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Sous-comité des anciens combattants

 

LE SOUS-COMITÉ DES ANCIENS COMBATTANTS

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 30 novembre 2022

Le Sous-comité des anciens combattants se réunit aujourd’hui, à 12 heures (HE), avec vidéoconférence, afin d’examiner, pour en faire rapport, les questions relatives aux anciens combattants, y compris les services et les prestations dispensés, les activités commémoratives et la poursuite de la mise en œuvre de la Loi sur le bien-être des vétérans.

Le sénateur David Richards (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, soyez les bienvenus à cette réunion du Sous-comité sénatorial permanent des anciens combattants. Je m’appelle David Richards. Je suis un sénateur du Nouveau-Brunswick et je suis président du sous-comité. Je suis accompagné d’autres membres du sous-comité, à savoir le sénateur Boisvenu, un sénateur du Québec et vice-président du sous-comité, et le sénateur Yussuff, de l’Ontario. Nous espérons que la sénatrice Anderson, des Territoires du Nord-Ouest, la sénatrice Duncan, du Yukon et le sénateur Cardozo se joindront à nous sous peu.

Aujourd’hui, nous poursuivons notre étude sur les traitements émergents pour les anciens combattants souffrant de traumatismes. Je vais vous présenter nos témoins. Nous accueillons, de Santé Canada, Shannon Nix, sous-ministre adjointe déléguée, Direction générale des substances contrôlées et du cannabis, et Karen Reynolds, directrice générale, Direction des médicaments pharmaceutiques, Direction générale des produits de santé et des aliments. Nous recevons aussi, par vidéoconférence, des Instituts de recherche en santé du Canada, Samuel Weiss, directeur scientifique, Institut des neurosciences, de la santé mentale et des toxicomanies des IRSC, et, de l’Agence de la santé publique du Canada, Stephanie Priest, directrice générale par intérim, Centre de la santé mentale et du bien-être. Merci pour votre présence.

Nous allons maintenant passer à vos déclarations liminaires, qui seront suivies des questions des membres. Nous allons commencer par Shannon Nix. Je vous rappelle que vous disposez de cinq minutes. Madame Nix, allez-y lorsque vous êtes prête.

Shannon Nix, sous-ministre adjointe déléguée, Direction générale des substances contrôlées et du cannabis, Santé Canada : Je vous remercie beaucoup d’avoir invité Santé Canada à vous parler des traitements émergents pour le trouble de stress post-traumatique, ou TSPT. Nous sommes profondément préoccupés par le fait que les anciens combattants continuent de souffrir du TSPT à un taux plus élevé que la population générale.

J’aimerais commencer par expliquer comment les drogues psychédéliques sont réglementées. Au Canada, toutes les drogues psychédéliques sont assujetties à la Loi sur les aliments et drogues et à ses règlements. La plupart des drogues psychédéliques, dont la kétamine, la psilocybine et la MDMA, sont également des substances désignées, ce qui signifie qu’elles sont soumises à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et à ses règlements.

Afin de mener légalement des activités avec des substances désignées psychédéliques au Canada, des autorisations appropriées de Santé Canada sont nécessaires en vertu des deux lois. La psychothérapie assistée par des drogues psychédéliques s’est avérée prometteuse lors d’essais cliniques en tant que traitement émergent pour les patients souffrant de troubles mentaux. En particulier, l’utilisation de la MDMA en combinaison avec la psychothérapie s’avère prometteuse comme option de traitement du TSPT.

Cependant, à l’exception de la kétamine, aucune drogue psychédélique n’a été autorisée pour un usage clinique au Canada ou ailleurs. Les preuves de l’efficacité des drogues psychédéliques dans le traitement du TSPT sont encore en développement.

À cette fin, j’aimerais expliquer brièvement le processus canadien d’examen et d’autorisation des médicaments en vertu de la Loi sur les aliments et drogues et le rôle important des essais cliniques dans la production de preuves. Avant qu’un médicament ne soit autorisé à la vente au Canada, le fabricant doit soumettre des preuves scientifiques de l’innocuité, de l’efficacité et de la qualité du produit à Santé Canada pour examen et autorisation. Cela comprend les résultats d’essais cliniques menés sur des humains et conçus pour évaluer la sécurité et l’efficacité.

J’ai mentionné qu’actuellement, la kétamine est la seule drogue psychédélique dont la vente a été autorisée au Canada. Une forme de kétamine, l’eskétamine, a été autorisée par Santé Canada pour le traitement des formes graves de dépression. La kétamine est le plus souvent utilisée comme anesthésique intraveineux dans les interventions chirurgicales, mais elle est également utilisée de façon non indiquée sur l’étiquette pour le traitement des troubles mentaux.

Santé Canada sait que des cliniques offrent une psychothérapie assistée par la kétamine pour le traitement de troubles de santé mentale, y compris le TSPT. La décision d’un praticien de la santé de prescrire un médicament pour un emploi non indiqué sur l’étiquette est une décision relative à la pratique de la médecine qui relève de la compétence provinciale et territoriale. L’utilisation de la kétamine comme option de traitement potentiel du TSPT continue d’être étudiée.

Outre la kétamine, la psilocybine et la MDMA sont les deux drogues psychédéliques les plus étudiées, conjointement avec la psychothérapie, pour le traitement de divers troubles mentaux, incluant le TSPT. La recherche sur la psychothérapie assistée par la MDMA pour le TSPT est la plus avancée. Nous savons que plusieurs essais cliniques de phase 3 sont menés par la MAPS, l’Association multidisciplinaire pour les études psychédéliques. Au début du mois, la MAPS a annoncé qu’elle avait terminé de rassembler les données des essais cliniques de phase 3 sur la MDMA en tant que traitement potentiel du TSPT et que la MAPS espérait soumettre un dossier final aux régulateurs américains pour l’autorisation du médicament en 2023.

Je suis heureuse d’annoncer que plusieurs essais cliniques sur le TSPT sont en cours au Canada. En date de ce mois-ci, neuf essais cliniques sur la MDMA et trois sur la psilocybine ont été autorisés par Santé Canada. Il y a également un essai clinique autorisé pour la kétamine dans le traitement du TSPT.

La recherche clinique est une étape essentielle dans la génération de preuves de haute qualité nécessaires pour mieux comprendre les avantages et les risques pour la santé associés aux drogues psychédéliques. Les essais cliniques protègent les patients en fournissant un cadre pour qu’un traitement potentiel soit administré conformément aux normes éthiques, médicales et scientifiques nationales et internationales.

Le gouvernement du Canada finance la recherche en santé au Canada, y compris les essais cliniques, par l’intermédiaire des Instituts de recherche en santé du Canada. En particulier, les IRSC ont lancé des possibilités de financement pour soutenir la création de nouvelles connaissances afin de combler les lacunes existantes et émergentes en matière de TSPT en ce qui concerne le personnel de la sécurité publique au Canada. Les IRSC ont également lancé une possibilité de financement qui fournira jusqu’à 3 millions de dollars pour soutenir des essais cliniques visant à évaluer l’innocuité et l’efficacité de la psychothérapie assistée par la psilocybine pour le traitement des troubles de santé mentale et les troubles liés à la consommation de substances.

Pour les médicaments qui n’ont pas encore été autorisés au Canada, Santé Canada a mis en place un programme permettant d’y accéder à des fins de traitement d’urgence. Le Programme d’accès spécial de Santé Canada permet aux praticiens de la santé de demander l’accès à des médicaments non autorisés au nom de leurs patients. Les demandes faites dans le cadre de ce programme concernent des médicaments qui se sont révélés prometteurs lors d’essais cliniques, mais dont la vente n’a pas encore été autorisée au Canada. Pour avoir accès aux médicaments par le biais de ce programme, les praticiens de la santé doivent démontrer que les médicaments demandés sont destinés au traitement de maladies graves ou potentiellement mortelles et que les thérapies conventionnelles ont échoué, ne conviennent pas ou ne sont pas disponibles au Canada.

Dans les cas où il existe un besoin médical et où il peut être démontré que l’accès aux substances désignées psychédéliques n’est pas possible ou approprié par le biais d’essais cliniques ou du Programme d’accès spécial, les personnes peuvent également demander ce que l’on appelle une exemption en vertu du paragraphe 56(1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.

Le paragraphe 56(1) est un pouvoir discrétionnaire qui permet au ministre de la Santé mentale et des Dépendances et ministre associé de la Santé d’exempter des personnes de l’application de toute disposition de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances ou ses règlements pour des raisons d’intérêt public, médicales ou scientifiques.

Le Programme d’accès spécial et les exemptions en vertu du paragraphe 56(1) ne sont pas des mécanismes visant à encourager l’utilisation précoce de médicaments non autorisés, ni un moyen de contourner le développement clinique ou le processus établi d’examen et d’autorisation des médicaments. Cependant, Santé Canada reconnaît qu’il y a des moments où l’accès à des médicaments non autorisés pourrait être approprié.

Le président : Madame Nix, pourriez-vous conclure, s’il vous plaît? Nous avons dépassé les cinq minutes. Merci. Nous allons ensuite passer aux questions.

Mme Nix : Bien sûr. Nous comprenons que les psychédéliques suscitent de l’enthousiasme et de l’anticipation en tant qu’option thérapeutique pour des troubles mentaux comme le TSPT. Cependant, la recherche clinique et le processus subséquent d’examen et d’autorisation des médicaments protègent les patients et ne sont pas des étapes à négliger. Ces étapes sont en place pour garantir que les Canadiens ont accès à des médicaments sûrs et de haute qualité. Il est dans le meilleur intérêt des Canadiens, en tant que patients, membres de la famille et professionnels de la santé, que nous produisions des preuves cliniques solides sur la qualité, la sécurité et l’efficacité de ces médicaments.

Je vais m’arrêter là, vu que j’ai dépassé les cinq minutes. Mes collègues et moi-même serons heureux de répondre à vos questions.

Le président : Merci, madame Nix. Nous allons passer aux questions.

Auparavant, j’aimerais demander aux participants dans la salle d’éviter de s’approcher trop près du microphone ou d’enlever leur oreillette en le faisant, afin d’éviter tout retour de son qui pourrait avoir des répercussions négatives pour le personnel du comité dans la salle.

Les sénatrices Anderson et Deacon, des Territoires du Nord-Ouest et de l’Ontario, respectivement, viennent de se joindre à nous. Nous allons maintenant passer aux questions. La parole est d’abord au vice-président, le sénateur Boisvenu.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Je remercie les témoins de leur présence avec nous aujourd’hui.

Ma question s’adresse à Mme Reynolds ou à Mme Nix. Est-ce que les États-Unis sont beaucoup plus avancés quant à l’expérimentation de psychédéliques, notamment de la MDMA, auprès des anciens combattants?

[Traduction]

Mme Nix : Je vais demander à M. Weiss de répondre à cette question.

Samuel Weiss, directeur scientifique, Institut des neurosciences, de la santé mentale et des toxicomanies des IRSC, Instituts de recherche en santé du Canada : Oui, bonjour. Je sais qu’un plus grand nombre d’essais cliniques sur des drogues psychédéliques ont lieu aux États-Unis, mais j’ignore si davantage d’essais cliniques sont effectués auprès d’anciens combattants aux États-Unis.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Lorsque des expérimentations de médicaments aux États-Unis s’avèrent efficaces, doit-on reprendre le processus au Canada ou peut-on se fier aux études américaines pour autoriser une telle médication?

[Traduction]

Karen Reynolds, directrice générale, Direction des médicaments pharmaceutiques, Direction générale des produits de santé et des aliments, Santé Canada : Merci, sénateur, pour votre question. Santé Canada accepte des études menées à l’étranger dans le cadre d’une présentation de drogue nouvelle soumise par un demandeur en vue d’obtenir l’approbation d’une drogue nouvelle. Une demande peut être présentée à Santé Canada même si les essais cliniques n’ont pas été menés au Canada.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : C’est une bonne nouvelle de savoir que l’on ne doit pas reprendre le processus à zéro.

On sait que l’historique des États-Unis quant au traitement des anciens combattants est plus long que celui du Canada. Au Canada, je crois que la génération actuelle d’anciens combattants est la première que l’on doit traiter avec des médicaments de cette nature, alors qu’aux États-Unis, on les utilise depuis les années 1980.

Est-ce que le fait que le Canada compte un plus petit nombre d’anciens combattants et un nombre restreint de cliniques est une contrainte quant à l’expérimentation de ces médicaments?

[Traduction]

Mme Nix : Monsieur Weiss, pouvez-vous faire part de votre point de vue?

M. Weiss : Je ne suis au courant d’aucun traitement standard utilisant des drogues psychédéliques chez les anciens combattants depuis les années 1980, car, en fait, la plupart des essais cliniques sur la psychothérapie assistée par des drogues psychédéliques ont réellement commencé il y a 5 à 10 ans seulement.

La psychothérapie assistée par des drogues psychédéliques est beaucoup plus récente, à ma connaissance.

Le président : Madame Priest, avez-vous quelque chose à ajouter?

Stephanie Priest, directrice générale par intérim, Centre de la santé mentale et du bien-être, Agence de la santé publique du Canada : Je n’ai rien à ajouter du point de vue de la santé publique. Notre travail s’effectue en amont et consiste majoritairement à élaborer et à colliger des documents ainsi qu’à collaborer avec des partenaires au titre du Cadre fédéral relatif au trouble de stress post-traumatique.

Le président : Merci.

La sénatrice Anderson : Vous avez dit qu’il y a 13 essais cliniques en cours. Quels en sont les échéanciers et dans quelles régions du Canada ont-ils lieu? Comment choisit-on les participants?

Mme Reynolds : Merci beaucoup, sénatrice, pour votre question.

Je n’ai pas ces informations sous la main aujourd’hui au sujet de ces essais cliniques. Je vais devoir vous les transmettre ultérieurement.

La sénatrice Anderson : Ce serait fantastique si vous pouviez nous les transmettre par écrit.

Mme Nix : Peut-être que M. Weiss aurait des détails à vous donner au sujet des essais cliniques en cours, mais nous pourrons certes vous fournir une réponse plus complète par écrit.

M. Weiss : Je suis seulement au courant des essais cliniques en cours qui sont financés par les IRSC. Il n’y a pas d’anciens combattants qui participent à ces essais cliniques. Les participants sont issus de la population générale. Il s’agit en particulier de personnes souffrant d’un trouble dépressif majeur ou d’une dépression résistante au traitement. Il y a aussi un essai clinique sur le trouble de stress post-traumatique, je crois, qui vient tout juste d’être financé par le Centre pour la recherche sur la préparation en cas de pandémie et d’urgence sanitaire, mais il n’est pas mené auprès d’anciens combattants. Il vise les travailleurs de la santé de première ligne.

La sénatrice Anderson : Y a-t-il des essais cliniques qui sont menés auprès d’anciens combattants?

M. Weiss : Au Canada?

La sénatrice Anderson : Oui.

M. Weiss : Pas que je sache.

La sénatrice Anderson : Pouvez-vous nous dire combien de temps s’écoule entre les essais cliniques et la présentation d’une demande d’approbation? Quelle est la durée de ce processus? Quels sont les obstacles à l’heure actuelle?

Mme Reynolds : Je vous remercie pour votre question, sénatrice Anderson. Comme je l’ai mentionné, je n’ai pas sous les yeux les échéanciers pour les essais cliniques qui sont en cours. Comme vous vous en doutez, il y a une variété d’échéanciers.

En ce qui a trait à l’approbation par Santé Canada, le délai habituel pour l’examen d’une demande pour une drogue nouvelle est de 300 jours. Cela étant dit, nous avons des processus d’examen accéléré. Par exemple, nous avons le processus d’examen prioritaire lorsqu’il est question de besoins médicaux non satisfaits, alors un demandeur peut présenter une demande dans le cadre de ce processus, ce qui réduit le délai pour l’examen à 180 jours.

Le sénateur Yussuff : Je remercie les témoins pour leur présence aujourd’hui. Comme vous le savez, notre travail consiste à évaluer le niveau de soutien que nous pouvons offrir aux anciens combattants au pays qui souffrent d’un TSPT. Un certain nombre d’autres groupes de personnes vont également bénéficier de notre travail. Je suis heureux d’entendre qu’un certain nombre d’essais cliniques ont lieu au Canada, car ils nous permettent d’examiner les preuves et de les évaluer dans notre propre contexte. Cela dit, de bonnes études ont été menées aux États-Unis sur l’utilisation de ces différentes drogues.

Dans l’optique d’accélérer le processus en vue de fournir le traitement aux anciens combattants, est-ce que le ministère procède à une évaluation de ces études et tire des leçons? L’Alberta est l’une des premières provinces à avoir décidé d’utiliser certaines de ces drogues pour potentiellement traiter le TSPT. Est-ce que d’autres provinces pensent lui emboîter le pas, d’après les informations que vous possédez au ministère? Si tel est le cas, pourriez-vous nous en parler?

J’ai d’autres questions à poser qui portent précisément sur des études et sur ce que font d’autres administrations.

Mme Nix : Je vous remercie beaucoup pour votre question, sénateur Yussuff. Santé Canada est chargé d’autoriser la vente de drogues, et de leur côté, les provinces et les territoires ont la responsabilité de réglementer la pratique de la médecine et de fournir des services de santé.

Ce que l’Alberta a annoncé, dans le cadre de son nouveau règlement, vise à fournir un niveau de protection et de surveillance supplémentaire en ce qui concerne les services de santé faisant appel aux drogues psychédéliques.

Les lois fédérales réglementant les drogues vont continuer de s’appliquer, y compris les exigences relatives à la vente de toute drogue nécessitant l’approbation de Santé Canada avant d’être commercialisée et prescrite au Canada. Nous travaillons en étroite collaboration avec l’Alberta afin de bien comprendre la portée de ce nouveau règlement. À ma connaissance, c’est la seule province qui a commencé à élaborer des dispositions dans ce domaine.

Le sénateur Yussuff : Comment s’y prendra-t-on pour mettre sur pied des essais cliniques sur la psychothérapie assistée par des drogues psychédéliques? Est-ce que Santé Canada ou tout autre ministère ou organisme du gouvernement fédéral peut lancer un essai clinique? Si tel est le cas, pouvez-vous nous donner des exemples? Qui finance ces essais cliniques? J’ai entendu M. Weiss dire que les IRSC financent l’un de ces essais, mais quels autres ministères pourraient financer des essais cliniques? Est-ce que le ministère des Anciens Combattants pourrait financer son propre essai clinique s’il le souhaite?

Mme Reynolds : Je peux parler brièvement des demandes d’essais cliniques. Elles peuvent provenir d’un investigateur d’essais cliniques ou, comme vous pouvez le comprendre, d’une société pharmaceutique, par exemple.

En ce qui concerne ces demandes, ces dernières années, Santé Canada s’est efforcé d’expliquer davantage comment élaborer une demande d’essai clinique. Nous avons tenu 101 séances d’information sur les exigences générales relatives à une demande d’essai clinique afin de rejoindre la collectivité dans son ensemble, et nous avons également effectué des suivis. Parfois, nous tenons des séances individuelles auprès des investigateurs, et ensuite, des membres du personnel assurent un suivi. Ce travail a souvent lieu avant la présentation d’une demande afin de renseigner les demandeurs au sujet des exigences réglementaires, afin qu’ils soient en mesure de décider s’ils souhaitent ou non présenter une demande.

Nous travaillons en ce sens pour pallier le manque de connaissances à ce sujet chez les personnes ou les sociétés qui n’ont jamais présenté de demande, afin de faciliter la tenue d’essais cliniques au Canada.

Sénateur Yussuff, peut-être que M. Weiss aurait quelque chose à ajouter.

M. Weiss : Oui. Je vous remercie de cette question, sénateur. Nous travaillons en étroite collaboration avec Anciens Combattants Canada et nous avons collaboré avec eux à la recherche sur le cannabis. Étant donné que nous sommes l’organisme de recherche en santé qui finance les essais cliniques et qui procède à une évaluation examinée par les pairs de ces essais, nous pouvons certainement collaborer avec Anciens Combattants Canada à tout moment dans le cas où on voudrait élargir la portée et l’ampleur des essais cliniques sur la psychothérapie assistée par les psychédéliques. C’est tout à fait envisageable.

Le sénateur Yussuff : Compte tenu du peu de recherche menée dans ce pays en ce qui concerne les essais cliniques sur les psychédéliques — ma question est probablement biaisée —, diriez-vous que nous pourrions en faire plus?

M. Weiss : Je pense que les chercheurs vont toujours soutenir que faire plus de recherche est une bonne chose.

Les IRSC interviennent dans de nombreux domaines de recherche. Nous essayons de couvrir un large éventail de domaines, tant en santé mentale qu’en toxicomanie. Naturellement, à l’heure actuelle, nous essayons de nous pencher sur divers aspects, notamment la santé mentale postpandémique des jeunes au Canada. Les enfants et les jeunes sont hautement prioritaires, et la crise des drogues toxiques au Canada est également un domaine auquel la recherche accorde beaucoup d’attention.

Cela étant dit, je pense que tout le monde se réjouirait d’une recherche plus poussée dans les domaines qui semblent prometteurs, comme la psychothérapie assistée par les psychédéliques.

Le président : Merci. Madame Reynolds, avez-vous quelque chose à ajouter ?

Mme Reynolds : Non, monsieur le président.

Le président : Je vais demander à Mme Priest si elle a quelque chose à ajouter avant que nous poursuivions.

Mme Priest : Non, je vous remercie. Je ne pense pas avoir quoi que ce soit à ajouter à la discussion jusqu’à présent. Je me contenterais de répéter ce que M. Weiss a dit au sujet de la collecte d’information sur ce qui fonctionne et sur les raisons pour lesquelles cela fonctionne dans un certain nombre de populations différentes. Notre rôle à l’Agence de la santé publique, avec le cadre relatif au trouble de stress post-traumatique, est de parvenir à coordonner plus efficacement cette démarche au sein du gouvernement fédéral, et c’est un travail en cours. Merci.

Le président : Merci beaucoup.

Le sénateur Cardozo se joint à nous maintenant. Bienvenue au sous-comité, sénateur, et bienvenue au Sénat.

Sénatrice Deacon, avant que nous passions au deuxième tour, avez-vous quelque chose à ajouter?

La sénatrice M. Deacon : J’aimerais ajouter quelque chose à ce premier tour.

Merci à tous nos témoins d’être ici. Comme mon collègue vient de le dire, nous entreprenons ce travail parce qu’il est important que nous explorions toutes les options et que nous le fassions avec un sentiment d’urgence pour nos anciens combattants, qui en ont besoin dès maintenant.

J’ai obtenu des réponses à certaines de mes questions. Cependant, je veux vraiment bien comprendre. Au bout du compte, toute décision sur la viabilité de ces thérapies sera prise par vos services. Nous pourrions penser, vu notre impatience, que nous savons en quoi consiste le succès. Cependant, de votre point de vue, en quoi consiste le succès? Qu’est-ce que ces essais cliniques doivent vous révéler pour que vous puissiez déterminer qu’un traitement devrait être approuvé et offert à la communauté des anciens combattants, et ce, rapidement?

Mme Reynolds : Je vous remercie de votre question, sénatrice Deacon.

Pour qu’un nouveau médicament, ou tout autre médicament, soit approuvé au Canada, nous examinons trois aspects : l’innocuité du médicament, sa qualité et son efficacité. Est-il efficace pour l’usage auquel il est destiné? Nos normes de preuve sont les mêmes pour tous les nouveaux médicaments. C’est-à-dire qu’ils doivent répondre à ces critères en vertu du Règlement sur les aliments et drogues.

Comme nous l’avons déjà mentionné, la recherche sur l’utilisation des psychédéliques dans la psychothérapie assistée par les psychédéliques pour le TSPT progresse. C’est prometteur, mais je crois comprendre que des recherches supplémentaires sont nécessaires dans la plupart des domaines, avant qu’il soit possible de soumettre une demande d’approbation d’un nouveau médicament.

Cela étant dit, je crois savoir que l’organisme MAPS, dont a parlé ma collègue Mme Nix, a annoncé publiquement au début du mois qu’il avait terminé les essais cliniques de phase 3, soit le dernier niveau ou la dernière phase des essais cliniques avant la demande d’autorisation de mise en marché de la MDMA pour le TSPT. Ils vont soumettre un dossier final à la Food and Drug Administration des États-Unis pour approbation en 2023. Je pense que c’est une avancée prometteuse pour la MDMA dans cet espace, comme produit susceptible d’être autorisé.

Nous ne savons pas encore quand une demande pourrait être soumise à Santé Canada.

La sénatrice M. Deacon : Cela suscite un intérêt accru. Est-ce que le nombre d’organisations qui demandent à participer aux essais augmente? Est-ce qu’il y a une hausse?

Mme Reynolds : Nous avons reçu plus de demandes récemment. L’intérêt est assurément plus marqué ces derniers temps.

Le sénateur Boisvenu : Ma question s’adresse à M. Weiss.

[Français]

Docteur Weiss, il semble y avoir un débat chez Santé Canada. J’écoute les représentantes, ici, et elles semblent très favorables à l’expérimentation des substances psychothérapeutiques psychédéliques pour les anciens combattants, ce qui n’est pas la position d’Anciens Combattants Canada, qui s’oppose à la psychothérapie basée sur les psychédéliques. Comment, selon vous, va-t-on gérer cette apparence de conflit entre Anciens Combattants Canada et Santé Canada?

[Traduction]

M. Weiss : Je vous remercie de votre question, sénateur. Je ne crois pas avoir entendu dire qu’Anciens Combattants Canada ne soutenait pas l’expérimentation et les essais cliniques de la psychothérapie assistée par les psychédéliques pour les anciens combattants ou pour la population en général.

Si je comprends bien la question, leur préoccupation est probablement plutôt liée au soutien qu’ils apporteraient au financement des cliniciens qui proposent des psychothérapies assistées par les psychédéliques à ce stade, alors qu’elles n’ont pas encore atteint le seuil d’approbation sur les plans scientifique et réglementaire. Mais je n’ai pas entendu dire qu’ils ne souhaitaient pas que la recherche et la science progressent. Les entretiens que j’ai eus avec les gens du ministère des Anciens Combattants m’ont donné à croire qu’ils sont très intéressés par ces travaux.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Les gens de Santé Canada ont-ils la même opinion que le Dr Weiss à ce sujet? Est-ce que dans leurs échanges avec Anciens Combattants Canada, ils émettent une opinion semblable à celle de Santé Canada ou y a-t-il des opinions qui semblent contraires entre les deux organismes?

[Traduction]

Mme Nix : Je vous remercie, sénateur, de me donner l’occasion de faire quelques observations supplémentaires.

Je suis d’accord avec M. Weiss. Je n’ai pas entendu parler d’une quelconque réticence de la part de mes homologues du ministère des Anciens Combattants à mieux comprendre la science et les preuves entourant la psychothérapie assistée par les psychédéliques dans le traitement d’un certain nombre de problèmes de santé mentale dont peuvent souffrir les anciens combattants.

La sénatrice Anderson : On reconnaît les lacunes et le manque de services destinés aux anciens combattants. On a récemment révélé qu’un intervenant du ministère des Anciens Combattants avait proposé à au moins quatre ou cinq anciens combattants l’option de l’aide médicale à mourir.

Est-ce que Santé Canada tient des statistiques sur les demandes d’utilisation spéciale ou exerce une surveillance dans le contexte de la crise des drogues toxiques, en particulier pour les anciens combattants?

Mme Nix : Puis-je vous demander de reformuler votre question? Je ne suis pas sûre de bien la comprendre.

La sénatrice Anderson : Dans le cadre de votre travail à Santé Canada, disposez-vous de statistiques particulières sur les anciens combattants qui pourraient être concernés... On a mentionné la crise des drogues toxiques. J’imagine que si vous ne pouvez pas vous procurer des drogues légalement, vous allez les obtenir illégalement... Comment cela peut-il affecter les anciens combattants?

Nous avons également entendu dans des témoignages précédents que l’accès spécial n’est pas une option viable, que ce n’est pas souvent approuvé et que ce n’est pas une source fiable pour les anciens combattants.

Je me demande, du point de vue de Santé Canada, si vous voyez que les lacunes dans les services offerts aux anciens combattants les placent dans une situation difficile qui équivaut probablement à une crise parce qu’ils ne sont pas en mesure d’accéder aux services et qu’on leur offre maintenant l’option de l’aide médicale à mourir parce que ces services font défaut ou sont inexistants.

Mme Nix : Je vous remercie de cette question. Je commencerais par dire que nous ne recueillons pas de données nous permettant de savoir qui sont des anciens combattants et qui n’en sont pas. Je demanderais à Karen de parler peut-être du Programme d’accès spécial et de la possibilité d’y accéder.

Mme Reynolds : Je vous remercie de votre question, sénatrice. Le Programme d’accès spécial, comme vous le savez peut-être, donne accès à des produits qu’on ne peut autrement acheter, pour le traitement de conditions graves et potentiellement mortelles.

En ce qui concerne le nombre total d’approbations dans le cadre du Programme d’accès spécial, pour la psilocybine, nous avons 44 approbations pour 58 patients; pour la MDMA, il n’y a aucune approbation. Nous avons reçu 11 demandes, mais n’avons pu en approuver aucune parce que nous n’avons aucune source de MDMA de qualité pharmaceutique. Dans le cadre du Programme d’accès spécial, nous cherchons à fournir aux patients ce que nous appelons un produit de qualité pharmaceutique ou conforme aux bonnes pratiques de fabrication. Nous savons ainsi qu’il s’agit d’un produit pur, qui ne contient aucune autre substance. Ce sont les nombres d’approbations.

La sénatrice Anderson : Savez-vous combien de demandes vous avez eues?

Mme Reynolds : Au total, 62 patients ont demandé de la psilocybine. Comme je l’ai dit, les demandes de 44 patients sur 58 ont été approuvées à ce jour. Pour la MDMA, nous avons eu 11 demandes, pour 11 patients, mais nous n’en avons autorisé aucune parce que nous n’avons pas de source d’approvisionnement pour ces patients.

Le sénateur Yussuff : La majorité des études sur les psychédéliques dont nous parlons sont réalisées aux États-Unis. Mais, bien sûr, les États-Unis ne sont pas le seul pays à autoriser l’utilisation des psychédéliques.

Pourriez-vous nous parler des pays autres que les États-Unis qui ont utilisé des psychédéliques pour traiter le TSPT? Et quelle évaluation est-ce que Santé Canada fait des preuves provenant d’autres pays?

Mme Reynolds : Je vous remercie de votre question, sénateur Yussuff. Je n’ai pas d’information sur ce qui se passe dans d’autres pays parce que nous ne sommes pas encore à l’étape de la présentation d’un nouveau médicament. Comme je l’ai mentionné, si un promoteur devait présenter un nouveau médicament, il pourrait utiliser des essais cliniques provenant de divers autres pays s’il le souhaite. Il n’est pas nécessaire que les essais cliniques proviennent uniquement du Canada. Mais comme nous n’en sommes pas encore à ce stade, le travail du ministère et de l’organisme de réglementation est axé sur l’approbation des demandes d’accès spécial ou des demandes d’essais cliniques pour le moment.

Le sénateur Yussuff : Je pense que vous comprenez qu’il y a une crise au pays, et plus particulièrement chez nos anciens combattants. Les anciennes combattantes sont plus susceptibles que les hommes de rencontrer des difficultés et de se suicider. Notre travail consiste à trouver un moyen d’accélérer le processus d’accès aux traitements.

Pour certains traitements, il ne suffit pas d’avoir accès au médicament; il faut aussi suivre une thérapie. Le gouvernement provincial est le fournisseur de soins de santé à ce niveau. Lorsqu’on demande au ministère d’autoriser l’utilisation de médicaments, le défi est de reconnaître que certains de ces médicaments ne peuvent pas simplement être administrés sans thérapie, sinon ce serait un échec total.

Comment le ministère évalue-t-il la situation lorsque les provinces lui demandent d’autoriser l’utilisation de ces médicaments et thérapies pour les anciens combattants qui en ont besoin? Est-ce que la décision revient simplement à la province? Est-ce que la province fera les deux en tenant compte de la façon dont l’utilisation des médicaments peut se faire en toute sécurité? Ou est-ce que le ministère dira à la province qu’à moins qu’elle fournisse la thérapie, il n’en autorisera pas l’utilisation dans la province?

Mme Reynolds : Je vous remercie de cette question, sénateur Yussuff. Si un promoteur présentait une demande visant une nouvelle drogue destinée à être utilisée dans le cadre d’une psychothérapie assistée par des psychédéliques, l’autorisation, comme c’est le cas pour tout médicament à l’heure actuelle, établirait les conditions d’utilisation appropriées. Une fois que le médicament est approuvé, en ce qui concerne son utilisation, il appartient au professionnel de la santé de le prescrire pour l’usage prévu ou, dans certains cas, pour un usage non conforme. Mais c’est au professionnel de la santé de prescrire le médicament de la manière dont il a été autorisé à être utilisé dans le cadre de la pratique de la médecine. Si vous parlez de remboursement et autres pour la thérapie, il reviendrait effectivement à la province ou au territoire de prendre des décisions à ce sujet.

Le sénateur Yussuff : D’après les preuves recueillies jusqu’à présent, la thérapie psychédélique peut-elle améliorer le traitement du TSPT, d’après vos évaluations à ce jour?

Mme Reynolds : Merci encore pour cette question, sénateur Yussuff. En ce qui concerne les essais cliniques, je tiens à préciser que Santé Canada autorise actuellement la réalisation de certains essais cliniques. Nous ne sommes pas en mesure d’évaluer les résultats de ces essais cliniques. Cela ne se produit que lorsqu’un promoteur présente une demande d’autorisation pour un médicament. À ce moment-là, nos évaluateurs examineraient les preuves et verraient si elles satisfont au seuil d’autorisation au Canada, mais nous ne le faisons pas avant d’avoir reçu une demande de nouveau médicament.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : C’est presque une question de curiosité personnelle, comme on a un peu de temps, et elle s’adresse au Dr Weiss et peut-être aux gens de Santé Canada.

Docteur Weiss, on sait que pour toute la démarche psychothérapeutique, on est dans le domaine de la relativité, dans le sens que chaque psychothérapie est propre à chaque individu. Il n’y a jamais de tronc commun.

Comment fait-on pour évaluer la performance d’un médicament, comme on utilisera des médicaments psychédéliques, donc des produits chimiques? Comment évaluer leur performance lorsqu’on est dans le domaine de la relativité, comme c’est le cas de la psychothérapie?

Je suis curieux de savoir quels sont les éléments de base pour évaluer la performance de ces démarches.

[Traduction]

M. Weiss : Merci. C’est une excellente question, et elle est importante. Lorsque nous effectuons l’examen par les pairs d’essais cliniques randomisés, il s’agit normalement de comparer une thérapie unique à un placebo, ou à une non-thérapie, pour un groupe similaire d’individus dans le cadre de ce que nous appelons une étude à double insu : ni la personne qui administre la thérapie, ni la personne qui l’évalue, ni les bénéficiaires de la thérapie ne savent qui reçoit le médicament ou qui ne le reçoit pas. C’est donc une étude à double insu.

Dans le cas de la psychothérapie assistée par les psychédéliques, étant donné que la psychothérapie est actuellement le meilleur traitement du TSPT, lorsque nous l’étudions, par exemple, dans une sous-population qui souffre de TSPT, une forme reconnue de psychothérapie doit être administrée à tous les bénéficiaires de l’essai. Une moitié recevra la psychothérapie ainsi que ce que nous appelons un placebo, qui sera une pilule ou une injection du médicament, mais sans le médicament, simplement avec une solution saline qui devrait normalement contenir le médicament. L’autre moitié reçoit le médicament lui-même.

La psychothérapie est structurée, dispensée par un psychothérapeute agréé et en exercice, utilisant une psychothérapie dont l’efficacité est reconnue pour le TSPT. Nous voyons ensuite si l’ajout du composé psychoactif améliore le résultat, mais ni le patient ni la personne qui l’administre ne savent qui reçoit le composé psychoactif et qui ne le reçoit pas.

Parce qu’ils sont microdosés, les composés psychoactifs ne produisent pas le même type de psychoactivité ou d’hallucinations que des doses plus importantes, ce qui permet d’en étudier très soigneusement les avantages. Mais en réalité, la psychothérapie elle-même est administrée à toutes les personnes qui participent à l’essai. La différence est que certaines personnes reçoivent le psychédélique et d’autres non. Cela permet aux personnes qui l’évaluent de voir parmi ce groupe qui s’est amélioré et qui ne s’est pas amélioré, puis de déterminer si cela est attribuable au psychédélique ou non.

L’autre point important à soulever ici est que, vous avez raison, nous avons affaire à des individus, tous très différents et aux histoires différentes, et certains vont mieux répondre à la psychothérapie que d’autres. C’est pourquoi il faut faire passer les essais des phases 1 et 2 — qui se concentrent beaucoup sur l’innocuité — à ce que l’on appelle un essai de phase 3, qui repose sur le fait connu que l’administration de la psychothérapie ou de la substance psychédélique n’est pas dangereuse. Vous augmentez donc le nombre de personnes soumises à l’essai parce que vous ne craignez plus qu’il y ait trop d’événements indésirables.

En ce qui concerne les essais de phase 3 pour la psychothérapie assistée par les psychédéliques chez les anciens combattants, aucun n’a encore été publié, et aucun n’a été examiné par des pairs. Oui, ces essais ont été entrepris, mais ils n’ont pas encore été examinés par la communauté médicale et scientifique dans la mesure où nous pouvons dire qu’ils sont efficaces pour les anciens combattants souffrant de TSPT.

La Multidisciplinary Association for Psychedelic Studies des États-Unis a annoncé que des essais de phase 3 ont été réalisés et qu’il existe des preuves. Mais si c’est le cas, ils n’ont pas encore fait l’objet de publications dans les revues scientifiques. Pour nous, c’est très important que les résultats soient publiés, car il faut que des pairs se soient penchés sur toutes les questions que vous avez posées : avez-vous veillé à ce que l’âge et l’expérience des patients soient similaires, et avez-vous des données qui montrent que ceux qui ont reçu des psychédéliques se sont nettement améliorés? Pour le moment, même si nous avons des groupes importants d’anciens combattants atteints de TSPT, les résultats des essais n’ont pas encore été publiés dans les revues scientifiques.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Docteur Weiss, je comprends très bien votre réponse. On sait que les thérapies peuvent avoir un effet à court terme comme à long terme.

Est-ce que les groupes contrôles, ceux qui reçoivent la médication, sont suivis après la fin de la thérapie sur une longue période, afin de savoir si ces problèmes vont revenir? Une fois que la thérapie est finie, laisse-t-on ces gens retourner à leur occupation normale? Y a-t-il un suivi à long terme qui est fait?

[Traduction]

M. Weiss : Je vous remercie de cette question, sénateur. Jusqu’à présent, la majorité des essais ont été de courte durée et ont porté sur les réponses et les améliorations qui se produisent pendant le traitement et pendant une période de temps relativement courte après le traitement. Il ne fait donc aucun doute qu’il faudra des essais ultérieurs pour étudier les incidences à long terme, une fois que la psychothérapie assistée par les psychédéliques aura cessé d’être administrée, afin de voir si l’amélioration, le cas échéant, persiste pendant de longues périodes. Ces études n’ont pas encore été réalisées, non.

Le président : Je vous remercie beaucoup, monsieur Weiss. Je vais maintenant donner la parole à Mme Priest pour qu’elle puisse ajouter quelque chose à la discussion si elle le souhaite.

Mme Priest : Non, je n’ai rien à ajouter, mais je tiens à dire que j’aime beaucoup écouter et apprendre à vos côtés. La majeure partie de notre travail consiste à coordonner et à diffuser plus efficacement les renseignements sur ce qui fonctionne, et c’est la raison pour laquelle j’ai beaucoup aimé écouter la discussion d’aujourd’hui avec mes collègues. Je vous remercie.

Le président : Je vous remercie. J’ai une brève question à poser à tous les témoins. Je sais que c’est un processus lent, mais de nombreuses personnes souffrent d’un trouble de stress post-traumatique et d’autres conséquences liées au service. Dans combien de temps l’examen par les pairs sera-t-il publié? Combien de temps faudra-t-il attendre avant d’avoir une idée de l’efficacité de ces médicaments, afin que les gens puissent peut-être obtenir l’aide dont ils ont besoin si ces médicaments sont réellement efficaces?

Mme Reynolds : Parlez-vous de la trajectoire et de la durée des recherches en cours?

M. Weiss : Sénateur, je suis tout à fait conscient que de nombreux anciens combattants, ainsi que des membres du personnel de la sécurité publique, des travailleurs de la santé de première ligne, des réfugiés, des immigrants et d’autres Canadiens souffrent d’un trouble de stress post-traumatique. Chaque jour, nous travaillons avec diligence pour améliorer l’accès aux traitements fondés sur des données probantes pour toutes les populations et, bien entendu, pour nos anciens combattants en particulier.

Je crois que les mécanismes qui sont mis en place pour étudier l’efficacité de la psychothérapie assistée par des substances psychédéliques servent à veiller à ce que les anciens combattants reçoivent les meilleurs soins et que nous ne causions aucun préjudice lorsque nous offrons de nouveaux traitements. Les échéanciers semblent toujours terriblement longs, comme c’est aussi le cas pour les nouveaux traitements contre le cancer destinés aux personnes en phase terminale et les autres maladies chroniques qui limitent l’espérance de vie.

J’ai en fait l’impression qu’à l’échelle mondiale — et cela comprend le Canada —, on collabore très efficacement pour faire progresser le plus rapidement possible la psychothérapie assistée par des substances psychédéliques pour les personnes qui en ont besoin, notamment les anciens combattants qui souffrent d’un trouble de stress post-traumatique. Je suis convaincu que les échéanciers ne sont pas sciemment prolongés, mais qu’ils le sont uniquement pour veiller à protéger les personnes qui protègent aussi les populations, de sorte que ces personnes reçoivent des traitements susceptibles de les aider au lieu de leur nuire.

Les essais en cours me permettent de croire que d’ici deux ou trois ans, nous devrions comprendre beaucoup mieux ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas, et les personnes pour lesquelles cela fonctionne. Encore une fois, cela tient compte du fait qu’une psychothérapie structurée donne déjà de bons résultats pour de nombreux anciens combattants souffrant d’un trouble de stress post-traumatique. Si nous pouvons faire en sorte que ces anciens combattants aient accès à cette psychothérapie et si elle peut être renforcée par des substances psychédéliques, je dirais que d’ici deux à trois ans, nous aurons une meilleure idée de la validité de ces preuves et de la mesure dans laquelle nous pouvons offrir ces nouveaux traitements à nos anciens combattants et à d’autres personnes qui souffrent d’un trouble de stress post-traumatique.

Cependant, il reste encore beaucoup de travail à faire, non seulement au Canada, mais aussi dans le monde entier. Nous suivons la situation de très près, sénateur, et nous n’attendons pas. Nous faisons progresser la recherche scientifique aussi rapidement que possible, et nous accueillons les commentaires de nos collègues du monde entier qui effectuent des essais comme les nôtres. Un peu partout dans le monde, on s’efforce de faire avancer cette voie très prometteuse.

Le président : Oui, monsieur. Je suis conscient que les études cliniques sont des études cliniques et qu’elles doivent être menées avec une grande prudence. Je m’inquiète aussi un peu de ce qui se passera après les études cliniques, lorsque ces médicaments seront offerts dans la rue ou dans les circuits pharmaceutiques. Je suis un peu inquiet, car comme le sénateur Boisvenu l’a dit plus tôt, chaque personne est unique, et les produits pharmaceutiques peuvent avoir des effets négatifs. Je suis donc heureux de savoir que ces études cliniques sont menées avec prudence.

Le sénateur Yussuff : Monsieur Weiss, l’année dernière, l’État du Texas a adopté une loi qui exige de mener une étude sur les avantages potentiels du traitement avec substances psychédéliques pour les anciens combattants qui souffrent d’un trouble de stress post-traumatique, y compris, bien entendu, des essais cliniques sur l’effet thérapeutique de l’utilisation de la psilocybine dans le traitement de ceux qui sont résistants aux autres traitements pour le trouble de stress post-traumatique. Pour mettre les choses en contexte, le plus grand nombre d’anciens combattants dans un seul endroit aux États-Unis se trouve dans l’État du Texas, où ils sont quelque 1,45 million, comparativement au Canada, où il y a environ 600 000 anciens combattants.

Vous avez indiqué qu’Anciens Combattants Canada avait établi un partenariat avec les IRSC pour réaliser une étude sur l’utilisation d’autres traitements pour aider à traiter les anciens combattants. Est-il possible qu’Anciens Combattants Canada demande aux Instituts de recherche en santé du Canada, ou IRSC, de mener une étude semblable, comme vous l’avez fait pour l’utilisation du cannabis, et une telle proposition entraînerait-elle une collaboration entre les IRSC et Anciens Combattants Canada?

M. Weiss : Nous serions certainement heureux de faire cela, comme nous l’avons fait lorsque nous avons collaboré à la recherche sur l’utilisation du cannabis pour soulager la douleur chronique chez les anciens combattants, une étude en cours qui est soutenue par des fonds d’Anciens Combattants Canada. Si Anciens Combattants Canada devait indiquer aux IRSC qu’il souhaite parrainer des essais supplémentaires, nous avons la capacité de tirer parti de ces possibilités de financement et de nous assurer que les meilleurs chercheurs au pays entreprennent ces travaux de manière à obtenir des réponses importantes au sujet de l’efficacité, des effets secondaires et d’autres variables.

Bref, sans trop entrer dans les détails, nous sommes toujours ouverts à la collaboration, et nous collaborons très efficacement avec Anciens Combattants Canada.

Le sénateur Yussuff : Je vous remercie beaucoup. Permettez-moi également de remercier les intervenants des IRSC de l’excellent travail qu’ils effectuent dans un grand nombre de domaines à l’échelle du pays. Au nom du Comité, je tiens à vous remercier, vous et les autres témoins, de vos déclarations préliminaires sur la question à l’étude.

M. Weiss : Je vous remercie, sénateur.

Le président : Avant de mettre fin à la réunion, j’aimerais poser une très brève question. Si la MDMA était approuvée aux États-Unis, son approbation serait-elle accélérée ici, au Canada? Autrement dit, cela influencerait-il la décision du gouvernement du Canada ou celle de Santé Canada?

Mme Reynolds : Je vous remercie de votre question. Nous mènerions un examen si un formulaire de présentation d’un nouveau médicament était déposé. Les décisions de la FDA des États-Unis n’ont aucune incidence sur nos décisions. Il faudrait donc qu’un formulaire de présentation d’un nouveau médicament au Canada soit déposé, et nous pourrions alors l’examiner. Comme je l’ai déjà mentionné, nous pouvons offrir des processus d’examen accéléré aux promoteurs de nouveaux médicaments qui souhaitent en faire la demande, ce qui permettrait ensuite de réduire le temps requis pour l’examen.

Le président : J’aimerais remercier monsieur Weiss, les témoins et les sénateurs. Cette réunion a été extrêmement productive, et je vais maintenant l’ajourner.

(La séance est levée.)

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