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Sous-comité des anciens combattants


LE SOUS-COMITÉ DES ANCIENS COMBATTANTS

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 26 octobre 2022

Le Sous-comité des anciens combattants se réunit aujourd’hui, à 12 heures (HE), avec vidéoconférence, pour mener une étude et faire rapport sur toute question concernant la sécurité nationale et la défense en général, y compris les anciens combattants.

Le sénateur David Richards (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Sous-comité des anciens combattants. Je m’appelle David Richards, sénateur du Nouveau-Brunswick et président de ce sous-comité. Je suis accompagné aujourd’hui de mes collègues du sous-comité : le sénateur Boisvenu, vice-président, du Québec; la sénatrice Anderson, des Territoires du Nord-Ouest; la sénatrice Deacon, de l’Ontario; et le sénateur Yussuff, de l’Ontario.

Nous poursuivons notre étude sur les traitements émergents pour les anciens combattants souffrant de traumatismes.

Nous accueillons par vidéoconférence le Dr Muhammad Ishrat Husain, chef, Service des troubles de l’humeur, clinicien-chercheur, Division de la psychiatrie générale pour adultes et des systèmes de santé, Centre de toxicomanie et de santé; et Zachary Walsh, professeur, Département de psychologie, Université de la Colombie-Britannique.

Je vous remercie tous les deux d’être avec nous aujourd’hui par vidéoconférence. Nous allons tout d’abord vous inviter à nous présenter vos déclarations liminaires, puis passer aux questions des membres du comité.

Avant de poser une question ou d’y répondre, j’aimerais rappeler aux participants dans la salle d’éviter de s’approcher trop près du microphone ou d’enlever leur oreillette en le faisant, afin d’éviter tout retour de son qui pourrait avoir des répercussions négatives pour le personnel du comité dans la salle.

Je vous demanderais de poser des questions concises et de mentionner à quel témoin elles s’adressent.

Docteur Husain, vous pouvez commencer lorsque vous serez prêt. J’aimerais que vous ne dépassiez pas cinq à sept minutes, car nous ne disposons que d’une heure.

Dr Muhammad Ishrat Husain, chef, Service des troubles de l’humeur, clinicien-chercheur, Division de la psychiatrie générale pour adultes et des systèmes de santé, Centre de toxicomanie et de santé, à titre personnel : Je vous remercie beaucoup de votre invitation à venir témoigner aujourd’hui. Je vais vous donner un aperçu du rôle potentiel des drogues psychédéliques comme traitements émergents des troubles mentaux.

Pour commencer, les drogues psychédéliques sont une classe de drogues librement regroupées qui exerceraient leurs effets en agissant sur une substance chimique du cerveau appelée sérotonine. Les drogues psychédéliques classiques induiraient des effets comportementaux, psychologiques et physiologiques assez complexes grâce à leur action sur le récepteur 2A de la sérotonine.

Dans les années 1950 et 1960, après que ces drogues ont été identifiées pour la première fois, la recherche clinique sur leurs effets thérapeutiques potentiels dans une variété de troubles mentaux et de problèmes de toxicomanie et de dépendances a été florissante. À un certain moment, les National Institutes of Health des États-Unis finançaient plus de 100 essais cliniques. Cependant, à la fin des années 1960 et au début des années 1970, lorsque ces substances sont devenues des stupéfiants inscrits à l’annexe I, toutes les recherches cliniques ont été interrompues pendant plusieurs décennies.

Au cours des 10 à 15 dernières années, on a assisté à un regain d’intérêt pour l’utilisation des drogues psychédéliques, comme la psilocybine et la MDMA, en tant que nouveaux traitements pour une variété de problèmes de santé mentale, notamment les troubles dépressifs majeurs, la détresse en fin de vie et le syndrome de stress post-traumatique.

Au milieu des années 2000, des données encourageantes issues de petits essais cliniques randomisés ont montré que les drogues psychédéliques comme la psilocybine et le LSD, associées à un soutien psychologique, pouvaient entraîner une réduction importante des symptômes de dépression et d’anxiété chez les patients atteints de cancer en phase terminale et souffrant de détresse en fin de vie.

Par la suite, il y a eu un certain nombre d’essais préliminaires chez des patients souffrant de troubles dépressifs majeurs. En 2016, une étude marquante a été publiée, montrant que chez 19 patients souffrant de dépression résistante au traitement, une dose de psilocybine, associée à un soutien psychologique, a entraîné des diminutions importantes et durables des symptômes dépressifs chez ce groupe complexe de patients.

Après ces études, au cours des deux ou trois dernières années, des données plus encourageantes issues d’essais cliniques sur la dépression majeure ont montré que la psilocybine — qui est le composant chimique des champignons magiques —, associée à un soutien psychologique, peut entraîner une diminution substantielle des symptômes dépressifs par rapport à un placebo.

Une étude publiée l’année dernière dans The New England Journal of Medicine — probablement la revue universitaire la plus prestigieuse qui soit — a démontré que chez les patients souffrant de dépression majeure, la psilocybine, associée à un soutien psychologique, était aussi efficace qu’un antidépresseur de première intention pour le traitement de la dépression majeure.

Par la suite, un certain nombre d’essais différents ont été menés sur la psilocybine dans diverses populations cliniques, y compris les patients souffrant de troubles liés à la consommation d’alcool. Un essai a été publié plus tôt cette année dans la JAMA Psychiatry montrant que les patients ayant reçu de la psilocybine combinée à un soutien psychologique avaient un nombre de jours moins élevés, statistiquement significatif, de consommation excessive d’alcool après ce traitement par rapport à un placebo.

Des essais ont également été réalisés avec d’autres drogues psychédéliques, comme l’aya-huasca, également connue sous le nom de DMT...

Le président : Docteur, pardonnez-moi, mais pourriez-vous conclure? Je vous le demande parce que nous devons entendre un autre témoin et passer ensuite aux séries de questions.

Dr Husain : Je conclurai en disant qu’il existe des données encourageantes sur l’utilisation de la psilocybine et de la MDMA pour traiter divers troubles mentaux, dont la dépression et le TSPT. Ces données proviennent de petits essais cliniques. Ce ne sont pas des données qui peuvent être généralisées à ce stade. Je ne crois pas que ces drogues soient prêtes pour une application clinique en raison des problèmes qui ont été observés pendant les essais cliniques dont les résultats ont été publiés, y compris des problèmes liés à la conception des essais et à la petite taille des échantillons. Cela rend très difficile la tâche de confirmer leur innocuité et leur efficacité.

Je vais conclure mon exposé ici. Merci beaucoup.

Le président : Merci beaucoup.

Nous allons maintenant donner la parole à M. Zachary Walsh.

Zachary Walsh, professeur, Département de psychologie, Université de la Colombie-Britannique, à titre personnel : Je vous remercie beaucoup, chers sénateurs, de me recevoir. Je me joins à vous aujourd’hui depuis l’Université de la Colombie-Britannique située sur le territoire non cédé du peuple Syilx Okanagan, à Kelowna.

Je suis un chercheur dans le domaine des drogues psychédéliques et de la santé mentale, ainsi qu’un professeur titulaire de psychologie de l’Université de la Colombie-Britannique. J’assiste à votre réunion pour parler de la thérapie psychédélique comme traitement psychothérapeutique. J’ai publié de nombreux articles à ce sujet, et mes recherches ont été financées par les Instituts de recherche en santé du Canada, ou IRSC, le Conseil de recherches en sciences humaines, ou CRSH, et d’autres organismes.

En plus d’être un chercheur clinique et un éducateur financé par des fonds publics, je suis également un conseiller rémunéré par Numinus Wellness et Entheotech BioMedical en ce qui concerne le développement médical de la thérapie psychédélique comme traitement psychothérapeutique. Je suis un membre non rémunéré du conseil consultatif de la Multidisciplinary Association for Psychedelic Studies et de MycoMedica Life Sciences.

Je suis aussi un psychologue clinicien...

Le président : Monsieur, pourriez-vous parler un peu plus lentement pour aider les interprètes à faire leur travail?

M. Walsh : Bien sûr. Je veux seulement m’assurer que je réussis à tout dire.

J’appuierai mon témoignage d’aujourd’hui principalement sur mes propres recherches et ma connaissance de la documentation de nature empirique portant sur la thérapie psychédélique comme traitement psychothérapeutique, ainsi que sur mon expérience directe de travail avec des personnes qui ont utilisé ou espèrent utiliser des drogues psychédéliques pour traiter le TSPT et des affections connexes.

La catégorie des thérapies psychédéliques comme traitement psychothérapeutique englobe diverses drogues et affections. Au cours de mon exposé, je mettrai l’accent sur la psilocybine, la MDMA et la kétamine.

Ces trois médicaments sont les plus utilisés et les plus étudiés parmi les interventions généralement regroupées sous l’appellation de thérapie psychédélique. Ils diffèrent à d’importants égards, mais ils ont en commun la capacité de provoquer des altérations de l’état de conscience qui durent de deux à huit heures. Ces altérations de l’état de conscience, parfois appelées « voyages de drogue », jouent un rôle clé dans les effets thérapeutiques de ces drogues.

Ce sont les changements qui découlent de ces expériences qui sont prioritaires plutôt que les changements physiologiques directs associés aux médicaments. Le recours aux effets subjectifs aigus est prometteur dans la mesure où il semble indiquer que quelques administrations de ces médicaments peuvent suffire, au lieu d’une utilisation prolongée, comme c’est le cas pour la plupart des sédatifs et des antidépresseurs utilisés pour traiter ces pathologies.

De cette façon, les thérapies psychédéliques peuvent être comparées à des opérations chirurgicales. Elles nécessitent de brèves périodes d’attention clinique intense qui, lorsqu’elles fonctionnent, produisent des modifications de l’état de santé durables. Il semble que les patients retirent quelque chose de leurs expériences psychédéliques qui se traduit par une amélioration du sens de la vie et une réduction du désespoir et de la mauvaise humeur qui caractérisent la dépression, le TSPT et d’autres troubles de la santé mentale.

Il peut sembler inhabituel, dans le domaine médicalisé de la santé mentale, de discuter de sujets comme le sens de la vie et l’espoir, mais d’un point de vue pratique, il n’est pas du tout inhabituel que les gens parlent d’événements uniques qui ont changé leur vie. Nous acceptons le fait que des traumatismes particuliers puissent avoir des conséquences durables, et nous pouvons également reconnaître que des expériences positives profondes peuvent avoir des effets durables.

La psilocybine est de loin la plus ancienne de ces drogues, et elle a une longue histoire en matière d’utilisation par les habitants de ce qui est aujourd’hui l’Amérique du Nord, une histoire qui remonte à une période préalable à la colonisation européenne. La caractérisation de cette utilisation préclinique est complexe, mais elle comprenait presque certainement des applications à des fins semblables à ce que la médecine occidentale pourrait décrire comme la santé mentale et le bien-être. Comme l’a décrit mon collègue, la reprise de la recherche sur la psilocybine a fourni des données relativement probantes sur son efficacité dans les cas de dépression et sur ses effets prometteurs dans les cas d’anxiété et de toxicomanie.

En revanche, la kétamine est la seule de ces drogues qui bénéficie d’un usage médical répandu, bien que ce soit principalement à des fins anesthésiques plutôt que psychédéliques. Nous avons récemment effectué un examen complet de l’utilisation de la kétamine à des fins de santé mentale, et nous avons constaté des effets positifs, mais transitoires, sur la dépression et les idées suicidaires.

Les effets de la psilocybine semblent être plus durables que ceux de la kétamine.

Enfin, la MDMA combine des effets psychédéliques classiques à des effets semblables à ceux que produisent les stimulants, lesquels favorisent l’ouverture d’esprit, la perspicacité et les relations avec les fournisseurs de soins, autant d’attributs importants pour traiter les traumatismes. La documentation sur la MDMA met presque exclusivement l’accent sur le TSPT, pour lequel elle semble démontrer des résultats positifs puissants et durables et une ampleur des effets qui dépasse celle des traitements conventionnels.

Vous remarquez peut-être que toutes ces affections sont différentes. Cependant, des maladies telles que la dépression, l’anxiété et le TSPT se chevauchent considérablement et peuvent représenter des manifestations différentes d’un même problème.

Le président : Monsieur, pouvez-vous conclure votre exposé, s’il vous plaît, afin que nous puissions passer aux questions?

M. Walsh : Bien sûr.

L’une des grandes préoccupations à cet égard est l’utilisation problématique de ces drogues. Bien qu’elles soient utilisées de manière illicite, le risque de dépendance est faible, et il est rare qu’elles soient consommées fréquemment, même dans des contextes illégaux. La psilocybine n’est pas utilisée de manière compulsive, même dans des contextes non contrôlés, et les travaux liés aux modèles animaux le confirment.

Nous devons envisager les autres possibilités que sont les conséquences dévastatrices d’un TSPT non traité et les lacunes des traitements actuellement utilisés.

Dans cette optique, j’exhorte les sénateurs à reconnaître que la situation actuelle de ces drogues — leur utilisation dans le cadre de programmes d’accès spécial et de la participation à des recherches — impose un fardeau excessif aux fournisseurs. Je crois que nous devons réduire les formalités administratives et les règlements trop restrictifs concernant ces traitements. La province de l’Alberta a pris l’importante mesure d’établir des règlements à cet égard, mais les temps d’attente pour consulter des psychiatres sont déjà longs. Je crains qu’il y ait des obstacles inutiles à l’accès à ces drogues pour les vétérans qui ont désespérément besoin de ces traitements. Je pense qu’ils devraient être accessibles à ceux qui pourraient en bénéficier le plus, compte tenu de ce que je considère comme un rapport risques-avantages très positif. Nous ne voulons pas que l’accès à ces drogues soit limité aux gens qui ont beaucoup de ressources ou des relations qui leur permettent d’y avoir accès. Merci beaucoup.

Le président : Nous allons maintenant passer aux questions. Faites en sorte que vos questions et vos réponses soient aussi succinctes que possible. Nous allons commencer par donner la parole au vice-président.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Merci à nos deux invités. À part les substances psychédéliques, comme le LSD ou la psilocybine, est-ce qu’il y a d’autres traitements émergents qui ont fait leurs preuves et qui pourraient contribuer à atténuer le trouble de stress post-traumatique chez nos vétérans?

[Traduction]

M. Walsh : Je me suis concentré sur les drogues psychédéliques.

Vous avez demandé s’il existe d’autres traitements émergents. Il existe un certain nombre d’interventions comportementales, et les gens utilisent le cannabis pour traiter les symptômes, mais le développement le plus prometteur pour le TSPT est probablement l’utilisation de la MDMA comme traitement psychothérapeutique. Elle a fait l’objet d’une procédure accélérée aux États-Unis, et nous envisageons déjà un accès spécial. Elle semble vraiment accélérer le retraitement des traumatismes et faciliter l’établissement d’un lien fort entre le thérapeute et le client de manière rapide. C’est important pour les vétérans qui essaient de franchir les étapes visant à revivre leurs traumatismes et à les traiter de nouveau, des étapes qui sont cruciales pour soigner le TSPT.

La MDMA est donc le plus important et le plus prometteur des nouveaux traitements, mais il y a des gens qui travaillent sans relâche pour trouver d’autres solutions. Cependant, la MDMA est le traitement le plus important.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : La psilocybine a été autorisée par le ministère de la Santé au Canada en janvier dernier seulement. Est-ce qu’on a suffisamment de groupes contrôles pour faire la preuve que ce traitement a des effets positifs sur les troubles de stress post-traumatique, ou est-ce qu’on se fie aux expériences américaines?

[Traduction]

M. Walsh : La recherche sur la psilocybine est principalement axée sur la dépression, et une grande partie de cette recherche a été menée en Europe, principalement au Royaume-Uni, et aussi aux États-Unis à l’Université Johns Hopkins. Elle est principalement axée sur la dépression plutôt que sur le TSPT, bien qu’il y ait tellement de cooccurrence entre les deux troubles que son utilisation pour traiter la dépression et les personnes souffrant de TSPT est une approche raisonnable et optimiste.

Comme je l’ai indiqué, pour traiter le TSPT, l’accent a été mis surtout sur la MDMA, bien qu’il y ait beaucoup de chevauchement entre le TSPT et la dépression.

Le sénateur Yussuff : Je remercie les témoins de s’être joints à nous et du travail qu’ils réalisent dans ce domaine.

Comme vous le savez, les anciens vétérans et les premiers intervenants sont très souvent aux prises avec le TSPT. Cette situation est difficile pour nous, car il y a beaucoup trop de vétérans qui ont besoin d’aide, et nous faisons du mieux que nous pouvons pour les aider.

En quoi les thérapies psychédéliques pourraient-elles améliorer la situation des vétérans et des premiers intervenants qui souffrent du TSPT, comparativement aux traitements établis? Nous voyons les données probantes à cet égard. Évidemment, les données sont examinées par des pairs et par tous les gens que vous voulez. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet? Soit dit en passant, j’adresse ma question aux deux témoins.

M. Walsh : Les meilleurs traitements existants pour le TSPT sont les thérapies par exposition. Il est difficile d’y avoir accès, et elles exigent beaucoup de temps. La participation à ces expositions peut être un véritable obstacle pour de nombreux vétérans.

Malheureusement, de nombreux vétérans se voient donc prescrire des inhibiteurs spécifiques du recaptage de la sérotonine, ou ISRS, des antidépresseurs, des sédatifs dans certains cas, ou une combinaison des deux dans de nombreux cas. Il n’y a pas beaucoup de données probantes qui démontrent leur efficacité. Il s’agit en quelque sorte d’une solution de fortune.

L’un des espoirs, c’est que les psychothérapies psychédéliques fournissent un traitement de ces troubles plus aigu et plus durable. Comme l’a dit mon collègue, le traitement combine l’administration de la drogue et des interventions comportementales. Cela accélère vraiment les processus psychologiques et comportementaux, au lieu de masquer les symptômes comme le font les antidépresseurs et les sédatifs. Je vais laisser mon collègue fournir le reste de la réponse.

Dr Husain : Merci.

Je suis d’accord pour dire que ce qui distingue les thérapies psychédéliques actuellement disponibles comme traitements psychothérapeutiques, c’est que ces thérapies semblent avoir un effet beaucoup plus puissant et durable sur les symptômes du traumatisme que les traitements que nous utilisons actuellement.

Comme l’a mentionné M. Walsh, nous disposons actuellement d’une combinaison de médicaments antidépresseurs et de traitements psychologiques fondés sur les principes de la thérapie cognitivocomportementale. Bien que ces traitements soient efficaces pour un certain groupe de personnes, un pourcentage assez important des patients ne réagissent pas à ces traitements, en particulier ceux qui souffrent du TSPT et d’autres problèmes de santé mentale ou de dépendance comorbides, comme la dépression, l’anxiété, la consommation d’alcool, et cetera. Les données qui ressortent des essais cliniques, qui ont été menés dans plusieurs centres — dont quelques-uns au Canada —, sont liées à l’utilisation de la MDMA comme traitement psychothérapeutique pour soigner des patients souffrant du TSPT, notamment des patients souffrant d’un TSPT assez complexe accompagné de troubles comorbides, comme la dépression, l’anxiété, des problèmes de toxicomanie et des pensées suicidaires. Les résultats ont montré une amélioration assez soutenue des symptômes du TSPT pour ce groupe de patients.

Toutefois, je vais simplement ajouter que certaines des méthodologies d’essais ont fait l’objet de critiques. Comme vous pouvez l’imaginer, il est très difficile de mener un essai clinique randomisé à l’aveugle, car lorsque vous administrez une drogue psychédélique, le patient sait qu’il le reçoit, car les effets psychoactifs des drogues sont très puissants. Donc, l’obtention d’un groupe de contrôle adéquat a été un défi. Plus de 90% des personnes qui ont été choisies pour recevoir la drogue psychédélique savent qu’ils la reçoivent, et ce n’est pas ce que nous sommes habitués d’observer dans notre évaluation traditionnelle des données probantes.

Cela complique donc les choses, néanmoins les données sont extrêmement encourageantes en ce qui concerne l’utilisation de la MDMA comme traitement psychothérapeutique dans le cas d’un TSPT. Étant donné le nombre important de premiers intervenants et de vétérans dont l’état ne s’améliore pas à la suite des traitements actuels, il vaut vraiment la peine d’envisager d’utiliser la MDMA comme traitement psychothérapeutique pour ce groupe de personnes.

Le sénateur Yussuff : Les difficultés auxquelles nous faisons face au Canada sont grandes, compte tenu du nombre de vétérans que nous avons, y compris des premiers intervenants. Que recommanderiez-vous à notre sous-comité en ce qui concerne nos efforts pour aider Anciens Combattants Canada? Comment peuvent-ils encourager les provinces à soutenir les vétérans qui ont besoin de psychothérapies et à trouver des traitements qui les aideront à surmonter leurs symptômes et à reprendre une vie normale dans notre pays?

M. Walsh : Je suis tout à fait à l’aise de dire que je recommande un accès accru. Comme l’a fait remarquer mon collègue, nous avons besoin de mener davantage d’études. Toutefois, si nous attendons les résultats de ces études, les essais classiques contrôlés par placebo poseront un réel problème. Dans le groupe témoin, le groupe sous placebo, les personnes seront allongées, porteront un masque pour les yeux et un casque d’écoute, et ne ressentiront rien pendant huit heures. Ainsi, non seulement les gens devineront quand ils font partie du groupe actif, mais la situation des personnes qui font partie du groupe témoin sera peut être assez désagréable.

Nous devons trouver d’autres moyens d’évaluer ces traitements. Les effets préliminaires sont vraiment bons, et les médicaments sont très sécuritaires, d’après ce que nous savons. Compte tenu des taux élevés de tendance suicidaire, de surdose, de conséquences horribles du TSPT et de problèmes réels que posent les traitements existants, je pense que nous devons faciliter l’adoption assez rapide de la MDMA pour traiter le TSPT, tout en la surveillant de près les traitements au cas où il y aurait des aspects que nous ne connaissons pas.

Les risques de ces médicaments sont assez bien caractérisés, car ils ont une longue histoire d’utilisation hors des contextes médicaux. Même dans les cas de consommation illégale, ils ne sont pas aussi dangereux qu’un grand nombre de drogues. Ils ne sont pas comme les opioïdes, la cocaïne ou l’alcool, qui risquent de créer une habitude chez les consommateurs. Certaines personnes pourraient succomber à cela, mais en général, ces drogues sont très sécuritaires et très prometteuses. Comme vous le savez, les maladies que nous devons traiter sont très graves. Je ne vois pas d’avantage réel à être trop conservateur.

Nous devons traiter les gens pendant qu’ils vivent. La demande pour ces traitements est énorme parmi les personnes qui souffrent. Je crains que les gens ne se tournent vers des fournisseurs illicites; ils le font déjà. Nous devons fournir un accès sécuritaire aux nombreux vétérans qui veulent avoir recours à ces traitements, sinon ils achèteront ces drogues sur le marché gris ou resteront sans traitement. Les conséquences seront assez négatives si nous n’autorisons pas l’accès à ces drogues.

Dr Husain : Je suis d’accord pour dire que l’utilisation de la MDMA comme traitement psychothérapeutique a une longueur d’avance sur les autres drogues psychédéliques, en ce qui concerne l’existence de données probantes. Les chercheurs ont mené une étude de phase trois, ce qui est généralement requis pour passer à l’utilisation clinique. Cette étude a été publiée. Je dirais que, oui, nous devrions assurément envisager de faciliter l’accès à la MDMA comme traitement psychothérapeutique administré par des fournisseurs formés dans des établissements adéquats.

Je m’inquiète de la manière dont ce type de traitement pourrait être étendu à un grand nombre de vétérans et d’autres personnes qui souffrent, car il s’agit d’un traitement qui exige beaucoup de ressources. En tant que fournisseurs, nous devons réfléchir à la façon dont nous pourrions étendre le traitement, car à l’heure actuelle, il nécessite deux thérapeutes qualifiés pendant au moins 12, et parfois jusqu’à 20, heures de soutien psychologique entourant le traitement. Là où je suis en Ontario, l’accès à une psychothérapie couverte par l’assurance-santé de l’Ontario (OHIP) est presque impossible.

Je me demande simplement comment nous allons étendre ce traitement. Comme vous l’avez mentionné, un grand nombre de vétérans souffrent, mais comment allons-nous les faire tous bénéficier de ce traitement, ou même ceux dont les cas sont les plus complexes? C’est une question à laquelle il faut également réfléchir.

La sénatrice Anderson : Je vous remercie de vos exposés. Ma question s’adresse au Dr Husain. Vous avez parlé de l’importance de l’utilisation des drogues psychédéliques en association avec un soutien psychologique. Quels sont les risques si elle ne s’accompagne pas d’un soutien psychologique? Vous en avez parlé brièvement, mais je me demande également si les mêmes obstacles se présentent pour ce traitement que pour les traitements traditionnels. Je parle ici des listes d’attente et du nombre de fournisseurs de soins qualifiés. J’aimerais que vous en disiez un peu plus à ce sujet, si possible. Merci.

Dr Husain : Absolument. C’est l’une de mes préoccupations. Si nous démontrons que ces traitements sont sécuritaires et efficaces, comment assurer un accès équitable à ceux qui en ont besoin?

Pour ce qui est de votre première question sur le soutien psychologique, on considère que c’est un élément clé du traitement. On présume que le soutien contribue également à l’effet thérapeutique. Il n’y a cependant pas assez de données probantes fiables pour l’affirmer, car les études — par exemple, sur l’utilisation de la psilocybine pour le traitement de la dépression — sont encore relativement petites quant au nombre de patients recrutés. Bien que les études aient montré qu’il y a des effets antidépresseurs et que la relation avec le thérapeute a contribué à l’effet thérapeutique, ces études sont effectuées à toute petite échelle, de sorte que nous ne pouvons pas dire avec certitude si la psychothérapie est l’ingrédient clé, si c’est l’expérience hallucinogène que les médicaments provoquent ou si c’est une combinaison des deux.

Des préoccupations ont été exprimées concernant la surveillance de la personne qui vit une expérience hallucinogène de six à huit heures, car beaucoup de gens qui souffrent de problèmes de santé mentale, comme la dépression et le trouble de stress post-traumatique, peuvent en ressortir très bouleversés. On pense qu’il est nécessaire d’assurer une surveillance pour, d’une certaine manière, guider les gens dans cette expérience pénible ou difficile. De plus, à l’approche du traitement, il est important d’informer le patient sur ce qu’il va vivre et de fixer des objectifs pour la séance. Après la thérapie proprement dite, on fait le point sur ce qui s’est passé pendant la séance et sur la manière dont la personne peut utiliser les enseignements tirés et les intégrer dans sa vie. Il y a donc beaucoup de soutien psychologique dans le cadre de ce traitement.

À ma connaissance, dans aucune étude la psilocybine, la MDMA ou le LSD n’ont été utilisés dans des populations cliniques sans qu’il n’y ait de soutien psychologique. À ce stade-ci, nous ne pouvons pas dire avec certitude s’il est sécuritaire de ne pas recourir à cet élément clé.

On ne connaît pas les besoins à cet égard, mais comme je l’ai dit plus tôt, 12 à 20 heures de psychothérapie par séance, c’est beaucoup, et je me demande comment nous allons accroître l’accès pour éviter que le traitement devienne quelque chose qui ne soit accessible qu’à quelques privilégiés.

M. Walsh : C’est l’une des questions auxquelles nous travaillons. Pour quelqu’un qui a participé à cette thérapie, il est difficile d’imaginer que l’on puisse procéder sans rencontrer la personne au préalable. Il faut au moins une séance pour en discuter auparavant, puis la séance comme telle dure environ huit heures, et il faut aussi en parler après. Nous essayons d’améliorer le processus pour éliminer certains de ces obstacles, mais il est difficile d’imaginer que l’on puisse procéder sans tenir au moins une séance substantielle avant. Ensuite, il faut que quelqu’un soit présent en tout temps, quelqu’un qui est formé, au cas où les choses se compliqueraient, ce qui pourrait se produire. Ensuite, quelqu’un doit analyser le tout en quelque sorte. Et ce n’est que pour une seule séance où l’on administre la drogue psychédélique. Souvent, il y en a deux.

Il est difficile d’imaginer que l’on puisse réduire la durée à moins de 20 heures, mais la comparaison avec l’intervention chirurgicale est pertinente, car lorsque les problèmes ne sont pas traités, nous finissons par passer beaucoup plus de 20 heures à traiter un TSPT résistant au traitement.

La sénatrice M. Deacon : Je vous remercie tous les deux d’être ici aujourd’hui. J’ai essayé de me renseigner un peu sur la psychothérapie assistée par la MDMA avant notre réunion d’aujourd’hui, en examinant les choses en particulier d’un point de vue national et international, mais je reviens toujours à l’objectif d’essayer d’aider l’ancien combattant. Je ne sais pas si mes hypothèses sont fondées ou non au sujet de cette question. J’essaie de penser à ce à quoi ressemble le processus de 10 heures dont vous avez parlé. Il faut que les anciens combattants soient prêts à accepter de suivre un traitement pour les traumatismes liés au stress opérationnel. Vous le savez mieux que moi, mais je pense que certains anciens combattants — et peut-être ceux qui en ont le plus besoin — hésitent à recourir à ce genre de thérapies, par exemple, et sont réticents à prendre des médicaments ou à consulter un psychothérapeute en raison du sentiment de faiblesse qui est associé, à tort ou souvent, à ces choses.

Pour poursuivre dans le même ordre d’idées, est-ce le cas? Pensez-vous qu’ils seraient davantage disposés à utiliser des substances comme la MDMA ou le cannabis parce que les préjugés entourant les produits pharmaceutiques n’y sont pas associés et qu’elles sont peut-être davantage considérées comme des drogues à usage récréatif? Est-ce que je me trompe ou suis-je à côté de la plaque sur ce point?

M. Walsh : Une chose qui les rend attrayantes, c’est qu’il y a une certaine mentalité de lutte qui entre en jeu. Elles s’attaquent au problème de manière vigoureuse comparativement à un cycle sans fin de thérapie par la parole et de médicaments sur ordonnance. C’est attrayant pour certains. Cependant, d’autres ne voudront pas suivre ce traitement parce qu’il est intimidant de revivre le traumatisme, le mécanisme qui a un effet curatif. La MDMA offre un espace sûr pour lutter contre les démons qui hantent bon nombre de ces personnes. Il y a un aspect qui fait appel à une mentalité orientée vers l’action en quelque sorte qui élimine peut-être une partie des préjugés et des inquiétudes sur l’utilité de parler continuellement de ce problème. Je suis en faveur des thérapies comportementales, mais je comprends aussi la résistance de certains, qui se demandent comment ils sont censés parler à cette personne et se disent qu’ils ont déjà parlé à la personne précédente. C’est une option différente qui, je pense, offre un réel espoir de résolution proactive du traumatisme.

Dr Husain : Je suis du même avis. Je pense que c’est attrayant pour un certain groupe d’individus. C’est particulièrement intéressant pour ceux qui ne vont pas mieux avec ce qui est actuellement offert.

En ce qui concerne les gens qui considèrent que les approches traditionnelles du traitement des troubles de la santé mentale sont mal vues, je pense que cette approche offre quelque chose de nouveau et une façon différente de faire les choses. À certains égards, moins de préjugés sont associés à cette approche, surtout maintenant que ce domaine est mis en avant et que les médias s’y intéressent. Les bienfaits potentiels de ce traitement sont du domaine public. Moins de préjugés y sont associés qu’à bien d’autres approches de traitement en santé mentale.

La sénatrice M. Deacon : Merci. Ce serait formidable si nous en étions au moment précis où nous pourrions en discuter avec quelqu’un qui a suivi cette thérapie, ce processus. Je suis en train d’y réfléchir à voix haute.

Enfin, monsieur Walsh, vous avez comparu en 2019 devant le Comité permanent des anciens combattants de la Chambre des communes. Il était question de la légalisation du cannabis et de la façon dont cela pourrait être utile pour le traitement des anciens combattants qui souffrent de traumatismes liés au stress opérationnel parce que les préjugés associés à cette substance tomberaient. Avez-vous constaté qu’il y avait des préjugés similaires entourant ce dont nous parlons aujourd’hui? Cette question n’est pas très différente de ma première question, mais je me demande si vous pouvez faire un lien avec le travail que vous avez fait dans le passé.

M. Walsh : Je pense que ce sont des thérapies complémentaires d’une certaine manière. Le cannabis sert davantage à traiter les symptômes. Je ne pense pas qu’il ait autant de propriétés curatives. Idéalement, le traitement des symptômes permet aux gens de s’engager davantage dans leur vie et de faire certaines choses qui peuvent les aider à renouer avec leur famille et leur travail parce qu’ils dorment bien et qu’ils ne sont peut-être pas aussi anxieux et hyperactifs. C’est l’espoir qui est associé au cannabis et c’est l’effet qu’il a. On parle ici d’une approche plus curative. C’est davantage comme une intervention chirurgicale, durant laquelle les gens revivent le traumatisme.

D’après ce que nous savons du TSPT, il s’agit d’une expérience traumatique non résolue, répétée, qui n’est jamais complètement digérée. En allant en profondeur dans une séance assistée par la MDMA, les gens peuvent commencer à digérer ces traumatismes, à les résoudre et à comprendre comment ils s’intègrent dans leur vie plutôt que de les avoir constamment dans leur conscience. Le cannabis ressemble davantage à un pansement. Les pansements ne sont pas nécessairement une mauvaise chose, mais il s’agit ici de quelque chose qui est plus profondément curatif, alors que l’utilisation du cannabis s’apparente davantage à une gestion des symptômes.

La sénatrice M. Deacon : Merci de votre présence.

Le président : Docteur Husain, avez-vous quelque chose à ajouter?

Dr Husain : Je n’ai rien à ajouter.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Merci encore à nos témoins. Je suis d’accord avec mon collègue le sénateur Yussuff pour dire que le travail que vous faites est très important, puisque vous venez en aide à nos vétérans, qui souffrent de problèmes médicaux qui sont souvent chroniques.

On sait que le taux de suicide chez les vétérans est bien au-delà de la moyenne par rapport à la population générale. Peut-on faire un lien de causalité entre l’efficacité des traitements de troubles de stress post-traumatique et la réduction du taux de suicide, docteur Husain?

[Traduction]

Dr Husain : Oui, il est prouvé qu’à mesure que les symptômes du TSPT se résorbent puis disparaissent, c’est-à-dire qu’ils disparaissent totalement, le risque de suicidalité, qu’il s’agisse d’idées suicidaires, de tentatives de suicide ou de suicide, est beaucoup plus faible. Tout traitement qui améliore les symptômes du trouble de stress post-traumatique réduira aussi, je crois, sans aucun doute, le risque de suicide chez un individu.

M. Walsh : Tout à fait. En plus du suicide, nous devons penser aux surdoses et aux décès accidentels qui peuvent être presque une forme plus lente de suicide. Je pense que nous pouvons voir une réduction sur ce plan également.

Cela sort peut-être du cadre de cet examen, mais les thérapies à la kétamine ont également démontré qu’elles avaient des effets remarquables sur la réduction du taux de suicide. La mesure dans laquelle c’est psychédélique est discutable. C’est une autre thérapie émergente qui pourrait être utile pour la période suicidaire aiguë que nous devrions examiner. Elle est déjà utilisée, mais pas suffisamment.

Le président : Merci beaucoup.

Le sénateur Yussuff : Merci encore aux témoins. J’ai deux ou trois points au sujet d’une réponse précédente. Les progrès en Alberta sont très positifs en ce qui concerne l’utilisation de drogues psychédéliques. Cependant, il ne s’agit que d’une seule province. Beaucoup d’autres provinces n’ont pas encore reconnu l’utilisation des drogues psychédéliques dans le traitement du TSPT. Il est important de souligner que toutes les régions de notre pays comptent d’anciens combattants.

Docteur Husain, pour revenir à un point que vous avez soulevé plus tôt, j’aimerais savoir ce que vous recommanderiez sur la façon dont nous pouvons aider Anciens Combattants Canada pour que l’on puisse élargir l’accès à cette thérapie tout en tenant compte du fait que chaque province a sa propre approche sur l’évolution des thérapies. Comment pouvons-nous le faire? Les anciens combattants de l’Alberta obtiendront au moins la reconnaissance de leur province, mais nous n’avons pas tous la même approche dans ce pays. Il ne s’agit que d’une seule province. Partout au pays, d’anciens combattants ont besoin d’aide.

Dr Husain : Ma réponse portera sur le TSPT, car il s’agit probablement du problème de santé mentale le plus répandu chez les anciens combattants. Dans ce contexte, la psychothérapie assistée par la MDMA est la principale candidate à l’utilisation clinique.

Lorsqu’il s’agit de recommander que nos anciens combattants aient accès à ce traitement, nous devons d’abord déterminer lesquels en bénéficieraient le plus. D’après les données dont nous disposons, je pense qu’il s’agirait de ceux qui souffrent d’un TSPT complexe, de ceux dont l’état ne s’est pas amélioré avec ce que recommandent les lignes directrices factuelles en matière de traitement.

Pour ce qui est de l’approche fédérale, nous devons informer les provinces que, de manière générale, les données sont très encourageantes au chapitre non seulement de l’efficacité, mais aussi du profil d’innocuité. En fait, nous ne serons pas en mesure de produire davantage de données sur l’innocuité et l’efficacité tant que nos anciens combattants qui souffrent de symptômes de TSPT difficile à soulager ne pourront pas accéder plus facilement à ce traitement.

Je ne pense pas avoir les connaissances ou l’expertise nécessaires pour dire comment ce plaidoyer devrait se faire du fédéral aux provinces, mais je dirais que nous rendrions le traitement accessible à un groupe restreint de personnes qui ne répondent pas aux traitements qui sont actuellement offerts. Nous devrions nous assurer que notre pays dispose d’une forme de mécanisme d’inscription ou d’une base de données pour les prestataires formés, car je ne pense pas que ce soit quelque chose qui puisse être fait par n’importe quel psychothérapeute ou n’importe qui. Il faut une formation et des approches normalisées pour être en mesure d’administrer ce traitement.

Il y a beaucoup de travail à faire pour régler certains de ces aspects, mais nous devons avant tout cibler les anciens combattants qui en ont le plus besoin.

Le sénateur Yussuff : Monsieur Walsh, voulez-vous ajouter quelque chose?

M. Walsh : L’une des choses qui suscitent des préoccupations, c’est que si la thérapie est entièrement supervisée par des psychiatres, il y aura un problème d’engorgement. Il sera très difficile d’y avoir accès. Nous devons trouver un programme dans lequel la supervision est assurée par des psychiatres, mais aussi dans lequel les travailleurs sociaux et les psychologues cliniciens ont un rôle important à jouer.

Les prestataires sont très enthousiastes, car ils voient de l’espoir dans ces thérapies. Avec une supervision médicale en cas de problèmes aigus, que nous ne prévoyons pas, je ne pense pas qu’il soit trop dangereux de permettre à des personnes ayant reçu une formation complémentaire d’offrir les thérapies. Ces séances de huit heures sont très longues. Il faut quelqu’un pour les superviser, et il est difficile de trouver des psychiatres ou des médecins qui ont ce genre de disponibilité.

Cela dit, le TSPT non traité représente une charge énorme pour le système de soins de santé sur une longue période. Nous devons comprendre que si nous faisons un travail important en amont, ce sera en fin de compte non seulement plus efficace pour les patients, mais il y aura des économies à long terme en ce qui concerne les suicides, les surdoses et tout ce qui découle du TSPT non traité. Cela peut s’avérer très rentable, et nous devons donner la possibilité à d’autres professionnels que les médecins de superviser certains aspects pratiques. Sinon, il y aura un énorme goulot d’étranglement.

La sénatrice Anderson : Combien de temps s’écoule en moyenne entre une étude de groupe témoin et la mise en œuvre? Pourriez-vous nous dire quelles drogues psychédéliques peuvent être utilisées légalement au Canada?

Dr Husain : Je peux répondre à la question concernant le délai. Les essais cliniques, qui représentent la norme de référence pour l’établissement de l’efficacité et de la sécurité de toute intervention, passent habituellement par diverses phases. Il y a les phases I et II, puis on a besoin des données cliniques réunies au cours des essais cliniques de la phase III pour faire approuver l’utilisation clinique.

Jusqu’à présent, la MDMA est la seule drogue psychédélique à atteindre la phase III pour le TSPT. Il y a un plan pour des études de phase III. Il s’agit d’études internationales sur la thérapie assistée par la psilocybine pour traiter la dépression résistante aux traitements auxquelles participent plusieurs centres. Ces études sont également en cours.

Je dirais qu’il pourrait s’écouler encore au moins deux ou trois ans entre la complétion de l’étude de phase III et l’utilisation réelle en clinique. Comme les provinces et territoires doivent accorder leur approbation pour ensuite avoir accès à la substance contrôlée afin de l’utiliser, je dirais que l’utilisation clinique réglementée n’est pas pour demain.

Je ne sais pas exactement quelles drogues psychédéliques sont accessibles. Je ne pense pas que celles qui ont été mises à l’essai sur les populations cliniques jusqu’à présent, comme le LSD, la psilocybine et la MDMA, soient accessibles légalement au Canada pour l’instant.

M. Walsh : Vous avez absolument raison au sujet du délai, mais je dirais qu’il est un peu aberrant de s’attendre à ce que les drogues psychédéliques passent par le même processus, car contrairement aux nouveaux médicaments, les risques sont bien compris, puisque ces drogues sont consommées en dehors des contextes médicaux depuis des lustres. On peut également s’appuyer sur un imposant corpus documentaire datant des années 1940 et 1950. Espérons que ce dernier se traduira par des économies.

En ce qui concerne les drogues psychédéliques légales, la kétamine a un certain effet psychédélique. Sa place en thérapie fait l’objet d’un débat, mais elle présente un certain nombre de similitudes. Elle est couramment utilisée comme anesthésique et sert de plus en plus d’antidépresseur. Cette drogue est donc légale, et un certain nombre de personnes qui souhaitent élaborer des psychothérapies psychédéliques travaillent avec la kétamine en attendant l’approbation de substances comme la psilocybine et la MDMA, car elle est accessible. Je pense toutefois que si la psilocybine et la MDMA l’étaient aussi, ces personnes seraient plus susceptibles de les utiliser.

La kétamine offre également l’avantage de ne pas faire effet aussi longtemps. Ses effets durent environ deux heures au lieu de six ou huit. Elle exige donc moins de ressources, mais ses effets semblent également moins durables. Nous devons réaliser d’autres recherches pour comprendre la place de la kétamine dans ce paradigme, mais il s’agit d’un antidépresseur approuvé au Canada et aux États-Unis sous le nom de Spravato.

Dr Husain : Je voudrais contredire respectueusement une observation selon laquelle on peut s’appuyer sur des données antérieures pour évaluer la sécurité. Pour la psilocybine, notamment, les essais cliniques réalisés jusqu’à maintenant ont été menés sur des groupes de patients triés sur le volet. Par exemple, tous les essais cliniques ont exclu les patients aux idées suicidaires, et nous savons que les patients atteints de dépression ont souvent de telles pensées. Je pense qu’il serait un peu prématuré de faire des extrapolations à partir de données antérieures en matière de sécurité pour établir un lien entre les consommateurs à des fins récréatives et les populations cliniques. Par exemple, aucune étude n’a été menée sur les patients atteints de trouble bipolaire ou ayant des antécédents familiaux de psychose ou du trouble du spectre de la schizophrénie. Un certain doigté et une certaine prudence sont donc de mise quand on fait des extrapolations à partir de données antérieures.

M. Walsh : J’en conviens, mais nous ne sommes pas dans le noir total. Des millions de personnes ont consommé ces drogues, ce qui n’est pas le cas des nouveaux produits pharmaceutiques.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Quand j’écoute mes collègues et nos invités, il y a une question qui me vient en tête. Hier, l’ombudsman des forces armées a fait une sortie publique dans laquelle il a reproché au gouvernement de ne pas avoir traité avec efficacité nos réservistes et les Rangers des forces armées qui souffrent de maladies ou de troubles parce qu’ils étaient sur des scènes de combat.

Je comprends que cela peut être la même situation pour nos vétérans. A-t-on des données fiables sur le nombre de vétérans qui sont ou qui ont été traités au moyen de substances psychédéliques? A-t-on des données fiables au Canada sur les vétérans qui ont été traités avec ces substances?

[Traduction]

Dr Husain : Je n’ai jamais entendu parler de données tirées d’essais cliniques qui porteraient précisément sur les vétérans.

Je ne sais pas si vous avez quelque chose à ce sujet, monsieur Walsh.

M. Walsh : Les essais cliniques sur la MDMA auxquels j’ai participé au Canada ne portaient pas principalement sur les vétérans, mais sur des personnes ayant le TSPT pour d’autres causes. En bref, non, nous ne disposons pas de données fiables sur les effets de ces médicaments sur les vétérans canadiens.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Je comprends que nous avons un tableau vierge au départ et que, au fil des mois ou des années à venir, on pourra tirer des conclusions sur l’efficacité de ces médicaments, ou alors on pourra se fier à ce qui s’est fait dans d’autres pays. J’essaie aussi de comprendre dans quel contexte médical on pourra utiliser ces substances pour possiblement tirer des conclusions sur leur efficacité.

[Traduction]

Dr Husain : Je pense que les données sur les thérapies assistées par la MDMA pour le trouble de stress post-traumatique chez les non-vétérans, par exemple, pourraient quand même être appliquées aux vétérans. Selon moi, cela permet d’évaluer si la psychothérapie assistée par la MDMA est sécuritaire et efficace pour le traitement du TSPT. Pour ce qui est de dire comment on déciderait de la manière dont cette thérapie serait bénéfique pour les vétérans, je proposerais ici encore de mettre l’accent sur ceux qui en ont le plus besoin, c’est-à-dire ceux à qui les traitements actuels n’ont pas permis d’aller mieux.

Pour ce qui est des autres drogues psychédéliques, les vétérans souffrent d’autres problèmes de santé mentale également, notamment de dépression, d’anxiété, de trouble de l’usage de l’alcool et d’autres genres de dépendances. Je pense que nous en avons encore beaucoup à apprendre sur la thérapie assistée par la psilocybine et son efficacité et sa sécurité potentielles. Je pense que nous en apprendrons beaucoup dans les prochaines années. Je sais que la semaine prochaine, une importante étude doit être publiée sur l’efficacité de la thérapie assistée par la psilocybine pour traiter la dépression résistante au traitement. Voilà qui permettra d’étoffer les données sur la sécurité et l’efficacité. Les Instituts de recherche en santé du Canada ont lancé un appel de financement concernant la thérapie assistée par la psilocybine afin d’étudier trois populations cliniques différentes, soit celles atteintes de dépression, du trouble de l’utilisation de l’alcool et de détresse en fin de vie, dans le but d’en évaluer l’efficacité et la sécurité sur les populations canadiennes. Ici encore, cette étude nous permettra de disposer de plus de données à cet égard. Les instituts s’attendent à des résultats rapides des appels de financement pour cette étude d’une durée de deux ans. Je pense que toutes ces initiatives nous fourniront plus d’informations et nous permettront ainsi de dire de manière concluante si ces approches thérapeutiques sont sécuritaires et efficaces.

Le président : Je vous remercie.

M. Walsh : Je n’ai pas grand-chose à ajouter, si ce n’est que pour exprimer mon accord. Pendant que nous attendons, je pense que nous pouvons tirer des extrapolations à partir des non-vétérans, en nous appuyant notamment sur des études menées aux États-Unis.

La sénatrice M. Deacon : Je vous remercie. Je poursuivrai peut-être dans la même veine que le sénateur Boisvenu. Il ne fait aucun doute que les problèmes de santé mentale sont endémiques au pays, à l’intérieur et à l’extérieur de la population des vétérans. C’est là une grande préoccupation dans toutes les communautés. Nous pouvons certainement apprendre dans tous les secteurs que nous examinons.

À titre de sénatrice, je ne peux m’empêcher de me demander : mais que fait-on maintenant? Je vous pose cette question aujourd’hui dans le cadre du travail que nous tentons de réaliser dans cette étude afin d’aider nos vétérans en crise. Il y a quelques instants, vous avez expliqué certaines initiatives porteuses d’espoir grâce à la recherche, aux subventions et à la collecte de nouvelles données. Qu’attendez-vous de nous?

Dr Husain : J’aimerais que du financement soit offert pour réaliser des recherches et des essais cliniques sur ces traitements émergents et fort prometteurs, notamment dans la population des vétérans. Ce financement permettrait deux choses : il faciliterait l’accès des vétérans aux traitements dans un contexte sécuritaire et il nous permettrait d’accroître le corpus de données sur leur sécurité et leur efficacité. Je pense qu’on ferait d’une pierre deux coups. En finançant plus d’essais cliniques, on peut améliorer l’accès et recueillir plus de données sur la sécurité et l’efficacité.

M. Walsh : Je conviens que nous devons réaliser plus d’essais cliniques, mais j’ignore si cela aura une incidence notable sur l’accès à court terme. Je pense que j’emprunterais une approche légèrement différente, qui consiste à augmenter l’accès tout en surveillant attentivement la situation. Je dis la même chose, en quelque sorte, mais au lieu de proposer de faire des essais cliniques et de permettre aux gens d’avoir accès aux substances dans le cadre de ces essais, je pense que nous devrions offrir l’accès.

Le rapport risque-avantages est excellent dans ces interventions, même avec les limites de nos connaissances actuelles. Nous devons surveiller attentivement le déroulement des essais cliniques et recueillir des données, mais ces essais sont onéreux et lents, et l’essai comparatif randomisé classique ne constitue peut-être pas le meilleur moyen de comprendre ces médicaments à l’effet psychoactif considérable. On joue un peu au théâtre en menant un essai contrôlé contre placebo quand la personne qui prend le placebo reste étendue là et ne ressent aucun effet, alors que la personne qui a pris la substance active vit les expériences psychoactives les plus prononcées de sa vie. J’ai l’impression que nous tentons à tout prix de soumettre ces substances à des essais cliniques contrôlés contre placebos, alors que ce n’est peut-être pas la meilleure manière de procéder.

Je pense que les données du monde réel nous renseigneront peut-être mieux, plus exhaustivement et plus valablement. Nous devrions mettre les patients et les vétérans au premier plan et leur donner accès aux substances, tout en surveillant adéquatement les personnes qui reçoivent ces traitements à cette étape précoce afin d’améliorer les traitements au fil du temps. Je ne pense pas que nous devrions recourir à des essais comparatifs randomisés, car ils tendent à profiter aux chercheurs, aux organismes de recherches et à tous ceux d’entre nous qui veulent accroître le savoir. Il existe suffisamment de souffrance dans le monde actuellement; nous devons tenter d’offrir ces médicaments à ceux qui en ont besoin.

Le président : Je voudrais remercier les deux témoins. La MDMA s’appelle ecstasy dans la rue, n’est-ce pas? Est-ce l’ecstasy?

M. Walsh : En général, oui, il y a un chevauchement, mais la substance qui se vend dans la rue sous le nom d’ecstasy n’est souvent pas de la MDMA. Le fait que l’ecstasy qu’on trouve dans la rue soit un mélange de poudres blanches suscite beaucoup de préoccupations. Je ne pense pas qu’on puisse dire qu’il y a une équivalence totale à cet égard.

Le président : Je m’interroge à propos des effets indésirables de substances après l’essai contrôlé. Avez-vous de l’information à ce sujet? L’ecstasy, ou MDMA, a certainement l’inconvénient de provoquer une dépression, un sentiment de solitude ou l’impression de ne pas être complètement soi-même dans les jours qui suivent. Je me demande si ce phénomène s’est déjà manifesté lors des traitements à la MDMA donnés dans le cadre des études ou des tests que vous avez menés?

Dr Husain : Si on examine les données sur les participants qui ont reçu de la MDMA ou de la psilocybine pour ensuite les comparer à celles sur les groupes de référence, on n’observe pas de différence statistique marquée au chapitre des effets indésirables. De façon générale, il n’y a pas eu d’effets indésirables graves dans les essais.

C’est encourageant et cela montre que certaines des idées préconçues que vous avez sur le déclin de l’humeur après la prise de MDMA sont en fait erronées. Je pense que ces idées viennent de la consommation d’ecstasy achetée dans la rue; or, les gens la consomment souvent avec d’autres substances comme l’alcool et diverses drogues. Cela pourrait alimenter les fausses impressions.

M. Walsh : Voilà pourquoi c’est de la psychothérapie assistée par les drogues psychédéliques. Le fait d’avoir quelqu’un qui vérifie que tout se passe bien après que la personne a reçu la préparation peut être très utile, et je conviens qu’il n’y a pas beaucoup de préoccupations à cet égard. Néanmoins, le fait que quelqu’un vérifie l’état de la personne après la prise du traitement peut avoir une incidence considérable. Habituellement, les gens reçoivent un appel téléphonique le lendemain de leur session et viendront à une rencontre de suivi une semaine plus tard. Je pense que cela peut atténuer substantiellement les préoccupations.

Le président : Je vous remercie beaucoup. Merci aux témoins et aux sénateurs de leur participation. Je vous remercie.

(La séance est levée.)

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