proches de manière à reconnaître les services qu’ils ont rendus au Canada. En vertu de la Loi canadienne sur la santé, tous les résidents d’une province, y compris les anciens combattants, ont droit à des services de santé en vertu de leur régime provincial de soins de santé. Nous savons toutefois que différents services en santé mentale, comme les psychothérapies dispensées par des professionnels non autorisés ou réglementés, ne sont pas couverts par les régimes provinciaux. Le ministère paye donc pour de nombreux services semblables offerts à des anciens combattants admissibles. Il faut cependant préciser qu’Anciens Combattants Canada n’offre pas directement des soins de santé. Nous venons plutôt en aide à nos vétérans en finançant certains services qui ne sont pas couverts par leur régime provincial ou territorial.

En 2016, ACC a mis sur pied le Comité d’examen des traitements en santé mentale qui était chargé de formuler des recommandations à l’intention des comités de direction concernant les traitements à offrir à nos anciens combattants en matière de santé mentale. Parmi les principes directeurs qui ont guidé ces recommandations, notons la nécessité que le traitement soit fondé sur des données probantes, appuyé par des publications révisées par des pairs et axé, si possible, sur la santé des anciens combattants. Il fallait également que le traitement soit approuvé par Santé Canada, qu’il ne soit pas expérimental, qu’il offre un profil de sécurité acceptable, qu’il entraîne des coûts raisonnables, qu’il s’harmonise avec les traitements dispensés par les Forces armées canadiennes et la GRC et, dans la mesure du possible, qu’il tienne compte des considérations liées au sexe et à la culture.

En septembre 2021, le Comité d’examen des traitements en santé mentale s’est posé la question suivante : quelles sont les données scientifiques actuellement disponibles concernant le recours à la psychothérapie assistée par les psychédéliques pour le traitement des problèmes de santé mentale, y compris le TSPT?

Après avoir examiné les différentes publications et avoir débattu de la question, le Comité d’examen des traitements en santé mentale n’a pas recommandé à ce moment-là l’utilisation des psychédéliques ou de la psychothérapie assistée par les psychédéliques. Malgré certains nouveaux éléments semblant indiquer que les psychédéliques pourraient avoir un potentiel thérapeutique, on a alors déterminé que les échantillons utilisés dans bon nombre des études étaient trop petits, que les périodes de suivi étaient relativement courtes et que l’on n’avait pas encore cerné avec précision les avantages et les risques à long terme. Nous ne disposons pas de suffisamment de données sur les risques pour les personnes aux prises avec des troubles psychotiques ou à risque de psychose, pour celles souffrant de troubles dissociatifs — ce qui est souvent surtout le cas pour les TSPT très chroniques — et pour celles ayant des idées suicidaires ou un historique familial de problèmes semblables. Nous n’avons pas encore de données probantes sur les risques pour ces populations.

Dans la plupart des recherches menées, les types de psychothérapie utilisés ne sont pas normalisés ou bien définis, et il y a lieu de s’interroger concernant l’effet de prévision et l’absence de procédures d’insu, voire le manque d’objectivité des chercheurs. En outre, un nombre important des études publiées ont été financées par le même groupe de pression. Il faut noter que les Instituts de recherche en santé du Canada, ou IRSC, ont récemment annoncé des plans pour le financement de travaux de recherche sur l’utilisation de la psychothérapie assistée par la psilocybine pour le traitement des problèmes de santé mentale et de dépendance.

Notre grande priorité est d’assurer la santé, la sécurité et le bien-être de nos anciens combattants. Si l’on en vient à disposer de données scientifiques suffisantes pour démontrer que les psychédéliques constituent un traitement sûr et efficace pour nos vétérans, nous modifierons nos tableaux des avantages et nos formulaires de médicaments en conséquence

Merci. Mme Garrett-Baird et moi-même serons ravies de répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup, docteure Heber. Vous voudrez bien m’excuser d’avoir mal prononcé votre nom tout à l’heure. Nous allons maintenant entendre l’exposé de la Dre Rothbaum. Merci.

Dre Barbara O. Rothbaum, directrice générale, Emory Healthcare Veterans Program, et vice-présidente associée de la recherche clinique, Département de psychiatrie, Emory School of Medicine, à titre personnel : Merci de m’avoir invitée aujourd’hui. Mes observations vont porter sur les troubles de stress post-traumatique, le TSPT, et les traitements novateurs en la matière, en particulier pour les anciens combattants.

Le traitement ayant le mieux fait ses preuves pour le TSPT est l’exposition imaginale prolongée. Cette thérapie est fondée d’abord et avant tout sur l’exposition à des images. Nous demandons au patient de visualiser le moment où l’événement traumatique s’est produit et d’en faire le récit au présent, à haute voix et à répétition. Nous enregistrons ce récit et demandons au patient de l’écouter chaque jour comme exercice à faire à la maison.

Nous y intégrons l’exposition in vivo, ce qui signifie simplement « dans la vie réelle ». Nous aidons alors le patient à composer avec les situations sans danger qu’il cherche à éviter dans la vie courante. Parmi les exemples types d’exposition in vivo pour nos vétérans, notons le fait de conduire un véhicule dans la circulation lourde, de s’asseoir en faisant dos à une porte ou de prendre un bain de foule.

Parmi les autres traitements fondés sur des données empiriques pour le TSPT, on peut citer la thérapie par le traitement cognitif et l’intégration neuro-émotionnelle par les mouvements oculaires.

De nouvelles approches pour le traitement du TSPT s’articulent autour du moyen utilisé pour offrir une thérapie d’exposition. La réalité virtuelle consiste en un environnement informatique interactif dans lequel l’utilisateur éprouve le sentiment d’une présence. L’utilisateur porte un visiocasque doté d’un petit écran devant chaque œil, d’écouteurs et d’un dispositif de positionnement qui suit les mouvements de sa tête et réagit en conséquence en temps réel. La nature immersive de la réalité virtuelle se prête bien à une utilisation pour une thérapie d’exposition. La thérapie d’exposition par réalité virtuelle a notamment produit de bons résultats pour le traitement de phobies, de dépendances, de la crainte de s’exprimer en public, de la peur de l’avion et du TSPT. Pour ce qui est des anciens combattants aux prises avec le TSPT, nous avons constaté que cette thérapie a été efficace pour les vétérans du Vietnam, les survivants de traumatismes sexuels en milieu militaire et les vétérans des conflits ayant suivi le 11 septembre 2001.

Les soins dispensés ont également pu être améliorés grâce à l’intégration d’agents pharmacologiques à la psychothérapie. La plupart des études menées auprès de patients souffrant de TSPT n’ont pas pu démontrer qu’il était avantageux d’adjoindre une prescription d’inhibiteurs sélectifs du recaptage par la sérotonine, ou ISRS, à une thérapie d’exposition prolongée. On s’est intéressé à la possibilité de combiner de nouveaux médicaments à la psychothérapie pour le TSPT dans le cadre d’une méthode que certains ont qualifiée de « pharmacothérapie raisonnée ». Il s’agit d’utiliser les médicaments pour accroître l’efficacité des techniques de psychothérapie utilisées en misant sur la synergie.

Cela nous amène à un autre domaine d’intervention dont on a beaucoup parlé récemment, la psychothérapie assistée par la MDMA. Plusieurs spécialistes s’attendent à ce que la MDMA soit le prochain médicament à être approuvé pour le TSPT par la Food and Drug Administration des États-Unis. Nous avons mené une recherche translationnelle pour découvrir que la MDMA facilite l’extinction de la peur chez un modèle animal, et pour constater qu’un nombre nettement plus élevé de participants humains en bonne santé ont conservé l’apprentissage de l’extinction parmi le groupe ayant reçu la MDMA, plutôt que le placebo. Nous estimons que l’extinction de la crainte est l’un des mécanismes essentiels à la réussite d’une thérapie par exposition prolongée. Nous croyons par conséquent que la MDMA peut accroître l’efficacité de cette thérapie, en particulier lorsqu’il y a résistance au traitement. Dans un avenir rapproché, nous allons faire l’essai de la MDMA associée à l’exposition prolongée auprès d’anciens combattants qui n’ont pas réagi à notre programme intensif de deux semaines en consultation externe. Je note au passage que l’exposition prolongée n’est pas la thérapie qui a été utilisée lors des essais cliniques de psychothérapie assistée par la MDMA. Nous y voyons toutefois certains avantages du fait que cette thérapie est plus courte et plus efficiente, qu’elle est fondée sur des données probantes diffusées à l’échelle mondiale et qu’elle est assortie d’une formation moins longue et plus facilement accessible.

Je vais maintenant vous parler d’un troisième pôle d’innovation, soit celui du moment où l’on offre la thérapie d’exposition pour le TSPT. La majorité des patients touchés sont traités des années, voire des décennies, après l’événement traumatisant, si bien que leur TSPT est devenu chronique et s’accompagne d’autres séquelles physiques et mentales. Nous avons mené des études dans une salle d’urgence en offrant une version modifiée de la thérapie d’exposition immédiatement après l’événement traumatique. On a noté un taux deux fois moins élevé de TSPT trois mois après le traumatisme pour les patients ayant bénéficié de cette intervention précoce, comparativement à ceux qui ont eu droit seulement à une évaluation. L’intervention rapide semblait également atténuer les risques de prédispositions génétiques au TSPT.

La dernière innovation dont je souhaite vous entretenir aujourd’hui est le traitement intensif par exposition prolongée. La plupart des psychothérapies sont offertes dans le cadre de rencontres hebdomadaires. Les patients atteints de TSPT abandonnent le traitement dans une proportion d’environ 50 %.

Le Emory Healthcare Veterans Program offre un programme intensif de deux semaines en consultation externe pour lequel nous avons obtenu la participation de vétérans des conflits ayant suivi le 11 septembre provenant de toutes les régions des États-Unis. Nous les transportons, les logeons, les nourrissons et les traitons, tout cela sans frais pour l’ancien combattant grâce au financement offert dans le cadre du Wounded Warrior Project pour appuyer le Warrior Care Network.

Nous leur offrons chaque jour une thérapie individuelle d’exposition imaginale avec leur thérapeute attitré ainsi que deux heures de thérapie d’exposition in vivo. Notre gamme de services est très étendue : psychothérapie; pharmacothérapie; réadaptation cognitive pour ceux qui souffrent d’une lésion cérébrale traumatique légère; gestion du stress; apprentissage du sommeil avec tests; activités favorisant le mieux-être comme le yoga et l’acupuncture; éducation et counseling pour la famille; et aide pour s’y retrouver dans le système d’ACC. Pendant la pandémie de COVID-19, nous nous sommes tournés vers la télémédecine pour offrir ce programme intensif en consultation externe. Nous avons des filières spécialisées pour les lésions cérébrales traumatiques légères et les problèmes de dépendance.

Dans l’ensemble, nous avons un taux d’achèvement de 93 % pour notre programme intensif en consultation externe. Je suis persuadée que c’est la meilleure façon de traiter les TSPT. C’est une thérapie qui se révèle très efficace avec des améliorations cliniques et statistiques importantes au chapitre des TSPT et de la dépression, des effets bénéfiques qui perdurent jusqu’à un an après le traitement de deux semaines. Les résultats sont aussi positifs pour les participants en mode télémédecine que pour les patients traités sur place. Nous avons pu démontrer qu’un traitement efficace des symptômes du TSPT permet de réduire les pensées suicidaires.

Ce fut un honneur pour moi de vous présenter quelques-unes des innovations les plus récentes dans le traitement des TSPT. Je serai ravie d’échanger avec vous sur n’importe quel sujet. Merci.

Le président : Merci beaucoup, docteure Rothbaum.

Nous allons maintenant passer aux questions des membres du comité. Je vous demanderais de garder vos questions brèves et d’indiquer à quel témoin vous les adresser. Je cède d’abord la parole à notre vice-président, le sénateur Boisvenu du Québec.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Bienvenue à nos témoins. Ma première question s’adresse à la Dre Heber. Vous dites que vous n’offrez pas de services thérapeutiques ou psychiatriques directement, mais que vous les financez. Ai-je bien compris?

[Traduction]

Dre Heber : C’est exact.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Cela veut donc dire que vous n’avez pas de contact direct avec la clientèle des forces armées et des anciens combattants? C’est ce que je comprends également?

[Traduction]

Dre Heber : Je suis souvent en contact avec des anciens combattants, mais je ne leur prodigue pas de traitement. Ce ne sont pas mes patients. Je travaille auprès des vétérans dans plusieurs contextes au sein de la communauté. J’écoute ce qu’ils ont à dire au sujet des services offerts par Anciens Combattants Canada, une information que je transmets à mon organisation, mais notre ministère n’offre pas directement de soins aux patients.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Cela me surprend. Si je comprends bien, vous êtes psychiatre en chef pour Anciens Combattants Canada?

[Traduction]

Dre Heber : C’est bien cela.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Comment pouvez-vous mesurer l’efficacité de ce que vous offrez si vous n’avez pas de contact direct avec les anciens combattants?

[Traduction]

Dre Heber : Les traitements directs aux anciens combattants sont bien sûr une façon pour les cliniciens-chercheurs de recueillir de l’information. Cependant, si l’on y réfléchit bien, il s’agit alors d’information portant sur une seule personne dans un cas particulier. Pour compiler des renseignements, nous examinons toutes les recherches menées à l’échelle mondiale sur les différents traitements, et nous avons aussi des équipes spécialisées qui effectuent ces analyses pour nous. Au sein du Comité d’examen des traitements en santé mentale dont je vous parlais, nous avons des cliniciens et des cliniciens-chercheurs de tout le pays qui travaillent à notre Clinique pour traumatismes liés au stress opérationnel, ce qui leur permet de voir des anciens combattants comme patients, mais aussi de réaliser des recherches. Ils font partie de notre comité.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Si vous êtes psychiatre en chef, combien de psychiatres travaillent auprès d’Anciens Combattants Canada?

[Traduction]

Dre Heber : Il n’y a pas d’autre psychiatre à Anciens Combattants Canada. Nous avons une équipe de professionnels en santé mentale, mais nous n’avons pas d’autre psychiatre.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Donc, vous êtes la seule psychiatre et vous êtes psychiatre en chef.

Docteure Rothbaum, si l’on compare les deux approches pour traiter un choc post-traumatique chez les anciens combattants, c’est-à-dire l’usage de plus en plus fréquent de drogues psychédéliques, et votre projet — où vous parlez de réactivation de la mémoire —, laquelle de ces deux approches est la plus performante pour traiter les séquelles psychologiques chez nos anciens combattants?

[Traduction]

Dre Rothbaum : Merci, cela va me permettre d’apporter un éclaircissement.

Les psychédéliques ne sont pas comme les autres médicaments. Ils sont différents des ISRS comme le Zoloft, la Sertraline ou le Prozac. Le médicament ne présente pas en soi d’avantage thérapeutique; il s’agit d’une psychothérapie assistée par la MDMA. C’est le médicament que l’on ajoute à la psychothérapie pour profiter de l’effet de synergie.

Les essais ont porté sur une psychothérapie de soutien ouverte qui n’exige pas du patient qu’il parle de l’événement traumatique. J’ai suivi la formation à ce sujet et nous avons visionné les enregistrements. On indique que le patient finit toujours par parler de l’événement traumatique, en sachant bien que c’est la raison de sa présence en clinique, mais le thérapeute ne lui demande jamais de le faire. Le patient en parle seulement lorsqu’il est prêt. C’est différent du genre de psychothérapie que nous offrons, l’exposition prolongée, donc c’est expressément l’objectif.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Traitez-vous directement avec les anciens combattants?

[Traduction]

Dre Rothbaum : C’est exact.

Le président : Sénateur Boisvenu, j’inscris votre nom pour le second tour.

La sénatrice Boniface : Merci aux témoins qui sont des nôtres aujourd’hui. Vous voudrez bien m’excuser, car des problèmes de connexion m’ont fait rater les premières observations de la Dre Heber.

J’aimerais en savoir plus long sur ce programme de deux semaines dont vous avez parlé, docteure Rothbaum. Cela m’a peut-être échappé dans vos observations préliminaires, mais je voudrais savoir depuis combien de temps vous l’offrez et quels ont été vos premiers résultats pour ce programme intensif. À quoi attribuez-vous son efficacité? Et n’hésitez surtout pas à nous fournir tout autre renseignement qui pourrait nous être utile selon vous.

Dre Rothbaum : Merci.

Nos portes sont ouvertes depuis environ sept ans — presque huit ans — et nous avons traité environ 700 anciens combattants dans le cadre de notre programme intensif de deux semaines en consultation externe.

J’attribue l’efficacité de la thérapie au recours à la psychothérapie fondée sur des données probantes. Tout ce que nous faisons pour les anciens combattants se fonde sur des données probantes.

J’attribue le taux de rétention au fait qu’il s’agit d’un programme intensif en consultation externe. Le TSPT est un trouble d’évitement, et cela inclut le traitement. Comme je l’ai dit, pour une thérapie régulière, le taux d’abandon est d’environ 50 %. Nos anciens combattants n’ont à décider de se présenter qu’une seule fois. Ils prennent donc une seule fois la décision de venir. Ensuite, nous leur offrons beaucoup de soutien. Nous avons une merveilleuse équipe de fournisseurs, de travailleurs sociaux et de coordonnateurs. Si l’ancien combattant ne se présente pas à la thérapie un jour donné, nous envoyons le coordonnateur à sa chambre d’hôtel, qui frappera à sa porte et l’aidera à s’y rendre.

Nous avons un programme de deux semaines, mais nous accueillons une nouvelle cohorte d’anciens combattants chaque lundi, de sorte qu’à tout moment, des gens en sont à leur première ou deuxième semaine de traitement. C’est incroyable la différence qu’une semaine peut faire dans un traitement intensif. De cette façon, les anciens combattants qui en sont à leur deuxième semaine peuvent aussi soutenir les anciens combattants qui en sont à leur première semaine et leur expliquer que, oui, c’est difficile, mais qu’ils doivent tenir bon, car cela en vaut la peine.

Je pense que le modèle de programme intensif en consultation externe est vraiment ce qui nous aide à avoir un bon taux de rétention. Si nous retenons les anciens combattants, l’efficacité s’en trouve renforcée.

J’ajouterais également que, évidemment, ce ne sont pas tous les participants qui voient une amélioration. Nous avons vu suffisamment d’anciens combattants maintenant pour pouvoir dire à la fin de la première semaine s’ils sont sur la trajectoire dans laquelle ils auront tous les effets bénéfiques ou non, et nous offrons certaines approches fondées sur l’augmentation à la deuxième semaine. Par exemple, nous proposons la SMTR, la stimulation magnétique transcrânienne répétitive, et c’est là que nous pourrions proposer l’exposition prolongée assistée par la méthylènedioxyméthamphétamine, ou MDMA, aux anciens combattants qui n’obtiennent pas une réponse complète.

La sénatrice Boniface : Je vous remercie.

Si j’ai bien compris vos observations, il y a un suivi après les deux semaines pendant une période pouvant aller jusqu’à un an. De quoi s’agit-il concrètement?

Dre Rothbaum : Nous évaluons les personnes à 3, 6 et 12 mois, une fois qu’elles ont quitté notre programme. Nous venons de publier une étude longitudinale, et 85 % des anciens combattants qui participent à notre programme voient de grandes améliorations au cours des deux semaines, qu’ils maintiennent pendant cette année-là, et environ 15 % ne voient pas d’améliorations.

La sénatrice Boniface : C’est très bien.

Connaissez-vous d’autres pays qui adoptent ce genre d’approche?

Dre Rothbaum : Il y a quatre emplacements au sein du Warrior Care Network aux États-Unis, et nous sommes tous un peu différents. Aux Pays-Bas, il y a un programme intensif en consultation externe — et il y a nos collègues du programme de la Dre Agnes van Minnen —, et les taux de rétention et de réponse clinique sont excellents. De plus, au Royaume-Uni, la Dre Anke Ehlers a également un programme intensif en consultation externe.

La sénatrice Boniface : Merci. C’est exactement ce que j’allais vous demander.

Le sénateur Yussuff : Ma question s’adresse peut-être davantage à la Dre Rothbaum, en ce qui concerne son approche et ses travaux. Compte tenu de l’étude longitudinale que vous avez réalisée et, bien sûr, de l’évaluation de votre approche, croyez-vous que cette nouvelle approche adoptée par vos cliniques offre les meilleures possibilités quant à la façon de traiter le TSPT? Il est vrai que certains de ces travaux sont encore en cours, mais j’ai pensé que je pourrais vous demander votre point de vue.

Dre Rothbaum : Oui, je suis de cet avis, monsieur. Comme je l’ai dit, je pense que le TSPT est un trouble d’évitement, et nous voyons les meilleurs taux de rétention. J’étudie le TSPT depuis 1986, et ce sont les meilleurs taux de rétention en thérapie, avec une thérapie efficace, que j’ai jamais vus. J’aime vraiment l’approche du programme intensif en consultation externe. En faisant une revue de la littérature sur d’autres programmes intensifs en consultation externe, on constate que les taux de rétention se situent généralement dans les 95 % et plus ou atteignent même 100 %, donc il ne s’agit pas seulement de nos résultats.

Le sénateur Yussuff : Si vous me le permettez, pour poursuivre sur le même sujet, étant donné ce que vous décrivez comme un succès, est-ce que d’autres pays qui traitent des anciens combattants ont voulu connaître les résultats de votre recherche, essayer de tirer parti de votre expérience et déterminer comment votre programme pourrait être adopté dans d’autres centres ailleurs dans le monde? Bien sûr, comme vous le savez, il ne s’agit pas seulement d’un phénomène américain. C’est un phénomène qui touche la plupart des pays développés dont des anciens combattants qui ont servi dans le même genre de théâtres que les anciens combattants américains au cours des deux ou trois dernières décennies.

Dre Rothbaum : Oui, monsieur. Dans la médecine fondée sur les preuves, nous rédigeons et publions des manuels de traitement afin que d’autres puissent plus facilement suivre notre modèle. Nous avons écrit des manuels de traitement pour l’exposition prolongée, qui ont été traduits dans neuf langues, je pense. Nous avons également rédigé récemment un manuel décrivant le programme intensif en consultation externe. Il est disponible. Je travaille avec un certain nombre de collègues dans le monde entier, notamment en Australie. J’irai aussi en parler en Israël à l’automne; ce type d’approches suscite également un intérêt là-bas.

Le sénateur Yussuff : J’ai une autre question brève. Compte tenu du succès de votre approche, quels conseils nous donneriez-vous sur la façon dont, au Canada, on peut tirer parti de votre expérience? Notre comité va terminer ces travaux et rédiger un rapport. Quels conseils nous donneriez-vous qui seraient utiles pour aider nos anciens combattants ici, notamment en ce qui concerne les défis que nous avons dû relever, comme d’autres pays, pour composer avec le TSPT? Nous voulons aider nos anciens combattants dans le cadre des programmes de ce pays. Dans une certaine mesure, les programmes ont fonctionné, mais nous savons qu’il nous reste encore beaucoup de travail à faire. Avec de nouveaux domaines de recherche, il est toujours plus utile de comprendre comment nous pouvons mieux soutenir nos anciens combattants pour qu’ils puissent retrouver une vie normale.

Dre Rothbaum : Oui, monsieur. Je recommanderais d’élaborer et de mettre en œuvre les programmes de traitement intensif. J’ai donné plusieurs formations au Canada au fil des ans et des décennies. Je sais aussi que bon nombre de vos anciens combattants vivent dans des régions moins peuplées. Beaucoup de régions n’ont pas accès à des prestataires formés. Il faut amener les gens dans un endroit central pour qu’ils puissent suivre un traitement, puis les renvoyer chez eux en meilleure santé et, idéalement, qu’ils bénéficient de services de soutien et, maintenant, de la télémédecine comme services de soutien et de suivi. Ce serait une excellente approche. Notre système pour les anciens combattants aux États-Unis compte maintenant quelques modèles de programmes intensifs en consultation externe qui sont en train d’être élaborés et au sujet desquels nous avons participé à des consultations également.

Le sénateur Yussuff : Je vous remercie de votre temps.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : J’ai quelques questions pour les deux invités. Je les remercie de leur présence. Docteure Heber, selon vos connaissances et vos recherches, quand un ancien combattant demande un soutien psychiatrique ou des services de cette nature, quel est le délai approximatif pour recevoir ces services?

[Traduction]

Dre Heber : Je vous remercie de la question, sénateur Boisvenu.

Au Canada, comme vous le savez peut-être, à ACC, bien que nous ne fournissions pas de services directs aux anciens combattants, nous finançons des services. Lorsque de nouveaux programmes se révèlent efficaces, comme ceux dont parle la Dre Rothbaum, nous finançons également la venue de spécialistes pour former les thérapeutes au Canada.

Nous avons également une série de cliniques de traitement des traumatismes liés au stress opérationnel au Canada, qu’Anciens Combattants Canada finance entièrement, mais qui sont administrées par les autorités sanitaires provinciales. Ces cliniques sont dotées de spécialistes dans le traitement des anciens combattants souffrant de TSPT, de dépression majeure et d’autres problèmes de santé mentale liés au service.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Docteure Heber, je m’excuse de vous interrompre, mais le Sous-comité des anciens combattants mène une étude sur la qualité des services offerts aux vétérans qui souffrent de syndrome post-traumatique. Ce que je veux savoir, c’est ceci : lorsqu’un vétéran demande des services psychiatriques ou psychologiques, quel sera le délai avant qu’il reçoive ces services? C’est une information qui m’interpelle, parce que je veux savoir si ces gens-là sont laissés à eux-mêmes pendant des mois. Lorsqu’ils font appel aux services d’entreprises que vous avez financées, quel est le délai avant qu’ils reçoivent les services qu’ils demandent?

[Traduction]

Dre Heber : Bien sûr, la situation varie d’un endroit à l’autre au pays, mais je vais vous dire aussi ceci. Ce dont parlait la Dre Rothbaum me rappelle l’un des programmes qui a été mis en place. Il était offert à l’origine au centre Deer Lodge, à Winnipeg. Il a été adapté par certaines des autres cliniques pour traumatismes liés au stress opérationnel. Lorsque quelqu’un se présente et demande un rendez-vous, il y a un délai de quelques semaines, alors on a mis en place un programme pour faire venir les gens, en petits groupes, pour faire ce que nous appelons de la psychoéducation. On commence à parler aux gens de leurs symptômes et des moyens de base qui peuvent les aider à réduire leurs symptômes avant d’être rencontrés pour une évaluation diagnostique complète et de commencer leur traitement. Il y a des aspects qui sont différents de ceux dont a parlé la Dre Rothbaum, mais l’idée est d’accueillir les gens le plus tôt possible et de leur offrir, tout d’abord, cet esprit de collégialité — ils sont là, avec d’autres personnes qui souffrent du même genre de problèmes qu’eux —, puis de commencer à les informer de cette situation et de certaines des choses qui se produiront pendant la thérapie et aussi de la façon dont ils peuvent s’aider eux-mêmes entretemps.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Merci, docteure Heber. Docteure Rothbaum, vous offrez directement des services aux vétérans. Selon vous, quel est le délai entre le moment où il obtiendra des services chez vous et le moment où vous pourrez le traiter?

[Traduction]

Dre Rothbaum : Notre politique consiste à répondre à un appel téléphonique dans les 24 heures. Nous planifions l’évaluation de la personne dans un délai d’une semaine. Nous effectuons une évaluation psychiatrique ou psychologique complète de trois heures. Elle aura lieu dans un délai d’une semaine. Ensuite, si nous déterminons que nous sommes le bon endroit pour traiter la personne, nous l’accueillons généralement dans un délai de deux à six semaines. Parfois, cela dépend de l’emploi du temps de l’ancien combattant et non du nôtre. Heureusement, nous n’affichons pas complet en ce moment. Nous n’avons pas une longue liste d’attente, mais il arrive que les anciens combattants retardent leur admission parce qu’ils doivent faire garder leurs enfants ou prendre congé de leur travail, s’ils en ont un.

La sénatrice Boniface : Ma question s’adresse à Dre Heber. Elle est liée à des travaux que notre sous-comité a effectués il y a quelques années sur la consommation de cannabis et son utilisation dans le traitement du TSPT. Une étude conjointe a été réalisée par les FAC et Anciens Combattants Canada, à l’Université de la Colombie-Britannique. Une autre étude a été réalisée par le Centre de toxicomanie et de santé mentale, en collaboration avec l’Université de Toronto. Pouvez-vous nous dire si ces études sont terminées? Si oui, quels sont les résultats?

Dre Heber : Je suis désolée, mais je n’ai pas les résultats. Je ne pense pas que ce soit terminé. Je n’ai pas de mise à jour pour vous. Cependant, je peux obtenir l’information et les envoyer au comité dès que possible.

Peut-être avez-vous des renseignements, madame Garrett-Bairder?

Crystal Garrett-Baird, directrice générale, Direction générale de la politique et de la recherche, Anciens Combattants Canada : Merci, docteure Heber. Merci, de la question, sénatrice. Il y a deux ou trois choses que je peux dire à ce sujet.

Nous sommes actifs dans un certain nombre de domaines de recherche sur le cannabis, étant donné qu’il s’agit d’un domaine d’étude et d’un type de traitement en évolution. Notre objectif est de nous assurer que nous finançons des avantages médicaux qui ont des effets positifs globaux sur les anciens combattants. Certains de nos principaux secteurs de recherche actuels, passés et futurs consistent à examiner les indications concernant l’utilisation du cannabis à des fins médicales chez les clients d’ACC; à examiner les lignes directrices cliniques relatives à l’utilisation du cannabis pour le traitement de la douleur; à étudier les troubles liés à l’utilisation du cannabis chez les anciens combattants; et à élaborer des plans pour des essais plus contrôlés. Nous travaillons en étroite collaboration avec des lieux d’enseignement universitaire au pays, comme les Instituts de recherche en santé du Canada et l’Institut canadien de recherche sur la santé des militaires et des vétérans. Nos recherches continuent d’éclairer nos politiques à mesure que nous avançons.

J’aimerais faire une autre remarque sur l’accès aux services de santé mentale et les délais. Elle ne porte pas sur le cannabis, mais bien sur l’accès aux services de santé mentale. Le 1er avril 2022, Anciens Combattants Canada a lancé une initiative, Avantages pour la santé mentale, pour s’assurer que les anciens combattants qui se présentent avec un trouble de stress post-traumatique, des troubles anxieux ou des troubles dépressifs peuvent bénéficier d’une couverture immédiate pour leurs traitements, qu’il s’agisse d’obtenir des médicaments sur ordonnance, d’avoir accès à un conseiller ou à un psychologue pour un diagnostic ou d’autres traitements. Il s’agit de reconnaître l’importance de veiller à ce que nos anciens combattants bénéficient d’une intervention précoce en matière de traitement, car nous savons qu’une intervention précoce et l’accès rapide à ces services leur donnent de meilleures chances sur le plan du rétablissement, de la réadaptation et de la stabilisation.

La sénatrice Boniface : Si j’ai le temps, j’aimerais poser une question complémentaire à celle du sénateur Boisvenu.

Permettez-moi de parler de l’enquête qui a eu lieu dans l’Est du Canada à la suite du décès de trois membres d’une famille. Certains de ces délais et changements résultent-ils de ce qu’Anciens Combattants a appris lors de cette enquête?

Mme Garrett-Baird : Si vous faites référence à l’enquête Desmond, les résultats de cette enquête n’ont pas encore été publiés. Nous sommes actifs à cet égard, mais notre priorité demeure de veiller à ce que nos anciens combattants aient accès aux avantages et aux services dont ils ont besoin pour assurer leur santé, leur sécurité et leur bien-être.

La sénatrice Boniface : J’ose espérer que vous surveillez les choses au fur et à mesure et que vous regardez quelles lacunes sont exposées et que vous les comblez en cours de route au lieu d’attendre le résultat. Est-ce que j’ai raison?

Mme Garrett-Baird : Oui, tout à fait. Nous suivons la situation. Des témoins ont également comparu devant la commission d’enquête pour fournir de l’information sur le fonctionnement de notre système et le soutien qui est fourni. Nous continuons à nous occuper de ce dossier.

La sénatrice Boniface : C’est un message très important.

Le président : Merci beaucoup. Puisque la sénatrice Anderson a quelques problèmes techniques, nous allons passer au sénateur Yussuff.

Le sénateur Yussuff : Ma question s’adresse à la Dre Heber. Je veux obtenir des précisions au sujet de l’utilisation de psychédéliques. En décembre dernier, le gouvernement du Canada, par l’intermédiaire de Santé Canada, a autorisé les médecins à faire une demande pour prescrire des drogues d’usage restreint psychédéliques pour leurs patients dans le cadre de leur thérapie. Quelles discussions, le cas échéant, Anciens Combattants Canada a-t-il eues avec Santé Canada au sujet de son point de vue sur le potentiel des psychédéliques dans le traitement des troubles mentaux des anciens combattants? En quoi ces points de vue diffèrent-ils quant aux restrictions qui existaient auparavant concernant l’accès à ces médicaments maintenant qu’on utilise une combinaison?

Dre Heber : Merci pour la question.

En septembre 2021, nous avons effectué un examen exhaustif de la question de l’emploi des psychédéliques et de la psychothérapie assistée par les psychédéliques, pour déterminer si cette forme de thérapie, compte tenu des données dont nous disposions alors, pouvait être préconisée pour notre clientèle d’anciens combattants. Nous avons constaté que les données étaient encore préliminaires. Le traitement était prometteur, mais ça ne reposait sur rien d’assez solide encore.

L’un de nos interlocuteurs a été les Instituts de recherche en santé du Canada, les IRSC, qui contribuent à certaines subventions qui seront annoncées sous peu pour le financement, plus particulièrement, de la psychothérapie assistée par la psilocybine. Ces subventions sont prévues, je crois, pour une durée de trois ans, pour permettre aux chercheurs d’étudier les phénomènes et d’examiner les résultats.

En ce qui concerne Santé Canada, on a découvert le cas, en mars, d'une patiente prise en charge dans une clinique de Colombie-Britannique, dont la recherche sur les psychothérapies était financée par un organisme des États-Unis. Comme je l’ai dit, un organisme recommande depuis un certain temps la légalisation des psychédéliques. Il a financé une grande partie de la recherche actuelle sur ces molécules. En soi, il vaut beaucoup mieux que la recherche soit éparpillée et qu’elle soit particulièrement financée par des universités ou, dans le cas des IRSC, par l’État, plutôt que d’être toute financée par un seul organisme.

On a découvert que la psychothérapie assistée que suivait cette patiente était très discutable. On peut trouver une vidéo à son sujet sur le site Web de CBC/Radio-Canada. Elle est très consternante. C’est après cela que Santé Canada a décidé d’enquêter sur les psychédéliques. Par un surcroît de prudence, le ministère a mis en veilleuse ses plans pour la psychothérapie assistée par la psilocybine et par MDMA tant qu’on n’en saura pas davantage sur ce cas et sur les contrôles qui étaient en place.

Contrairement à ce qu’a dit la Dre Rothbaum, les publications ne sont pas toujours claires sur ce qui se passe en psychothérapie. L’exposition prolongée, qui est connue depuis longtemps, a fait l’objet d’excellentes recherches et d’excellents protocoles. On l’enseigne, et elle est uniformisée. C’est très normatif. Ce qui se passe, actuellement du moins, dans ces psychothérapies assistées par les psychédéliques n’est pas vraiment clair.

Ensuite, il faut se rappeler que ces médicaments modifient vraiment chez les patients qui y sont exposés leur perception de la réalité. Nous avons la responsabilité supplémentaire d’assurer leur sécurité dans ces situations.

Le président : La sénatrice Anderson reste injoignable. J’interviens donc par une petite question à la Dre Rothbaum. Votre méthode de traitement du stress post-traumatique s’insère-t-elle dans un programme national ou est-elle centrée sur l’école Emory? Combien d’établissements l’emploient ou pourraient l’employer, aux États-Unis, contre le stress post-traumatique chez les anciens combattants?

Dre Rothbaum : Merci. Je suppose que vous faites allusion au programme intensif de traitement ambulatoire, notre programme de deux semaines.

Le président : Oui.

Dre Rothbaum : Nous faisons partie du réseau Warrior Care, financé par une subvention généreuse du Wounded Warrior Project, un organisme privé, donc, qui compte quatre emplacements situés comme suit : nous, à Atlanta; l’opération Mend Program, à l’université de Californie à Los Angeles; le Road Home Program, à l’université Rush, à Chicago; le programme Home Base de l’hôpital général du Massachusetts de Harvard à Boston. Nous sommes l’un des quatre maillons du réseau Warrior Care. Chacun diffère un peu de l’autre. Nous sommes le seul à donner une thérapie fondée sur une exposition prolongée. Deux des programmes emploient la thérapie par le traitement cognitif; les autres, une combinaison de diverses thérapies.

Le président : Quel pourcentage d’anciens combattants, d’après votre opinion professionnelle, présente le syndrome du stress post-traumatique à son retour? Sinon, quelle est la fourchette de ce pourcentage, d’après vous? Il y aurait des degrés variables de gravité, mais quelle serait la fourchette? Se situerait-elle aux environs de 90 ou de 80 %? D’après vous?

Dre Rothbaum : Je ne crois pas que ce soit aussi élevé, heureusement, parce que c’est atroce. Ça ruine la santé, le mieux-être, les rapports avec autrui. Nous estimons qu’environ 20 % des anciens combattants reviennent — particulièrement d’Irak et d’Afghanistan — en en présentant des signes cliniques importants.

Le président : Très bien. Merci beaucoup.

Vous avez fait allusion à un manuel de traitement que vous employez. Je me demande si vous pouvez en communiquer un à notre comité. Ce serait vraiment apprécié.

Dre Rothbaum : Mais avec plaisir.

Je viens de voir la vidéo de la patiente traitée par MDMA, en Colombie-Britannique, la vidéo dont je viens d’apprendre l’existence. J’ai l’impression que le thérapeute n’était pas agréé. Ça devient donc un facteur à prendre en considération.

Le président : Très bien. D’accord. Merci beaucoup.

Madame la sénatrice Anderson, si vous pouviez poser une question, ça me comblerait.

Erika Dupont, greffière du comité : Madame la sénatrice Anderson, nous sommes toujours incapables, malheureusement, de vous entendre. Pourriez-vous faire parvenir votre question par clavardage? Si elle est longue, ça pourrait être déraisonnable, mais nous pouvons essayer.

La voici : La durée d’attente pour l’obtention du service diffère-t-elle entre les Territoires du Nord-Ouest et le Sud? Plus précisément pour les anciens combattants du Nord.

Mme Garrett-Baird : Docteure Heber, je serai heureuse d’y répondre, si vous voulez.

Comme l’a fait observer la Dre Heber, notre responsabilité, à Anciens Combattants Canada, est d’assurer la couverture de ces prestations de traitement pour les anciens combattants. Ils ont donc accès à leurs professionnels de la santé partout au Canada. Nous n’ignorons pas la difficulté d’avoir accès à ces soignants dans certaines régions comme les régions rurales et éloignées, le Nord. Il existe un réseau de cliniques satellites de traitement des traumatismes liés au stress opérationnel et on peut accéder à des services virtuels ou de télésanté auxquels nous pouvons subvenir par l’entremise du ministère. Sont-ils nécessairement aussi accessibles qu’à Toronto? Non, mais nous collaborons avec un réseau national de plus de 12 000 professionnels agréés en santé mentale pour que nos anciens combattants aient accès aux traitements nécessaires et puissent les obtenir.

Le président : Un gros merci à nos témoins, Mme Garrett-Baird et les Dres Heber et Rothbaum. Votre participation très éclairante a particulièrement été appréciée. Je remercie tous les participants. Nous arrivons bientôt à la fin de la période prévue pour la réunion. Je lève donc la séance.

(La séance est levée.)

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