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Sous-comité des anciens combattants

 

LE SOUS-COMITÉ DES ANCIENS COMBATTANTS

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 23 novembre 2022

Le Sous-comité des anciens combattants se réunit aujourd’hui, à midi (HE), avec vidéoconférence, pour examiner, pour en faire rapport, les questions relatives aux anciens combattants, y compris les services et les prestations dispensés, les activités commémoratives, et la poursuite de la mise en œuvre de la Loi sur le bien-être des vétérans.

Le sénateur David Richards (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Sous-comité des anciens combattants. Je m’appelle David Richards, sénateur du Nouveau-Brunswick et président de ce sous-comité. Je suis accompagné aujourd’hui de mes collègues du sous-comité : le sénateur Boisvenu, du Québec; la sénatrice Anderson, des Territoire du Nord-Ouest; la sénatrice Deacon, de l’Ontario; et le sénateur Yussuff, de l’Ontario.

Nous poursuivons notre étude sur les traitements émergents pour les anciens combattants souffrant de traumatismes liés au stress opérationnel. Nous accueillons, par vidéoconférence, Mme Lynnette Averill, professeure agrégée au Département de psychiatrie et de sciences comportementales Menninger du Baylor College of Medicine et conseillère scientifique en chef de l’organisme Reason for Hope; et Mme Sabrina Ramkellawan, coprésidente du conseil d’administration de MAPS Canada — la Multidisciplinary Association for Psychedelic Studies.

Je vous remercie toutes les deux d’être avec nous aujourd’hui par vidéoconférence. Nous allons tout d’abord vous inviter à présenter vos déclarations préliminaires, puis les membres du comité vous poseront des questions. Vous disposez de cinq minutes chacune pour faire vos déclarations. J’aimerais demander aux participants dans la salle d’éviter de s’approcher trop près du microphone ou d’enlever leur oreillette en le faisant, afin d’éviter tout retour de son qui pourrait avoir des répercussions négatives pour le personnel du comité dans la salle. Je vous demanderais de poser des questions concises et de mentionner à quel témoin elles s’adressent.

Madame Averill, vous pouvez commencer lorsque vous serez prête.

Lynnette A. Averill, professeure agrégée, Département de psychiatrie et de sciences comportementales Menninger, Baylor College of Medicine, à titre personnel : Merci beaucoup au président et au Sous-comité des anciens combattants de m’avoir gentiment invitée à témoigner aujourd’hui. C’est certainement un grand privilège d’être ici. Avant de commencer ma déclaration préliminaire, je tiens à préciser que mes observations ne reflètent que mon point de vue personnel. Je ne parle pas en tant que représentante du Baylor College of Medicine ou du département américain des Anciens Combattants.

Je témoigne aujourd’hui en tant que spécialiste dans le domaine des problèmes de santé mentale liés au stress et aux traumatismes, et je m’intéresse plus particulièrement aux troubles mentaux post-traumatiques des anciens combattants et à la recherche de nouveaux traitements contre ces problèmes de santé.

Je témoigne également en tant que fille d’un membre de la marine américaine qui s’est suicidé après avoir reçu des traitements inefficaces pendant des années. Mon père a servi au Vietnam. Bien que nous comprenons beaucoup mieux de nos jours les problèmes liés au stress et aux traumatismes qu’au début des années 1980, lorsqu’il est décédé, ainsi que les effets qu’ont la guerre et les combats, non seulement sur les personnes qui en font l’expérience directement, mais aussi sur leur famille, leurs amis et l’ensemble de leur communauté qui vivent tant de ces choses en même temps, nous ne sommes pas encore allés assez loin. Nous n’avons que deux interventions pharmacologiques approuvées par la FDA pour le trouble de stress post-traumatique, ou TSPT, un trouble qui a été intégré dans le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux en 1983. Bien que ces interventions soient essentielles, elles ne sont tout simplement pas suffisantes. Il s’agit d’ISRS — inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine —, des antidépresseurs dont le bénéfice thérapeutique ne se manifeste qu’après plusieurs semaines ou plusieurs mois, une période qui représente un danger pour les patients en raison des risques d’automutilation et d’autres comportements autodestructeurs auxquels ils sont exposés, et les effets secondaires sont très pénibles.

En outre, même lorsque le traitement est fourni de façon optimale, environ 40 % des patients n’y répondent pas. À cet égard, les taux sont encore plus élevés chez les patients qui présentent des problèmes chroniques et complexes, comme c’est le cas pour bon nombre de nos anciens combattants. Même parmi ceux qui répondent bien au traitement, beaucoup ont toujours des symptômes et mènent une vie restreinte.

Il existe des problèmes similaires dans nos interventions psychothérapeutiques de première ligne. Elles constituent également un élément essentiel dans notre boîte à outils de traitement et, malheureusement, elles ne sont pas suffisantes. Trouver des thérapeutes qualifiés est souvent un facteur limitant et de nombreuses personnes abandonnent ces interventions, soit jusqu’à 50 % d’entre elles.

Bien qu’elle soit complexe, la triste réalité de la crise de santé mentale chez nos anciens combattants — et peut-être dans notre société en général — met en évidence les limites des interventions pharmacologiques et des thérapies inefficaces que nous avons dans notre boîte à outils. Il est impératif que le gouvernement soutienne l’exploration de nouvelles thérapies susceptibles de soulager et de guérir les personnes, ce que les traitements actuels n’ont pas permis. Il s’agirait en particulier d’interventions qui peuvent mener à des améliorations rapides et déterminantes. Nos anciens combattants méritent et exigent qu’une approche qui ne laisse rien au hasard pour explorer les moyens de prévention et de traitement soit suivie.

Il existe de plus en plus d’éléments qui indiquent que les produits thérapeutiques à action rapide, comme la MDMA et la psilocybine, qui sont actuellement des substances inscrites à l’annexe I, sont grandement susceptibles d’offrir ce niveau de guérison aux personnes qui souffrent de problèmes de santé mentale divers. En effet, les premiers essais cliniques se sont révélés prometteurs, à tel point que la Food and Drug Administration, ou FDA, aux États-Unis a désigné comme étant révolutionnaires les thérapies assistées par la MDMA et la psilocybine pour le traitement du TSPT et de la dépression, respectivement. On considère donc que ces interventions constituent des améliorations par rapport à celles qui sont offertes actuellement, qu’elles sont sûres et que le risque de surconsommation est limité.

Toutefois, comme ces substances sont inscrites à l’annexe I, il est presque impossible pour les patients d’accéder légalement à ces thérapies révolutionnaires, y compris pour ceux qui ont déjà essayé toutes les interventions disponibles et qui risquent sérieusement de se suicider ou, à tout le moins, de perdre leur qualité de vie au quotidien.

De plus, étant donné qu’elles sont inscrites à l’annexe I, il existe certains obstacles liés à la peur qui font grimper le coût et retardent considérablement la recherche clinique et la recherche non clinique fondamentales sur ces composés qu’il faut mener afin de mieux les comprendre.

Ainsi, nous ne devrions pas être surpris, mais je crois que nous devrions trouver qu’il est très inacceptable que nos anciens combattants quittent souvent le pays qu’ils ont servi pour chercher ces traitements à l’étranger, où ils peuvent y accéder légalement.

Lors d’un récent témoignage à l’audience de la commission des anciens combattants de la Chambre des représentants sur la prévention du suicide, la Veteran Mental Health Leadership Coalition, qui comprend des groupes tels que Heroic Hearts Project, Veterans Exploring Treatment Solutions, la Warrior Angels Foundation et The Mission Within, a indiqué que plus de 1 000 anciens combattants américains avaient demandé l’aide de ces organisations et trouvé un traitement à l’étranger.

J’ai parlé à ces organisations de leur travail auprès des anciens combattants des Forces armées canadiennes. L’ampleur du problème est très similaire chez nos anciens combattants canadiens qui cherchent du soutien, qui cherchent désespérément à guérir et qui se trouvent dans l’impossibilité d’accéder à ces interventions à l’intérieur des frontières du pays pour lequel ils se sont battus.

Selon des preuves scientifiques de plus en plus nombreuses qu’ont recueillies des organisations de premier plan dans le monde entier et selon des rapports non scientifiques, ces interventions ont non seulement permis d’éviter que des anciens combattants se suicident, mais elles ont permis à des anciens combattants de se remettre du TSPT, de la dépression, de la toxicomanie, de lésions cérébrales traumatiques et de blessures morales — toutes ces choses — et, surtout, de retrouver un sens, un sentiment d’appartenance et un but pour eux-mêmes, leur famille et leur communauté.

Je pense que ce point est essentiel, car je crois qu’en psychiatrie et en santé mentale, nous sommes souvent — malheureusement pas assez souvent — en mesure de sauver des vies. Nous pouvons aider les gens à rester à un niveau où ils se sentent capables d’exister et de tolérer un jour de plus. Bien qu’il s’agisse d’une victoire — d’une grande victoire et je n’ai pas l’intention de la minimiser de quelque façon que ce soit —, ce n’est pas du tout la même chose que d’aider les gens à se construire une vie qu’ils ont vraiment envie de vivre, une vie qui a un sens, un but et qui favorise un sentiment d’appartenance.

Le président : Excusez-moi, madame Averill. Je déteste interrompre les gens, mais pourriez-vous conclure, s’il vous plaît? Vous avez dépassé un peu le temps prévu.

Mme Averill : Oui, bien sûr. Lorsque vous vous pencherez sur les prochaines étapes et les voies à suivre, je vous invite à vous regarder, à regarder votre famille et vos amis. Nous sommes à un moment de notre histoire en ce qui concerne la crise de la santé mentale qui, encore une fois, met en évidence les limites de ces interventions. Nous constatons que personne n’est vraiment épargné à ce moment-ci. Il est essentiel de soutenir le financement de la recherche, de réduire les obstacles réglementaires pour accélérer la recherche et les progrès de la science, de soutenir l’élaboration des programmes d’accès élargis et d’appuyer l’adoption de mesures législatives judicieuses qui visent vraiment une utilisation sécuritaire, éthique, accessible et équitable. Je vous remercie de votre temps et de l’attention que vous portez à cette question, et je serai heureuse de répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup, madame Averill. Nous allons maintenant entendre la déclaration préliminaire de Mme Ramkellawan. Allez-y, s’il vous plaît.

Sabrina Ramkellawan, coprésidente, conseil d’administration, Multidisciplinary Association for Psychedelic Studies : Je remercie le président et les membres du comité de m’avoir invitée aujourd’hui à parler de ce sujet important. Je suis coprésidente du conseil d’administration de MAPS Canada. MAPS est l’acronyme de Multidisciplinary Association for Psychedelic Studies, une association qui est déterminée à faire progresser l’utilisation de psychédéliques en soutenant la recherche scientifique multidisciplinaire, en préconisant une réforme de la politique sur les drogues, en offrant des activités d’éducation et en appuyant un accès équitable à des psychédéliques dans un cadre légal et réglementé au Canada.

J’ai travaillé en tant qu’infirmière autorisée dans un certain nombre de contextes, notamment en santé mentale, et j’ai travaillé directement auprès d’anciens combattants et de premiers intervenants tout au long de ma carrière, et même spécifiquement avec le cannabis thérapeutique. En outre, je mène des essais cliniques depuis plus de 20 ans. Mes travaux récents sont axés sur le soutien à la recherche clinique sur les psychédéliques et les cannabinoïdes.

Nous savons que de 34 à 46 % des patients qui reçoivent des traitements approuvés contre un trouble dépressif majeur n’y répondent pas adéquatement et que de 40 à 60 % des patients qui souffrent de TSPT ne répondent pas aux inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine, ou ISRS. De plus, dans le cas d’autres psychothérapies axées sur les traumatismes et fondées sur des données probantes, telles que l’exposition prolongée et la thérapie cognitivo-comportementale, de nombreux participants n’y répondent pas ou continuent à présenter des symptômes importants, et les taux d’abandon sont également élevés.

La psychothérapie assistée par les psychédéliques a été le premier traitement prometteur au cours des 30 dernières années, depuis que les ISRS ont été approuvés et il s’agit maintenant de traitements de première intention. La psychothérapie assistée par les psychédéliques a fait ses preuves dans le cadre d’essais cliniques, plus particulièrement la MDMA pour le TSPT et la psilocybine pour la dépression.

Les résultats de l’essai clinique de phase 3 pour la MDMA montrent que 67 % des participants qui ont suivi trois séances de thérapie assistée par la MDMA ne remplissent plus les conditions requises pour recevoir un diagnostic de TSPT, et que 88 % ont connu une réduction cliniquement significative de leurs symptômes. Les travaux concernant les données de la deuxième étude de phase 3 se sont terminés il y a tout juste deux semaines. Nous attendons les résultats et nous serons ravis de les communiquer prochainement.

Les résultats de l’essai clinique de phase 2b pour la psilocybine indiquent que 30 % des patients du groupe ayant reçu 25 milligrammes étaient en rémission à la troisième semaine.

Voici nos recommandations au sujet de la recherche et de l’accès. Nous recommandons que soient menés des essais cliniques avec la MDMA et la psilocybine auprès de la population des anciens combattants canadiens qui seront utiles sur le plan de l’accès pour les anciens combattants, de la formation des praticiens et de l’évaluation de l’innocuité et de l’efficacité, ce qui inclut l’économie de la santé et l’analyse coûts-avantages de la psychothérapie assistée par les psychédéliques par rapport à la norme de soins. Des essais cliniques sont déjà en cours dans des hôpitaux des anciens combattants partout aux États-Unis.

Selon une analyse des coûts de cinq essais sur la MDMA, le coût du traitement était en moyenne d’un peu plus de 11 000 dollars américains par patient. Pour 1 000 patients sur 30 ans, il devrait permettre d’éviter 60 décès, de gagner 4,9 années de vie ajustées en fonction de la qualité, par patient, et d’économiser un peu moins de 133 000 dollars américains par patient sur la période de réduction de l’activité des soins de santé physique et mentale. Idéalement, ce type de recherche sur ce nouveau produit émergent devrait commencer le plus tôt possible.

Nous recommandons également d’augmenter et d’améliorer l’accès des anciens combattants à la psychothérapie assistée par les psychédéliques sous supervision médicale dans un cadre légal et sûr. À l’heure actuelle, de nombreux anciens combattants qui cherchent à accéder à ces produits en dehors du cadre légal — sans l’intermédiaire de professionnels agréés et formés — sont forcés d’enfreindre la loi et, comme l’a dit Mme Averill, vont à l’extérieur de l’Amérique du Nord, dans d’autres pays, pour y avoir accès. D’autres personnes qui ne sont pas en mesure d’y avoir accès manquent une occasion de soulager leurs souffrances.

Au Canada, il y a deux moyens d’y accéder légalement : dans le cadre d’essais cliniques ou du Programme d’accès spécial, ou PAS, de Santé Canada. Cependant, cela se fait au cas par cas et sous réserve de l’approbation de Santé Canada et c’est limité par les professionnels de la santé qui sont prêts à accéder au PAS pour leurs patients. MAPS Canada lance une étude de recherche pour évaluer le PAS du point de vue du fournisseur de soins de santé et du patient et pour déterminer quels sont les obstacles et les facteurs favorables à l’accès aux psychédéliques dans le cadre de ce programme. Il est également important que nous comprenions le rôle et le processus d’Anciens Combattants Canada lorsqu’il s’agit de fournir des traitements émergents aux anciens combattants, y compris la quantité d’éléments probants dont on a besoin pour ajouter les psychédéliques à la liste des traitements autorisés. Merci.

Le président : Merci beaucoup.

Le sénateur Yussuff : Merci aux deux témoins d’être ici aujourd’hui. Madame Averill, si vous me permettez de commencer par vous, j’aimerais vous poser des questions sur le projet qui, si j’ai bien compris, a été lancé au Texas. Peut-être pourriez-vous nous expliquer un peu le contexte du projet. Ensuite, j’ai des questions plus précises sur l’étude en général.

Mme Averill : Merci de me donner l’occasion d’en parler. L’étude a été lancée au Texas en réponse au projet de loi 1802 de la Chambre des représentants qui a été adopté en juin 2021. C’est un projet de loi qui appuie un essai clinique de la psilocybine pour les anciens combattants qui souffrent du TSPT, ainsi qu’une revue exhaustive de la littérature portant sur les interventions assistées par les psychédéliques pour les anciens combattants. Comme vous le savez peut-être, le nombre de recherches qui ont été menées sur des cohortes d’anciens combattants n’est pas très élevé. Il s’agira donc principalement d’un examen des résultats des recherches qui ont été menées jusqu’à maintenant sur l’utilisation de psychédéliques pour les problèmes liés au stress et aux traumatismes en général.

L’étude n’en est qu’à ses débuts, en raison des séances législatives spéciales supplémentaires qui ont été convoquées par le gouverneur du Texas, ainsi que des divers obstacles réglementaires à ce type de travaux. Nous n’avons pas lancé l’étude officiellement. Nous sommes dans ce processus.

Le Baylor College of Medicine est en train de finaliser l’attribution de contrat avec le département de la santé et des services sociaux du Texas. Parallèlement, nous travaillons au contrat d’approvisionnement avec l’Usona Institute, l’une des deux organisations auxquelles la FDA a accordé la désignation de thérapie révolutionnaire. Elle fournira la psilocybine et travaillera au volet réglementaire de l’IRB, l’Institutional Review Board.

Voilà donc ce qu’il en est de l’étude. Il s’agira d’une étude à deux doses — deux doses de psilocybine suivies d’une dose optionnelle pour tous les patients, qu’ils aient reçu un placebo ou de la psilocybine. De plus, cette étude est ouverte à l’ensemble des anciens combattants. Il n’est pas nécessaire qu’il s’agisse d’anciens combattants qui cherchent à recevoir un traitement. Ce sera ouvert à tous les anciens combattants américains.

Le sénateur Yussuff : Merci. Pourriez-vous nous parler un peu des pratiques exemplaires que vous préconiseriez pour entreprendre une étude sur les anciens combattants et qui seraient utiles dans le cadre des travaux à accomplir?

Mme Averill : Oui. Il y a tellement d’études qui seraient essentielles à ce stade-ci. Bien sûr, comme ma collègue l’a mentionné, il est essentiel d’étudier les cohortes d’anciens combattants, point final. Beaucoup de recherches incluent des anciens combattants parmi les participants, mais aucune ne porte exclusivement sur eux jusqu’à présent. Je pense qu’il est essentiel de mener des études axées sur les cohortes d’anciens combattants.

Il n’y a pas forcément de grand avantage à savoir quel diagnostic exact il s’agit d’étudier, parce que les symptômes se ressemblent beaucoup d’un diagnostic à l’autre. Cela dit, bien sûr, compte tenu de la façon dont la FDA fonctionne aux États-Unis, du moins, et de la façon dont les diagnostics sont posés, il est essentiel d’étudier le TSPT, la dépression, les effets anti-suicidaires et les effets anti-addictifs, ce genre de choses. Il serait peut-être bon d’étudier des sous-populations particulières d’anciens combattants, comme des personnes exposées au combat ou des personnes ayant subi un traumatisme sexuel en contexte militaire, étant donné la façon dont les médicaments fonctionnent sur le plan neuroscientifique et neurobiologique, en particulier un psychoplastogène comme la psilocybine. On s’intéresse beaucoup à ces médicaments pour leur potentiel de susciter des changements neurobiologiques pour traiter des lésions cérébrales traumatiques également.

Il est certain que pour les anciens combattants, il faut analyser à quel point ce genre de traitement peut être offert à grande échelle et comment modifier les traitements ou les interventions, au besoin.

Selon le modèle de la FDA, actuellement, il y a trois phases : la préparation, les jours de dosage, puis la période d’intégration. Ces interventions demandent beaucoup de temps et sont offertes au patient en mode individuel. Ce modèle sera toujours nécessaire. Pour certains patients, il ne serait pas nécessairement approprié, sûr ou agréable de suivre une thérapie de groupe.

Je pense cependant qu’il y a beaucoup d’avantages à cette formule et qu’elle suscite beaucoup d’intérêt, en particulier pour les anciens combattants, qui bénéficient déjà beaucoup du sens de la communauté, de la fraternité et de la camaraderie. Il y a déjà tellement de choses qui sont offertes en groupe; il y a beaucoup d’intérêt à explorer l’efficacité de ce type d’interventions lorsqu’elles sont fournies dans un contexte de groupe.

Les avantages thérapeutiques sont-ils similaires ou peut-être même supérieurs lorsque la thérapie se fait en groupe, où l’on peut traiter plusieurs anciens combattants à la fois, non seulement en raison de tous les avantages supplémentaires qu’il y a à ce que d’autres anciens combattants participent au traitement, mais aussi parce que ces interventions peuvent toucher plus de gens, tout en réduisant la charge de travail des thérapeutes et en nécessitant moins de ressources? Ces aspects sont également à prendre en considération.

L’une des choses qui manquent dans la littérature, de manière générale, c’est le suivi à long terme et la diversité des populations. Il faut dire que nos anciens combattants font souvent partie de communautés marginalisées, en raison de la race, de la religion ou d’un certain nombre d’autres facteurs, de sorte qu’il est aussi essentiel d’attester de l’innocuité et de l’efficacité de ces traitements dans ces groupes.

Le président : Merci, madame Averill. Madame Ramkellawan, avez-vous quelque chose à ajouter à ce sujet?

Mme Ramkellawan : Il y a déjà la MDMA et la psilocybine qui en sont au stade des essais cliniques, on est en train d’en évaluer l’efficacité et l’innocuité, mais il faut aussi comprendre quelles thérapies fonctionnent en conjonction avec les substances psychédéliques.

Il existe une forme de thérapie conjointe cognitivo-comportementale assistée par la MDMA qui s’adresse à des dyades. Ainsi, un ancien combattant qui souffre du TSPT, par exemple, vient avec son conjoint ou sa conjointe pour traverser cette épreuve à deux. C’est aussi un aspect important de la guérison.

Il y a une autre forme de thérapie assistée par la MDMA qui la combine à un traitement cognitif. On l’utilise avec la thérapie par exposition prolongée. Je pense qu’il ne s’agit pas seulement de mener des essais cliniques et de mettre ces produits en marché, mais de les tester dans la population des anciens combattants canadiens et de comprendre ce qui fonctionne le mieux.

Vous avez également parlé de la thérapie de groupe. J’aimerais vous raconter quelque chose. J’ai parlé avec un membre de la GRC juste avant cet appel, et j’aimerais vous parler brièvement de notre conversation. Cet homme a d’abord été mal diagnostiqué, puis 17 ans plus tard, il a reçu un diagnostic de TSPT et de trouble dépressif majeur. Il a récemment suivi une thérapie assistée par des psychédéliques, de la kétamine, combinée avec une thérapie de groupe. Cette thérapie n’était pas couverte parce qu’elle ne répondait pas aux critères de couverture d’Anciens Combattants Canada. Il avait les moyens de la payer de sa poche, mais ce n’est pas le cas de tous les anciens combattants qui veulent essayer des thérapies émergentes. La kétamine est maintenant approuvée en soi, comme traitement, mais elle n’était pas approuvée en conjonction avec la thérapie de groupe.

Il n’y a pas assez d’études de cas dans l’histoire pour attester de l’efficacité et de l’innocuité de la kétamine et de la thérapie de groupe pour les faire approuver. La thérapie de groupe lui a été bénéfique parce qu’il a pu échanger avec d’autres personnes qui vivaient la même expérience que lui. Il disait qu’il souhaiterait avoir la possibilité d’essayer une psychothérapie assistée par des psychédéliques. Il a également fait remarquer que cela pourrait intéresser d’autres anciens combattants qui ne sont pas en mesure de payer de leur poche ce type de thérapie émergente.

Le président : Merci beaucoup.

La sénatrice Anderson : Je remercie les témoins de leurs exposés. Ma question porte sur les 40 % qui ne répondent pas au traitement actuel, d’après ce que vous avez dit. Quelles sont les options qui s’offrent aux patients qui ne répondent pas au traitement actuel?

J’ai également une question concernant l’importance des drogues et des thérapies psychédéliques. Il y a un certain nombre d’anciens combattants qui sont confrontés à l’itinérance, et il est reconnu que l’itinérance s’accompagne d’une plus grande propension aux problèmes de santé mentale. Lorsqu’on envisage de combiner drogues psychédéliques et thérapie, est-ce que le facteur de l’itinérance est pris en compte pour accorder un logement supervisé?

Mme Averill : Concernant les 40 % des gens qui ne répondent pas au traitement et les options qui s’offrent à eux, malheureusement, le portrait est un peu sombre. En général, les personnes qui n’ont pas de résultats probants avec le traitement régulier après deux ou trois mois, environ, reverront le médecin, qui leur prescrira une nouvelle ordonnance, généralement un autre ISRS, et recommenceront le processus à zéro en faisant un nouvel essai de deux ou trois mois avec le nouveau médicament. En réalité, plus un individu fait d’essais infructueux des ISRS, plus les chances qu’il puisse guérir grâce à un ISRS diminuent plutôt que d’augmenter. Une personne peut donc essayer 2, 3, 5 ou 10 ISRS différents, si l’on veut, sans guérir.

Il se peut que l’on vous prescrive d’autres médicaments pour vous aider à gérer les effets secondaires des ISRS que vous prenez. Aux États-Unis, il est très fréquent que des personnes prennent 10 médicaments sur ordonnance ou plus pour gérer la même constellation de symptômes. C’est très courant, et c’est assurément très pénible pour les gens non seulement de prendre plus de 10 médicaments, mais de ne pas nécessairement ressentir de soulagement pour autant et même, pour beaucoup, de se sentir moins bien qu’avant.

Quand les ISRS ne procurent pas de soulagement à quelqu’un, il existe des options. On peut essayer diverses formes de psychothérapie, comme l’exposition prolongée, le traitement cognitif, la thérapie EMDR — qui vise l’intégration neuro-émotionnelle par les mouvements oculaires — ou d’autres traitements. Comme je l’ai souligné, ce sont également des interventions difficiles. Il est très difficile de subir ce genre d’intervention, il est difficile de trouver des thérapeutes qualifiés, et les listes d’attente sont longues.

Il y a des options depuis quelques années. De nombreuses personnes se tournent vers des produits comme la kétamine. Cette substance n’est pas approuvée par la FDA pour traiter le TSPT, mais il y a des données probantes qui portent à croire qu’elle pourrait présenter un intérêt thérapeutique. L’eskétamine, en particulier, est maintenant approuvée par la FDA pour traiter la dépression. Elle est donc souvent administrée de manière non indiquée pour traiter la dépression, le TSPT, l’anxiété et les idées suicidaires. La difficulté, avec la kétamine, même pour ceux qui y répondent bien, c’est que les bienfaits sont de courte durée, généralement de 7 à 10 jours, du moins après une perfusion intraveineuse, et c’est à peu près la même chose pour l’administration intranasale d’eskétamine.

Pour les personnes qui ont tout essayé, l’ECT — ou électroconvulsivothérapie — demeure une solution de dernier recours. Bien des cliniques offrent des interventions qui relèvent davantage de la neuromodulation, comme la SMT — la stimulation magnétique transcrânienne — et la SMTr — la stimulation magnétique transcrânienne répétitive —, qui sont des interventions davantage fondées sur la neurobiologie. Là encore, le problème, c’est que ces thérapies sont difficiles d’accès; souvent, les assurances ne les couvrent pas, et peu de professionnels proposent ce type d’intervention. C’est un obstacle important.

Le président : Merci, madame Averill. Encore une fois, je vais donner la chance à Mme Ramkellawan de répondre à son tour, après quoi nous passerons à une autre question. Merci.

Mme Averill : Bien sûr. Merci.

Mme Ramkellawan : Il y a quelques années, lorsque l’usage de cannabis à des fins médicales a été approuvé, je travaillais avec beaucoup d’anciens combattants et d’intervenants de première ligne à évaluer les questions d’accès. Nous envisagions l’utilisation du cannabis dans le traitement de la douleur et pour d’autres choses, et soudainement, un grand nombre de vétérans voulaient y avoir accès pour traiter le TSPT, mais il n’y avait rien dans la littérature sur quoi nous appuyer ni aucun soutien.

J’ai réalisé une étude d’observation prospective il y a un certain nombre d’années, lorsque le cannabis médical venait d’être approuvé, et j’ai constaté une amélioration, mais le cannabis médical ne permet que de gérer les symptômes. J’ai constaté des améliorations pour le TSPT et pour le sommeil. C’est l’une des choses pour lesquelles je constatais que les vétérans cherchaient des solutions, et il s’agissait de situations où les autres médicaments et thérapies ne fonctionnaient pas. J’ai bien de l’expérience dans ce domaine.

Vous avez parlé de l’accès dans le cas d’un ancien combattant sans-abri, et Mme Averill a parlé de diversité. J’ai parlé des options qui existent. Il y a divers essais cliniques, et quand un ancien combattant participe à un essai — il y a des essais cliniques en cours au Canada sur la psilocybine et la MDMA —, s’il répond aux critères d’inclusion / exclusion, il peut avoir accès aux médicaments sans avoir à payer de sa poche.

Le Programme d’accès spécial, ou PAS, est une autre option, mais il serait difficile pour une personne d’y avoir accès si elle n’a pas les moyens de payer, parce qu’il n’est pas couvert par Anciens Combattants Canada.

Il y a un problème d’accès, malgré l’existence du Programme d’accès spécial. Nous avons aussi appris, plus récemment, que l’Alberta envisage d’exiger qu’il soit réservé aux cas approuvés par des psychiatres. Donc si une personne voulait y avoir accès dans le cadre du Programme d’accès spécial, en Alberta, elle devrait obligatoirement passer par un psychiatre. Il y a donc des goulots d’étranglement, parce qu’il y a déjà une liste d’attente pour voir un psychiatre. Si l’accès y est limité aux psychiatres, c’est un autre problème d’accès et un autre obstacle.

On parle de la nécessité d’avoir une formation spéciale, mais on ne sait pas exactement en quoi consiste cette formation, que doivent recevoir les psychiatres, ni qui serait autorisé à accéder au PAS pour les patients en Alberta. Il y a indéniablement des problèmes d’accès qui doivent être examinés sur le plan de la réglementation pour en assurer l’accès aux anciens combattants.

Le président : Merci beaucoup.

Je voudrais mentionner que le sénateur Boisvenu du Québec vient de se joindre à nous.

La sénatrice M. Deacon : Je remercie nos témoins d’être ici. Ce sont des témoignages difficiles pour une population qui mérite et nécessite notre soutien de toute urgence.

Pendant ma préparation en vue de cette réunion, j’ai remarqué ou je me suis rappelé pendant notre séance d’information que deux médicaments seulement, la paroxétine et la sertraline, sont approuvés pour le traitement du TSPT à l’heure actuelle. Je me demande si vous pouvez me parler des effets secondaires possibles de ces médicaments et me dire si nos anciens combattants doivent prendre ces médicaments indéfiniment pour constater une amélioration. J’aimerais aussi en connaître le coût. J’essaie d’avoir une idée de base de ce que serait la prescription standard pour l’un ou l’autre de ces médicaments approuvés. Commençons par là.

Mme Averill : C’est une excellente question.

Les principaux effets secondaires sont toujours les mêmes : maux de tête, nausées, diarrhée, ce genre de choses. Ce que les gens trouvent le plus pénible, c’est qu’il y a souvent des troubles cognitifs. Les gens signalent des problèmes de mémoire et d’attention, qui créent également des problèmes de diligence. Si je ne me souviens pas si j’ai pris mon médicament ou non, c’est évidemment problématique.

Les problèmes de prise ou de perte de poids peuvent survenir très rapidement. Il arrive que l’on perde ou que l’on prenne de 20 à 30 livres en quelques mois, puis qu’on arrive à la fin du traitement sans en tirer de bienfait clinique, mais en ayant subi une fluctuation de poids considérable, à la hausse ou à la baisse, ce qui est très pénible. Il y a aussi les effets secondaires sexuels; le dysfonctionnement sexuel est, bien sûr, également très pénible.

Soyons lucides, si n’importe lequel d’entre nous avait un problème quelconque et que son médecin lui disait : « J’ai quelque chose pour vous, qui pourrait être efficace ou pas du tout, mais vous allez perdre ou prendre 20 livres, vous ne vous souviendrez plus si vous l’avez pris et vous ne serez plus capable d’avoir de relations sexuelles », il n’y a probablement personne ici qui sauterait sur l’occasion.

Pour ce qui est des coûts, c’est un peu compliqué. Les coûts seront différents selon qu’on prend un médicament générique ou non, bien entendu. Je ne connais pas suffisamment le système de santé canadien pour pouvoir vous parler de la couverture d’assurance ou de ce genre de choses.

Parfois, du strict point de vue des coûts, ce n’est pas si pire si l’on a un régime d’assurance robuste qui couvre ces médicaments. On peut se les procurer pour une somme minime chaque mois. Le problème, bien sûr, c’est que même si le montant n’est pas très élevé, ce qui est formidable — je parle de 10 ou 20 $ par mois —, si l’on ne se sent pas mieux, on paie peut-être pour rien ou même, pour se sentir encore plus mal, parfois.

Je ne sais pas si ma collègue, Sabrina Ramkellawan, veut ajouter quelque chose à ce sujet.

Mme Ramkellawan : Je dirais que je n’en connais pas les coûts, mais pour les anciens combattants canadiens, comme il s’agit d’une thérapie approuvée, je crois comprendre que ce serait couvert par le régime. Ce sont les traitements émergents qui ne sont pas couverts. Ce ne serait pas compliqué d’obtenir un remboursement d’assurance pour ces médicaments-là.

La sénatrice M. Deacon : Inversons la prémisse. Si le médicament approuvé est à la fin du spectre, j’essaie de penser à ce qui serait possible en amont pour être plus proactifs dans le processus. Laissons les médicaments de côté un instant.

Je me demande si les Forces armées canadiennes et les services de police font quelque chose pour prévenir les problèmes en amont. Pendant le service, y a-t-il des contrôles de routine ou la possibilité de suivre une thérapie pour réduire les risques que le soldat souffre de TSPT une fois son service terminé ou s’il vit un événement traumatisant qui pourrait lui causer une blessure de stress professionnel?

Y a-t-il des choses qui se font en ce sens?

Mme Averill : J’admets volontiers que je ne connais pas aussi bien ce qui se passe dans les Forces armées canadiennes qu’au sein des forces armées américaines et au département des Anciens combattants des États-Unis.

Je pense cependant qu’il y a sûrement du travail qui se fait en ce sens. Dans les armées du monde entier, je pense qu’il y a beaucoup de travail qui se fait en prévention, pour accroître la résilience, permettre aux gens de ventiler et ce genre de choses. Ces efforts ont leurs limites, pour une multitude de raisons, notamment parce qu’il y a une grande stigmatisation des problèmes de santé mentale au sein de l’armée ou une grande difficulté à reconnaître qu’on en souffre.

Non seulement à cause de la stigmatisation, bien sûr, mais aussi par crainte d’être jugé inapte au service, dans quelle mesure les gens sont-ils prêts à reconnaître qu’ils peuvent avoir des difficultés?

Je pense que c’est très difficile pour les gens qui vivent encore un stress et un traumatisme chroniques en continu, tout en essayant de traiter ce stress et ce traumatisme. Pour beaucoup de gens, c’est une mentalité bien ancrée, et ils ne sont pas conscients de l’ampleur des traumatismes dont ils souffrent tant qu’ils ne font pas la transition vers la vie civile. C’est là qu’ils découvrent qu’il y a toutes sortes de choses qui reviennent qui sont problématiques, qui sont pénibles et perturbantes.

Le président : Merci, madame Averill.

Mme Ramkellawan : Pour avoir parlé à d’anciens combattants, le soutien semble meilleur aujourd’hui que par le passé, mais les délais sont toujours un problème. Il faut encore des semaines et des semaines pour obtenir un diagnostic, des semaines et des semaines pour commencer un nouveau traitement. La rapidité de la prestation des services pose toujours problème.

L’histoire que j’ai racontée au sujet de l’ancien combattant de la GRC est un exemple. Il ne voulait pas faire toutes les démarches pour savoir comment obtenir une couverture. Il voulait simplement s’occuper de son TSPT, atténuer ses symptômes, améliorer ses interactions avec sa famille et réduire ces impacts. Comme vous l’avez indiqué, il y a un impact lorsqu’ils retournent à la maison et qu’ils entreprennent la transition vers cette autre vie. Ils ne sont plus dans les forces armées ou dans la GRC. Ils essaient de comprendre cette nouvelle vie, et doivent maintenant composer avec un TSPT et les répercussions sur leur famille.

Les mesures de soutien sont aussi un facteur. Que doivent-ils faire, si cela ne fonctionne pas? Bien souvent, ils doivent se débrouiller seuls.

Il est très bien que nous parlions maintenant des nouveaux traitements, car cela fait partie du problème de l’accès aux autres services. Les traitements sont limités; que fait-on si cela ne fonctionne pas? Quelles sont leurs options à ce moment-là? C’est un enjeu important pour beaucoup d’anciens combattants.

Le président : Merci beaucoup aux deux témoins.

Sénateur Boisvenu, vous êtes arrivé en retard, mais avez-vous une question pour les témoins?

Le sénateur Boisvenu : Oui, s’il vous plaît.

[Français]

Je m’excuse pour mon retard à la réunion. J’ai eu un petit problème de santé ce midi.

Merci beaucoup à nos témoins de nous instruire à ce sujet. On sait que les Américains ont une longue histoire de traitement du traumatisme chez les militaires, chez les anciens combattants. Pensons seulement à la guerre du Vietnam, elle a laissé des séquelles aux anciens combattants des États-Unis; il y a un long historique à ce sujet.

Je prenais connaissance, dernièrement, d’un rapport de la Dre Rothbaum de l’École de médecine de l’Universtié Emory, aux États-Unis, dans lequel on mentionnait qu’un des programmes qui donnait de très bons résultats en matière de psychothérapie. Il s’agissait des psychothérapies intensives à l’interne, selon l’approche de l’exposition imaginaire prolongée. Est-ce qu’une de vous deux est au courant de ce programme? Est-ce qu’il est utilisé au Canada?

[Traduction]

Mme Averill : Je ne sais pas exactement de quel traitement vous parlez. Je sais que la Dre Barbara Rothbaum mène de nombreuses recherches et études cliniques sur l’exposition prolongée à l’Université Emory. Cela ne fait que commencer. Mme Ramkellawan, de l’Association multidisciplinaire d’études psychédéliques, suit peut-être cela de plus près et pourrait peut-être en dire plus. Je sais qu’ils font une étude sur l’exposition prolongée et la MDMA. Je ne sais pas où en est cette étude, mais je sais qu’elle est en cours.

L’exposition prolongée est l’un des traitements de première ligne axés sur les traumatismes faisant référence. Je sais qu’elle a fait beaucoup de recherches sur le sujet. Elle a aussi travaillé sur la réalité virtuelle, pas en conjonction avec les psychédéliques, pour le moment, à ma connaissance, mais certains de ses travaux ont aussi porté là-dessus.

Pour ce qui est de l’exposition prolongée et de la réalité virtuelle, il y a des preuves qui indiquent que les deux ont des avantages thérapeutiques et sont d’excellents traitements. Comme je l’ai dit dans ma déclaration préliminaire, le problème est que cela fonctionne pour certaines personnes, mais qu’en est-il de toutes les personnes pour qui cela ne fonctionne pas?

Donc, comme ma collègue l’a indiqué, la tenue d’études dans lesquelles ces choses seraient combinées suscite beaucoup d’intérêt. Il s’agirait d’examiner les résultats découlant de la combinaison de certains traitements psychothérapeutiques de référence avec la MDMA, la psilocybine et d’autres choses.

J’espère avoir répondu à votre question, du moins en partie. Je suis désolée de ne pas pouvoir en dire plus.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Sait-on si c’est utilisé au Canada auprès de nos vétérans?

[Traduction]

Mme Averill : Je n’en suis pas totalement certaine, mais je pense que oui. C’est vraiment un traitement qui a fait école. L’exposition prolongée et un autre traitement appelé la thérapie par le traitement cognitif sont les deux interventions psychothérapeutiques de référence pour le trouble de stress post-traumatique.

Je sais qu’un certain nombre de thérapeutes, dont la Dre Candice Monson, au Canada, a fait beaucoup de travaux sur la TTC, la thérapie par le traitement cognitif.

Toutefois, je suis certaine que l’exposition prolongée est utilisée avec les anciens combattants canadiens et peut-être aussi dans les Forces armées canadiennes, étant donné qu’il s’agit d’une thérapie très respectée qui a fait ses preuves. Malheureusement, je n’ai pas beaucoup de détails à ce sujet.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Merci beaucoup.

[Traduction]

Mme Ramkellawan : Une étude sur la thérapie par le traitement cognitif avec la MDMA est en cours à Toronto. C’est commencé. L’étude ne vise pas seulement les anciens combattants canadiens, mais s’adresse à toute personne de la population générale qui satisfait aux critères d’inclusion ou d’exclusion. Encore une fois, il s’agit d’une étude menée au Canada par la Dre Anne Wagner. Je tenais à vous en informer.

Comme Mme Averill l’a indiqué, la thérapie par le traitement cognitif est l’étalon-or. Il est formidable d’étudier l’utilisation de psychédéliques dans le cadre d’une psychothérapie de référence. Voilà ce qui se fait au Canada.

La prochaine étude sera celle que j’ai mentionnée, à savoir la thérapie cognitivo-comportementale conjointe avec MDMA. L’étude porte sur les couples. Donc, encore une fois, elle ne s’adresse pas spécifiquement aux anciens combattants canadiens, mais il est possible que certains d’entre eux y participent.

Le président : Je vous remercie.

La question a été évoquée, mais quel est le pronostic à long terme après les essais cliniques? Y a-t-il une raison de croire que ces thérapies seront utiles au-delà des essais cliniques? Seront-elles utilisées, ou est-il vraiment trop tôt pour se prononcer?

Mme Averill : Il est fort probable que ces thérapies deviennent la norme. Le potentiel est extraordinaire. Les essais cliniques ont été très prometteurs jusqu’à maintenant. Les études de l’Association multidisciplinaire d’études psychédéliques, ainsi que les études de COMPASS et de l’Usona Institute, les deux fabricants de psilocybine, ont été incroyablement prometteuses. Je pense que ces produits seront utilisés de plus en plus et qu’ils obtiendront l’approbation de la FDA, aux États-Unis, et d’organismes semblables dans le monde entier.

Le défi est évidemment la question de l’adaptabilité, et cetera. Dans l’état actuel des choses, cela exige énormément de ressources, mais l’avantage, malgré cela, c’est que ce n’est pas comme les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine, ou d’autres traitements qui doivent être pris pendant des mois, des années voire des décennies. La recherche n’a pas encore donné beaucoup de réponses sur la durée de l’effet, c’est-à-dire la fréquence à laquelle les gens doivent reprendre le traitement. Soulignons, de manière anecdotique, que certains patients qui ont suivi ce traitement, soit dans le cadre d’un essai clinique, soit à l’étranger dans un cadre thérapeutique, n’ont plus besoin de rien par la suite. C’est un résultat que nous avons constaté à plusieurs reprises.

Dans certains cas, il arrive que les patients qui suivent ce traitement continuent de prendre un ISRS, qui sera alors beaucoup plus efficace. Ils continueront de consulter un thérapeute, mais ce sera plus efficace.

Il y a beaucoup de gens qui suivent un premier traitement avec MDMA, de psilocybine ou d’autres interventions. Beaucoup de personnes vont à l’extérieur du pays et prennent d’autres psychédéliques — ibogaïne ou 5-MeO-DMT — qui peuvent avoir un effet bénéfique important pendant six mois ou un an, puis qui ont besoin d’une dose de rappel, pour ainsi dire, d’une autre intervention.

Le potentiel est extraordinaire. Nous ne savons pas encore exactement à quoi ressemblera la trajectoire de soins à cet égard, mais le potentiel est incroyable. Il faut plus de ressources en amont, disons, mais l’effet est beaucoup plus durable.

Comme je l’ai brièvement indiqué, je pense que cela offre également un effet beaucoup plus robuste et transformateur, pas pour tout le monde, bien sûr, mais pour beaucoup de personnes, l’effet est aussi plus robuste.

Le président : Merci, madame Averill. Avez-vous un commentaire, madame Ramkellawan?

Mme Ramkellawan : Oui. Vous parliez de la date d’approbation ou de mise en marché de ces produits en tant que médicaments. Le volet américain de MAPS, qui commandite les essais sur la MDMA, vient de terminer sa deuxième étude de phase 3. Les données, qui sont en voie d’être colligées, seront transmises à la FDA au début de l’été 2023, ce qui nous rapprochera probablement d’une possible autorisation. Ces études n’ont pas seulement été menées aux États-Unis; il y avait aussi des participants au Canada, ce qui est important. Nous sommes d’avis qu’il faudra probablement un an ou deux avant que ces produits ne soient approuvés.

Comme Mme Averill l’a indiqué, ce n’est pas parce qu’un produit est approuvé que tout le monde se met soudainement à l’utiliser. Ce sera graduel. Nous savons déjà qu’il y aura probablement une pénurie de gens formés pour administrer la psychothérapie psychédélique. On pourrait dire qu’il faut commencer à y penser maintenant. Outre MAPS Canada, diverses universités se préparent et examinent déjà des programmes de formation dans le domaine. Il y aura sans doute beaucoup de formation à faire. À court terme, la psychothérapie mobilise des ressources considérables. En général, deux personnes doivent accompagner le patient durant 8 à 12 heures au fil des étapes : expérience avec le psychédélique, préparation et post-intégration. C’est intense, mais cela se fait sur une période plus courte comparativement à une personne qui suit des traitements à long terme. Je suis convaincue que cela pourrait être la norme de référence à l’avenir, lorsque ce sera approuvé.

Le président : Je vous remercie.

Le sénateur Yussuff : Je remercie sincèrement les deux témoins de nous transmettre ces renseignements.

Au Canada, il est difficile d’amener Anciens Combattants Canada et le gouvernement canadien à reconnaître l’importance des substances psychédéliques pour la santé des anciens combattants et d’autres personnes souffrant d’un trouble de stress post-traumatique.

De vos points de vue respectifs, quelles seraient vos recommandations au gouvernement canadien pour aider nos anciens combattants qui réclament plus de traitements, notamment en ce qui concerne les nouvelles thérapies maintenant disponibles? Je reconnais que les preuves sont très limitées, mais nous espérons que les résultats seront confirmés par les études, tant actuelles que futures. Avez-vous des recommandations à formuler?

La question complémentaire est la suivante : avez-vous des documents à recommander ou à transmettre pour aider le sous-comité dans ses travaux, en vue des recommandations qu’il compte présenter après son étude?

Mme Averill : Je dirais que le ministère des Anciens Combattants est très bien placé pour être un chef de file à cet égard. Aux États-Unis — et j’imagine qu’il en va de même au Canada —, le Department of Veterans Affairs est l’un des plus importants fournisseurs de soins de santé au pays, et sans aucun doute le plus important fournisseur de soins de santé aux anciens combattants. C’est probablement le plus important fournisseur de soins en santé mentale pour toutes les populations aux prises avec des problèmes liés au stress ou aux traumatismes.

À mon avis, il y a actuellement assez de preuves scientifiques selon lesquelles ces interventions sont sûres. Ce sont des interventions efficaces. Elles ont un potentiel incroyable. Je ne vois aucune raison — aucune excuse, honnêtement — qui empêcherait le ministère des Anciens Combattants d’être à l’avant-garde, d’être un chef de file de la recherche, et d’affirmer que s’il existe un potentiel thérapeutique pour le TSPT, la dépression, le suicide, la toxicomanie, le traumatisme cérébral, ou toute autre chose constituant une priorité pour le ministère des Anciens Combattants, il convient de financer ces travaux.

Le ministère des Anciens Combattants devrait appuyer et encourager ces travaux, car, comme je l’ai indiqué, tous ceux d’entre nous qui occupent une position de pouvoir, qui font de la recherche ou qui ont la capacité de l’appuyer et d’y participer ont le devoir de le faire. Nos anciens combattants le méritent et le demandent. Le ministère pourrait financer des projets de recherche et appuyer ces travaux, qu’ils soient l’œuvre de ses propres chercheurs ou de chercheurs de la collectivité. Évidemment, il est fréquent que les anciens combattants suivent des thérapies offertes à l’extérieur du ministère des Anciens Combattants. Il va sans dire que certaines choses comme celles dont Mme Ramkellawan a parlé — le travail en couple et les activités fondées sur la famille ou la communauté — sont toutes des choses essentielles.

Je ne connais pas la nature des relations entre votre comité et Anciens Combattants Canada, mais je dirais que toute mesure qui peut aider le ministère à appuyer ces travaux, tout financement qui pourrait être réaffecté vers des études et des recherches axées sur les anciens combattants et toute action visant à encourager ou inciter le ministère à agir a son importance. Quant à l’augmentation du financement par l’intermédiaire du budget, j’imagine que la situation d’Anciens Combattants Canada est semblable de son pendant américain : il y a tant de feux à éteindre avec des fonds limités qu’il pourrait être difficile de demander des fonds pour ces travaux à partir d’une enveloppe existante. Il est essentiel d’examiner la possibilité de créer un fonds réservé pour appuyer ces travaux de recherche.

Le président : Je vous remercie.

Mme Ramkellawan : Je suis tout à fait d’accord. Il y a des groupes de défense comme le nôtre qui tentent de recueillir des fonds pour la recherche qui se fait au Canada. Toutefois, je pense que si le ministère des Anciens Combattants souhaite obtenir des preuves propres aux populations d’anciens combattants canadiens, il doit fournir du financement. Par exemple, les Instituts de recherche en santé du Canada, ou IRSC, ont financé des études sur la psilocybine à hauteur de 3 millions de dollars. C’est formidable, mais insuffisant. Il faut beaucoup d’argent pour mener des essais cliniques; même une petite étude de base coûte 5 millions de dollars. Il faut donc que le financement soit là, d’autant plus que les preuves sont très probantes. Je pense qu’il est essentiel — maintenant — de financer la recherche sur l’utilisation de la psilocybine et la MDMA pour les anciens combattants afin de comprendre quelles thérapies jumelées à la MDMA ou à la psilocybine, etc., fonctionnent le mieux pour eux, et d’en mesurer les résultats. C’est vraiment essentiel à ce moment-ci.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Ma question s’adresse à Mme Ramkellawan. Elle est très simple : actuellement, en ce qui concerne l’utilisation de substances psychédéliques qui font l’objet d’essais cliniques, quelles sont celles qui sont les plus prometteuses en matière de thérapie? Est-ce qu’aujourd’hui, selon notre connaissance du champ d’utilisation, on peut dresser une échelle de valeurs des plus performantes aux moins performantes?

[Traduction]

Mme Ramkellawan : C’est difficile à dire, car il reste des essais cliniques à faire sur d’autres substances psychédéliques, mais je dirais que la MDMA est très prometteuse, car elle est déjà en phase 3. La kétamine est déjà approuvée, mais je pense que des études pourraient être faites pour déterminer l’efficacité de thérapies avec kétamine, en particulier pour le TSPT. Nous n’avons pas de données sur l’utilisation à cette fin précise. Cela a du potentiel. Évidemment, les études sur la psilocybine sont en phase 3, ce qui est prometteur à ce stade. Si nous devions établir un classement, ces trois produits seraient prioritaires.

Je pense avoir oublié quelque chose par rapport à la dernière question sur la façon d’aider Anciens Combattants Canada. Il y a déjà des études et des données connexes. Il serait sans doute possible de collaborer et d’échanger des renseignements d’information pour aider le ministère s’il souhaite faire des essais cliniques avec d’anciens combattants canadiens. Il y a sans doute divers thérapeutes et chercheurs qui ont déjà fait des recherches dans le domaine et qui possèdent des connaissances et qui pourraient conseiller ou renseigner le ministère pour l’appuyer dans ses travaux.

Le président : Je tiens à remercier les témoins, et merci à vous, chers collègues. Ce fut une séance extrêmement instructive. Madame Averill, madame Ramkellawan, merci beaucoup. Nous espérons vous revoir un jour.

(La séance est levée.)

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